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Full text of "Philosophie du XIXe siècle; étude encyclopédique sur le monde et l'humanité"

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HARVARD 
COLLEGE 
LIBRARY 


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PHILOSOPHIE 


DU  XIX«  SIÈCLE. 


-^^XtK^,  tSrmiHBBIfi  W.  BL$S»SriL. 


GUÉPIN. 


^  .      iJT 


PHILOSOPHIE 


DU 


XIX!  SIÈCLE. 


trUDE  EEfCTOLOPfiDIQUE 

8Va  Ll  MMIBS  ET  I.'HQaAllITt. 


Ans  plat  déakérilfa 
le  plut  d*t 


PARIS. 

GUSTAVE  SANDRE,  ÉDITEUR 

li ,  KCE  PBRC£E-S<-iHDR£-DE8-ARTS. 

an. 


l  Harvard    Collège   L   ,rary 


WQiiest  of 


I  Iioweli  Puinam 


DU  SIÈCLE, 


LIVRE  I. 


DE  L'ŒirV'RE  CONTEMPORAINE. 

Qae  de  siècles  écoulés  depuis  qu'existe  le  genre  humain  ! 
ils  ont  passé  plus  rapides  dans  la  vie  de  l'humanité  que 
les  jours  dans  la  vie  humaine.  Chacun  d'eux  a  eu  joies , 
peiaes ,  espérances  ;  chacun  son  œuvre  qu'il  a  léguée  aux 
siècles  à  venir  :  ainsi  dans  nos  forêts,  chaque  année  laisse 
à  celle  qui  la  suit ,  pour  augmenter  l'humus  fertilisant , 
les  feuilles  desséchées  de  nos  arbres.  Chaque  siècle  aussi 
a  eu  son  génie  particulier,  ses  rêves,  ses  pressentiments  : 
grande  poésie,  langue  sacrée  dans  le  passé,  dont  les  prêtres 
se  servaient  pour  expliquer  aux  peuples  la  volonté  des  Dieux. 

Sous  tous  ces  rapports,  le  nôtre  continuera  ses  devanciers. 

Le  philosophe  de  notre  époque,  l'ami  véritable  de  la 
sagesse  ne  se  borne  pas  à  la  vie  sensitive  et  matérielle  des 
premiers  âges.  La  parole  sainte,  révélée  aux  sanctuaires  de 
rinde,  de  Babylone  et  de  Memphis,  ne  lui  suffit  même 
plus.  Il  veut  écouter  les  impulsions  de  son  cœur,  les  cris 
de  sa  conscience  et  le  langage  souvent  austère  de  sa  raison, 
dans  les  conditions  les  plus  harmoniques.  —  Emané  de 
cette  grande  nature  qui  de  toutes  parts  le  presse  et  l'en- 
vironne, il  l'interroge  dans  l'espace  et  dans  le  temps, 
dans  la  cosoK^graphie  et  dans  l'histoire ,  dans  les  cieux  et 


6  PHILOSOPHIE 

sur  le  globe  qui  nous  porte,  pour  en  obtenir  le  secret  de 
ses  œuvres  et  la  révél^ion  scientifique  de  ses  lois.  —  Il  a 
besoin  d'apprendre  les  my»tère»  de  ces  transformations  qui 
font  passer  la  substanj^e,  àrtrfi^vers  mille  métamorphoses, 
de  rétat  inerte  à  la  vie  la  plu»  élevée.  —  Désireux  de 
connaître  sa  destinée  et  celle  de  ses  frères ,  il  a  besoin  de 
bien  comprendre  les  relations  qui  existent  entre  le  ciel  et 
la  terre ,  entre  la  terre  et  l'homme  ;  il  a  besoin  de  connaître 
l'organisation  humaine  selon  les  races  et  selon  les  sexes , 
féducation  qui  convient  au  genre  humain  selon  ses  diffé- 
rents âges  et  la  mission  qu'il  est  appelé  à  remplir  :  aussi 
reprend-il  sans  cesse  avec  ardeur  l'œuvre  de  ses  devanciers, 
pour  la  développer  selon  ses  forces,  bien  persuadé  que  la 
science  de  la  nature  entière  ou  physiologie,  embrasse 
toutes  les  connaissances  qu'il  lui  est  donné  d'acquérir. 

Plusieurs  rapetissent  singuUèrement  la  grandeur  et  la 
portée  de  la  philosophie.  Ne  pouvant  s'élever  à  sa  hauteur, 
ils  la  font  à  leur  taille,  sans  comprendre  qu'elle  est  l'un 
des  aspects  sous  lesquels  tous  les  problêmes  se  présentent 
à  notre  entendement;  sans  se  douter  que  la  science,  la 

Shilosophie ,  la  religion  sont  les  trois  formes  intellectuelles 
e  tout  ce  qui  frappe  nos  sens.  —  Nous  les  laisserons  de 
côté,  estimant  qu'il  vaut  mieux  parler  à  quelques  hommes 
(le  bon  cœur,  à  quelques  esprits  d'élite,  que  de  perdre 
son  temps  à  redresser  des  rouages  mauvais  et  faussés. 

Il  y  a  un  peu  plus  de  cinquante  ans.  De  Laplace,  dans 
sa  Mécanique  Célesie  et  dans  son  Système  du  Monde,  ensei- 
gnait à  ses  lecteurs  comment,  la  substance  gazeuse  une 
fois  donnée,  les  attractions,  c'est-à-dire  la  gravitation  et 
les  affinités  suffisent  à  expliquer  la  formation  et  le  mou- 
vement du  système  solaire. 

Deux  hommes  de  génie  ne  tardèrent  pas  à  le  suivre 
dans  cette  voie.  L'un,  Geoffroy  Saint-Hilaire,  comprit  que 
la  providence  a  pour  les  êtres  doués  de  vie  animale ,  un 
plan  d'organisation.  —  L'autre,  De  Lamark,  essaya  de 
développer  la  loi  de  transformation  des  êtres  d'ordre  vé- 
gétal et  animal. 

Tous  les  trois  avaient  été  précédés  par  Descartes  qui, 
dans  son  discours  sur  la  méthode,  pose  hardime;it  la  grande 


DU  SIECLE.  7 

question.  Tunique  question  si  philosophique  à  laquelle 
toutes  les  autres  se  rattachent  :  le  comment  des  choses^ 

Descartes  avait  eu  lui-même  de  nombreux  précurseurs  : 
c'était,  entr'autres,  le  moine'  Roger  Bacon,  qui  dépensa 
à  Paris  80  mille  francs,  yAear  actuelle,  pour  étudier  les 
sciences  et  surtout  Fécole  pythagoricienne ,  école  éminem- 
ment ÎBdduev'  mais  treasplantée  à  Crotone  par  son  célèbre 
fondateur.  C'est  ainsi  que  les  racines  du  grand  arbre  de  la 
science  touchent  au  fojer  des  premières  et  plus  anciennes 
traditions  connues. 

Notre  siècle  Tit  singulièrement  et  à  son  insu,  de  la  pen- 
sée qui  animait  les  sages  des  bords  du  Gange ,  les  pytha- 
gorici^is  qui  les  ont  continués  au  sein  des  Péiasges,  et  les 
druides  qui  n'étaient  autre  chose  que  les  pythagoriciens 
(le  la  race  gauloise.  Le  vieil  esprit  de  nos  pères  semble 
guider  leurs  fils  vers  les  plus  grandes  conquêtes  que  puisse 
ambitionner  rintelUgœce. 

L'œuvre  du  siècle,  ce  sera  de  compléter  chacun  des 
rameaux  de  la  science  et  de  les  rattacher  au  tronc  commun  ; 
ce  sera  encore  de  faire  du  credo  scientifique  qui  en  sera 
la  conséquence,  le  credo  des  classes  qui  ont  aujourd'hui 
le  privilège  de  l'éducation,  le  credo  de  celles  qu'il  importe 
à  la  justice  d'élever  à  la  science ,  à  la  morale  et  aux  vertus 
qui  en  sont  la  conséquence. 

Ne  dites  pas  au  sage  que  le  besoin  de  savoir  qui  l'agite , 
que  les  inquiétudes  qui  le  toiu*mentent ,  que  cette  fièvre 
d'améliorations  qui  le  dévore  sont  inconnus  au  peuple. 
Parmi  tous  ces  pauvres  travailleurs  qui  suent  du  matin  au 
sdr,  qui  si  souvent  devancent  l'aurore  et  que  la  nuit  sur- 
prend encore  à  la  peine,  en  est*il  un  qui  ne  se  soit  jamais 
interrogé  à  sa  manière  sur  le  comment  des  choses  i  un  seul 
qui  ne  se  soit  jamais  questionné  sur  sa  nature  et  sa  des- 
tinée ,  un  seul  qui  ne  se  soit  pas  posé  ces  trois  questions 
si  facàes  à  agrandir  : 

Qui  suis-je  ? 

Pourquoi  suis-je  ce  que  je  suis  ? 

Que  deviendrai-je  un  jour? 

^  le  pauvre  ne  sait  point  les  discuter  et  les  résoudre  à 
la  manière  des  hommes  qui  ont  eu  le  loisir  de  l'étude  et  le 


8  PHILOSOPHIE 

privilège  de  s'y  livrer,  à  qui  la  faute?  Si  nos  sciences 
manquent  au  peuple ,  si  la  misère  l'avilit ,  si  la  civilisation 
le  néglige  ou  le  dégrade,  qui  faut-i).  en  accuser?  Pourquoi 
l'abandonner  à  cette  absence  tofale  a  exercice  des  facultés 
intellectuelles  qui  en  prQ4ûit,néç,çssaifen;ïent  la  faiblesse, 
comme  l'absence  d'action  d'^n  me^pibré,  produit  son  atro- 
phie, son  dépérissement,  Le  'plus,  grand. ae  tpus  les  mal- 
heurs n'est-ce  donc  point  de  passer  à  travers  la  vie  sans  la 
comprendre,  à  la  manière  d'un  anipal  inférieur,  comme 
un  homme  ivre  ou  endorçii?, 

Ce  qui  s'applique  si  tristement  aux  pauvres,  n'est-il  pas 
encore  d'une  déplorable  vérité  quand  il  s'agit  des  femmes 
et  même  de  celles  des  classes  élevées  ^  dont  si  peu  reçoivent 
une  éducation  réellement  scientifique  ? 

Gardez-vous  de  dire  au  sage  que  les  femmes  ne  sont 
aucunement  capables  d'étudier  les  sciences,  car  il  vous 
répondrait  qu'elles  ne  sont  complètement  mères  qu'à  la 
condition  de  donner  à  leurs  ei^jjapjs,  après  le  lait' de  leurs 
mamelles,  la  première  nourriture  intellectuelle  et  morale. 

Ne  lui  dites  pas  non  plus  que  le  pauvre,  dont  vous 
voulez  l'éloigner,  sera  -plein  4*mgratitude  ;  qu^il  est  vani- 
teux, personnel,  trop  souvent  dur,  cruel  et  sans  entrailles; 
qu'il  a  plus  de  vices  iqiie  de  vertus.  N'ajoutez  pas  que 
rhomme  des  classes  inférieures  est  indigne  de  toute  éman- 
cipation intellectuelle;  qu'il  est  ivrogne,  colère,  plein  de 
rancune,  de  défiance  et  de  jalousie;  car  plus  le  pauvre 
lui  paraîtra  mauvais  et  dégradé  par  l'ignorance ,  plus  le 
sage  éprouvera  le  besoin  de  lui  venir  en  aide.,  d'étudier 
ses  misères  et  ses  maladie?  morales  et  physiques,  de  se 
pencher  vers  lui  pour  lui  donner,  après  l'enfance,  cette  édu- 
cation, cette  nourriture  intellectuelle  qui  lui  a  manqué  ou 
qu'il  n'a  reçue  qu'incomplètement  dans  son  jeune  âge. 

ÎBien  peu  de  vérités  ont  .pépétré,  jusqu'à  ce  jour,  dans 
l'esprit  des  peuples  les  plus  çiyilîsQS ,  et  les  masses  entières 
dominées  par  l'ignorance  4.  sefublent  enchaînées  à  leurs 
misères  comme  un  trouppgi^  dé  bêtes  réduites  à  ce  que  les 
gens  du  monde  appellQui  te.  pur  instinct.  L'ignorance  et  la 
misère,  voilà,  depuis  l'origine  des  sociétés,  le  triste  lot  de  la 
majeure  partie  des  hommes. 


BU  SIÈCLE.  9 

ÙoBuvre  encore  si  peu  comprise  des  premiers  jours  du 
thristianisme ,  ce  fut  d'élever  le  peuple  aux  enseignements 
des  sancluairés  ius<^ù*àloirS  téservés  pour  les  privilégiés, 
d'en  divul^^r  tes  secret^',  d'appeler  tous  les  hommes  à 
participer  à  1^  cqh'nal^sanèé'^du  Dieu  de  paix  et  d'amour, 
c  est-à-Jire^^ux^fensei^lieiùetîis  des  sages. 

Ainsi  fut  décliîrè  le  VDilè  du  temple. 

Le  temps  est  venu  de  faille;  un  inventaire  des  connais- 
sances morales  et  sdeïltiftqtiefe  ;  d'ouvrir  et  de  rendre  aussi 
accessible  que  faire  se  peut  à  un  grand  nombre,  le  livre  où 
sont  déposées  les  vériték  étemelles  dont  l'esprit  humain  se 
préoccupe  depuis  les  prèiïiîérs  d^és  du  monde,  comme  à  la 
naissance  du  christianisme,  le  voile  du  sanctuaire  doit  être 
déchiré. 

Toutefois  rien  ne  se  fait  en  ée  monde  que  progressive- 
ment et  pas  à  pas.  Vouloir  livrer  à  tous  les  religieuses  et 
philosophiques  vérités  que  la  science  enseigne,  ce  serait 
folie.  Le  laboureur  ne  jette  point  au  vent  des  semences 
précieuses;  îl  veut  pour  les  receYoir^  une  terre  suffisamment 
préparée.  Mais  n'est-ce  donc  rien  que  d'initier  les  plus  in- 
tell^ents  des  classes  deshéritées  et  surtout  les  femmes  des 
classes  aisées,  aux  vérités  qui  leur  sont  étrangères? 

n  est  dans  la  nature  et  selon  la  chevalerie  des  Gaulois  et 
des  peuples  du  Nord  d'adorer  les  femmes.  Sans  elles  com- 
ment perpétuer  la  vie,  comment  en  goûter  les  douceurs? 
Mais  le  siècle  dont  nous  nous  faisons  l'interprète  ne  saurait 
accepter  leur  position  actuelle  ;  il  veut  que,  préparées  à  leur 
rôle  social  par  une  éducation  scientifique  ,  enrichies  de 
grâces ,  de  savoir  et  de  beautés  nouvelles ,  elles  deviennent 
dans  leur  généralité  dignes  de  notre  amour ,  pareilles  à  ces 
types  isolfe  qui  font  aujourd'hui  l'admiration  des  peuples. 
(Qu'elles  prennent,  nous  les  y  convions,  la  place  de  ces 
divinités  de  la  fables  détruites  par  le  christianisme,  de  tous 
ces  êtres  invisibles  que  la  science  a  détrônés  ;  qu'elles  nous 
aident  à  réaliser  la  poétique  des  prophètes  et  des  sages  ; 
qu'elles  soient,  sous  une  forme  visible  et  palpable,  ces  vertus 
mystérieuses  de  la  nature  qu'adoraient  nos  pères;  que  leur 
affection  devienne  le  prix  de  la  vertu,  leur  indifférence  ou 
leur  dédain  le  châtiment  du  vice  ;  qu'elles  se  regardent 


10  PHILOSOPHIE 

comme  prédestinées  à  devenir  les  prêtresses  d'une  croyance 
scientifique  aussi  inspirée  que  positive,  aussi  rationnelle 
que  sentimentale  ;  —  qu'eites  lae  oultitent  dans  leur  phy- 
sique et  dans  leur  morale  pour  ^airiter  i^iuuè  plus  grande 
perfection,  et  surtout  qu'elles  n'iMiblienrtjailiaig  que  Tamour, 
cet  impérieux  besoin  de  -louténtie,^nou9 'exalte*  et  nous 
grandit  en  raison  des  sacvificai  nie  perfeciiiiûfiitiement  indi- 
viduel qu'il  nous  impose;  qu^ila*  iDendUBS^  sans  élévation 
est  une  fleur  qu'un  jour  suffit-'poiir'liEiétrir.»  :'^ 

Nous  démontrerons  ohérteiirementiiqoe  ceiMe^st  selon 
les  lois  de  la  nature,  quiisolttausiilasloisde  la  vie,  et  notre 
morale  franchira  en  sécimitéviaiiliilambeau  de  la  science, 
les  espaces  encore  peu  eotmosiqui  nénssépiirent  de  l'avenir. 

Le  vieux  savoir  est  débordé.  Le  siàcle  he  finira  point 
qu'il  n'ait  enseigné  la  polarité  rniirerselle  des  molécules  et 
les  faits  qui  en  découlent ,  la  circulation  et  la  solidarité  an 
sein  des  mondes  et  à  la  Wfae^  de  notté'glôbtd ,  le  cosmos 
et  ses  lois,  l'homme,  son  origîhe, -sa nature,  ses  variétés 
et  les  institutions  qui  doivçnt  en  tésulteri  Notre  siècle  dira 
encore  sa  pensée  su^  les  origities  incotti^ues  de  ce  qui  existe 
et  il  enseignera  l'histoire  %i  peu  Cbmfwise  de  l'humanité. 
Alors  le  monde  nouveau,  aveo  ses  scientifiques  croyances  ^ 
son  éducation  perfeotionoée^^seslibeftés^vraiçs,  deviendra 
visible  à  tous  les  yeux;  .  i^  -! -  »     ^ 


CREDO  SCÏË^trfïOCE  tit^smcLE. 


L'auteur  de  ce  livre  n'a  poitft  r^Hibition'  de  fàîre  école. 
11  a  trop  étudié  les  sérietiSés<iqtte$tion»'q;tfi  s'élàboient  ac- 
tuellement au  sein  de  TiiûlafMtéVt  potor' ignorer  que  les 
plus  grands  génies  ont  très-peu  déoo«i[v<ért ,  que  les  plus 
grands  inventeurs  ont  trôs-p^  In^efilé,  et  pi^ur  ne  pas  faire 
bon  marché  de  la  gloriole  tde  totis'  ceus  ^i  prétendent 
avoir  un  secret  pour  sauver  l'huBUtniité. 


hn  siÈctfi.  11 

  ses  yeux,  il  n'y  a  qu'un  Dieu,  l'être  universel  et  infini  ; 
qu'un  grand  mystère,  la  nature  vivante  et  animée  ;  qu'une 
loi  généralB  d'ortkie  i6t  ds  ri%,  ou  providence;  qu'une 
manière  d'étudier  œ<qiii  «date  d'une  façon  seientilique , 
robservation  6t;i:ec(pékienc6$  .qu^iioie  science  positive,  la 
physiologie V'Cejmot.étanlt pris  dans  son  acception  la  plus 
générale  :  aiisaî>  ftiit-^il  Iras  peu  de  cas  de  tous  ces  petits 
systèmes  qui  abritent  des  riens  obecurs  derrière  des  nuages 
de  métaphysique  w>lderpoési6. 

L'auteur  da  oe  livre  n'a  qu'un  désir,  c'est  d'être  très 
clair^  c'est  de  poser 'nettement  la  marche  et  le  but  de  cet 
ouvragé  I  c'est  de  démODlrer  jiufiiix  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'à 
ce  jour  qu'il  y  a  uaaphiloâH^pbîe  naturelle  ou  physiologique 
qui  décote  de  l'étune  de  l'univers ,  c'est  de  faire  pénétrer 
cette  cfoyaaee  et:  celles  qui' en  résultent  dans  l'esprit  de 
sesleeteurs.  p        > 

Dans  ce  but,  il  ne  eraindra'pas  de  répéter  plusieurs  fois 
les  vérités  les  plus  esseafteUes^  et  il  va  mettre  la  pensée 
iutiicUh\si  suite  des  pages  Mqu' il  a  consacrées  à  1  expo- 
sition de  ViBUvre  qui  doit  être^  accomplie  par  nous  et  par 
DOS  fils.  Ce  résuôié.lrèa  "fapider  laissera  nécessairement 
beaucoup  à  désirer,  mais?  il  donnera  une  idée  générale  de 
Iâ  série  des  iaits  qui  seront  successivement  expliqués  au 
lecteur;  il  rapprochera,  dans  un  ordre  naturel,  la  somme 
des  enseignements  fournis  par  la  science  à  l'humanité. 

Sans  plus  de  préambules,  nous  entrons  en  matière. 

Notre  système  solaire  oscille  autour  d'une  situation 
moyenne  :  aussi  présente-t-il  de  grandes  conditions  de 
stabilité  dont  la  durée  semble  indéfinie,  ce  qui  permet 
aux  vies  individuelles  de  chacun  des  astres  qui  le  com- 
posent de  se  développer  en  liberté,  sans  inquiétude  pro- 
chaine d'avenir. 

Cette  matière  eice^v^oftent  dilatée  qui  occupe  encore, 
à  l'état  iofcurmei  des  e^aces^ immenses  dans  le  ciel,  voilà 
h  sobstanoe  qui  a  servi  à*  former  les  systèmes  solaires  et 
le  nêtre  en  particulier.  " 

Notre  système  solaine  n'a  pas  été  créé  dans  le  sens  propre 
de  ce  mot ,  mais  il  s'est  formé*  par  le  refroidissement  et 
par  la  gravitation  au  sein  d'une  masse  gazeuze  antérieure 


13  PHItOSePHIE 

à  lui  ;  il  est  donc  une  émanatton  et  tine  transformation  de 
ce  qui  Ta  précédé.  a  .  -  rif»        . 

Les  planètes  et  leè^saltdiÉ^suiiarmmM^e^  m 'système 
ayant  existé  sous  iiine)  aii!lr$ifbfii^Jdffia»^r>afxift)^p^ 
excessivement  dilatée lohiKieclIèili^if&'^oht  dutreiâK>se  que 
des  émanations  (}e  ^ftieoips^innâëiidè^,  larrivéési^at*  des 
transformations  sueoesseœsiàil'état  q^^cAtéSifiréfsenteiit  au- 
jourd'hui, "ii^.   oih\  tiî*  ri'<l    ♦'   -'i!'i- -îi'     /«' 

Les  satellites  des  pi&nètqs  etil^taïQïieaftx^^ei^aitilrne  sont 
des  émanatbns  de  leuiB'pIailètesiTe^cti«reë,  formées  aux 
limites  successives  de  Ieiir93aimei^phtirés,'itoiûm0')to  planètes 
se  sont  formées  par  le  MimiitiBs^iirifttif  et^ki(fgt^vitation  aux 
limites  successives  de  l'atmosphère  du  sol^i" 

Les  périodes  progressiirtesv'{9^eiitôeëiipar  la'  substance 
qui  compose  notre  système^'^laflie,'ft|rmeiyt»one  série  de 
termes  qui  sont  tous  réman^tionlefi  uils *des* smtreâ ,  qui 
tous  ont  été  produits  par  une  évolution  qtiii  n'a  flfiiît  autre 
chose  que  transformer  «ncc&siv^mèiit  le  premier  terme 
dans  le  second,  le  secondiâftosctei  tiolsième',  le  tromième 
dans  le  quatrième.       ;  «  i   u  «î  - .n»  .  •    .    -  i. 

Les  corps  qui  gravitent  autour '*tf  soleil  forment  aussi 
une  série  dont  les  tenaoes^dÉfférentstoiit  totfô  été  produits 
par  émanation  du  s<4m1v  etoMlv  e6tte>f(m,  par  émanation 
les  uns  des  autres.  Us  sent,  àw  reste ,  reliés  entre  eux  par 
une  commune  origine^  par. la» symétrie  des  formes,  par 
la  solidarité  de  fooittidns,  6t  -par/'lety' lois  de  Kœpler, 
auxquelles  ils  sont  t€us(£^mis.      <  i'*       -  .  - 

La  série  de  nos  planètes'-B^  àhfm  m  idteux  groupes  ou 
familles,  dont  les  memfans^iolit  mot^^mx  de&  i^ations*  de 
parenté  exprimées  par  leurs i «origines v fleuri  v^^lmues;  leur 
vitesse  de  rotation,  et  queiqatst'aauiis  pvdfi^riétés  respec- 
tives plus  ou  moins  dévf!lop{)ée6.'datô'^aM;mi<-de^  deux 
groupes.  .  .'i  '  -n'i  t'i'>  ,  ••-  v..;jo  11-   '.    t  r 

Tout  ce  que  oous  savon» isufife^  ei^^iDâte$,  ies^^én^oifthes, 
les  étoiles,  les  nâBiu)eoses'X«ériwtibW<etUe9  nélf^^ 
irréductibles,  confirme- led^  pitii]fr0sitiofid<:'qoii  préeèd^êiit  et 
l'immense  antiquité  de?Jfuiiîfei8J,ï^diHit'bea«icoup  de  col- 
lections d'astres  existent  depuis  des;  millioitô  d'années. 

Chacune  des  planètes,  et  ceci'  mérite  la  plus  sérieuse 


BV  6IÈCI.B.  15 

MleBtkm^  a  reproduit,  daM  les  premières  phases  de  la 
vie,  c'est-à-dire  dans  sa  vie  fœtale  ou  embryologique,  les 
principauib  phénoiaràiiesi^K^sgrttèm^  Saturne,  dans 

sesluaes.etiQe3*.WAMvx«,.fU)ti»îeiv>offire  une  preuve  ma^ 
oifeste.  Ainsi ti-embi^oni de  ("beiiuiiie  passe,  dans  le  sein 
de  sa  miNBe^rpar  .àêdi^mmes^  diverses  qui  sont,  pour  ses 
différeata  offf^niâlaës;^  le^/état»  réguliers  et  définitifs  d'a- 
nimaux inférieurs  à  lui,  de  telle  sorte  qu'il  résume  en 
sa  vie"l0S*«pvQ^Qè$«'at)eo]»pli»  par  la  substance  animale 
dans  le.  sein  de»  ôtm»  qu'elle  'sert  à  form^. 

Il  y  ^  donc  dans  ^td^tGonèse:  mille  imssentiments  sur 
iëvolulion  .<ia  n^dliBt  gtobe^^^smioctte  de  1  homme  lui-même 
et  de  l'humanité^  i>    ub  .•^iiî-r.  - 

Troîfi'Véritéssonl^nfieDitesiSuriai  voûte  des  cieux. 

La  pseBiiàre^:>que.  lai  f^rovidence  a  produit  les  plus 
grands  corps  de- la*  nature* aooi  point  par  création,  mais 
par  éttanatioO'V'  n  -t(,.-7'  m.ih  > 

La  seeende,  qu'^eiikiiksra  ^modifiés  par  une  série  de 
tranfifonnatîons  toutosi  psogneâsives  dans  les  faits  à  nous 
connus,  toutes  produites  par  l'action  constante  des  lois 
immuables  de  la  «naliive;    ix 

La  ifoiaièiBe,' que  cfaaqiia  série senferme  ses  harmonies, 
et  que  chacun  des  corps  élndiés  jusqu'à  ce  jour  a  vu  ses 
attractions  déterminer  eliiéglersa  destinée. 

Après  avoir  été  «u»  anneau  de  la  matière  cosmique  qui 
entourât  le  soiieil«  après  avoir.:  brillé  comme  une  petite 
étoile ,  après  avoir  eu  son  atmosphère  sombre  et  sa  pho- 
tosphère briUajiJte,  ndire»  tarre^i  s'est  refroidie  sucessive- 
ment,  laissant  lenienbSBt 'd^)Oser  toutes  les  substances 
qui  formaient  autour 4'dyte>uneiimmense  couche  gazeuse; 
puis  elle  a  deouoé  BmsaaBee»  àtune  trentaine  de  forma- 
lions  trè^iioportantes;  que  dou£e  soulèvements  principaux 
ont  mises  en  évidence,  en  faisant  surgir  de  la  terre  des 
moDtaçMS  de  plus  en -pbisiittcvéea,  ea  même  temps  que 
le  bassin  Tdes>mers^<sfappneli)iidi6saît  propcn^tionnellement. 

Baos  les  diviersea*  ODudMiST  deioes  dépôts  formés  à  la 
surface  du  gk^be,ttsettrott¥antulks  débris  des  êtres  orga- 
nisés des  autres  àges< .     •  i!  (* 

Ces  débris  attestent  que  la  vie  a  toujours  marché  du 


H  PHILOSOPHIE 

simple  au  composé ,  et  que  les  organes  des  végétaux  et 
des  animaux  se  sont  de  plus  en  plus  perfectionnés^  de 
manière  à  produire  sude6imém«ltt4ai<séi»ie  des  végétaux  et 
la  série  des  aniuau^  qui  «ïtelèfit^ieiUeH^beint^'à  la  surface 
du  globe.  ■'   ■"'•»n'^.:^inr.T2i()oniio(l  -..»,(  *../».,••,<, 

Les  tremblements  de  le^epet"  tofiiivcaéanë'Kiclntribuent 
à  nous  éelairer  sur>4'^«i  iàté^urdia'la  t!em  et'  sur  lliis- 
toire  de  la  formation  de' séft.tAîilftsfei  'î    '" 

Notre  globe  présente  cinq  organes  qui  se  seftt  ^âélvëloppés 
simultanément,  à  savoir  t  '  >  >»•   »i.|o,:ni  i  ... .    .;  r 

Les  continents  ou  plaeenttt'^teirrestré,  les  leàux;*  l'at- 
mosphère, la  substance  v6^éta!l!èf;  eu  iar  substance  animale. 

Tout  ce  qui  existe  à  sa^sintfaoê'est  étnané^'de^  sa  sub- 
stance, comme  lui-même  Hl- est  éÉâ^ané  de  Itt*  substance 
du  soleil.  Toutes  ces  émahaiioTfi  diverses  ont  été  suivies 
de  transformations  et  sutiCeéSiWfe'  et'  progressives. 

Il  n'y  a  pas  eu  à  la  sMfacier'du  globe  de  création  dans 
le  véritable  sens  de  ce  Mbt  ;^  j^uisqiié  -tout  ce  qu'il  nous 
présente  s'est  produit  par  émanation  et  s'est  développé 
par  des  transformations  sueoessites. 

L'étude  du  placenta  terrestre  conduit  à  penser  ^e  la 
forme  actuelle  de  nos  continents'^ra  Icmgtemps  définitive, 
tout  en  indiquant  les  ressources  immenses  accmnulées  par 
les  siècles  au  profit  de-  rhuxuofnité.  • 

L'étude  de  l'air  <  atnn)spfaérf(|Ue  semble  prouver  que 
l'homme  aura  désorm'ais  plus  de  :  puissance  que  les  réac- 
tions directes  des  agents  néCitrels  ^our*  le  modifier.  Cette 
étude  enseigne  en  outre  une"  foirie  de  données  intéres- 
santes pour  les  associations  bumafnes.  ^ 

Les  mers  ont  formé  successivement  leurs  grands  dé- 
pôts. Leur  salure  ne  se  modifiera  guère  dUèi  des'teilliers 
d'années,  et  l'on  peut  diVe^u>Jte&osc3lerrtrrt' longtemps 
autour  d'un  état  moyen  fournissant  è^respèce"  humaine 
des  ressources  qu'elle  eelUMeiÉiée  À'  fëiné-  à  exploiter; 

L'agriculture  modifiè^ér  plNtfondëlofient"^  /iors^u'élte  -  isera 
organisée,  toutes  les  espèces  végétales  qu'elle  ji^era  conve- 
nable de  conservera  la <Mrt*efe<'dfe' la  planètte. ^''' 

La  climatologie  nous  éifsei)^lie  les  oondilibU^  'générales 
de  la  culture  du  globe;  elle  nous  sïontre  de  plus  que  ces 


D0  8IÈCLB.  15 

conditions  n'ont  changé,  depuis  trms  mille  ans,  que  sous 
riuILuencci  de  IJi^omU^Q^if  r.  . 

L'étn^i  dfts  ;ftiiéK^Wq(|(B${nfef^^  des  uouveaux 

procé^é^  fiiSti^oMommim^»  i(gj'ji(i«erwt  phis  facile  à 
la  France ,  avec  une  bonne  organisation,  de  nourrir  soixante- 
dou29»  m^UoB§f4'hQuua|BS)oqu^M90)le  lut  est  aujourd'hui  de 
subtaqij^ilà  pmi^i  0omi99'AlteÂe  faîtv^ositrente-^six  millions 
d^habitants.  De  là ,  pms  X'hfi^amtéi^  tes  oonséquences  les 
plus  jq^i^taotas^  «i^p  i^.^n^.iiio  pru  »  •.: 

L'étude  physiologique  de  l'unîifdrs  conduit  à  connaître 
runitéydi»  pu*  deit^ai^atumifUiif  les  vies  sidérales,  mi- 
néral^d  végétal^  vlii|ip>#^)J^tfSO€Â^  et  la  solidarité 
des  ètces  lave^.  li^ur^^  mdi^'W.^pcésents  et  passés.  Delà  la 
lot  de^iir^sConUi^tiws  rtt^au^^i  «yerron&Hfious  que  les  mi- 
néraux.pnt  leurs  i^6s  ||é(m<Hlâques;  que  leurs  molécules 
ont  leur. polarité-). fl|ei|E  ea^)rj[4>logie ,  leur  état  utriculaire; 
toutes.  €)ioses.queiniQu$'{e^i|}iierons  en  lieu  convenable. 

L'étude  des',végétiaft3(!4^mpo¥^  que  les  harmonies  vé* 
gétales  sont  le  résultat  (i^^)A  distribution  des  végétaux  en 
groupes  et  en  séries  écb^lowftes  et  non  interrompues, 
et  qMe  chaque.  vés^tAl,:  gi^idé?  par:  ses  attractions,  s'est 
fait  à  lui-même  ^a.  de&tio^e».  m     . 

La  pbysiologie./V(égi^talev«di^nsiouJt  ce  qui  concerne  les 
genres,  les  espèces,  les.,v^rp4feé^,  l'organogénésie ,  la  re- 
production, les  monstruçisités,  senst  pour  nous  la  préface 
de  deux  physiologi^s^  plias  complexes  et  phis  élevées  :  la 
physiologie  axûmai^  lét  la  làysiologie  sociale. 

Les  espèces  animalec;  sent  formées  sur  un  seul  plan,  et 
constituent  une  grat^^^  série5rd}Eins  laquelle  les  animaux 
inférieurs  ne  sont  ^q^vles.  supérieurs  arrêtés  dans  leur 
déTiel0{>pement.     .  .  t> 

Les  monstruosité^^  Ipind'étffe  une  protestation  coudre 
les  k>îs  connueside  la  natpre^,  s'expliquent  parfaitement  au 
moy^ade  ces  lois  dpl^  ^e&,^pjt  n»^  éclatante  confirmation. 

Les»  «animaux  siipéfieyi^ipfircottrent  dans  leur  vie  fœtale 
toute  l'échelle  d^iA(v4S4      ^ .   . .     . 

L'homme  lé^lim^e  AoiM^s  les  vies  de  la  série  animale  avant 
de  développer  sa  vie.  propre,  arrivant  ainsi,  par  des  trans- 
formations  successives  et  progresssives ,  à  sou  état  définitif. 


16  PIIILOSOTHIB 

L'embryologie,  en  nous  (joimani  le»  règles  du  ckéveiop- 
pement  du  corps  humain,  en  ooiis. renseignant  son  orga- 
nogénésie ,  nou&  ind4queriauMiilesDrè9ld^)d&  il'enihrf(^gie 
et  de  roï«a»ogénésm'«»iri^-''Ji6t  p-U  .ifp»nrn.n('^... . 

La  physiologie  sociaj^'.)<ii9Nfa  ;odrrîgen'«f}iooaipléleF  les 
études  de  MoreUi  ^^^  sa$i{}riédé(i9«ietttsû^lderâaiiit^iiBon , 
de  Fourier  et  de  leifrg!fU^fii]>];0s,i>tebfi9iie  GoMle,  finfisi^tin^ 
Pierre  Leroux,  Jean  Reynaud,  J.iilcsïfcéiGhevallier^l'Toiœ- 
senel,  De  Flotte,  Conai^émoft^ifeteu,!  etb.  i8ou'>iBpfie  sera 
d'appliquer  au  perfectio^rtân^eat  oifaai^iipilâe  VmpDanité 
les  lois  qui  gouikjôcn^ût  liËiSiiTia^  sîdéf'alte  vilminé&aks  v^  végé- 
tales et  animales,  .-.i  jirnn  MK*-nMli!'.t'ï.'>.j  l'«î       "   ' 

Les  conditions  de  la  yieirft  lansuii^eréuioglQbei  ont.été 
tout  d'abord  très-favorables  à  la  production  ldes>- genres, 
puis  à  la  production  deis  69|^.C0»;'.jmis0lle^'Xietle>  sont  plus 
qu'à  la  production  des  variétés,  .^i;  ijiu.^.  -i  i     ...  .  ;  ^ 

Plus  l'ineubationf  de  Vmist  àam  lar-^matiàse  esl; longue, 
proportionnellement  à  la(mii9d$<di^  f<|Btd8'4Mplu8^  L'animal  se 
trouve  doué,  à  sa  naissance,  d'organes  porfftitSL.  ■ 

Plus  l'enfance  esi  long^i^^  (pAoportftonneUement  à  la^masse 
de  l'animal,  plus  son  .df^vt^faippeméat ii€érébiK)^inleUeetuel 
acquiert  de  perfection. 

Les  données  aeti*eILe$t>dd!te;^60îeBoe  per^nettentde  com- 
prendre comment  se  sont  produito'ks-itPes  qui  vivent  à  la 
surface  de  la  terre,  m  t.  '>  .  r  , .'.   •    .1 

La  période  humanitaire  et  fai  oérîiî^  biâtOTKfue  ont  saisi 
les  productions  animales  à^4e«^aegrés.drvttr8id'av4fiGement 
sur  les  différents  poinUr.dui  gUri^a  j  :  ;  <    ^   >         - 1 

La  Nouvelle4IoUandjer^  Bornéo^  'Sabm^ftf  Madagaaear, 
le  Cap  deBonne-Ëspéran^^jd'jmciepimeNiâev  l'Amérique 
du  Nord  et  l'Amérique  du  Sud,  ont  eu  leurs  créations 
spéciales»  d'espèces  aniiiiaia8,'<ni' plutôt  fleurs  tcansforma-' 
tiens  spéciales-        -    -     .    .         .  »  -;  •  >     . 

L'homme  pteutcaecofngiUr 'd^i  .gikanâ$'  pnogrès^  dass  la 
culture  et  la  dooiestîciiti^ii.'d'iU)  giiattd^jnombre.d'espèctes, 
les  unes  domestiques,  les  a^rtiTessiiiimigBS/     - 

Il  pounra  produirctidés  j3»ul^noiiteaui: «tldeiioia|)reuses 
et  utiles  variétés  des  espiieai^  co&nuesi  ni\--    *  '^ 

Les  races  humaines  actuelles  les  pins  inférieures  ne  sont 


M  SIÈCLE.  17 

pas  destiiiées  h  périfv  mais' A  s'élever  par  des  transforma- 
tioDs,  suite  dS'Croisettimtai    ' 

Le  râttet  Jl'îiitetti^eftdhtâ&lâ]i«Mfil^  être  étudiées 
physiologiquement.  Les  faits -lÉft^iictaels  et  moraux  sont 
soaiw t^'JnflaenMifidift  âfitafifté^lii^  ,         .<    . 

Laim>limitiftiid^)4i»8fi»t^>;ffihi^  ftl>sèn  imnittïum'indi- 
qaéfMÉiih  .eUwiè  io<»dtfc)te^^^t%tllftléi)^af  Damas  :  c'est  la 
raliotf(tacaTatiérifrfllnçai».l*rJ'^^'iiv  >îl  ii-    »  .    ■        « 

iiaixrspiratien  dè^  l'behniri^'iâf  'Mid^i  ^es  exigences  phy- 

^f(Miatkw>dtt«hjteUl  <liiifiiitiliilon  sont  des  faits  dont 
la  efaimie  rend  parfaitement  compte. 

LaiicalorâfieBlièn  lestHranei  fonction  très-bien  expliquée 
par  B8que?el.'i"'î'"-''"^i  'î  »  ''  ■•'•  '    * 

Laîrâcuta^n  du^wog;^^  'M*  grande  partie  produite 
par  la  loi  de  la  pesanteur.  .>•)""  ' 

L'iHubise  adntdte  icsl',  mti^  to^triple  rapport  physique , 
intelleotel  et'*n)oraW  ié  fboâiiitiide  deut  facteurs  :  la  na- 
lureetréduc«lîioi>.'''if»'y'=''i-  ,  >m!».'.. 

U^ociétè  peQtpétr«if:et}<n0diâ!evl'efepèce  humaine  par 
leduoitidQ,  comme  i^dUeil^'iCâit  pq^r*les  espèces  domes- 


EUe«st  biidû  pta^  «espons^ble  des'  fautes  des  individus 
411e  les  individus  6tix-4Hêaiosl'<4  >>    - 

Une  excellente  éducation ,  un  système  pénitentaire  basé 
sor  la  idiysiotogies!  vdîUi  d^nxi  tes  pmmîers  besoins  de  toute 
sociétéqui  eompiénd^seB  devioirs.  ^  '^^ 

La  p^sée,  la  volonté<isUB-m6nie,  sont^  comme  Ta  dit 
ftaspaib^.feiTésallJflertde^combîiiaiiom'  a^omtqu^  entre  deux 
éléiôeiiÉBr  subtils  «1  impooàé^abtes't  IHmpresrâon  et  la  pro- 
peosiwi;»  -  »)      i  •   îi  '    ,  •  .'.'' 

Les  facaltésitAtdlktttueAèS'SOtilimultiptes.  Sous  le  rap- 
port des  intelligences  et  de  la  cranioscopie ,  les  animaux 
foroMit  uneséw  biett  é^idMte,' da  la  grenouiUe  à  l'homme. 

Lea  preuves  d6ii£(<»idlipUoîtéidids  -fàeidlés  intellectuelles 
sont excessivemem^nambretiMiS. -  t  ," 

€h«|neifai%dté4nldteiâttdto  mémoire,  de 

jugement,  d'imagination ist>d'iii»tation. 

L'étude  physiolagique  dti  cerveau ,  organe  de  l'intelli- 


18  PHILOSOPHIE 

gence,  conduit  sdeatifiquemeot  à  k  morale,  d'où  le  posi- 
tivisme d'mie  morale  ainsi  démontrée. 

Tottt  cequi  existoinûi)  ^tmdaaiéfen'dînqlsériest  Toutes 
ces  séries  (sont  soumMë^  «lix  Am  génâjales»  de^^la  jlatore  ; 
toutes  expriment  des  {«(ip^d'jaignHkipiisip»  d^^ 
mations  sa(lcedaives;«toiitefiimpréaei|téqt^la  totontifkteiBîeu  : 
donc  TiiammedoblvdiiVû'aéGsnhplifiila^loiR^  la- 

quelle est  soumise  r^iamanitéu^'  «^  ii  ).m  it  ..i  »  ^'/n  r     = 

L'idéal  de  rboHifioto«lDit^)èlaie^(i»|s'é)iewef id«  fd^s^en  ptus 
au-dessus  des  anîiaeuk^v'pàrdeidéiecitopiHBmen^desiamiI 
oui  lui  sont  propres  v4''sa9oir.*fla<Téligiosit(>^yIaf9(loi 
1  idéalité ,  la  causalité  '<et  dei^eilneeuiiie^rfii,'  par/une  bonne 
éducation,  toutes  6e»tattcilctionsii<i|ai:toute9:alor9  deTîen* 
dront  bonnes  et  utiles^    "i  •    ^  ^.  t:  »  •  i.-.}::!  ...  m  .i  n 

La  masse  cérébrale» ^t'ane^épabliquë  des»  ocgianes  ma* 
tériels  de  l'esprit,  une  as6eÉd»Ié&id^lib^ai&te  de»-fdimltés 
passionnelles,  intellectvielieaet^moraîe&.  -Cîèitte  grande  vérité 
permet  de  faire  dispaiflltroitouteBlesidismjdeneea^iai  sé- 
parent les  philosophes  et^deles^ ramener  à* L'imité; 

Les  sens  sont  des  preloogenieBtd  lou  >appendîoos^  eâré- 
braux  placés  en  <[ehoar^ide'k  bohe oeseuses  pourialier  au 
devant  des  sensations. 

Chaque  sensation  eiLigd  tmis  faits  :  *  rimpressR)n ,  la 
transmission  et  la  sensation^propcement  dite. 

Une  impressicm  devient  dumble  par  une  combinaison 
stable  entre  la  propension  et  l'impressioir. 

Malgré  l'état  normal  et:  régi^etidesiappaareils ides  sens, 
les  sensations  peuvent  éftm  défeetarasesisi  les  organes  cé- 
rébraux, appliqués  à  jugertlesimpretoiong,  ne  sont '.pas  en 
état  de  les  apprécier  oenyenaUemeÉUti  :   ir/ 

L'étude  des  sens  est  iiiBtBictL!ve,>ip»Sr  elle  est  lèia  d';aToir 
l'importance  que  lui  .atteibuaâlounB<  étoia  célàbfe:^-^  S'il 
n'y  a  pas  d'idées  ÎBnéeB^J'on  (Mauttieffiomer  qofiLexiste  des 
propensioœ  innéesi^^^It.esEiaTeui^gaiés'îugentdas  distmces 
par  la  vue,  lorsqH'im,  kuvjTeoArdirvisionk.  -^  Les.défouts 
des  facultés  intdileeftueUeaIi0t:deâ'Oitgfflie»  ides  B^s  sont 
souvent  héréditaires.    -  ivj  i /j)  «b /n.'.  i         '    o;; 

L'homme  vient  au  numdeimecpieâdiaposUions  physio- 
logiques nécessaires  pour  se  créer  un  langa^.  Les  rappcMrts 


BU  SlfiGLB.  19 

des  sens  avec  les  idées  expliquent  les  rapports  généraux 
deslangues.  > 

Les  faits  '  deadémonomlaMnisJ^^  d'exjtasev  de  .magnétisme 
anîmali,  idecoatalepsié  ^  sorit  jdes  phémmènes' d'ordre  na- 
turoL^^xiaelb  seîfnoèiclaa80^el'jnppi^ie«toiifi  les  avoir  encore 
coavèoablamënt  ië}apliqiiés<ij|aaqib'tk'<4le'joiEP.  Us  sont  de 
U)u&  les  tenàpsi^  >idei  taiiq  ries liiecuLi^iet/  las  faits  surprenants 
auxquels  ces  phénomènes  donnent  MÎIsiaBee  y  peuvent  être 
prodoît^fiiir  «ertainés'  rpftosoiifetes>  i  toist-è'^fait  indépendam- 
ment >descrOgrancBf<iralsgyusâsidi|^^  elles  ont  foi. 
Les '.piétaidus  *imifi9él8S'.idesf<swe(ifeiiiborgisies  et  leurs 
dues  merveil|euseS'miseat''C|uâ»des  phénomènes  très-na- 
tuFeb,  fuer.le  magnétisme',  reisgieiix  d'un  musulman  ou 
d'un  Indien  pourrait  tout  aussi  bien  produire. 

La-n&tve>  de  l'hopitne  ^tisesiœilîeux^  expliquent  les  faits 
qui  h  coacementv 'depuis  l'eolaAee  jusqu'à  la  mort. 

La  femme  aides  doMis  ié9UH'3«8ux.de  l'homme,  mais 
spédatti^»-^  EHeidotti  âlrei«suec0ssivement  fille,  amante, 
épouse,  génitrice  et  éducatriéei^Qette  mission  lui  impose 
des  devoirsipluséteBdus  que:jeeuBiqu'eUe  accomplit  à  cette 
heure^  etréclame  une  éducation  ^lus  avancée  sous  le  rap* 
port  scientifique. 

La  raorate  est  saseeptiUe  de<pfrogràs,  non  dans  son 
essence ,  mais  danssesapplioationst.  -^  L'assurance  est  une 
forme  de^la  charité  Ixès^supévieMire -à  l'aumône. 

Le  corps  social  peut  et-  doit  être  içomparé ,  pour  son 
organisation,  au  œrps  humaÎB  ;  d^où  il  résulte  que  la  physio- 
logie sooîateesi  unecooséciuencede  la  physiologie  humaine. 

Un  alàme  de  .métalloïde 'Ob  de)Bi4taU  voilà  la  molécule 
minérale;  elle  s'appeUe  ou^ène^  i£»r^  > platine,  selon  sa 
nature  q^iale  et  ses  propriétés  iriumiques. 

Un- corps  vésiouleux^  compfioéjd'oxigène,  d'hydrogène 
et  de-^carhonuevfjooûtenant:  en  jO^jëvo. souvent  de  l'azote, 
qudqBâsé9is.d'auliresiSBtetaneBSË;^Mes<qpiMidfis  sels,  voilà 
la  moiéeulè  ^ganiqne^,  «Un teidannè ^ssàufOc', sa  provenance , 
le  Bom'de^fégélalsjEnbdrahiuale^ltaa^  plus  souvent  elle 
pourrait  appartenir  aux  deux  règnes.   ^.  i> 

L'hommei,  à  quelque  race'qutii  appartienne,  voilà  la 
molécule  sociale. 


20  PHILOSOPHIE 

Le  premîef  groupemait  des  ffloiécules  sociales  vers  un 
organisme,  c'est  la  famille.  Elle  est' représentée  dans  le 
règne  minéral v  pap<kslooii^inÂidamr8taMes>  Se  la-itiatt 
par  les  olides,'lest;I3dbrm*es'4l€»îcld^re0v^^<^ulfc  les 

sels;  elle  a  aus^  6es  taaio9u.eST<âiinsf4e  règne ^végét^al  et' le 
règne  animal.   •    ••ijmî.-»  -   -"u.vrf  ^^i.T..ff..  j..?  ,  .  i^---   • 

Les  molécuiestmjliépale&'<6rmentr'de^  moliéonles^  compo- 
sées par  leurs  oombifiaiëoQs,  eiori&laUisâiil  deumanière  à 
former  des  masses  géôiBétFiqfiftes:  'Les  motéouleËt  ovganiques 
forment  des  orgaôisinel^r  lettr{assodia4ioiT<;>ks  moléeides 
sociales  forment  dee^férniHeë»,  de^  tpîbusy  de» Communes, 
des  provinces ,  deâ  états.et'  fùrmerent. i'hîtim&mtéri' 

La  femme,  perfectioilnéè  pari'UàIUoeti4>n,  produira  le 
mariage  vrai  et  la  famiUe  iiJDre<«eUfe>dAns  laquelle  chacun 
des  membres  du  couplé  buiakakl  usera  de  s«r<  liberté  pour 
remplir  sa  mission  seloni le- plan  ptoirideotieL  i«         * 

La  commune  deviendra  une  association  de  familles  Ubres 
et  améliorées  par  le  i^ogifèç<fitoii  awrfojcv  domestique, 
et  personnifié  dans. ta  f mère  ;de  'famHIe.    .  n  •  ?  ' 

La  province  eu  cercle  ou  «dâparfeéments'  sëra>  une  com- 
mune de  second' ordre,  'i^ë-mbilte^ 
aux  membres  associés  et  solidarisés.'  :  • 

L'état  sera  une  .fanlille  de  •quatidème>  ordre: 

L'humanité,  udefftmille  de «^qinteie  ordre. 

L'humanité  véritable  est  eilcore  embryonnaire,  et  les 
diverses  civiUsations^ne^otit  que  lés. phases  de  cet  état 
embryonnaire,  qui- est  Ibind- être ^clrminé. 

Les  peuples  pourront  Ôpurei^  et  4Tfeittsfonuer  la  Teligion , 
mais  non  la  supprifn^rw  I^e  est  ^  ai  kl  fotsi  d'essence 'infinie 
ou  divine,  et  d'esseiice  hlimiâtke:pôur  le  lien  qu'elle  éta- 
blit d'abord  entre  les  bommes,  pUi^  entre  eux  et  l'uiurrer- 
salité  des  chosesi     •     <   •  ,  ..f;  i.     ..      — 

Loin  de  les  détruire ,  l'avenir  t^onsacrera ,  mieuK  que  ja- 
mais, les  9olennitéstappi9lées4ii»joiird'lmi'>saofeiomt6v  qui 
servent  à  entourer  d'art;  4t  de  poésie  les  •>  quatre  ^nands 
moments  de  la  vie-  hkimAïAe:  i'entcéd  dan»  le  'BKUdde, 
l'entrée  dans  l'adolesceBee;!  l'^ntréi»  4ian$' la  société  par  le 
mariage ,  et  la  sortie*  parf  la  mort.      .        ^ 

L'avenir  obtiendra ,  par  une  meilleure  organisation  so- 


BU  eiÈ€t£.  âf 

eiaie  dcr  la  coiDmiHie  et  des'cerporations-,  pai"  une  éducatioil 
seieiitifiqQe^d(mnéf»'tid8'iesl  premiers  jours'  de  l'existence , 
à  toiid  ie9^ieii{ambi«>taif«(^^9è8»4grand€P'4it|^  la 

Pleèâàtenrs'jeette  vbientdiâei«ofa¥ifl&,'déSdrmais'  ouverte 
à  toujours  à  ses  efforts,  Thomme  conquerra  dé  nouvelles 
espèos^  mimiifeffn  Pdui^'Wft'islesoiM' dis'  toùt^  nature,  il 
iBQdffiersfTpffMotidéitieÉfti'oeltes^^i'a^éonquis^s,  de  ma- 
û^iA(^piDdiite>dbB<vffiâété6o«p»si  «liles  (po^  nombreuses; 
il  sai0k'mieik;0iplwt«i^qu4iid}oil^  les  ridièsses 

dépo8éesf!daB9^1e9''doiicli€ts  .deW'ieilraftfs  '^  'forment  la 
partie  conntlerdeti'édofoeida<|^6be.^Gdndtilt  par  l'unité  de 
la  901811619^  d6)'kl»r8Ugi(ki'Tiet  dà^  fia '^{philosophie,  il  s^arura 
mieoifxlnHM  utîhser  ses  passions, 

mieux*ëm^jerisl9i  forcei  Uivprflf  dé  manième  à  précipiter 
la  réforme  du  passé »e^ le  fè^qe du' progrès,  car  il  y  aura 

Dails>la<'bonrrittires  iîahriif  'to^vétement  des  classes  ac- 
tuellemeni  pauvre»  v  diins^féchieatioi)  'physique ,  morale  et 
int^eelMllQf'de  tcto;<ddi]9:rènseigiiement  reUgieux,  scien- 
tifique etrpRrfe^ioûnell^'daffls  l^éKlucatiôn,  les  fêtes  pu]3liques 
et  la  réforme  pénitentiaire*;  dans  ^organisation  de  la  pro- 
duction et  doilaconsoimnirtion';'  danis  l'utilisation  des 
substances  oigouid'boifperdtlesi^daiis l'agriculture.  Fin- 
dnstrie  et  le  cofmlnerce*;  dMi5'Fe«tjWtation  des  grandes 
forées  deia  Bstuiie,  déstméeâtli ^^ir  <fï  aide  aux  associa- 
tions humaines  ;  dans  les  routés,' léâ^canaux,  les  chemins 
de  foi^'iest  pmtas'  ^ftm  iélégraj^ièB ,  <ei  dans  leur  appro- 
priaitionèftoiis;  dans  la- bai^  db Tint^Mcde  l'argent  ;  dans 
rorgaifottpon  du  icrédit;  daffis^'lii  pddnctiôn  croissante  de 
riofliKDGd  )da<  capitid  ^'dand^  la*  piédMkmance  du  travail  ; 
dans  la  création  d'immenses  travaux  publiée;  dans  la  spé- 
dalffiaitioiiides  aasovîatîDSis }  datt^ileurs»' échanges  et  leurs 
retatid&ff  téeiprecpist  ;  daijjsrieaagotff^nts  nouveaux  de  notre 
noirmlle^fatiupattîtéf^i^^  qfae^lesli6beté«$9  i6arienne&  ou 
{^MÉaRtétieAne^,  oùrtoa  doMeÛMPiii  i^es  de  vie  expéri- 

Ces  progrès  rapprocheitmtrt^  bomm^s  et  leurs  habita- 
tiras,  sui^fÉneront  l&a»orceUement  des  terres  et  du  travail, 


ââ  PHILOSOPHIE 

Tégoïsme  et  rindividualisme  sous  toutes  leurs  formes  ha* 
bituelles.  La  guerre  et  les  armées  seront  transformées.  Les 
banques,  d'mdividueUeSbdeyieadiiojat  sociales.  Une  assu- 
rance générale  et  des;  revienusr  fiociaux  remplaoèront  nos 
impôts  actuels.!  L'ém^latiw;iiiK)eè!âéra'à  cette^guerre  d'in- 
dustrie que  Ton  apneUe)<»aoiurrencevi  et  chaque  homme, 
venant  en  ce  mopae  (xaYtaiQ  diavoir4e^ 'l'éducation','  une 
fonction^  puisi  une  retraite ,  .se  trouvera  débarrassé  par  une 
providence  sociale,  des  limbes  de  Terreur  et  des  «langes 
de  la  misère-  Ainsi  rhum^anitéf^'édlèiFera  vers  Dieu ,  'einbel- 
lissant  ce  globe  dontelle  est^la^fermiàre^  etVdssooiant  aux 
forces  créatrices. de  la  psavidemov  dasis  la  meàui^*  exacte 
de  ses  affinités,  représeutée^pak^sdipùissanosiateUeotuelle 
et  son  amour.    .  .  i-    .i  • 


,  f 


DE  L'ORDftE  laGIQfOÈ  fiÈ  ^*  LIVRÉ 


■  I  .      >. 


Assez  de  critique.. u      •.  ^  .  t .-       -     -  • 

Le  passé  n'ayantjpius.iài. pensée  direotrioe,  ni  but  à 
atteindre,  a  perdu  sa  raison  d'être. 

Il  a  vécu  ;  sa  trafisformationneomitieiice. 

Prenez  la  longue-vue  de  la  science  et  tous  verrez  poindre 
à  rhorizoQ  le  monde  iDÔnvEau;  aveô  ie  prestige  de  ses 
industries,  de  ses  art» ,  dlun  savbip  ^ui  pénétrera  de  plus 
en  plus  toutes  leS'OOUlohes.BiKiales!  a^vec  oelti»  religieuse 
prévoyance  qui  séraipoiir  lous  lesi'holiAnes<'iine  partici- 
pation à  Tassuranoe*  unhierseUe  contre  l'ignorance  et  la 
misère.  ^  ••  -     -  .    >  ,      '  ^ 

L'Inde  etrEgyptesJEtatby^eime  et  Jérusalem,  les 

pousses  su€cessiv«ë.de  cetavbre  humanitaire  sur  leqMl, 
gr&ces  à  rimprimeme^âotsairaev  Galilée  i  Kœpler>et  iMrs 
successeurs  ont  pti  gDefferia  vienouwelle  de  laseieiibe. 

Cette  vie  comporte  wiine  jnstiee  nouvelle ,  une  société 
toute  différente  de  la  société  féodale ,  un  monde  moy^ , 


BU  SIÈCtE.  35 

centre  de  gravitation  élevant  à  lui  le$  masses  et  faisant  ren- 
trer ea  lui  les  orgueîUeases  sommités  des  noblesses  passées. 

Noire  siècle  est  ooflihie< le  llanus  de  la  fable,  son  esprit 
a. deux* figures:  L'une  e^  tournée  v^rs  l'ancien  monde  :  son 
œil  élmoâaat  révèle  léspassiiNis  l%s  plue  révolutionnaires  ; 
on  la  dirait:  pète  <à  brojreraiii  marteau  v  là  briser  de  la  hache 
tout  oe  qui  voudrait  indftitteat  surnager' affres  Torage ,  tout 
toutee  quirn'Q  ^lus^d'eilstencelégitlméi  L'autre  regarde 
l'avemÎT^''  '■«  i.  »» ■  «  *    ■•   -  -l'i.  s     *  •  , 

Qm  son  abnour  et  «oè^ealibe  nou^  inspirent;  et  puisque 
la  pensée  doit  conduire  le  bt?as,  puisque  la  réflexion  doit 
pr^der  le  fait ,  le  eavoirv  toute  organisation  quiconque 
livrera  nos  Âme»  à  la; méditation. 

Le  dieu  du  monde  nouveau  ce  sera  de  plus  en  plus  la 
puissance ,  Faction ,  Tamour  et  Tiuiivers  infini  qu'ils 
animent.  Sa  providence,  sa  loi  étemelle  sera  représentée 
par  l'incessante  action  des  attractions  si  multiples,  si  va- 
riées, dont  les  puissantes  sympathies  produisent  partout 
le  mouvement  et  la  y^  (|ui  diveis  é^ges  des  productions 
de  la  nature-  ' 

L'hiunanité ,  de  plus  en  plus  virile ,  croira  à  la  vie  uni- 
verselle ,  à  l'ordre  providentiel  qui  règle ,  dispose  et  har- 
monise. Elle  se  considérera  comme  une  seconde  providence 
attachée  ao  globe  terfe9tre,"CommB  un  coadjuteur  de  la 
divinité.  »  7       ».  . 

Et  toute  cette  philosophie  se  rattadiera  logiquement  à 
un  principe  unique; 

Cette  pensée  sur  Dieu,  la  providende'^  la  vie  universelle , 
le  plaa  providentiel:  des idioses* et  la  destinée  de  l'humanité, 
i^'esttce  qu'un  'Songe,  qu'aune  iUinsioB:,'  que  le  rêve  de 
eonirs  géiiéreux?  Dieu  a^auffa^t-ii  plusde  colères  contre  les 
hommes;  ne  sera^t-ril  plus  la  jouissance  sévère  et  venge- 
resse? La  providence  ne  saurait-elle  modifier  ses  lois?  La 
mitBie  n'iifl»eUe*d<knr  réelleareat'poitit'  dé  monstuosités? 
Es(t^:permiA  à.niomme  de  eonbalttel^ordre  de  développe- 
ment desiphéiiomènes  de  la  nature  at  le  champ  dans  lequel 
ces  pbésomènes  se  doivent  mianifester?. N'est-ce  pas  un 
blasphème  de  l'amoar-^pnipre  knmain ,  que  d'accorder  un 
rùle  en  Dieu  à  l'homme  et  à  l'humanité? 


S4  PHILOSOPHIE 

Un  moment  notre  esprit  affaissé  se  prend  à  douter  ; 
Thiquiélude  trQufclç^  notre  âm^..  ïï^ais  k, science  nous  vient 
en  aide.  Vojons ,  clit'-elïjç*^,  procéfloi}^  .^u  jQpnn^.à  l'jnponnu  ; 
voyons  d'abord  si.Ja^grj^fiqç /tfinitjé,  de.Uipujç^pp^^^^^ 
l'action,  de  Tamouf ,  se  rettiQUve  bqit.impUjeiJpipfieït^^^  sort 
explicitement,  au  fpiBid.iJe  tout^. WcMi^nciep^ioç^.VeÇgjÇ 

Voyons  si  la  çfrcuj^ffon,  pt  la/çoliwit^  qui.  en  .'seraient 
les  conséquences,. se  manifçsfenV , partout  dans  .^çf-^r^^ 
choses  terrestres  et  mê39cije..^^pè  l^PTdççs  socfptl.el,  §ia&id. 

Etudions  les' agents, de ^'ladxwiat^  e^t  ,dA"lia  «solidarité  : 

La  lumière,  ,. '.,  J' 'j'.-.' i," ,  .;,  ..  /'v..', 

La  chaleur,  i     ,     t     .  i  .  ,;  . 

L'électricité,  ,      .     ...,  .  ,    .,,   .  ;,    ,    .. 

Les  fluides  gazeux  et  surf  put,  iVir  .atrnps;pihiérique(r^ 

Les  liquides  et  surtout  [les  çàux.  ,  .       ^ 

Etudions  aussi  les  vies  ^érMes  et  mipérales.  et  les 
phases  successives  du  globe,.  ... 

Voyons  ce  que  l'homme  p^ut  ifaîre  .des  éléments  dont  il 
dispose  pour  son  agriculture  et  son  îiidustriQ,  oojoi'ment  il 
les  a  maniés,  comment,  avec  plus  de  savoir,  il  pourrait 
les  mieux  employer  encore. 

Etudions  les  vies  végétales ,  anim^ales  et  sociales. 

Essayons,  en  élevant  peu  à  peu  notre  physiologie ,»  de 
découvrir  les  lois  de  la  nature  en  tout  ce  qui  concerne  les 
rapports  des  hommes,  et  que  la  cosmographie ,  dans  le  sens 
le  plus  étendu  de  ce  mot  ^  nous  fasse  ses  plus  complètes 
révélations. 

Quel  admirable  enchaînement  dans  les  œuvres  de  la 
nature!  Quelle  infinie  variété  dans  son  unité!  Mais  le 
cosmos  ce  n'est  tout.  Le  fait  actuel  ne  représente  que  l'es- 
pace où  la  circulation  et  la  solidarité  se  montrent  sans 
cesse  à  nos  yeux. 

En  dehors  de  la  puissance  d'être ,  en  dehx)rs  de  l'action 
de  cette  puissance  dans  l'espace ,  il  faut  un  troisième  terme 
susceptible  de  relier'les  deux  autres.  -^  Ge  terme,  dans 
la  nature ,  c'est  le  temps.  —  Donnez-lui  une  parole ,.  il 
s'appelle  l'histoire  y  et  alors  il  devient  successivement  : 

L  histoire  générale  du  système  solaire  y 

L'histoire  des  révolutions  du  globe, 


DU  SI£CLE.  25 

L'histoire  des  civilisations  et  des  credo  successifs  de  Fhu^ 
manité. 

Cette  ttilogîer,  que^Tefeprii' étudie  pour  vérifier  scienti- 
fiqûetofeht  les'iittu?tJohs  dé'  jïélTé  âpae,  c^esjt  ]e  poëme 
im»€ill3é  dé' lia  nôffurè';'  ri'esft  TBïeti  dans  la  partie  ae  son 
être  qètè  '  nbi'  ëéh^  bcftiVenf  Htleiridré,  ;  •  e*ést  '  la  providence 


préViJ 

nité  ;  teêbndfe'' 'jbfô'^idelnt^  ,*  tdàdjutèto  Ainsi  se 

vérifié; 'pôr^témdë  Scîentïfltfiie  d;é' la  nature,  l'aspiration 
de  nos  cœurs  vers  des  destinées  nouvelles. 

Les  lignes  qui  précèdent  sont  en  quelque  sorte  les  titres 
des  pages  d'une  bible  nouvelle  ;  nous  allons  maintenant  en 
parcouriih^'îèJ;  ^èùlIlëts.'''âouvèht;hot[s'épellerons  à  grand' 
peine  ;  mais  le  livre ,  si  pïfôrtoè  qu'il  sôit  encore ,  est  dans 
nos  *infiôn^  *: '¥hùmànfté  Ife  Ifra  uii  jour  dans  son  entier; 
ce  n'^st  jplus  qu'une  (motion 'dé  temps  et  d'interprètes 
habiles  pêrdr  lès  page^'ailTidïefe  à  dompreildre.  —  Ce  livre 
c'est  rèr^catlo  ^éhétjife'dé  la  nature  ou  physiologie 
unrVëf selle,  ddnt  riôiîs  ' allons  essayer  de  présenter  une 
esquisse. 


CE  QirïL  1?AUT  ENTENDRE  PAR  CES  MOTS  : 

'      r       .  .FHILOSbPfllE  ,  S)ïef£S8B  ^  '  V^&nTÉ ,  VfiETU. 

.    a     .  .  .    ,M  .    ...  \  . 

La  pfertbsôphie  se  dit  de  ramoiir'dé  la  sagesse.  Notre 
siècle  reçonnait  ,deux  sagesses  ;  l'une  absolue  et  infinie , 
qui  briHe  'd'un^' dîvinei  splendeur  dans  les' lois  de  la 
nattire  et  les^phétibmène^'qu^elles  ehgehdirent  ;  —  l'autre , 
humaine ,  faible  "et  J^ornée,  qui  doit  avoir  pour  but  et 
pour  volonté  de  k'enTapprôchèr  sans  cesse. 

La  sagesse  universelle ,*  c'est  lé  grand  mystère,  c'est 
Dieu  manifesté  à  i'hoinme  par  les  affinités  et  la  gravitation, 


26  PHILOSOPHIE 

par  la  force  d'expansion  qui  leur  fait  obstacle,  par  les 
infiniment  petits  et  les  infiniment  grands  de  la  nature. 

La  sagesse  humaine  a  lieu  quand  notre  raison  coïncide  par 
la  vérité,  parla  justice,  pas  la  vqrtu,  avec  la  sagesse  infinie. 

On  entend  par  «vérité  tout 'te  qui  «est  démontré  par 
l'observation  scientifique ,  tout  ee  qui  peut  Vêtre  par  inex- 
périence et  par  les  nombres  oui4ajgédmétpife,lc'est-à-dire 
tout  ce  qui  est  conforme  aux  kis  étemelles  de  la  nature. 

Il  n'y  a  pas  deux  espèces  djs  vérités,  Tune  senlÂnùentale , 
individuelle  et  retetive ,  Tartre  absolue  et  générale.' 

La  vérité  est  une  ;  elle  briUe  du  môme  éclat  à  Benarès 
et  à  Jérusalem,  à  la  Mecque^  è  Rome  et  à  Paris  ^  la  ville 
de  la  science.  • 

La  justice  étemelle  se  montre  dans  la  gravitation  qui 
attire  les  corps  en  raison  directe  des  masses,  en  raison 
inverse  du  carré  de  leurs  distances,  dans  les  affinités  ou 
attractions  à  petite  distance  qui  produisent  la  polarité  des 
corps ,  les  six  manières  de  cristalliser  et  les  diverses  orga- 
nisations végétales  et  animales.  La  justice  humaine  a  lieu 
quand  elle  entoure  de  facilités  proportionnelles  dans  leur 
développement  les  droits  ou  intérêts  proportionnels,  accor- 
dant l'égalité  aux  droits  égaux. 

Voyez  le  laboureur,  ainsi  fait-il  dans  son  travail.  Comme 
il  creuse  le  sol  avec  le  soc  de  sa  charrue,  comme  il  le 
brise  avec  sa  herse ,  comme  il  l'émiette  avec  le  rouleau , 
comme  il  distribue  le  mieux  possible  son  engrais  !  N'em- 
ploie-t-Q  pas  les  rigoles  et  le  drainage  pour  égaliser  l'hu- 
midité de  son  terrain  ?  Dans  sa  défiance  de  la  dextérité  de 
sa  main,  il  a  recours  à  un  semoir  mécanique,  afin  d'éga- 
lement distancer  les  semences.  —  Chaque  tige  des  plantes 
qu'il  a  confiées  à  la  terre  aura  donc,  autant  que  possible, 
des  conditions  égales  d'air,  de  lumière,  de  vapeurs  aéri- 
formes ,  de  rosée ,  d'humidité ,  de  surface  et  de  profondeur 
dans  le  sol ,  d'engrais  vivifiant  :  ainsi  se  prépare,  par  ses 
soins  habiles ,  la  plus  belle  des  récoltes.  Transportez  cette 
savante  agriculture ,  qui  n'est  que  la  justice  appliquée  aux 
plantes ,  dans  l'ordre  moral  et  intellectuel  de  nos  sociétés 
humaines ,  qu'elle  récolte  magnifique  ne  pourrez-vous  pas 
obtenir  ! 


BU  SIÈCLE.  27 

La  vertu ,  c'est  plus  et  mieux  encore  que  la  vérité ,  que 
la  justice  elle-même  .:  a'est  une  vigoureuse  tendance  de 
rame  humaine  vers  ridétl>(i  c'est  une  marche  hardie  dans 
une  dir^tion  .conforme)  au>  plan*  providentiel  de  l'univers, 
c*est-à^4ire  à  la  volontéide«la  jsagease  infinie  exprimée  par 
ces  lois ,  vqoi  sont  y.commp  le  disait  éloquemment  Bossuet , 
la  parole  <  de  Dieu  ou  iDieu>  M-rmâffiae; .      ;     • 

Etudier:  ru&iverB , i recoBooaltre  ses  lois,  transporter  au 
sein  de  rbuxoanité. quelque  peu  de  cet  ordre  admirable  qui 
brille  aux  Qieca;  montrer  aux  hommes  .le  plan  de  la  pro- 
vidence tel  que  Thistoire  et  la  cosmographie  nous  l'en- 
seignent par.  rapport  •au  temps  et  à  l'espace;  les  enflammer 
du  désir  de  concorder  par  leurs  œuvres  avec  les  œuvres 
de  l'infinie  sag^se ,  et  par  leur  volonté  avec  sa  volonté  : 
telle  est  la  mission  de  la  philosophie. 

La  manière  de  poser. les  questions  influe  singulièrement 
sur  leur  solution.  Dire  avec  les  philosophes  exclusivement 
spiritualistes ,  l'étude  du  moi  et  du  non  moi  de  l'homme 
et  de  l'univers,  du  petit  monde  et  de  l'infini,  voilà  toute 
la  philosophie,  c'est,  pour  employer  une  expression  vul- 
gaire, placer  la  charette  avant  les  bœufs;  c'est  oublier  que 
l'homme,  que  l'humanité,  que  notre  globe,  que  notre 
système  solaire  lui-même  ne  sont  que  des  infiniment  petits 
et  que  des  organismes  divers  au  sein  de  l'être  universel. 
De  même  que  dans  notre  nature  terrestre,  il  convient  d'étu- 
dier chaque  chose  dans  le  groupe,  la  famille,  la  série  dont 
elle  fait  partie  ;  de  même  il  convient  de  rapporter  notre 
système  solaire ,  notre  globe  et  l'homme  à  leurs  groupes  , 
à  leurs  familles  et  à  leurs  séries  respectives. 

L'étude  de  la  nature  entière ,  voilà  donc  aujourd'hui , 
romme  pour  les  pythagoriciens  et  leurs  disciples  Copernic , 
Galilée ,  Descartes  et  autres ,  l'objet  des  véritables  inves- 
tigations philosophiques. 

Remarquons  maintenant  que  dans  tout  système ,  dans 
toute  existence,  les  parties  diverses  doivent  être  considérées 
comme  sohdaires  d'une  grande  unité. 

Si  l'un  des  organes  change ,  les  autres  doivent  être  né- 
cessairement modifiés. 

Cette  proposition  est  la  base  de  l'anatomie  comparée  et 


38  pmLOsopniB 

de  toute  étude  sérieuse  sur  les  animaux  ;  elle  peut  et  doit 
être  étendue  à  tous  les  êtres  de  Ja  nature ,  car  il  n'y  a  pas 
plus  de  fonction  sans  organe ^  qujç.^'Wgqifte  sans  fonction. 

.Appliquons  ces  prmciMp,  ^  étude 

comprendra  bua^tre/^  ^tVi^^Ç)»»  l^.^erre.,j  Ybémme  et 

rhumahitë,  oii  bien  deux.  sp]ilpin^t,;4ç.miwdp  fitilihomme, 
le  non  râoï  èl  le  moi^  qui  se'^ési^f^Qt  ,éft.\iae. grande  unité  : 
l'univers ,  bu  comme  disaient  ïfiîs.janpiens,;  le  .cosmos. 

Notre  conception  Syrie  çi|eVélwtp  (J^'^apiiès  o«  qui  précède, 
solidaire^  des  cônc^piîoijs;  ^i^,  l§i ,  jtep;e  ^ . ,  pi^f;  i'tiomme  et  sur 
l'humanité ,  il' en  résutté^çtopus.. allons  le. prouver,  que 
le  monde  intellèct)jLel,i:j'esi.i^\ij,p^^r4*h^^  de 

ruines.  '         .  , 

Copernic  et  dalilée ,  en  brisfi[Rt  cette  voûte^  soUde  que  la 
science  du  XVI"'  siècle  appelait  le  ûrmaiment,  ont  remplacé 
la  légende  par  la  sciepce ,  ferveur  par  La  vérité.  Us  ont  rendu 
à  l'infini  sa  grandeur,  et  sa  majesté  à  l'être  des  êtres.  Us  ont 
renoué  la  chaîne  des  temps  rompue  depuis  la  disparition 
des  pythagoriciens ,  et  détruit  implicitement  une  foule  de 
croyances  professées  avant  et  pendant  le  moyen-âge ,  sur 
la  terre ,  sur  l'homme ,  sur  l'humanité ,  sur  leurs  fonctions, 
leurs  mission^ ,  leiu'  avenir. 

Au  milieu  du  désordre  produit  par  cet  immense  cata- 
clysme spirituel,  la  science  doit  faire  entendre  sa  voix. 
C'est  à  elle  d'étudier  et  d'ensejigner  la  place  et  la  fonction 
de  chaque  être.,  c'est-à-dire  de  chaque  organisme  au  sein 
du  grand  tout. 

.Nous  sommes  sur  les  confins  de  deux  mondes;  l'un  , 
celui  des  légendes  et  de  la  métaphysique ,  qui  finit  ;  l'autre 
qui  commence  et  que  caractérise  la  .connaissance  de  faits 
généraux  et  de  lois  générales  auxquelles  nous  devons  ajouter 
la  polarité ,  la  circulation  et  la  solidarité ,  qu'enregistreront 
bientôt  nos  instituts  et  nos  académies^  De  là ,  pour  nous  , 
la  convenance  de  placer  en  tête  de  notre  étude  sur  le  ciel, 
la  terre ,  l'homme  et  l'humanité ,  xjuelques  données  prépa- 
ratoires. 

Parmi  les  hommes  qui  croiept  à  l'avenir  de  la  science , 
il  en  est  quelques-uns  qui  voudraient  bannir  du  domaine 
de  l'étude  tout  ce  qui  se  rattache  aux  causes  premières  ; 


BU  SIÈCLE.  29 

mais  s'il  eiiste  ea  notre  cervelle  des  organes  qui  corres- 
pondent «u  sentiment  yénérateur,  à  Fidéal ,  à  la  recherche 
du  pimrquoi  'et  dû  ttoïnmètit  deâ  (fhoses ,  ne  serait-ee  pas 
Yooknr  les  atrophier;  "ta  l^  càndaDànanf  à  n^  pas  fonction- 
ner, ^pié' 4e  k^  inVolontairétneiit  (5e, qu'il,  faudrait  pour 
les  afiioînârir  én^bèniliîssant  la  grande  poésie  qui  se  relie 
à  toutes  ce^  (iroyafûéèè  encwè  Vaguer  ^ui  flottent  mysté- 
rieuses entre  le^'ciel  et  la  terre  f  * . 

La  sôteiieë  la  plus  positive  et  fa  plu^  complète  a  toujours 
été  précédée,  dans  toutes  les  branches  des  connaissances 
homaîiies,  pér  t!in^  science  iticomptète  basée  sur  des  séries 
et  des  gpoeipes' ^e  faits  indomplets  et  mal  observés,  ou  sur 
des  à  priori  donnés  par  la  métaphysique.  Cette  science  si 
défectueuse  est  elle-même  Ta  fille  d'uiie  science  bien  plus 
inférieure  encore,  appuyée  uniquement  sur  des  intuitions 
Irès-vagoes,  très-conmses,  sur  des  phénomènes  peu  ou 
pas  étudiés,  sur  des  rêtes yéritables.  —  Le  rêve,  la  méta- 
physique ,  des  connaissances  plus  positives ,  voilà  donc  les 
trois  étapes  que  l'esprit  hxnnain  a  toujours  parcourues  et 
qu'il  parcourra  toujours  dans  la  recherche  du  vrai  et  de 
ridéaL  - 

Ecarter  l'étude  de  Dieu  et  celle  de  la  providence ,  parce 
que  les  hommes  oat  commis  des  crimes  au  nom  de  Dieu 
et  au  nom  de  la  providence ,  ce  n'est  pas.  résoudre  les  dif- 
ficultés qu'il  faut  vaincre,  ce  n'est  pas  délier  le  nœud 
gofdi^o,  ee  n'est  même  pas  le  couper,  comme  le  fit 
Alexandre,  mais  simplement  le  mettre  de  côté. 

0  est  plus  dîffiefle  peut-être ,  mais  aussi  plus  loyal  et 
{dus  sékm  le  courage  et  la  dignité  de  l'homme  façonné  par 
1  etade ,  d'aborder  de  front  ces  difficultés.  —  Le  mot  Dieu 
représente  un  problème  à  résoudre  ;  il  réveille  des  idées 
de  grandeur,  d'immensité ,  d'infini ,  que  nous  ne  saurions 
écarter  sans  avoir  &  rougir  de  notre  taiblesse:  —  Le  mot 
jmnridence  rappelle  à  son  tour  en  notre  esprit  des  idées 
d'onfre  et  d'-harmonie,  de  prévoyance  générale,  d'action 
constante ,  et ,  par  suite ,  de  lois  générales.  —  Si  Dieu ,  tel 
que  BOUS  arriverons  à  le  comprendre ,  si  la  providence , 
^  en  esl  la  manifestation  incessante ,  peuvent  être  expli- 
qués de  manière  à  élever  nos  âmes^  à  chasser  le  doute 

3 


30  PHILOSOPHIE 

qui  afflige  tant  de  cœurs,  de  manière  aussi  à  nous  faire 
mieux  sentir  Tuniversalité  de  la  vie ,  ses  gradations  dans 
l'échelle  des  êtres,  le  plaa  d'ensemble  de  cette  partie  de 
la  nature  qui  nous  est  connue ,  c'est-^à-dire  de  manière  à 
vivifier  les  plus  grandes  et  les  plus  nobles  aspirations  de 
l'intelligence,  pourquoi  nous  priver  de  cet  appui  si  puis- 
sant comme  consolation  et  comme  inspiration?  —  Res- 
treindre ses  études  et  son  langage,  serait-ce  par  hasard 
créer  la  verve,  l'audace  et  donner  des  ailes  à  sa  pensée? 
—  Ce  fut  à, travers  mille  inconnus  divers  que  Christophe 
Colomb  chercha  le  nouveau  monde-,  ainsi  fait,  ainsi  aoit 
faire  notre  siècle  dans  ses  pérégrinations  intellectuelles. 


DIEU. 


Les  croyances  religieuses  et  les  civilisations  qui  en  dé- 
coulent sont  en  rapport  direct  avec  l'idée  que  les  hommes 
ont  de  Dieu  et  de  la  providence.  Mieux  nous  comprenons , 
disait  Hrosvita,  .religieuse  saxone  du  X""*  siècle,  avec 
quelle  habileté  merveilleuse  Dieu  a  réglé  le  nombre  et  le 
poids  des  mondes,  plus  notre  cœur  brûle  d'amour  pour  lui, 
et  c'est  justice. 

Appliquant  cette  doctrine  à  notre  époque,  nous  devons 
nous  demander  ce  que  nous  pensons  et  ce  qu'il  convient  de 
penser  de  la  divinité. 

Est-eUe  un  pur  esprit  ;  son  essence  va-t-elle  plus  loin  ; 
embrasse-t-elle  à  la  fois  ce  qu'il  y  a  de  plus  subtil  et  ce 
qui  peut  frapper  nos  sens  :  l'intelligence  et  la  matière?  Dieu 
serait-il  l'inâni  dans  les  trois  ordres  physique ,  intellectuel 
et  moral,' et,  par  suite,  la  puissance,  1  action,  l'amour 
dans  l'infini  de  la  nature  ? 

Pour  résoudre  un  si  grand  problème ,  est-ce  trop  de  faire 
appel  à  la  sagesse  de  l'histoire ,  à  la  précision  de  la  science, 
aux  plus  nobles  aspirations  du  cœur  ? 


DU  8IÈGIB.  31 

Laissant  de  cMé  les  agitations  de  notre  vie  sociale,  notre 
inteUigeace  se  rejKHle  au  loin  dans  le  passé  des  figes  pour 
consulter  les  auteurs  des  livres  sacrés  de  rinde,  de  TArie 
(Asie  Centrale),  de  l'Egypte,  de  la  Judée,  les  druides , 
les  sages  de  la  Grèce,  le»  pères  de  la  chrétienté,  les  tem- 
pli^s  qui  se  disent  les  9uccesseurs>  de  saint  Jean ,  les  phi- 
losojAies  du  dernier  siècle  et  ceut  de  notre  époque.  A  tous 
elle  pose  cette  question  : 

Qu'est-ce  que  Dieu?  ' 

Ueu  est  tout  oe  qui  est-,  nous  répondent,  par  Brahma,  les 
Yedas  (la science)  ou  livres  sacrés  de  rinde;  il  n'y  a  rien 
en  debois  de  lui,  il  est  l'Ame  y  le  souffle ,  la  vie  de  la  nature. 

Dieu,  répond  Zoroastre  dans  ses  Nakas  (préceptes). 
Dieu  est  l'infini.  Il  a  produit  Onnudz,  la  puissance  ordon- 
natrice des  mondes.  Onnudz  est  l'auteur  de  tout  ce  qu'il  y 
a  de  bon  dans  la  nature.  Unis  à  lui,  les  archanges,  les 
anges ,  les  saints  et  les  fidèles  airiveront  un  jour  à  suppri- 
ma- le  mal  sur  la  terre  et  même  à  convertir  les  démons. 
Les  bonnes  œuvres  réjouissent  son  cœur,  et  parmi  les 
bonnes  œuvres  il  n'en  est  point  de  plus  méritoire  à  ses 
yeux  que  le  travail  et  surtout  que  le  travail  agricole. 

La  nature  infinie,  universelle,  vivante  et  animée  dans 
toutes  ses  parties ,  voilà  ce  que  les  sanctuaires  de  l'Egypte 
appellent  Dieu. 

Les  druides  professent  la  même  doctrine.  Des  forêts  aux 
chênes  séculaires  leur  servent  de  temples;  ils  admettent 
aussi  des  esprits  intermédiaires  entre  Dieu  et  l'homme.  La 
grande  circulation  des  agents  de  la  nature  leur  avait  donné, 
mïst  qu'aux  Egyptiens,  l'idée  d'une  métempsycose  ou  cir- 
eolation  des  esprits  dans  les  mondes  qui  peuplent  les 
espaces.  Ils  croyaimit  à  la  renaissance  de  l'homme  appelé 
par  des  vies  nouvelles  et  successives  à  se  rapprocher  de  plus 
en  plus  de  la  divinité,  par  le  mérite  de  ses  bonnes  actions 
H  le  perfectionnement  de  son  être  moral. 

D  est  difficile,  en  se  servant  des  traductions  habituelles 
de  la  Bible,  d'arriver  à  la  pensée  de  Moïse  sur  le  Tout- 
Puissant.  Mais  si  l'on  use  des  études  dé  D'Olivet,  on  est 
conéntt  à  croire  que  Moïse  a  pensé  comme  Zoroastre ,  qu'il 
a  vu  dans  Jébova  le  grand  oi^onnateur  des  choses. 


33  PHiioeoPHu 

Dans  U  principe,  .Œlokim  lui  les  Dieux  mmit  préparé  à 
la  réunù^  lesélimmU  de  €û  pid  4€eaiî  étrs  u»  jour,  le  del 
ei  la  4err^  :  .ielkâioitfploapiiefiiièiiea  Ugn^  4u  Peutateuque 
ou  Sépherviii.   -(  ri  f-ionno»  mmt- ^r?   -.?       .^.  ..'i    • 

Le  texta«aiDanllifti&)ldldt^qi)6;>}3^  les. éléments 

•  Dieuiest'un ,  ^di$ait  O^^^ée  à  la^Grèoe;  il  est  la  puissance 
fécondante  «t  génératrÎpe-ded'univQfS.,  l'époux  .et  l'épouse 
qui  <>nt  produit  les<  nHMdes.  A\  œ  fiijBU  miique,^  le  sage 
de  la  Thraoe^w^qui  aimf  «pui^tiSA  science  aui^  sanctuaires 
d'Egypte vfd0fW]ftittlx>i&fi»onaiS<^e;)ûn. «es  trqû  aspects  de 
puissance,  d'aetion*  et.di'aoï^iLr.hOu  dit.qulil  enseignait 
aussi,  suvile  vierbes^^uelque  peu<delAdo€trH>e,que  Platon 
et  les  chrétiens  ont  professée  depm.       .    .     i , ,  '     • 

Pythagorei4  qvii  avait  étudié  lesiUvpes  sacrés  de. tous  les 
peuples  ,iPythagore,  le  plus^and  des.sag^  de  la  Grèce, 
considérait  l'uniivers  connue  un  tout  animé;  mais,. il  y  dis^ 
tinguait  deux  substances  :  Tune  matérielle ,  l'autre  spiri- 
tuelle, l'éther,  sounœ  des  émanatioûs  ignées  et  lumineuses 
et  des  émianations . intellectuelles  dont,.3elon  lui,  seraient 
formées  les  ftmes.  - 

€e  que  nous  appelons^  le  del,  qui  dans  ses  vastes  flancs 
embrasse  tous  lesôtres ,  nous  idÂt  Pliae  «  est  un  Dieu  étemel, 
immense,  qui  n'a  jamais. été  produit  ^  qui  ne  sera  jamais 
détruit;  il  est  tout,  en  tout  v<oiu  plutôt  il  est  tout;  il  est 
l'ouvrage  de  la  nature  et  la  nature  ellenoième. 

Dieu  est/un  pur.e$prift.,:.nous•enseign^  la  .chrétienté;  il 
est  un  et  triple,  pêne  «ilU 'et:  saint  esprit.  Sa  toule^puissance 
a  tiré  le  aao&de-  diu  néant.  Quefa|ue£(Mfi  cependant ,  plus 
pmithéiste  en  son  langage^,  elle  admet,  avec  saint  Paul,  que 
nous  sonuBdes^t  queaoouâ  nou6  jnquvonS'en  lui.  Par  ailleurs, 
elle  CFOjitau  mal  oemme  piincipe,  à  une  faute  d'un  premier 
coupb^  è)  U  transmission  origineUe  de  ^cette  faute  et  à  une 
rédemption  nécessaire  par  les.  ^«ràri tas  du^Verbe  incarné.  U 
y  a  deux-ehoBes  dans^le  monde  ^.  nous  dit-ellci,  Tesprit  et 
la  matière  .r  l'esprit,  r4ubst«nce  impérissable <  la  matière, 
qui  subira  pour  les  covpstdes  hofwunes! une: complète  trans- 
formation lorsqu'ils  viendront  k  ressusciter,  c'est-à-dire  à 
renaître  à  une  seconde  vie;  -^  Le  x^hristianisme  n'admet 


point,  cotome  le  maîdéBme  cm  religion  de  Zoroastre,  que 
Dieu  paisse  pfardôtinèf  Axn  dénMi»  et  ^a»ii^  grands  eoupables 
qni  De  se  gemienl'-poiïït't^peniis*  stirla  terre.  Le  Tout- 
Puissant  des  chrétiens  proportionnera  la  punition  de^pé- 
chem  àlfl  m^^^é^vS^  Iàf*pe(soiktie^ff0ii6éie't>  aussi  sera-t*dle 
étemeDe  et  infinie.  Delà  non- seulement» tin «purgatoiFe, 
œmmedttnsla  i^eligion' des  mages -mai»  encore  lun  enftr. 

M.  de  Lameniiais,  ane  quelques-uns  considèrent  comme 
le  plus  récéUff^deâ  pêfres  dé  r-égli«e  chrétiemie  (nous  ne 
•lisons  pas  calholîqtfe')/prerfes6e  le  pwithéispne  spiritualiste 
etrimitérde3ub5tance.'*A'ses^'y«ta/  les'corpstne  seraient 
que  d^  ombnés  att^seitl  ^de'lff  «luttliète  divine. 

J.-J.  Rous^au  éTitede  ge-proncmcer  sur  Tessence  de 
Dîeo.  Tantôt  il  penche  ^ersf  le  spirituaKsine  absolu ,  tantôt 
il  T(Mt  la  dirinité-partout'!  dans  le  soleil  qui  nous  éclaii^e, 
dans  la  terre  rpâi  nous  porte,- dans  rhormme  qui  pense, 
dans  la  brebis  «qui  pat! i  dans  l'oiseau  qui t vole,  dans  la 
feuille  qu'emporte  le  vent 

Le  rituel  des  templiers  nions  enseigne  <ïue  Dieu  est  le 
srand  tout;  qu'il  se  compose  d'une  indivisible  trinité  :  le 
pêre,  le  fils,  le  saint-espnt.  Le  père,  l'être  infini,  composé 
<ietout  ce  (pi  est;  le  fils,  l'aetian,  sans  laquelle  Dieu  le 
père  ou  l'existence  serait  comme  si  elle  n'était  pas  ;  le  saint- 
^prit,  ou  rinUlligence,  sans  lequel  l'existence  et  l'action 
ne  seraient  ni  comprises  f  ni  senties,  ni  perçues.  Il  tire, 
«ître  autres  conséquences  de  cette  formule,  celle-ci  :  que 
M  ce  qui  existe  participe  «ux  trois  modes,  aux  trois  pro- 
priéMsde  Dieu ,  qui  constituent  la  vie  universelle  de  la  na- 
ture et  se  manifestent  dans  tous  les  êtres,  mais  sous  des 
^es  diverses  et  à  des  degrés  diflKrents^ 

Frappé  du  rague- et  du  caroctère  métaphysique  de  ces 
conceptions,  nous  demandons  à  la  science  si  elle  pourrait 
9ons répondre  d'mie  manière  pius  précise.  Mais  non,  l'in- 
^  est  uii  abîme  au  bord-  duquel  la  pensée  humaine 
s'arrête.  Elle  voudrait  en  sonder  les  profondeurs ,  impos- 
îMe!M  —  N'y  a^t-il  pas  au  oiePplus  de  soleils  radieux  que 
^  grnns  de  sable  au  bord  de  la  mer,  que  de  gouttes  d'eau 
^«ns  les  océans?  Le  temps,  l'espace,  la  matière,  le  mou- 
^mmi  et  la  vie  ne  peuvent  être  étudiés  par  l'homme  que 


S4  PfiltOSOPHIfi 

dans  d'étroites  limites.  — Les  instruments  et  les  méthodes 
qui  agrandissent  la  sp^^  de  nos  inrestigations  ne  sauraient 
nous  conduire  à  c^  qui  <défMA«se  toutes  les  bornes  des  sens 
et  même  de  rentendemem.  La  grande  énigme  encore  si 

{)eu  déchiffrée  de  l'ttûîWrë^  ^r^'denc  toujours  pour  nous 
a  manifestation  splendide  et  infiftie  de  cet  autre  mystère 
appelé  Dieu.  i       u    •  : .  . 

Toutefois,  après  avoir  ainsi  recomm  sa  faiblesse,  la 
science  reprend  la  question  divine  isous  un  autre  aspect. 
Alors  elle  observe  partout^  dans  les '^fttres  'soumis  à  son 
investigation,  une  force  iadiviéueUe,  espèce  de  fragment  de 
la  force  générale  ;  partottl^elletetrouve  aussi  le  mouvement, 
partout  Tamour,  partout  en  un  uKyt  ces  incessants  change- 
ments ,  ces  transformations  de  leute  heure  que  nous  ne 
connaissons  que  d'hier  et  que  notre  langue,  en  harmonie 
avec  notre  faible  savoir,  lappeHe  des  créations.  L'expérience 
lui  vient  en  aide  et  vérifie,  âms  tous  les  êtres  connus,  la 
puissance ,  l'action  ^  l'amour. 

Dieu  n'est  donc  point  une  hypothèse,  un  mythe,  mais 
un  fait.  Ce  grand  mystère  qui  nous  domine  et  que  notre 
intelligence  ne  saurait  concevoir,  parce  que  l'infini  n'a 
aucune  mesure  commune  avec  notre  être,  nous  est  cejpen- 
dant  accessible  dans  une  portion  infiniment  petite  de  1  uni- 
vers ,  qui  nous  le  révèle  chaque  jour  de  plus  en  plus,  selon 
notre  savoir.  Le  nier  c'est  impossible.  Le  mettre  de  côté 
ne  serait  ni  plus  aiséni  phissage.» 

Ace  point  delà  question  le  sentiment  s'en  empare.  Si  chez 
tous  les  peuples,  nous  dit-il,  on  trouve  mi  profond  respect 
pour  la  majesté  de  l'univers  et  la  grandeur  des  œuvres  qui 
s'accomplissent  en  son  sein,  "éhez  tous  aussi  la  croyance 
religieuse  varie  et  s'élève  efr maison  tte  leurs  connaissances. 
La  science  et  l'amour  doivent  donc  marchev  de  front.  Au 
lieu ,  par  suite,  d'immolernos ftères pour  le  triomj^e  d'une 
conception  métaphysique  queU^^  qu'elle  soit  ^  unissons  nos 
efforts;  formons  une  sainie^associationvmae  sainte  église; 
complétons-nous  '  les  %ïS'  par  les  autres  -pour  •  les  facultés 
dont  nous  sommes  dépourvu  ;  prtoccupons--nous  de  consr 
tater  les  phénomènes  de  Finfim-  et  les  lois  de  la  nature, 
dans  la  portion  limitée  du  cosmos  que  nos  investiga- 


i)U  SIËGLB.  %& 

tioos  peuvent  atteindre.  —  Que  Tétude  devienne  notre 
incessante  prière;  quQ  par  elle  notre  inteUigenee  s'élève  de 
plus  en  plm  vers  les  .tois  inuip^uableis  de  runivers  ;  que  la 
pureté  de.  notre  cosWi  <iU9]p  (^pitiff^  de  notre  vie  se  mettent 
à  Tunisson  d&l.periteçitîoASide  ^a,n«Mvce,  car  o'eat  ainsi  que 
nous  deviendrons  de^  plujiî  en  plus  capaUes  et  dignes  de 
Tadinirer,  de  l'étudier  et  de  la  comprendre.  —  Reculer  les 
bornes  du  sayoii:,  soodar  plua  avant  encoi^e  les  mystères  des 
existences  0t  .d^s  mondes  *  voilà  la  seule  voie  pratique  ;  de 
la  sorte  nous  trouverons. Dieu,  partput  et  nous  pourrons 
relier  nos  crpyances.acJinc^es  aux  croyances  passées^  dont 
elles  ne  scmt  que  le .  développenikent.  La  trinité  des  sages 
et  des  saints  nous  appaj^altf  a  de  nouveau  dans  cette  gran- 
deur des  qhoses  qui  faumilie  notre  humaine  faiblesse ,  dans 
Imcessante  action  qui  les  relie  «  qui  les  solidarise  et  dans 
cet  amour,  universel  qui  est  la  plus  belle  expression  de  la 
ne.  Placés  en  Dieu  par  cette  conception,  nous  le  retrou- 
Terons  encore  dans  le  développement  de  toute  les  existences 
et  par  suite  dans  toute  loi  nouvelle  à  connaître ,  dans  toute 
harmonie  à  créer  dans  la  nature ,  dans  tout  bonheur,  dans 
tout  bien-être  à  verser  sur  nos  semblables. 


bE  LA  PROVIDENCE. 


Notre  époque  scientifique  doit  appeler  de  ce  nom  vénéré 
la  loi  d'ordre  et  de  vjie  de.  la  nature,  cette  puissante  attrac- 
tion qui  a  produit,  les  masses,  et  le  mouvement  qui  les 
anime,  cette  affinité au^^symMthies  si  longtemps  inconnues 
qui  rappDQch^  et  combine  les  molécules,  imprimant  à 
iether  des  étais.différmts  jque.l'qn  dénomme  lumière,  élec- 
trieité,  chaleur  ;  créfAt  les  réactions  chimiques  ou  molécu- 
laires des  diverses  substanges;  cnstallisant  et  organisant  la 
matière  de  façon  telle,  que  par  des  axes  de  plus  en  plus 
parfaits,  par  des  oi^anismes  de  plus  en  plus  complets ,  elle 


26  PHILOSOPHIE 

arrive  à  produire  les  fonctions  les  plus  élevées  :  celles  de  la 
sensation,  du  sentiment  et  de  la  coimaissanee;  en  un  mot 
les  pbénoQiènes  j  d'iprdfejiQqraL'et  inteUectuel  qui  se  mani- 
festent au  sein  de  rhuman^f^,.!  il..-,  n  f..    ,.,  '.||)TI' 

La  p£QYi4)9)[fc^Mie^^péyl4i3QWeot,iia  caisse;  efficiente  et 
intégrante  q^a  b^rqipniésn/f^^.  Qiond^  iqui  ne  «sont  (que 
Ton  nous'pprmpttfe  jjw'lwaagQ.(PW(flment  poétique)  que  la 

divt^$  et  jp«wf  «,o:flSktTT^,-i4tf 

Songqfï  ^yx.içijwns^*  4r'iW^i(Oau8^  PUJ&wmte  agissant 
pendflipt^  d^,§a}p4çs  .fiiAr  pRqdpari^e  \  4u,gic*eî;.qu^  de  phé- 
nomèneS|  eU^|^çp^uit.ïiéc^^ffttfr<fW0fiU»t7p.  Siicett^  oause  agit 
avec  u^e:cer^me  cég^AsupU^'id^Sf^on  /action  et  4ans  son 
intensité  1  le^|ph^f^^l^^^q^'«iÙe■a^lg«nf^e!Son^^  uns 

aux  aulfe&,,p^r,iwe  v4rJ\^^4il(a|lioa  ^-^.gioweatavec 
harmonij^,  C^MP  deiifaosj^npptiopa,  (fiUepi  U^  qnes.de^'autres, 
la  Frauce  n'a-l-elle  jpas$ii|^i^^4€piûs.01pvÂ$  jus((u'à  nous  ! 

Pensez  maintenait  apx,  w^uonces  d'une  cause  plus  puis- 
sante encore  quQ.,1^  {M^sép  fr^i^çai^.,  agissant  pwdant  des 
siècles  sur  I4  terre,  eptièr^,  .e(  rep^^Btiez,' .cette i^ause  en 
votre  esprit  par, .les ^ affinités.  Dp|ç^éçi#lw,çes':  qu^  de»  modifi- 
cations, que  (l9ç^^jîgep3ieftt^,,q^«de.ti:ansfonpatip»&  vous 
apercevrei^  à  la  su;:(^ç^,  du.,glo|)^;.  q\Lfl  de  vies  q/ai  com- 
mencent, que  d'autres  qui^,  fii;^ijSseni  pour,  recommencer 
encore;  que  de  pheijU)p\ènes.t9i^iplttS'.  K^erveiljeux.les  uns 
que  les  autre^  aii  sein  de^  organisations  iq^érales^  végétales 
et  animales!  ■  /ri.  .    ^  -^  i       .  •  •  ♦ 

Pourquoi  vous  arrètçr  sur  /çetjto  iroute  ?  Ayez  mainteiMint 
dansTcsp-it  une  portion  de  .r^espiice  plu^«éteqdue<qtte  la 
France  et  que  notre  globe,,,  notre. ■  système  solaiv^,  par 
exemple ,  et  une  cause  piu9«on9taiM^i^i^  soniotensi^  et  bien 
autrement  pui^sante.qijLe  la  .pen^  française.  Ainsi  voyez  des 
yeux  de  1  intelligence  \^  moléci^^  du  système  .solaire , 
toutes  si  infipjipeat  petites  ^.parJ4il;emeat  orieBtéeerou  po- 
larisées, S9umises  k  ta  gravitation  r  wv^lopfpées  en  quelque 
sorte  d'une  substance  tr^s^enue^  d'une  robe^éthépée,  gjsze 
la  plus  légère,  vivait, à  côté  lesi  u]»es  d|9S  «a^tr^s^,  guidées 
en  leurs  actes  par  le.urÀaJQrmités,..par  <c^  amour  universel 
qui  crée  les  sympathies  et  les  antipathies ,  qui  par  suite  dis-^ 


Dû  STÈCM.  S7 

soul  et  combine,  groupé  et  réiUnît;  et  bientôt  an  sein  de 
ces  molécules *V(ms'«)iÉj^  flëé'  'ondàlàftioïls  âthérées , 

sources  de9ma[tiife^tl<]^s^él4«MI(}\iies^'M]!iàiûéU^è^  6t  ij^nées, 
puis  la  circulation  et  la  solidarttej' "^^J^^  ^  "  *  '     '     ^^ 

Que  ttrt*ê  pfeôséfe  â'ëlâW'éiVédl^V'qtrélle'réùWàsfeJ  eh 'un 
faisceau  la  grfcvlt«tiott;»'lè9'  affitti^Si'W^Hôldritë,  'éfes'pro- 
priéléB  mhéirentei  ë  >)«  ëtibdtÉniië  ffV)^dëébâeilt'  la  biVculation 
et  ta^toMiiHMr^'eH^bi^ê^lëdbërHèriéÀael'ëi^t^^^^  (Qu'elle 
s'«ffr«Achissekleb'l&»M«^x)d1èitfb^^  ^and 

anir^^^  k^^nnAMil,  '(^'^^liiSttëài  «'àtittens  éfetttellès ,  aux 
inténsHés^{yrobabtetilMt''¥d^liëi^dtde^  ô^is^flfhfés'  et'  dé- 
(;reissHittésV  ccw^antës^'IWtiï^iiWfi^  ^•iië^lîrtflté^V  f^^ 
périodit|*eë  aux  yëiÉL  fle-Diett;  leiqiiéBes  ci-éeht  l'orfite;  l'har- 
monie»^  ïes^ë^rtle  là^V^è,'&ôfrfète  dèf  l'brtIVé,  dé  Tharmonie 
et  des¥leslrttttefanfléës'»*rt  lèildeÉtiMn':  'ôtors^bus  arriverez 
à  comprendre* 'le'-ftirt  '^tfbHttie'^é" lei^'hôrtimës'  ont  appelé 
proTÎdetièe  et  dbnft'ibfeetoltaèWefifi'à pëbié  à;avoir  la  notion. 

Suppdsè2r  maiiïfettatit  'nft'gétté^fès'-stlpërieur  au  génie 
humain.  Ne  ?èrraît-fl  -ph^  ^  en'éttfdëaî*  Kritefisité  dfe's  cinq 
lois  que  nous  avons  réuriiefe  feli  ^me  sôùs  le  nôto  de  provi- 
dence, et' les  siibstèfnefes  Stif  lesJ^elles  leur  action  peut 
s'exercer,  toute  la  série  desi  'j^énomènes'  qui  doivent  s'ac- 
eomplir  ûécessairemeiit  sous  leur  influence ,  toute  celle  des 
transformations  ainquellesf  ces  lois  doivent  présider? —  Mais 
si  cette  intelligence  gnandft  jusqu'à  Tinflili,  quelle  sera  la 
fimîte  <le  son  dav^,'âe  ses^ccntataissàhces,  de  ses  prévi- 
sions? —  Lorsque  nous  trouvons  partout  la  preuve  d'une 
ciieiiIaftkHatLniveirselle,  tfuneiiniverselle  solidarité.;  lorsque 
la  polarité;' lès' afflhilés;!âi ^gravitation  se  révèlent  partout 
à  nos  itttîèitrgiltiônç,  sufltt'terré  et  darte  léS  eèpAceà,  pour- 
quoi bJ*  l'esprit' univèwet?' N'est-^il'lpai  pl^^^  logique 
d'anployet' notre  savoir  àréttfdièîr,  tî'e^-à-dfrèf  &  le  com- 
preadre,  pour  le  ténéret-  selon  te^  rtérites  infinis  de'  ses 
BiamfidfilatièiAS'?' La  téite'e^  ioade',  disâft'Platdïi;  elle  n'a 
point  d>'ïi^nes  lAcômèteuri^,  donc  elle  èfst  iïumobile:  Je  ne 
▼ois-pafi^ie  eerveau  de  Tètre  universel  j' disent  certains  phi- 
losaphés  qm\  raisonnaiit^%  himaniè^ 'de 'Maton  ,* sont  con- 
Mis  par  suite;  à  nier  Tkitellîgencede  ce^and  être,  c'est-à- 
doB  K  Riefa^  et  à  te  réduire  à  Tétat  de  simple  hypothèse. 


88  PHILOSOPHIE 


LA  VIE  UNIVERSteLI!EȑT'IIB=PtAN'  PROVIDENTIEL. 

-.'    ^     M     tti..       Jr..       i<     . 

Les  philosopha»,  losisavanUfeaaMnèim»  s'abuMt  étran- 
gement sur  <e  que  l'on  appelle>4ai^;'-^^  Ëtre>«ou<yi¥re  , 
c'est  tout  un.  S'il  n'y  a  qu  un  vaibe  être ,  -e'eslqne  la  vie 
est  uniY0V9tdle;  qu'elle  se -manifesta  dans  tous  les  êtres, 
bien  qu'à deada^réssou^nl  tpè»idntants ks uns^des antres 
et  sous  les  formes  les  plus  variées.  

Notre  longue  ignorance  de  la  circulation  de  la  natupe  et 
de  la  solidarité  qui  relie  •  entre  «ux  tous  les  organes  du 
cosmos,  voilà  cette  cause  ^  laquelle  nous  devons  attribuer 
les  erreurs  écrites  à  l'enoontre'  de  runiversaltté  de  la  vie , 
par  les  esprits  les  plus  éminents. 

Gonnaisse3>-vous  une  existence  quî  ne  se  rattache  pas  à 
la  grande  vie  de  la  nature?  Si  je  respire,  je  puise  dans  le 
domaine  commun  de  l'anr  atmosphénque  cet  excitant  qui 
entretient  les  battements  de  mon  cœur;  si  je  mange,  je 
prends  dans  l'ensemble  des  vies  extérieures  l'aliment  qui 
doit  réparer  mes  forces  épuisées  ;  les  émanations  de  mon 
être  retournent  au  grand  tout  qui  m'enveloppe  ;  mes  pas 
me  font  mesurer  son  espace  et  mes  sens  me  conduisent  à 
apprécier  les  choses  moléculairas  sous  divers  aspects.  Quant 
à  mon  esprit ,  il  est  du  domaine  de  mon  être  par  son  loge- 
ment en  ma  cervelle  ;  mais  il  est  du  domaine  de  l'univ^rsa- 
Uté  des  êtres  par  les  enseignements  de  toute  espèce  que 
sans  cesse  il  reçoitde  la  nature  qui  mf'emeloppe ,  du  grûid 
inconnu,  c'est-à*-dire  de  Dieu  j  i  •         ' 

In  illo  vifnmus  H  iumuêuEn  lui  nous  sommes  et  nous 
vivons,  disait  «saint'  Paidy  ^mand^  «ms  l'-insp^ation  d'un 
magnifique  pressentiment ,-  il  devançait  kb  siècles  el  voyait 
au  sein  de  la  divinité,  comme  à  l'état  eipectant  et  latent , 
rhumanité  tout  entière  «ecléreloppant  A  travers  les  Ages. 

Beaucoup  de  physiologistes  se  sont  trompés  en  voulant 
définir  la  vie.  La  plupart  ont  puisé  les  éléments  de  leurs 


BU  siteu.  39 

eiplicaiions  dans  les  qualités  spéciales  à  une  ou  deux  seu- 
lement des  cinq  séries  d'existences  que  nous  offrent  les 
mondes  ;  par  suite  ils  ont  été  incomplets  et  inexacts.  La 
vie  ne^«^d^i^i^ip«^y  fififlqp'tl}erine  &vii  pas,  puisqu'elle 
est  sans  limite  :  elle  se  constate.  Mais  à  quelque  règne 
qu'une  existence  appartienne,  qu'elle  soit  minérale,  végé- 
ûle,  animale ,  sociale  ou  sidérale,  eUe  présente  les  phéno- 
mènes successifs  ^ptô  (nom  QUoi»éninné^  : 

i"".  L'être  stndîvidnaUbe»^- se > forme  par  émanation,  au 
sein  d'éléments. antérieurs/:  x  .      ■,  -  \  ■ 

2^  U  sobii  des  transformations  successires  et  progressives  ; 

5*"  11  oseille  autour. «d'uan  «état. moyen  qui  est  pour  lui  la 
perfection  relative  ;         ..'... 

4MIdém>it;  .    ^ 

S""  Sqsi  parties  se  séparent;  il  y  a  dissolution.  Alors  se 
présente ^in  temps  de  repo^  plus  ou  moins  prolongé,  puis 
les  éléments  qui  avaient* vécu  en  association  rentrent  oans 
la  grande  circulation  de  la  nature  ^  pour  fournir  des  aliments 
soit  à  des  émanations  nouvelles,  soit  à  de  nouvelles  exis- 
tenees.  .  t^ 

Notre  système  splaire  est  arrivé  à  la  troisième  phase  de 
celte  série.  Sur  notre  glcdDe,  les  eaux  et  l'atmosphère  pa- 
raissent arrêtés  à  la  ;même  pMode;  l'humanité  en  est  en- 
core à  la  première,  tandis  que  des  existences  plus  rapides 
en  leurs  manifestations.,  accomplissent  journellement  sous 
nos  yeux  les  cinq  (emps.de-  la  vie. 

La  physiologie  a  pu  étudier  longtemps  l'univers,  sans 
but  déterminé,  sans  désir  ardent  d'arriver  à  comprendre 
l'ordre  général  du  grand  touit  et  la  sagesse  d'une  action 
toujours  la  même,  toiqovffs<eoDstante,  ou  régulière  en  ses 
variations;  mais  le  vieux;  savoir  est  débordé.  Partout  au- 
jourd'hui l'esprit  de  l'homme  recherche  le  lien  (la  religion 
et  la  cause)  des  êtres  ^i  dei.telie  sorta  que  la  théologie  ou 
étude  deAieu  se  eooloiïdisaDs  cessedavantage  avec  l'étude 
philesopfaiqufi^  du  cossk»^'  c'estrÀ-dîpe  avec  la  philosophie 
ou  physiologie  gâo^le. 

De  rinrairiabte  loi  i  qui  gouverne  la  nature  sous  le  nom 
générique  de  providence,  sons  les  noms  de  force,  de  concen- 
tration et  de  force  d'expansion,  sous  ceux  encore  plus 


40  PHiauofiOpnn 

spéciaux  de  gravitation;,  d'affinités,  de  polarité,  de  circu- 
lation et  de  solidarité.^  U  ié9alterquele>x^amp  4ans  lequel 
les  êtres^oivent.âe  dével^ptr^JadifcotioiirdQileurs déve- 
loppements sont  des  (aitoinéeaiwtéB.nf  Mi    Mr.'    Ml* 

Ce.,Q}ifi]»p  et  oette.  cburefilttofdes  .je^is^enoes^^imposés 
par  r4eUpnkM)essiinteTdd  ki>  kâi4kiidriBi^t)idt.hriesnreilà 
pour noM^ie  pIan:pro«idei)ttfiU  ^^t .  .fr  ti  v  le    •(>   h. 

Son  pv^mier  eara^tèsè  edl(  dtètreenteetenurpavilareirca- 
lation  4es  impondéraUesiet  4esipA^dârAUes.^  sonis^oad, 
d'offiric  partoict  aux^  yena^ /ii^eUfigenlsnla^  pltis,  «dmirable 
solida4té*(diaQS  toutesr  seB:partieài  (•>  ,••:;/>,.. .n  >ui.'.  ui  -. 

Le  ploD'  prQiûdentîel{>fieiuti.qnoQK0:étrdi»esaiiBlié*  dans 
re^pactf^et*  oans  le  t«mps«'rS6k)nla!-ooa0iejprf9>U«iet  «selon 
rAttf^otre.  La  cosmographie  deviez  alnrs  la^ficiemet générale 
de  to^s,les  phénoui^nes  et  -do  4oQSi  lise^  faits  fattlniiÉR  à  «me 
époque  d^pnnée.,  tandis  que  libiMoire^racMteieidéerit  la 
série  des-  phases  que  chaque «eKistance  {larcdiurtidifis  ses 
manifesi(a(tions.  '    ...   t.  .  . 

Les  séries  de  phénomèoea^  tes  «nsKd^rdro^soeial,  les 
autres  plus  .matériels^  que  cette. élnaée^netenjévictenee, 
voilà  Texpressiondela  vofenté  d&i)iie«flB^on)les  théologiens; 
le  résultat  néeessaii»  des4oisiide^k«patareis«dnn  lesipbjsio- 

logistes-  .       :   '•  •;•.;':.  «    i  •* 

.  ]   M  -il  [;  :    .   r.  /    .•   :     :   .    ■  {■ 

DE  LA  DEBTINÉE'&B  L^HUMANTtÉ.    ' 

.    ■    .■       -•.;!./       '..;■■;    ri  *'■  '     "      •. 

.     .  ^  ,.  ï.         '  :  •     .  î  .-    •. 

Je  dirais  volontiers  «vec  aamt  Augnatiaf  que- chercher 
Dieu^  (|'est  cherchée  da  vii$.hQ»r8iise;;qti6  les  hommes  n'ap- 
pellent., de  leuQs.  vxBus  une  meUleiirB  existence  que  parce 
qu'ilsep  ont  lApmsswiiaMit;'M»ftûiÙL<iharo^  trouver  le 

Dieu  de  saint  Au^^tin,  c'esttà^iT&ia[>perfectiQDi,  le  bonheur? 

La  prière  et  la  grftce^  voilà  les  sources  Teligieuses  du 
bonheur  selonie  christiemisine  ^la  dernière  et  1»  plus  étudiée 
des  religions  révélées»  Transformée  par  la  r  science  ^  cette 
grande  religion  voudra  encore  y  puiser. 


DU  SIÈCLE.  41 

La  prière  est  une  élévaiionide»  notve  âme  vers  Tètre  des 

èties.  Haîsquettepnàiepliisrélc^ée  j'plufiidi^ito^de-rbomnie 

et  deis  diwiitéi^>4uftrâtialisi}qqr9'0àU)MâiBo(t)t^       que 

Vétude  incessante  de  l&<fiâlaee»ytq«i»ireihiMfr«tt6nti{  de 

ses  phénomènesi^  (faerU^raidiIffohé*  iéi^ëê  Ièis.<{Sîi'11ionaiÈe 

eniuit.ett  déMev'«i  iibniaaitëaù  bbreëmv'mdèrëCtaiiAive 

en  pésencedes  grands  spectaclbtflIuéliivoÇireh^i  ïek  mondes, 

s'aàraE9sefcit>4an8  leiantecnfor;  ]^  d«»)  sii^icaiionis;  à  ôet 

infini  qaides  deiÉiia«V'y'h<>iB^^'®^i'b»mêMlé'tl^ont^iIsjp^ 

pcntt^eiM'y^aps  tbirlige'fAii»UYirilv'dei>S''aék         à  Dieu 

dans  un  autre  langage,  et  d&'ttnqptacerJpa^  ^a^iDéditation 

GiHilëm{dative  et ^surtouti pai:txj|f'<ë|tuâa' >eti 'la ' idonnaissefnce 

scieiitiflqaei^^iai>>«n:«*ost  la)  eonsécfQQBSce;  le&  peurs  et  les 

sapplîestHmsd'nne  antDeép«qdede|a  vie?' '   ' 

C^ldiieiUeiir  meyen^d-'étudiér  èl  dei  prier' F4<re  sU]»téme 
que  'de  :  reoheiM)her>  aa^  )  vrioiité^4ans!  le»^  lois  'de<  <taf  nature  ? 
Le  resAe  n'est  trop  -soMent'qae^BtiMMption,  'manière' de 
déifier  les  croyances  et  les  désirs  ae  ThomBiev  d'abaisser 
Dieu  que  nous 'OonnoissoBd  si- 'peui'at>dent>'riiTfim  est  si 
aa-deœus  de  notre  ««bendeineni  ,i  pour  îraffubler  de  nos 
homeors^  ••d&' nos  pnéÎQ^ésv  de'iioim  ignonmcey  de  nos 
mesqaipeeet  hoQteoMSipassîonsi  MiséraUe'etrchéiîve  créa- 
ture! in  ne  ferais  le  bien  que  dans  la  crainte  d'être  damnée, 
lorsque  tu  portes  au-dedans  de  toi  ta  raison ,  cette  lumière 
qui  doit  éclairer  ta  vie?  Tu  te  gardes  d'être  méchant  parce 
que  tu  n'oses  :  mais  c'est  déjà  de  la  méchanceté ,  quelque 
chose  d'indigi|e4/iiii  êjtre  qople-etTgéa^ux»  a. Moi,  te  dit 
a  le  prédicateur  Charron,  en  son  livre  de  la  sagesse,  je  veux 
a  qae  tu  oses,  mais  que  tu  ne  veuilles,  quand  tu  n'en  serais 
»  jamais  tancé  ;  je  veux  que  tu  sois  homme  de  bien ,  quand 
•  iQjie  dofnaisfamaisJidlerien  paradis, 'Mais ''pour  ce  que 
»  la  naftnrs:^  lacaiion;  etet^i^diM  Dieu  le  veut;  pour  ce 
B  ipie  latloi  et-la  pcJu». générale  du  inonde  d'où  tu  es 
B  une  pièselareqpidstiaiBBiv'etttitiiiéJfiMx'ebiidentir  d'être 
»  ant»  qoe  ta  ifaiUesiooDtre  toi<»4nèine,  len  éltre^iei  ta  fin.  » 
G'étaîl,  il  y  a  huk  mille  uias^  nn  grand  enseignement 
qiied'aBnon6eraux'hoBUnes.le'tiÂeniirfie  définitif tlu  bien, 
du  beau  j  de  la  vertu  ;  quei  de -les  i  associer  aux  saints ,  aux 
aqges  et  à  Dieu  lui-même ,  comme  le  faisait  Zoroastre, 


42  PHILOSOPHIE 

pour  combattre  resprit  de  mal  et  de  ténèbres  représenté 
par  les^maux  mauaisaats,  k  misère,  Je  rachitisme  et  la 

f)rostiiution.  M^is  auj^^urd'lKui  nous  n'atoDS  autre  chose  à 
aire  qpe  d'étudier,  le.fian.proviâentielr  et  les  lois  qui  en 
découliênt,  pour  iio^,yiCûSiformeF;  C'est  ainsi  seulement 
qu'il  est  possible  de.cee0nnaitre  la  pince  assignée  à  l'homme, 
dans  c^t  immense  CQQcerltOÙ.  les  perfections  du  cosmos  et 
les  sublimités  des  mondpset  des  incessantes  créatitms  sont 
chantéesi  à  chaque  instant  ^  «yee  le  lyrisme  le  plus  complet 
et  dans  le  pl^us  magnifique  «des  langages. 

La  grâce,  telle  que d'entendaient  lesanoiennes  croyances, 
est  immwquahlement  suivie. du  salut  et  du  bonheur  éter- 
nel ,  qui  se  manifeste  par  le  règne  étemel  en  Dieu  et  avec 
Dieu.  L'être  des.ètces  étant  tout->-piiissant  ^  l'homme  qui 
règne  avec  lui  participe,  de  cette  toute-puissance.  Ainsi 
fait-il^  lorsqu'en  étudiant  la  nature  il  se  met  en  mesure 
de  comprendre  le  but  tde.la  providence  et  de  travailler  à 
l'accomplissement  de  ses  plans. 

Obéir  a  Dieu,  VQilà  le  langage  de^  croyances  religieuses 
du  passé  ;  suivre  IéBs  u>is  de  la  nature  ,  voilà  «elui  des 
convictions  non  moins  religieuses,  mais  plus  savantes  et 

{)lus  philosophiques,  que  nous. enseigne  la  physiologie*  Au 
ond  c'est  la  même  chose,  car  c'est,  comme  l'a  dit  saint 
Jean«  marcher  vers  la  liberté  et  la  vérité. 

La  grâce,  cette  protection  si  touchante  accordée  par 
Fêtre  des  êtres  à  l'enfant  au  berceau ,  «ette  lisière  de  l'hu- 
manité des  premiers  Âge»  n'est  donc  pas  un  non-sens  ;  mais 
elle  sera  de. plus  en-plus^pour  le  philosophe,  la  science  qui 
élève,  qui  grandit  l'humanité ,-  qui  l'associe  à  la  puissance 
créatrice  et  ordonnatrâce  de  l'univers.  L'homme  aura  besoin 
de  vénérer  encore,  mais  cette  vénération  aura  changé 
d'objet  et  de  caractère  ;  ellci  ne  sera  point  uniquement  ma- 
térialiste ,  parce  qu'il  y  a  dans,  ce  monde  L'esprit  qui  vivifie  ; 
elle  ne  sera  point  uniquement  spiritqalislie,  panse  qu'il  y 
a  aussi  dans  ce  monde  autre  chose,  que:  de  l'esprît  et  de  la 
lumière.  La  sagesse  écciteL  eoigros  cttractères  dans  toutes  le^ 
existences  et  dans  toutes  les  transformalions  de  la  nature , 
voilà  quel  sera  dorénavant  l'objet  ides  contemplations  hu- 
maines. Arrivée  à  comprendre  l'ordre  4u  grand  tout,  dans 


BU  glÈCLE.  43 

h  partie  qui  nous  est  accessible,  rhumanilé  se  repliera 
sur  elle-mâme  pour  s'y  eonformeF.  La  loi  de  son  développe- 
ment, la  source  et.larcause  de  ses  progrès  deviendront 
Vobjet  de  ses  invesli08utk«e.iSUe"aiira  ocwirnencé  par  re* 
connaître  qu'^Ue  est  soumise  afoxdois  générales  de  la  vie , 
puis  elle  irou<ka  se  sentûr  vivre  ^de  la  vie  universelle  :  alors 
elle  tentera  de  réaliser  le -parfait  dans  l'association  des 
hommes  4  commoiil-sei^Use  chaque  Jour  en  dehex^  d'elle 
dans  lesxnstallisations  ^s  eombinaisons^ chimiques,  dans 
les  (M^anisations  végétales^ et  animales.  Les  pogrès  de  la 
science  et  de  la  'pfailosophie<lui  auront  enseigné  la  part  que 
l'homme  peut  {ûrendre  dans  la  création  d'une  plus  grande 
sdidarité  et  d'une  circulation  plus  parfaite  à  la  surface  du 
globe  ^  l'action  qu'il  doit  exercer  par  la  culture  de  la  planète 
sur  les  éléments  de  circulation  ^  •  sur  la  lumière ,  la  chaleur, 
réleetridlé,  l'atmosphère,' les  vapeurs,  les  liquides  et  les 
subsiaBces  solides  qu'ils  peuvent  dissoudre  ou  même  em- 
porter dans  leurs  volatiUsalions  ;  il  connaîtra  l'influence 
qu'il  peut  acquérir  par  son  action  persévérante  sur  les 
espèces*  animales  et  végétales^*  les  transfonnations  qu'il  peut 
leur  imposer,  les  progrès-  qu'il  doit  leur  faire  accomplir  ; 
et  il  sentira  qu'il  est  à  la  surface  de  la  terre  le  reflet  de  l'in- 
telligence infinie ,  la  loi  vivante ,  la  loi  d'ordre  et  de  dévelop- 
pement ,  une  seconde  providenee  chargée  par  la  nature 
d'aider  le  ^obe  entier  dans  l'accomplissement  de  sa  des- 
tinée. Mais  à  quelles  conditions  ?'  C'est  qu'il  deviendra  de 
|dus  en  plus  le  sertnteur  de  Dieu  selon  le  vieux  langage , 
le  fermier  de  la  terre  et  le  ceadj$deur  de  la  nature,  selon 
les  données  philosophiques.  Àmsi  sera  supprimée  la  loi 
écrite,  si  contraire. au  bonheur  des  humains.  Toute  loi 
écrite  étant  faite  d'après  les  idées  du  passé,  se  trouve  né- 
cessairefluenten  lutte  avec  le  progrès*  qui  la  nie.  Lorsqu'il 
s'agit  de  réaliser  l'aveair,  toute  nègle  qui  tend  à  immobiliser 
ce  qui  fut  devi^tit,  par  suite,  une. source  de  révolutions. 
Lea  lo^  de  mieuxien  mieuxoonnuesde  la  natcure,  voilà 
pour  J'iiumanité  oecede  parfait,  cet  idéal  vers  lequel  les 
assoeiations  terreatres  dœvent  6e  dirige.  Ces  règles  sont 
absolues,  mais  il  n'est  pas  dans  notre. organisation  de  pou- 
îoir  jamais  les  embrasser  entièrement,  ni  d'arriver  de  suite 


44  PHILOSOPHIB 

à  la  perfection  relative  qui  nous  est  destinée.  D'an  côté , 
toute  évolution  s'a^compHt  lèntetnétit  fet  Mr  dés  progrès 
gradués;  de  l'autre;  la- ,TiStiire'(fe^t,rififfmi;' l'absolu,  elle 
nous  dépàfesoBt  ftdùs  déprf*yera'W6jo*urt:'*  .-'»"'• 

L'humanité V ' M  l'éufeHètrS'  li W  /  h*a  -  JaiîiaSs'  '  vécu  sans 
doetrines;  elle  a  bé^sbih  d'to  lietiî  spirituel;'  d'ùh  îdéàl. 
Plus  ses  facultés^  se  dévelo^ypent,  plus  ses  rtoyattdes  gran- 
dissent et  détiennent'  titie'  |loftion  ttécessairé  de  sa  vie. 

Dès  ses  premiers  jotfrs,*!èà  niôridès  'éWiKs  qui T)tffiaient 
sur  sa  lètè ,  le^  montagne^'  é*  lès^plaitîes  fléfe  'côntlttfents  ;  les 
mefs  au  bord  desquelles' <éMe  essayait  de  ftèïés'èàqùîft,  les 
espèces  végétales  et  àttWièflè^et  lesitibe^slftiïAàihié^èîVArîées, 
jetée*  îja et  1* cotnme deS's^enïéWeeife  stif lefslétté^ lés toietix 
approptiées ,  Tunirers  eti  ixiï  inôï  dëVait  ttéteséairement 
fixer  rattentiontieri  intélB^encèssupéirleui^sl"    ''* 

L'origine  des  choses' et  leur  'btil,  <îé^ ^^ii^  gfaiids  pro- 
blèmes que  présente  pttttotit  le  "coitods ,  tel  a 'été ,  tel  sera 
toujours  Tobjet  côn'stant  des  ihvestigatioris  dès  horiimes. 

Sous  le  nom  de  philosophes, "ils  ^e  propèsetit  d'appliquer 
aux  choses  de  la  •  terre  uli  peuxîè  bette  Sagesse  infinie  qui 
dirige  les  mondes.       '  .    :       • 

On  doit  les  appeler  savantsf  quand  ils?  ajoutent  i'  nos  con- 
naissances sur  rhommeef^uf  l'univers.  ' 

Ils  deviennent'  les  chefi  âè'  la  reli^on  quand  ils  nous 
enseignent  les  rapports  tiécessail^s  qui  relient  leurs  décou- 
vertes et  quand  ils  les  rattachent  au  service  de  rhumanité. 

D'où  vient  et  où  v^  le  monde? 

D'où  Tiéht  et  où  va  notre  gM**?  ' 

D'où  vient  et  oùva  l'h\imanitér?  ' 

Voilà  trois  question^/  dont  la  sdlution  de  plus  en  plus 
approtinb^tive  réstime ,  selon-  les  Ages ,  '  les  connaissances 
humaines  et  la  sagesse  des  guides  des  peuples.  •  ' 

Tous  4es  révélateurs  ont  eu  la  inême  tendôiibe  :  tous  ont 
voulu  de  plus  en  plus  énergiquement  que  les  neltions  se 
dégageassent  des  sentiments  de  l'animalité  qui  vit  encore 
en  nous  pour  s'élever  dates  1- échelle  des  êti^s;  en  se  l'appro- 
chant de  ridéal  humain  tKmr  toniier  W  gî[*ande  famille  des 
peuples.  Mais  cette  pensée  a  rencontré  partout  deux  puis- 
sants obstacles,  l'ignorance  et  la  misère.  Ses  formes  diffé- 


1^0  S<iBGL£.  45 

rentes ,  mafiifestées  par  des  cixiUsatioos  très-variées,  sont 
moins  le  résultat  d'une  di|i(edrgei94C€|,idaw$tla,div:^tion  des 
esprits  suft^eurs,  que  l&.t^mçjgpfigq  des t/iJiflicMlt^s  qu'ils 
ont  rencontrées,  qae.ji'e:!(pr€;9^A'.^W  iâiffQft9r^i^';Qs,ont  d& 
faire  au  ae^.des  ^lilie^x  svii'ilQgqmilHrjUi^  agissaieM^  u^. 

FiJlp  dept  sociétés  incoanues,dep  pr^a^fl^s»<lge6*  deseendue 
avec  Bra^l^ma  au  ses'prédé(cesse^W[Sk.le^  «agesiiJJyncanîens, 
des  mic)|itagnes  de  la  Ivaute.A^ie  pQHF  câjviJfow.  Je  globe;,  .per- 
fecijoDQ4^e,.w  .Occideut  par*  2>âroas^re(  et  tw^mise  aux 
peupl^.p^  les  mages,  les  dinMdé^}«lilesMpatri.d<rahe8,  la 
crojr aîiefa.iipUgieuse ,  la  jfeligioD r ««»lwi lei , fîulgaire4angage , 
s  est  .^pçevçlj^  en  Egypte  aux,,sa,)|^^a^  deiïby^setde 
Memphi^».  pour  s'y  déve(opj]^:S9US.:Vinfluanceideirétude 
des  gf^(£^  lois  de  lai  vîe.  $0|e(t\e  dds  .idWjpJ^si  a^saCiMoise , 
Orphée,  Pythagore  et  Platw^  elVn  $,*^'jpgi<>olff^:dans  le 
monde  i;q\isdes.aspects  qui  pojiivfiiidfit.^nfliîtfeiduxipeuples 
entièr^ipeiit' nouveaux  r  «bien.  qu'^$-  i^r  fussent  quoi  .le  déve- 
loppej|neo(4<que  le  perfectioiEvaeim^, naturel  tdei  crovanees 
antériewesqi^t  P^  Çoud^ha,  f^reoaiffpt  dans  .l'bide  une 
forinejww^Ue.apitfopiïiée  (^mf.u¥B]4psdi^,pwplps  dX)riient. 
Depuis  lors  Odin,  le  Christ,  les  pères  de  rJEIg)i&ei,  Bt  dans 
un  Qrd^^^oondaire  Mahpm^treiLf^her^^lairOnt  insufflé  l'es- 
prit qui  anime  encore:  le  yi/è^%  monde,  y  étudie  de  la  nature 
ou  phy$îoloffie  lui  fera  faire  ua  pas'  nouveau*!.' 

Vis-à-yi^  des  bonun^s  âoûyancipés,  larévélatf  ui^fta  changer 
d'a^nect;  âlva  sortir,  il  est  d^h  sorti^ui^ppUijB^ife  pour 
vivre  au  milieu  des  mortels  à  la  fafio^  d^sasoG^pitoye^os. 

Connu  sous  les  noms  de  Kœpler^de£îatilée  i  df  fPascartes , 
de  Newton^de  Leibnitz,  deSpinosa^dedM^ièretf^f^Oin^ 
de  Condorpet,  de  Saint-Simon,  de  É'o^r^dri  d^^R^rt  Owen, 
de  LapLacOtr.de  Geoiïrpy  Saint-Hilaice,  d'Arago^^d^iAe  Hum- 
bold,  et  sous  le  nom,CQUectif  deswa0«|déuuessay#i)te$eitartiS'' 
tiques^îLfoi:m^  aujourd'huitcet  ^tre^0Aidtiplj»v  Q^t.ft^samblage 
de  sa,xa^(^  de  phiJk>3opl^t.4eaK]ff4isli|  tous 

genrj^.qui,  ûssésde  U  guerre  soeifiif^  désesp^ia4e  Vigpo- 
mj^  et  4^  r,éta|.  abject  d'u^a  .gnai^<^  p#f  tie  des  {populations 
du  glf^Mf^  ^^j^^génient  en.^mijile:  maiwiie^t'  chacun^  selon  sa 
spécialité,  pour. ouvrir. aux. hownesiechamiQ  du  bien-être 
qui  est  au;5$i  celui  des  arts  civilisateurs,  de  la  vertu,  de  l'idéal . 


46  ^filLOSOPHIE 


DE  LA  POLARITÉ,  DE  LA  SOLIDARITÉ  ET  DE  LA 
aRCULATION  DANS  L'UNIVERS. 


Il  y  a  trois  séries  de  phénomènes  d'ordre  universel  sur 
lesquels  les  anciens  n'étaient  pas  suffisamment  renseignés  : 
nous  devons  les  faire  coi;maître.  —  Les  académies  et  so- 
ciétés savantes,  vrais  bureaux  d'enregistrement,  ne  les  ont 
pas  encore  suffisamment  étudiés  et  pesés  :  c'est  donc  à  la 
philosophie  du  siède  de  démontrer  leur  réalité  et  leur  im- 
portance, en  faisant  comprendre  le  rôle  qu'ils  remplissent. 

Toutes  les  molécules  de  la  matière  jouissent  de  la  faculté 
de  s'orienter  quand  elles  sont  abandonnnées  au  libre  exer- 
cice de  leurs  affinités,  quoique  cette  orientation  puisse 
varier  avec  les  températures  ;  mai^  une  molécule  qui  s'o- 
riente en  cristallisant  prend  un  axe  et  des  pôles.  Les  axes, 
les  pôles,  l'orientation  des  molécules  sont  donc  des  faits 
soliaaires.  —  Le  grand  rôle  joué  par  la  puissante  aiman- 
tation du  globe  sur  la  polarité  de  ce  qui  existe  à  sa  surface 
est  encore  à  étudier,  et  nous  ne  faisons  que  le  pressentir. 
—  Dans  un  autre  ordre,  dans  celui  des  organisations, 
comment  nier  la  polarité  ;  n'est^elle  paâ  évidente  dans  les 
végétaux ,  où  elle  produit  la  racine,  la  tige  et  les  feuilles  ; 
plus  évidente  encore  dans  les  animaux,  chez  lesquels  il 
existe  un  organisme  spécial ,  le  système  nerveux ,  qui  lui 
est  exclusivement  consacré? 

Le  système  nerveux  lui-même  a  son  orientation,  sa 
racine ,  sa  tige  et  sa  tête  ;  mais  si  l'organe  essentiel  de  nos 
manifestations  animales,  mtellectuelles  et  morales  a  sa 
polarité,  on  peut  et  l'on  doit  eix  conclure  qu'à  existe  une 
orientation  des  intelligences. 

Toutes  ces  proposition^,  que  nous  ne  faisons  qu'énoncer, 
demandent  et  recevront  une  démonstration  plus  complète 
et  des  développements  plus  étendus.  Il  convient  mamte- 
nant  de  parler  sommairement  de  la  circulation  et  de  la 


tv  sïÈciE.  ii 

solidarité ,  car  nos  lecteurs  ont  sans  doute  déjà  compris 
que,  des  phénomènes  de  polarité,  de  circulation  et  de  soli- 
darité dits  matériels,  nous  arriverons  à  la  polarité,  à  la 
circuiatioo  et  à  la  solidarité  "déns  Tordre  moral  et  social. 

•  /   Il  /,    \     'II*' 


CIECULATION  Et  SOLtDABIT^ . 


Portés  sur  les  ailes^  des  vents ,  le»  nuages  produits  par 
l'éTaporation  des  eaui  de  la  mer  arrivent  sur  nos  conti- 
nents. La  verdure ,  les  arbres  et  le  froid  de  nos  montagnes 
les  attirent;  ils  s'y  coisgèlent  ou  deviennent,  sous  la  forme 
de  pluie,  l'origine  des  sources,  les  ilnes  constantes,  les 
autres  en  été  tarissables,  qui  forment  les  fontaines,  les 
ruisseaux,  les  rivières  et  le?  fleuves.  C'est  ainsi  qu'après 
s'être  élevée  à  l'état  de  vapeur,  après  avoir  baigné  mainte 
rive  pittoresque  et  créé  partout  les  charmes  et  le»  harmonies 
de  la  nature ,  la  masse  des  eaux  de  circulation  retourne  à 
la  mer  remplacer  le  vide  produit  par  l'évaporation.  A  c6té 
de  ce  grand  phénomène,  combien  de  faits  de  solidarité  qui 
oichalnent  et  relient  les  glaciers  et  les  réservoirs  de  nos 
montagnes,  les  stalactiques  et  les  stalagmites  de  nos  grottes, 
les  mâle  cristallisations  dues  au  passage  des  eaux,  les 
fleuves  souterrains  qui  donnent,  sous  la  main  de  l'homme, 
des  sources  jaillissantes,  les  bois,  les  prairies,  les  jardins, 
les  villes  et  toutes  les  existences  qui  se  rattachent  à  nos 
fleuves,  depuis  le  grand  port  ou  ville  d'entrepôt  qui  ré- 
sume le  commerce  de  chaque  vallée  importante ,  jusqu'au 
Elus  humble  des  poisscms,  des  insectes  et  des  plantes  dont 
I  vie  s'agite  sur  leurs  rives  ou  dans  leurs  ondes.  Hais  la 
drculation  et  la  solidarité  ont  bien  d'autres  formes. 

Voici  un  bec  d'oiseau  dur  et  recourbé ,  fait  pour  percer  et 
déchirer  des  chairs  crues.  Ne  suppose-t-il  pas,  dans  l'animal 
qui  «1  est  pourvu,  des  yeux  perçants  pour  apercevoir  de  loin 
sa  proie;  des  ailes  véritables  rames  aériennes,  mises  en 
mouvement  par  des  muscles  vigoureux  ;  des  pattes  armées 
de  manière  à  saisir  des  animaux  vivants,  à  pénétrer  dans 


48  PHILOSOPHIE 

leurs  chaiîff,  à  1^  emporter  au  besoin  à  travers  les  airs  ; 
de  grands  ôs  creux  lormaût  line  charpente  aussi  solide  que 
légère;  un  t^àfôùiàc  èCttes'îttte^tins  propres' â  digère^  une 
nourriture 'aiiiiftalô  •  toè' Wkulàtïori  d'une  grande  activité, 
susceptible  dé  èatîsîair'e'aui  exigences  fôrganès  laborieux? 
La  même'soltdarîtè  n*éxlste-t-e'llè  pas  entre  toiis  les  organes 
d'un  autlré  oiseau  oU'  d'un  autre  animal  quelconque  ?  Et 
Maintenant,  partput  où  ,T*6n  rencontre  un  animal  ou  un 
végétal,  c'est-à-dite  un  'êlrë'olrgânîque,"n'est-îl  pas  là  source 
de  deux  couriints,  et,  par  stiite,  d'une  véritable  circula- 
tion? Si,' d'uh  èôté,  il  jbulse'dans  les  existences  ambiantes 
et  dans  le^  éléments 'de  circiAalïoii  générale  lés  alimehts 
de  sa  vie ,  de  l'autre  il  doit  l'eridre  à  la  nature ,  dans  le 
cours  de  son  existence,  tout  ce  qu'il  en  a  reçu.  De  là  cet 
immense  va-et-vient  dé  molécules  qui,  sous  des^  formes 
diverses,  émerveille  sans  cesse  les  poètes,  lès  philosophes 
et  les  naturalistes.  Noiis  aurons  ultérieurement  occasion  de 
démonti^er  les  rapports  dé  circulation  et  de  solidarité  qui 
relient  les  espèces  végétales  aiïi  espèce^  animales  ;  les  unes 
et  les  autres  au  globe  que  nous  habitons?;  niais  îl  contient 
de  pousser  pliis  loin  nos  investigations.  Entrons  dans  la 
vie  sociale  :  si  imparfaite  qu'elle  soit  encore ,  elle  nous  four- 
nit d'utiles  enseignèmentsf^.  — -  Qu'est-ce  qu'une  ville  au 
point  de  vue  de  la  circulation  et  de  la  solidarité? 

Qu'un  troupeau  de  gros  et  de  menu  bétail  entre  daiis 
l'une  de  nos  cités ,  ce  troupeau  est  acheté  par  des  bouchers 
qui  habillent  et  détaillent  les  chairs ,  tandis  qu'ils  mettent 
de  côté  le  suif,  les  intestine*,  les  peaux,  les  cornes,  le 
sang,  les  toisons,  les  pieds ^  etc.  Les  chairs  sont  mangées, 
mais  les  os  ne  le  soïit  pas  ou  ne  le  sont  qu'en  partie ,  et 
nous  examinerons  plus  tard  leur  emploi.  Le  suif  passe  chez 
Ids  fondeurs,  qui;  le  mettent  en  pain  et  le  revendent  soit 
aux  fabricants  de  bougiez  s^ariques ,  de  savon  et  de  plu- 
sieurs autres  produits,  soit  atii  fabricants  de  chandelles. 
Les  intestins  vont  dans  les  boyauderies ,  où  ils  sont  préparés 
pour  l'usage  de  la  charcuterie  ou  pour  faire  des  cordesl  La 
laine  est  reportée  au  marché;  elle  paisse  par  plusieurs  mains, 
traverse  des  ateliers  dans  lesquels  on  fa  fait  carder,  filer, 
teindre,  tisser,  pour  la  livrer  ensuite  au  commerce  sous  la 


IU7.  SIÈCLE.  49 

forme  de  draps  ;  ou  lûen  encore,  loulée  et  transformée  en 
chapeaux ,  elle  devient  une  fLut|re  espècç  de  vêtement.  Les 
peaux  vont  chez  le  tanneur,  p^is  ,^^  lecc^roye^i^  qui  leur 
donne. le  dernier  apprê(,j,, elles, piisseijLt  de  U,,fi^leaf.,les  bot- 
tiers, les  carrossier^ /les  setUers,  etc.  Les  os^  le$  cornes, 
le  sang,  les  pieds  des  animaux,. les  rognures  de  peaux, 
les  poils  enlevés  par  le  tanneur,  sont  aussi  portés  au  marché, 
et  ces  objets,  rejetés  autrefois,  aV|eCjinépj;is  comme  inutiles, 
sont  naaintenant  entoiirép  d'aphe.teui;s.  Les  agriculteurs  y 
voient  des  engrais  précîeuiç*;  les  fabricants  de  bleu  de 
Prusse^  la  matière  j;)reiaière:. de  leurjndus^ric^  vpuis  vien- 
nent les  raffineurs ,  qui  ont  b^esoin  dû  sang  ;  l^a,  taWetiers  , 
auxquels  ilfaut  la  partie  co^i  pacte  des  os.;  le^  chimistes, 
qui  font  (de  la  gélatine,  de  Thuile  de  pieds  ije  bcôuf ,  ou 
qui  dégraissent  les  os  pour  faire ,  spit  du  gaz ,  soii  du  savon 
avec  la  graisse ,  et ,  avec  le  reste  „  du  charbon  animal ,  des 
sels  amoiiiacaux  -,  les  fabrfbants  de  feutre  ^  doubler  les  na- 
vires et  de  colle  forte,  qui  utilisent  les  poils  et. les  rognures 
des  tanneurs,  etc.  Mais  ce  iroupeau,  en  entrant  d^ns  la 
ville,  a  payé  des  droits  q^ii  servent  à  entretenir  la  propreté 
des  rues  et  la  sûreté  des  citoyens  ;  par  son' séjour,  il  a  dû 

Srodtdre  des  fumiers ,  consommer  des  fourrages,  ïaire  valoir 
es  aubergistes  et  des  n^anouvriers.  Les  objets  à  la  pro- 
duction desquels  U  a  contribué.,  comme  les  draps ,  les  cuirs, 
les  chjapeaux ,  la  gélatine^  la  colle  forte,  le  noir  animal ,  le 
sang  desséché ,  le  sucre  raffiné ,  le  bleu  de  Prusse ,  les  sels 
amoniacaûx,  le  gaz.  le  savon,  le  feutre  h  doublage,  les 
05  et  la^ corne  travaillés,  l'huile  de  pieds  de  bœufs,  n'ont 
pu  êtx:e  emportés  ^  échangés  sur  plac,e  ou  exporté^  çans  faire 
valoir  des  charretiers,  des  marins,  des  portefaix,  et  sans 
davenîr  une  source  nouvelle  d'échanges,  l^s  quand  tous 
ces  objets  ont  été  employés,  quand  chacun  a  su  trouver 
dans  1§  valeur  et  lutilité  qu'il  leur  à  donnée,  p^r le  secours 
de  3on  industrie ,  le  secret  de  vivre  et.,  par  contre.,  de  faire 
vivre  les  autres ,  un  autre  troupeau  ou  toute,  autre  denrée 
vient  ,sur  le  place  publique  remplacer  celle-ci  et  oroduire 
des. effets  semblables.  Une, ville  est  dpnc,  à  bien  aire,  un 
bazar,  une  'foire  perpétuelle  où  des  producteurs  nombreux 
et  solidaires,  reliés  par  une  incessante  circulation,  échan- 


SO  MIILOSOPHIS 

gent  sans  cesse  de  nouveaux  produits.  C'est  un  spectacle 
fait  pour  émouvoir  le  cceur  des  hommes  qui  savent  penser, 
que  cette  succession  rapide  de  denrées  qui  se  renoua 
vellent.  Ils  considèrent  avec  orgueil  la  richesse  qui  en 
naîtrait  pour  tous  dans  une  société  bien  organisée,  et  le 
bonheur  public  qui  en  serait  la  suite  assurée.  Mais  combien 
peu  des  mdustries  que  la  vente  d'un  troupeau  nous  a  fait 
passer  en  revue  étaient  connues  de  nos  pères  ?  Il  n'y  a  pas 
encore  longtemps  que,  dans  beaucoup  de  villes  importantes, 
le  sang  inutile  coulait  sur  le  pavé;  les  rognures  de  peaux  et 
les  autres  débris  de  tanneries  étaient  jetés  parmi  les  im- 
mondices ;  le  noir  animal,  aujourd'hui  si  recherché  des 
agriculteurs,  enfoui  dans  des  fosses  au  sortir  des  raffineries 
comme  cause  d*infection  ;  alors,  la  fabrication  d'huile  de 

f)ieds  de  bœuf,  l'extraction  du  suif  des  os  étaient  inconnus  ; 
e  sel  ammoniac  nous  venait  d'Egypte  ;  le  bleu  de  Prusse 
était  à  inventer.  Voilà  pour  le  pfcsent  ;  mais  quelles  trans- 
formations nos  villes  ne  subiront-elles  pas  quand  la  circu- 
lation et  là  solidarité  seront  suffisamment  comprises  ? 

Est-ce  là  tout ,  et  la  circulation  sidérale  et  la- solidarité 
des  divers  systèmes  solaires  seraient-elles  des  rêves  de  la 
science  ?  Est-ce  que  les  divers  groupes  stellaires  ne  pèsent 

{)as  les  uns  sur  les  autres  ?  Ne  trouvons-nous  point  partout 
a  lumière ,  la  chalenr  et  l'électricité ,  cette  unité  trinaire 
encore  si  mystérieuse  des  choses  impondérables,  qui  se 
répand  sans  cesse  à  travers  les  espaces  éthérés  ouverts  à  la 
grande  circul«(tion  des  mondes?  Notre  terre  elle-même ,  que 
le  soleil  emporte  avec  lui  vers  la  constellation  d'Hercule, 
n'a-t-elle  pas  son  magnétisme,  sa  chaleur  et  même  ses 
lumières  propres  ?  Quel  est  l'insensé  qui  oserait  nier  la  cir- 
culation et  la  solidarité  dans  l'ordre  intellectuel  et  moral  en 
présence  des  chemins  de  fer,  de  l'imprimerie  et  des  télé-r 
graphes  électriques  ? 

Homme  superbe  et  dédaigneux ,  qui  as  eu  si  longtemps  la 
prétention,  en  te  repliant  sur  toi-même,  de  deviner  le 
cosmos ,  ouvre  donc  les  yeux  ;  regarde  en  face  la  nature, 
cette  mère  si  belle  que  tu  méconnais  sans  cesse  ;  demander 
lui  ses  lois,  sache  t'y  soumettre ,  et  alors  tu  recevras  en 
retour  la  grâce  de  ses  dons  les  plus  splendides. 


DU  SIÈCLE.  51 

Les  sources  de  la  circulation  et  de  la  solidarité  sont  au 
lUHDbre  de  six  :  les  liquides  et  les  gaz,  que  Teau  et  Vair 
atmosi^érique  représentent  à  la  surface  de  notre  globe;  la 
lumière,  la  chaleur,  l'électricité  et  la  pensée.  Nous  les 
étudierons  chacune  dans  son  Heu. 


DE  LA  CHALEUR,  DE  LA  LUMIERE, 
DE  L'ÉLECTRICITÉ. 


Deux  grands  faits  nous  frappent  sans  cesse  dans  nos 
iuYestigaiions  scientifiques  :  la  concentration  des  corps  et 
leur  expansion.  Nous  savons  étudier  les  forces  qui  les  pro- 
duisent, mais  nous  ne  savons  rien,  absolument  rien  de 
l'essence  même  de  ces  forces.  —  On  appelle  habituellement 
attraction  les  formes  de  cette  volonté,  bien  autrement  cons- 
tante que  celle  de  l'homme ,  qui  concentre  par  gravitation 
ou  par  combmaison  chimique ,  quoique  la  gravitation  et 
les  affinités  moléculaires  soient  très-différentes.  On  nomme 
chaleur  ou  calorique  l'expression  de  la  puissance  ou  volonté 
qui  s'oppose  à  la  réunion. 

Le  calorique  est-il  un  pouvoir  accessible  à  nos  investi- 
gations, ou  une  simple  manifestation  phénoménale  d'un 
agent  inc<Mmu?  Son  impossibilité  d'être  pesé  avec  la  balance 
ou  le  baromètre  l'a  fait  appeler  corps  impondérable ,  et  le 
langage  usuel  a  singulièrement  dépassé  l'état  des  faits 
scientifiquement  observés  en  l'appelant  fluide. 

Pour  s'élever  rationnellement  au  principe  du  calorique  , 
pour  arriver  à  l'étudier  dans  son  essence ,  il  n'y  a  qu'une 
marche  à  suivre,  c'est  d'étudier  d'abord  tous  les  phénomènes 
de  la  chaleur  et  de  les  bien  classer  par  séries  et  par  groupes. 

Les  uns  ont  trait  à  l'intensité  de  la  chaleur  :  les  thermo- 
mètres et  les  pyromètres ,  la  thermométrie  et  la  pyrométrie 
ont  été  imaginés  pour  les  mieux  apprécier. 


53  PSILOSOPHIE 

D'autres  se  rattachent  à  la  oonnaissance  de  la  quantité 
absolue  de  chaleur  que  les  corps  Qontiennent  dans  un  état 
donné  :  le  calorimètre  et  la  calorimétrie  servent  à  les 
étudier. 

Ici  nous  trouvons  d'iinmenses  lacunes  que  nous  signa* 
lerons  à  l'article  des  vies  minérales  ;  elles  correspondent  à 
de  nouvelles  découvertes  en  chimie.  Ces  lacunes  comblées, 
la  métallurgie  et  Tart  du  chauffage  ou  pyrotechnie  des 
ateliers  feront  aussitôt  les  plus  grands  progrès. 

D'autres  faits  se  reUent  au  calme  ou  à  l'état  statique 
et  au  mouvement  de  la  chaleur. 

De  là  trois  séries  de  phénomènes  calorifîciues.  Entre  ces 
phénomènes,  il  y  a  des  rapports;  l'expression  de  ces  rap- 
ports porte  le  nom  de  lois.  —  L'étude  des  lois  de  la  chaleur 
se  trouvant  aujourd'hui  dans  tous  les  Uvres  de  physique , 
nous  n'avons  point  ici  à  la  reproduire  ;  mais  nous  devons 
signaler  ce  fait,  que  souvent  on  se  presse  4'enregistrer 
comme  exacts  des  rapports  inexacts  ou  incomplètement 
étudiés.  De  là  des  lois  qui  ne  sont  pas  réellement  scienti- 
fiques, c'est-à-4ire  qui  ne  sont  pas  des  lois. 

De  même  que  Ton  divise  ou  peut  diviser  en  trois  séries  les 
phénomènes  calorifiques,  de  même  on  peut  classer  les  phé- 
nomènes lumineux  de  manière  .à  former  dix  groupes  sou3 
les  titres  suivants  : 

Optique.  —  Photométrie. 

Réflection.  —  Action  des  miroirs. 

Réfraction  simple.  —  Action  des  lentilles. 

Dispersion.  —  Achromatisme. 

Cristaux  à  un  axe.  —  Polarisation. 

Ondulations.  —  Interférences. 

Anneaux  colorés.  —  Diffraction. 

Cristaux  à  deux  axes. 

Mouvements  des  plans  de  polarisation. 

Interférences  de  la  lumière  polarisés. 

Si  avancée  que  soit  l'étude  de  la  lumière ,  elle  ne  l'est 
pas  assez  pour  que  les  groupes  de  phénomènes  qu'elle  nous 

f)résentê  puissent  ^tre  sériés  convenablement.  Les  livres 
es  plus  vulgaires  en  parlent  comme  d'un  fluide  impondér- 


DU  SIÈCLE.  53 

raUe ,  ce  qui  est  contraire  aux  faits  les  mieux  observés. 
L'hjpothèse  des  vibrations  ou  ondulations  éthérées  est  plus 
vraisemblable;  elle  est  relativement  vraie,  puisqu'elle  suffit 
à  expliquer  tous  les  faits  aujourd'hui  connus.  Elle  a  même 
penuis,  et  c*esi  très-curieux,  de  mesurer  exactement  les 
grandeurs  des  ondulations  d'une  molécule  hypothétique 
d'éther  pour  les  diverses  couleurs  qui  forment  le  spectre 
solaire.  Cette  mesure  a  donné  les  -résultats  suivants  comme 
valeur  moyenne .: 

Hillimètrea. 

Violet. 0,000  423 

Indigo 0,000  449 

Bleu 0,000  475 

Vert 0,000  512 

Jaune 0,000  55i 

Orange 0,000  683 

Rouge 0,000  620 

L'étude  de  la  lumière ,  de  la  chaleur  et  de  rélectricité 
coodoit  à  .retrouver  partout  dans  l'espace  cette  fameuse  loi 
d^aetions  et  de  réactions  que  l'on  formule  ainsi  : 

LaTaisen  directe  des  masses,  la  raison  inverse  du  carré 
des  distances. 

Mais,  pour  la  lumière  comme  pour  la  chaleur,  la  masse, 
test  la  surface  qui  réagit. 

L'étude  de  l'électricité  se  rattache  si  singulièrement  aux 
,  plus  grandes  découvertes  de  l'esprit  humain  et  aux  plus 
grandes  créations  de  l'industrie,  qu'il  nous  parait  conve- 
nable d'en  esquisser  l'histoire  :  pareil  récit  s'encadre  d'ail- 
lears  merveilleusement  dans  un  traité  de  philosophie  ou 
de  physiologie  générale. 

Que  de  mystères  scientifiques  au  fond  de  toutes  les 
questions  que  soulève  l'étude  du  magnétisme  et  de  l'élec- 
tricité !  Voici  tat)is  poissons  :  la  torpille,  le  gymnote  et  le 
silure,  qui  îouissent  de  la  propriété  de  produire  de  l'élec- 
tricité et  d  en  lancer  des  décharges  à  des  distances  assez 
notables.  Chez  chacun  de  ces  animaux ,  i'organe  électrique 
se  rapporte  à  desloerfs  différents.  Chez  la  torpille,  il  tient 


54  PHILOSOPHIE 

à  la  cinquième  paire;  chez  le  gymnote ,  aux  nerfs  céré- 
braux ;  chez  le  silure ,  k  la  huitième.  N'est*-il  pas  extrê- 
mement curieux  de  voir  que  le  fer  puis^ ,  par  son  contact , 
préserver  le  cuivre  de  toute  altéraition  dans  les  ^ux  de 
mer  ?  N'estM^e  pas  une  bien  intéressante  espérienee  qne 
celle  qui  fait  continuer  la  digestion  d'iua  lapn  sous  l'in- 
fluence électro-chimique  da  la  pile,  après  la  section  des 
nerfs  pneumo-gastriques  quj,  président  à  cette  fonction  ? 
Pourquoi  le  suc  gastrique  de  notre  estomac,,  la  sueur  et 
Turine  sont*elle&  acides,  tandis  que  la  salive,  les  sérosités, 
la  bUe,  la  synovie  et  la  sécrétion  pancréatique  i^nt  alca- 
lines? Pourquoi  la  peau  a-t-eUe  une  électricité  positive, 
vis-à-vis  de  la  bouche  qui  est  négative  ?  —  L'électricité , 
employée  avec  succcès  en  médecine  dans  les  paralysies  gé- 
nérales sans  déchirure  du  cerveau,  dans  les  paralysies 
locales,  surtout  quand  jelles  sont  rbumatismiales  o«  quand 
elles  se  sont  produites  sous  Tinfluence  d'entérites,  dans 
les  gastralgies,  les  leucorrhées,  les  aménorrhées,  contre 
les  lombrics  et  le  tœnia,  contre  les  rhumatismes  chroniques 
et  même  chez  quelques  scrofuleux,  est  unageat/dont 
l'emploi,  malgré  les  progrès  récents  de  la  science,  laisse 
beaucoup  à  désirer.  Il  semble  en  effet,  dans  bien  des 
circonstances,  qu'il  suffise  de  changer  l'état,  électrique  des 
I)arties  malades  pour  produire  la,  guérison.  —  Ce  n'est  pas 
(l'auiourd'hui  que  l'on  connaît  l'électricité;  mais  les  progrès 
de  1  étude  des  faits  électriques  ont  suivi  depuis  cinquante 
ans,  depuis  trente  ans  surto^it,  une  proge^sion  bien  plus 
rapide  que  par  le  passé.  Six  cents  ans. avant  Jésu3-Ghrist , 
Thaïes  connaissait  les  propriétés  de  l'ambre  et  du  succin 
frottés.  Dans  son  Histoire  NcAuuUe,  Pline  parle  de  piques 
lumineuses  dans  l'armée  de  César ^  Les  anciens  appelaieat 
l'aimant  magnes,  de  Magnésie,  contrée  delà  Lydie  où  l'on 
trouvait  l'oxide  de  fer ,  quq  nous  connaissons  sous  le 
nom  d'aimant.  Pline  rapporte  que  Dinocarès  proposa  à 
Ptolémée-Philadelphe  de  soutenir  au  haut  d'un,  temple,  la 
statue  de  la  reine  Arsinoë,.  au.  moyen  d'un  aimant.  Saint 
Augustin  parle  d'une  statua  .suspendue  par  ce  moyen  dans 
le  temple  de  Sérapis,  en.  Egypte.  —  De  saint  Augustin  au 
XII"*  siècle ,  le  magnétisme  et  l'électricité  occupent  peu 


BU  SIÈCLE.  ^ 

les  esprits  des  savants;  toutefois,  un  poëme  m*  j^  même 
Xn™  siècle   parie  de  la  marinière,  et  Gilberij^  j^^  pierre* 
anglais  ^  a  pidilié  sous  la  même  date  un  écrit  de   - 
dans  lequel  il  reconnaît  le  poutoir  isolant  de  raii,j^  ^^^^^ 
Les  recherches  de  Boyle  et  la  machine  électriquv^^g  jjj|. 
de  Guer&e ,  maebme  bien  élémentaire,  puisqu'elle  cwi^^jj. 
tait  en  un  cyhnéh'e  de  soufre  auquel  on  substitua  biento. 
on  cylindre  de  rerre,  ne  datent  que  de  1670.  Le  docteur 
Wall  compara  le  premier  les  effet  de  Télectricité  à  ceux  de 
la  foudre.  En  1675,  Newton  pensa  que  l'éleetricité  peut 
être  le  produit  de  la  vibration  d'un  principe  éthéré  mis  en 
mouvement  dans  les  corps  par  le  frottement.  Le  dévelop- 
pemeoft  delà  lumière  de  Télectricité,  quand  elle  traverse 
le  vide,  n'a  été  décrit  qu'en  1709  par  Hawkesbie.  Grey, 
en  1737,  étudia  les  corps  conducteurs  et  les  corps  non 
conducteurs.  Six  ans  plus  tard,  Dufey  montrait  que  les 
corps  isolés  oonservent  leur  électricité;  il  imagina,  pour 
expliquer  les  phénomènes  dont  il  était  témoin ,  les  électri- 
cités vilfée  el  résineuse  :  ce  fut  huit  ans  plus  tard ,  que  Ton 
tira   une  -étincelle  d'un  homme  ou  d'un  animal  isolé. 
A  la  même  époque,  en  1741,  Rose,  professeur  à  Wur- 
temberg, miagina  les  cylindres  isolés  placés  devant  la 
machine.  La  fameuse  bouteUle  de  Leyde  ne  daté  guère  que 
d'un  siècle  i-elle  est  de  1740.  L'abbé  NoUet  en  répéta  l'ex- 
péri«cice  sur  1,800  personnes,  et  l'on  reconnut  que  la 
vitesse  de  l'électricité  était  incommensurable  ;  mais  il  fallait 
près  de  cent  ans  pour  appliquer  à  la  télégraphie  cette  ad- 
mirable-propriété.* Les  batteries  électriques,  cette  foudre 
en    miniature,  scMQt  de  Franklin,    et    datent  de   1747. 
Voici  que  les  progrès  se  pressent  et  que  les  esprits  travaillent  : 
d'Alit^rd  et  Franklin  soutirent  la  foudre  des  nuages;  Bo.u- 
gaer  et  La  Condamine  observent  sur  une  haute  montagne 
un  wage  éleefeique  sans  bruit  de  tonnerre;  Beccaria  dé- 
couvre l'effet  de  l'étincelle  sur  l'air  et  le  baromètre;  il 
reconnaît  qu'une  décharge  électrique  peut  donner  la  pola- 
rité à  une  tige  d'acier^  et  suppose  qn  il  existe  sur  le  globe, 
du  nord  au'  sod^  une  circulation  régulière  de  fluide.  En 
1T55,  Le  Honnier  reconnaît  des  variations  électriques 
dans  l'atmosphère  ;  Beccaria  détermine  la  nature  positive 


S4  PHILOSOPHIE 

à  la  cinqui^lté  d'un  4iir  sans  nuages  ;  Canton  explique  Tau- 
braux  ;  che|  j^j.  ^j^  passage  d'électricité  dans  l'air  raréfié, 
mement  cvjxa ,  Laplaee  et  Laivoisier  se  disputent  l'hoDaeur 
préserver  «jouTcrt  la  pcodaction  d'électricité  dans  Tévapo- 
mer  ?  NJ^i^aus  cerlaines  réaotions  ctiimiques.  — Nous  .voici 
ceU^^Jfnant'sqr  la  voie  de  découvertes  nouvelles  :  Lemery, 
Jjtjfmm^  Noya,  Wilson  étudient  lalourmaline;  Canton  re- 
marque que  chaque  fra^pnent  de  ce  minérd  possède  la 
polarité  et  ime  la  chaleur  modifie  ses  propriétés.  Toutefois 
les  Appareiljs  ne  sont  pas  encore  trèsrpariails  :  NoUet  se 
contentait,  pour  éloctromètres ,  de  deux  fils  divergents; 
Cavallo.y  ^oute  des  balles  de  sureau;  Volta  emploie,  des 
pailleSj.etj^ussure  ajoute  une  tige  métallique  à  rélectromc- 
tre  de  Cavatto;,  pour  reconnaître  TélecUicité  atmosphérique. 
—  C'est  *  la  même  époque  qu'il  faut  rapporter  la  découverte 
des  actions  par  influence ,  le  puits  électrique  de  Pripstley 
el  la  co;inai$sance  du  principe  de  la  distribution  d)électri- 
4>ité  selon* les  surfaces,  que  las  corps  soient  pleins  ou  creux. 
De  17,85  à*.  1787,  Coulomb  fit  faire  à  la  scieiwce^de  l'é- 
lecliâcité.:d'immen$es  furogrès  dans  la.  connai^qoe  de 
rélectricité  sjatiq^e.  Il  découvrit  d!ahord  qve  le^'Jpis  do 
l'électricité  dans  les  at^actions  et  les  répi4sion$  .^ni.lcs 
mêmes,  que  celles  qui.  récent  le  mouv^eiment  des  planètes 
autour  dji  soleil.  U  y  ^  attraction  ou  r^ulsion  eÉ-^;aîson 
directçi  dés  masses,  en  raison  inverse  du  carré  des  (lislji|[pces. 
11  inventa  .sa  haUnce  de  torsion,  <éléctroscope  d'une  extrême 
sensibilité;  il  découvrit  ei^suiteque  la. déperdition  dC;  l'élec- 
tricité .répandue  à  la  surface  d'un  corps  est -prQpQrtioï|nielle 
.a  son  intensité;  il  trouva,  pour  des  isoloiFS,.qu'iU.«|giôsenl 
comme  ks.raicmes  carrées  ae  leurs  longueurs;  ildéipontra 
de  j^iouyeau,,  après  Bepqaria  et  d'autres,  que  le  .ilutd<î 
électriquei  se  porte  en  entier  à  la  surface,  des  corps  iconduc- 
teurs  ;  il  «ixpîwua  le  pouvoir  des  pointes  j)our  pejçil^*  ou 
pour  attirer  l'électricité,  .      ,       .'..., 

Vers,  1772,  \Vilke  fi  t.  des  expérience  curieuses' sur  la 
lumière  .électrique.  Ftottaifit  l'un  copjt^  l'autre, deu^.^nor- 
ceaux  de  verre  dans  l'obscurité,  il, observa  una .lumière 
phosphorique  qui  seqiblait  adhérç^iilo  a^%  poii^t^  où' elle 
6'était  produite.  Elle  ne  donnait  ui  af  traction  .ni  répul- 


DU  SIÈCLE.-  57 

sioa,  et  il  en  conclut  que  celle.  lumtèfê  était  de  même 
nature  qt|é  celle  du  bois  pourri,  du  àucre  pilé;  de  la  pierre- 

BeÈ&iHriA'  avait  fait  des^  expërfencès  inr  quelques  corps 
qui  Tetiëftfîient  la  lumière  solaire  t^t  rôconrtui  que  les  mè-  . 
iaeâë3i^9  peuvent  retenir  la  lumlSreéleétriduecbnimuni- 
qoéë  ]^ëf  la  déchargé  d'ûtid^  bouteille  dfe  Leyde* 

Lk  science  s'arfânçait  ainiîi  dans  cette  voie,  cherchant 
unè^ae  qu'elfe  ne  trouvait  paé-,  torèt^e  des' découvertes 
Qoutvèftes  vinrent  oiivrir  urt  cham^p  plus' vaste  It  l'étude  de 
rétéciiieité.  — ^'  Lçs  anciens  ;  conrnie  on  le  sait  ',  connais- 
saient i'aimant , '  ne\>É-èf ra  même  les^  Chinofe'  connaisëaient- 
ilste  tk>iisâote  iïmle  ans  et  plus^âvantnous  ;  mais  le  premier 
oui^g^  frâttcais  qui'  en  pftrlé  ne  date-  que  du'  XM*'  siècle  ; 
elle  ^porf»t  aflors  le  nom  de  ttïaririière.  -^  Christophe 
Colcibb/est  Tundeé  premiers  qui  ait  Observé  que  sa  direc- 
tion T^  4é  qord  nest  pas  constante,  car  d.  existe  un 
mii^utasèi^lt  de  Grighbn^  pilote  de  Weppq  de  1534,  qUi  fait 
mention  ^  thème  fait.  En  1576,'  Robert  Normann^  fabri- 
caiil-a'tartfittrieats  depTrysiqùe-,  .déq(5fuvï*àfit  rihHinîdiJîon  de 
Faillite';  et -bientôt  les  prîhcij^àles^prô'^riétés  du'bâlreau 

Jtequ*âlôrfeîè^féV  avait  été  conadéi^fepriïmtp  te*  gèiil  métal 
nm^oê6tpxè  :  lia  -  aééôùVèrtê  dd  ^  cbb'ftU^  et  du  nrkel  dé- 
ini&tf'cetf^  ôpiîhion.  Ces"déb(*ùVertés  coridiiisirent  tout 
natjA^em^ni  àitiesurèr  le^^lVefsés  forcées;  Tnagnétîques  et 
à  recîherchér  teS'  {urbcAléè»  divers^  d'afriiâhtation.  €dtilomb  se 
dî9fiiignk  encore  d(rfex5êttevOîé:D'iînfe  part  les'  oscillations 
de  rafgtiflléiaimétntée,'^  dé  rilwtte  éa  balance  dé  torsion, 
ramWcbèreht  à  ^  ^conclure  que  les  àftrùctidh»  et  réMsions 
magnétiques  so^cbWisôn  directe  de  la  densité  électrique 
et  en  raison  InVei^e  M  câriré'  de&'  distances  ;*'  t^^ndis  que 
rétddè  qu'A  ffll  Aé\t  distrfbuHôn  de  rrnténsîté'inagnélique 
dans  un  barreau  aimanté  conduisait  à'  la  mfeiîl.eure  forme 
portp  lèS'  béïiflfeblè*.  ■  CMîHmib  i&^occàpjr'  aussi ,-  èômme  nous 
Tattoite  dit  ^  ttei  dîVe^  piwédés  '  (Tiiimahtation  et  de  la 
trefik|>e  è'doânër  A'ux'iaimèîiAs."Toiitéf6ls,  des  découvertes 
d'un  aafl*ear(fire  devaient  èontribuer  à  réunir  l'électricité 
et  te  magnétisme  en  une  seule  étude. 


58  PfflLOSOFfflË 

Sulzer,  en  1703,  avait. reconnu  l'action  de  deux  métaux 
diiïérents  réunis  par  une  extrémité  et  séparés  par  la  langue, 
lorsque  Galvani,  en  1790,  fit  la  découverte  du  girikani^nae. 
Elle  donna  lieu  à  de  nombreuses  discussions  ;  toiei  cette 
découverte  :  si  l'on  arme  les  mwscles  et  les  nerfs  d'une 
grenouille  de  métaux  afférents ,  leur  contact  |)roduit  des 
contractions  musculaires.  Volta  ne  s'arrêta  pomt  aux  ex- 
plications données  à  cette  époque  pour  interpréter  ce 
phénomène  ;  pour  lui,  te  magnétisme  c'était  de  l'électtricîté 
en  mouvement;  aussi  varia-t-îl  l'expérience,  plaçant  un 
morceau  de  métal  entre  deux  liquides  différents ,  pour  pro- 
duire les  convulsions  musculaires  de  la  grenouUle.  Bientôt 
Crevé,  professeur  à  Mayence,  émit  l'idée  des  irritants  chi- 
miques. Fabroni  alla  plus  loin  :  il  examina  la  réaction 
chimique  de  divers  métaux  les  «uns  sur  les  autres,  dans  les 
phénomènes  galvaniques,  et  arriva  de  la  sorte  à  conclure 
que  le  galvanisme  ne  se  manifeste  pas  sans  action  chi- 
mique. .  . 

Les  choses  en  étaient  là,  et  La  France  venait  de  faiire  un 
rapport icurieux, lïwiis qui  coMluaitmal,  lorsque  leSOmars 
1800,  Volta^  dans  une  lettre  à  M.  Joseph  Banck  ,-  tai  an- 
nonça l'une'  des  plus  grandes  découvertes  du  sièdè;  eelle 
de  la  i»ie  qui  porte  son  nom. 

La  pite  galvanique  de  Volta  amena  la  découverte  «de  la 
décomposition  de  l'eau,  par  Nicholson  ;  la  découverte  du 
transport  d'un  acide  au  jjftle  positif,  par  Càrlisle  ;  celle  'des 
réactions  chimiques  qtii  ont  lieu  à  la  surface  des  couples 
de  la  pile;  et  bientôt  Nicholson  reconnut  que  les  bases  se 
portent  au  pôle  négatif,  tandis  que  Cruiskhanks  arrivait, 
de  son  côté,  aux  mêmes  réstiltats.  Davy  ne  tarda  pas  à 
s'occuper  dfes  iiiêmes  études  :  il  Reconnut  avec  une  pue  de 
110  couples',  que  la  fibre  musculaii^  Conduit  mieux  l'élec- 
tricité que  la  fibre  végétale,  et  celte-ci  mieut  encore  que  le 
fil  métallique  humecté. 

En  1801,  Volta  vint  à  Paris,  oh  il  développa  ses  idées 
devant  l'Académie  des  Sciences  v  il  expliqua  son  appareil  et 
fit  connaître  l'action  galvanique  du  gymnote  et  de  la  tor- 
pille. Napoléon  assistait  à  cette  séance,  conseilla  plusieurs 
expériences,  notamment  sur  le  fer,  dont  il  comprenait  mer- 


lÂT  SIÈCLE.  59 

Teilteusemëiit  la  puissance  ciTilisatrice  ^  et  proposa  une 
médaille  d'or  pour  VoHa. 

En  juin  1801,  MM.  Hachette  et  thénard  brûlaient  des 
métaux  avec  la  pile.  Van  Mariuu,  la  même  année,  prouva 
que  les  aelicms  chimiqmade  la  pile  sont  pour  beaucoup 
dans  Télectricîté  .qu'elle  produite  II  établit  encore  que  la 
Tltcsse  du  fluide  magnétique  e&i  imniense.  Plusieurs  phy- 
siciens varièrent  alors  singulièrement  les  éléments  consti- 
tuants des  piles,  et  Davy  employa  le  diarbon  et  les  acides. 

Ritter,  eu  180^,  essayait  si  fo  galvanisme  pouitait  produire 
Faetioa  magnétique  sur.  une  aiguille  formée  d'une  lame  de 
zîac  et  d'une  lame*  d'argent.  Il  insistait  sur  la  valeur 
donnée  à  l'action  de  la  pile  par  les  réactions  chimiques.  Il 
établit  que  les  corps  qui  ont  une  polarité  dans  le  cercle 
galvanique  en  sortent  avec  une  polarité  inverse. 

.^rsled  trouva  ensuite  que  le  fil  qui  avait  servi  quelque 
temi^à  la  pile  de  VoUa  poutait  seul  déterminer  les  con- 
tractions des  cuisses  tl'une  grenouille,  et  qu'un  (il  qui  avait 
recula  décharge  d'une  batterie  électrique  jouissait  de  la 
même^tropnMi  mais  avee  moins  de  puissance.  {^)ndant 
plusifW^  iinfiéQs  les-  aimales  des  sociétés  savantes  furent 
reoftplies  de  ménàoir^  sur  les  phénomènes  de  chaleur  et  de 
décomposition  et  sur  les  actions  chimiques  produites  par  la 
pQe.tLes  phénomènes  physiologiques  et  médicaux  suivirent 
de  pfès- 

Davy,  cependaui;^  continuait  ses  études  :  bientôt  il  re- 
eofBiut  la  ifacuUé:  de 'transport  de  la  pile  sur  les  agents 
décomposés;  il  vil: se  former  des  combinaisons  insolubles 
lorsqu'il  y  avait  sn^  le  passage  d'un  corps  les  éléments  qui 
pouvaient  servir  ,è  le$  produÂee  ;  il  créa  les  premières  théo- 
ries électroH^himiquQS'.et  décomposa  les  aleâis.  Alors  tarent 
connus  les  M  dradipa^  de  la  baryte,  de  la  chaux,  de  la 
strontiane.et  de  I4  magnésie  $  appelés  magnésium,  stron- 
tium ,  calcium  et  baryum  ;  il  donna  même  à  supposer  que 
rammoniaqueétait  une  basp oûdée.  Cette*  vue  élevée  que 
Vammonium  i^aliseï,  ^nous;  fait  présumer  à  notre  tour  en 
faveur  delà  composition  binaire  des  métaux. 

La  science  paraissait  de  nouveau  stationnaire ,  comme 
avant  1800,    lorsqu'en  1820  ifirsted,  professeur  à  Go- 


60  PHILOSOPHIE 

penhague,  lui  ouvrit  une  voie  toute  nouvelle ,  en  créant 
l'électrodynamique.  Il  reconnut  qu'un  lil  de  métal  joignant 
les  deux  extrémités  d'une  pile  jouissait  de  la  propriété  de 
dévier  une  aiguille  aimantée,  même  à  angle  droit,  aiec  sa 
direction  naturelle.  A  peine  Ampère  en  eut-il  eu  connais- 
sance, qu'il  étudia  la  grande  question  des  courants,  arrivant 
à  établir  l'identité  des  courants  magnétiques  et  galvanhjUes, 
tandis  qu'Acago  créait  l'aimantation  artificielle  et  faisait  ces 
découviertes'  importantes  auxquelles  nous  devons  le  télé- 
graphe électrique  et. les  machine»  motrices. 

Depuis  cette  dernière  époque,  l'étude  de  Télectrlcité^  a 
fait  de  grands  projgrès.  Elle  a  ajouté  aux  probabilité»  de 
l'existence  d'un  fluide  éthéré  impondérable,  servant  à  pro- 
pager les  ondes:  lumineuses  dans  ce  que  nous  appelons  le 
vide  et  au  sein  des  corps  transparente.  On  pense  générale- 
ment  que  ce  fluide  est  modifié  dans  ses  allures  pap  la 
distribution:  et  l'orgwiisation  des  molécules  des  "cor^,  dis- 
position  qui  les  rend  plus  ou  moflfc  fésîstantsV  plus,  ou 
moins  ékatiqiies.,  ele.,  et  Von  est- porté  à  croir'é  qui^lLes 
phénomènes\fli  variéS'de  l'électricité  en  découlent' ;nioSlâîés 
qu'ils  sont  parles  mouvements  de  l'éther';  niais  1ï  Ven  iSaut 
de  beaucoup  ^e  la  science  de  l'éleclri^îté^it  coiiij^fête. 
Cette  science  se  compoise  d'un  cfertaih  nombtcvdë'  groupes, 
de  phénomènes,  dont  la  parenté  est  évidente  èt^'ffonf  la 
filiation,  par  rafq)ort  h  un  môme  principe,  n'est  pa^  côiinfiic. 
Plus  eacece  qt»  la  chaleur  el  la  himière,  mectrîcite  se 
relie  directement^t  incesdamment  h  tous  les  phénomènes 
des  vies  minérale»,  végétales  et  animales»;' qm  sait  métne^ 
si  son  action  ne  s'exerce  pas  sur.  les  vies  sociales  ?  ' 

Dans  l'état  aetuel  de  nôâ  connaissances,  on  h  Fhabiiudf^ 
d'étudier  à  paiit  liivacmAîAvÈ  stATifWB,  et  de  rattacher  à 
ce  titre  ies  machines  électriqUes^,  l'étude  des  corps  conduc- 
teurs, celle  des toorps isolants,  la  balance  élex^rique,  la  loi 
des  attractions^çt  répulsions ,  le  pouvoir' dfes  pointes, /etc. 

A  L'ÉLBGTRioiTÉtLA'FÊfKtB  se  rattachent 'ïe^ipstrumentîv 
propres  à  la  constater  2  la  l)OUtèiHé  de  Leyde,  îé^  batteries 
électriques  et  tous  les  détiSlls^de'la  côristmcttofa  ^e  ces  ins- 
truments. '       -^  '        ^  ;'    :'  '         ■  ^  ■■ 

L'ÈLEGTRiciTË  ÂTMOSPHiiRiaTjE  iéspUquë  et  comprend  la 


BU  SIÈCLE.  61 

météorologie,  les  effets^de  réLectricité  dans  le  vide,  sa  vi* 
tesse  dans  rAtmosphère,  le  transport  par  les  courants 
électriqiies  d'atomes  pondérables,  l'étectrieité  produite  par 
la  vaporisation.,  rélectricUé  des*  nuages,  les  éclairs  ou 
étincelles  atmosphériques,  le  bruit  da  tonnerre,  les  para- 
tonnerres y  les  effets  de  la  foudre ,  le  choc  en  retour,  et  la 
grêle. 

Aux  AiMAiCTS  se  relie  un  nouveau  groupe  de^  recherches 
c(»icemant  l'aimantation ,  la  puissance  d»ecfrice  du  globe, 
les  moyens  d'aimanter,  la  déclinaison  et  rincliiiaison  de 
raigoîlle  aimantée,  les  aimants  axtiâeials,  source  toute 
nouvdle  de  force  motrice,  et  tout  ce  qui  regarde  le  méri* 
dien  magnétique. 

Lesaimants  conduisent  encore  au  MA«tBiÉm8XB  iTBMSftTRE, 
à  mille,  questions*  de  physique  expérimenlrie  et  à  cette 
question  de  pratique  sociale  et  de  haute  philosophie  : 

Le  gjl0be  m  iera^^U  pm  tm  jaiur  une  source  exfiéiiuhle 
de  dateur  et  d^  magnétùme  ? 

En  d'autres  termes  ;  L'tspice  humaiivfw  fk^fiêi  la  providence 
a  d^nné  en  ewnmunauU  hiouis$atce  de  ht  lumière,} de  l'air 
et  4^11  eaux,  na-t^elU  pa$  n^de  to  mimemar^ire  d'autres 
jeuide^nçfs  suseeptiU^  die  servie  é  ramièiofyÊêion  de  la 
plajiffè^»  le  jqur  PÙ.-  h  sax^ir  lui  aHera^  révélé  leur  usage  et 
leur,  emploi?     -  ■    .^    .^ 

îi'^jîjicTEOTJi^oKÊTlSKB  e^t  uncf. partie  de  la  science  qui 
rép6â4  9^1^'  niuil  à  son  norn-;  eUa-  a  trait  à  œ*  que  l'on 
ap|>ei^e,le  f^o^yieçi^  jde  l'éleçtrieité:  gakaniqaie,-  à  ce  ^e 
Ton  pc^unçait, appeler  s 4^ssi.  lesi  ondutatiens  on  vyorations 
galvanique^.       »        .      •  .  .      : n  <       ■; 

Qif:s'oeçupe,  dans  les  études  comprises  ^sous  Cè'titi*e, 
de  I«  âj^YV^t^n  de  ^'aigi^U^  nmf^téejpai hd  céuraiàt  vol* 
taim^%  -^^  Vhciliôn.d'un  courant»  sue  uni  aimant,  ide  la 
roâ^Aiop .  fl'un  c^uran;t  paf  V.AÇti<^  d'un-  aimant^  et  4nee  ^wrsâ, 
du.^alyadpipètre  lï^wjyycs^teujr,» l'une. des: pUis  utiles  inven- 
tionç^oe  ,îa fScien^  mod^i3i^e,.dQ  l'aîimntalioi^ipap ^tourafits^ 
deji^ui^^f^^  du)%  dpMX1^t  des  phénoBièiies  ^etiiques 

Lés  FAÎT&  THERMO-ÉLBGTRiQUEs  Ont  couduit  à  construire 
une  pile  thermo-électrique  ^  à»  étudier  la  polarisation  de 


63  PHILOSOPHIE 

la  chaleur  par  réflection  et  par  réfraction ,  d'où  une  identité 
nouvelle  entre  la  lumière  et  la  chaleur  ;  ils  ont  conduit  en- 
core à  inventer  des  thermomètres  thermo-électriques,  instru- 
ments précieux  pour  la  sci^ce  et  les  arts.  Le  thermomètre 
galvanique  de  Bequerel  se  compose  d'un  circuit  de  deux  fils 
de  métaux  différents  soudés  ensemble ,  enroulés  en  partie 
sur  le  cadre  d'tm  galvanomètre  :  une  des  soudures  est  placée 
dans  un  lieu  d'une  température  connue  et  l'autre  dans  celui 
que  Ton  veut  explorer.  L'instrument  a  été  gradué  à  l'avance  : 
pour  l*étude  des  basses  températures ,  l'on  emploie  le  fer 
et  le  cuivre,  métaux  très  différents  dans  leurs  puissances 
thermo-électriques;  pour  les  très-hautes  températures,  le 
platine  et  le  palladium ,  métaux  très-rapprochés. 

L*ÉLECTKO-cHiBriE  termine  naturellement  la  série  des 
groupes  de  faits  électriques.  Ici ,  que  de  questions  toutes 
plus  importantes  les  unes  que  les  autres  ! 

Ici  se  mêlent  à  chaque  instant  la  physique ,  ou  étude 
des  propriétés  générales  des  corps,  et  la  chimie,  ou  étude 
de  leurs  affinités  atomiques,  de  leurs  propriétés  moléculaires. 
Ces  deux  sciences  concourent  à  établir  : 

Que  les  actions  chimiques  produisent  des  courants  d'élec- 
tricité; que  parfois  les  courants  se  neutralisent  ati  lieu 
même  de  leur  production  ;  que  l'électro-chimie  peut  donner, 
de  la  pile  galvanique  et  de  son  action ,  une  explication 
plus  ou  moins  satisfaisante,  bien  qu'incomplète  encore 
aujourd'hui ,  tandis  qu'elle  explique  parfaitement  les  dé- 
compositions et  recompositions  que  produit  cet  instrument, 
les  décompositions  produites  par  les  actions  vives  et  éner- 
giques, les  recompositions  résultat  d'actions  lentes  et 
faibles. 

La  conductibilité  des  métaux  pour  l'électricité  galvanique; 
les  ondes  électriques  qui,  dans  les  fils  conducteurs,  assi- 
mileraient l'électricité  à  la  lumière  et  à  la  chaleur;  les  piles 
secondaires,  formées diB  disques  d'un  seul  métal,  alternant 
avec  des  rondelles  de  carton  mouillées  d'un  liaùide  conduc- 
teur, piles  qui  sont  susceptîbtes  d'être  chargées  par  une 
pile  de  Volta  et  d'en  remplit'  ensuite  les  fohctîons ,  mais 
avec  oaoins  d'énergie  ;  lés  propriétés  de  éeitains  métaux, 
par  exemple  de  l'éponge  de  piatme ,  qui  peut  opérer  la 


BU  SIÈCLE.  65 

combinaison  de  quelques  gaz  ;  le  transport  de  substances 
parles  courants  galvaniques ,  conduisent  la  physique  et  la 
chimie  à  se  demander  ce  que  c'est  que  Télectricité  !  —  Ne 
sachant xieii  de  son  essence,  on  s'enquiert  tout  naturelle- 
ment die  ses  manifestations.  Y  a-t-il  deux  électricités  ou 
n'y  ,en  .a-t-il  qu'une?  S'il  y  a  deux  électricités,  chaque 
molécîule  électro-positive  est  nécessairement  entourée  d'une 
atmos^bàre  électro-négative  et  vice  versd,  par  suite  de  la 
décomposition  des  électricités  .voisines.  Si  vous  combinez 
d^ix  molécules,  l'une  positive,  l'autre  négative,  leurs 
atmosphères  se  neutralisent  et  leurs  électricités  propres 
restent  à  l'état  latent  :  voilà  l'une  des  hypothèses  ;  ainsi 
s*expliquerait  la  chaleur  produite  dans  cette  réaction  molé- 
culaire* Mais  que  d'objections  à  faire  contre  cette  théorie  ! 
Comment  comprendre  qu'une  molécule  positive,  sera  posi- 
Uve  vis-à-vis  un  corps  A  et  négative  vis-à-vis  un  corps  B  ? 

U  es»t  plus  naturel,  peut-être,  d'admet^e  qu'il  n'y  a 
qu'une  électricité  positive  ou  négative,  selon  sa  quantité; 
positive  en  M,  vis^à-visde  A,  si  le  corps  M  contient  plus 
d'électricité  que  le  corps  A  ;  négative  vis-à-vis  de  B,  si  B 
contient^plus  d'électricité  que  le  corps  M. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  existe  de  curieux  rapports  entre 
rélectrîcité,,la  chaleur  et  la  lumière.  C'est  ainsi  que  la 
pile  et  da.  machine  électrique  peuvent  produire  les  effets  de 
la  chaleur.  —  Observée  à  travers  uiv  prisme  très-pur,  avec 
toates  les. précautions  scientifiques  désirables,  la  lumière 
éleetrique  donne  des  spectres  très-variables.  L'étinceUe 
tirée  du  mercuse^  se  cpmpose  de  sept  bandes  colorées ,  sé- 
parées par  des  intervalles  obscurs ,  à  savoir  :  deux  bandes 
orangées  très-voisines,  une  verte  et  brillante,  deux  vert 
btojÂtre,  une  poi^irpre  et^  très^rillante,  une  violette.  Tirée 
du  zinc,  du  bismuth,  du  plomb  fondu,  l'étincelle  donne 
des  speetres  trèsTdifférentspour  le  nombre  et  la  position 
descouleurSf  mais^]lei:ne  varie  pour  aucun  métal,  qu'elle 
soit  tirée  dans  l'air,  Toxif^ne  ou  l'acide  carbonique.  Entre 
des  boules  de.  miétaux  di^érents,  TéXincelle  donne  dans  le 
speetre  les  bandes  qui  appartiennent  à  chacun  d'eux. 

Les  phénomènes  de.  pnosphorescence  sont  d'un  autre 
ordre  ;  ilscmt  lieu  sans  manifestation  de  chaleur  appréciable 


64  PHILOSOPHIE 

OU  appréciée  :  la  percussion ,  le  frottement  de  lentes  actions 
chimiques  les  produisent. 

Chaque  jour  tes  liivres  élémimtaifes  enregistrent  des^dé- 
couverte»  nou-vellès  ^  et  chaque  jour  ces  livresr  élémentaires 
vieillissent  «ttx  progrès  incessants  de  la  science.  — Le  plus 
important  de  tous.,  ce  sera  la  création  de  fotoes  gi«luites 
ou  presque  gi^atuites.  Le  coadjuteur  galvanoHEnagnéti^pte, 
que  nouâ  avons  dréé  dali»  ce  but ,  M.  Eric  Bernard  et  iMoi, 
est  l'expression ,  niicrdscopique  encore ,  de  k  réalisation 
d'un  grand  rôvè.  Il  consiste  dans  un  aimant  artificiel  en 
fils  de  fer  cbur  oa  d'acier  non  cassant  ^  placé  sur  le  trajet 
du  pôle  Guitre4'une  pile  et  relié  au  pôle  rinc  pfjr  un  mar- 
teau oscillant,  de  manière  à  joindre  la  puissance  qu'iï déve- 
loppe à  la  puissance  de  la  pile  qui  sert  à  le  produire.  Ce 
fait,  basé  suc  des  phénomènes  trop  peu  étudiés,  se  lie  à 
un  groupe  de  phénomènes  inconnus ^  mais  il  est  le  germe, 
la  pensée-mère  d'une  série  de  découvertes. 

Le  passé,  dans  ses  incessants  progrès,  a  toujours  présenté 
trois  phases  :  Uune  d'intuitions  confuses ,  l'autre  de  con- 
ceptions incomplètes ,.  La  troisième  plus  sdentifique'«t  plus 
positive?  L'inteUigenee  hmnakie  ne  saurak  procéder  autre- 
metit  aujourd'hui  <iU6  du  temps  de  nos  pères  r.muniede 
méthodes  et  d'instruments  perfectionnés,  elle  a  pu v  ^le 
pourra  rèfrir  à  la  théologie  de^  prêtres ,  '  ^\JaL  sanotaaîres 
de  leurs  temples  la  première  phase  de  tout  sa^r<*/ieUe  se 
déflera^davantage  de  ces  ooneeptioits  incomplètem«it  vraies 
qui  n'ont  pas  eu,  pour  s'appuya  scdidement ,  une  masse 
de  données  su0isantes,-et  toujours^ elle  voodra  <^e  la  véri- 
table science  vi^ne^iéelatrer  die*  ta  hiimàre  de  ses  interpré- 
tations Tétude  expérimentale  des.  phénomènes  de  ta  vie. 
Mais  que  de  grandeur .déj^*  dans  cette  analfsei^desiopérlitiotis 
de  l^âfivie  hiâcnaine,'  que  de  grandeur  surtout  dans  chaauae 
des  phases  nouvelles  desétfides  réservées  à'Vesprût)^hHiBaÎQ  ! 

Us  ne  soiit  pas  loin  de  nous  ces  jours  où  la  ^ience  eut 
le  pressentiment  que  la  tenre  était  aoué«  *dtt.  magnétisipe  : 
voilà ,.  dans  son  origine ,  lii  ptesttèoe  inloiiioti  d'une  grande 
révélation  religieuse,  phi)0dophi!4|u&  ût  s^lentifiRiae'.  Plus 
tard,  le  magnétisme^  de  ta  tècria'  a>  été'T^oiiiinU  ;-  mais  If  on 
n'a  pu  déterminer 's'il  était  ôA  à  une  actionr  pan  influence 


DU  SIÈCLE.  65 

OQ  à  une  aeiion  propre;  à  des  coucants^  âeetriques;,  ou  bien, 
soit  en  totalité  soit  en  partie  y  à  u»  état  magnétique  de  la 
matièi^  %ai  €0«ip^^  la  erefttedu  globe  ;  iFoilA  la  seconde 
phaa^tdé^  cette  révélatmu  l*»  troisième  aura  lieu  quand, 
plii§  éqlairés  ^w  les  pbéoonèAes  élecUo^ahtmtques ,  nous 
poucMB»  iii4»p(Mrter  tous  les  faits  qui  concecneot  le  magné- 
tîsiae:  terrestre  à  l^^irs  causes,  naturelles.  Mais  arrivons  à 
Taware  pUwe^  ee  grand  phénomène  supposé  magnétique  ; 
et  4|ue  l^irogret.des  féas,  d^  esprits^,  des  rêveries  senti- 
mental^ 4e  no^  pères,  et  des  influences  inconnues,  ne  tienne 
poi^t  s.'int0rposer  eqtre  ^otr^  lytne  et  des^sentiaaents.  d'une 
autne»] nature,  qui  ont  leuc  importeoice  nouvelle  et  leur 
gca^ur. 


*        '  AtTROBE  fOtkXKlS,^ 

,  '      .  1    •         • 

L'aaiK»e>polaîi:e>eal  une  iunôère  ptopre  à  noire  globe  et 

Fini  ée&ipihis! grands. iphénomène^  qfài  puîsaent  bapper  nos 

smsc  Appelée  aotore  Ja^réale  aui  pôle  nord^  australe  au 

pôltt)Sua,  ettei  n^  saiippésante  jamais  dansn<)S^«ontAée»  arec 

caite  «landeter  qw  ««l^gue  1  imagination.. U  nien  est  point 

aM6i(i«eDSrleQip6les>€ià4^  autt&.istecures'  sontuoe  .eKcep- 

ûoni'^itmt^.  aii»rpôli<h  noid^  entre,  guiatre  et  boit  heures ,  la 

bnimeiKiefitopià  sa.  p«rtie«vipérieiin&:.  on  dsraiit  un  rideau 

de»  ltiéftlre,qiir^ae  âàebin&  popr  laisser  apparaître  'fe  pb^o- 

mèneibriièantifii'il  tiaehe.aux.  jew,  Pw  A,  peu^  dans  cette 

franger^  afipariiit  mie]  boidute^  de  plus  m  plus  (régulière, 

are  pAl»el<dâiiteii&  d'abord  v  4'une.  couleur  ijaun^^  ayant 

floa  fbeqt  tni  dassua ict . ses>  plts  appuyés  sur  tence,;  puis  il 

9*élà9è>Ianldmanbeia^!ec,  n^iesté:,  sans  çhaogiff  «fle'jpdéridien 

inapiiâfi^n^r/jAlltfEt  4e9  «wées*  fiioiras'  viennent  ^wme  régu- 

lièl«||lallklaJmati»re^lu|ninauaer  de^  eet.  arc^  Voici  que  les 

nfens-mAmbes^ir*  .laAtH  ilft  s'alloiigenl,  ^ntôt  ils  se 

ttaeaufaisâiiQtw  il409riÉcj|îMft.tes>  pki3  YÎyes  et  Jk^s:plus  l^tes , 

kgàphsfÊfômim  Qfeleaj|dm(gr4Ve»se0)blAnll.  se -passer  au 

sabda/^  dmtt«lîqde.phémiièQ^  4»  nuits  pok^res.  Ton- 

'ym$  iou&'les  oayons^ibmiitteu^  QOUYergent  vers  un  même 


66  PHILOSOPRIB 

point  du  ciel ,  vers  celui  qu'indique  Taiguille  aimantée  sous 
l'influence  de  l'attraction  qui  la  domine  et  la  guide ,  et 
constamment  la  partie  inférieure  des  rayons  offre  la  plus 
vive  lumière ,  en  décrivant  un  arc  presque  régulier.  Quelque- 
fois ils  se  prolongent  jusqu'à  leur  point  de  rèuniob;  et  alors 
apparaît  dans  le  ciel  une  immense  et  brillante  coupole  lu- 
mineuse, qui  pourrait  servir  aux  chrétiens  de  ternie  de 
comparaison  pour  peindre  les  grandeurs  des  temples'de  leur 
cité  céleste.  Mais  Tare  lumineux  continue  à  s'élever  vers  le 
zénith  f  éprouvant  dans  sa  clarté  des  ondulations  lumineuses 

5 ar  suite  de  courants  de  lumière  qui  vont  généralement 
e  l'est  à  l'ouest.  Quelquefois  aussi  le  courant  lumineux 
semble  revenir  instantanément  sur  lui-même ,  sans  que  l'œil 
et  l'esprit  puissent  exactement  se  rendre  compte  du  phé- 
nomène. 

Voici  que  l'arc  ^éprouve ,  dans  le  sens  horizontal, 
des  ondulations  alternatives;  ici,  comme  partout  dans  la 
nature,  l'action  et  la  réaction;  l'aurore,  en  sa  forme  nou- 
velle, ressemble  aux  plis  d'un  ruban,  ou  mieux  d'une  magni- 
fique draperie.  Le  pôle  nord  s'est  revêtu  d'une  robe 
dont  les  falbalas ,  brillants  de  lumière ,  s'agitent  et  res- 
plendissent aux  regards  étonnés.  '  Des  courbes  et  replis 
gracieux  de  cette  robe  si  splendide  en  ses  clartés ,  il  forme 
ce  que  l'on  appelle  sa  couronne  boréale ,  dont  les  rhyôns 
effacent  en  étincelantes  lumières  celle  des  étoiles  de  pre- 
mière grandeur.  Ces  rayons  dardent  avec  vivacité ,- les 
courbes  se  forment  et  se  déroutent  comme  les  reptis  d'un 
chœur  de  danse,  puis  quelques-uneJà  des  plus  belles' cou- 
leurs du  spectre  viennent  embeHir  les  rayons  '  de  cette 
couronne  splendide.  Alors  la  baâe  est'rouger,  le  milieu 
apparaît  avec  une  couleur  verte,  tandis^  que  le  T*este  de 
l'aurore  conserve  sa  teinte  lumineuse  jaune  clai^.  Rien 
n'égale  la  transparence  de  ces  couletes,  dont  le  rouge  se 
rapproche  de  la  cbiileur  du  sangj  «t  lervert  de  celle  d'une 
pAle  émeraude.  Cèpetidant  parf(Hs  Tédat^  diminue-,  les 
couleurs  disparaissent,  tout  s'étmnt ' subitement  etf  peu  à 
peu  pour  reparaître  immédiatement  et  continuer  à  marcher 
vers  le  zénith.  Par  l'effet  diô' la J  perspective  ,  les  rayons 
diminuent  de  longueur;  mais  le  sommet  de  l'arc  atteint  le 


DU  siiCLS.  67 

zénith  magnétique  :  les  rayons  sont  alors  vus  par  leur 
extréaiité  inférieure;  ils  se  colorent  et  déyeloppent  une 
large  b^nde  rouge  à  trayers  laquelle  on  distingue  les  nuances 
vertes  qui  leur  sont  supérieures. 

Tendant  ce  temps  ,  de  nouveaux  arcs  se  sont  formés  à 
rhoriaon,  tantôt  par  des  rayons  diffus,  tantôt  par  de  très- 
vifs.  Chacun  succède  à  celui  qui  le  précède ,  en  passant 
par  des  phases  presque  identiques,  et  parfois  Ion  en 
compte  jusqu'à  neuf.  Quelquefob  aussi  les  intervalles  di^ 
minumit,  les  arcs  se  serrent,  on  dirait  de  larges  zones  s'é- 
levant  parallèlement  vers  le  zénith  pour  aller  se  perdre  en 
s'aSaiblissant  dans  le  sud.  —  Lorsque  l'observateur  fatigué 
croit  pouvoir  se  reposer  de  ses  impressions  et  de  ses 
émotions ,  au  moment  où  la  zone  occupe  le  haut  du  ciel , 
en  s'étendant  de  l'ouest  à  l'est ,  des  rayons  semblent  venir 
du  sud  et  forment  la  véritable  couroni^e  boréale ,  donnant 
au  brillant  phénomène  des  nuits  polaires  la  plus  resplen- 
dissante des  beautés.  0  nature  !  mère  admirable ,  combien 
tu  es  reine  en  ces  instants,  combien  la  grandeur  de  tes 
œuvres  domine,  même  en  ces  contrées  si  tristement  nébu- 
leuses, les  glaciales  impressions  des  frimas.  Imaginez  la 
voûte  céleste  tout  entière  comme  un  dôme  brillant ,  comme 
une  coupole  étincelante  qu'agitent  des  courants  lumineux. 
Le  firmament  s'est  revêtu  d'une  soie  légère ,  dont  les  ondes 
moUeoient  bercées  s'impreignent  par  intervalles  de  couleurs 
nmges  et  vertes  des  plus  belles  nuances  ;  le  sol  est  couvert 
de  neige ,  et  souvent  à  ses  pieds  et  devant  lui  l'œil  aperçoit 
une  seconde  immensité  :  c'est  la  mer,  noire  comme 
l'Erèbe,  et  dont  rien  ne  semble  agiter  les  ondes.  Décora- 
tioi^  de  nos  théfttres,  fantasmagories  de  nos  physiciens, 
que  Yous  êtes  peu  de  chose  à  côté  des  sublimes  grandeurs 
derinllni! 

La^  première  moitié  de  la  nuit  s'est  écoulée  4  l'aurore  perd 
de  sou  intensité,  les  rayons  deviennent  vagues  et  confus , 
la  lueur  crépuscinlaire  du  jour,  cette  lueur  si  longue  au 
pNe,  «rrire  peu  à  pea  :  le  phénomène  s'affaiblit  et  dispa- 
raît lentement,  jetant  encore  parfois,  comme  un  défi  à  l'astre 
iesjows  ,^des  •clartés  qui  finissent  par  se  confondre  dans 


68  PHILOSOPHIB 

Herschel  attribuait  k  des  action?  électroHfi«[^étiques  la 
lumière  du  soleil  et  deé  étoiles.  Il  arrivait  ainsi  à  trouver 
quelques  rapports  entre  ces  lumières  et  celle  dont  nous 
venons  de  donner  la  description. 

L'auiïOre  boréale  était, inconnue  dès  anciens.  Mairan  est 
le  premierqui  ait  nettement  décrit  ce  phénomène  »  au  siècle 
dernier,  après  l'avoir  observé  d'une'  manière  scientifique. 
Des  calculs  assez  approximatifs  établissent  que  le»  plus 
remarquables  des  aurores  boréales  doivent  avoir  lieu  à 
environ  300  kilomètres  au-dessus  de  la  terre,  ou  à  50 lieues, 
c'est-à-dire  distns  cet  espace  que  l'on  appelle  le  viae.  La 
cause  de  ce  phénomène ,  que  tout  fait  considérer  comme 
électro -magnétique  ,  n'est  pas  encore  connue  el  se 
rattache  évidemment  aux  nouvelles  découvertes  à  faire  sur 
le  magnétisme  du  globe.  ' 


DE  V^Km  atmosphérique; 


Pourquoi  cette  mélancolie,  pourquoi  cette  vague  tristesse 
qui  saisît  Vime  humaine  '  en  présence  de  Timmensitë  des 
mers  et  de  Timmensité  plus  crande  encpi;e  des  espaces 
aériens?  Homère,  la  Bible-,  et ,  de  nos  jours ,  Chateaubriand 
dans  tous  ses- ouvrages ,  Bernardin  de  Saint-Pierre  dans  ses 
Harmonies  de  la  Ji^ture,  M"'  Sand  et  beaucoup  d'autres 
encore,  nous»  ont  ï*edît  les  impressions  que  nous  ne  cessons 
d'éprouver  à  la  vue  dé  tout  ce  qui  domine  notre  esprit ,  en 
l'accablant  du  poids  dé  Hdée  de  l'infini,  idée  à  laquelle  il 
peut  arnyefj  â  Uqtiellé  il  arrive ,  mais  dont  il  ïie  saurait 
résoudite  lés  intéttogations.  Les  grands  fleuves  »  les  forêts 
séculaires ,  les  montagnes  élevées,  les  plaines  fertiles  ou 
désertes,  les  chnès  blanches  de*  placiers  ont  I^ur  poésie; 
mais  l'étalon  brillant  '  d*âik)Our  qm  hennit  dan^  la  prairie, 
la  plus  humble  fleTJrr  des  champs>,  Tinsëcte  caché  sous 
l'herbe,  ne  donrient-iti  paè  à  penser  à  resprit  qui  sait  ou- 


1)9  SfËct^.  69 

vrirses  yeux  et  darder  son  regard?  L'homme  surtout,  avec 
son  ii)telligeû<3e  qui  dépasse  le  monde  qu'il  habite ,  n'a-t-il 
pas  en  lui  quelque  chose  de  dIus  grand ,  de  plus  merveilleux 
eneoFe  qua  les  flots  du  Nu  ou  des  Amazones^ ,  que  les 
blah&ies  cimes  des  Alpes ,  des  Cordilières  et  derHjrmalaia  ? 
A  la  Yi\ê  de  l'immensité  des  mers  ou  du  ciel»  là  où  Tab^ 
seûce  dé  limites  nous  confond  et  nous  subjugue,  noti^ 
âioe  Eçste  étonnée  et'  comme  anéantie  sous  le  poids'  des^ 
grandeqis  soleùneUes  de  ce  qui  la  déborde  dans  tous  les^ 
sens,  H'ek  bientôt  l'esprit  humain  se  relève  de  son  abatté- 
nuînt,  le  courage  renaU  au  cœur  de  la'  divine  créature;  elle 
rêve,  elle  pense,  elle  ose.  Un  noble  courage* la  lance  sur 
une  pirogue,  et  bientôt  d'aventureux  marins' apprennent  à 
reconnaître  leur  route  sur  cet  élément  où'  leur  passage  ne 
laisse  aucune  trace.  Le  besoin  de  savoir  interroge  lesastres, 
étudie  leurs  mouvements  et  leurs  vies ,  et  la  nature  recon- 
naissante déchire  son  voile  :  on  dirait  la  plus  tendre  des 
amantes  révélant  un  nouveau  charme  à  chaque  nouveau 
témoignage  d'amoiir.  Oh  !  divine  communion  de  l'esprit  de 
rhomme  et  de  Tinfiiii!  quelle  langue»  quelles  expressions 
jioorraient  rendre  tes  grandeurs  ! 

Les  nuages  et  les  vents  qui  les  portent,  les  douces  brises 
qui  s|H^eQt  la  fraîcheur^  1^  chaudes  haleines  qui  reyeu- 
DÎsséû^,  j^  'ten;e  glacée ,  ces  voix  mystérieuses^  qui  parlent 
dans  lélfeuUlag^  des  forêts,,  qui  se  répètent  aux  échos'  des 
moôtàgnesç,  ont  {ait  vibrer  dans  le*  passé  toutes  l«s*  celles 
de  l'âiné  humaine»  à  l^q^eUe  ellesracontaient  ses  souvenirs, 
ses  espérances  et. ses  pressontiiaents.  Pçmpquoi  la  sci^çnce, 
en  changeîmt,  Ift  ï^tuEe  des  impressions  que  nous  pouvons 
ea  é^uverVde^ruitdt-'eUp  leur  poésie  ? 

W]tifiii8parence  de  Taîr  est  uiote  propriété. (jue  l'on  ne 
saurait  tfop  me.tfré  en  relief;  elle  seule  a  jp<ebus  à  l'espace 
hm4aine.|ae  ipQrpppendjçe  le.i^  extéruéupl  Si  TEgypte 
n'avait  fi^û'^'atmospère  la  plus;  piir^,..  elle;  n'eÂt  pife  réussir, 
près  de  tcois  mtpe  cipq  çejats  açW.aMUt  potre  ère ^ à;  créer  son 
«^alç'indrteçi  Uéi^t  çei^t^aigé^  ifontréèV  <?ùj  des  ^brouillards  ré- 
imUers  ^uppripijçnijentîèi'èw     lei  jmow  :  rien  de 

plus  propre  à  rétrécir  resprît.'  ïjji  ciel  sans  Wne  et  sans 
étoiles ,  un  soleil  pâle  et  comme  adouci  par  un  verre  sombre, 


70  PHILOSOPHIE 

ne  disent  rien  à  notre  imagination  ;  ils  suppriment  le  rêve 
et  toutes  les  opérations  de  Tesprit  humain  qui  lui  succèdent 
dans  leur  ordre  logique.  ^ 

L'eau  est  l'intermédiaire  nécessaire  du  sens  du  goût  ; 
mais  l'aii;  atmosphérique  l'est  des  odeurs  et  même  généra- 
lement des  sons;  il  joue  donc  vis-à-vis  de  notre  imagination 
un  très-grand  rôle.  Tout  ce  qu'A  y  a  d'enivrantes  sensations 
dans  les  parfums,  de  jouissances  délicieuses  dans  la  mu- 
sique, nous  vient  par  lui  ;  c'est  encore  lui  qui  est  la  source 
de  ces  inspirations  et  de  ces  expirations  qui  font  battre  le 
cœur  en  comptant  par  âes  pulsations  les  moments  de  la  vie. 
Et  cette  vie ,  soit  dit  ^n  passant ,  elle  n'est  pas  seulement 
dans  l'être,  quoiqu'il  puisse  s'en  priver  en  se  donnant  la 
mort;  mais  elle  est  à  la  fois  dans  l'être  et  dans  la  nature, 
dans  leur  incessante  communion.  De  là  une  mianière  nou- 
velle d'envisager  l'individualisme  et  le  conimunisme,  deui  \ 
grandes  questions  sur  lesquelles  il  a  été  écrit  dé"  belles  i 
choses,  des  niaiseries  et  des  sottises. 

La  science  des  arftmes  n'est  pas  avancée;  Les  fè^iîéristes 
ont  beaucoup  parlé  d'un,  monde  aromal;  ils  né  Vbni  pa& 
étudié.  Nous  en  sommes,  à  ce  sujet,  où  nous  en  étièm^'l^vant 
eux,  par  suite  des  essais  de  Barruel  pè^e.  Ce  i^aVànt' pré- 
parateur de  l'Ecole  de  Médecine  verse  un  jour  de  Tacide 
sulfurique  sur  du  sang  et  il  trouve  qu'il  â'en  exhale  une 
odeur  très-prononcée,  analogue  à  celle  de  l'animal  qui 
avait  fourni  lé  sang;  mais  il  n'alla  pas  plus  loin ,  laissant 
l'aromôtrie  dans  un  grand  état  d'imperfection.  La  prodi- 
gieuse facilité  de  certaines  odeurs  à  émaner  du  cor'ps  qui 
les  produit ,  sans  perte  apparenté ,  a  été  signalée  par  les 
physiciens  comme  une  prouve  de  l'iminônse^  divisibilité 
mécanique  de  la  substance.  Prenez  cinq  centigrammes  de 
musc  ^.laissez-les  un  mois  dans  un  tirtnr  rempli  de  linge  et 
de  soieries,  tout  sera  impreigné  au  bout  d'un  mois  de 
l'odeur. de  musc^  et  cependant  les  cinq  centigrammes  pèse- 
ront encore  cinq  centigrammes. 

  côté  des  arômes* se  placent  les  miasanes;  si  peu  étudiés 
jusqu'à  ce  jour,  qu'on  ne  les  a  même'  point  classés  par 
genres,  bien  loin  d'être  arrivé  à  les  diviser  en  espèces. 
Dans  quel  livre  trouver  la  description  de  ces  miasmes, 


DU  SliGLB.  71 

qui  ont  produit  la  peste  du  ¥!■•  siècle ,  la  peste  noire  du 
XIX-  siède,  le  choléra  du  XIX"'  siècle? 

Est-il  (^nc  si  peu  important  de  d'occuper  des  miasmes 
qui  peuvent  produire  des  endémies  telles  que  la  variole,  la 
scariatine,  la  rougeole,  que  personne!  n'ait  eu  soin  de  le 
taire? 

Quelle  est  la  nature  dee  miasmes  qui  occasionent  les 
fièTres  intermittentes?  L'humidité  est-elle  nécessaire  à  la 
manifestation  de  leur  influence,  l'humidité,  si  généralement 
utile  dans  toutes  les  manifestations  phénoménale^  d'ordre 
organique  de  l'air  atmosphérique?  Pourquoi,  dans  les  pays 
tropicaux,  les  naturels  perchent -ils  comme  les  oiseaux? 
Loi)«er?ation  ne  leur  aurait -elle  pas  révélé  qu'A  y  a  une 
I  éléTatioQ  à  laquelle  les  miasmes,  si  dangereux  pour  les 
Européens  qui  couchent  h  ras  le  sol,  n'atteignent  pas 
hahiluellement  ?  Jeunes  chimistes ,  jeunes  médecins ,  vous 
tous  qui  étudiez  la  nature ,  pensez  souvent  aux  arômes  et 
aux  miasmes,  rapprochez- les  des  ferments,  de  ces  subs- 
tances'^*:prodmdent  les  bouquets  des  vins^,  de  ces  corps 
que  Tair  renferme,  comme  l'iode  à  Tétat*  de  vapeur,  et 
compr^oeï  bien  que  je  vous  signale  enr  ce  tnoment  une 
srand&  page,  du  livre  de  la  nature  où  personne  n'a  su 
déchiffrer  une  ligne. 

L'ak  atmosphérique  enveloppe  tous  les  points  de  notre 
#e.  Sa  pression  sur  une  surface  donnée  est  justement 
égale  à  celle  de  la  colonne  barométrique  du  mercure.  Au 
niveau  des  m^s,  la  moyenne  de  cette  pression  est  0"  76. 
Si,  au  lieu  de  mercure-,  l'on  prenait  de  l'eau,  cette  colonne 
attrait  10"  5  d'élévation.  Il  n'a  pas  été  possible,  jusqu'à  ce 
jour,  de  reconnaître  la  hauteur  réelle  de  l'atmosphère, 
Doais  il  est  bien  positif  qu'elle  s'élève  h  plus  de  dix  lieues 
aiHiessus  du  globe,  et  tout  porte  à  croire  qu'eftte  è'éteûd  à 
qaioze  ou  vingt  lieues. 

Les  attcactions  solaires  et  lunaires ,  et  surtout  la  chaleur, 
5«it  les  causes  des  courants  aériens.  Les  vents  ont  deux 
manières  de  se  mamfesler.  Ils  se  font  par  aspiration,  comme 
celai  qui  entre  dans  un  soufflet  où  le  vide  se  produit ,  et 
Fv  insufflation  :  c'est  ce  qui  a  lieu. lorsqu'on  souffle  avec 
I^boodie  ou  avec  une  machine  soufflante  petite  ou  grande. 


73  PHILOSOPHIE 

Le  vent  qui  ne*faitqu'anedeiïlWieue  à  l'heure,  qu'un 
demi-mèire  par  secotide ,  est  à  peitie  sensiUe  ;  mais  il 
le  détient  dès-  qu'il  $t\é,ni  la  vitesse*  d'un  mq|re,  il  est 
encore  modéré  à  2  mètres  par  seconde;  à' S  mètres  5  cen- 
1,nnèlres  parseeoûde^  il  a  déjà  la  f(^e  nécessaire  pour 
bien  tendre  les  voiles }  à  10  mètres  on  rappelle  frais  V  c'est 
un  Vjônt  fo?t;  i  20  mètres,  c'est  un  vent  très-fort,  se  Rap- 
prochant de  cet  état  ique  nous  désignons  sous  le  liorn  de 
tempête,  et  qui  péclame  dansl'air  une  vitesse  de  Sa  mèti'es 
ÇO  ccsitimàtres  par  ^seconde;  à'27  mèfres  50  centiulètrt3s, 
la  tempête  «st  très-violente.  La  vitesse  de  5&  mètrefe  pro- 
duit les  oiiiragans ,.  c'est  une  vitesse  de  52  Keues  quatre 
()ixièmes^-à  l'heure;  l'ouragan  qui  atteint  une  vitesse  de 
45  mètres.par  secotMte  ou  de  40  lieues'et  deniié  fcrbeiU'e, 
déracine  les  arbres*  et  renverse  lesédifices  qui  se  trouvent 
sur  son  passage. 

La  science- est  loin  d'avoir  des-donnéeë  exatetes  dàr  tout 
ce  :(|ui  concerne  les  mouvements  de  l'air;  elle  n^'satt  j>as 
d'une  nMimèrè'  assez  absolue  quelles  sont  les  pressions  tqui 
correspondent!  à» 'des  vite^à  ahntwphériqueè  donriéfeâV' 

Les: vents ialisés- alternent  avec  les  saisons  :  on  les'ab)[)eMe 
moussons 'dëû&rinde;  ils  sont  produits  par  U  abtA)le 
action  de  la  ehaleur  et  du  Mouvement  de  ta  terre.'  Toupies 
joursfv^sn  bo»d<tes' mers  qui' sont  voisines  dé  montagnes, 
et  surtout  dans' le&  pays- chauds,  H  règne  un  coûtant ^(jui 
porte  à  t€rre»quandJa  rtiontagne  est  échattffée  pai*  le  ic<eil, 
et  qui'porte  ià  la-Baer  dans  le'eas  opposé;  Lesf  veiils  premitent 
le  earaetèrè  des  eomrées  sur  lesquelles  ils  passent  pis  se 
châ£g0n6  >de  >v\apeurs,  qulind^  ill  balaient  les  m'ei's  et  les 
grands:  ïac^;  de  ^fote  fin,  quand  11$  sbufflent  surles  déserts 
d'Ajfifique^eV  d'Asie;- de  eettdres  et  d'acides,  iquànd'ils^  se 
mêlftntiauxeïhalaisons  des  volcans.  On  les  a  vu^trans^drler 
au  loin  des  grenouilles'  et  des  poifesous,  de  petits 'Vnwi^ttrx 
et  des  gjfalnes.  A  côtë'despr^'Ugés  populaires  it  y  a  t<]Wjt)Urs 
une  vérité 'V  aussi  n-étaiti-ce  pas  sans^  raison  que  nos  pères 
s'inquiétaittiten  voyant'^les'  oifagei  prendre*  iflicairfificftère 
inaocoutuméo  Phi^-  édlaifé^,  notl^  trouvons^  dttnS'  leâ^ 'pluies 
extraordinaires  la  présowptiën  de  quelque  phéiionièhe  qui 
aurait  produit  ailleurs  de  fAeheux  résultats.  Les'  vents  qui 


passent  sur  les  montagn6&«'éck«Hffwt  oii«e  refroklîssent , 
selon  que  ee^  inontagues  sont  couvâtes  de  neige  eu  qu'elles 
ont  $ubi.j['actiontdu  .soleil.  En  replantant  les  montagnes 
dénu()ées^^  en  reportant  la  verduro  au  désert ,  Thomme 
pourra  ^jipguUièrement  modifier  la  température  de  la  planète 
et  rinflnence  aujourd'hui  désordonnée  des  mouvements 
atioosphoriques;  il  rétabUra  les  grands  oouis  d*eau,  il 
ramèx^sra  à  l'jétai  de  fleuves  oude  rivières  les  fleuves  et  leç 
rivif^DQ^  terrratielloft. 

ta  nature ,  en  nous  permettant  de  prendre  dans  le  bas^n 
des,iQers.a«sex  d!eau,  c'est-À-dire  assez- d*oxifène  et  dihy- 
drogèi^e  pour  r^ésenter  un  deminlécimètre  oube  sur  une 
surf^ce.diejquatorze  mille  myriaBoètres  4)aiTés,  nous  a  donné 
le  mq}'en  de  couvrir  de  végétation  les  continents ,  ce  pla- 
centa Qourricier  de  tous  les  êtres  qui  vivent  à  leorsuriace. 
Un  jour,  qui  n'est  cas  éloigné ,  l'agriculture  du  ^be  aura 
une  direc^u  imit&ira«  fournie  par  l'étude  de  ses  intérêts 
géoâr9ux.et  des  modifiea^ons  qu'il  i^fiporte  de  faire  subir 
aux  jents  de  quelques  contrées.  Alors  l'introduetioa  à  l'état 
pennaitent  de  cent  décimètres  cubes  d'eau,  dans  un  terrain 
q^^lconqye  d'une  surface  .4'unmè^reeafié,peinQ(iettra  de 
le40itisfonner  en  un  bois,  en  une  prairie  naturelle,  et  de- 
vie^^irji  l'un  dea  grands  moyes^  emidoyés  fnar  les  peuples 
poili:  iBOdii^er  laré^m^^Amosphérique,  météorologique  et 
nouiîricier  de  U  planète. 

.A  k  pression. prdiiaaire^  le  mètre  cubé  d'air  pèse  iS95 
gr^^uoes.  187^  Ju'f  au  dissolvant  une  eertaîne  quantité  d'air 
atmosphérique  »  on  a  calculé  que  la  masse  de  ceiuiqui  pour 
vait.êlre  engagé  dans,  lés  eaaine  pouvait  atteindre  dySOO 
de  r.atmosphère.  Le  poids  (}e  l'air  ambiant  étant  d'environ 
100'  kilog^  par  décimètre  carrà,  il  s'ensuit  que  l'hoianne 
adùl^^t,  â<^  ^^  surface  est  de  i*^  â^  supporte  au  moins 
l^^MWi  kilpgr^ammes;  de  pression  ;^t  cependant  «il  ne  s'en 
apcirGoit.j^^s  tant  que  ses  fluides  intérieMrs^nt mie  force 
élastique  susceptible'de  f^dre  équilibre  à  la  pre^on  de  l'air. 
llid^qijCqn  appin^ue  une  ventouse , sur ^m^e  partie,  ou  que 
dc^i circonstance^  intérieures  vi^iment  à^joedifierla  vitalité 
et  p(tr  suite  rllélasUcité  des  organ^^ .  aussitôt  la  question 
change,  G'e^t  du. rest^  cequi  arrive  quand  on  gravit  des 


74  PHIL06(»HIE 

moQlagnes  élevées  :  la  mèin^  |iuantité  d*air  ne  pouvant  plas 
satisfaire  aux  besoins  de  la  vie ,  la  respiration  devient  pré- 
cipitée. Si  Ton  s'élève  davantage,  des  hémoptysies,  des 
crachements  de  sang  sont  souvent  la  suite  du  défaut  de 
pression  sur  les  muqueuses  en  contact  avec  Tair  atmosphé- 
rique. 

Le  mercure  du  baromètre  s'abaissant  au  fur  et  à  mesure 
que  Ton  s'élève ,  cet  instrument  suffit  seul  pour  aroir  des 
indications  approximatives  çur  Télévation  des  montagnes 
ou  sur  la  profondeur  des  mines.  Pour  avoir  des  dpnnées 
réellement  exactes,  il  faut  tenir  compte  aussi  de  la  tempé- 
rature et  de  rhumjdité  :  d^  la  température ,  parce  qu'une 
chaleur  plus  élevée  tend.à  allonger  la  colonne  du  baron^ètre  ; 
de  rhumidité,  parce  que  Teau  retenue  dans  l'atmosphère 
modifie  nécessairement  son  poids. 

Il  est  d'usage ,  dans  le  monde,  de  sa  servir  du  baromètre 
pour  savoir  s'il  fer$  de  la  pluie  ou  du  beau  temps  :  cet 
mstrument  ne  donae,  sous  ce  jrappo;rt,  que  des  indications 
très-incertaines. 

L'air  atmosphérique  se  compose,  en  poids,  de  25,01. 
d'oxigène  et  de  76,99  d'azote  ;  en  volume,  de  28,81  d*oxi- 
gène  et  de  79,19  d'aswte  :  on  y  trouve  des  traces  d'acide 
carbonique.  Â  6  et  7,000  mètres,  sa  composition  ne  varie 
pas;  cependant  il  est  probable  qu'à  une*  plus  grande  hau- 
teur, la  différence  de  pesanteur  entre  l'oxigène  et  l'azote  doit 
augmentetr  la. quantité :de  ce  dernier  corp3.  —  Le§  plantes 
absorbent,  pendant  le  jour,  l'acide  carbonique  de  l'air  et  lui 
restituent  die  l'oxigèii^t         } 

Les  études  fajte^  par  les  savants ,  sur  Fair  atmosphérique, 
ont  conduit  ^  des  résultats  physiologiques  d'une  haute 
importance*  Nous. allons  les  énumérer  rapidement; 

La  pluie  diminue  la  quantité  d'acide  carbonique  de  l'air  ; 
elle  dissout  ce  gijt?  ^l  le  porte  aux  racines  des  plantes.  Il 
y  a  quelquefois  des  pKoporUoQS  notables  d'acide  carbonique 
dans  l'atmosphère  des  vjJUes. 

D'après  Dumas,  \m  honatme  adulte  consomme  par  heure 
pu  brûle,  par  Teffet  de.  sa  respisration,'  tant  en  carbone 
qu'en  hydrogène  «  ui^e  quantité  équivalente  à  10  grammes 
de  carbone ,  et  l'air  sortant  de  ses  poumons  contient ,  en 


DU  SIÈCLB.  75 

moyenne,  4  X  d'acide  carbonique.  Un  kilogramme  d'afbide 
stéarique  produit  la  mâme  altération  de  4  X  sur  50  mètres 
cubes  d'air. 

Péçlet  a  trouvé  qu'il  faul  par  heure ,  i  un  homme  adulte, 
6  mètres  Qul>es  d'air  ;  d'est  la  quantité  nécessaire  pour  que 
Teau  produite  par  ses  transpirations  pulmonaire  et  cutanée, 
soit  mainteniie  à  l'état  de  vapeur.  Combien  de  malheu- 
reux qui  coucbent  la  nuit  dans  de^  Meux  étroits ,  où  cha- 
cun a'a  pas , .  pendant  toute  la  durée  de  son  repo$ ,  les 
13  mèti^s  (nibes  que  Péelet  regarde  comme  la  proportion 
la  plus  convenable  au  bien-être ,  pour  deux  heures  seùler 
ment  ?  N'y  a-t-il  pas  déjà  beaucoup  à  réformer,  dans  un 
état  social  qui  ne  doiine  pas  à  tous  les  hompies  l'air  néces- 
saire à  leur  respiration?  Cependant  les  expériences  de 
Leblanc  nous  apprennent  que  l'air  vicié  d'un  centième  est 
très-nuisible,  etcelleis  de  M.  Dumas,  concordant  avec  les 
études  de  Péelet,.  nous  prouvent  qu'en  une  heure  un 
homme  vicie  6  mètres  cubes  d'air,  en  y  versant  2  millièmes 
d'acide  carbonique ,  c'est-à-dire  en  quintuplant  la  quantité 
normale  de  c^  gaz.  Appliquant  ces  données  à  la  recherche 
de  râir  p^çessaire,  pédant  la  nuit,  aux  hommes  adultes, 
l'on  «irrive  au  ehiffire  de  50  mètres  cubes. 

Nûusi, avons  visité  des  casernes  où  les  soldats  n'avaient 
que  iO^JAètrescubfl^;  des  logeiaients  d'ouvriers  où  chacun 
devait  i^contenter.del mètres  cubes;  des  salles  d'hospice 
qui  ne  renfermaient  que  8,  15  et  14  mètres  cubes  a  air 
par  lit  de  malade.  Pendant  huit  années  nous  avons  été  chef 
de  service  dans  des  galles  de  l'Hôtel-Dîeu  de  Nantes ,  où , 
faute  d'air^  les  enfants  qui  venài^it  avec  leurs  mères  tom-: 
baient  m^Jades,  de  telle  sorte  qu'il  fallait  ou  renvoyer  la 
mère  non;guérie,  ou  exposer  les  jours  de  l'enfant.  Voilà 
ce  qui  se  passejoumeUement  sous  nos  yeux.  Grands  dieux, 
que  de*ré&>rmes  à  faire  dans  eette  direction  I  !  ! 

Chez  rhc^ome,  la  priva^km- d'air  pur- produit  un  grand 
nomlMre  de  maladies.  Quelques-^unes,  comme  l'ophtal- 
mie cathairale.i  soitf  contagieuses;  plusieurs  autres,  com- 
me la  £èvre  luuqueuse  anree  symptômes  typhoïdes,  sont 
extrèaiâmeiit;  graves.  Chez  les  chevaux,  la  morve  parait 
être  souvent  la  conséquence  du   séjour  dans  des  écuries 


76  PHII.080PHIE 

mal  aérées.  Jusqu'à  cb  Joqc,  la  cinmie  a  été  très  impuis- 
sante à  rechercher  et  h  mesurer  les  miasmes  que  la  res- 
piration verse  dans  l'atmosphère.  J'ai  vu  des  hommes 
auprès  do^uels  il  m'était  impossible  de  «éieumer,  et  €e- 
peudant  le  produit  de  leur  respiration  n*a  donné,  aux 
réactifs  usuels,  aucun  :résidtat  appréciable.  En  somme , 
nous  ne  devons  jamais  oublier  que  nos  organes  peuvent 
être  ii^fluencés  défavorablement  par  une  proportion  d'acide 
carbonique  inférieure  à  un  centième.  N'oublions  jam^iis 
non  j)ius  les  dangers  de  la  combustion  du  charbon ,  qui 
veçse.dai^s  l'air,  non  seulement  de  l'acide  carbonique ,  mais 
aifssi  de  l'oxide  de  carbone^  substance  réellement  et  for- 
tementjvénéneuse.  —  Dans  certains  lieux  tels,  par  exemple, 
que  les  mines,  des  décompositions  peuvent  absorber  de 
l'ojyigène,  et  rendre  très^promptement  l'air  impropre  àia 
respiration.  Il  suffit  pour  cela, >oil  que  la  proportion  d'oxi- 
gène  ^oit  réduite  à  15  %^  ou  que  des  gaz  nuisibles  ^ent 
mêlés  à  l'air  atmosphérique. 

l'état  stationnaire  auquel  .semblent  anivées  les  eaux  se 
jgjésente  aussi  quand  on  étudie  l'atmosphère,  tout  nous 
porte  ii  croire  que  sa  composition  ne  variera  plus  sensi- 
blement. L'acide  carbonique  qui  s'y  produit  est  aus^tôt 
absorbé  par  les  plantes.  L'oxigène  consommé  est  sans  cesse 
rét§b)i  p^T  l'excrétion  des  végétaux,  et  y  azote  Nidifié  dans 
Jes  nitrières  de  la  nature  ne  peut  compter  que  pour  mé- 
4i]ioire.  Hais  ici  se. présente  une  grande  question  :  l'hpnmie 
«e  .pourra-t-il  p^  lui-môme ,  par  l'agriculture ,  confkmer 
en, quelque  sorte  la  création?  Chargé  de  distribuer  la 
substance  animale  et  la  substance  végétale  à  la  surface  de 
la  planète,  pouvant  puiser  dans  ses  entrailles,  n'aiva-t-il 
pas^ous  la  main  les  moyens,  par  des  itranjsformalions 
nouvellçs,  de  se  faire  créateur  à >son  tour? 

L'air  qui  se  dis^ut  dans  l'eau,  lui  donne  certaines  pro- 
priétés dont  il  faut  tenir  compte.  Les  e^ux  que  le  peuple 
appelle  légères  contiennent  hahilnellement  une  -«omme  de 
gaz  qui  est  de  Sa  k  30  centimètres  cvbes  par  litre.  D'autres 
contiennent  plus  d'acide  carbonique  ;  oe  dermw  gaz  joue 
un  grand  rôle  dans  l'économie  terrestre^  comme  nous 
l'expliquerons  à  l'article  des  eaux.  Remarquions  en  passant 


DU  SIÈGIA.  77 

que  Tinduslrie  a  eu ,  daiw  ces  derniers  temps ,  l'heureiise 
idée  d'injecter  de  Tair  et  de  le  comprimer,  dans  des  mines 
voisines  de  la  Loire,  pour  étiter  l'invasion  des  eaux.  —  Il 
y  aurait  beanooup  à  dire  sut  le  mélange  de  la  Tapeur  d'eau 
à  l'air  atitoosphérique ,  surtout  à  l'occasion  des  grands 
phénomènes  de  circulation  et  de 'solidarité;  mais  nous 
renvem)Bs  eûoore  cette  question,  pour  lions  occuper  de  ce 
qui  est  plus  spécial  à  Tair.  = 

Lorscfue,  sons  l'influence  d'un  choc,  les  molécules  d^un 
corps  s'écartent  de  leur  état  statique  habituel,  elles  ne  revien- 
nent à  leur  position  primitive  qu'en  décrivant  des  oscillations 
isochrones  autour  de  ces  positions.  Ces  oscillations,  qui  vont 
toujotire  en  diminuant,  produisent  ce  que  Ton  appelle  le  son, 
quand'  elles  se  transmettent  à  l'or^lie  par  l'intermédiaire 
d'un  fluide  élastique.  —  Ne  confondons  point  le  son  avec  le 
hrutt.  Le  bruit  se  dit  du  son  dont  l'oreille  ne  peut  percevoir 
lesvibrations.  Le-sen,  au  contraire,  possède  nécessairement 
trois  qualités  :  son  timbre  ou  accentuation ,  sa  force ,  sa 
grariléou  acuité.  Le  timbre  d'une  clarinette ,  d'une  flûte  et 
d'un  hautbois  tfest  pas  le  même  pour  les  mêmes  notes. 
L'inteBflité  ûa  son  dépend  de  l'ampleur  des  vibratHns  ;  sa 
hâirt9«r/-de  leur  nombre;  Le  ïïOftibre  des  vibrations ,  pour 
une  <«MFde;  est  en  raison  inverse  de  la  longueur  de  son 
rajomî'H  éireet^ment  proportionnel  à  la  racine  carrée  du 
poidsiqui  la^  $ousfeiid.  ^— ^f]n  coi^è?  qui  vibre  dans  le  vide  ne 
rommunique  au^un  son  à-  l'ttfèilfe  :  voilà  pourquoi  le  bruit 
^t  èien  monaë  intefitee  ^ur  \e&  hautes  montagnes,  où  l'air 
est  teès*f  aréfié:  La  vitesse  du  son-est  égale  à  la  racinecarrée  de 
lelastiiilé  dki -lOÎMefit:,  divisé  par  sa  densité;  sa  propagation 
est  indépendante  €te  sa  hauteur,  fjft  air  joué  à-  l'extrémité 
don  tuy^ÂJi'd'tin  ^art  dte  licaie  de  long  est  entendu  à  l'autre 
eitrémité  sans  aucune  altération. 

Un 'S€#i6taiif  Représenté  par  !•,  la  physique  démohtrc 
que'sa  quiniei^a  15/3,  sa  Quarte  4/6,  sa  tierce  majeure 
S/4,  sa  tierce  minélure  ^5. 

On<appèlle  adcori' la  sensation  predtiitè  par  un  ^apport 
entre?!  4eum<»ëlms  amwltaftési  <le  rapport  ne  tient  ni  au 
nombrtiabsolu  des*  vibrations,  ai  à  la  différence  arithmé- 
%c  A^ws  liombres. 


78  PHILOSOPHIE 

On  appelle  accord  parfait  celui  qui  se  compose  de  trois 
sons  dont  les  vibrations  sont  entre  elles  comme  les  nombres 
4,3,6.  —  La  gamme  se  compose  de  trois  accords  par- 
faits renversés.  Les  sons  de  la  gamme  peuvent  être  ainsi 
représentés  : 

UT      RÉ      MI      FA      SOL      LA      SI      UT 

1     9/8   5/4   4/5    5/2    5/5  15/8    2 

Il  suffit  de  les  écrire  de  la  sorte  pour  avoir  les  trois  accords 
signalés  : 

FA      LA      UT  UT      HI      SOL  RÉ      SOL      SI 

4/5  5/5   6/5       4/4  5/4    6/4       9/8   12/8  15/8 

Les  sons  harmoniques  sont  ceux  que  produit ,  outre  le 
son  principal,  une  corde  qui  vibre  seule.  Il  en  est  trois 
qu'en  général  l'oreille  distingue  aisément.  Le  son  fonda- 
mental étant  1,  les  harmoniques  seront  5  ht  5.  Les  oreilles 
exercées  peuvent  en  distinguer  deux  autres ,  c'est-à-dire 
cette  série  1,2,5,4,5.  —  Les  prêtres  des  sanctuaires 
de  l'Inde  et  de  l'Egypte,  qui  mettaient  la  musique  au 
nombre  des  sciences  mathématiques ,  tenaient  pour  sacrés 
les  noftbres  1,  2,  5,  4,  5,  7,  10,  12,  14,  et  les  prêtres 
d'Egypte  faisaient  chanter  les  notes  en  se  servant  des 
voyelles  de  leur  aphabet. 

Il  y  a  peut-être  une  explication  mathématique  qui  peut 
rendre  compte  des  accords.  Des  savants  très-éminents  font 
donnée,  nous  la  répéterons  après  eux. 

Toutes  les  équations  par  lesquelles  les  géomètres  repré- 
sentent les  vibrations  d  un  corps  homogène  d'une  nature 
donnée,  peuvent  être  vérifiées  ou  satisfaites  dans  leurs 
conditions  par  une  infinité  de  fonctions  périodiques,  pourvu 
qu'elles  aient  toutes  entre  elles  des  rapports  que  l'on  puisse 
déterminer.  Ces  fonctions  représentent  chacune  un  état  de 
vibration  particulier  d'un  son  d'une  certaine  haïueur. 

Lecteur,  remarquez  en  passant  ce  fait  des  fonctions 
périodiques  jouant  ici  un  rôle ,  car  partout  nous  les  retrou- 
verons ,  môme  dans  la  physiologie  humaine. 

Lamé,  dans  son  Traité  de  Physique,  oubliant  que  la 
faculté  de  juger  les  accords  ou  l'harmonie  est  un  fait  pure- 
ment intellectuel ,  s'évertue  à  expliquer  comment  l'appareil 


BU  8IÈCLB.  79 

eiteme  de  Toreille  pourrait  entrer  pour  tout  ou  presque 
tout  dans  cette  sensation.  —  Dans  ce  système ,  les  disson-* 
oances  seraient  manifestées  à  Toreille  par  des  vibrations  des 
diverses  parties  de  cet  organe  qui  ne  seraient  point  entre 
elles  en  rapport  convenable,  c'est-à-dire  en  harmonie.  Ce 
a*est  pas  résoudre ,  c'est  tout  simplement  reculer  la  diffi- 
culté sans  la  vaincre. 

Deux  ou  plusieurs  sons,  entendus  à  la  fois,  produisent 
des  consonnances  ou  des  dissonnances.  Les  consonnances 
charment  Voreille,  et  généralement  les  dissonnances  sont 
désagréables:  quelques-unes  cependant  sont  employées, 
parce  qu'en  musique  comme  ailleurs  les  contrastes  rem- 
plissent un  rôle  utile  ;  mais  cet  emploi  réclame  des  précau- 
tioDS.  —  L'accord  est  le  résultat  de  la  consonnance  des 
S0D5.  Deux  sons  suffisent  pour  former  un  accord  ;  mais  il 
en  faut  au  moins  trois  pour  former  un  accord  parfait ,  une 
harmonie.  Sous  ce  rapport ,  l'on  peut  dire  que  3  est  un 
groupe  et  non  une  série,  et  que  toute  harmonie  réclame 
la  i^oduetion  d'une  série  de  sons* 

La  variété  des  attractions  de  notre  esprit  est ,  pour  les 
diveis  individus ,  en  raison  de  la  variété  de  nos  Acuités. 
Il  y  a  des  peuples  qui  sont  dépourvus  de  la  faculté  construc- 
tive ,  d'autres  du  sentiment  des  couleurs ,  d'autres  de  la 
faculté  des  nombres  ;  il  en  est  aussi  chez  lesquels  le  sen- 
timent de  l'harmonie  est  très-peu  développé;  d'autres, 
au  contraire,  chez  lesquels  il  est  extrêmement  riche.  — 
Dans  la  race  blanche,  la  variété  germanique  est  la  plus 
sensible  aux  accords  ;  elle  sacrifierait  quelquefois  volontiers 
la  poésie  et  la  beauté  d'un  chant,  au  besoin  de  jouir  de 
rharmonie  des  sons.  La  variété  gauloise ,  ou  mieux  gallo- 
romaine,  est  dans  un  autre  ordre  de  sentiments.  Celle-ci 
sacrîiierdt  plutôt  l'harmonie  au  chant  que  le  chant  à  rhar- 
monie. Ce  peuple,  sans  éducation  de  ces  deux  variétés 
humaines,  nous  présente  ce  fait  à  un  très-haut  degré.  Ici 
les  ehants  populaires  se  chantent  tous  en  chœur,  chacun 
ayant  le  besoin  de  faire  son  accompagnement.  Là,  au 
contraire,  vous  n'entendez  que  des  voix  seules,  et  la  mé- 
lodie se  dessine  un  peu  maigre,  un  peu  nue,  sans  être 
soutenue  ailleurs  qu'aux  ritournelles  et  aux  refrains.  £vi- 


80  PHILOSOPHIE 

demment  ces  deux  musiques  sont  incomplètes.  L'harmonie 
sans  la  mélodie  n'est  rien  ;  la  mélodie  sans  rharmonie 
est  bien  peu  de  chose ,  quoique  Ton  puisse  écrire  des 
phrases  très-belles  et  très-sentimentales  pour  établir  le 
contraire. 

Notre  éducation  musicale  n'est  pas  encore  assez  avancée 
pour  que  Ton  puisse  comparer  en  ce  livre  les  airs  nationaux 
de  la  vieille  Gaule  et  de  la  vieille  Germanie,  de  la  France 
et  de  TAllemagne.  Ces  derniers,  résumés  en  quelque  sorte 
pour  les  chants  guerriers ,  par  la  Marseillaise  et  le  Chasseur 
Noir,  deux  petits  poèmes ,  deux  expressions  si  énergiques 
en  leur  genre  et  cependant  si  différentes  d'une  même 
pensée  qui  fait  bondir  les  cœurs  des  patriotes  des  deux 
pays.  Il  nous  semble  aussi  qu'il  y  a  eu  entre  les  diverses 
époques  historiques ,  une  manière  très-différente  de  sentir 
musicalement.  Nous  ne  pouvons  comparer,  sous  ce  rapport, 
les  Egyptiens  et  les  Grecs;  mais  nous  savons  passablement 
comment  l'art  était  compris  du  X"'  au  XVI"*  siècle. 

Le  moyen-âge  a  été  surtout  l'expression  du  sentiment 
paternel.  Le  peuple ,  aux  églises ,  n  y  voyait  personne  eu 
face,  ef  à  peine,  de  temps  à  autre,  la  figure  des  prêtres. 
Dans  les  cathédrales  gothiques  ,  la  sonorité  est  nulle. 
Construisez  au  contraire  de  vastes  lieux  de  réunion  d'après 
les  principes  qui  ont  présidé  à  l'établissement,  à  Paris, 
de  la  salle  Barthélémy,  et  nos  chanteurs  d'opéras,  nos 
acteurs  des  Français  et  des  théâtres  de  vaudeville  pourront 
s'y  faire  mieux  entendre  de  cinquante  mille  personnes 
qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui  de  deux  à  trois  mille:  aussi 
notre  époque  devient-elle  éminemment  fraternelle  en  ses 
grandes  communions.  Ajoutez  qu'une  architecture  nouvelle 
est  la  conséquence  nécessaire  du  progrès  dans  la  coupe  des 

{)ierres,  dans  les  diverses  industries  métallurgiqi^ ,  dans 
a  fabrication  des  glaces  et  des  cristaux ,  dans  la  prépara- 
tion et  l'emploi  de  la  lumière  artificielle.  —  Tout  ceci, 
lecteur,  n'est  point  étranger  à  la  circulation  et  à  la  soli- 
darité ,  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  la  vie  sociale. 
Maintenant,  si  vous  me  demandez  de  conclure,  ne  pour- 
rais-je  point  vous  citer  le  Guillaume  Tell  de  Rossini ,  qui 
répond  si  bien  aux  deux  besoins  de  l'âme  :  le  chant  et 


BU  SIECLE.  81 

rharoKHiie,  comme  l'un  des  types  de  la  plus  grande  mu- 
sique de  notre  époque. 

Noos  avons  dit  ratmosjdière  agitée  et  l'atmosphère  so* 
nore;  passons  à  des  faits  d'un  autre  ordre. 

L'idée  de  voyager  à  travers  les  airs  n'est  pas  neuve.  11 
y  bien  loogtemp  que ,  pour  la  première  fois ,  en  voyant 
les  ailes  des  oiseaux ,  l'envie  d'en  posséder  est  venue  à 
l'esprit  de  l'homme.  Plus  tard,  il  a  inventé  les  cerfs-volants; 
beaucoup  plus  tard ,  et  seulement  en  1785 ,  Etienne 
Hootgoliier  créa  les  ballons.  Sa  première  expérience  fut 
faite  h  Avignon,  dans  une  auberge,  au  moyen  d'un  ballon 
de  soie.  La  seconde  fut  publique;  elle  eut  lieu  à  Ânnonay, 
le  4  juin  1783 ,  en  présence  des  Etats  du  Vivarais  ;  elle  fut 
faite  au  moyen  d'aûr  chaud.  Vint  ensuite  le  ballon  à  hy- 
drogène, de  Charles.  Les  journaux  du  temps  parlent  avec 
Qoe  profonde  admiration  de  ce  phénomène  de  l'industrie  : 
les  spectateurs  étaient  ravis  et  subjugués  ;  quelques  per- 
sonnes pleurèrent  aux  impressions  qu'elles  éprouvèrent. 
Dès  le  21  décembre  1785,  Pilastre  des  Rosiers  et  le  marquis 
d'Ariandes  faisaient  un  voyage  aérien.  Partis  du  jardin  do 
La  Muette  dans  une  montgolfière  ou  ballon  à  air  chaud  , 
ils  passèrent  par  dessus  Paris  et  descendirent  entre  les 
Iwrières  d'Enfer  et  d'Italie.  —  A  quoi  bon  cette  invention, 
disait-on  près  de  Franklin,  à  cette  occasion?  — A  quoi  bon 
Teûfant  qui  vient  de  naître?  répliqua  vivement  le  sage  de 
la  république  américaine.  Le  1"  décembre  1785 ,  Charles 
et  ftobert  faisaient  une  ascension  aux  Tuileries,  en  un 
ballon  à  gaz  hydrogène.  Bientôt  eurent  lieu  les  ascensions 
de  Blanchard,  au  Champ-de-Mars  ;  de  Proust  et  de  Pilastre 
des  Rosiers,  du  duc  de  Chartres;  et  Blanchard  traversa  la 
Manche.  Après  les  succès  les  revers  :  Pilastre  des  Rosiers 
périt  en  voulant  imiter  Blanchard. 

En  1704 ,  l'on  songea  à  employer  les  ballons  aux  armées. 
Coutelle  organisa  le  petit  corps  des  aérostiers  ;  son  ballon 
lEtUreprenant  fut  utile  à  la  bataille  de  Fleurus.  —  En 
1785,  Sébastien  Le  Normand  imagina  le  parachute,  per- 
fectionné depuis  par  Gamerin. 

Depuis  leur  invention,  les  ballons  ont  été  très-fréqucra- 
ment  employés  dans  les  fêtes  pubhques  ou  par  des  aéros- 


82  PHILOSOPHIE 

tiers  qui  voulaient  en  tirer  profit.  Plusieurs  fois  aussi  les 
savants  en  ont  fait  usage  pour  des  études  scientifiques. 
Quatre  de  ces  voyages ,  le  premier,  de  MM.  Robertson  et 
Saccharoff;  le  second,  de  MM.  Biot  et  Gay  Lussac;  le  troi- 
sième, de  M.  Gay  Lussac  ;  le  quatrième ,  de  MM.  Barrai  et 
Bixio,  ont  laissé  des  souvenirs.  Toutefois,  jusqu'à  présent, 
la  science  n*a  point  retiré  un  grand  parti  des  ascensions 
aéronautiques,  quoiqu'elle  paraisse  pouvoir  y  profiter.  'Ce- 
pendant elles  ont  servi  à  démontrer  :  que  Tair  a  sensible- 
ment la  même  composition  à  toutes  les  hauteurs  ;  que  le 
magnétisme  s'exerce  dans  les  régions  supérieures  avec  ia 
même  intensité  qu'à  la  surface  de  la  terre  ;  que  les  oscilla- 
tions de  Faiguille ,  quand  on  s'élève ,  sont  aussi  nombreuses 
et  ont  la  même  amplitude  qu'à  la  surface  du  sol  ;  que  la 
pile  de  Volta  et  les  appareils  d'électricité  fonctionnent  aussi 
bien  dans  la  nacelle  du  ballon  qu'à  terre. 

Dès  les  premiers  jours  de  l'invention  des  aérostats ,  on 
a  voulu  les  diriger  pour  en  faire  usage  dans  des  voyages 
aériens.  Malheureusement,  jusqu'ici,  l'on  n'a  pas  eu  de 
succès.  Si  Meuùier  et  Monge  ont  cru  à  la  possibilité  de  les 
conduire,  Navier  semble  avoir  établi  rigoureusement  que 
c'est  impossible,  avec  les  moteurs  mécaniques  dont  nous 
disposons  aujourd'hui.  —  Il  n'y  a  pas  toutefois  de  contra- 
diction absolue  entre  ces  deux  propositions  :  il  sera ,  il  est 
très-possible  d'arriver  à  diriger  les  ballons ,  en  se  ser\'ant 
du  vent  qui  les  pousse,  pour  aller  à  peu  de  chose  près 
dans  la  direction  de  ce  vent;  mais  il  sera  impossible, 
jusqu'à  ce  que  l'on  n'ait  inventé  des  puissances  mécaniques 
d'une  grande  force  sous  un  poids  très-léger,  telles  que 
pourrait  l'être  une  machine  à  acide  carbonique,  d'arriver 
à  faire  marcher  les  ballons  dans  une  direction  voulue, 
quelle  que  soit  la  direction  du  vent,  à  la  manière  de  nos 
bateaux  à  vapeur.  Toutefois  ne  désespérons  de  rien  :  gar- 
dons-nous d'une  foi  absolue  dans  les  axiomes  qui  n'ont 
d'autre  base  que  les  études  plus  ou  moins  parfaites  des 
savants  officiels  ;  mais  sachons  comprendre  qu'un  ballon 
n'est  point  un  oiseau,  puisqu'il  est  plus  lourd  que  son 
milieu  ;  que  ce  n'est  pas  un  navire ,  puisqu'il  ne  touche 
pas  à  deux  milieux,  mais  à  un  seul;  qu'il  a  surtout  de  la 


BU  SIÈGLB.  '  85 

ressemblance  avec  les  poissons  ;  qu'il  a  besoin ,  comme 
eai,  d'une  vessie  natatoire  pour  s'élever  et  s'abaissera 
volonté;  qu'il  lui  faut  en  outre  des  nageoires  spéciales 
ou  appareils  de  locomotion.  Nous  avons  souvent  médité  sur 
cette  grande  question,  et  nous  sommes  convaincu  que 
c'est  dans  cette  voie  qu'il  y  a  de  l'avenir.  Toutefois  nous 
sommes  loin  d'accorder  à  la  locomotion  aérienne  une 
valeur  que  les  télégraphes  électriques  et  les  chemins  de  fer 
réduisent  chaque  jour  davantage. 


LES  EAUX. 


Lorsque  Ton  quitte  les  côtes  de  notre  Océan  pour  passer 
sous  la  zone  torride ,  l'on  est  frappé ,  surtout  dans  les  pays 
chauds,  de  la  phosphorescence  de  la  mer.  Le  jour  disparaît 
à  peine,  et  l'on  voit  jaillir  du  sein  des  eaux  une  lueur  phos- 
phorique.  Cette  lumière  se  montre  surtout  à  la  crête  des 
vagues,  soit  qu'elles  se  brisent  contre  les  flancs  d'un 
Darire  ou  contre  les  rochers  du  rivage.  11  n'est  pas  rare 
qu'un  vaisseau,  dans  sa  marche  rapide,  laisse  après  lui  une 
longue  traînée  lumineuse.  Au  premier  abord ,  si  peu  natu- 
raliste ou  philosophe  que  Ton  soit,  on  est  impressionné 
vivwnent  par  cette  brillante  et  mystérieuse  manifestation 
de  la  vie.  Peu  à  peu  l'on  s'y  habitue  et  on  n'y  prend  plus 
garde;  mais  ceux  qui  aiment  à  savoir  le  pourquoi  et  le 
comment  des  choses ,  ne  s'arrêtent  pas  à  une  observation 
superficielle.  Deux  causes  seulement  peuvent  produire  cette 
phosphorescence  :  ou  elle  est  due  aux  animalcules  qui 
nagent  dans  la  mer  et  qui  nous  présentent,  sur  une  très- 
grande  échelle,  l'effet  des  vers  luisants,  ou  elle  est  déve- 
toppée  par  des  matières  organiques  tenues  en  suspension 
dans  les  eaux  et  susceptibles,  comme  les  mucosités  qui 
suintent  de  certains  poissons ,  de  développer  cet  état 
particulier.  La  première  opinion  est  conurmée  par  les 


». 


84  PHILOSOPHIB 

observations  de  MM,  Quoy  et  Gaimard ,  qui  ont  étudié  ce 
phénomène  dans  File  de  Rawac,  sous  l'équateur.  Ces  sa- 
vants ont  trouvé  que  la  phosphorescence  de  la  mer  était 
duc,  près  de  cette  île  ,  à  de  très-petits  zoophytes  qui  na- 
geaient en  zig-zag,  et  laissaient  sur  Teau  des  traînées 
brillantes.  Ayant  placé  de  ces  animalcules  dans  un  bocal 
rempli  d'eau ,  leur  opinion  se  trouva  confirmée  par  la  phos- 
phorescence qu'ils  communiquèrent  au  liquide.  Us  recon- 
nurent aussi  que  leur  faculté  lumineuse  était  Uée  à  la 
chaleur.  Les  observations  de  MM.  Bequerel  et  Breschet 
prouvent  que  la  seconde  opinion  peut  être  soutenue. 

Les  grandes  étendues  d'eau  varient  beaucoup  en  couleur; 
*antôt  elles  sont  vertes,  tantôt  bleues,  comme  certains  lacs 
de  la  Suisse  ;  tantôt  elles  ont  un  aspect  sombre  et  même 
quelquefois  rougeâtre.  Jusqu'ici  Ton  ne  s'est  pas  parfai- 
tement rendu  compte  de  ce  phénomène ,  qui  est  mtimement 
Ko  aux  faits  de  la  lumière  ;  il  y  a  toutefois  des  colorations 
qui  tiemient  à  d'autres  causes  :  c'est  ainsi  qu'un  haut-fond 
de  sable  jaune- fera  paraître  l'eau  de  couleur  verte,  et  que 
les  matières  organiques  qu'elle  tient  en  suspension  peuvent 
lui'  donner  une  couleur  fauve.  Les  grandes  bandes  d'eau 
verte  des  mers  polaires  ne  doivent  cet  aspect  qu'à  des  mil- 
liers de  milliers  de  méduses  dont  la  teinte  est  jaunâtre. 

La  pesanteur  de  l'eau  de  mer  varie.  Le  décimètre  cube 
de  ce  liquide  pèse  de  14  à  16  à  29  grammes  de  plus  que 
l'eau  distillée.  Les  mers  les  moins  salées  sont  celles  qui, 
pour  une  petite  étendue,  reçoivent  une  grande  somme  de 
cours  d'eau  douce:  ainsi  la  Baltique,  la  mer  Noke,  la 
mer  de  Marmara  qui  en  dérive. 

Les  eaux  de  la  Méditerranée  sont  au  contraire  les  plus 
lourdes  de  toutes^  La  pesanteur  spécifique  plus  grande 
des  eaux  de  mer  est  due  aux  chlorures  de  sodium  et  de 
magnésium-,  au  sulfate  de  magnésie,  au  sulfate  de  chaux, 
aux  carbonates  de  chaux  et  do  magnésie. 

Pour  l'Atlantique,  le  poids  des  sels  est  de  40  grammes 
936  par  kilogramme.  Dans  la  Manche,  il  est  de  39  gram- 
mes 514,  dans  la  Méditerraiiée  de  41  grammes  150.  En 
général,  la  salure  dos  mers  diminue  quand  on  se  rappro- 
che des  pôles;  mais  on  u'a  pas  encore  déterminé  si  elle 


BU   SIÈCLE.  85 

Taiîe  selon  les  profondeurs  des  océans.  Sî  la  quantité  de 
s€l  que  les  mers  renferment  était  desséchée ,  elle  serait 
assez  considérable  pour  recouvrir  toute  la  terre  d'une  cou* 
cbe  d'environ  quinze  mètres.  La  salure  des  mers  tient  aux 
sels  gemmes  que  les  eaux  renferment  depuis  une  époque 
quil  est  très-difiicile  d'apprécier;  aux  fleuves  salés  et  aux 
sources  souterraines  également  chargées  de  sel  que  reçoivent 
les  grands  bassins  de  la  planète.  M.  Boussingault  a  calculé 
que  le  rio-vinaigre  qui  sort  du  volcan  de  Puracé,  débite  par 
vingt-quatre  heures  54,784  mètres  cubes  d'eau  chargée  de 
o8,611  kilogrammes  d'acide  sulfurique  et  de  51,654  kilo- 
grammes d'acide  chlorhydrique. 

Bequerel  a  calculé  que  la  salure  des  mers  devait  augmen- 
ter rien  que  par  l'apport  des  eaux  de  pluie  transformées  en 
eaux  fluviales,  de  1^0  en  cent  mille  ans  ;  mais  nous  ne  nous 
arrêterons  pas  à  ce  détail ,  qui  est  loin  d'avoir  la  valeur  des 
ingénieuses  considérations  si  communes  chez  cet  auteur. 
Remarquons  toutefois  à  cette  occasion  que  les  eaux  de  la 
mer  Morte  ou  lac  asphaltite  doivent,  plus  que  bien  d'autres, 
ressembler  à  celles  des  mers  et  des  grands  lacs  géologiques. 
Gmélin  en  a  fait  l'analyse  et  il  y  a  trouvé  sur  cent  parties  : 

Chlorure  de  calcium. .    3,214 

—  de  magnésium 11,775 

Bromure  de  magnésium 0,489 

Chlorure  de  sodium 7,078 

—  de  potassium . .  ► 1,674 

—  d'aluminium 0,090 

—  de  manganèse 0,022 

Sel  ammoniac 0;008 

Sulfate  de  chaux 0,055 

Total  des  sels 24,404 

Eau 75,599 

Ce  lac  et  la  source  acide  du  Puracé  nous  expliquent  une 
fouie  de  faits  des  temps  antérieurs,  que  la  chimie  plus 
rahne  et  plus  pacifique  de  notre  globe  ne  reproduit  aujour- 
<rhui  que  très-exceptionnellement.  Ce  sont ,  en  quelque 
sorte,  des  souvenirs  des  âges  passés,  des  temps  paléonto- 
logiques,  conservés  presque  fortuitement  pour  ménager  la 

A* 


86  PHILOSOPHIE 

transition  aa  milieu  de  Tépoque  que  caractérisent  les  qua- 
drumanes et  les  bimanes ,  les  singes  et  les  hommes. 

Existe-t-il  un  pôle  austral  et  un  pôle  boréal  de  salure 
dans  chacun  des  océans  ?  L'Océan  Atlantique  est-il  plus 
salé  que  l'Océan  Pacifique  ?  Ces  faits  sont  probables  el 
appellent  de  nouvelles  observations  qui  confirment  celles  du 
capitaine  Kotzebue. 

La  température  des  eaux  de  la  mer  varie  singulièrement 
à  sa  surface,  mais  elle  est  toujours  en  rapport  avec  celle 
de  Tair  ambiant ,  qu'elle  surpasse  quelquefois  d'un  degré, 
La  température  des  profondeurs  est  généralement  bien 
moins  élevée  :  de  là  des  courants  d'eau  froide  qui  se  di- 
rigent par  les  fonds,  et  des  courants  d'eau  chaude  qui  se 
dirigent  par  les  surfaces. 

L'élévation  des  mers  qui  communiquent  entre  elles 
diffère  peu.  Cependant,  d'après  le  nivellement  de  la  com- 
mission d'Egypte ,  la  mer  Rouge  serait  de  9  mètres  9  à 
marée  haute,  et  de  8  mètres  12  à  marée  basse,  plus  élevée 
•  que  la  Méditerranée;  mais  ce  nivellement  est  contesté.  A 
Panama,  le  niveau  de  l'Océan  Pacifique  est  de  1  mètre  1 
plus  élevé  que  le  niveau  moyen  de  l'Océan  Atlantique  à 
Chagres.  Le  niveau  des  mers  intérieures  varie  quelquefois 
dans  une  proportion  très-différente.  Les  lacs  amers  entre 
la  Méditerrannée  et  la  mer  Rouge ,  lacs  dans  lesquels  se 
rendait  autrefois  le  canal  qui  joignait  la  mer  Rouge  au  Nil, 
sont  d'une  centaine  de  mètres  au-dessous  de  la  mer.  La 
mer  Morte  est  de  427  mètres  au-dessous  delà  Méditerranée, 
et  la  Caspienne  est  de  18  mètres  3  au-dessous  de  la  mer 
d'Azoff.  Il  en  résulte  qu'un  jour  des  canaux  d'une  construc- 
tion nouvelle  pourront  réunir  la  mer  Noire  à  la  Caspienne, 
la  mer  Rouge  et  la  Méditerranée  à  la  mer  Morte  ;  qui  sait 
même  si  cette  dernière  ne  sera  pas  le  moyen  le  meilleur 
de  mettre  en  conamunication  les  mers  intérieures  el  l'océan 
des  Indes  ?     j 

L'on  estime  que  la  masse  des  mers  équivaut  à  une  couche 
liquide  de  mille  mètres  d'épaisseur  qui  recouvrirait  toute 
la  surface  du  globe.  La  superficie  des  mers,  y  compris  celle 
des  lacs,  est  de  5,700,000  myriamètres  carrés.  La  surface 
totale  du  globe  n'est  que  de  5,100,000,  ce  qui  laisse  pour 


BU  SIÈCLE.  87 

les  terres  et  les  îles  1,400,000  myriamètres  carrés.  Il  existe 
plus  de  mers  au  midi  qu'au  nord,  et  le  contraire  a  lieu  pour 
les  terres.  Evidemment  la  surface  des  mers  a  diminué  en 
raison  du  relief  acquis  par  les  continents.  Nous  ignorons 
quelle  est  la  forme  de  leurs  bassins ,  mais  Ton  suppose 
qu'elle  doit  avoir  les  plus  grands  rapports  avec  la  forme 
des  continents.  On  prétend  que  l'Océan  Atlantique  a  une 
profondeur  moyenne  de  1,000  mètres,  et  l'Océan  Pacifique 
de  4,000.  Les  deux  continents  n'ont  point  la  même  direc- 
tion, mais  leurs  grandes  pointes  sont  tournées  vers  le  sud. 
Les  chaînes  des  montagnes  ont  sensiblement  la  même  di- 
rection que  leurs  continents  respectifs  ;  il  en  est  de  même 
des  grands  lacs. 

Les  changementsque  les  eaux  ont  subis  pendant  les  temps 
géologiques,  ^' expliquent  par  les  immenses  dépdts  lacustres 
ou  marins  que  les  soulèvements  de  nos  montagnes  ont  mis 
en  évidence  ;  aiais  l'état  des  mers  ne  présente  rien  aujour- 
d'hui qui  annonce  pour  l'avenir  des  modifications  considé- 
rables. Les  espèces  végétales  et  les  espèces  animales  qui 
habitent  les  eaux  ne  trouveront  donc  dans  cet  élément,  au- 
cune cause  de  modifications  nouvelles  assez  puissante  pour 
créer  des  genres  nouveaux,  ni  même  pour  transformer  les 
espèces  actuelles  en  espèces  nouvelles.  Ainsi,  tout  s'accorde 
pour  nous  prouver  que  la  terre  est  arrivée  à  l'époque  de 
sa  virilité  manifestée  par  la  stabilité  de  ses  principaux 
organes.  Le  règne  social  qui  est  né  le  dernier,  aura  seul 
à  subir  les  nombreux  progrès  qui  doivent  manifester  sa 
ne.  Tout  nous  prouve  encore  que  désormais  l'homme  doit 
régner  en  souverain  sur  le  monde  qu'il  habite ,  chargé  de 
détruire  les  animaux  nuisibles ,  de  multiplier  et  de  varier 
les  plantes  et  les  races  utiles. 

Les  jeunes  gens  ne  sauraient  trop  s'attacher,  au  début  de 
leurs  études,  à  connaître  lespropriétésphysiques  et  chimiques 
de  l'eau.  Savoir  parfaitement  quelles  sont  les  séries  de  sels 
sdubles,  les  groupes  de  sels  insolubles,  c'est  savoir  la 
statique  de  la  chimie.  Joindre  à  cette  connaissance  celle 
des  réactions  de  l'eau  sur  les  principaux  corps,  c'est  péné- 
trer encore  plus  avant  dans  l'étude  de  la  science  indus- 
trielle par  excellence.  Voulez-vous  vous  préparer  à  l'in- 


88  PHILOSOPHIE 

telligence  des  grands  faits  physiologiques  de  la  vie  générale 
(le  la  nature?  remarquez  qu'elle  présente  l'air  dissous  dans 
Teau  aux  poumons  spéciaux  des  poissons  ;  qu'un,  air  très- 
sec  et  privé  de  vapeur  d'eau  ne  pourrait  servir  ni  à  la  res- 
piration des  plantes,  qui  deviendraient  impuissantes  à  dé- 
composer l'acide  carbonique  de  l'air,  ni  à  la  respiration  des 
animaux,  au  nombre  desquels  il  faut  placer  l'homme.  Le 
moyen  de  respirer  avec  des  membranes  desséchées  comme 
les  vessies  qui  servent  d'enseignes  à  nos  charcutiers  !  Il  y  a 
au  sein  de  la  nature  une  grande,  une  sublime  palingénésie 
dans  laquelle  l'eau  joue  le  principal  rôle.  C'est  elle ,  fait  im- 
portant observé  déjà  par  les  chimistes  arabes,  qui  contribue 
par  son  action  à  ramener  à  l'état  minéral  les  substances  qui 
ont  déjà  vécu  de  la  vie  organique ,  comme  c'est  elle  aussi 
qui  aide  les  substances  minérales  à  franchir  le  pas  qui  les 
sépare  des  vies  organisées.  Sous  l'influenoe  de  l'eau  ,  les 
substances  végétales  et  animales  se  résolvent  en  éléments 
terreux,  en  acide  carbonique,  en  ammoniaque.  N'est-ce  pas 
aussi  à  la  faveur  de  l'eau  que  les  plantes  absorbent  leurs 
sulfates,  leurs  silicates,  leurs  carbonates,  leurs  phosphates 
de  chaux,  dépotasse,  et  quelquefois  de  soude,  de  magnésie, 
de  fer,  leur  silice ,  leurs  chlorures  terreux  et  alcalins?  Ne 
savons-nous  pas  aujourd'hui  que  l'acide  carbonique  con- 
tenu dans  l'eau  joue ,  dans  cette  circonstance ,  un  rôle 
important  en  facilitant  la  solution  des  sihcates,  des  phos- 
phates et  des  carbonates?  Mais  l'eau  n'est  pas  seulement 
un  dissolvant,  elle  est  encore  un  agent  chimique;  elle  dé- 
compose les  engrais  et  les  charrie  en  quelque  sorte  au  sein 
des  plantes  qui  les  réclament.  Toutes  ces  choses  devraient 
être  dites  et  parfaitement  expliquées,  non-seulement  aux 
élèves  de  nos  collèges,  mais  encore  dans  nos  salles  d'en- 
fance aux  plus  jeunes  êtres  des  deux  sexes  :  ainsi  se  forme- 
raient des  générations  réellement  capables  et  dignes  d'un 
grand  avenir. 

L'eau,  si  abondante  en  certaines  cristallisations,  forme  en 
général  plus  des  deux  tiets  du  poids  des  organismes  végé- 
taux et  animaux.  De  là  des  conséquences  philosophiques  du 
plus  haut  intérêt  sur  les  productions  végétales  et  animales 
qui  devaient  néeegsaireroent  attendre  sa  présence  à  la  sur- 


BU  SIÈCLE.  89 

lace  du  globe  pour  s'y  produire.  Nos  arbres  forestiers,  au 
momeot  de  l'abattage ,  en  contiennent  de  40  à  50  pour  7o. 
L'eau  se  montre  en  vapeur  dans  l'atmosphère  à  toutes  les 
températures  ;  mais  elle  y  est  d'autant  plus  abondante  au 
voisinage  des  mers,  que  l'air  est  plus  chaud.  La  nécessité 
d'avoir  à  bord  des  navires,  de  l'eau  douce  pour  boire  et 
j)Our  laver  le  linge,  a  conduit,  dans  ces  dernières  années, 
MM.  Peyre  et  Rocher  (l'ex-commissaire  de  la  République) 
à  rinvention  d'un  appareil,  le  premier  qui  ait  parfaitement 
résolu  le  problème  économique  de  la  transformation  de 
Teau  de  mer  en  eau  potable.  Réduite  en  vapeur,  l'eau  de- 
vient un  gaz  facilement  condensable,  dont  les  propriétés 
diverses  sont  utilement  employées  dans  les  arts,  soit  pour  le 
chauffage,  soit  pour  produire  de  la  force  motrice ,  soit  pour 
d  autres  usages  encore. 

Les  eaux  que  l'on  appelle  courantes,  descendent  des 
lieux  élevés  vers  la  mer,  vers  des  lacs  ou  des  marais.  Les 
mille  accidents  qu'elles  subissent  et  qu'elles  font  nattre  dans 
leur  parcours,  contribuent  à  créer  les  unités  plus  ou  moins 
développées  que  l'on  appelle  contrées,  pays,  cantons^ 
Parmi  les  grands  cours  d'eau,  quelques-uns  ont  terminé  le 
travail  qui  a  constitué  leurs  vallées  ;  mais  il  n'en  est  point 
tunsi  pour  tous ,  parce  que  tous  n'ont  point  rencontré  dans 
le  sol  les  mêmes  conditions.  Tantôt  les  soiu*ces  des  fleuves 
sont  indécises,  à  ce  point  qu'en  Amérique,  dans  la  saison 
des  pluies ,  on  y  trouve  mi  moyen  de  communication  di- 
recte entre  les  deux  mers,  communication  qu'il  suilirait 
d'approfondir  et  de  régulariser  pour  l'affecter  immédiate- 
ment à  une  importante  navigation  fluviale  ;  tantôt,  comme 
en  Afrique ,  les  vallées  ne  sont  trop  souvent  que  des  lits  de 
cailloux  que  ne  recouvre  encore  aucun  dépôt  sédimen taire, 
ou  de  vraies  séries  de  petits  lacs  séparés  par  des  torrents,  des 
cataractes,  et  des  rochers  qui  produisent  ces  accidents.  Par- 
tout la  nature  terrestre  appelle  à  son  aide  la  main  de 
l'homme  pour  b&ter  l'accomplissement  de  ses  destinées, 
comme  une  mère  l'accoucheur  qui  doit  effectuer  sa  déli- 
vrance. 

Dans  les  temps  modernes,  et  surtout  depuis  notre  siècle , 
la  géographie  est  entrée  dans  une  excellente  voie»  Elle 


90  PHILOSOPHIE 

étudie  avec  le  plus  grand  soin  les  cours  d'eau ,  et  dans  cette 
étude,  elle  comprend  les  lignes  de  partage  des  eaux,  les 
cours  supérieurs,  moyens  et  inférieurs  des  fleuves.  Cette 
étude,  plus  elle  se  répand  et  devient  populaire,  a  ce  grand 
avantage  de  mieux  faire  comprendre  à  tous,  instinctive- 
ment d'abord,  puis  scientifiquement  ensuite,  qu'il  y  a 
solidarité  absolue  entre  la  terre  et  l'humanité  sous  les 
aspects  physiques  et  intellectuels,  et  même  sous  l'aspect 
moral.  En  Amérique ,  le  Missouri  et  la  Colombie  ne  sont 
séparés  à  leur  source  que  par  un  espace  de  1,000  à 
i,200  mètres.  Ces  deux  fleuves  qui  se  jettent,  l'un  dans 
l'Océan  Pacifique,  l'autre  dans  l'Océan  Atlantique,  ne 
sont  pas  une  cause  de  séparation  et  de  division  entre  les 
contrées  qu'ils  arrosent,  mais  bien  au  contraire  une  source 
de  relations  possibles  et  d'associations  par  échanges  et  par 
transports.  Creusez  1,200  mètres  de  canal,  et  vous  aurez 
joint  les  deux  mers.  A  ceux  qui  enseignent ,  avec  M.  de 
Falloux,  que  les  hommes  sont  voués  à  l'individualité,  et 
que  les  grands  cours  d'eau  en  sont  une  des  preuves  (ce 
que  cet  habile  orateur  a  dit  un  jour  à  l'Assemblée  natio- 
nale, en  langage  magnifique  et  digne  d'une  cause  plus 
vraie) ,  je  préfère  les  Mongols  rendant  un  culte,  dans  leur 
sagesse ,  aux  montagnes  de  partage.  Ils  y  élèvent  des  mas- 
ses de  pierres  abruptes  sur  lesquelles  ils  plantent  un  éten- 
dard reUgieux.  Jamais  un  tougou  ne  passe  à  côté  de  ces 
monuments  sans  y  jeter  une  branche  d'arbre ,  afin  que  la 
sainte  montagne,  source  des  eaux  et  cause  de  leur  partage, 
augmente  toujours  au  lieu  de  diminuer.  Cette  coutume  si 
philosophique  est  certainement  très -ancienne  et  se  lie 
étroitement  aux  idées  sociales  les  plus  justes  et  les  plus 
élevées  sur  le  rôle  et  l'appréciation  des  cours  d'eau.  L'Amé- 
rique, nous  dit  Rit  ter,  a  neuf  points  de  division  des  sources 
entre  l'Océan  Oriental  et  l'Océan  Occidental.  L'Europe  en 
a  dix  très  remarquables  entre  les  diverses  mers  :  aussi  est- 
elle  pour  cette  raison  plus  pratiquable  que  les  autres  par- 
ties du  monde.  L'Asie  et  l'Afrique ,  au  contraire ,  sont  ou 
paraissent  très  pauvres  sous  ce  rapport, 

La  direction  des  fleuves  est  due  à  des  causes  trèsr-varia- 
bles  et  difficiles  à  déterminer  :  tantôt  c'est  la  nature  du  sol 


BU  SIÈCLE.  91 

qui,  en  ouvrant  sur  un  point  une  route  plus  facile,  a  dé- 
terminé la  route  des  eaux,  tantôt  ce  sont  les  affluents.  Il 
n'est  pas  jusqu'au  fond  du  lit  qui  n'exerce  une  action  sur 
les  masses  fluides.  Quelquefois  les  fleuves  se  sont  formé  leurs 
vallées,  quelquefois  ils  ne  Tont  fait  qu'en  partie.  Ici,  ils  se 
sont  contentés  d'en  prendre  possession.  Là ,  nous  voyons 
(les  torrents  qui  parcourent  un  et  deux  mètres  par  seconde; 
mais  ce  fait  n'a  lieu  que  dans  les  pays  montueux ,  et  sur-' 
tout  dans  le  cours  supérieur  des  fleuves.  Les  lacs  allongés 
ont  eux-mêmes,  dans  les  montagnes,  une  pente  considéra- 
Ue.  Ainsi ,  le  comte  de  Horoso  a  trouvé  52  pieds  de  pente 
entre  les  deux  extrémités  du  lac  Majeur,  situé  dans  le  Pié- 
mont. Toutefois  la  pente  habituelle  des  rivières,  dans  leur 
rours  supérieur,  est  d'un  douzième ,  soit  i  centimètre  pour 
li  centimètres  de  parcours.  De  là  leur  rapidité ,  leur  bruis- 
sement ,  la  faoilité  avec  laquelle  elles  absorbent  l'air,  et 
réeume  si  fréquente  partout. 

Au  pied  des  grandes  montagnes  qui  les  produisent ,  les 
fleuves  ralentissent  leur  cours  :  la  pression ,  le  volume  des 
eaux  et  la  vitesse  acquise  exercent  alors  une  grande  in- 
fluence sur  leurs  habitudes.  On  appelle  lit,  l'espace  qu'ils 
occupent  en  largeur;  chenal,  la  partie  où  se  fait  le  plus  fort 
courant.  Dans  le  cours  supérieur  des  fleuves,  le  chenal  et 
le  lit  se  confondent  ;  dans  le  cours  moyen ,  ils  sont  généra- 
lement très  distincts.  A  une  époque  an  té-historique ,  la  plus 
fiart  de  nos  vallées  se  composait  d'une  série  de  lacs. 
Ce  fait  existe  aux  Etats-Unis  sur  la  plus  grande  échelle.  Le 
fleuve  Saint-Laurent  traverse  de  très  grands  lacs  avant  de 
prendre  son  nom.  Le  Rhin ,  le  Danube ,  le  Gange  et  l'Eu- 
phrate  ont  été  soumis  à  la  même  loi;  le  Rhône  en  est 
encore  la  preuve  vivante.  Les  fleuves  qui  ont  des  lacs  dans 
leur  cours  supérieur  ont  généralement  un  volume  d'eau 
plus  constant  que  les  autres.  La  main  de  l'homme,  sous 
ce  rapport,  doit  faire  ce  que  la  nature  a  détruit  ou  négligé. 
Il  importe  à  notre  espèce  de  créer  dans  toutes  les  monta- 
gnes, de  grands  réservoirs  pour  les  sources  torrentielles  : 
ia  climature ,  l'agriculture,  les  irrigations ,  la  pisciculture  et 
la  navigation  fluviale  ne  peuvent  qu'y  gagner.  Les  forces 
motrices  des  chutes  d'eau  qui  en  résulteront  viendront  aussi 


92  PHILOSOPHIE 

en  aide  aux  efforts  de  l'homme.  Partout ,  entre  les  monta- 
gnes, les  grands  fleuves  présentent  des  défilés,  des  étran- 
glements, souvent  même  des  cataractes  ou  tout  au  moins 
des  rapides,  preuve  certaine  du  passage  ancien  des  fleuves  à 
travers  de  grandes  étendues  d'eaux  lacustres.  A  mesure  que, 
dans  les  âges  anté  -  historiques ,  les  lits  supérieurs  et 
moyens  des  fleuves  se  sont  formés  par  le  percement  des 
montagnes  et  la  rupture  des  digues  naturelles,  les  lits  in- 
férieurs sont  devenus  des  faits  nécessaires.  Ici  le  cours  des 
grands  fleuves  est  singulièrement  ralenti.  D'après  Andan- 
son ,  le  Sénégal  n'aurait,  en  60  lieues,  que  2  pieds  1/2  de 
pente.  Le  fleuve  des  Amazones  n'aurait,  d'après  La  Conda- 
mine,  qu'un  mètre  de  pente  sur  72  milles  ou  24  lieues 
dans  son  cours  inférieur.  De  là,  par  suite,  à  l'embouchure 
des  grands  fleuves,  des  phénomènes  très  curieux  pour  le 
flux  et  le  reflux  qui  se  fait  sentir  très  loin  ;  de  là,  des  dépôts 
et  des  delta  nécessaires  que  l'on  observe  pour  le  Rhin ,  le 
Rhône,  le  Gange,  l'Indus,  l'Euphrate  et  le  Nil.  Si  celte  loi 
ne  s'applique  ni  au  Saint-  Laurent ,  ni  à  quelques  autres 
grands  cours  d'eau,  c'est  qu'ils  sont  placés  dans  des  condi- 
tions exceptionnelles.  Le  cours  inférieur  des  fleuves  pré- 
sente encore  à  notre  étude  deux  grands  faits  :  l'un ,  c'est  la 
facilité  avec  laquelle  les  eaux  changent  de  chenal  sous  l'in- 
fluence des  glaces,  des  tempêtes,  des  grandes  marées  et 
des  inondations  venant  des  parties  hautes;  l'autre,  c'est 
que ,  sous  les  tropiques ,  c'est  au  cours  inférieur  que  com- 
mencent les  inondations  annuelles. 

L'influence  historiquedes  grands  systèmes  d'eaun'a  pas  été 
assez  étudiée.  Non-seulement  à  cette  influence  se  rattachent 
tous  les  progrès  et  toutes  les  anciennes  habitudes  des  naviga- 
tions, fluviales  et  maritimes ,  mais  il  y  faut  rapporter  une  foule 
d'influences  secondaires  en  apparence,  très-sérieuses  en  réa- 
lité, qui  ont  eu  les  plus  heureux  efl'ets  sur  la  civilisation  ;  car 
tel  est  le  résultat  de  la  loide  solidarité  qui  rattache  l'état  social 
et  moral  de  l'homme  à  l'état  physique  de  la  terre  qui  le  porte. 
L'eau  qui  coule  dans  nos  fleuves ,  n'est-ce  pas  le  liquide  fé- 
condant des  artères  du  globe?  L'humanité  en  son  berceau 
n'était  qu'une  masse  confuse,  mais  les  eaux  ont  contribué  à 
dessiner  et  à  créer  les  personnalités  des  peuples  et  des  étals. 


DU  SIÈCLE.  95 

La  natmre  ne  nous  a  pas  donné  les  mers  qui  baignent  nos 
eoDtioents  ^  et  les  fleuves  qui  les  arrosent ,  pour  continuer  à 
mourir  de  misère  et  de  souffrance  à  côté  de  ces  grandes 
richesses.  Les  eaux  sont  Taliment  le  plus  puissant  de  la 
îégétation  :  l'art  des  irrigations  a  donc  besoin  de  sortir  de 
l'enfance.  Tous  les  corps  que  Ton  plonge  dans  Teau  perdent 
une  quantité  de  leur  poids  justement  égale  au  poids  du 
liquide  déplacé  :  Teau  est  donc,  par  suite,  un  moyen  de 
support  et  de  transport  économique.  Les  chûtes  d'eau  pro- 
duisent une  force  motrice  ;  et  dans  le  sein  des  eaux,  de  nom- 
breux animaux ,  utiles  ou  agréables ,  peuvent  trouver  les 
conditions  et  les  aliments  de  leur  vie.  C'est  à  ce  quadruple 
point  de  vue  que  la  société  doit  et  devra  de  plus  en  plus  les 
envisager.  N'oublions  pas  cependant  que  Ténorme  capacité 
de  Teau,  (K>ur  absorber  la  chaleur,  peut  encore  en  faire  un 
excellent  intermédiaire,  pour  produire  dans  nos  habitations 
le  chaud  et  le  froid. 

Ces  prémices  posées,  que  répondrait  l'humanité  si  on 
lui  demandait  compte  de  l'usage  qu'elle  a  fait  de  la  plus 
abondante  et  de  la  plus  utile  des  substances  minérales. 
Si  sa  conscience  était  plus  développée,  quels  ne  seraient 
pas  ses  remords  et  sa  douleur. 

Pour  diminuer  les  frais  des  longs  voyages,  et  surtout  pour 
en  réduire  la  durée,  il  serait  indispensable  de  percer  les 
isthmes  de  Suez  et  de  Panama.  L'antiquité  avait,  dit-on, 
créé  ce  travail  si  utile  pour  l'isthme  de  Suez  :  elle  avait  fait 
plus ,  un  second  canal  joignait  au  Nil  les  lacs  amers  ou 
salés,  lacs  très  profonds,  placés,  nous  l'avons  dit,  à  plus  de 
100  mètres  au-dessous, du  niveau  des  mers,  et  dont  la  sur- 
face avait  eonsidérablement  augmenté  par  suite  de  leur 
communication  avec  la  mer  Rouge  ;  mais  nous ,  les  civilisés 
modernes,  nous  les  avons  laissés  s'ensabler.  Des  grandes 
œuvres  des  Pharaons,  il  ne  nous  reste  aujourd'hui  que  des 
souvenirs  historiques  et  de§  vestiges. 

Quant  à  l'isthme  de  Panama,  si  aisé  à  couper  sur  plu- 
sieurs points,  notre  lésinerie  va  le  rendre  plus  facile  à 
traverser  au  moyen  d'un  chemin  de  fer  ;  il  eut  été  cepen- 
ilant  tout -à' fait  di^e  de  notre  époque  de  permettre  au 
même  navire  de  faire  le  tour  du  globe.  Â  quoi  bon  ces 


94  PHILOSOPHIE 

chargements  et  déchargements  inutiles  que  Ton  pourrait 
éviter?  Est-il  donc  si  difficile  soit  avec  des  machines  à  va- 
peur, soit  avec  des  moulins  à  vent ,  de  faire  monter  Teau 
jusqu'aux  points  de  partage  qui  regardent  à  la  fois  les  deux 
océans ,  de  manière  à  suppléer  à  rinsufûsance  des  sources 
et  à  réparer  les  pertes  de  Tévaporation  jointes  aux  exigences 
du  service  des  écluses? 

Jusqu'à  ce  jour,  en  Europe,  et  non  moins  en  France 
qu'ailleurs,  l'on  a  fait  des  canaux  pour  faire  des  canaux. 
Très-souvent  les  grandes  irrigations  qu'ils  devaient  produire 
ont  été  complètement  négligées.  On  a  oublié  que  ces  ca- 
naux pouvaient  devenir  la  source  de  pêches  lucratives  ;  on 
est  même  allé  jusqu'à  négliger  entièrement  les  forces  mo- 
trices de  leurs  écluses. 

J'écris  ces  lignes  à  200  mètres  du  canal  de  Bretagne,  qui 
ne  sert  à  aucune  irrigation.  Il  a  crée  inutilement  d'inuti- 
les marécages  et  des  fièvres  intermittentes.  Ses  chutes 
d'eau  sont  vierges  encore  d'usage  industriel ,  et  ses 
chaussées  perpendiculaires  ont  suppriné  la  pêche  des  sau- 
mons autrefois  si  lucrative.  Ce  n'est  pas  tout  :  son  absurde 
tarif  équivaut  à  une  prohibition  pour  le  transport  des  pro- 
duits. C'est  ainsi  qu'une  énorme  machine  de  150  lieues  de 
long ,  qui  a  coûté  plus  de  68  millions ,  qui  pourrait  pro- 
duire en  vingt  ans  une  plus-value  de  plus  de  600  millions, 
chôme  depuis  vingt  années  au  milieu  de  populations  misé- 
rables, au  grand  détriment  des  intérêts  de  l'agriculture ,  du 
commerce  et  de  l'industrie.  Hommes  du  siècle,  administra- 
teurs des  privilégiés ,  voilà  vos  œuvres  ! 

Tout  canal  créé  dans  des  conditions  avantageuses ,  coûte 
en  moyenne ,  dans  ce  monde ,  un  million  au  plus  par  lieue , 
et  rapporte  habituellement  à  la  société ,  en  plus-values  de 
toute  nature ,  de  cinq  à  seize  fois  le  capital  engagé  :  d'où 
nous  pouvons  conclure ,  que  si  la  France  seule  avait  em- 
ployé ,  sous  le  règne  de  Louis-Philippe ,  à  creuser  des  ca- 
naux, la  dépense  de  ses  armées  permanentes,  qui  ne  sont 
qu'une  grande  gendarmerie ,  nous  posséderions  aujourd'hui 
plus  de  sept  milles  lieues  de  navigation  nouvelle,  source 
abondante  et  reproductive,  représentant  une  plus-value 
d'au  moins  trente-cinq  milliards  et  peut-être  de  cent  mil- 


DU  6IÈCLB.  95 

liards.  —  Ces  chiffres  presque  fabuleux  sont  cependant 
au-dessous  de  la  réalité.  Le  canal  du  centre ,  qui  a  coûté 
16  millions,  ne  produit  pas  moins  de  10  millions  de  plus- 
value  annuelle ,  ce  qui  équivaut  à  12  fois  son  capital  ;  tan- 
dis que  le  canal  du  Languedoc ,  qui  a  coûté  30  millions , 
produit  2S  millions  de  revenu  annuel,  ce  qui  revient  à 
dire  qu'il  a  donné  au  pays  16  fois  la  valeur  du  capital 
engagé.  Que  serait-ce  donc  si  une  civilisation  véritable  sa- 
vait utiliser  les  canaux  au  mieux  des  intérêts  de  l'humaine 
espèce  ?  Supposez  un  instant  que  la  France  ait  consacré  en 
18  années  7,200  millions  à  lutter  avec  la  nature ,  par  des 
voies  fluviales  artificielles,  pour  féconder  et  embellir  son 
territoire  ;  supposez  encore  qu'elle  ait  employé  dans  cette 
glorieuse  entreprise  tout  le  savoir,  toute  l'imagination, 
toute  l'adresse,  toute  la  ruse,  tout  le  bon  goût,  tout  l'art 

de  ses  enfants,  quelle  admirable  métamorphase!!! 

Partout  les  canaux  deviennent  d'immenses  viviers ,  dans 
lesquels  on  essaie  et  l'on  multiplie  les  plus  beaux ,  les 
plus  délicieux  poissons  des  deux  mondes.  Toutes  les  chutes 
sont  utilisées ,  car  les  chevaux  d'eau  ne  mangent  ni  foin  ni 
charbon.  Celles  qui  ne  travaillent  que  le  jour  servent  la 
nuit  à  faire  des  irrigations  au  moyen  de  roues ,  de  turbi- 
nes ,  de  béliers  ou  d'autres  engins  hydrauliques.  Les  jar- 
dins arrosés  et  les  prairies  qui,  sur  une  surface  de  53  mil- 
lions d'hectares,  n'occupent  aujourd'hui,  en  France,  que 
4  millions  1/2 ,  arrivent  à  dépasser  le  chiffre  de  10  mil- 
*lions  d'hectares  parfaitement  mouillés  à  souhait  par  des 
eaux  vives.  Aux  flancs  des  montagnes  et  sur  les  sommets 
des  collines ,  l'œil  surpris  aperçoit  les  bateaux  des  mariniers 
qui  se  dessinent  au  milieu  de  la  plus  brillante  verdure,  de 
la  plus  luxuriante  végétation  ;  tandis  que  par  des  canaux 
ou  syphons  souterrains  des  villes ,  des  bourgs  et  de  grands 
villages,  souvent  même  des  cités  importantes  voient  par- 
tout des  eaux  jaillisantes  se  marier  sous  les  formes  les  plus 
gracieuses  et  les  plus  élégantes  à  la  verdure ,  aux  arbres , 
aux  animaux  vivants  et  aux  monuments  qui  les  décorent. 
Des  troupeaux  splendides  de  gros  et  de  menu  bétail  pais- 
sent à  souhait  sur  des  terres  aujourd'hui  stériles;  partout 
les  chants  du  laboureur  se  mêlent  au  mouvement,  au  bruit, 


96  PHILOSOPHIE 

au  va-et-vient  de  Finduslrie.  Ici  c'est  un  canal  souterrain , 
véritable  styx,  servant  à  verser  dans  la  Loire  les  eaux  des 
houillères  de  Saint-Etienne  et  les  produits  de  son  industrie. 
Ailleurs  ce  sont  de  vastes  tunnels  passant  sous  les  plus 
hautes  montagnes  pour  relier  la  France  à  l'Espagne  et  à 
ritalie ,  en  faisant  descendre  à  la  fois  sur  notre  sol ,  par 
des  ouvertures  artificielles,  leurs  sources  abondantes  et  les 
produits  de  mines  nouvelles  qu'elles  recèlent  nécessaire- 
ment dans  leur  sein  ;  car  si  partout  ailleurs  l'homme  ne 
peut  pénétrer  qu'à  2,000  mètres  dans  l'intérieur  de  la  terre, 
les  montagnes  semblent  disposées  tout  exprès  pour  lui  per- 
mettre d'atteindre ,  sans  s'exposer  à  une  température  trop 
élevée ,  les  minerais  les  plus  riches  qui  se  trouvent  actuel- 
lement à  l'abri  de  ses  recherches.  Mais  à  quoi  bon  cette 
énumération  des  valeurs  que  nous  pourrions  créer  en  utili- 
sant les  eaux.  N'est-ce  donc  pas  à  leurs  irrigations  que 
'l'Egypte  et  la  Judée  devaient  leur  agriculture  si  prospère? 
Les  Pharaons  n'avaient-ils  pas  semé  de  puits  artésiens  leur 
royaume  et  les  limites  du  désert  ?  Le  Tigre  et  l'Euphrate  ne 
nous  offrent-ils  pas  encore  les  restes  de  digues  puissantes  ? 
Et  nous,  Européens,  nous  les  émancipés  de  la  science, 
nous  dépensons  à  tuer  ou  à  tyranniser  nos  semblables ,  les 
richesses  qui  multiplieraient  le  bonheur!... 

Toutes  les  eaux  ne  sont  pas  fournies  à  la  surface  du 
sol  par  les  pluies  ou  par  les  fleuves.  Les  puits  artésiens 
nous  sont  un  moyen  d'aller  saisir,  entre  deuii  couches  de 
terrains  imperméables,  un  fleuve  souterrain  qui  traverse 
une  couche  perméable.  En  été,  -ces  puits  peuvent  devenir 
un  moyen  de  rafraîchir  l'atmosphère  et  d'y  verser  la  vie  ; 
en  hiver,  ils  fournissent  une  eau  chaude  qui  pourrait  servir 
au  chauffage  et  à  l'arrosage  de  grandes  serres  telles  que  l'on 
n'en  construit  pas  encore  :  de  serres  immenses ,  gigantes- 
tesques ,  ayant  quelquefois  plusieurs  hectares  de  surface  et 
destinées  dans  les  grandes  villes  de  nos  climats  brumeux  à 
réunir  au  besoin  plus  de  cent  mille  personnes  à  l'abri  des 
injures  des  saisons ,  au  milieu  des  arUtes  et  des  fleurs  de 
tous  les  pays  du  monde.  Les  puits  artésiens  sentiront  aussi 
à  limiter  les  déserts  de  l'Afrique  et  de  l'Asie,  à  reconquérir 
les  terres  ensevelies  sous  les  sables ,  à  créer  des  oasis  de 


DU  SIÈCUS.  97 

verdure  dans  les  terrains  les  plus  brûlants ,  à  marquer  les 
étapes  de  ces  caravanes  civilisatrices  qui  verseront  un  jour, 
sur  les  bords  du  Niger  et  dans  Tintérieur  de  l'Afrique,  la 
science  et  la  vie  des  hommes  de  l'Occident. 

Nous  venons  d'exposer  successivement  en  ce  premier 
livre  préparatoire  : 

L'œuvre  du  siècle; 

Le  credo  scientifique  du  siècle  ; 

L'ordre  logique  de  cet  ouvrage  ; 

Ce  qu'il  faut  entendre  par  ces  mots  philosophie  :  sagesse, 
vérité ,  justice ,  vertu. 

Nous  avons  fait  nos  actes  de  foi  sur  Dieu,  la  providence, 
la  vie  universelle  et  .le  plan  providentiel,  >et  sur  les  destinées 
de  l'humanité. 

Nous  avons  expliqué  par  anticipation  ce  que  c'est  que  la 
polarité,  la  circulation  et  la  solidarité,  en  faisant  connaître 
leurs  grandes  fonctions. 

Nous  avons  sommairement  étudié  la  chaleur,  la  lumière, 
1  électricité ,  l'atmosphère  terrestre  et  les  eaux ,  ces  grands 
éléments  de  circulation  et  de  solidarité  à  la  surface  de  la 
planète.  Notre  œuvre  de  préparation  terminée ,  nous  allons 
maintenant  entrer  en  matière  et  raconter  la  physiologie  de 
l'univers.  I^os  efforts  auront  pour  but  de  mettre  cette  étude 
à  la  portée  d'un  grand  nombre,  de  combler  de  nombreuses 
lacunes  et  de  faire  pressentir  ce  que  d'autres  devront  ulté 
rieurement  démontrer. 


98  PHILOSOPHIB 


LIVRE  n. 


VIES  SIDÉRALES. 

Que  d'enivrantes  et  mystérieuses  poésies  dans  Tétude  de 
ces  mondes  qui  roulent  dans  Tespace!  Elle  seule  nous 
donne  Tidée  de  Tinfini,  elle  seule  nous  révèle  dans  toute 
leur  grandeur  les  merveilles  de  cette  force  éternellement 
active  qui  imprime  le  mouvement  à  toute  la  nature ,  qui 
donne  la  vie  à  tant  d'existences  individuelles  et  collectives 
plus  grandioses  que  celles  de  notre  globe  et  de  notre  sys- 
tème solaire  tout  entier.  Quelle  source  puissante  d'études 
pour  le  savant ,  de  méditations  pour  le  philosophe ,  d'épan- 
chements  affectueux  pour  l'homme  religieux,  que  cette 
réunion  de  tant  de  corps  immenses  roulant  les  ims  autour 
des  autres  avec  une  majestueuse  harmonie ,  au  sein  d'un 
espace  sans  bornes  et  d'un  temps  sans  limite  !  !  ! 

D'où  vient  ce  soleil  lumineux,  qui  par  sa  chaleur. féconde 
notre  globe?  A-t-il  toujours  vécu,  vivra-t-il  toujours  J  Sa 
lumière  diminuera-t-eUe  dans  l'avenir,  et  devons-nous 
craindre  pour  notre  terre  une  nuit  éternelle ,  que  la  lune 
elle-même  n'éclairerait  plus  de  ses  pâles  rayons  ? 

Et  cette  lune ,  qu'est-elle  ?  Quelle  est  sa  mission  dans 
ce  monde  ?  Est-ce  une  terre  habitée ,  un  aride  désert  sans 
air  et  sans  eau  ? 

Que  dire  de  ces  autres  terres ,  de  ces  planètes  qui  gra- 
vitent comme  nous  autour  du  soleil  ?  Que  penser  de  ces 
comètes,  dont  les  unes,  tout-à-fait  planétaires,  paraissent 
ne  point  s'écarter  des  mondes  les  plus  voisins,  tandis  que 
d'autres  aux  ellipses  plus  allongées^',  passent  de  notre  ciel 


DU  SIÈCLB.  99 

à  des  cieux  inconnus?  Cette  lumière  zodiacale  ,  cette  appa- 
rence lumineuse  à  la  forme  pyramidale  qui  embellit  si  sou- 
yent  les  nuits  des  tropiques,  quelle  est  sa  cause?  Que 
penser  de  ces  astéroïdes  qui,  sous  la  forme  d'étoiles  filantes, 
Tiennent  tomber  à  la  surface  de  la  terre  ;  et  de  ces  étoiles 
qui  brillent  aux  cieux,  et  de  ces  nébuleuses  qui  semblent 
des  systèmes  plus  ou  moins  complets  comme  notre  système 
solaire,  mais  à  des  degrés  divers  d'organisation?  Ce  sont 
là  quelques-unes  des  nombreuses  questions  que  nous  dé- 
sirons mettre  à  la  portée  de  beaucoup ,  que  nous  voulons 
exposer  selon  le  savoir  ou  les  doutes  du  moment ,  selon  la 
vérité  absolue  ou  le  roman  de  la  science ,  pour  en  déduire 
des  conclusions  utiles  et  religieuses ,  en  montrant  les 
rapports  nécessaires  qui  lient  intimement  toutes  les  parties 
de  l'univers. 


LE  SOLEIL. 


Notre  soleil,  cette  étoile  autour  de  laquelle  gravitent 
des  planètes  et  des  comètes,  est  susceptible  d'exercer  son 
influence  à  des  distances  plus  éloignées  que  celles  des  astres 
qui  forment  son  cortège  habituel. 

De  temps  à  autre ,  des  comètes ,  quittant  d'autres  soleils , 
viennent  à  lui  des  immensités  de  l'espace ,  subissent  son 
attraction  puissante,  et  disparaissent  ensuite  pour  aller 
demander  à  de  nouveaux  soleils  la  même  attraction. 

Il  conviendrait  à  la  paresse  de  notre  esprit  de  faire  de 
cet  astre  le  centre  du  monde ,  ou  tout  au  moins  d'admettre 
que  toutes  les  étoiles  se  meuvent  autour  d'un  centre  im- 
mense, lumineux  ou  obscur;  mais  les  divers  groupes  de  ces 
œrps  qui  remplissent  l'espace  de  leur  lumière  et  de  leur  vie , 
sont  loin  d'accomplir  leurs  fonctions  dans  la  même  direc-* 
tion  de  l'immensité  des  cieux.  Peut-être  même  notre  soleil 
n'est-il  autre  chose  qu'une  étoile  qui  décrit  une  ellipse  infini- 
ment grande  autour  d'un  autre  soleil  plus  puissant  que  lui. 


iOO  PHILOSOPHIE 

Placé  en  moyenne  à  vingt-quatre  mille  rayons  terrestres 
de  nous ,  c'est-à-dire  à  trente-huit  millions  de  lieues ,  le 
soleil  a  un  volume  environ  treize  cent  mille  fois  plus  consi- 
dérable que  celui  de  la  terre  ;  mais  sa  pesanteur  spécifique 
est  moindre  que  celle  de  notre  globe.  Tandis  qu'en  moyenne 
la  terre  pèse  cinq  mille  cinq  cents  kilogrammes  par  mètre 
cube,  le  soleil  n'en  pèse  que  treize  cents.  Sa  lumière  ren- 
ferme des  rayons  de  trois  espèces  différentes  :  les  uns 
produisent  de  la  chaleur,  d'autres  de  la  lumière,  d'autres 
sont  essentiellement  chimiques. 

Les  savants  s'accordent  à  admettre  que  cet  astre  se  com- 
pose d'un  noyau  presqu'entièrement  obscur,  d'une  at- 
mosphère nuageuse  très-dense,  et  d'une  photosphère  ou 
atmosphère  lumineuse  qui  enveloppe  le  tout  et  qui  nous 
transmet  la  lumière  et  la  chaleur.  Cette  manière  de  voir 
explique  les  taches  que  l'on  aperçoit  à  sa  surface  ;  non  seu- 
lement elle  s'accorde  avec  les  observations  télescopiques , 
mais  elle  est  encore  vérifiée  par  les  récentes  découvertes 
sur  la  lumière ,  et  par  la  genèse  que  nous  exposerons  ul- 
térieurement. Ainsi,  les  taches  sont  produites  tantôt  par  le 
corps  même  du  soleil ,  que  ses  atmosphères  nuageuse  et 
lumineuse  laissent  à  nu,  tantôt  par  la  seule  atmosphère 
nuageuse  que  l'atmosphère  lumineuse  ne  recouvre  plus , 
et  alors  elles  se  présentent  comme  une  pénombre  sans 
noyau  obscur.  Il  résulte  aussi  des  études  d'Arago,  que  la 
lumière  qui  émane  du  soleil  est  projetée  dans  l'espace  par 
un  corps  gazeux  et  non  par  un  corps  solide,  tel  que  pour» 
rait  être  un  boulet  de  canon  chauffé  à  blanc. 

Les  taches  du  soleil  ont  beaucoup  occupé  les  astronomes  ; 
elles  ont  fait  reconnaître  que  ce  corps  immense  est  doué 
d'un  mouvement  de  rotation  sur  lui-même ,  qui  s'effectue 
d'occident  en  orient  en  vingt-cinq  jours  et  demi.  La 
plus  grande  des  taches  que  l'on  ait  mesurées,  de  1716 
à  1720,  présentait  six  mâle  lieues  de  diamètre;  en  1758, 
Mayer  en  a  mesuré  une  qui  offrait  cinq  fois  le  diamètre  de 
la  terre  ou  environ  quinze  mille  lieues;  en  1789,  on  en  a 
mesuré  une  autre  qui  était  assez  grande  pour  correspondre 
à  seize  fois  l'espace  que  notre  globe  pourrait  recouvrir.  On 
s'est  demandé  quelle  peut  être  l'influence  de  ces  taches 


BU  SIÈCLB.  101 

sur  les  saisons  et  la  température  de  notre  globe.  Pour 
résoudre  cette  question,  Herschell  avait  dressé  une  table 
dans  laquelle  il  plaçait  le  prix  du  blé  ^n  regard  des  années 
dans  lesquelles  le  soleil  avait  présenté  des  taches ,  et  des 
années  dans  lesquelles  il  n'en  a  point  offert  aux  observa- 
teurs. Mais  ce  tableau  ne  prouve  rien  :  d'un  côté ,  parce 
que  le  fameux  astronome  n'a  pas  tenu  compte  de  la  dé* 
croissance  de  la  valeur  de  l'argent  ;  de  l'autre ,  parce  que 
le  blé  a  été  tantôt  cher,  tantôt  bon  marché,  dans  les 
années  dans  lesquelles  le  sol^l  a  offert  des  taches,  tout 
aussi  bien  que  dans  les  autres. 

Une  question  non  moins  importante  à  résoudre ,  c'est  de 
déterminer  la  nature  de  l'enveloppe  brillante  ou  photosphère 
du  soleil.  Tout  en  admettant,  avec  flerscbell,  qu'eUe  en 
est  distante  de  huit  cents  lieues,  nous  croyons  nécessaire 
d'admettre  aussi  que  cet  astre  a  passé ,  comme  toutes  les 
planètes  de  notre  système,  par  1  état  de  matière  diaphane 
et  gazeuse  dans  lequel  paraissent  être  aujourd'hui  certaines 
nébuleuses  irréductibles;  d'où  il  faut  nécessairement  con- 
clure que  la  substance  qui  en  forme  le  noyau  fermente  et 
bouillonne  autant  et  plus  peut-être  que  les  laves  de  nos 
volcans.  L'hypothèse  de  La  Place,  sur  la  formation  des  mon* 
des  solaires,  nous  conduit  aussi  à  une  autre  conséquence: 
c'est  ^ que  les  mêmes  éléments  chimiques,  mêlés  par  le 
mouvement,  mais  cependant  mélangés  et  combinés  dans 
des  proportions  qui  doivent  varier  beaucoup,  composent  la 
masse  du  soleil  et  des  astres  qui  appartiennent  à  sa  forma- 
tion. Que  de  corps  simples,  selon  notre  chimie,  que  do 
composés  binaires  et  ternaires  fixes  à  nos  températures  ha- 
bituelles, qui  se  décomposent  ou^se  volatilisent  à  moins  de 
mille  degrés  de  température  et  qui,  à  deux  ou  trois  mille , 
doivent  former  nécessairement  à  la  surface  du  soleil ,  au 
dessous  de  sa  photosphère,  une  couche  atmosphérique  con- 
densable  un  jour,  mais  de  nature,  dans  l'état  actuel, 
à  produire  des  flammes  par  les  actions  et  réactions  né- 
cessaires qui  sont  les  conséquences  de  son  existence 
même.  Si  la  photosphère  du  soleil  se  confondait  avec  ces 
flammes  électriques,  résultat  des  réactions  chimiques  les 
plus  immenses,  sa  couleur  ne  serait  plus  ce  qu'elle  est* 


102  PHILOSOPHIE 

Cette  observation  n'explique  pas  les  couleurs  si  variables 
d'un  grand  nombre  des  soleÛs  de  l'espace  étoile,  mais 
elle  indique  l'une  des  causes  qui  pourraient  les  produire. 
Francœur  a  cru  devoir  faire  remarquer  que  l'étemelle  com- 
bustion du  soleil ,  sans  diminution  apparente  de  volume , 
pourrait  n'être  pas  un  fait  positif.  Puisque,  dit-il,  cet  astre 
a  2,000  secondes  de  diamètre ,  et  que  chaque  seconde  ré- 
pond à  267  lieues ,  une  diminution  de  deux  pieds  par  jour, 
dans  le  diamètre  du  soleil ,  ne  serait  que  de  160  lieues  en 
3,000  ans ,  c'est-à-dire  tout-à-fait  inappréciable.  Pour 
nous,  cette  observation  aura  une  autre  signification  :  ce 
n'est  pas  la  combustion ,  c'est  le  refroidissement  du  soleil 
par  diminution  de  la  combustion  qui  peut  entraîner  ime 
réduction  de  volume.  Si  cette  réduction  de  volume  est 
inappréciable  en  une  série  de  trente  siècles ,  nous  devons 
en  conclure  que  la  phase  d'incandescence  du  soleil  sera 
encore  d'une  immense  durée  et  que  la  vie  du  système  so- 
laire devra  se  prolonger  pendant  des  milliers  de  siècles.  Le 
soleil  s'éteindrait  donc  cependant  un  jour  comme  la  terre  a 
dû  s'éteindre ,  comme  ont  dû  s'éteindre  nos  autres  planètes. 
Après  avoir  commencé  dans  la  voie  lactée ,  à  la  manière 
des  mondes  qui  s'y  forment  pour  ainsi  dire  sous  nos  yeux , 
il  se  dirige  à  travers  l'immensité  des  temps  et  des  espaces 
vers  la  constellation  d'Hercule ,  présidant  à  l'existence  des 
planètes  et  des  lunes  qui  forment  son  cortège,  semant  à 
leur  surface  la  lumière  et  la  vie ,  donnant  naissance  à  ces 
combinaisons  minérales,  végétales,  animales  et  sociales, 
qui,  multipliées  à  l'infini,  variées  à  l'infini,  toutes  formées 
aux  dépens  de  sa  propre  substance,  toutes  subordonnées  à 
son  action,  toutes  solidaires  de  sa  propre  vie,  racontent, 
chacune  à  leur  manière ,  les  grandeurs  sublimes  de  la  na- 
ture et  la  constance  de  ses  lois.  £t  cependant  cet  astre ,  sa 
force  vitale  épuisée ,  sa  fonction  finie ,  verrait  un  jour  se 
terminer  son  existence ,  que  nos  pères  croyaient  étemelle 
et  qu'ils  déifiaient.  Alors  plus  de  ces  éjaculations  embra- 
sées qui ,  se  répétant  sans  cesse ,  donnent  au  monde  qu'il 
gouverne  le  bonheur  et  la  joie.  Adieu  cette  atmosphère 
brillante  que  nos  yeux  ne  peuvent  fixer.  Vieux  et  impuis- 
sant, passera-t'il  à  la  refonte  au  sein  de  quelque  nébuleuse, 


BU  SIÈCLE.  103 

OU  deviendrar-t-il  d'abord,  et  pour  un  temps,  le  vassal, 
l'humble  planète  â*un  soleil  plus  puissant  qu'il  n'a  jamais 
été!... 

Naître,  produire  et  mourir,  pour  revivre  encore,  n'est-ce 
dooc  point  pour  tous,  grands  et  petits,  le  résultat  de  l'ac- 
tion de  ce  faisceau  de  lois  que  nous  avons  appelé  providence  ? 

Les  variations,  jadis  si  peu  étudiées,  aujourd'hui  quel* 
que  peu  pressenties,  qui  existent  pour  un  grand  nombre 
d'étoiles ,  soit  sous  le  rapport  de  la  couleur,  de  la  lumière, 
soit  sous  le  rapport  de  l'intensité ,  nous  conduisent  à  penser 
que  de  pareilles  révolutions  peuvent  avoir  eu  lieu  dans  la 
photosphère  du  soleil  ;  car  pourquoi  notre  soleil  serait -il 
différent  de  ceux  qui  peuplent  l'espace  infini  ?  Ces  révolu- 
tions, si  elles  ont  eu  lieu ,  ont  nécessairement  réagi  sur  no- 
tre  planète  avec  la  plus  grande  énergie ,  mais  où  en  ren- 
contrer le  souvenir  et  la  preuve?  Notre  science  si  jeune  est 
encore  à  son  berceau. 


MERCURE. 


Liées  par  une  commune  origine ,  les  planètes  de  notre 
système  solaire  sont  toutes  soiunises  aux  mêmes  fonctions. 
Le  soleil  qui  les  échauffe  et  les  éclaire,  le  soleil,  autour  du- 
quel toutes  gravitent,  les  unit  et  les  associe  dans  une 
commune  solidarité  de  lumière ,  de  chaleur  et  de  mouve- 
ment. Sans  èlre  identiques ,  leurs  existences  présentent  de 
nombreuses  analogies.  Longtemps  la  science  s'est  occupée 
des  différences  qui  les  séparent  ;  mais  le  temps  est  venu  de 
les  considérer  comme  les  membres  d'une  seule  famille  et 
d'étudier  leurs  rapports  de  fraternité. 

Mercure  est ,  de  toutes  les  planètes ,  la  plus  voisine  du 
soleil.  II  est  placé  à  quinze  mulions  de  lieues  de  cet  astre , 
qui  y  parait  trois  fois  grand  comme  nous  l'apercevons. 
D'après  Newton ,  la  chaleur  que  Mercure  en  reçoit  serait 


10%  PHILOSOPHIB 

sept  fois  plus  considérable  que  celle  que  nous  Tecervons 
sous  la  z6ne  torride;  mais  diverses  circonstances,  et  surtout 
repaisse  atmosphère  de  Mercure,  modifient  sans  aucun 
doute  cette  température ,  de  manière  à  la  mettre  plus  en 
harmonie  avec  les  conditions  physiologiques -qui  produisent 
la  vie  à  la  surface  de  notre  globe.  Le  diamètre  de  Mercure 
est  de  0,39,  celui  de  la  terre  étant  un.  Son  volume  est  le 
dixième  de  notre  planète  ;  sa  densité  ou  pesanteur  spécifi- 
que est  justement  égale  à  celle  du  métal  dont  il  porte  le 
nom ,  si  toutefois  les  calculs  qui  l'ont  fournie  sont  réelle- 
ment exacts;  elle  est  aussi  de  2,87,  celle  de  la  terre  étant 
prise  pour  unité.  Mercure  décrit  son  ellipse  autour  du  soleil 
en  87  jours  environ  et  parcourt  655  lieues  par  minute.  En 
ackneltant  que  cette  planète  se  compose  de  quelques-uns 
des  principaux  éléments  que  Ton  trouve  à  la  surface  de  la 
terre,  son  voisinage  du  soleil  porterait  à  conclure  que  la 
densité  de  son  atmosphère  tient  à  une  énorme  quantité  de 
vapeur.  Les  jours  y  sont  plus  longs  que  sur  la  terre  de  cinq 
minutes  trois  secondes ,  et  ils  sont  prolongés  par  des  cré- 
puscules plus  considérables.  Des  journées  très-chaudes ,  de 
.  très-violents  orages ,  des  nuits  relativement  froides  et  don- 
nant naissance  à  de  très-abondantes  rosées ,  peu  ou  presque 
pas  de  mers ,  telles  seraient  les  conséquences  des  faits  con- 
nus de  cette  planète.  Il  est  probable  encore  que  ses  conti- 
nents sont  très-élevés ,  hérissés  de  hautes  montagnes  qui 
font  paraître  son  croissant  comme  tronqué  à  l'une  de  ses 
extrémités ,  et  que  les  conditions  physiologiques  de  la  vie 
doivent  y  varier  plus  encore  que  chez  nous ,  des  vallées  aux 
grands  plateaux  et  aux  montagnes.  11  n'est  pas  irrationnel 
de  supposer  dans  Mercure  des  hommes  ou  d'autres  animaux 
très-intelligents,  et  très-rapprochés  de  nous  ;  mais  tout 
porte  à  penser  que  cette  planète  doit  jouir  encore  et  jouira 
longtemps  d'une  existence  analogue  à  celle  dont  les  faits 
géologiques  nous  fourniront  la  tradition.  Sa  densité,  très- 
considérable  ,  semble  indiquer,  si  elle  est  exacte ,  ce  qui 
nous  parait  douteux,  ou -que  plusieurs  planètes  sont  des 
sphères  creuses,  ou  que  sa  composition  cnimique  est  diffé- 
rente de  celle  de  la  terre.  Les  montagnes ,  dont  les  détritus 
forment  chez  nous  le  sol  cultivable ,  y  seraient  alors  d'une 


BU  SIÂCLB.  105 

AQtre  nature  )  Tor,  le  platine  et  d'autres  éléments  d'une 
grande  pesanteur  spécifique  entrant  pour  une  part  considé- 
rable dans  leur  composition. 


VENUS. 


A  37  millions  SOO  mille  lieues  du  soleil ,  se  trouve  une 
seeonde  planète  à  laquelle  son  brillant  éclat  a  fait  donner 
le  nom  de  Vénus.  Pour  nous ,  cette  terre  nouvelle  est ,  au 
milieu  des  étoiles,  une  véritable  reine  de  beauté.  Son  dia- 
mètre est  à  celui  de  notre  globe  dans  le  rapport  de  97  à 
100.  Son  volume  forme  les  neuf  dixièmes  du  volume  de  la 
terre  ;  sa  densité  est  légèrement  plus  considérable.  Ses  jours 
sont  de  35  heures  21  minutes,  et  ses  années  de  224  jours  16 
heures  M  secondes.  La  vitesse  de  sa  marche  est  de  485  lieuos 
par  minute.  Presqu'aussi  grande  que  la  terre,  elle  se  meut  avec 
plus  de  rapidité,  parce  qu'elle  est  plus  rapprochée  du  soleil. 

Vénus  possède  une  atmosphère  analogue  à  notre  at- 
mosphère terrestre.  Elle  n'a  point  de  lune,  mais,  comme 
le  dit  Arago,  la  planète  Mercure  est  son  étoile  du  matin. 
De  hautes  montagnes ,  lorsqu'elle  nous  parait  sous  la  forme 
dan  croissant,  nous  dérobent  l'une  de  ses  cornes.  On 
croit  y  avoir  observé  des  mers  et  des  continents.  Le  soleil  y 
parait  double  en  grandeur  de  ce  que  nous  le  voyons  ;  mais 
ponr  tempérer  ses  ardeurs ,  combien  la  providence  ne  s'est- 
elle  pas  montrée  prodigue  de  ressources  !  D'abord  son  an- 
née est  moins  longue  que  la  nôtre  de  141  iours,  et  la 
brièveté  des  saisons  a  pour  résultat  naturel  d'en  adoucir 
les  rigueurs  ;  en  second  lieu,  cette  planète  a  sous  sa  zone 
lorride  deux  étés  et  deux  hivers  chaque  année  :  aussi  pour- 
quoi des  hommes  ne  vivraient-ils  pas  à  sa  surface  ;  pour- 
quoi des  Yégélaux  et  des  animaux  analogues  à  ceux  de 
notre  planète  n'embelliraient-ils  pas  les  solitudes  de  ce 
monde  inconnu  et  si  favorisé  ;  pourquoi  cette  sphère  n'au- 


106  PHILOSOPHIE 

rait-elle  pas,  comme  la  nôtre,  une  vie  complète,  lorsqu'il  est 
présumable  qu'elle  possède  toutes  les  conditions  de  bon- 
heur que  créent  à  la  surface  de  la  terre  les  climatures  les 
plus  favorisées  ?  Comment  supposer  qu'il  s'y  trouve  de  l'a- 
zote, de  Toxigène ,  de  Thydrogène  et  du  carbone ,  sans  que 
ces  substances  aient  donné  lieu  aux  combinaisons  qu'eUes 
produisent  à  la  surface  de  la  terre,  aux  corps  qu'elles  y 
animent  ou  à  des  corps  relativement  semblables  et  créés 
pour  une  même  fin  ?  Serait-ce  donc  seulement  pour  exciter 
la  curiosité  de  quelques  savants  de  notre  planète  que  la 
providence  aurait  donné  à  Vénus  une  croûte  solide  pareille 
à  notre  croûte  terrestre ,  des  minéraux  probablement  sem- 
blables aux  nôtres ,  une  pesanteur  spécifique  presque  pa- 
reille ,  une  atmosphère ,  source  de  vie  pour  les  végétaux  et 
les  animaux ,  des  eaux  pour  mêler  à  cette  atmosphère  les 
vapeurs  que  réclament  sur  notre  globe  toutes  les  existences 
animales  et  végétales,  et  des  saisons  relativement  plus  fa- 
vorables que  les  nôtres  ?  Quoi  !  la  providence  aurait  fait  de 
Vénus  un  Eden  véritable,  et  cet  Eden  serait  une  solitude 
magnifique  mais  inanimée,  où  tout  à  coup  les  lois  immua- 
bles de  l'univers  auraient  cessé  de  s'exercer  !  Evidemment 
cette  supposition  est  inadmissible.  Combien  de  fois ,  dans 
mes  rêveries ,  n'ai-je  pas  étudié  les  conditions  physiologi- 
ques des  êtres  qui  habitent  Vénus,  et  les  probabilités  de 
leurs  fonctions  etde  leurs  formes  !  D'autres  reprendront  ces  va- 
gues pressentiments  avec  l'aide  des  découvertes  nouvelles,  et 
quelque  jour  le  roman  de  la  science  s'agrandira  de  données 
aussi  profondes  que  poétiques,  aussi  curieuses  que  grandio- 
ses. Les  mondes  de  Fontenelle  seront  à  refaire  en  entier  au 
point  de  vue  d'une  philosophie  plus  religieuse  et  plus  élevée. 


LA  TERRE. 


La  terre  est  un  sphéroïde  légèrement  applati  à  ses  pôles  ; 
son  demi-diamètre,  à  l'équaleur,  est  de  6,577,107  mètres. 


DU  SIÈCLE.  107 

et  an  p61e,  de  6,556,198  ;  ce  qui  donne  une  différence  de 
30,909  mètres. 

Cette  planète  fait  sa  révolution  diurne  en  24  heures ,  et 
sa  réyolution  annuelle  en  365  jours  5  heures  48  minutes 
48  secondes  ;  c'est  là  ce  que  Ton  appelle  Tannée  tropique. 
Mais  si  Ton  prend  une  étoile  fixe  pour  point  de  départ  et 
d'arrÎTée,  Ton  aura  Tannée  sidérale  qui  est  de  365  jours  6 
heures  9  minutes  12  secondes. 

L'inclinaison  de  son  aie  sur  son  orbite  est  de  66  degrés  52 
minutes.  Sa  densité  est  environ  5,5,  celle  de  Teau  étant  prise 
pour  unité.  Sa  distance  du  soleil  est  de  38  millions  de  lieues. 

Vue  de  Vénus,  la  terre  est  une  planète  dont  le  croissant 
présente  une  brisure  au  pôle  austral  qui  se  termine  par  des 
mers,  tandis  que  les  continents  vont  plus  loin  au  pôle  bo* 
réal.  Les  savants  de  Vénus  ont  dû  aussi  être  surpris  par  la 
vue  de  deux  corps  brillants  situés  à  nos  pôles ,  qui  ne  sont 
autre  chose  que  les  glaces  polaires  ;  mais  en  étudiant  la 
planète  Mars,  ils  en  auront  trouvé  de  semblables. 

Vue  de  la  lune,  notre  terre,  au  dire  des  astronomes, 
présente  un  aspect  tout  différent.  Les  habitants  de  la  lune, 
s'il  y  en  avait  à  sa  surface,  la  verraient  comme  une  luno 
superbe,  quatorze  fois  plus  grande  que  celle  qui  éclaire 
nos  nuits,  mais  toujours  immobile  à  la  même  hauteur  du 
ciel.  Tandis  que  notre  satellite  tourne  sur  son  axe,  la  terre 
lui  présente  les  aspects  les  plus  variés  ;  les  lies ,  les  conti- 
nents., les  mers  lui  apparaissent  comme  autant  de  taches 
de  grandeur  et  d'éclat  différents  que  modifient  sans  cesse 
les  nuages  de  notre  atmosphère. 


LA  LUNE. 


La  lune  est  à  86,000  lieues  de  nous  :  son  diamètre  forme 
les  27/100  du  diamètre  terrestre;  son  volume  en  est  la 
cinquantième  partie;  elle  pèse  en  moyenne  3,575  kilo- 


108  PHILOSOPHIE 

gnammes  par  mètre  cube;  en  d*autres  termes,  la  densité 
de  la  terre  étant  un ,  la  sienne  est  de  0,715,076.  Sa  révolu- 
tion est  de  27  5/10.  C'est  là  lé  mois  lunaire  périodique  ; 
mais  si  Ton  compte  le  mois  lunaire  en  prenant  le  soleil  pour 
point  de  départ,  comme  le  soleil  aura  marx^hé  pendant  la 
révolution  delà  lune,  ce  second  mois,,  que  Ton  appelle 
synodique ,  sera  plus  long  de  deux  jours  et  quelques  mi- 
nutes» 

La  lune  nous  réfléchit  la  lumière  du  soleil  et  n'émet  point 
de  lumière  propre.  On  appelle  lumière  cendrée  celle  réflé- 
chie par  notre  globe  sur  son  satellite ,  qui  permet  souvent 
de  voir  une  portion  de  la  lune  qui  n'est  point  éclairée  par 
le  soleil.  Les  montagnes  de  la  lune  sont  visibles  à  l'œil  nu 
et  elles  le  deviennent  plus  encore  avec  un  télescope.  Les 
astronomes  ont  mesuré  les  plus  élevées  ;  il  s'en  est  trouvé  6 
au  dessus  de  6,800  mètres  et  22  au  dessus  de  4,800  mètres; 
cette  dernière  hauteur  est  celle  du  Mont-Blanc.  Toutes  ces 
montagnes  sont  formées  par  des  soulèvements  ;  toutes  ont 
la  forme  da  très-grands  cratères  annulaires ,  et  l'on  a  cru 
longtemps  qu'il  y  avait  encore  dans  la  lune  des  volcans  en 
activité.  Le  célèbre  Herschell  a  partagé  cette  opinion ,  qui 
était  la  suite  d'une  illusion  d'optique.  On  n'a  jamais  aperçu 
de  nuages  à  la  surface  de  notre  satellite  ,  et  jamais  il  n'a 
donné  lieu  à  aucun  ph^omène  de  réfraction  annonçant 
une  atmosphère  de  quelques  milliers  de  mètres.  Son  air  at- 
mosphérique ne  s'élève  pas  à  une  Ueue.  C'est  un  astre  mort, 
incapable  de  servir  de  théâtre  à  des  vies  telles  que  notre 
physiologie  terrestre  les  conçoit,  si  peu  ambitieuses  que 
puissent  être  ces  existences.  Il  n'y  a  donc  point  d'habitants 
dans  la  lune.  On  s'est  demandé  si  notre  satellite  devait 
être  considéré  comme  une  comète  arrêtée  dans  son  mouve- 
ment par  la  terre ,  ou  s'il  fallait  accepter  en  entier  la  théo- 
rie de  La  Place.  Tout  milite  en  faveur  de  cette  dernière 
opinion ,  que  l'étude  de  la  terre  confirme.  Il  est  naturel , 
d'après  la  loi  des  analogies ,  d'admettre  que  la  lune  a  pos- 
sédé des  liquides  et  une  atmosphère  :  nous  devons  penser 
par  suite  que  ses  gaz  et  ses  eaux  ont  disparu  par  ab- 
sorption chimique,  en  servant  à  former  des  oiides  et  des 
sels  à  sa  surface. 


ou  SIÈCLE.  109 

La  lune  nous-  présente  toujours  le  même  c6té ,  et  Ton  a 
fait  de  nombreuses  suppositions  sur  celui  que  nous  ne  voyons 
pas.  Aucune  d'^es  n'a  conduit  a  un  résultat  utile  ou  spé- 
cieux. Envisagée  sous  un  autre  point  de  vue,  la  lune  nous 
fournit  des  preuves  curieuses  de  la  solidarité  qui  relie  tous 
les  faits  de  la  création,  et  qui  rattache  Thomme  et  sa  venue 
sur  la  terre  à  Thistoire  géologique  du  globe. 

Cet  énorme  aérolithe  destiné  à  vivre  sans  habitants,  a 
des  montagnes  très-différentes  des  nôtres  :  des  soulève- 
ments de  même  nature  ont  pu  leur  donner  naissance;  elles 
peuvent  avoir  et  elles  ont  leurs  analogues  parmi  les  monta- 
gnes de  notre  globe  ;  mais  cette  terre  n'a  jamais  eu  ses 
Taliées  labourées  par  les  orages  et  par  les  torrents ,  et  les 
mers  n'ont  roulé  leurs  galets  ni  sur  ses  collines,  ni  même 
sur  ses  parties  affaissées.  Chez  nous ,  au  contraire ,  une  des- 
tination d'une  autre  espèce ,  une  appropriation  tout-à-fait 
différente  donnait  au  résultat  du  refroidissement  de  la  cris- 
tallisation et  des  soulèvements ,  im  caractère  de  nécessité 
absolue  et  de  prévision,  ou,  ce  qui  revient  au  même ,  de 
conséquences  logiques  :  de  nécessité ,  puisqu'il  était  le  pro- 
duit de  lois  immuables  ;  de  prévision  ou  providentiel,  en 
ce  qu'il  élevait  au-dessus  des  mers  des  surfaces  considéra- 
bles, dessinant  à  grands  traits  les  vallées  et  le  cours  des 
eaui ,  et  surtout  en  ce  qu'il  plaçait  au-dessus  de  la  sphère 
d'action  de  la  chaleur  intérieure  du  globe ,  des  glaciers  pres- 
qu'aussi  vieux  que  les  dernières  montagnes ,  sources  inta- 
rissables qui  devaient  alimenter  les  grands  bassins  de  notre 
planète  et  fournir  plus  tard  des  moyens  de  transport  aux 
produits  miniers  et  forestiers  des  montagnes-,  aux  produc- 
tions agricoles  et  manufacturées  des  vallées. 

C'est  ainsi  que  l'existence  d'une  atmosphère  longtemps 
diargée  d'immenses  vapeurs  entrahiait  à  sa  suite  la  forma- 
tion de  mers,  de  vallées,  de  fleuves  et  de  ces  terrains  dé- 
posés par  les  mers  et  par  les  grands  lacs ,  dans  lesquels 
l'homme  trouve  de  si  importantes  ressources  pour  les  be- 
soins de  sa  vie.  Ajoutons  la  possibilité  d'un  règne  végétal 
et  d'un  règne  animal  dont  la  lune  est  dépourvue  ;  la  for- 
mation de  grands  canaux  naturels,  et  plus  tard  la  création 
4e  canaux  pour  le  transport  des  produits  et  le  passage 

5* 


HO  PHILOSOPHIE 

cVune  mer  à  l'autre  avec  rétablissement  de  villes  d'entrepôts 
destinées  à  résumer,  à  l'embouchure  de  chaque  grand  fleuve, 
le  commerce  et  l'industrie  des  contrées  qu'il  parcourt  et 
qu'arrosent  ses  afOiuents.  Ces  observations  ne  sont  pas  sans 
importance ,  puisqu'elles  rattachent  la  mission  de  1  homme 
et  ses  travaux  sur  le  globe  au  plan  d'ensemble  de  l'univers. 


BOLIDES,  ÉTOILES  FILANTES,  AÉROLITHES, 


On  pense  généralement  aujourd'hui ,  sans  en  avoir  de 
preuves  satisfaisantes  et  suffisamment  scientifiques,  qu'au- 
tour du  soleil  se  meuvent ,  comme  les  planètes  que  nous 
venons  d'étudier,  d'autres  planètes  bien  plus  petites,  au 
nombre  desquelles  les  bolides ,  les  pierres  météoriques  et 
les  étoiles  filantes,  en  décrivant,  comme  les  premières,  des 
sections  coniques. 

Quoique  l'on  ait  établi  des  différences  entre  les  étoiles 
filantes  et  les  bolides ,  il  n'y  en  a  pas  d'essentielles.  Les  bo- 
lides considérables ,  accompagnés  de  détonations,  de  fumée 
et  d'un  fort  dégagement  de  lumière ,  et  ces  corps  plus  pe- 
tits ,  les  étoiles  filantes ,  qui  se  dessinent  sur  l'aznr  du  ciel 
comme  la  lumière  d'un  feu  d'artifice ,  ne  sont  peut-être  que 
le  même  phénomène  dans  des  conditions  différentes. 

A  diverses  reprises  l'on  a  mesuré  la  prodigieuse  rapidité 
des  bolides,  des  étoiles  filantes  et  des  aérolithes,  mais  l'on 
n'a  rien  pu  établir  de  précis  sur  leur  formation. 

Leur  composition  chimique  a  été  soigneusement  étudiée. 
On  a  relevé  avec  soin  tous  les  récits  qui  les  concernent , 
mais  il  reste  encore  à  la  science  beaucoup  d'études  à  faire 
dans  cette  direction.  Quelques-uns  de  ces  météores  ont  dé- 
veloppé à  la  surface  de  la  terre  la  prodigieuse  vitesse  de  12 
li^es  par  seconde.  On  a  cru  remarquer  plusieurs  fois  que 
ces  corps  se  montraient  à  plus  de  200  lieues  au-dessus  de 
la  terre.  Dans  diverses  circonstances  ils  ont  donné  lieu  à 


W  8IÈGLB.  111 

une  véritable  pluie  de  pierres.  Il  en  tomba  plus  de  4,000  en 
1802,  dans  le  département  du  Haut-Rhin,  et  en  1805,  plus 
de  300  dans  le  département  de  l'Orne.  En  1833,  dans  la 
nuit  du  12  au  13  novembre ,  on  en  observa  un  si  grand 
nombre  à  Boston ,  <}ue  pendant  un  quart  d*heure  le  direc- 
teur de  rObservatou*e  ne  put  les  compter  ;  mais  le  phéno- 
mène ayant  diminué  d'intensité ,  il  en  put  numérer  650  en 
18  minutes.  D'après  le  calcul  d'Arago ,  il  dut  en  tomber 
cette  fois  ,  pendant  7  heures  que  dura  ce  phénomène,  au 
tnoins  240,000. 

En  comparant  avec  soin  les  époques  auxquelles  ont  eu 
lieu  ces  chutes  d'étoiles  filantes ,  on  a  remarqué  qu'elles  se 
représentaient  surtout  deux  fois  Tan,  l'une  du  12  au  14  no-- 
Tembre,  l'autre  du  9  au  14  août  ;  il  y  a  cependant  une  au- 
tre époque,  celle  des  10  derniers  jours  d'avril,  dans  laquelle 
les  pluies  d'aérolithes  sont  communes.  On  a  signalé  aussi 
la  période  du  6  au  12  décembre  ;  d'où  cette  conclusion  que 
les  grandes  chutes  d'étoiles  filantes  sont  périodiques.  Jus- 
qu'à ce  jour  elles  se  sont  montrées  indépendamment  de 
toute  circonstance  locale  ;  cependant  leur  apparition  coïn- 
cide souvent  avec  des  aurores  boréales. 

Probablement  ces  myriades  d'astéroïdes  f(H*ment  deux 
anneaux  contigus  qui  coupent  l'orbite  terrestre  ou  qui  s'en 
rapprochent  beaucoup  ;  mais  la  théorie  de  ces  anneaux  est 
trop  récente  pour  n'être  pas  encore  fort  obscure.  On  a  re- 
marqué ,  non  pas  une  précession ,  mais  un  retard  dans  l'ap- 
paritioD  des  grandes  époques  des  chutes  de  ces  météores  : 
on  ne  sait  s'il  faut  l'attribuer  à  une  létrogradation  ou  à 
une  oscillation  de  l'anneau  formé  par  les  aéroUthes,  oscilla- 
tion qui  modifierait  le  point  où  l'orbite  terrestre  est  coupé 
par  le  plan  de  ces  bohdes. 

II  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  deux  apparitions  an- 
nuelles d'étoiles  filantes  soient  aussi  remarquables  que  celles 
de  1799  et  de  1833.  Olbers  a  prophétisé  pour  1867,  du  12 
au  14  novembre ,  le  premier  retour  de  ce  grand  phénomène 
où  les  étoiles  filantes  et  les  bolides  tombent  du  ciel  comme 
des  flocons  de  neige.  Qui  vivra  verra.  De  Humbold  suppose 
qoe  les  observations  anciennes  prouveront  la  rétrogradation; 
il  cite  à  cette  occasion  une  apparition  d'étoiles  filantes  si- 


112  PHIEOSOPHIB 

gnalée  dans  les  annales  de^  l'église  dB  Prague ,  sous  la  date 
du  21  octobre  1366  (ancien  style),  et  il  se  demande  si  celte 
apparition ,  qui  fût  tpès-remarquable ,  ne  correspond  pas  à 
celles  qui  signalent  aujourd'hui  la  mi-novembre. 

En  général,  le  7  février  et  le  12  mai,  le  soleil  perd  de- son 
éclat  et  de  sa  chaleur.  Le  12  mai  correspond  à  ces  jours  de 
saint  Mamert ,  saint  Pancrace  et  saint  Gervais,  que  le  peu^ 
pie  appelle  des  jours  froids.  Quelquefois,  comme  en  iêSi  , 
l'obscurcissement  du  soleil  a  duré  plusieurs  jours,  et  le-  re- 
froidissement consécutif  a  été  très-sensible.  On  attribue 
maintenant  ce  phénomène  au  passage  des  deux  anneaux 
d'aérolithes ,  doù  proviennent  les  principales  pluies  de 
pierres  qui  tombent  sur  notre  globe  ;  et  en  effet,  le  7  février, 
les  étoiles  filantes,  qui  étaient  en  opposition  au  moi&d^aotft, 
se  trouvent  en  c<>njonctiott  avec  le  soleil.  Il  en  est  de  même 
pour  les  dates  de  mai  et  de  novembre;  elles  correspondent 
probablement  aux  oppositions  et  aux  conjonctions  des  boli- 
des qui  forment  le  second  anneau. 

Les  personnes  qui  acceptent  encore  la  croyance  au  ciel  so- 
lide', nous  donnent  des  pierres  météoriques  une  singulière 
explication  :  —  «  Ce  sont,  nous  dit  de  Humbold  (157),  les 
»  pères  de  l'Eglise  qui  ont  transmis  au  moyen  Age  l'idée 
))  d'une  voûte  de  cristal  ;  ils  l'avaient  prise  au  pied  de  la 
»  lettre  et  renchérissaient  encore  sur  1  idée  primitive  ;  ils- 
»  imaginaient  un  ciel  de  verre  formé  de  8  à  10  couches  su- 
»  perposées  à  peu  près  comme  les  peaux  d'un  oignon. 
»  Cette  conception  singulière  s'est  même  perpétuée  dans 
»  certains  cloîtres  ie  l'Europe  méridionale.  —  Si  j'ai  bien 
»  compris  le  propos  que  me  tenait  un  vénérable  prince  de 
))  l'Eglise,  au  sujet  du  fameux  aérolithe  VAigU^  dont  on 
»  était  alors  vivement  occupé,  cette  prétendue  pierre  re— 
»  couverte  d'une  croûte  vitrifiée  n'était  point  la  pierre  elle- 
»  même ,  disait-il  à  ma  grande  surprise ,  mais  un  simple 
i)  fragment  du  ciel  do  cristal  qu'elle  avait  dû  briser  en  tom* 
»  bant.  » 


BU  OàCLE  lis 


MARS. 


EnYiion  deux  fois  plus  éloignée  du  soleil  que  la  terre , 
cette  planète  a  des  années  doubles  des.  nôtres.  Les  jours 
et  les  nuits  s'y  succèdent  à  peu  près  comme  sur  notre 
globe ,  puisqu'elle  tourne  sur  elle-même  en  24  heures  1/3  ; 
mais  elle  est  près  de  six  fois  plus  petite  et  n'a  pas  de  sa- 
tellite. Tandis  que  la  distance  de  la  terre  au  soleil  ne  yarie 
guère  que  d'un  million  de  lieues,  celle  de  Mars  peut  varier 
de  plus  de  cinq  millions  de  lieues  ;  c'est  par  l'étude  de  cette 
planète  que  l'illustre  Kepler  est  arrivé  à  la  détermination 
des  lois  qui  régissent  les  mouvements  dés  corps  de  notre 
système. 

Deux  taches  très-brillantes  se  font  remarquer  aux  deux 
pèles  de  Mars  ;  celle  du  pôle  sud  paraît  surtout  considéra- 
ble. On  a  reconnu  qu'elle  augmentait  en  hiver  et  diminuait 
du  contraire  en  été ,  ce  qui  fait  supposer  qu'elle  est  due  à 
des  glaces  semblables  à  celles  de  notre  terre.  Le  soleil  ne 
tran^net  à  cette  planète  que  le  tiers  de  la  lumière  qu'il 
Dous  accorde.  La  hauteur  et  la  densité  de  l'atmosi^ère  de 
Mars  doivent  apporter  des  modifications  d'un  autre  ordre  à 
sa  surface,  et  compenser,  d'après. Arago,  l'absence  de  lune 
ou  de  satellite.  Il  s  en  faut  beaucoup  cependant  que  les^  lu- 
oes- aient  été  créées  pour  éclairer  leurs  planètes  respectives. 
Si  la  previdence  avait  voulu  s'en  servir  dans  ce  but ,  elle  eut 
Irouvé  moyen ,  par  une  autre  disposition  très-simple ,  d'ar- 
river à  ce  résultat;  il  suffisait,  pour  y  parvenir,  de  mettre 
à  Torigine  notre  lune  en  opposition  avec  le  soleil,  dans  le 
plan  noémede  Técliptique,  aune  distance  de  la  terre  égale  à 
la  centième  partie  de  la  distance  de  la  terre  au  soleil ,  et  de 
donner  à  la  lune  et  à  la  terre  des  vitesses  parallèles  et  pro- 
pctflioiuielles  à  leurs  distances  de  cet  astre.  Alors  la  lune, 
sans  cesse  en  opposition  avec  le  soleil,  eut  décrit  autour 


114  PHILOSOPHIE 

de  lui  une  ellipse  semblable  à  celle  de  la  terre  ;  les  deux 
astres  se  seraient  succédé  Tun  à  Tautre  sur  rhorison,  et 
comme  à  cette  distance  la  lune  n'est  pas  éclipsée,  sa  lu- 
mière aurait  constamment  remplacé  celle  du  soleU.  Ainsi 
pensait  La  Place.  Pour  nous,  la  question  est  d'un  autre  or- 
dre ,  elle  appartient  à  Tembryogénie  des  planètes  et  à  leur 
développement  sous  Tinfluence  de  la  gravitation  sidérale. 
Reste  à  savoir  encore  si  la  providence  n'a  point  employé  les 
satellites  dans  un  autre  but ,  si  en  même  temps  qu'ils  ont 
été  le  résultat  de.  plusieurs  centres  d'attraction  dans   la 
même  zone  de  matière  cosmique,  au  sein  de  l'ancienne  né- 
buleuse solaire,  ils  n'auraient  pas  eu  pour  mission  de 
soustraire  à  leur  planète  des  corps  qui  eussent  pu  détruire 
la  vie  à  leur  surface.  On  peut  aussi  dire  des  lunes  ou  sa- 
tellites ,  ce  que  nous  dirons  plus  loin  de  certaines  séries 
animales  :  que  ce  sont  des  efforts  de  la  nature  qui  n'ont  pas 
abouti ,  qui  sont  restés  sans  conclusion ,  comme  un  témoi- 
gnage de  la  marche  qu'elle  a  suivie  dans  les  modifications 
imprimées  à  la  matière. 


PLANÈTES  TELESCOPIQUES. 


Vesta ,  Junon ,  Cérès  et  Pallas  sont  des  planètes  que  le 
télescope  seul  permet  d'examiner.  Ce  ne  sont  pas  les  seules 

fdanètes  télescopiques ,  mais  nous  croyons  qu'il  faut  laisser 
es  autres  aux  ouvrages  spéciaux.  Leurs  orbites  se  cou- 
pent ;  deux  de  ces  orbites  dévient  beaucoup  du  zodiaque. 
Ces  planètes  ne  sont  pas  rondes;  elles  ont  des  faces  angu- 
leuses, et  passent  toutes  par  le  même  point,  exactement 
comme  si  elles  étaient  les  fragments  d'une  plus  grosse  pla- 
nète brisée  dans  ce  même  point  de  l'espace.  Vesta  n'a  pas 
l'aspect  que  présente  un  disque  ;  on  la  croit  à  91  millions 
de  lieues  du  soleil  ;  elle  met  5  ans  S  mois  à  faire  sa  révo- 
ution,  Junon  est  plus  ronde  ;  elle  a  275  lieues  de  diamètre  ; 


DU  SIÈCLB.  115 

sa  réToIution  dure  4  ans  et  4  mois  ;  sa  distance  du  soleil 
est  d'environ  102  millions  de  lieues.  Cérès  a  été  décou- 
verte en  1801  ;  son  diamètre  n*est  pas  connu.  HerscheU  Ta 
éialué  à  50  lieues ,  et  Schrœter  à  475 ,  ce  qui  semblerait 
{ffouver  qu'elle  a  la  forme  d'un  fragment  et  que  ces  deux 
astronomes  ont  mesuré  des  diamètres  différents.  Sa  révolu- 
tion dure  4  ans  et  demi.  Sa  distance  du  soleil  est  d'environ 
106  millions  de  lieues  ;  elle  possède  une  atmosphère  que 
Ton  croit  très-élevée.  D'après  les  mesures  de  Schrœter, 
cette  atmosphère  aurait  au  moins  376  Ueues  d'épaisseur. 
PaUas,  découverte  en  1803,  aurait,  d'après  Herschel,  501 
lieues  de  diamètres  et  700  d'après  Schrœter.  Son  orbite 
est  très-allongé;  sa  révolution  dure  4  ans  7  mois  et  11 
jours;  elle  est  blanche  et  très-difficile  à  apercevoir;  sa  dis- 
tance du  soleil  est  de  106  millions  de  lieues.  Tout  an- 
nonce qu'elle  a  la  forme  d'im  fragment ,  et  les  mesures 
différentes  de  son  diamètre  confirment  cette  opinion. 


JUPITER. 


Jupiter  est  la  plus  grosse  des  planètes.  C'est  la  plus  bril* 
lante  après  Vénus,  quelquefois  même  elle  la  surpasse  en 
éclat,  ^n  diamètre,  dans  le  sens  des  pôles,  est  au  diamètre 
équatorial  dans  le  rapport  de  15  à  14.  Sa  rotation  sur  son 
aie  est  excessivement  rapide;  elle  s'accomplit  en  9  heures 
33  minutes ,  ce  qui  doit  donner  aux  vents  de  l'équateur, 
e'est-à-dire  à  ceux  qui  correspondent  à  nos  vents  aUsés , 
une  vitesse  extrême.  Sa  révolution  autour  du  soleil  a  lieu 
en  12  ans.  Sans  doute  qu'il  éprouve  des  phases  comme 
Mercure  et  Vénus ,  mais  sa  grande  distance  ne  permet  pas 
de  les  observer.  Son  volume  est  1,470  fois  plus  considéra- 
ble que  celui  de  la  terre ,  mais  sa  densité  est  à  peu  près 
quatre  fois  moindre  ;  d'où  cette  conclusion  que  Jupiter  ne 
Fenferme  que  les  plus    légères  des  substances  que  Ton 


116  PHILOSOPHIE 

trouve  à  la  surface  de  la  terre ,  ou  que  cette  planète  est 
une  sphère  creuse.  Ces  deux  suppositions  ne  sont  pas  sans 
probabilité  ;  Tune  et  l'autre  pourraient  être  vraies.  Le  so- 
leil parait,  de  Jupiter,  cinq  fois  plus  petit  que  de  la  terre  ; 
la  distance  de  ces  astres  est  de  200  millions  de  lieues  ;  le 
diamètrede  Jupiter  est  de  54,680  lieues  ;  Tinclinaisonde  son 
axe  sur  son  orbite  est  à  peu  près  un  angle  droit,  soit  79,45. 

Jupiter  possède  quatre  lunes  ou  satellites  ;  elles  se  meu- 
vent dans  im  orbite  qui  est  à  peu  près  le  plan  de  Téqua- 
teur  de  cette  planète.  Comme  notre  lime ,  ces  satellites 
présentent  toujours  la  même  face  h  leur  planète.  Les 
éclipses  de  ces  satellites  n'ont  jamais  lieu  d'orient  en 
occident,  d'où  cette  déduction  que  ces  lunes  marchent, 
comme  toutes  les  planètes  de  notre  système,  d'occident  en 
orient.  Elles  ont  fourni  le  moyen  de  déterminer  la  vitesse 
de  la  lumière ,  et  sont  d'une  grande  utiUté  pour  la  déter- 
mination des  longitudes^ 

Avec  un  bon  télescope,  l'on  aperçoit  à  la  surface  de 
lupiter  des  bandes  brillantes  que  l'on  considère  comme 
des  nuages  transportés  par  les  vents.  Leur  vitesse ,  d'après 
les  observations  d'Herschell ,  pourrait  aller  jusqu'à  six 
mille  mètres  par  minute.  Le  corps  de  la  planète  paraît  brun. 
Les  nuits  de  iupiter  sont  courtes  et  à  peu  près  constam- 
ment égales  aux  jours ,  dont  la  moyenne  est  d'environ 
cinq  heures.  Jupiter  reçoit  du  soleil  vingt  fois  moins  de 
chaleur  que  nous ,  mais  les  nuages^  que  l'on  voit  à  sa  sur- 
face le  protègent  contre  la  déperdition  que  notre  terre  su- 
bit. La  variation  des  saisons  y  est  insensible ,  le  soleil  se 
trouvant  toujours  presque  perpendiculaire  au  plan  de  son 
orbite  ;  par  cette  même  raison  ,  la  chaleur  qui  lui  arrive  du 
soleil  est  aussi  profitable  que  possible  à  son  bien-être. 

Les  êtres  qui  habitent  cette  planète  ont  nécessairement 
une  constitution  physique  très-différente  de  la  nôtre,  à 
cause  des  vents  si  rapides  et  de  la  pesanteur  des  corps  que 
la  grande  masse  de  la  planète  rend  bien  plus  considérable. 
Nous  ne  sommes  encore  ni  assez  avancés  en  civilisation , 
ni  assez  raisonnables  pour  que  nous  nous  permettions  ici 
de  décrire  les  généralités  de  leurs  conditions  d'existence. 
Toutefois  personne  n'ignore  que  la  lumière  seule  produit 


DU  SliCLB.  117 

les  bdles  colorations ,  et  que  les  animaux  et  les  plantes  de 
Jupiter  sont  mal  éclairés  ;  personne  n'ignore  que  les  vents 
assez  rapides  pour  parcourir  six  mille  mètres  en  une  mi- 
nute, ou  100  mètres  par  seconde,  ont  une  vitesse  prodi- 
gieuse par  rapport  à  notre  terre.  Peu  de  coloration  chez  les 
animaux,  une  transpiration  bien  moins  facile  que  chez 
nous,  quoique  fortement  excitée  par  le  mouvement  de 
Tatmosphère,  un  air  beaucoup  plus  lourd  à  respirer, 
voilà  des  éléments  différents  qui  doivent  réagir  sur  les  for- 
mes. U  faut  encofe  que  les  animaux  de  Jupiter  diffèrent 
des  nôtres  sous  le  rapport  des  moyens  de  station.  Que  de- 
viendraient notre  girafe,  notre  chameau,  notre  cheval, 
dans  une  atmosphère  aussi  fortement  agitée  ?  ne  seraient- 
ils  pas  entraînés*  par  des  alises  si  rapides  ?  La  matière  ani- 
male a  donc,  dans  Jupiter,  d'autres  formes  donnant  moins 
de  prise  et  susceptibles  de  s'accrocher  plus  fortement  au 
sol.  Rien  qu'en  s'abandonnant  aux  vents  ordinaires,  si  cette 
planète  possède  des  bêtes  volantes ,  ses  oiseaux  pourraient 
en  199  de  nos  jours  faire  le  tour  de  leur  monde,  même  en 
supposant  qa'ûs  se  reposassent  la  nuit. 

Aller  plus  loin  dans  cette  voie,  ce  serait  entrer  tout- 
à-fait  dans  le  domaine  du  roman  scientifique.  Nous  évite- 
rons donc  de  chercher  à  résoudre  les  questions  suivantes  : 
Quels  ont  dû  être  les  phénomènes  géologiques  de  Jupi- 
ter? Quelles  ont  été  ses  conditions  de  refroidissement? 
Quels  sont  ses  éléments  de  production  et  de  conservation 
de  chaleur?  Quelle  est  la  hauteur  probable  de  son  atmo- 
sphère ?  Quel  est  le  poids  minimum  d'un  mètre  cube  de 
cette  atmosphère  à  la  surface  du  sol  ?  Quelles  modifications 
peut-il  résulter  de  sa  densité  pour  des  branchies  et  des 
poumons  ?  Que  penser  de  la  combustion  des  corps  à  la  sur- 
face de  cette  planète  ?  Que  supposer  sur  la  production  et  la 
propagation  de  la  lumière  et  de  la  chaleur  ?.... 

Et  cependant  un  jour  viendra  que  toutes  ces  questions 
seront  en  parties  résolues,. Si  nous  habitions  l'une  de  ces 
planètes  qui  tournent  autour  de  Fun  des  soleils  les  plus 
voisins  du  nôtre,  Jupiter  serait  invisible  même  avec  nos 
instruments  les  plus  perfectionnés,  ou  nous  paraîtrait  comme 
ie  conapagnon  très-pflle  de  notre  soleil. 


118  PHILOSOPHIE 


SATURNE. 


De  mèipe  que  nous  verrons  l'homme  résumer  dans  sa 
vie  fœtale  les  vies  antérieures ,  de  même  Saturne  résume 
dans  son  état  actuel  les  principaux  phénomènes  des  trans- 
formations qui  ont  eu  heu  dans  les  bandes  ou  zones  cos- 
miques abandonnées  par  le  soleil  à  leur  action  spontanée. 
Il  est  à  lui  seul  une  série  complète  dans  la  série  solaire 
dont  il  forme  le  neuvième  élément ,  si  Ton  compte  pour 
un  terme  les  anneaux  qui  nous  donnent  les  aérolithes.  Cet 
astre  possède  sept  satellites  et  un  anneau.  Cet  anneau  est 
double.  Le  demi  diamètre  intérieur  du  plus  petit  aurait , 
selon  Herschell ,  33,000  lieues  ;  le  demi  diamètre  extérieur 
du  plus  grand  en  aurait  55,000  :  la  largeur  totale  des  deux 
anneaux  serait  donc  de  12,000.  Ces  anneaux  tournent  sur 
leur  axe  en  10  heures  39  minutes  16  secondes,  exactement 
comme  le  ferait  un  satellite  qui  aurait  pour  orbite  leur  cir- 
conférence moyenne.  Arago  pense  que  les  anneaux  de  Sa- 
turne n'ont  pas  plus  de  100  heues  de  largeur.  Ces  corps  si 
intéressants  sont  composés  de  substances  sohdes  ;  le  plus 
extérieur  est  le  moins  brillant,  l'autre  n'a  pas  le  même 
éclat  dans  toute  sa  largeur.  Le  diamètre  moyen  de  Saturne 
étant  d'environ  39  mille  Ueues,  il  en  résulte  que  la  partie 
voisine  du  second  anneau  en  est  encore  à  plus  de  8,000 
lieues.  Evidemment ,  lors  de  la  formation  de  Saturne ,  si 
les  anneaux  n'avaient  été  saisis  et  solidifiés  par  le  refroi- 
dissement ,  ils  eussent  donné  naissance  soit  à  un ,  soit  à 
deux  satellites.  Leur  peu  d'étendue  s'expUque  très-bien  par 
leur  mode  de  formation  ;  ils  devaient  être  beaucoup  plus 
étendus  et  former  deux  larges  nappes  lorsqu'ils  se  trou- 
vaient à  l'état  de  vapeur  gazeuse. 

Un  fait  très-curieux,  c'est  que  le  plus  grand  diamètre 
de  Saturne  ne  se  trouve  pas  à  l'équateur.  Cette  planète 


BU  SIÈGLB.  119 

semble  avoir  été  produite  par  la  révolution  d*un  rectangle 
à  angles  arrondis.  Son  diamètre  maximum  fait  avec  l'autre 
un  angle  de  45  degrés  20  minutes.  Quelle  est  la  cause  de 
cette  forme  ?  Herschell  a  voulu  l'expliquer  par  l'attraction 
de  l'anneau,  mais  il  est  difficile  de  comprendre  sa  dé- 
monstration ;  il  serait  plus  naturel  de  supposer  que  l'anneau 
eût  dû  rendre  au  contraire  le  diamètre  équatorial  plus  con- 
sidérable que  les  autres.  Nous  trouvons  une  explication 
plus  simple  de  ce  fait  dans  le  même  refroidissement  très- 
prompt  qui  a  saisi  à  la  fois  les  anneaux  et  la  planète  ,  de 
telle  sorte  que  tout  est  resté  dans  le  statu  quo  sans  pouvoir 
passer  à  la  transformation  qui  devait  suivre  cette  forme 
temporaire.  En  d'autres  termes ,  le  froid  aurait  produit 
dans  Saturne  un  arrêt  de  développement.  Quant  à  l'éclat 
plus  remarquable  de^  parties  inférieures  de  l'anneau  in- 
terne ,  il  doit  tenir  à  la  plus  grande  densité  de  ses  parties , 
et  cette  plus  grande  densité  a  été  la  conséquence  naturelle 
de  la  pesanteur. 

Le  volume  de  Saturne  est  887  fois  plus  considérable 
que  celui  de  notre  globe  ;  mais  cette  planète  ne  pèse  ce- 
pendant que  cent  une  fois  plus  que  la  nôtre,  ce  qui  prouve, 
comme  pour  Jupiter,  qu'elle  est  creuse  ou  composée  d'élé- 
ments plus  légers  que  la  terre,  ou  peut-être  la  vérité  de 
ces  deux  suppositions.  Il  est  très-difficile  de  supposer  que 
cette  planète  n'ait  pas  une  écorce  solide ,  et  cependant  sa 
•fensité  moyenne  n'est  que  de  0,56.  En  supposant  une 
tcoree  dont  la  densité  serait  2,  24,  c'est-à-dire  plus  légère 
que  le  feldepatb ,  le  quartz  et  le  mica ,  il  en  résulterait  3/4 
de  creux  ;  en  admettant  une  écorce  dont  la  densité  serait 
1,  12,  c'est-à-dire  presque  celle  de  l'eau  ,  la  moitié  de  la 
planète  serait  encore  à  l'état  de  creux  ,  remplie  par  des  va- 
leurs qui  devront  se  condenser  un  jour  si  elles  ne  le  sont 
pas  dès  maintenant.  Ces  considérations  sur  la  genèse  de 
Sttume  ne  sont  pas  sans  importance  ;  elles  conduisent  à 
étudier  une  partie  de  la  science  qui  ne  l'a  pas  été  suffi- 
samment ,  et  nul  doute  qu'elles  n'amènent  un  jour  soit 
directement,  soit  indirectement,  à  donner  l'explication 
d'une  forme  qui  n'a  pas  d'analogues  connus  dans  la  série 
des  planètes. 


120  PHILOSOPHIE 

La  distance  de  Saturne  au  soleil  est  de  S56  minions  de 
lieues;  sa  rotation  se  fait  en  10  heures  un  quart;  sa  révo- 
lution sidérale  dure  29  ans  et  demi. 

La  lumière  de  Saturne  est  bien  moins  intense  que  celle 
de  l'anneau ,  ce  qui  peut  tenir  à  une  atmosphère  dont 
l'anneau  serait  dépourvu.  Sa  surface  présente  de  grandes 
bandes  blanches  semblables  à  celles  de  Jupiter,  mais  plus 
difficiles  à  apercevoir  ;  elles  sont  aussi  plus  variables. 
Celles  du  jour  difierent  de  celles  du  lendemain  ;  elles  re- 
présentent probablement  des  nuages  chargés  de  vapeur  ou 
de  neige.  Les  régions  polaires  varient  d'éclat  :  éclairées 
longtemps  par  le  soleil ,  elles  deviennent  moins  blanches , 
ce  qui  smblerait  indiquer  une  fusion  sous  l'influence  de 
cet  astre. 

Les  satellites  de  Saturne  se  meuvent  dans  le  plan  de  son 
équateur  ;  à  l'exception  du  septième ,  qui  s'en  écarte  sen- 
siblement. S'ils  étaient  plus  visibles ,  ils  pourraient  servir, 
comme  les  satellites  de  Jupiter,  à  nos  usages  astronomi- 
ques. Le  septième  ne  fait  qu'un  tour  sur  lui-même  pen- 
dant la  durée  de  sa  révolution  ;  probablement  qu'il  en  est 
ainsi  des  autres.  La  vitesse  de  l'anneau ,  qui  est  celle 
qu'aurait  un  satellite  placé  à  la  partie  moyenne,  ajoute 
singulièrement  à  cette  présomption  ;  mais  nous  ne  savons 
pas  encore  pourquoi  les  planètes  qui  se  sont  produites  dans 
les  anneaux  ou  zones  de  matière  cosmique  abandonnées 
par  le  soleil,  sont  animées  d'un  très-rapide  mouvement  sur 
elles-mêmes  en  tournant  autour  du  soleil ,  aux  dépens  du- 
quel elles  se  sont  formées  ;  tandis  que  les  planètes  secon- 
daires ou  satellites  conservent  le  mouvement  qu'avaient  les 
anneaux  qui  les  ont  précédées ,  ne  faisant  qu'une  seule  ré- 
volution sur  elles-mêmes  en  parcourant  leur  orbite  autour 
de  l'astre  dont  elles  sont  émanées. 

Cette  question ,  comme  bien  d'autres ,  laisse  entrevoir  sa 
solution ,  et  die  ne  résistera  pas  longtemps  aux  investiga- 
tions de  la  science. 


BU  SIÈCtB.  121 


URANUS. 


Iranas,  ou  Herschell ,  est  à  737  millions  de  lieues  du  so- 
leil. Soo  diamètre  est  d'environ  13,600  lieues,  ou  4  fois 
et  quart  celui  de  la  terre.  Son  volume  est  77  fois  et  demie 
eelui  de  notre  globe;  il  pèse  19,  8  fois  plus  que  la  terre. 
Sa  densité,  plus  considérable  que  celle  de  Saturne,  est  de 
1. 35,  celle  de  l'eau  étant  un.  Sa  révolution  dure  environ 
85  ans  et  un  mois.  On  ignore  la  durée  de  sa  rotation  ;  l'on 
ignore  aussi  l'inclinaison  de  son  axe  sur  son  orbite.  Sa  mar- 
che est  de  93  lieues  par  minute.  On  lui  a  reconnu  deux  sa- 
tellites et  l'on  croit  en  avoir  aperçu  quatre  autres. 


NEPTUNE. 

Neptune ,  ou  Leverrier,  termine  la  série  des  planètes  de 
Q&tre  système  solaire.  Ce  corps,  très-peu  connu,  parcourt, 
^it-oo,  son  ellipse  en  79,403  jours ,  ce  qui  fait  plus  de  316 
mées  terrestres. 


SÉRIE  PLANÉTAIRE. 


Les  planètes  que  nous  venons  d'étudier  forment  un  en- 
^mble  de  corps  analogues ,  une  série  composée  de  deux 
Joupes,  c'est-à-dire  que  toutes  possèdent  des  caractères 
^jQiffluns  à  la  série ,  des  caractères  moins  tranchés  parti- 
liliers  au  groupe  dont  elles  font  partie ,  et  des  caractères 
•^•éciaux  qui  constituent  leur  individualité.  Leurs  caractè- 


122  PHILOSOPHIE 

res  généraux  tiennent  à  leur  origine.  Ce  sont  :  l""  de  se 
mouvoir  dans  des  courbes  planes ,  dont  les  rayons  vecteurs 
décrivent  autour  du  soleil,  placé  à  l'un  des  foyers,  des 
aires  proportionnelles  au  temps  ;  2**  de  parcourir  des  ellipses 
presque  semblables  à  des  cercles,  par  suite  des  rappro- 
chements de  leurs  foyers  ;  5"*  d'accomplir  leurs  révolutions 
dans  des  temps  dont  les  carrés  sont  proportionnels  aux 
cubes  des  grands  axes  des  orbites.  Si  la  loi  de  Bode ,  sur 
les  distances  des  planètes  au  soleil ,  n'est  point  parfairement 
exacte  ;  si  Mercure ,  Vénus  et  la  Terre  lui  donnent  un 
démenti,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'elle  possède  un  de- 
gré d'approximation  suflSsant  pour  mériter  d'être  signa- 
lée comme  reliant  encore  les  planètes  les  unes  aux  autres. 
Ainsi  donc,  la  communauté  d'origine  et  la  solidarité  de 
fonctions ,  voilà  les  deux  faits  qui  caractérisent  surtout  la 
série  planétaire. 

Si  l'on  considère  les  planètes  télescopiques  comme  un 
groupe  intermédiaire  formant  une  zone  de  séparation ,  les 
planètes  les  plus  rapprochées  du  soleil  seront  intérieures 
et  les  autres  extérieures.  Les  planètes  intérieures  jouissent 
de  propriétés  analogues  ;  elles  tournent  sur  leurs  axes  dans 
des  temps  presqu'égaux,  qui  se  rapprochent  pour  chacune 
du  jour  terrestre.  Elles  sont  médiocrement  aplaties  aux 
pôles,  de  grandeur  moyenne,  d'une  densité  à  peu  près 
cinq  fois  plus  grande  que  l'eau ,  à  l'exception  de  Mercure , 
qui  pèse  environ  quatorze  fois  plus ,  si  toutefois  Ton  ne 
s'est  pas  trompé  dans  l'évaluation  de  sa  densité  ou  pesan- 
teur spécifique*  Les  planètes  extérieures  sont  énormément 
plus  grosses  et  beaucoup  moins  denses.  Leur  aplatissement 
aux  pôles  est  plus  considérable ,  leur  rotation  au  moins 
deux  fois  plus  rapide  ;  ajoutons  que  leurs  satellites  sont  nom- 
breux ,  et  remarquons  bien  que  les  transitions  brusques  qui 
existent  entre  les  diverses  termes  de  ces  deux  groupes  n'ex- 
cluent pas  la  généralité  des  règles  secondaires  auxquelles 
chaque  groupe  se  trouve  soumis.  Ainsi  la  vitesse  de 
rotation  augmente  de  Mercure  à  Neptune  avec  la  durée  de 
la  révolution  autour  du  soleil;  tandis  que  la  densité 
marche  en  sens  inverse,  mais  sans  régularité  géomé- 
trique. 


BU  SIÈCLE.  1S3 


DES  COMETES. 


La  famille  des  comètes  se  sépare  de  celle  des  planètes 
par  des  caractères  tout-à-fait  tranchés.  Les  comètes  ne  par- 
courent point  des  ellipses  presque  circulaires ,  mais  des  el- 
lipses tres-aUongées ,  quelquefois  même  des  paraboles ,  de 
telle  sorte  qu'elles  peuvent  venir  se  chauffer  aux  rayons  de 
notre  soleil  pour  disparaître  à  jamais.  Leurs  inclmaisons 
varient ,  et  beaucoup  s'en  faut  qu'elles  appartiennent  à  ces 
plans  très-rapprochés  dans  lesquels  se  meuvent  le  soleil  et 
les  astres ,  ses  satelUtes  ;  elles  peuvent  avoir,  par  rapport  à 
ce  plan ,  toutes  les  inclinaisons  possibles.  On  appelle  noyau 
leur  point  central ,  qui  est  la  partie  la  plus  lumineuse ,  et 
chevelure ,  la  nébulosité  qui  les  environne.  Il  est  de  ces 
chevelures  en  forme  de  queue  dont  la  longueur  a  pu  dé- 
passer 10  millions  de  myriamètres  :  aussi  est-il  permis  de 
croire  que  certaines  comètes  abandonnent  sans  cesse  de  la 
substance  gazeuse  à  l'espace  éthéré.  Les  astronomes  ont 
dressé  un  catologue  des  comètes  étudiées  ;  mais  il  ne  ren- 
ferme pas  la  description  de  180  trajets  de  ces  astres  si  nom- 
breux dans  le  ciel. 

La  comète  de  Halley  est  la  première  dont  on  ait  annoncé 
la  périodicité  et  prédit  le  retour.  Son  histoire  présente  ce 
fait  remarquable ,  que  Glairant  annonça  que  ce  retour  se- 
rait retardé  de  618  jours  par  l'action  de  Jupiter,  ce  qui  se 
vérifia.  Depuis  lors ,  la  comète  de  1770  ,  la  comète  d'Encke 
ou  à  courte  période ,  la  comète  de  six  ans  trois  quarts  ou 
de  Biela ,  la  comète  de  1845  et  celle  de  Paye ,  ont  eu  le  pri- 
vilège, entre  toutes  les  autres ,  d'intéresser  non-seulement 
les  astronomes ,  mais  encore  le  public  éclairé. 

Arago ,  plus  que  tout  autre ,  s'est  occupé  des  questions 
qui  concernent  les  comètes  ;  il  a  dit  leur  variabilité  de  for- 
mes ,  décrit  leurs  anneaux  et  leurs  queues ,  prouvé  qu'elles 
empruntent  au  soleil  une  grande  partie  de  leur  lumière, 


194  PHILOSOPHIE 

sans  établir  toutefois  qu'elles  n'aient  aucune  lumière  pro- 
pre. Il  a  démontré  par  A  plus  B  qu'elles  n'exercent  aucune 
action  sensible  sur  le  cours  des  saisons;  qu'il  n'y  a  pas  de 
probabilité  qu'elles  puissent  venir  heurter  la  terre  ;  que  no- 
tre globe  n'a  jamais  été  choqué ,  au  moins  fortement ,  par 
l'un  de  ces  astres  ;  que  la  terre  a  pu  passer  par  la  queue 
d'une  comète  sans  en  ressentir  d'influence  appréciée.  Arago 
établit  encore  <jue  les  brouillards  secs  de  1782  et  1831 
n'ont  pas  été  produits  par  des  queues  de  comètes ,  et  que 
la  lune  non  plus  n'a  jamais  été  choquée  par  un  de  ces  as- 
tres. Tout  en  acceptant  qu'une  énorme  comète  puisse  en- 
lever la  terre  à  sa  position  et  l'entraîner  à  sa  suite  comme 
un  satellite,  il  prouve  l'invraisemblance  d'un  fait  sem- 
blable ;  il  établit  enfin  que  la  comète  de  1680  n'a  pas  pro- 
duit le  déluge  signalé  par  Moïse  et  les  livres  sacrés  de 
l'Orient ,  et  que  le  choc  aune  comète  n'a  point  subitement 
changé  les  latitudes  des  divers  points  de  notre  globe. 

Nous  renvoyons  aux  intéressants  écrits  d'Arago  tous 
ceux  qui  désirent  d'autres  renseignements  sur  ces  nom- 
breuses questions  ;  pour  nous,  c'est  surtout  à  un  autre  point 
de  vue  que  nous  nous  occupons  du  ciel.  Nous  savons  que 
le  système  dont  nous  faisons  partie  est  peu  variable ,  qu'il 
oscille  autour  d'un  état  moyen ,  et  nous  avons  foi  dans  sa 
stabilité ,  comme  nous  avons  foi  aussi  dans  la  grandeur  des 
lois  qui  gouvernent  les  mondes. 

D'où  viennent  les  comètes  ?  voilà  par  où  nous  eussions 
désiré  commencer  et  par  où  nous  regrettons  de  ne  pouvoir 
finir.  Sur  cette  question,  rien  ne  nous  éclaire,  et  nous 
n'aurions  à  présenter  que  de  vagues  hypothèses. 


DES  ETOILES  FIXES. 


Il  y  a  deux  mille  ans  qu'Hypparque  déterminait  la  posi- 
tion de  1,080  étoiles.  Parmi  les  astres  qui  forment  les 
constellations  dont  cet  astronome  et  d'autres  savants  do 


BU  SIÈCLE.  1S5 

l'antiquité  nous  ont  laissé  la  description ,  il  en  est  quelques- 
uns  qui  ont  singulièrement  changé  d'éclat  ;  d'autres  ont 
disparu  peut-être  pour  toujours  ;  d'autres  se  sont  éclipsés 
pendant  un  temps,  tandis  qu'il  est  des  étoiles  nouvelles 
qui  ont  apparu  dans  le  ciel. 

L'intensité  des  lumières  célestes  a  donc  des  variations 
qui  peuvent  tenir  à  des  causes  très-différentes  les  unes 
des  autres. 

L'étoile  du  pied  de  devant  du  Bélier  était,  au  temps 
d'Hypparque,  une  étoile  remarquable  ;  elle  n'est  plus  au- 
jourd'hui que  de  quatrième  grandeur.  L'étoile  Alpha  de 
Cassiopée,  autrefois  plus  brillante  que  Béta^  est  aujour- 
d'hui moins  lumineuse.  Le  10  octobre  1781 ,  W.  Herschell 
aperçut  la  cinquante-cinquième  d'Hercule  placée  sur  le  col 
de  la  constellation,  et  remarqua  qu'elle  était  rouge.  Le  il 
avril  1783,  il  l'aperçut  de  nouveau  et  la  nota  comme  une 
étoile  ordinaire  ;  le  24  mai  1791 ,  il  n'en  restait  plus  aucune 
trace.  Sinus ,  l'une  des  plus  brillantes  des  étoiles  du  ciel , 
était  rougefttre  il  y  a  1900  ans.  Ces  variations  dans  l'inten- 
sité lumineuse  des  astres  qui  embellissent  nos  nuits ,  ont 
été  pour  les  astronomes  une  source  d'études  nouvelles.  On 
s'est  demandé  s'il  n'y  aurait  pas  quelque  chose  de  régulier 
dans  l'apparition  et  la  disparition  de  certains  d'entre  eux , 
et  la  question  a  bientôt  été  résolue  pour  plusieurs. 

En  1639^  Holwarda  reconnut  que  l'Omicron  de  la 
Baleine  était  périodiquement  visible  et  invisible  :  on 
sait  aujourd'hui  que  le  temps  qui  s'écoule  entre  deux 
disparitions  successives  de  cet  astre  est  de  531  jours.  Le 
Khi,  du  Cygne,  visible  pendant  484  jours,  disparaît  pen- 
dant 90  ;  pour  d'autres  étoiles,  la  lumière  s'affaiblit,  dé- 
croît rapidement  et  reparaît  ensuite  ;  quelquefois  ces  pha- 
ses sont  assez  rapides  pour  ne  durer  que  quelques  jours. 

On  a  formé  deux  classes  des  étoiles  variables  :  dans  l'une 
on  a  placé  toutes  celles  qui  le  sont  réellement  ;  dans  la  se- 
conde, celles  sur  lesquelles  on  a  des  doutes. 

On  s'est  épuisé  en  conjectures  sur  les  motifs  de  la  varia- 
tion d'intensité  des  étoiles.  Le  tort  des  savants  a  été  de  tout 
vouloir  expliquer  par  une  seule  cause,  là  où  il  y  avait  pro- 
bablement des  phénomènes  très  -  différents.   Bouillaud  a 

6 


136  PHILOSOPHIE 

rendu  compte  de  la  disparitîoQ  de  certaines  étoiles,  en  les 
considérant  comme  d^  (^orps  lumineux^dans  une  partie  de 
leur  surfaiQ6.y  obscar$».dana  le.oeste,  lei. doués  d'tn  mouve- 
ment de.rotdiion  aDtoi}r>die  Wvfn  de  leurs  diaaièitres. 

Il  est  d>utre&.  étoilq^  qiui.^i>tidoiil)le3'eii qui  tournent 
autour]  .l!up.e  ide  loutre  :  qoelquefoid  eltes/90«t  ileoouleur 
diffé^ent^•  ;  Tu^fte  -ee|.wi«fcQh^  et  brillante  oukleua ,  Kautre 
est  rouge  ^  et  li^ur  vaise  inomen^s^acooDiplit  silencieuse- 
ment à>.tf;avep;^:l6$4i espaces  sans* bonie6r4oiU  l-a&tradainio 
seule  .noui»  atrévélé  IfifiipiinK  Xa^scienoea,  démontré^' «dans 
ces  de^er$,te«r]|psHi  que.siiTiVK^ considère  ^^mme  fixeixplus 
intensQ dedeux' étoile»^ dowWe? ,  Tai^tire  décrit lautour d'elle 
une  courba  qui  esiiun^  ellipse  véritable  L#;  gnuidid.loi  de 
la  gravitation >S0  tfQuiv:edonc'iadttâi  ratifiée. ;par  les  j^héno- 
mènes  qui:$e  pas^enV  sous  nos.  yeux  et  par 'Ceuxrdont  les 
études  les  plu^  proicasdes  et.les  inôtrumente  les  plus  parfaits 
nous  donni^i^t , seuls  connaissance.  Les  étoiles  doubles  ou 
multiples  fentraJnent  .peut-être  à.  Uup  suite  des' cortèges  de 
planètes  et.de^  lunes  jnvi3U)l6s  à  nos  f«âbles  yeum^  même 
armés,  des.  plt^  p^issanits.téjlâ^iipes;.  mais  ie  ceHatre  de 
leurs  mouveipentdsetrouvedans  un  espace  qui  parait  vide, 
occupé  seulement  par  de  la  matière  cosmique  ou  fàc  un 
corps  obscur.  Il  ne  s'enstjûtpas  eependadat  qu'il  n'existe 
aucune  analogie  enire.  ces  corps  et  ceux  de  notre  syatême 
solaire. 

Le  temps  que  la  lumière -met  à  nous  venijf  des  étoiles, 
nous  est  un  gage  de  leur  éloignement:  il  faut  9  ans  un 
quart  à  un  rayon  lumineux  parti  de  la  soixante^n2ième 
du  Cygne,  pour  arriver  jusqu'à  la  teirre.  lia  lumière  des 
étoiles  viaibles  avec  le  télescope  de  10  pieds  met  au.  moins 
mille  ,ans  à  traverser  les  espaces  pour  se  montrer  à  nous  ; 
d  autres  étoiles  mettent  au  moins  2,700  ans  à  nous  mani- 
fester leur  clarté,  et  parmi  les  nébuleuses,  il  en  est  qui 
mettent  des  e^ntaine&  de  milliers  d'années  et  même  des 
millions  d'années  à  nous  faire  parvenir  leur  lumière. 

Il  y  a  donc  des  étoiles  et  des  corps  brillants  dans  le  ciel, 
qyi  ont  changé  de  place  depuis  longtemps ,  qui  ont  changé 
d'aspect  et  de  forme ,  qui  se  «ont  évanouis ,  qui  sont  morts 
peut-être  quand  leur  lumière  parait  à  des  astres  naissants 


DU  SI*C1E.  127 

et  à  des  astres  vieillis ,  sang  qne  Ton  puisse  le  moins  du 
monde  apprécier  quelle  quotité  du  ciel  cette  lumière  a  par- 
eounie.  En  présence  û'xme  semblable  immensité ,  que 
l'homme ,  que  les  lieares ,  que  les  anhées ,  que  la  vie  hu- 
fflaifl»,  qu^la:  vie'Msialei;  que  la  vie  du  globe  terrestre  lui- 
même  so«t  peu -"db'cliKme!  fîMais  qtïelle  est  grande  cetto 
prisée  par  laqueHe  Cieu  a  përaris  (^ue  ses  enfants  com- 
prissent ^ekfqe  peu  les  merveilles  d^  ses  œuVres  ! 

Ptasièuré  géetoètre»  èiilîessayé  de  mesurer  les  intensités 
relatives  de  W»  lumière  tifl  feole*!  et  de  celle  de  diverses 
étoilefe./Hert^hell  a  tntmvé  que 'l'éclat  de  rétéfle  Alpfea  du 
Centaure  est 'tin  peu -plus  quedenHedè  l^clat  du  soleil. 
WoHasiofi  pensbit  quel  Téclat  de  Sytius  était  ^  Ms  plus 
cottsMérable  que*  eeter  de  Fastre  qm  nous  éclaire  ,  ce  qui 
le  rangerait  dans  utie  'eatégorîe  assez  isecondafre. 

La  ecAileur  des  étoiles  offre  de  grandes  variations  :  Syrius, 
qui-étdit  autrefois  une  étoile  tonge,  est  devenu  une  étoile 
Manche.  Quelques  étmks  sont  jaunes  :  ainsi  Béta  de  la 
Petite-Ourse.  D*airtres  passent  du  blanc  au  rouge  :  c'est  c<' 
que  Vùn  a  d)servé  pour  Alpha  de  la  Croix.  Une  autre  étoile 
de  la  «onslellalioii  d'Argo  varie  non-*senlement  de  couleur, 
mais  d'édtat.  Herschell,  qui  s'en  est  beaucoup  occupé,  fit 
à  la  suite  de  scm  voyage  au  Cap,  ulh  catalogue  de  70  étoiles 
de  septième ,  huitième  et  neuvième  gaudeur,  toutes  d'un 
rouge  de  rubis.  Il  y  a  aussi  des  étoiles  bleues  :  Eta ,  de  la 
Lyre ,  est  une  étoile  bleue.  Dans  beaucoup  d'étoiles  dou- 
bles, l'mie  est  blanche  et  l'autre  bleue,  quelquefois  toutes 
les  deux  ont  la  coloration  bleue  ;  d'autres  sont  vertes  ou 
bleues-veniatres.  Jusqu'à  présent  les  astronomes  n'ont  for- 
mé «uoiine  hypothèse  sur  la  source  de  la  coloration  diffé- 
rente des  étmles ,  mais  riei)  n'établit  qu'elle  ne  puisse  être 
ni  soupçonnée  ni  déootsverte. 

D'ffffUres  variations  ne  sont  pas  moins  curieuses.  Tycho- 
brahé  nous  a  signalé  «me  étoile  nouvelle  qui  a  été  visible 
enviFon  17  mois  dans  la  constellation  de  Cassiopée.  Après 
avoir  été  Tétoiie  la  plus  brillante  du  ciel,  elle  changea  de 
couleur,  perdit  peo  à  peu  son  éclat  et  disparut.  Les  ob- 
servations des  Chinois  signalent  une  vingtaine  d'étoiles  qui 
n'ont  en  qu'un  éclat  de  courte  durée.  D'autres  étoiles  su- 


128  PHILOSOPHIE 

bissent  des  variations  périodiques  que  Tobservatiou  a  pu 
constater;  d'autres,  après  avoir  augmenté  d'éclat,  présen- 
tent des  variations  régulières  peut* être,  mais  dont  la  loi, 
nous  est  encore  inconnue. 

Les  nébuleuses  sont  ces  lumières  diffuses  que  Ton  re- 
marque dans  toutes  les  parties  du  ciel.  Elles  résultent 
d'une  collection  prodigieuse  d'étoiles  que  l'ceil  et  les  faibles 
instruments  ne  peuvent  distinguer,  ou  encore  elles  peuvent 
être  quelquefois  le  produit  d'un  amas  d'une  matière  diffuse 
qui  serait  lumineuse  par  elle-même.  Beaucoup  de  nébuleu- 
ses stellaires^  après  avoir  résisté  à  des  grossissements  de 
50,  de  100,  de  lôO  et  de  300  fois,  se  décomposent  en 
étoiles  distinctes  quand  on  les  examine  avec  un  télescope 
d'un  pouvoir  grossissant  de  mille.  Les  nébuleuses  stel- 
I aires  varient  dans  leurs  formes;  cependant' elles  ont  en 
général  l'aspect  d'un  anneau  elliptique;  mais  cet  aspect 
n'est  qu'une  ap[)arence ,  et  c'est  ainsi  que  la  fcHrme  sphé- 
riquo  doit  se  montrer  à  nos  yeux.  On  en  remarque  qui 
n'ont  point  de  contours  réguliers  ;  on  en  voit  qui  paraissent 
comme  un  anneau  brillant  obscur  au  centre  ;  d'autres 
ressemblent  à  des  éventails,  à  des  aigrettes,  à  des  lignes 
droites,  etc.,  etc. 

Des  appréciations  ailssi  exactes  que  possible  dans  l'état 
actuel  de  nos  connaissances ,  portent  à  penser  qu'une  nébu- 
leuse ,  grande  en  apparence  comme  le  dixième  de  la  lune , 
ne  contient  pas  moins  de  20,000  étoiles.  Ces  immenses 
agglomérations  d'astres  ne  sont  pas  uniformément  répan- 
dues dans  toutes  les  régions  du  ciel  ;  en  général,  elles  sont 
distribuées  par  couches. 

Les  nébuleuses  diffuses  affectent  toutes  les  formes,  et 
présentent  souvent  comme  des  points  de  condensation. 
Ticho-Brahé ,  Kœpler,  et  d'autres  astronomes  avant  et  de- 
puis eux,  ont  considéré  ces  immenses  amas  de  matière 
cosmique  comme  le  lieu  de  formation  de  nouveaux  systèmes 
solaires.  Herschel  a  fait  plus ,  il  a  démontré  la  possibilité 
et  la  probabilité  de  formations  semblables ,  et  si  nous  pou- 
vions reproduire  ici  les  belles  leçons  d'Arago,  dans  V An- 
nuaire du  Bureau  des  Langiludesei  dans  son  cours  de  l'Obser- 
vatoire, ces  propositions  seraient  pour  tous  vérités  acquises. 


BU  SIÈCLE.  129 

De  Htimbold  a  écrit  sur  la  question  qui  nous  occupe  on 
ce  moment,  et  sur  la  position  dans  le  ciel  de  notre  système 
solaire,  quelques  passages  intéressants  par  lesquels  nous 
croyons  devoir  terminer  cette  partie  de  notre  travail. 

«  Il  a  fallu,  dit  ce  savant,  recourir  à  des  hypothèses  plus 
ou  moins  vraisemblables  sur  les  diverses  grandeurs  des 
éloiles  et  sur  leur  nombre  relatif,  c'est-à-dire  sur  leur 
accumulation  plus  ou  moins  marquée  dans  les  espaces 
égaux  que  circonscrit  le  champ  d'un  télescope  donné,  arnui 
toujours  du  ménae  grossissement ,  pour  évaluer  Tépaisseur 
des  couches  ou  des  z6nes  qu'elles  constituent.  Aus^i  est-il 
impossible  d'attribuer  à  ces  aperçus ,  quand  il  s'agit  d'en 
déduire  les  particularités  de  la  structure  des  cieux  ,  lo. 
même  degré  de  certitude  auquel  on  est  parvenu  dans  l'é- 
tude des  phénomènes  particuliers  à  notre  système  solaire , 
ou  dans  la  théorie  des  mouvements  apparents  ou  réels  des 
cùrps  célestes  en  général ,  ou  même  dans  la  détermination 
des  révolutions  accomplies  par  les  étoiles  composantes  d'un 
système  binaire  autour  de  leur  centre  commun  de  gravité. 
Cette  partie  de  la  science  du  cosmos  ressemble  aux  époque:^ 
fabuleuses  ou  mythologiques  de  l'histoire.  Toutes  deux  re- 
montent, en  effet,  à  ce  crépuscule  incertain  où  viennent 
se  perdre  les  origines  des  temps  historiques  et  les  limites 
de  Tespace  que  nos  mesures  cessent  déjà  d'atteindre.  Alors 
l'évidence  commence  à  disparaître  de  nos  conceptions ,  et 
tout  invite  l'imagination  h  chercher  en  elle-même  une 
forme  et  des  contours  arrêtés  pour  ces  apparences  confuses 
qui  menacent  de  nous  échapper. 

»  Mais  revenons  à  notre  comparaison  entre  la  voûte  cé- 
leste et  une  mer  parsemée  d'îles  et  d'archipels  ;  elle  aidera 
à  mieux  saisir  les  divers  modes  de  répartition  des  agré- 
gats isolés  que  forme  la  matière  cosmique  de  ces  nébuleii* 
ses  non  résolubles,  condensées  autoui*  d'un  ou  de  plusieurs 
centres,  portant  en  ell^mëme  l'indice  de  leur  antiquité  ; 
de  ces  amas  d'étoiles  oa  de  ces  groupes  sporadiques  dis- 
tincts qui  présent^iit  des  traces  d'une  formation  plus  récente. 
L'amas  d  étoiles  dont  nous  faisons  partie ,  et  que  nous 
pourrions  appeler  ainsi  une  île  dans  f  univers ,  forme  une 
couche  aplatie ,  lenticulaire ,  isolée  de  toutes  parts  ;  on  es- 


130  PHILOSOPHIE 

time  que  son  grand  axe  eU  égal  à  sept  ou  huit  cents  fois 
la  distance  de  Syrius  à  la  terre  ,  et  le  petit  axe  à  cent  cin- 
quante de  ces  unités.  Quant  à  la  grandeur  absolue  de  l'u- 
nité dont  il  s'agit,  pour  s'en  former  une  idée,  on  peut 
supposer  qaoiU.I«tPaa«eide<8y»(as4ïôi*âïJa$^^oint  celle 
do  la  brillante  du  Centaure  :  dans  ce  cas ,  la  lumière  em- 
ploierait trois  années  à  parcourir  la  distance  qui  nous  sé- 
pare de  Syrius.  D'après  les  admirables  travaux  de  Bessel , 
sur  In  paraltaxe  de-la  'soixaflte-unfenipe 'du!G|fgnèi  étoile 
dont  le  môuvoiûent  propre  condidévabte  Mdiaitsmipçotmer 
la  proxiiûtté,  un  rayon  Itmïîneut;  ^rtl^<ie  cet  ditre  ne  peut 
arrirfer  jusqu'à  nous,  qu'après  nmi  ans  et  un  qulirt." 

»  Notmàma&'d'étôilee,  dont  l^ép«»isifteur  estrelatiVêimeiït fai- 
ble, sepArt;ag€i  en  detisbrahèhes^surunitiers  Jenvîrôn  de  son 
étendue  :  on  pense  que  le  «ystêine  solaire  y  estsiwé  excen- 
triquement,  non  loin  du  point  de  pafrtâge,^lus  prèa  de  la  ré- 
gion où  brille  Sjtîus  que  de  la  c(m$tell^tion  de  l'Aigte,  et 
presqu'au  milieu  de  la  c«»uçhe  dans  lô  sens  desonépmsseur. 

»  Nous  l'avons  dit  plus  haut;  c'esT  eii Jaugeant  systéma- 
tiquement le  ciel ,  c'est  en  comptant  les  étoiles  contenues 
dons  le  champ  invamUe  d^un  télescope  dirigé  successive- 
ment vet*s  toutes  les  régions  de  l'espace ,  que  Ton  est  par- 
venu à  fixer  ainsi  la  place  de  notre  systêmo  solaire ,  à  dé- 
terminer la  forme  et  les  dimensions  de  l'amas  lenticulaire 
d'étoiles  dont  il  fait  partie.  En  effet,  si  les  nom^b^es  plus 
ou  moins  grands  d'étoiles  que  renferment  des  espaces 
égaux  »  varient  en  raison  de  l'épaisseur  même  de  la  couche 
dans  chaque  direction ,  ces  nombres  doivent  donner  la  lon- 
gueur du  rayon  visuel ,  sonde  hardiment  jetée  dans  les  pro- 
fondeurs du  ciel,  lorsque  le  rayon  attekil  le  fond  de  la 
couche  stellaire  on  plutôt  sa  limite  extérieure ,  car  il  ne 
peut  être  question  ici  ni  de  haut  ni  de  bas.  Dans  le  sen»du 
grand  axe ,  le  rayon  visuel  doit  rencontrer  les  étoiles  éche- 
lonnées suivant  cette  direction*,  en  beaucoup  plus  grand 
nombre  que  partout  ailleurs.;  les  étoiles  sont,  en  effet, 
fortement  condensées  dans  ces  régions ,  et  comme  réunies 
dans  une  nuance  générale  qu'on  peut  comparer  à  une 
poussière  lumineuse.  Leur  ensemble  dessine  sur  la  voûte 
céleste  une  zone  qui  paraît  l'envelopper  complètement.  » 


BU  SIÈCLE.  131 


FORHA'TION  MIT  SYSTÉtfB  SOlAtRfli 

'        .     t    .  »    •' 


Up,  jpMir.mi  n'esA  pas  éloigné.^  l'histoire  rnâveraello  se 
compose^,  oet  tD()Â$  grmads  .Uvres  c  i'uQ  sera*  oonsaoré  à  la 
formation 4u  9y&tê«)0i notoire  ;  leaecond,  à Khisloûre géolo- 
gique duiglob^;  le  troisièiDae V  à  TbistoiDe  des  oivilisations 
qui  ^^,&cmpA. succédées  k  la  suffade  de  la  teere.  La  science 
InQdem^  réunit  jcbaque  jour  l^s  feuillets 'épars'di»' troisième 
de  C9&  Ùyies  >v  elle  dispose. depuis  trente  ans  lef  jalons  au- 
tour fles^els  4$e  grouperont  les  faits  géolo^;iqiuessi  nom- 
breux .e|  si.complexQ^.que  l'on  découvre-  chaque  jour. 
Quaot^  la. genèse  du  systole  solaire,  elle  en  est  encore  k 
l'hjiP(B^ibè$o.de..La  Place  qqi^  yrlileiOu  yraisemblable  eti  son 
poiat  de  départ^  Iaîs$& beaucoup  à  désirer  pour  les  détails  ; 
doù  .cette  conolusioa  que  le  génie  bumain^  avalgré  les 
eiToiçtsi^u, siècle,  s'es4  à  grand'peine  frayé  la  route  quil 
doit  suivre;  il  ressort  ausai  de  ce  qui  précède  que  jusqu'à 
ce  jour  l'on  «'a  pas  très^bien  compris  ce  que  devrait  être 
une  histqire  universelle.  Quoi  qu'il  en  soit  de  Tinsuifisance 
de  rhypotbèse  de  La  Place ,  nous  allons  raconter,  en  nous 
mei^anl  ^  son  point  de  vue ,  les  phases  successives  du  sys- 
tème solaire:  ce  sera  l'un  des  compléQaents.dc  notre  étude 
survies  Tias  sidérales^ 

Aussi  ioin  que  notre  intelUgance  peut  remonter  diuns  les 
infinis  du  passé,  elle  comprend  qu'une  niasse  immense  de 
matière  gazeuse  a  j^  exister  quelque  part  dans  les  espaces 
éthérés  à  côté  de  soleils  naissants  et  de  soleils  éteints , 
semblable ,  dans  sa  mwière  d'être,  ^  'Celles  que  les cieux 
présentent  encore  à  notre  observation.  Cette  masse,  c'était 
renseml>le  de  nos  mondes  subsolaires.  —  L'attraction  réu- 
nit ses  molécules  éparses,  et  de  leur  rapprochement  naqui- 
rent leur  mouvement  et  leur  forme.  Sous  l'influence  des 
deux  forces  attractive  et  centrifuge ,  cette  masse  devint 


132  PHILOSOPHIE 

une  sorte  de  sphère  très-aplalie ,  ressemblant  à  une  meule 
de  moulin.  Tandis  que  la  pesanteur  rapprochait  les  molécu- 
les de  matière  incandescente  et  gazeuse,  déterminant  ainsi 
leur  mélange  et  leur  mouvement  autour  d'un  axe  central 
qui  devait  être  celui  du  soleil ,  la  force  centrifuge,  au  con- 
traire, tendait  sans  cesse  à  les-  écarter  et  à  les  disperser 
dans  l'espace.  —  Le  grand  diamètre  de  cette  masse  était 
nécessairement  plus  considérable  que  la  double  distance 
qui  existe  de  la  planète  Neptune  au  centre  du  soleil,  et 
Ton  s'en  fait  une  idée  en  pensant  que  la  lumière  peut  à 
peine  la  parcourir  en  10  heures,  malgré  sa  vitesse  de  70 
mille  lieues  par  seconde. 

A  chaque  instant ,  des  astres  errants  devaient  la  visiter. 
Malheur  à  ceux  qui  venaient  à  frapper  l'une  ou  l'autre  de 
ses  faces;  arrêtés  dans  leur  marche  par  le  frottement  de 
la  matière  gazeuse  et  comme  accrochés  par  l'attraction  ,  ils 
étaient  nécessairement  entraînés  dans  cet  immense  tour- 
billon et  servaient  à  augmenter  le  volume  de  ce  qui  de- 
vait être  un  jour  le  système  solaire  actuel.  Il  résulte  natu- 
rellement de  ce  qui  précède  qu'il  ne  doit  exister  présente- 
ment dans  notre  système  solaire  que  des  comètes  qui,  avant 
sa  formation ,  se  trouvaient  en  dehors  de- lui.  Mais  comment 
les  planètes  se  sont-elles  produites  ?  On  peut  croire ,  avec 
La  Place,  que  ces  corps  ont  été  formés  aux  limites  succes- 
sives de  l'atmosphère  du  soleil ,  c'est-à-dire  aux  limites 
successives  de  cette  masse  de  matière  gazeuse  que  nous 
venons  de  décrire ,  par  la  condensation  des  zones  qu'en  se 
refroidissant  elle  a  dû  abandonner  dans  le  plan  de  son 
équateur.  Il  est  encore  naturel  de  penser  que  les  anneaux 
(le  Saturne  sont  restés  autour  de  celte  astre  comme  un  té- 
moignage de  la  méthode  employée  par  la  nature  pour  pro- 
duire ée  qui  existe ,  et  que  les  lunes  ou  satellites  se  sont 
formés  aux  limites  successives  des  atmosphères  de  leurs 
planètes,  comme  les  planètes  elles-mêmes  aux  limites  suc- 
cessives de  ralmosphcre  solaire. 

C'est  ainsi  que  1  on  s'explique  le  mouvement  de  tous  ces 
corps  autour  du  soleil  dans  des  plans  peu  différents  de  celui 
lie  l'équateur  solaire,  et  leur  direction  constante  d'Occident 
en  Orient,  de  telle  sorte  que  les  trente-huit  mouvements 


BU  SIÈCLE.  153 

bien  étudiés  de  notre  système  soient  tous  dirigés  dans  le 
même  sens.  C'est  encore  par  ce  mode  de  formation  des  pla- 
nètes et  de  leurs  satellites ,  que  l'on  se  rend  compte  de  la 
forme  presque  circulaire  des  ellipses  qu'elles  décrivent , 
tandis  que  celles  que  parcourent  les  comètes  sont  excessi- 
vemeot  allongées  et  très-diversement  inclinées  sur  le  plan 
de  réquateur  solaire.  Ainsi  s'explique  aussi  cet  anneau 
double  d'astéroïdes  que  l'on  croit  exister  entre  Mars  et  la 
terre,  et  qui  serait  au  soleil  ce  que  sont  les  anneaux  de 
Sdtume  à  cette  planète. 

Si  nous  reprenons  maintenant  )e^  zones  de  matière  cos- 
mique qui  ont  formé  nos  planètes  et  leurs  satellites ,  pour 
étudier  les  faits  généraux  qui  les  concernent,  nous  arrivons 
à  penser  que  ces  bandes  devaient  contenir,  sinon  les.mêmes 
substances,  au  moins  des  mélanges  très-rapprochés  pour 
leur  composition  chimique ,  surtout  dans  les  zones  les  plus 
voisines.  Quelle  que  soit  la  date  de  leur  chute,  quelle  que 
soit  leur  origine ,  en  quelque  pays  qu'elles  soient  tombées, 
les  masses  ignées  connues  sous  le  nom  d'étoiles  filantes 
ont  un  caractère  commun  qu'il  est  impossible  de  mécon- 
naître; elles  ont,  comme  le  remarque  de  Humbold,  les 
mêmes  formes  extérieures,  les  mêmes  propriétés  physiques 
de  la  croûte ,  les  mêmes  modes  d'aggrégation  de  leurs  élé- 
ments, bien  qu'elles  se  divisent  en  deux  classes ,  celle  des 
fers  météoriques  et  celle  des  pierres  à  grains  fins  ou  gros- 
siers. Ce  qu'il  nous  importe  de  remarquer  en  ce  moment , 
c'est  que  les  pierres  tombées  du  ciel  ont  fourni  jusqu'à  pré- 
sent, à  l'analyse  chimique,  du  fer,  du  nikd,  du  cobalt,  du 
manganèse,  du  chrome,  du  cuivre,  de  l'arsenic  ^t  de  l'étain, 
puis  de  la  potasse,  de  la  soude,  du  soufre»  du  phosphore 
et  du  charbon  ;  c'est-à-dire  le  tiers  des.  éléments  connus  des 
divers  minéraux  que  l'on  rencontre  à  la  surface  du  globe. 
Que  ces  bolides  soient  de  petites  planètes  ou  des  fragments 
échappés  à  l'anneau  qui  nous  donne  la  lumière  zodiaca^Ie, 
nous  y  trouvons  la  preuve  des  rapports  de  composition  qui 
doivent  relier  entre  eux  tous  les  corps  du  système  solaire. 

Les  zones  ou  anneaux  gazeux  que  l'atmosphère  solaire  a 
successivement  abandonnés ,  ont  dû  suivre  la  même  mar- 
che dans  leurs  condensations  respectives. 


13i  PHILOSOPHIE 

Tout  d'abord,  chaque  zone  s'est  concentrée  sur  elle- 
même  ,  ou ,  si  elle  n'en  a  pas  eu  le  temps,  si  elle  a  été  trop 
\ite  saisie  pai*  le  refroidissement,  elle  a  dA  donner  nais- 
sance à  un  anneau  ..composé  d'une  infinité  de  pierres  ou 
de  petites  planètes  liées  entre  elles  par  la  gravitation.  C'est 
ce  qui  a.  eu  lieu  pour  celui  qui  existe  entre  les  orbites  de 
Mars  et  de  notre  planète..  Peat-être  ce  fait  s'est-il.  pré- 
senté plusieurs  fois  de  manière  à  donner  naissajuce  à  d  au- 
tres aimeiaux  formés  de  corps  ^lides  placés,  à, j^e  certaine 
distance  Içs  uns  des  autres  ;  mais  une  ipifodiictioq  de  oeUe 
nature  est  somnise  k  trop  de  pectucbatiom  de  la  .p^rt.des 
autres  astres ,  pwr  avoir  de  grandes,  chances  de  durée. 

Lorsque  la  sLCaxe  toute  enlièye  a ^ pu. se  ifémk  en  .une 
seule  masse^  alors  ellc^  a  formé om^  planète  brillante  comme 
le&  étoiles  du  ciel,  environnée  d'une  iosmi^n^  atmosphère. 
Plus  la  masse  de  matière  cosmique  de  qhaquQiZÔne  se 
trouvait  dilatée,  plus  elle  était  éloignée  du  soleil,  plus  il  y 
avait  de  chances  pour  que  la  condensaticdi  ea  un  seul 
corps  n'eut  pas  lieu  ;  plus  il  devenait  logique  ou  que  des 
lunes  se  produisissent  au  moyen  des  anneaux  gazeux  aban- 
donnés par  les  plai^ètes  dans  leur  refroidissement,  ou  que 
ces  anneaux,  conservant  leur  ifo?me  comme  ceux,  de  Sa- 
turne, se  solidifiassent  sur  place  en  conservant  aussi  les 
conditions  d'élasticité  réclamées  par  leurs  .mouvements. 
C*est  ainsi  que  poiy:  chaque  planète  se  répétaient»  mais 
sur  une  échelle  bien  plus  réduite,  les  phénomènes  que 
I  ous  avons  signalés  pour  la  masse  cosmique  du  sjstj&me 
solaire  tout  entier. 

Passons  maiatenant  à  une  période  plus  récente ,  et  puis- 
que toutes  les  piianètes  ont  avec  la  ten^e.  de  grandes  analo- 
gies ,  expliquons ,  par  les  transformations  de  notre  globe , 
celles  qui  ont  dû  avoir  lieu  dans  les  autres. 

A  une  température  de  plus  de  2,000  degrés,  dont  les 
combinaisons  chimiques  de  la  substance  terrestre  suiiisent 
à  rendre  compte,  la  croûte  planétaire  n'existe  pas  encore. 
La  terre  est  alors  une  fournaise  sphéroïdale.  Cependant  les 
premières  couches  du  globe  tendent  à  se  former,  ce  sont 
des  glaçons  de  granit  qui  voguent  sur  une  mer  de  corps 
fondus,  plus  brûlants  que  la  lave  de  nos  volcans.  Au  flux 


DU  SIÈCLE.  155 

et  au  reflux  des  marées ,  ces  glaçons  se  heurtent,  se  cho- 
quent ,  se  brisent ,  et  forment ,  en  9*accumulant ,  des  lies 
incandesceiltes  que  d*aiïtres  nièfréeà' pourront  submerger  et 
détruire.  Les  principaux  corps  appelés  généralement  métal- 
loïdes ,  des  métaax  volatils  ou  rendus  tels  par  leurs  combi- 
naisons chimiques,  devaient 'alors  se  trouvefr  dans  les  airs , 
ainsi  qu'une  grande  partie  de  éet  oîtigène  qui  forme  les  40 
centièmes  *es^  corps  composant  Vécorce  de  la  terre. 
Notre  atmo^hèr^ ,  qui  ne  pèm  atgoùrd'htoi  que  100  kilo- 
grammes par  déeîiWèti*e'c8^rré,  dcfVhit' exërceh  une  ém>rme 
pression  sur  les  trtuches  inférieùrei',  qiS ,  tl'un  autre  tdié , 
se  trouvaient  dilatée  par^'dtte  'tetopéraWitfe  de  plus  de 
1,000  degrés.  A  la^bàste  dé  cette 'cole^nne  se  trouvaient  na- 
turellement fes  cotribtoaisons  les  moins' volatiles,  tandis 
que  les^ régions- Supérieures*  étatettt  occupées  phrdes  gaz 
transpaitents  et  beaucoup  plu&  lé^fers.  De  là ,  deux  couches 
dans  ctette  atmosphère  :  f une 'épaisse  et  nuafgeuse  for- 
mée de  chlorures,  de  broriîurês,  de  sulfures,  d'iodures 
à  bases  diverses-,  l'autre',  plus  transparente?,  composée 
de  vapeur,  d'éau^d'oxigène,  d'hydrogène,  d'azote, 
d'aoide  carbonî^,  excefelveitteiit  dilatés*  par*  la  haute 
tenrpérature  du  foyer  terrestre  et'  par  les  réactions 
chimiques  incessantes  que  devait  produire,  dans  cette 
atmosphère,  le  contact  de  ces  différents  corps  h  des 
températures  excessivement  élevées.  Ajoutez  maintenant 
à  cette  atnaosphère  les  vents  alises  et  les  marées  aérien- 
nes, éomme  moyen  continuel  de  mélwige  et  de  frottement 
des  couches  gazeuses  les  unes  contres  les  autres;  joi- 
piez-y  un  énorme' développement  d'électricité  qui  devait 
sans  cesse  prodm're  des  combinaisons  nouvelles  ou  détruire, 
au  milieu  d'orages  continuels,  lès  combinaisons  déjà  pro- 
duites, et  vous  arriverez  k  conclure  que  le^  couches  supé- 
rieures de  ia  planète  devaient  être  enflammées  et  former 
une  enveloppe  ou  photos|Aère  analogue  k  celle  qui,  du 
soleil ,  lance  dané  les  espaces  et  la  lumière  et  la  chaleur. 
Notre  terre  a  donc  été' un  petit  soleil,  et  son  atmosphère , 
au  Ifeu  de  s'arrêter  à  cette  époque  à  18  ou  20  lieues,  de- 
vait s'étendre  bien  plus- loin  de  son  noyau  opaque.  Nul 
doute  qu'il  n'en  ait  été  ainsi  pour  les  autres  planètes.  Vu 


156  PHiLOsopmE 

des  étoiles  les  plus  rapprochées,  notre  système  a  pu  pa- 
raître autrefois  comme  un  assemblage  de  soleils  plu»  ou 
moins  considérables,  tournant  autour  d'un  soleil  central 
plus  important. 

Ce  qui  précède  n'explique  que  jusqu'à  un  certain  jpoint 
la  lumière  de  Tastre  qui  nous  éclaire  ;  cependant  si  l'on 
considère  qu'il  est  1500  mille  fois  plus  gros  que  la  terre, 
que  son  atmosphère  sombre  est  à  800  lieues  du  noyau 
opaque,  que  sa  pesanteur  spécifique  est  mokidre  que  celle 
de  notre  globe ,  on  arrive  à  conclure  que  la  providence  a 
donné  à  ces  deux  astres  des  destinées  très-diflBérentes ,  et 
par  suite  à  penser  que  la  production  de  la  lumière  et  de  la 
«:haleur  à  la  surface  du  soleil  a  nécessairement  quelque 
chose  de  cette  stabilité  que  nous  admirons  dans  l'orgsoiin 
sation  mécanique  du  système  tout  entier.  Cette  quasi-per^ 
pétuité  ne  s'explique  pas  en  prenant  notre  organisatioii 
de  l'atmosphère  terrestre  pour  type  ;  mais  on  peut  supposer 
telle  composition  chimique  qui  permettrait  aux  oxydes  et 
aux  sels  de  se  décomposer  au  sein  des  nuages,  pour  se  re- 
combiner  de  nouveau  avec  dégagement  de  lumière  et  de 
chaleur.  Cette  hypothèse  ne  conduit  pas  à  admettre  pour  le 
soleil  une  diurée  infinie ,  mais  bien  une  durée  indéfinie  et 
excessivement  prolongée. 

La  croûte  terrestre  a  nécessairement  passé  par  des  états 
successifs  et  progressifs  vers  cette  vie  qui  embellit  sa  sur- 
face ,  et  ce  que  nous  disons  de  la  terre  s*appUque  entière- 
ment aux  autres  planètes.  Après  avoir  eu  2,000  degrés  de 
température,  la  surface  de  notre  globe  n'en  a  plus  eu  que 
1,500,  que  1^000,  que  dûO,  et  son  atmosphère  s'est  abais- 
sée relativement  ;  puis  la  température  est  tombée  à  100  de- 
grés et  au-dessous  de  100  degrés.  Pareille  à  ces  pellicules 
qui  se  produisent  par  le  refroidissement  sur  les  corps  li- 
quides et  qui  donnent  naissance  à  des  cristaux  plus  ou 
moins  variés,  selon  la  nature  des  substances  génératrices, 
l'écorce  de  la  terre  a  subi  divers  degrés  de  constitution 
physique  avant  d'être  solide,  et  bien  d'autres  encore  avant 
de  se  modifier  de  manière  à  devenir,  grâce  à  son  atmo- 
sphère et  a  son  humidité,  le  placenta  naturel  des  organes 
qui  vivent  et  se  développent  à  sa  surface. 


DU  SIÈCLE.  137 

Noos  venons  de  dire  qu'à  l'époque  où  les  roches  ignées 
étaient  encore  semî*liquides,  où  se  cristallisaient  les  gra- 
nits ,  où  se  formaient  les  porphyres ,  les  eaux  ne  pouvaient 
exister  ;  que  d'imn^enses  vapeurs  de  toute  nature  aiou- 
tdient  au  volume  et  à  la  densité  de  l'atmosphère  ;  qu'il  n'y 
avait  ni  mers  ni  verdure ,  mais  des  fies  flottantes  de  matière 
incandescente  et  boueuse  comme  les  laves  récemment  fon- 
dues des  volcans ,  dont  la  chaleur  chassait  au  loin  tout  ce 
qui  était  susceptible  de  se  volatiHser.  Cependant  les  âges 
se  succédaient ,  et  le  refroidissement  du  globe  s^accom- 
plissait  selon  cette  loi  que  le  génie  du  géomètre  Fourier 
nous  a  révélée.  Pressée  au  dehors  par  les  vapeurs  conden- 
sées, rétrécie  au  dedans  par  celles  qui  se  formaient  sur 
bien  des  points,  par  sa  cristallisation  et  son  refroidissement, 
la  croûte  terrestre,  devenue  plus  solide ^  dut  nécessairement 
se  fendre  et  donner  naissance  à  des  soulèvements,  à  des 
anfiractuosités,  source  ultérieure  de  nombreux  volcans:  les 
mers  se  produisirent  alors,  et  dans  leur  sein  se  formèrent 
des  dépôts  insolubles  aujourd'hui  dans  nos  eaux  refroidies , 
e(  sous  la  pression  d'une  atmosphère  don!  la  composition 
chimique  a  totalement  changé.  Telles  ont  été  les  phases 
probables  des  premiers  ftges  des  planètes  du  systèime  dont 
notre  globe  fait  partie. 


158  PHILOSOPHIE 


LIVRE  Ht 


ËTUDB  PRÏfiiOLOGIQUE  DES  EXlâTEKCES  Mt!!«ËflALËS, 
DU  MoçTEareisT  et  pes  çqbcbs  »oTai€Bs. 

La  science,  en  ses  études,  distingue  ordiîlaitetnent entre 
rétat  statique  des  corps  et  Fétat  dynamique.  L*élat  statique» 
ou  d'immobilité  absolue ,  m  peut  être  qu'une  hypothèse 
de  l'esprit»'  L'état  de  mouvement  est  partout  :  dans  les 
corps  que  nous  avons  l'habitude  d'appeler  exclusivemeut 
vivants,  et  même. dans  ceux  que  nous  considérons  comme 
morts;  dan»  eeuxHci  la  tie  existe  toijgours,  mais  sous  des 
formes  diiSévmtes  du  passé.  Les  corps  que  nous  appelons 
inertes  sont  aussi  en  mouvement ,  quoique  leur  vie  sort 
au-dessous  du  0  de  la  vie  animale,  parce  qu'elle  est  relati- 
vement presque  nulle  à  la  première  vue  vis-à-vis  de  la  vie 
des  animaux  et  surtout  vis-à-vis  de  la  vie  de  l'homme. 

Il  n'y  a  pas  de  mouvement  sans  déplacement  molécu- 
laire. La  chaleur,  la  lumière,  Télectricité,  la  sensation  ,  se 
transmettent,  se  meuvent  en  apparence  sans  déplacement 
réel  de  àioléoules ,  et  cependant ,  en  réalité ,  il  y  a  un  dou- 
ble déplacement  :  l'un  tieht  à  un  changement  dans  l'état 
moléculaire  d-une  substance  pondérable;  l'autre  tient  à 
des  vibrations  communiquées  par  la  substance  hypothéti- 
que appelée  éther. 

Je  [iends  un  corps ,  soit  un  boulet  rougi  à  blanc.  Ce 
corps  répand  sa  chaleur  dans  Tespace  :  voilà  un  mouve- 
ment dans  la  substance  éthérée.  Mais  en  se  refroidissant , 
ses  molécules  se  rapprochent  et  produisent  un  mouvement 
moléculaire. 


DU  SIÈCLB.  139 

Je  prends  une  lumière  :  là  où  elle  est  perçue,  elle  Test 
au  moyen  de  vibrations  dans  les  molécules  hypothétiques 
de  Féther;  mais  là  où  elle  a  un  foyer,  un  lieu  de  manifes- 
tation, elle  est  produite  par  des  réactions  moléculaires. 
Dans  l'intérieur  aune  chambre  obscure,  je  place  soit  du 
papier  préparé  exprès ,  spf^  uoe  pViOTe  d'argent  préalable- 
ment iodée,  et  bientôt  fer'putis  tecôhnaître  que  les  vibra- 
tions lumineuses  des  molécules  d'éther  ont  produit  à  la  fois 
la  transmission  d'une  image  et  la  réaction  chimique  qui 
peut  la  reproduire. 

Sj  J9  ^^  pf rçc^^  Tji^triQitié  ^ne>  ligna  ' Ittâgfl^hkiue, 
est-ce  que  cette  électricité  ne  suppose  pas,  d'une  part,  des 
vibrations  élfaéiiées-,  dé  Tftutre  ;'iin  fojisr  de  proSuction  ? 

Si  je  regarde  des  lignes  dans  ce  livre ,  la  sensation  que 
j  éprouve  ne  résultert-eUç  pqç  de  l'action  âeçtro^nerveuse 
d'une  impression  conduite  à  l'organe  cérébro^inteUeciuel 
par  mon  nerf  optique,  conducteur  analogue  aufil  télégra- 
phique? et  maintenant,  ce  centre  cérébro intellectuel 
D'est-3  pas  e9  un.  mouvement  moléculaire  continu  ? 

Pénétrons  au-(lelà,de  l'écorçe  de  la  question  qui  nous 
occupe  :  lorsque  l'air  se  meut ,. pouw|uoi- se  meut-il?  Ou 
bien  il  cède  à  Tat traction. du  soleil  et  dfe  U  lune,. ou  bien 
il  tourne  moins  vite  que  la  terre ,  ou  encoi^e  il  se  déplace 
sous  rin&uence  de  son  augmentation  de  vohime  par  la  cha- 
leur, de  sa  réduction  de  volume  par  le  froid  :  augmenta- 
tion et  réduction  qui  dîmimuent  ou  augmedxtrat  sa  pesan- 
teur. 

Le  mouvement  de  l'air  atmosphérique  est  une  forcé  gra^ 
tuite  donnée  par  la  nature  :  nos  moulins  à  vent  sont  des 
machines  de$tmées  à  emprunter  quelques  bribes  de  cette 
force  gratuite  pouur  les  besoins  de  notre  existence. 

L'eau  qui  s  élève  en  vapeur  à  la  surface  des  laers  et  se 
condense  sur  nos  montagnes,  forme  un  demi-circukt.  Deui 
forces,  l'une  la  pesanteur,  la  seconde  l'adhérence  de  ses 
molécules^  les  unes  pour  les  autres,  la  conduisent  ensuite  à 
la  mer.. Les  roues,  les  turbines,  les  béhers  hydrauliques, 
sont  les  machines  avec  lesquelles  nous  ^vons  emprunté  une 
partie  de  sa  puissance  à  la  force  gratuite  de  cette  grande 
circulation  créée  par  la  nature.  Nos  pères  utilisaient  55  % 


140  PHILOSOPHIE 

de  la  force  qui  agissait  sur  leurs  engins  hydrauliques  ;  nous, 
nous  savons  en  utiliser  le  double  et  même  plus ,  mais  que 
de  forces  gratuites  nous  perdons  mal  à  propos  le  long  de 
nos  fleuves  et  de  nos  rivières! 

L*eau  des  mers ,  dans  son  flux  et  son  reflux ,  est  soumise 
aux  deux  lois  de  la  pesanteur  et  de  l'adhérence  des  molé- 
cules. 

Un  animal  qui  se  meut  est  à  la  fois  un  mouvement 
produit  et  le  premier  rouage  de  la  machine  qui  le  transmet. 
Tout  mouvement  animal  est  dû  à  des  réactions  moléculaires 
accompagnées,  de  mouvement  dans  les  molécules  hypothé- 
tiques de  Téther  répandu  dans  les  nerfs. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  l'homme  possède  trois 
sources  de  forces  motrices  : 

1**  Les  forces  gratuites  données  par  la  nature  ; 
^  Les  animaux  ; 

S®  Les  réactions  moléculaires  qu'il  peut  produire  avec 
les  agents  dont  il  dispose. 

En  fait  de  forces  gratuites ,  l'homme  a  utilisé  jusqu'à 
ce  jour  le  mouvement  de  l'air,  le  mouvement  de  l'eau  et  le 
magnétisme  terrestre,  mais  celle-ci  uniquement  pour  diri- 
ger l'aiguille  aimantée.  Cependant,  si  notre  globe  est  une 
source  inépuisable  de  chaleur  et  de  magnétisme ,  pourquoi 
ne  pourrions-nous  point  parvenir  à  Texploiter?  pourquoi 
les  puits  artésiens,  ces  compléments  de  l'instrument  appelé 
syphon,  n'auraient-ils  pas  leurs  analogues?  Le  paraton- 
nerre, qui  soutire  l'électricité  si  irrégulière  des  nuages, 
n'est  que  le  précurseur  de  deux  autres  instruments  :  l'élec- 
tro-soustireur  et  le  calorico-soustireur,  qui  viendront  avant 
la  fin  du  siècle  promettre  au  monde  des  gloires  nouvelles 
et  un  bien-être  coulant  à  larges  flots.  C'est  avec  une  foi 

f)rofonde  que  je  prends  acte  de  cette  double  prédiction  :  en 
a  lisant ,  le  mot  de  rêveur  pourra  venir  sur  les  lèVres  de 
beaucoup  de  mes  contemporains ,  mais  avant  cinquante  ans 
ce  rêve  sera  réalisé. 

Augmenter  les  jouissances  gratuites  sans  rétrécir  les 
droits  de  l'individu ,  c'est-à-dire  créer  et  développer  des  ri- 
chesses communales  et  les  utiliser  au  mieux  aes  intérêts 
de  tous ,  voilà  le  but  incessant  de  la  religion ,  de  la  philoso- 


BU  SIÈCLE.  141 

phie  et  de  la  science.  Ecrivons  donc  ici  en  gros  caractères  : 
CoiMvnALisME ,  puisque  ce  iqpt  est  si  gros  de  progrès, 
puisqu'il  peut  exercer  sur  Tavenir  une  si  capitale  influence 
au  fur  et  à  mesure  que  nous  aurons  su  comprendre  et  ap- 
pliquer tout  ce  qu'il  renferme* 

Remplacer  les  réactions  moléculaires  qui  se  font  à  cette 
heure  dajns  les  muscles  de  resclave,  du  serf,  du  paria, 
dans  ceui  même  des  animaux ,  réactions  dont  ils  sont  les 
moyens  de  transmissions ,  par  des  réactions  moléculaires 
produites  au  seiu  de  la  nature  ou  créées  par  l'homme  selon 
les  lois  de  la  nature  et  directement  appliquées  à  des  appa- 
reils de  fer,  de  cuivre  et  de  bois  :  Toilà  l'une  des  formes 
du  grand  problême  scientifique  et  social  que  nous  oflre 
l'industrie. 

Dans  nos  ateliers ,  la  chaleur  se  transforme  souvent  assez 
aisément  en  force  ou  en  lumière ,  la  lumière  en  force  ou 
en  chaleur,  la  force  en  chaleur  et  en  lumière;  mais  ces 
transformations  ont  lieu  dans  des  conditions  de  travail  et 
de  dépense  essentiellement  différentes.  De  là  une  science 
importante  :  l'économie.  Il  ne  suffit  pas  de  faire,  il  ne  suf- 
fit pas  de  bien  faire ,  il  faut  arriver  au  mieux  avec  le 
moins  possible  de  frais. 

Toute  dépense  consiste  soit  en  efforts  à  faire ,  c'est-à-dire 
m  travail  ;  soit  en  capital ,  c'est-à-dire  en  efforts  ou  travail 
antérieur  accumulé  et  mis  en  réserve  par  l'épargne. 

L'humanité  a  pour  capital  le  globe  entier  avec  ses  appro- 
priations diverses.  Chaque  nation  a  pour  capital  les  efforts 
qu'elle  a  mis  en  épargne  sous  forme  de  routes  ,  de  canaux, 
de  digues,  d'édifices  et  de  monuments  publics,  d'armes  et 
d'engins  de  toute  nature. 

Le  capital  est  nui  chez  les  peuples  sauvages  ;  'il  com- 
mence à  êtire  quelcjuse  chose  chez  les.  peuples  civilisés.  Rien 
n'est  aussi  sacré  ,  rien  n'est  aussi  respectable  que  le  capi- 
tal, si  ce  n'est  le  travail  ;  mais  il  faut  savoir  s'entendre  sur 
•«  mode  de  distribution  du  travail  accumulé  et  mis  en  ré- 
serve par  nos  pères.  A  côté  de  la  question  scientifique ,  la 
51'ule  dont  nous  nous  occupions  en  ce  moment ,  il  y  a  la 
question  d'héritage,  de  lignée,  de  race,  qui  demande, 
comme  toute  chose  sérieuse,  à  être  studieusement  élaborée. 


143  PHILOSOPHIE 

L'homme  a  eu  d'abord  pour  agents  moteurs  les  es- 
claves et  les  animawi  do))a|fiStiqties  ;  puis  il  a  emprisonné 
les  eamc  et*»f^é  '©ôS-VOTes  sur  Vaction  dn  vent  pour 
obtenir  dds  moteuln^^hrfArttMiqués  et  aériei^y;  pdis  il  a 
songé  à  la  chaleur  qui  produit  de  si  merveilleux  déolace- 
ments;'    •  '■■  -    '  '•'    •'   '  '      '  ''    ''  ^'''  ''■"/  '^ 

L'éolypile  estime  cornue  à  ga(ildtttôs-éttdit,*qM. lance 
un  jet  de  ^v^tpeur  quatid  on  la  chauffe  t  c'est  tine  seringue 
sans  pistow  dans  laquelle  la  ôfealerur  produit  l'effet  An  pis- 
toniel fait  sortir  sous  forttie  *6  liqtfide  où  de  tapent  (à  vo- 
lonté, sêten  la  itfanièr'e  dtot  on  '^  Tait  u^a^e)  ie' liquide' 
renfermé  dans  la  panse.  Vittuve  s'en  est  servi  pour  expli- 
quer l'effet  de  la  chaleiff  dans  la  production'  dès  vents, 
mais  que  d'années ,  que  de  siètîles  même  ehtté  l*invénlion 
de  Féolypile  et  celle  desmachiûes  à  vapeur: 

Nous  passerons  sous.^  silence  les.  recherchée  de  Philibert 
deTOrine,  qui  écrivait  ^*i  iS67  ;  celles  de  Salomoh  de 
Caus  (1616)  ;  les  études  du  marquis  de  Worcester  (1667), 
et  celles  du  chevalier  de  Moï^lahd  (1685),  pour  aitivèr  à 
Denis  Pafpin.  Ce  grand  hi:>mme,  l'un  des  libres  penseurs 
que  persécuta  Intolérance  catholique  de  son  époque,  pro- 
posa d'employer  la  vapeur  soas  un  cylindre  dans  un  piston, 
et  de  la  condenser  ensuite  :  par  ce  moyen,  le  piston  devait 
etro  élevé  par  la  vapeur  puis  abaissé  par  son  poids  et  par 
la  pression  de  l'atmosphère.  Il  signala  sa  machine  comme 
propre  à  lancer  des  bombes ,  à  épuiser  les  eaux  des  mines, 
à  faire  marcher  les  navires  en  mettant  en  mouvement  une 
crémaillère ,  et ,  par  suite ,  dos  roues.  Il  imagina  en  outre 
la  soajwipe  de  sûreté.  • 

Arrêtons-nous  ici  pour  le  moment ,  et  remarquons  dans 
cette  m«iehîne  de  Papin,  être  mécanique  créé  par  l'homme, 
esclave  inventé  par  lui  pour  substituer  une  force  à  une 
autre,  des  organes  de  fer  à  des  organes  de  chair,  les  appa- 
reils ou  organes  suivants  : 

1*  Un  réservoir  d'eau  représentant  la  vie  générale  de  la 
nature  qui,  dans  toute  existence,  se  combine  sans  cesse 
avec  la  vie  individuelle  ; 

2"  On  tuyau  de  communication  entre  le  résen'oir  et  la 
chaudière  à  vapeur  ; 


DU  SIÈCLE.  145 

S"*  La  chaudière  à  vapeur  que.  le  médecin  Papin  compa- 
rait peut-èMre  aux  pQumoo^ide  Tbomme.; 

4''  Uue  soi^apç  de  sûreté^  quatrième  loi'gane  dastiné  à 
suppléer  à  yi^Ll4^^^^^^4?*i'wiw^linwiveau<q  voulait 
créer;.  ..  ,,',,  ' ...   ,.  .  ,.    .'.';.»  -,*.,  .... 

6"  Bés  tuyaux  de  conduite  de  la  vapeur,  véritable  sys- 
têmeartépeïç^sa.maohine^;      ,^ 

6**  Vu  çjlip4re  ou  cçaur.iiei  cet  èt^^^  maisïun  oœ»r.  in- 
complet  ^  CQiqme;|Qi^V)i  ^  anim^aux  Jo^férieurs  aw:x>i^ux 
et  aux  y;ç;rti^hre3t  et ,  par  suite ,  ii^çapaUe  da  trwsmettre 
la  u^êBie. forcé  à,.U  machine  qu'up  (QfltiMive  h  d9(i)>l#  effet  ; 

7"  t>es  crémaillères, et d^ç,^pu^s:  a»,  musdeSi  tendons, 
véritiablé  spt^fl?<B fli^Dteur de lapiaclÛBCi.   . 

Cetie  jdivi^iou  eu  organes», qui  peut  s.*applii|uer  è  une 
machine  «quelconque,  n'est  pa^  indifférente  ;  elle  établit  de 
suite  ^^  qon)pa];^^U,  qui  a  une  grande  valeur,  entrer  les 
machines, ei  Ic;^. animaux  ^^ples*»  les  machines  (^i.le&ani- 
mai4x,jk organes. Qpmpilexes..  <    .  .  >* 

Savaxy  eut  sur  Jfii^ia  Tavanlage  de  eréer  dQs  machines 
que  l'on  vit  fooctioniiier  ;  il  em^plîojnBit  la  vapeur  à  «moyenne 
pression  »  et  se  sery^ût  du  (roid  ex^tw^Qf  potir  produire  la 
coudénsation.;  il  imagina  de  plus  un  moyen  de  s'assurer 
de  la  quantité  d*eau  contenue  dansi  la  cbaudièce ,  et  nous 
lui  devons  Feipploi  des  soupapes  de*  sûreté,  coniques  ima-  < 
ginées  par  Papin. 

En  1699,.Amontpns  perfeetioima  bdauooup  la  machine 
à  vapeiir;  il  contractait  ou  condensait  Jbt  vapeur  au  moyen 
d'eau  froide/ 

En  1705 ,  Thomas  Newcomen  employai!,  la  pression  de 
la  vapeur  sous  le  piston,  la  pression  de  Tair  sur  le  piston. 
Un  ingénieux  polisson,  du  nom  de  Humphry  Porter,  qui 
était  chargé  de  tourner  les  rouets,  .imagina,  pour  se 
créer  les  loisirs  de  Técole  buUsonnière  si  agréable  à  jtous  les 
âges,  d^ajouter  un  nouvel  organe  à  cette  machine  et  de  se 
remplacer  par  un  petit  appareil  que  le  balancier  mettait  en 
mouvement,  —  On  doit  h  Newcomen  rinjection  de  Teau 
dans  la  machine  comme  moyen  de  condensation,  un  jeu 
légulier  de  soupapes  et  le  premier  emploi  du  balancier. 

Résumant  en  un  excellent  travail,  vers  1759,  tous  les 


144  PHILOSOPHIE 

efforts  mécaniques  tentés  avant  lui,  Belidor  publiait,  dans 
son  traité,  un  bon  écrit  sur.  Thistorique  des  machines  à  va- 
peur et  sur  leur  description. 

Les  diverses  propriétés  de  la  vapeur,  sa  pesanteur  spé- 
cifique sous  divers  volumes,  sa  chaleur  spécifique,  sa  fa- 
culté d'expansion  à  diverses  températures,  n'étaient  pas 
suflSsammenl  connues,  ou,  pour  mieux  dire,  la  vapeur 
était  entièrement  à  étudier.  Paynes,  Black,  Irwing  et  Craw- 
fort  s'en  occupèrent ,  mais  leurs  recherches  laissaient  beau- 
coup à  désirer ,  lorsque  James  Watt  entreprit  de  rendre 
usuelles  des  machines  qui  n'étaient  encore  que  d'un  emploi 
exceptionnel.  Voici  ses  inventions  : 

IL  imçigina  d  envelopper  le  cylindre  de  la  machine  pour 
réduire  les  pertes  de  force  par  refroidissement  de  la  va- 
peur. Il  étabUt.  un  condensateur  séparé  du  cylindre  de  la 
machine ,  une  pompe  à  eau  et  à  air  pour  le  condensateur; 
parce  que  l'eau  est  toujours  mêlée  d'air.  Il  utilisa  la  va- 
peur sans  condensation  ;  il  fit  aussi  une  roue  à  vapeur,  ins- 
trument médiocre  qui  résolut  mal  le  problême  de  la  rota- 
tion directe.  Il  est  le  premier  qui  ait  construit  des  machi- 
nes à  double  effet  ;  il  songea  à  utiliser  la  détente  de  la  va- 
peur et  créa  pour  cet  usage  six  mécanismes  différents  des- 
tinés à  rendre  le  mouvement  uniforme.  Nous  lui  devons 
,  encore  :  une  machine  à  double  cyUndre  (la  vapeur  agissait 
par  pression  dans  le  premier,  par  expansion  dans  le  se- 
cond) ;  le  parrallélogramme  destiné  à  remplacer  les  chaînes, 
les  crémaillères ,  les  roues  dentées  ;  une  machine  à  mou- 
vement circulaire  alternatif;  une  seconde  roue  à  vapeur; 
im  nouveau  système  de  soupapes  et  une  nouvelle  machine 
propre  aux  voitures.  —  En  1785,  ce  grand  homme  don- 
nait les  principes  de  la  construction  des  fourneaux  ;  il  ap- 
pliquait aux  machines,  comme  régulateur,  un  pendule 
conique,  et -ajoutait  aux  chaudières  le  manomètre  et  l'ins- 
trument appeïé  indicateur^ 

Watt  a  }ais^  les  machines  à  vapeur  dans  un  girand  état 
de  progrès;  il  restait  cependant  à  accomplir  un  nombre 
considérable  de  perfectioanements  dans  diverses  directions. 

Les  machines  de  Watt  sont  très-^pesantes. 

Les  diverses  pièces  de  ces  machines  exigent  trop  le  tra- 


BU  SIÈCLE.  145 

vail  du  marteau  et  de  la  lime ,  pas  assez  celui  du  tour,  qui 
est  moins  coûteux  et  plus  facile. 

La  condensation  s'y  fait  avec  une  pompe  à  air  et  à  eau , 
c'est-i-dire  sans  utilftser  jamais»  la  chaleur  de  la  vapeur  à 
condenser. 

Chaque  force  d  un  cheval  exige  une  dépense  de  cinq  ki- 
logrammes de  houille  à  l'heure. 

Les  chaudières  sont  énormes  en  volume.  Pour  les  ma- 
chines de  cent  et  deux  cents  chevaux  ^  ce  sont  de  petites 
maisons» 

Ses  transmissions  de  mouvement  direct  en  mouvements 
rotatifs  exigent  des  engrenages,  moyen  peu  commode  et 
même  défectueux  quand  il  s'agit  de  réaliser  de  grandes  vi- 
tesses. 

Watt ,  malgré  son  savoir,  malgré  ses  études  sur  la  cha- 
leur latente  des  vapeurs ,  malgré  ses  inventions  nombreuses, 
succombait  à  la  peine ,  et  la  machine  à  vapeur ,  condamnée 
par  Smeaton  à  n'être  qu'une  machine  de  second  ordre, 
rentrait  dans  la  série  des  utopies  qui  ruinent  leurs  inven- 
teurs. L'établissement  industriel  de  Watt ,  comme  un  na- 
vire désemparé ,  faisait  eau  de  toutes  parts  ;  sa  signature 
commerciale  devenait  sans  valeur,  lorsqu'im  très-habile  né- 
gociant nommé  Boulton ,  sut  apprécier  son  génie ,  la  gran- 
geur  de  sa  découverte,  et  jeta  généreusement  sa  fortune 
(plus  d'un  million)  dans  la  balance  en  faveur  du  progrès. 
11  fil  plus  :  il  redevint  industriel  et ,  laissant  à  Watt  la  sur- 
veillance et  les  études  scientifiques,  il  le  débarrassa  de 
tout  ce  qui  concernait  les  ventes,  les  achats  et  la  fabrica- 
tion. —  Que  son  nom  soit  glorifié  !  quels  immenses  services 
le  capital  peut  rendre^  quand  il  est  employé  dans  le  but  de 
servir  la  vérité  ! 

Quelques  autres  [Ht>grès  ont  été  accomplis  vers  l'époque 
de  Watt  et  depuis  :  nous  allons  les  signaler.  Hornblower  a 
inventé  une  machine  à  double  cylindre  pour  utiliser  l'ex- 
pansion. Bientôt  il  songea  qu'il  conviendrait  d'utiliser  ce 
mode  d'action  dans  une  machine  directement  rotative  :  c'é- 
tait entrer  dans  la  voie  des  derniers  progrès  à  réaliser  ;  mais 
son  appareil  n'a  point  suffisamment  réussi.  Mathieu  Murrey 
a  imaginé  de  régler  le  feu  par  la  force  de  la  vapeur  de  la 


i46  pniiosopHfB 

chaudière  elle-même  ;  il  plaça  horizontalement  les  cylin- 
dres des  machines,  et  se  servit  de  la  propriété  d'un  cercle 
qui  tourne  dans  un  autre  de  double  dSartièt^e,  faisant  dé- 
crire à' chacùft  dé' séb  points  UWe^llgtï^  dtôité  ou  dlàifiètre 
du  grand  cercle,  pour  transformer  le  moutem'ént  de'  va-et- 
vient  du'piètHh^ïi  ùW/moiïVèmeht  dhîUteire  où  toiatif! 

Mwdoeh  perféétïodn*  la  flftbricàtiôil  dfes  faiâchiriés',  in- 
venta ùti'  bmi'  Mezdir'  pour  les  cylindres^  'ftyrtbtf  d'une 
seule  pièce  le  cyShâffe  etsoii  èfflveloppe  ,*  fit  IbàcitoiAiei^  avec 
une^^ule'  lîge  ;  ^n'  lés  rteliànt  entre  elles  ;  lefe  sbubapos'  d'en 
haut  lét  d'en  ba'é ,"  et  s'tolcëUpa  isfusaf ,  nwiis  ^ans  succèè  [  de 
machines  directement  rotatives.  '  •  '   ~  '    ' 

Brahitfe,  né  etl  17S9,  itiort  m  f»!*,  eSt  î'tetéut  d'un 
robinet  à  quatre  ouvertures  dans  lequel  TuSui^  'éSt  ^gale 

Sartout  ;  il  a  parfaitement  réglé  le  itiomeût  des  bti^rrures 
essoupapes.  .  !     j  -      \  ,^  .1  .. 

En  180Î,  Trèvithick  et  VîViàn  s'occupèrent 'avec 'succès 
des  machines  à  haute  pression.  '• 

Vef^  la  même  époque ,  W^iolt  essayA  s&ns  suctè's  les 
chaudières  tubuUifës.  Deux  ans  plus  tard;  il  prenait  une 
patente  pour  une  machine  fc' détente  dont  îl  n'était  pas  l'in- 
venteur, machine  importée  depuis-en  France  par  la  mai^n 
Perier  et  exploitée  par  MM.  Edowards  et  Chaper:  Tôttte- 
fois,  le  plus  grand  service  rendu  à  l'Angleterre  depûfe  cfette 
époque,  dans  la  construction  des  machines  à  vapeur,  l'a 
été  par  la  publication  de  l'ouvrage  de  Tredgold ,  en  1828! 
L'ingénieur  français  Mellet  a  fait  une  traduction  de  ce  livre 
important ,  mais  il  ne  s'est  point  mrèié  là  :  il  a  corrigé  et 
revu  les  formules ,  qui  en  avaient  besoin  ;  de  plus ,  il  a 
traduit  en  unités  métriques  tout  ce  qui  se  ti^uvait,  dans 
Trelgold,  en  unités  anglaises.  -^  A  la  même  époque  et 
môme  un  peu  auparavant,  M.  Clément  Desoimes  fiaisait , 
au  Conservatoire  des  arts  et  métiers  à  Paris,  un  travail 
analogue  :  il  publiait  un  tableau  de  la  force  expansive  de 
la  vapeur,  indiquait  sa  quantité  de  chaleur  sous  toutes  les 
pressions ,  et  «a  pression  depais  0  jusqu'à  ISO  degrés  de 
température  ;  de  pltts ,  îl  établissait  les  unités  de  chaleur 
et  de  force  motrice  qui  sont  indispensables  pcfur  s'en- 
tendre. 


DU  SIÈGLB.  147 

On  appelle  maintenant,  d'un  commun  accord  : 

Calorie,  la  force  nécessaire  pour  élever  un  kilo,  d'eau  de 
un  degré  de  temjyéraAure»;    •  h      5 

Dynaipie>  l§,.pi9is$,anQ^«4ce9$4irç  jpour  élever  un,  mètre 
cube  d'eau  4ç^. un xa^trei.  ,     .  »    . 

Foro^  d'Mn  cbe¥aWceU3.({iM  élève  par.heure  370  màtre^s  cubes 
àunmè.t]^e^<^u  75.Mlo.  çar3acpnde;oM4»â00kilo.  parmJwte. 

Lu  pnessijpp  p^4^ntuQètrç  carré  d'une  atmosphère  est  de 
lkilo..i/S6,|P(ariqentimèti;e,w  

La  pr|Çssion  d'un.iilp.  est^  par  centimètre  carré,  175,5 
ou  10  mètres, 4'^»  ;  elle  est,  par  centimètre:  Qirc^laire,  de 
93,6  ou  là  mètres  73. 

La  pa^^î^atiQu.  à  lji;i^eur  et  les  tracions  à  la  vapeur  sur 
les  cheçuns  de  fer  se  lient  trop  étroitement  pour  que  nous 
puissiop^  les  oi:di>U^r;.il  ne  s'agit  pas  d'une  histoire  de  ces 
inventions,  mais  de  quelques  faits  intéressants  à  connaître 
et  su^ont.de  la. nouvelle  direction  à  donner  aux  ^ffprtsidc 
l'esprit  humain.  Inventer  des  ma(;hii;ies  pour  gagner  de 
Targept ,  vpilà  la  pensée  datasse  qui  domine  beaucoup 
trop  les  laits  du|M;é6ent  ;  inven^r  des  machines  pour  venir 
en  aide  «auix.  travailleurs,  pour  multiplier  les  etTorts  de 
rhQaifno:et.ses  produits,  pour  assurer  au  profit  de  tous  sou 
rè^eisur  notre  planète,  yoilà  la  pensée  réellement  scienti- 
fique M  religieuse  de  l'avenir. 

En  1680,  sous  les  Stuarts,  époque  où  le  charbon  de 
tecse^fut  sid)$titué  au  charboia  de  bois,  l'on  imagina  des 
chemins  «artificiels  pour  rendre  les  transports  plus  faciles; 
mais  rjhumidité  d'une  part,  et  de  l'autre  la  pesanteur  des 
trains,,  ne  tardèrent,  pas  à  faire  abatidonaer  cette  innova- 
tion, n  a  .fallu  â8  ans,  avant  que  l'on  songeât  à  remplacer 
le  bois  par  le  fer,  et  30  années  s'écoulèrent  encore  avant 
que  l'on  .songeât  à  diviser  siir  plusieurs  wagons  les  poids 
éDoro^es  qui  pesaient  sur  un  seul.  Dès  183â ,  l'Angleterre 
possédait  un  grand  nombre  de  chemins  de  fer  :  les  nns  ser- 
vaient à  desservir  des  usines ,  d'autres  d'embranchement  à 
des  canaux^  Vers  cette  époque ,  Palmer  proposait  son  sys- 
tème aérien  à  une  seule  voie,  qui  a  été  abandonné  ne 
convenant  que  iK)ur  de  petites  masses  ;  James  prenait  un 
brevet  d'invention  pour  des  rails  servant  à  la  conduite  des 


148  PHILOSOPHIE 

eaux.  Les  actions  des  canaux,  en  regard  des  chemins  de  fer, 
baissaient  ;  elles  étaient  en  général  les  5/5  des  actions  pri- 
mitives. Déjà  Ton  desséchait  des  canaux  pour  établir  dans 
leurs  cuvettes  des  chemins  de  fer.  ^  Deux  systèmes  étaient 
en  présence  :  les  ornières  creuses ,  et  les  ornières  saillantes 
qui  ont  prévalu.  Les  chemins  à  crémaillères  de  John  Easton, 
proposés  alors,  ont  à  peine  été  essayés,  et  les  chemins 
souterrains ,  marchant  par  la  pression  de  Tair  atmosphéri- 
que ,  n'ont  pas  eu  beaucoup  plus  de  succès ,  le  frottement 
et  le  manque  de  joints  étant  ici  un  grand  obstacle.  —  Les 
machines  de  Trevithick  et  Vivian,  imaginées  en  1802,  per- 
fectionnées depuis,  étaient,  vers  1850,  les  plus  employées 
sur  les  chemins  de  fer  d'Angleterre. 

De  1850  à  1840 ,  nos  voisins  d'outre-mer  ont  employé 
tous  leurs  capitaux  disponibles  à  la  construction  des  che- 
mins de  fer.  De  brillants  succès,  de  gros  dividendes  en- 
couragèrent la  spéculation  ;  mais  la  concurrence ,  la  trop 
grande  longueur  de  quelques  lignes  et  la  médiocre  position 
de  quelques  autres  ne  tardèrent  pas  à  ammener  une  crise 
analogue  à  celle  que  les  folies  industrielles  du  règne  de 
Louis-Philippe  et  leur  mauvaise  direction  ont  produite  chez 
nous,  en  1847.  L'Angleterre  commit  alors  la  grande  faute 
que  nous  avons  servilement  imitée ,  de  livrer  les  chemins 
de  fer  à  l'agiotage,  sans  tenir  assez  compte  des  services 
que  leur  bas  prix  pourrai^  rendre.  Ce  pays ,  où  l'intérêt  des 
capitaux  est  tombé  à  2  ;^ ,  où  l'on  marche  rapidement  vers 
le  crédit  presque  gratuit,  n'a  pas  senti  assez  nettement 
l'utilité  nationale  de  transports  presque  gratuits  et  s'abais- 
sant  comme  le  loyer  des  capitaux  vers  la  gratuité.  La 
France ,  qui  eut  dû  accorder  à  la  généralité  tout  ce  qui  est 
d'intérêt  général,  s'est  laissée  pousser  par  Arago  dans 
cette  mauvaise  voie.  Les  fautes  poUtiques  de  cet  habile  as- 
tronome pèseront  longtemps  sur  notre  avenir  :  notre  pays 
n'a  pas  su  comprendre  que  les  routes  de  grande  commu- 
nication sont  d'intérêt  national  et  doivent  appartenir  à  la 
nation  ;  qu'il  y  a  des  routes  qui  doivent  être  ouvertes , 
parce  que  l'intérêt  public  l'exige,  encore  qu'elles  ne  puis- 
sent donner  en  location  1  7o  des  capitaux  engagés,  et  il  a 
oublié  l'unitarisme  des  traditions  françaises. 


BU  SIÈCLE.  149 

Quelle  admirable  chose ,  si  la  terre  était  couverte  de  che- 
mins de  fer  et  si  ces  chemins  voituraient ,  pour  les  seuls 
frais  de  traction ,  les  Yoyjageurs  et  toutes  les  denrées  qui 
sont  les  besoins  journaliers  des  industries,  les  matériaux  de 
construction,  les  engrais,  les  fourrages,  les  combustibles 
et  les  animaux  destinés  à  la  boucherie.  Quelle  immense 
plus-value  cette  manière,  qui  n'est  pas  nouvelle,  de 
c(«iprendFe  les  routes ,  les  canaux  et  les  routes  ferrées ,  ne 
I^oduirait-elle  pas  immédiatement  dans  le  capital  social  de 
la  planète  ? 

Les  Anglais,  peuple  trop  national  et  trop  peu  humani- 
taire encore,  oublient,  quand  ils  parlent  de  la  navi- 
gation à  la  vapeur,  les  travaux  de  Papiu,  du  marquis  de 
Geouffroy,  de  Cugnot  qui  s'occupa  des  vaisseaux  et  voitu- 
res à  vapeur,  et  même  ceux  de  l'américain  Fulton.  —  Si 
lonathan  HuUs  prit  une  patente  pour  la  navigation  à  la  va- 
peur, rien  ne  prouve  qu'il  ait  réussi.  Le  duc  de  Bridge- 
Water,  le  comte  de  Stanhope,  et  plusieurs  autres  après  lui, 
n'ont  pas  été  très-heureux.  En  1782,  pendant  quinze  mois, 
le  marquis  de  Geouffroy  fit  marcher  sur  la  Saône,  entre 
Lyon  et  ChAlons ,  un  bateau  de  41  mètres  sur  5  mètres  de 
large  ;  il  calait  un  mètre.  De  1785  à  1788 ,  l'on  s'occupa 
de  navigation  à  vapeur  aux  Etats-Unis ,  en  Angleterre ,  en 
France  et  même  en  Italie.  En  1802,  l'ingénieux  Symington 
dépensait  75,000  francs  pour  étudier  la  vapeur  comme  mo- 
teur de  bateaux  ;  il  imagina  un  remorqueur,  jugé  utile , 
mais  qui  n'a  pas  été  employé.  En  1802,  Fulton  exécutait  à 
Paris  ses  deux  premiers  bateaux  ;  il  en  fit  l'essai  en  1805  , 
réussit,  mais  fut  éconduit  par  la  commission  scientifique 
chargée  d'étudier  son  système.  Dégoûté  de  la  France,  où- 
il  avait  vécu  assez  malheureux ,  ne  trouvant  aucune  sym- 
pathie pour  ses  grandes  idées ,  il  commanda ,  en  1804,  une 
machine  à  Watt  ;  en  1807,  il  la  plaçait  sur  un  bateau  amé- 
ricain ,  lancé  le  5  octobre  à  New-Yorck.  C'est  là  le  premier 
vapeur  qui  ait  complètement  réussi.  L'Angleterre  n'obtint 
UD  demi-succès  dans  cette  direction  qu'en  1811. 

Dès  1821 ,  les  Américains  comptaient  500  bAtiments  à 
vapeur;  ils  en  avaient,  sur  les  chantiers,  de  600  tonneaux. 
En  1825,  l'Angleterre  ne  possédait  pas  encore  200  navires 

7 


150  PHILOSOPHIE 

de  4  à  140  chevaux,  de  50  à  500  touneaux;  le  port  total 
était  estimé  16,000  tonneaux  et  la  force  totale  6,000  che- 
vaux, —  En  1827,  le  plus  grand  vapeur  d'Angleterre  était 
du  port  de  530  tonneaux  ;  sa  machine  était  de  160  che- 
vaux ;  il  faisait  les  transports  entre  Londres  et  Dublin.  A 
cette  époque ,  la  France  possédait  à  peine  quelques  bateaux 
à  vapeur  sur  ses  fleuves.  La  ligne  de  Nantes  à  Pahnbœuf , 
créée  par  le  consul  américain  Fenwick,  en  1821 — 1822, 
est  la  première  qui  ait  fonctionné  régulièrement.  On  éva- 
luait alors  en  France  à  500  mille  francs  un  vapeur  de  cent 
chevaux,  que  les  machines  rotatives  et  les  chaudières  tubu- 
laires  permettraient  de  livrer  pour  100  mille. 

Quels  sont  aujourd'hui  les  progrès  possibles  de  la  navi- 
gation mécanique  des  chemins  de  fer  et  machines  à  va- 
peur ? 

Si  les  machines  des  mines  ont  pu  réduire  des  2/3  ou  des 
3/4  leurs  dépenses  de  combustible  en  employant  les  hautes 
pressions  (4  à  6  atmosphères)  et  la  détente ,  pourquoi  les 
machines  des  navires  ne  réalisent-elles  pas  cette  améliora- 
tion, surtout  lorsque  nous  avons  tous  les  jours  sous  les 
yeux  le  spectacle  de  locomotives  marchant  à  4 ,  5  et  6  at- 
mosphères ? 

Le  perfectionnement  dans  les  organes  du  mécanisme 
peut  porter  l'effet  utile  de  la  vapeur  de  60  à  75  7o  >  soit  un 
quart. 

La  conséquence  de  ces  deux  perfectionnements  réunis 
serait  de  diminuer  de  moitié  le  poids  des  machines  de  nos 
navires,  et  des  2/5  aux  3/4  le  poids  du  combustible  à 
transporter. 

A  puissance  égalé  du  moteur,  le  vaisseau  mu  par  une 
force  ainsi  perfectionnée,  se  trouverait  réduit  dans  sa  ca- 
pacité consacrée  aux  machines  et  au  charbon,  de  plus  du 
tiers  au  proût  de  la  capacité  consacrée  aux  voyageurs  et 
aux  marchandises. 

Remarquons  maintenant  que  la  section  transversale  à  la 
plus  grande  largeur  du  bâtiment  pourrait  être  diminuée 
dans  une  notable  proportion  :  alors  la  rapidité  de  la  marche 
augmente,  selon  la  théorie,  dans  une  raison  donnée  par  la 
loi  du  cube  des  vitesses. 


BU  SIÈCLE.  151 

Déjà  les  Anglais  ont  réalisé  32  kilomètres  à  Theure. 

Ils  en  affirment  40. 

La  science  allant  au-delà,  doit  en  affirmer  50,  c'est-à- 
dire  là  lieues  et  demie  à  l'heure  pour  une  époque  assez 
prochaine. 

Voilà  l'avenir  des  grandes  lignes  de  navigation  maritime 
et  fluviale. 

Revenons  aux  locomotives.  Brunnel  est  arrivé  à  presque 
doubleir  la  vitesse  des  chemins  de  fer  d'Angleterre  en  élar- 
gissaat  la  voie  ;  mais  cet  élargissement  a  eu  un  très-grave 
inconvénient  :  il  a  détruit  l'unité  des  chemins  de  fer  du 
pays  britannique. 

Les  efforts  de  la  mécanique  et  l'invention  de  Crampton 
ont  réalisé  le  même  résultat  sur  les  petites  voies.  Cet  ingé- 
nieur a  placé  son  mécanisme  entre  de  grandes  roues,  sans 
élever  le  centre  de  gravité  de  l'appareil  locomoteur  ;  il  a  pu 
de  la  sorte  augmenter  la  capacité  des  chaudières  ,  mais  le 
poids  de  22  tonnes  de  ses  locomotives  use  et  ruine  les  voies. 
Le  perfectionnement  sera  d'améliorer  encore  cet  état  en 
transformant  les  locomotives.  Sous  ce  rapport,  il  y  a  une 
double  amélioration  à  faire  :  il  faut  perfectionner  les  chau- 
dières et  perfectionner  le  mécanisme;  ce  qui,  en  pratique, 
devra.se  traduire  ainsi  : 

Diminuer  et  mieux  répartir  le  poids  ; 

ilieux  utiliser  le  combustible  ; 

Chauffer  à  la  houille  ; 

Changer  le  système  des  machines  à  piston ,  qui  implique 
300  pulsations  et  200  pertes  de  vapeur  par  miimte  sans 
presque  d'emploi  de  la  détente. 

Remarquons ,  avant  de  passer  outre,  que  les  dangers 
ne  viennent  pas  de  la  vitesse.  Les  accidents ,  non  moins 
graves  à  10  qu'à  20  et  50  lieues  à  l'heure ,  viennent  de 
Tabsence  de  précision  dans  le  service.  —  Le  télégraphe 
électrique,  en  détruisant  les  dangers  qui  résultant  de  la 
multiplicité  des  départs ,  ouvre  une  voie  nouvelle  à  l'admi- 
nistration ,  à  la  sécurité,  à  la  célérité  du  chemin  de  fer. 

Les  progrès  accomplis  depuis  dix  ans  dans  les  machines 
à  vapeur  nous  indiquent  la  voie  de  l'avenir  et  ses  espé- 
rances.  —  On  est   arrivé  à  employer  usuellement  des 


152  PHILOSOPHIE 

pressions  de  5  et  6  atmosphères ,  mais  a-t-on  suffisamment 
utilisé  la  détente  et  augmenté  la  vitesse  des  pistons  ? 

Ne  l'oublions  pas  »  un  effet  dynamique  est  un  produit. 

Trois  facteurs  y  contribuent  dans  les  machines  à  vapeur  : 

La  surface  du  piston  ; 

La  pression  de  la  vapeur  ; 

La  vitesse  des  pistons. 

Si  l'on  double  la  vitesse,  toutes  choses  restant  dans  le 
même  état,  l'on  multipliera  par  2  l'effet  dynamique:  la 
consommation  de  vapeur  aura  doublé,  c'est  vrai,  mais 
n'est-ce  donc  rien  que  de  produire  deux  fois  plus  de  force 
avec  le  même  appareil  ? 

Les  Anglais  ont  compris  cette  amélioration  et  l'ont  exé- 
cutée pour  tous  leurs  paquebots  de  la  Manche  et  des  ports  ; 
mais  la  France  ne  semble  pas  se  douter  de  cette  immense 
amélioration. 

D'autre  part,  nos  voisins  ont  porté  les  vitesses  de  1 
mètre  à  1  mètre  80.  Pour  neutraliser  l'excès  de  dépense,  on 
a  détendu  ;  mais  la  vapeur  n'a  pas  encore ,  dans  la  plupart 
des  chaudières,  une  pression  initiale  suffisante. 

Les  meilleurs  esprits  ont  toujours  dirigé  leurs  regards 
vers  les  chaudières  tubulaires.  Telles  qu'elles  existent  elles 
sont  un  progrès  très-grand,  mais  incomplet.  Leurs  mu- 
railles §ont  planes,  et  si  la  surface  productive  peut  sup- 
porter toute  la  tention  désirable ,  leur  enveloppe  n'a  guères 
plus  de  résistance  que  jadis.  On  est  loin  d  atteindre  qua- 
tre et. cinq  atmosphères,  pression  qui  permet,  dans  les 
mines  de  Cornouailles,  d'exploiter  largement  les  bénéfices 
do  la  détente.  Mais .  en  partant  des  premiers  essais  et  en 
leur  comparant  ce  qui  se  fait  actuellement ,  nous  pouvons 
affirmer  que  l'on  peut  faire  et  que  l'on  fera  très-prochaine- 
ment  des  chaudières  tubulaires  propres  à  l'eau  de  mer  et 
supportant  4  et  5  atmosphères. 

Ce  n'est  pas  tout  :  la  combustion  dans  les  appareils  ac- 
tuels est  mauvaise  ;  au  lieu  de  5  kilo,  de  vapeur  par  kilo, 
de  houille ,  des  fourneaux  bien  installés  et  bien  conduits  en 
donneraient  6^  7  et  même  8.  —  Entrez  dans  un  vaisseau 
appartenant  à  la  nation  française ,  voyez  la  situation  du 
chauffeur,  placé  en  face  d'une  fournaise  ardente  de  deux 


BU  SIÈCLE.  153 

mètres  de  profondeur,  et  demandez- vous  si  le  chauffeur  le 
plus  intelligent ,  placé  en  pareille  position  ,  peut  être  autre 
chose  qu'une  machine  à  lancer  du  charbon  dans  la  four- 
naise; s'il  lui  est  possible  de  vérifier  Tétat  de  la  combus- 
tion et  d'utiliser  son  intelligence;  si,  par  suite,  l'emploi 
de  charbons  supérieurs  n'est  pas  une  condition  nécessaire 
de  nos  foyers  actuels.. 

Les  éléments  d'économie,  dans  la  question  que  nous  ve- 
nons de  passer  sommairement  en  tevue,  sont  nombreux  ; 
voici  les  principaux  : 

Emploi  des  hautes  pressions  ; 

Détente  ; 

Perfectionnement  de  la  combustion  ; 

Perfectionnement  des  chaudières  en  tuyaux  ; 

Augmentation  de  la  vitesse  des  pistons. 

Cette  dernière  amélioration  a  porté  Watt  et  un  très- 
grand  nombre  de  mécaniciens  à  s'occuper  de  machines  di- 
rectement rotatives.  Nous  en  avons  vu  diverses  de  plu- 
sieurs systèmes,  et  nous  croyons  actuellement  le  pro- 
blême résolu,  notamment  par  la  machine  et  la  chaudière 
Bordillon  (1). 

Les  rotatives  auront  l'avantage  de  supprimer  presque 
toutes  les  pièces  en  fer,  pour  les  remplacer  par  de  la  fonte 
travaillée  au  tour;  de  supprimer  le  balancier  et' les  bâtis 
nécessaires ,  pour  relier  invariablement  le  cylindre'  à  l'axe 
de  rotation ,  pour  assurer  le  jeu  des  bielles  et  des  mani- 
velles; de  supprimer  la  destruction  de  forces  vives,  d'or- 
ganes mécaniques  pesant  des  centaines  de  kilos ,  ce  qui  a 
lieu  une  fois  par  seconde  h  la  mer  et  plusieurs  fois  dans 
DOS  locomotives  pour  le  piston,  la  tige,  la  bielle,  les  guides 
et  manivelles. 


(1)  La  sptèflû  BardflloD  a  varié:  ses  daraîères  rotativss  se  composent  de  trois 
pièees  priodpales  eo  fonte  et  de  de»^  aubes  ou  palettes.  Nous  avons  vu ,  dans  son 
aidier,  uw  maefaiod  du  poids  de  25  h  30  kflo.  produire  la  force  de  3  à  3  cheTaiix 
eUenoor  f  Mfl'à  400  toiira  parunnute;  elle  eut  pu  rocaroir  de  fair  chaud  tout  aussi 
■es  que  4e  la  vapeur.  Nous  avoiB  vu  un^  autre  machine  r  du  môme  mécanicien , 
aarcber  avec  dèlento  et  condensation  à  112  tours  par  mioûle;  elle  servait  de  lo- 
cQiBotive  â  on  teteàa  et-  faisait  3S  dievaui.  La  vapeur  fSoumie  à  cette  machine  sortait 
d'âne  ebaudière  &  tubes  indioés  qui  a  fonctionné  sous  nos  yeui  d  une  manière  très- 
satisfiiisanle. 


154  PHILOSOPHIE 

Elles  suppriment  aussi  les  pertes  de  vapeur  à  chaque 
changement  de  mouvement,  pertes  devenues  si  consiaé- 
rables  dans  les  locomotives  par  l'avance  des  tiroirs. 

Les  vitesses  à  Tétat  normal  pouvant  être  triples  de 
celles  employées  aujourd'hui,  la  surface  des  pistons  ou  des 
appareils  qui  en  tiendront  lieu  pourra  être  réduite  au  tiers  ; 

f)ar  suite,  le  poids,  l'encombrement  de  l'appareil  et  les 
rottements  seront  considérablement  diminués. 

C'est  ain^,  pour  terminer  par  un  exemple,  qu'un  ap- 
pareil de  mille  chevaux  (vaisseau  le  Napolèwi)  qui  pèse 
700  tonneaux,  devra  être  réduit  im  jour  à  moins  de  200 
tonneaux  avec  5  fois  moins  de  dépense  de  combustible* 

Telles  sont  les  espérances  d'un  prochain  avenir. 

Ces  espérances  ne  sont  pas  les  seules  qui  se  puissent  réa- 
liser. L'introduction  dans  les  fourneaux,  de  charbon  moulu 
et  d'air  injecté  par  un  ventilateur  dans  les  proportions  de 
leurs  équivalents  chimiques,  permettra  de  mojjifier  et 
presque  de  supprimer  les  cheminées  et  d'arriver  à  produire 
constamment  10  kilogrammes  de  vapeur  pour  1  kilogramme 
de  charbon  consumé. 

Les  machines  à  air  chaud,  encore  dans  l'enfance,  utili- 
seront naturellement  iouteis  les  améliorations  que  nous  ve- 
nons de  signaler.  Celle  d'Erickson  contient  un  nouvel  or- 
gane excessivement  ingénieux  :  c'est  un  poumon  métallique 
destiné  à  souffler  successivement  le  froid  et  le  chaud.  Il 
ouvre  à  la  mécanique  une  voie  nouvelle.  Très-probable- 
ment le  système  qui ,  pour  les  machines  à  vapeur,  per- 
met la  rotation  directe ,  pourra  et  devra  aussi  être  appliqué 
aux  machines  à  air  chaud  qui  réaliseront  alors  de  nouveaux 
progrès. 


DES  MACHINES  ELECTRO-MOTRICES. 


Lanlupart  ont  la  pile  pour  moteur;  presque  toutes  se  ser- 
vent aes  aimants  artificiels,  et  toutes  celles  que  nous  avons 
vues  sont  directement  rotatives. 


su  SIÈCLE.  155 

Hais  ici  Ton  ne  sait  pas  se  débarrasser  des  inconvénients 
de  l'oxidalion  :  —  ailleurs  Ton  double  la  force  galvanique 
sans  doubler  la  force  de  la  machine  ;  ailleurs  Ton  dépense 
quatre  fois  plus  pour  produire  l'effet  utile  de  deux  hommes 
que  pour  produire  l'effet  utile  d'un  seul.  Cependant 
comme  aujourd'hui  la  mécanique  sait  transformer  tous  les 
mouvements,  comme  elle  possède  une  série  d'organes 
qu'elle  peut  employer  dans  des  conditions  données,  nul 
doute  que  les  machines  &  galvanisme  ne  fassent  des  progrès 
bien  plus  rapides  que  ne  l'ont  été  ceux  des  machines  à  va- 
peur. —  Trois  faits  importants  pourront  conduire  à  ces 
progrès  :  Fun  c'est  que  l'action  des  fils  multiplicateurs  est 
d'autant  plus  puissante  qu'ils  sont  mieux  isolés ,  ce  que 
nous  avons  reconnu  en  séparant  des  fils  déjà  isolés  par  de 
la  soie  avec  un  nouveau  corps  isolant  ;  le  second ,  que  les 
aimants  composés  de  fils  de  fer  doux  réclament  beaucoup 
moins  de  fil  isolant  pour  être  rendus  tels ,  aue  les  aimants 
artificiés  composés  d'un  seul  corps  solide  (ces  deux  faits, 
nous  les  avons  signalés  à  l'Institut,  en  avril  1855)  ;  le  troi- 
sième, c'est  que  l'on  découvrira  des  appareils  galvaniques 
beaucoup  plus  économiques  que  ceux  dont  nous  faisons 
usage.  —  Il  est  impossible  que  le  globe  n'accorde  pas  un 
jour,  à  nos  instantes  prières,  son  magnétisme  et  sa  chaleur. 

De  la  TÉLÉ0R1PHIB  ÉLficTRïQUB.  —  La  télégraphie  ac- 
tuelle n'est  qu'un  cas  particulier  de  l'emploi  de  l'électricité , 
comme  force  motrice.  Elle  est  basée  sur  la  possibilité  de 
transformer  immédiatement  en  fer  doux  un  aimant  artifi- 
ciel, aux  plus  grandes  distances,  lorsque  ce  fer  doux  est 
mis  en  contact  avec  une  pile  galvanique. 

HoKLOGES  k  Gàlvaihishe.  —  Ricu  de  plus  aisé,  au  moyen 
d'une  seule  horloge  et  d'aimants  artificiels ,  que  de  faire 
marcher  toutes  les  horloges  d'une  grande  ville.  Ce  pro- 
blème est  un  cas  particulier  de  la  télégraphie  électrique. 

De  ce  qui  préâde^  nous  'pouvdns  eoûclure,  avant  de 
passer  outre,  que  si  Paris,  Londres  ou  toute  autre  grande 
ville ,  était  à  reconstruire ,  l'on  pourrait  disposer  les  choses 
de  telle  sorte  que  la  lumière ,  la  force  motrice ,  le  chauffage, 
la  parole,  la  mesure  du  temps,  partissent  de  centres 
communs  poiu*  se  distribuer  aux  hrf)itations  voisines,  selon 


156  PHILOSOPHIE 

les  besoins  de  chacun ,  avec  Tordre  le  plus  parfait  et  la  plus 
grande  économie»  Appelez  ce  centre  commun  maison  mu- 
nicipale ,  qu'il  en  existe  une  tout  d'abord  dans  chacune  des 
grandes  communes  du  monde,  et  bientôt  Tunivers  sera 
lancé  à  toute  vapeur  dans  la  voie  du  progrès. 

Des  Forces  explosives.  —  La  force  n'est  pas  toujours 
employée  à  modifier  les  éléments  de  la  planète  au  profit 
de  l'homme  :  elle  devient  trop  souvent  lui  moyen  de  des- 
truction. Les  outres  d'Eole  sont  le  symbole  de  la  puissance 
qui  se  produit  spontanément  et  brusquement,  qui  brise  et 
qui  déchire,  qui  tue  et  renverse  tout  sur  son  passage. 

Dans  ces  derniers  temps,  les  poudres  explosives  et  les 
armes  à  feu  ont  acquis  une  perfection  que  nous  ne  sau- 
rions trop  admirer,  si  elle  avait  pour  but  le  bonheur  de 
l'humanité. 

Les  diverses  poudres,  au  salpêtre,  au  charbon  et  ftu 
soufre,  ont  été  étudiées  au  double  point  de  vue  économique 
et  pratique.  On  a  fait  de  grandes  recherches  surjes  ful- 
minates, qui  seront  toujours  d'un  prix  élevé,  et  Ton  a 
trouvé  dans  le  fulmi-coton,  soit  pur,  soit  combiné  avec  la 

{)Oudre  ordinaire ,  avec  l'azotate  et  le  chlorate  de  potasse, 
'élément  indispensable  désormais  de  la  meilleure  poudre 
de  mine.  Elle  coûte  plus  cher,  dit-on;  cela  se  peut ,  mais 
comptez-vous  pour  rien  les  vies  hïimaines  qu'elle  permet 
de  sauver  ?  Quelle  différence  entre  une  poudre  qui  ne  pro- 
duit pas  de  fumée  et  qui  exerce  directement  ses  efforts  sur 
les  corps  voisins,  et  nos  poudres  de  mines,  dont  les  inconvé- 
nients sont  si  nombreux  et  l'action  relativement  si  faible  ! 

Les  fusées  à  la  congrève  lancées  par  un  mortier,  s'en- 
flamment et  voût  porter  jusqu'à  cinq  kilomètres  la  mort  et 
l'incendie:  Des  expériences  très-précises  ont  prouvé  que 
l'on  pouvait  s'en  servir  pour  détruire  les  batteries  de  brèche 
et  prolonger  indéfiniment  les  longueurs  d'un  siège  au  mo- 
ment où  on  le  croit  terminé.  La  science  a  inventé  des  bou- 
lets qui  pénètrent  dans  les  bordages  deç  navires,  s'y  arrêtent 
et  font  explosion  de  manière  à  les  détruire ,  de  telle  sorte 
qu'il  soit  impossible  d'y  apporter  remède.  D'autres  boulets, 
en  faisant  explosion ,  remplissent  Tair  d  une  vapeur  înfecte 
et  vénéneuse  \  Us  empoisonnent  ceux  qui  la  respurent.  D'au- 


BU  SIÈCLE.  1S7 

très  éclatent  en  l'air  à  quelques  centaines  de  mètres  de  la 
gueule  du  canon,  et  laissent  paraître  une  grêle  de  balles 
animées  d'une  telle  vitesse  acquise ,  qu'à  600  mètres  elles 
traversent  des  planches  de  trois  à  quatre  centimètres  d'é- 
paisseur. Voici  des  carabines  de  la  plus  grande  légèreté, 
avec  lesquelles,  en  une  minute,  l'on  peut  lancer  quinze 
balles  et  porter  la  mort  à  cinq  cents  mètres  ;  en  voici  d'au- 
tres plus  lentes ,  mais  plus  dangereuses ,  qui  portent  à 
mille  mètres.  Voici  de  simples  pistolets  avec  lesquels  on 
peut  ajuster  et  tirer  au  blanc  à  trois  cents  mètres.  Voici  la 
carabine  belge  de  Montigny,  véritable  chef-d'œuvre  en  l'ait 
de  destruction  ;  elle  lance  sans  bruit  des  balles  coniques  qui 
portent  avec  justesse  à  cinq  cents  mètres. 

Nos  pères  avaient  des  balles  rondes;  nous  avons  des 
balles  ellipsoïdes  armées  d'une  tête  d'acier,  qui  traversent 
des  plaques  de  tôle  à  trois  et  quatre  cents  mètres.  Nos 
pères  avaient  la  poudre  ordinaire  ;  nous  avons  de  plus  les 
chlorates',  les  fulminates  et  la  poudre  coton.  — ;  Nos  pères 
avaient  des  canons  simples  ;  nous  en  avons  de  très-variés  et 
nous  savons  les  revêtir  intérieurement  de  chemises  rayées 
pourleuf  coiifier  des  boulets  ellipsoïdes  dont  le  tir  est  aussi 
sûr  que  celui  de  la  carabine,  oont  la  portée  peut  aller  à 
quinze  cents  et  deux  mille  mètres,  frapper  l'homme  que  l'on 
o'a  pu  voir  qu*à  l'aide  d'une  longue  vue.  —  Un  vapeur  h 
hélice  peut  arriver  sans  bruit  par  une  nuit  obscure ,  raser 
les  fortifications  d'un  port ,  y  lancer  des  fusées  incendiaires 
sur  les  chantiers  de  construction ,  sur  les  magasins  de  pro- 
duits combustibles ,  et  disparaître  ensuite  sans  que  Ton  ait 
eu  le  temps  de  tirer  sur  lui  quedques  coups  de  canon. 
Mais  laissons  ce  sujet  et  voyons  ce  que  l'homme  peut  faire 
en  industrie  des  forces  explosives, 

La  cuirasse  du  crocodile ,  la  peau  épaisse  de  l'bippopo- 
toe,  ïes  os  si  résistants  du  tigre  et  du  lion  sont  désormais 
des  défenses  impuissantes.  La  chasse  à  l'aide  des  armes,  sa- 
vantes Çjyrgera  le  globe  des  animaux  malfaisaots  que 
Ihomine  jugera  convenable  de  supprimer.  Partout  dans  les 
contréèi' sauvages,  elles  le  protégeront  contre  Ja  férocité 
i^  bêtes  fauves  et  pourront  lui  procurer  une  abondante 
nourriture. 


ISS  PHILOSOPHIE 

La  pèche  h  Taides  des  armes  ncavelles  le  débarrassera 
de  tous  les  grands  mangeurs  de  poissons  qui  lui  font  con- 
currence; au  besoin ,  il  leur  jettera  au  bout  d'un  fil  de  cui- 
vre, des  appâts  contenant  une  quantité  suffisante  de  poudre 
explosive,  que  rélectricité  d'une  pile  placée  à  bord  d  un  na- 
vire fera  éclater  dans  l'intérieur  de  leurs  corps.  Le»  fleuves, 
les  lacs  et  les  mers  pourront  alors  devenir  pour  l'homme 
de  magnifiques  vivier»  qu'il  enrichira  des  espèces  les  mieux 
choisies ,  sans  avoir  à  redouter  la  voracité  des  requins  ou 
des  baleines. 

Muni  de  poudres  d'une  puissance  très-supérieure  et  ne 
laissant  point  de  fumée,  il  rendra  plus  facile  le  travail  des 
mines. 

Les  mêmes  poudres  lui  permettront  de  faire  rouler  des 
débris  de  montagnes  dan*  les  vallées  où  nos  rivières  pren- 
nent leur  source  et  d'y  créer  ces  vastes  étangs,  ces  petits 
lacs  sur  lesquels  nous  ne  saurions  trop  appeler  l'atten- 
tion, réservoirs  artificiels  destinés  à  alimenter  nos  fleuves 
piBndant  les  sécheresses ,  ou  à  fournir,  par  de  grandes 
irrigations,  à  de  vastes  contrées,  les  éléments  de  la  fer- 
tilité. 

Percer  les  montagnes ,  soit  pour  créer  des  communica- 
tions, soit  pour  faciliter  l'exploitation  des  mines,  voilà  l'un 
des  grands  besoins  de  notre  civilisation  moderne.  Pour 
cette /œuvre,  si  gigantesque  qu'elle  soit,  les  forces  explo- 
sives seront  d'un  immense  secours. 

Ici  elles  ouvriront  un  chemin  au  milieu  des  rapides  de 
certains  fleuves  ;  ailleurs  elles  supprimeront  des  cataractes 
en  faisatit  disparaître  les  roches  cachées  sous  les  eaux.  De 
nombreuses  montagnes,  comme  des  vieillards  que  les  ans 
ont  rendus  chauves,  présentent  partout  leurs  têtes  dénu- 
dées (leur  roc  trop  dur  ne  saurait  être,  érltamé  par  le  pie  ^ 
et  cependant  il  importe  de  couvrir  lëùh  riimes  d'une  che- 
velure gui  entretiendrait  à  leurs  pîeds  dès  sources  fécon- 
des ,  qiii  abriterait  et  fertiliserait  leuri  coteaux.  -^  Quoi  de 
plus  facile  aujourd'hui  que  de  les  entourer,^  de  dix  ibètres 
en  dix  mètres,  d'eicavations  faites  à  la  mine,  de  remplir 
ces  excavations  de  terre  végétale  et  de  débris  de  pierre ,  et 
d'y  placer,  selon  la  hautciu*  de  la  montagne,  selon  les  in- 


BU    BIÈCU.  159 

térèts  du  pays,  soit  des  plantes  rampantes ,  soit  des  ar- 
bustes, soit  même  des  arbres,  tels  que  des  bouleaux,  des 
acacias  ou  des  sapins. 

L'homme  ne  manque,  sur  cette  terre,  ni  d'œuvres  à 
accomplir  ni  d'instruments  pour  les  exécuter  ;  mais  il  man- 
que entièrement  de  l'intelligence  de  ses  devoirs.  Il  a  sur- 
tout besoin  de  connaître  et  d'étudier  sa  destinée,  et  de  ratta- 
cher ses  œuvres  à  un  plan  d'ensemble  en  rapport  avec  la 
mission  de  l'humanité. 


œNSIDÉRATIONS  SUR  LES  CORPS  LES  PLUS  USUELS. 


Il  ne  s'agit  ici  ni  de  statistique  ni  de  chimie  pure ,  mais 
de  réflexions  et  d'observations  appropriées  aux  mtérêts  gé- 
néraux des  espèces  humaines. 

Oxi^ÈNB.  —  Le  bas  prix  de  cette  substance  transformerait 
un  grand  n(mibre  d'industries.  Son  influence  sur  les  vies 
organiques  n'est  pas  moindre  que  son  influence  sur  les  vies 
miûérdes;  mais  elle  est  moins  bien  comme.  Un  litre  d'eau 
en  dissout  46/1000  ;  le  sang  veineux  en  contient  davantage, 
près  de  60/1000,  et  le  sang  artériel  de  100  à  120.  —  A 
chaque  respiration,  l'air  du  poumon  perd  de  ce  corps  4  à  6 
pour  cent.  L'on  pense  généralement  que  l'oxigène  sert  à 
l^er  du  carbone,  de  l'hydrogène  et  même  quelques  autres 
substances ,  à  l'intérieur  du  corps  ;  toutefois  le  rôle  qu'il 
remplit  n'a  pas  été  suffisamment  analysé.  Il  y  a  lieu  de 
croire  qu'il  produit  l'acide  carbonique  et  la  vapeur  d'eau 
qui  s'écnappent  dans  la  respiration  ;  mais  il  est  bien  prouvé 
que  ce  n'est  pas  au  poumon  que  se  passe  là  combmaison 
ehhnique  qui  les  produit.  Les  expériences  de  Régnault  et 
d*Airet  établissent  que  l'acide  carbonique,  chassé  par  les 
expirations,  ne  représente  que  lés  3/4  de  Toxigène  absorbé. 
—  Cet  oxigène  introduit  dans  les  paumons  est  dissous  par 
les  globules  du  sang  et  porté  dans  tous  le  corps  par  la  cir- 


I60  PHILOSOPHIE 

culation.  Il  est  malheureux  que  nous  n'en  sachions  pas 
beaucoup  pius;  mais  tout  ce  qui  a  été  écrit  dans  ces  der- 
nières années,  à  l'occasion  des  oxidations  qui  se  passent  au 
sein  de  TéccHwmie,  tout  cela,  disons-nous,  est  encore  à 
rétat  de  pure  hypothèse.  Très-probablement  la  vie  deTÎen- 
drait  plus  active  dans  une  atmosphère  plus  chargée  d'ari- 
gène  :  les  expériences  tentées  pour  éclaircir  ce  fait  n'oot 
été  ni  assez  nombreuses,  ni  assez  longues,  ni  assez  f  triées. 

Hydrogèihe.  —  La  décomposition  de  l'eau  à  bon  marché 
changerait  immédiatement  l'art  du  chauffage  dans  les  mai- 
sons particulières  et  les  ateliers.  Cette  découTerte  abaisse- 
rait aussi  le  prix  de  la  lumière  et  de  la  force  motrïce  ;  peut- 
être  décuplerait-elle  rapidement  ;  en  tout  cas  elle  double- 
rait immédiatement  les  richesses  sociales  du  monde  entier. 
Elle  exercerait  sur  le  commerce,  sur  l'industrie,  sur  l'a-- 
griculture ,  une  influence  qui  est  incalculable  :  c'est  l'une 
des  plus  grandes  questions  qui  puissent  préoccuper  la  science 
et  les  gouvernements. 

Bien  que  la  flamme  de  l'hydrogène  pur  n'éclaire  point 
par  elle-même ,  elle  peut  facilement  servir  à  l'édairage  :  il 
suffit  de  la  mettre  en  contact  avec  un  fil  de  platine  pour 
lui  procurelr  un  grand  pouvoir  lumineox.  —  Mêlé  à  de 
Toxigène  ,  Uhydrogène,  que  l'on  fait  arriver  avec  les  pré- 
cautions nécessaires  jsur  un  cône  de  chaux ,  donne  une 
flamme  dont  il  est  impossible  à  l'œil  j^e  soutenir  l'éclat. 
Cette  lumière-,  appelée  lumière  Drummont,  est  comparable  à 
celle  que  prodmt  le  galvanisme  sur  le  charbon ,  à  la  lu- 
mière qui  nous  vient  des  astres ,  et  conduit  à  penser  qu'un 
jour  l'éclairage  aura  partout  trois  formes  :  la  première  indi- 
viduelle ;  la  «seconde  comAmnale  et  consacrée  au  service  d'in- 
térêts plus  où  moins  étendus,  tel»  que  ceux  d'une  cité 
ouvrière ,  d'une  cité  bourgeoise,  d'une  commune;  la  troi- 
sième appropriée  aux  plus  grandes  viUes  et  à  l'écla^age 
des  côt^*  :  telle  est  la  voie  dans  laquelle  il  importe  d'entrer 
au  plus  vite ,  ^our  satiifaire  à  tous  les  besoins. 

Le  satig 'dissout  une  petite  quantité  d'hydrogène.  Les 
gaz  expirés  péndahtla 'respiration  en  renferment  des  traces. 
11  peut  remplacer  l'azote  pendant  cet  acte  hnportant ,  sans 
entraîner  ni  la  mort  ni  la  maladie. 


DU  SIÈCLE.  161 

L'AzoTB  se  trouve  ,daDS  notre  économie,  au  poumon  dans 
le  sang  et  dans  les  gaz  des  intestins  ;  celui  du  poumon  y 
parait  s'échaoger  incessamment  contre  Tapote  du  sang.  Ce 
corps  est  partout  très-négatif  en  ses  propriétés.  L'une  de 
ses  cpinbinaisons,  Tacide  azotique  (A2.  0'),  est  fort  em- 
ployée dans  les  arts;  cet  acide  sert  à  fabriquer  l'acide  sul- 
furique^  le  fulmi-coton,  à  préparer  l'or  et  le  platine.  La 
France  seule  en  consomme  450,000  kilo.  Il  est  l'objet  d'un 
commerce  considérable  qui  réclame  impérieusement  l'abais- 
sement de  pri:^  des  azotates  de  potasse  et  de  soude  qui  ser- 
?ent  à  sa  production. 

ÂicMoniAQUB  (Âz.  H^).  —  Les  usages  de  ce  corps  sont 
eiLcessivement  répandus.  Il  fait  partie  de  l'eau  sédative  de 
Raspail,  médicament  justement  apprécié ,  que  nous  avons 
expérimenté  nous-même  avec  le  plus  grand  succès  daaas  des 
rhumatismes  articulaires,  dans  des  érjsipèles,  dans  des 
ruptures  musculaires,  et  pour  la  phlébite ,  maladie  si  sou- 
vent mortelle*  La  médecine  emploie  encore  l'ammoniaque 
comme  excitant,  et  comme  caustique.  Elle  forme ,  avec  les 
divers  acides,  ^'un  des  éléments  les  plus  actifs  des  engrais. 
Sa  préparation  à  bon  marché  serait,  après  Udéeemposition 
de  l'eau  à  vil  puj^ ,  l'un  des  plus  grands  services  que  l'on 
pourrait  rendre  ^ux  hommes,,  car  il  n'y  aurait  plus  de  terres 
rebelles  à.  la  culture. 

Le  ^OUFBB  sert  apprendre  des  empreintes,  à  faire  des 
moules  k  médailles,  1  fabriquer  des  allumettes  et  la  poudre 
ordinaire.  L^.  médecine  l'emploie  en  noudre,.  contre  les 
hémorrhoïdes  jet  Içs  maladies  cutanées  ;  la  médecine  vétéri- 
naire. .rutiUse  comme,  purgatif , 

Il  îorpgkQ,  av§c  l'oxigèn^,  sept  cpmbinaisoi^s,  dont  deux, 
l'acide  .sulfureux  ^  l'aeide  sulfurique,  sont  très-utilisés 
dans.; les  a^ts..  —  .L'^çi^e  sulfureux  est.  wiplpyé  à  la 
prépAcalioii.  ^é|  r^^4^  .^urïque ,  au^blancUment  des 
étoâ6S..(te.laM)ei.et^dç  i(i^el^  On  s'en 

sert  quelquefois,,  à.. b^d  .de;i  navires  pour  chasser  de  la 
calejies.  ratSf.ije^  souq^,  les  insectes,  et  c'est  un  tort  de 
n'avÔMi,ypiis..de^.  appareils  tout  exprès  pour,  w  user  fré- 
quemment. Il  est  eiQployéen  médecine,  .contre  les  maladies 
de  peau.  L*acide  sulfurique,  connu  jadis  dans  le  commerce 


163  PHILOSOPHIB 

SOUS  le  nom  d'huile  de  vitriol ,  est  employé  en  médecine 
comme  caustique  ;  mêlé  à  du  safran ,  il  forme  un  caustique 
particulier  qui  a  sa  valeur  et  que  l'on  a  utilisé  dans  le 
cancer.  A  la  dose  de  quelques  gouttes  dans  un  litre  d'eau 
sucrée ,  il  forme  une  Umonade  agréable  ;  étendu  de  beau- 
coup d'eau,  il  peut  servir  à  arroser  des  champs  consacrés 
aux  trèfles  et  aux  luzernes,  si  ces  champs  sont  en  terrain 
calcaire ,  parce  qu'il  forme  alors  avec  la  chaux  un  plâtrage 
artificiel.  L'industrie  l'emploie  journellement  à  une  foule 
d'usages  :  aussi  serait-il  d'une  excellente  économie  sociale 
de  viser  sans  cesse  à  en  abaisser  le  prix  de  revient. 

Le  soufre  se  trouve  dans  les  cratères  éteints  d'un  grand 
nombre  de  volcans  et  surtout  en  Italie  et  en  Sicile,  par 
amas  irréguliers,  au  milieu  de  marnes  bitumineuses,  de 
couches  de  gypse  et  de  calcaire  appartenant  à  la  formation 
crayeuse.  On  pourrait  l'extraire  de  quelques  sulfates  très- 
abondants  dans  la  nature,  tels  que  le  sulfate  de  chaux  ou 
plâtre.  Tout  récemment  l'on  a  découvert,  en  Egypte,  des 
mines  de  soufre  que  l'on  dit  très-riches. 

La  quantité  de  cet  utile  minéral  dépassera  toujours  les 
besoins.  Le  (^obe  en  consomme  aujourd'hui,  année  com- 
mune ,  50,000,000  de  kilogrammes. 

Les  progrès  de  l'industrie  moderne  ont  donné  une 
grande  extension  aux  fabriques  d'acide  sulfurique  :  ces  éta- 
blissements, très-insalubres,  versec^l  dans  l'atmosphère 
d'abondantes  vapeurs  très-vénéneuses  ,  mais  qui  se  mêlent 
rapidement  aux  matières  aqueuses  et  retaaâ>ent  sous  la 
forme  de  pluie  et  de  rosée,  sans  porter  leurs  ravages  à  plus 
de  quelques  centaines  de  mètres.  —  La  préparation  de  cet 
acide  n'est  pas  sans  dangers  pour  les  ouvriers  qui  y  tra- 
vaillent. Leur  rétribution  est  insuffisante  ;  aucune  pré- 
voyance sociale  ne  veille  sur  leur  sort,  sur  celui  de  leurs 
femmes  et  de  leurs  enfants  ;  aucune  solidarité  ne  les  relie 
dans  leurs  dangers  et  ne  les  rattache  aux  établissements 
dont  ils  font  partie  et  dans  lesquels  on  les  utilise  comme 
machines  inteUlgmtes  et  pensantes. 

L'acide  sulfhydcique  (H.  S.)  est  im  corps  gazeux  très- 
vénéneux,  soluble  dans  l'eau;  on  l'appelle  aussi  acide  hydro- 
sulfurique  et  hydrogène  sulfuré.  La  médecine  l'emploie 


BU  SIÈCLE.  165 

fréquemment  à  l'intérieur,  mais  surtout  en  bains,  en  lo* 
tions,  en  douches  et  toujours  avec  précautions;  il  noircit 
presque  toutes  les  substances  métalliques  en  leur  aban- 
donnant son  soufre.  Aussi  est-îl  Tune  des  cause  qui  récla- 
ment une  parfaite  purification  dans  l'éclairage  au  gaz. 

Le  Chlore  (Cl.)  est  un  corps  gazeux  électro-négatif 
excessiyement  puissant  ;  on  Textrait  du  sel  marin  ou  chlo- 
rure de  sodium  qui  est  très-répandu  dans  les  mers  et  dans 
les  terrains  de  trias  ;  il  peut  être  aisément  liquéfié.  L'acide 
cbkfrique  est  lune  des  combinaisons  qu'il  forme  avec 
l'oxigène  ;  cet  acide  fait  partie  du  chlorate  de  potasse, 
sel  coûteux,  mais  très-utile  pour  préparer  des  poudres 
fulminantes  et  qui  pourrait  l'être  pour  activer  l'action  vitale 
des  végétaux. 

L'acide  chlorhjdrique  (Gl.  H.)  est  le  résultat  de  la  com- 
binaison du  chlore  et  de  l'hydrogène;  ses  usages  sont 
très-nombreux  dans  les  arts.  Son  mélange  avec  l'acide 
azotique  donne  l'eau  régale ,  corps  oxidant  très-énergique. 

Le  chlore  est  employé  directement  ou  en  combinaison 
pour  détruire  les  miasmes  putrides  et  pour  décolorer  les 
substances  végétales,  telles  que  les  tissus  de  toile  et  de  co- 
ton, la  pâte  du  papier.  Son  prix  est  en  rapport  direct  avec 
celui  de  l'acide  sulfuriqué  et  de  Toiide  de  manganèse,  qui 
servent  à  sa  préparation. 

La  médecine  l'utilise  avec  succès  dans  les  catharres 
chnmiques  de  la  poitrine  ;  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il 
ait  jamais  contribué ,  quoiqu'on  en  ait  dit  ou  écrit ,  à  la 
guérison  de  phtysiques.  Nous  avons  assisté^  sous  ce  rapport, 
à  des  expériences  que  l'on  disait  concluantes  et  qui  nous 
ont  pam  négatives. 

Le  Brôhe  (Br.)  et  I'Iode  (Io.)  sont  deux  corps  très-utiles 
depuis  la  découverte  de  Daguerre;  3s  forment,  avec  le 
chlore ,  un  groupe  très-intéressant ,  ma»  tous  deux  ont  des 
propriétés  bien  moins  énergiques.  Ces  corps,  malgré  leurs 
aspects  et  leurs  qualités  différentes ,  présentent  de  nom- 
breuses analogies.  La  médecine  les  emploie  comme  exci- 
tants du  système  absorbant  chez  les  sctofoleux ,  le^  psori- 
ques,  les  syphilitiques. 

Le  Fluob,  corps  peu  étudié,  fait  aussi  partie  du  même 


164  PHitosopniB 

groupe.  Son  acide  fluorhydrique  sert  à  écrire  sur  le  verre. 
C'est  une  substance  d'une  très-violente  énergie ,  dijBicile  à 
manier,  produisant  les  brûlures  les  plus  cruelles  et  les  plus 
dangereuses.  Cependant  le  fluor  est  chassé  par  le  chlore,  de 
ses  combinaisons. 

Le  Phosphore  (Ph.)  n*a  été  réeltement  étudié  que  de- 
puis 1769  ;  il  est  très-employé  dans  les  arts  pour  la  fabri- 
cation des  allumettes  chmiques.  Il  peut  servir  à  empoi- 
sonner les  rats  et  les  animaux  gloutons ,  tels  que  les  re- 
quins et  d'autres  poissons  qu'il  tue  en  brûlant  leurs  intestin». 
Il  rendra  d'immenses  services  le  jour  où  l'homme,  plus 
avancé  en  civilisation  ,  jugera  convenable  de  débarrasser  le 
globe  d'une  foule  d'hôtes  dangereux.  Le  phosphore  fait 
aussi  partie  des  os  des  animaux  et  de  plusieurs  combinaisons 
très-utiles.  Son  revient  économique  et  le  bas  prix  de  ses 
composés  seront  avant  longtemps  ime  question  de  premier 
ordre  en  industrie  et  surtout  en  agriculture. 

L'ÂRSBNiG.  (As.)  présente  de  l'analogie  avec  le  phosphore 
pour  ses  combinaisons.  —  Il  a  l'aspect  métalliqro  et  rend 
cassants  les  métaux  qui  en  contiennent.  Son  oxide  blanc, 
acide  arsénieux  (As.  0'),  est  un  poison  violent  empldyé  fré- 
quemment dans  les  arts.  Cet  acide  a  deux  formes  :  l'une 
opaque,  l'autre  transparerlte  ;  ceÛe^i  n'a  plus  exactement 
les  mêmes  propriétés  que  Tautre  :  elle  est  bien  moins  solu- 
ble.  L'acide  arsénieux  et  l'acide  arsénique  (As.  0*)  servent 
à  faire  des  sels' employés  en  médecine  contre  les  maladies 
de  peau  et  les  fièvres  intermittentes.  —  Il  existe  une  com- 
binaison gazeuse  d'hydrogène  et  d'arsenic  qui  se  produit 
avec  la  pkis^ grande  facilité  :  eUe  est  excessivement  véné- 
neuse et  joue  un  grand  rôle  en  médecine  légale.  Il  existé 
un  sulfure. d'arsenic  employé  en  peinture;  sa  formule  est 
As.  S'  ;  on-  l'appelle  réalgar.  Un  autre  sulfure  porte  le  înom 
d'orpiment;  sa  formule  est  As.  S*. 

Le  BoKBne:  nous  intéresse  que  pour  la  combitïaison  de 
son  acide  borique  (Bo.  0'),  appelée  borax  ou  botate  de 
soude ,  qui  serd  à  souder. 

Le  SiUGiUK  (Si.)  forme ,  avec loxigène ,  l'acide  silicique 
qui  joue  un  très'-grand  rôle  dans  la  nature.  Cet  acide  a 
pour  formule  Si.  0*  ;  il  forme  la  base  des  roches  purement 


BU  SIÈCLE.  165 

siliceuses ,  telles  que  le  cristal  de  roche ,  le  quartz ,  les  sa- 
bles ;  il  entre  dans  la  composition  des  granits ,  des  gneiss , 
des  schistes. 

Le  Cabboiœ  n'est  autre  chose  que  le  charbon  très^pur  ;  il  se 
présente  dans  la  nature  et  dans  les  arts,  sous  les  états  suivants  : 

Le  diament  ou  carbone  pur  cristallisé , 

La  plombagine , 

Le  coke  ou  résidu  de  la  calcination  de  la  houille , 

Le  charbon  animal,  que  l'on  obtient  en  calcinant  les 
substances  de  ce  règpe. 

Le  carbone ,  sous  la  forme  de  houille ,  de  tourbe  ^  de 
bois  ou  de  charbon,  est  aujourd'hui  le  combustible  par 
excellence  et  le  réducteur  d'un  grand  nombre  d'axides, 
auxquels  il  enlève  leur  oiigène  :  aussi  est-il  extrêmement 
employé  dans  l'industrie.  Mieux  utiliser  la  chaleur  déve- 
loppée dans  sa  combustion  et  le  remplacer  par  d'autres 
combustibles ,  voilà  la  double  direction  de  l'économie  in- 
dustrielle. L'économie  sociale  devrait  s'occuper  depuis 
longtemps  du  reboisem^it  des  montagnes  «t  de  l'aménage- 
ment des  mines  de  houilles,  qui  sont  plutôt  gaspillées 
qu'exploitées  ;  mais  eUe  n'en  est  pas  encore  là.    > 

Le  charbon  très-poj^us  et  dont  les  molécules  étaient 
écartée^^au  moment  de  sa  production,  le  charbon  de  bois, 
le  charbLon  animal,  et  surtout  les  charbons  de  sciure  de  bois 
calcinée  avec  do  la  potasse,  et  le  charbon  de  matières  ani- 
males calcinées  de  la  même  manière,  ab$(Mrbent  singulière- 
ment les  .gaz  et»  décolorent  les  liquides.  Ce  soni  des  sub- 
stances, éminemment  désinfectantes;  de  là  leurs  usages  en 
médecine,  e^  chimie,  en  industrie,  dans  la  clarification  des 
sacrer  et  ^ans  la  fabrication  des  engrais  :  usages  qui  pour- 
ront varier,  mais  qui  augmenteront  nécessairement.  < 

La  c£irte-  de  l'çpoque  houillère  de  M.  Elle  de  Beaumont , 
établit  que  les  trois  quarts  de-  la  hoiuiUe  européenne  se 
trouvf;Q(,s^s  Jies  eaux,,  sous  la  forme  d'un  limmeonse^  tra- 
pèze, .^ont;  l'un  .des  petits  côtés  néunirait  Edimbourg  et 
Chester,  tandis  que  l'autre ,  moitié  moindre ,  passerait  près 
de  Liège.  I^  autre  banc  de  houille^  moins  considérable, 
mais  cepend^pt  large  encore  de  plus  de  10  lieues,  commence 
dans  le  nord  de  la  France  pour  aller  se  terminer  en  Irlande, 


166  PHILOSOPHIB 

après  avoir  traversé  l'Angleterre  dans  sa  plus  grande  lar- 
geur: malheureusement  une  moitié  de  cette  formation  se 
trouve  sous  les  eaux.  Les  pays  les  plus  riches  en  houille 
sont  l'Angleterre  et  la  France  ;  on  en  trouve  encore  au 
Harz  en  Saxe,  en  Bohême,  en  Autriche.  L'Espagne,  le 
Portugal  et  l'Italie  en  paraissent  presqu'entièrement  privés. 
La  Chme  et  le  Japon  sont  très-riches  en  combustible  fossile  ; 
on  en  a  rencontré  aussi  en  Amérique ,  dans  la  Nouvelle- 
Hollande  et  en  Sibérie.  La  consommation  de  la  houille 
double  en  14  ans.  La  statistique  des  terrains  houillers 
n'existe  pas  ;  elle  serait  extrêmement  utile  :  par  elle  on 
pourrait  prévoir  l'avenir  industriel  réservé  d'ici  à  plusieurs 
siècles  aux  principales  contrées  du  globe. 

Le  produit  des  houillères  dont  l'exploitation  était  con- 
nue ,  fournissait  en  1844 ,  250  millions  de  quintaux,  repré- 
sentant plus  de  150  millions  de  francs,  et  si  l'industrie 
reprend  toute  son  activité ,  l'on  pourra  compter,  en  1860, 
sur  une  extraction  de  750  millions  de  quintaux  représentant 
plus  de  450  miUion$  d^  francs.  Il  serait  temps  du  reste  que 
les  divers  gouvernements  de  la  planète  s'entendissent  &ur 
la  réglementation  de  l'exploitation  de  la  houille,  afin  de  ne 
pas  arriver  à  un ,  épuisement  presque  complet  des  mines 
avant  quatre  cents  ans.  Ajoutons  que  sur  plusieurs  points , 
la  mauvaise  exploitation  des  houillères  fera  perdre ,  comme 
à  Saint-Etienne ,  le  quart  du  charbon. 

Il  est  vrai  que  de  nouvelles  découvertes  viendront  dimi- 
nuer en  apparence  la  consommation  du  combustible.  Ahisi 
pensera-t-on  pour  ces  machines  à  vapeur  et  à  éther,  dans 
lesquelles  la  vapeur  d'eau  sert  à  vaporiser  de  l'éther,  du 
chloroforme  ou  du  chlorure  ^e  carbone  ;  pour  ces  machines 
à  air  chaud  qui  réalisent  la  force  d'un  cheval  de  vapeur 
avec  le  tiers  ou  le  quart  de  sa  consommation  habituelle  de 
houille.  Mais  il  est  bien  évident  pour  ceux  qui  suivent  les 
progrès  de  l'industrie ,  que  qes  machines  perfectionnées  au- 
ront pour  résultat  de  répandre  de  plus  en  plus  l'usage  des 
forces  motrices  et  d'augmenter  encçre  la  consommation  ac- 
tuelle du  combustible  fpssile. 

L'un  des  plus  grands  progrès  accomplis  depuis  peu,  c*est 
d'avoir  fait  parvenir  le  charbon  en  poudre  et  l'air  atmo- 


BU  SliCLE.  167 

sphérique  dans  les  fourneaux,  dans  des  quantités  directe* 
ment  proportionnelles  aux  équivalents  d'oxigène  et  de  ma- 
tière combustible  qu'ils  renferment.  Cette  découverte ,  due 
à  M.  Corbin ,  nous  a  conduit  à  reconnaître  que  toute  la 
pyrotechnie  des  ateliers  va  changer  entièrement  d'ici  quel- 
ques années ,  une  immense  révolution  se  préparant  à  petit 
bruit  dans  le  monde  industriel. 

Le  carbone  donne,  avec  l'oiigène,  trois  combinaisons  : 
Toxide  de  carbone,  corps  gazeux  (C.  0)  que  l'on  voit  brûler 
avec  une  flamme  bleue  à  la  gueule  des  hauts  fourneaux  ; 
l'acide  oxalique  (C*.  0');  l'acide  carbonique  (C.  O'). 

L'Acide  Cabboi«ique  sert  à  rendre  les  eaux  gazeuses  ;  il 
fait  en  bonne  partie  la  valeur  des  eaux  de  Spa ,  de  Vichy, 
de  Contrexeville,  de  Seltz  et  d'un  grand  nombre  d'autres  ; 
il  est  l'un  des  agréments  des  boissons  mousseuses ,  telles 
que  le  cidre ,  la  bierre ,  le  vin  de  Champagne  :  è  ce  double 
point  de  Tue  son  usage  s'étend  sans  cesse.  —  Il  est  le  pro- 
duit de  la  fermentation  ;  sa  présence  est  favorable  à  la  vé- 
gétation. L'air  atmosphérique  en  contient  depuis  des  traces 
jusque  à  3  ou  5  pour  7o. 

On  trouve  chez  l'homme  de  l'acide  carbonique  dans  le 
poumon ,  dans  le  sang ,  où  il  est  dissous  par  le  sérum  et 
les  globules ,  dans  les  intestins  et  les  urines.  Le  sang  arté- 
riel en  renferme  plus  que  le  sang  veineux.  Les  expériences 
de  H.  Verdeil  établissent  que  l'acide  pneumique  qu'il  a  dé- 
couvert dans  le  poumon ,  décompose  les  carbonates  du  sang 
et  qu'il  est  Tune  des  sources  de  l'acide  carbonique  de  l'éco- 
nomie ;  la  substance  organisée  en  serait  une  autre  ;  le  sang 
lui-même  en  serait  une  troisième  par  suite  de  Toxigène  et 
du  carbone  qu'il  renferme  (Marchand).  MM.  Hervier  et 
Saint-Lager  ont  constaté  que  l'acide  carbonique  contenu 
dans  Tair  expiré  éprouve  des  variations  horaires,  parallèles 
à  celles  du  baromètre.  La  peau  laisse  échapper  par  jour 
17  grammes  d'acide  carbonique,  et  le  poumon  1100  à  1172. 
—  Toutefois  les  expériences  qui  paraissent  établir  qu'un 
centième  de  plus  dans  l'atmosphère  d'acide  carbonique 
peut  influencer  défavorablement  la  respiration,  nous  pa- 
raissent avoir  été  faites  avec  de  l'acide  carbonique  contenant 
un  peu  d'oxide  de  charbon ,  corps  très-vénéneux. 


168  PHILOSOPHIE 

L*ÂciDB  OxÂUûUB  ne  peut  exister  seul  sans  renfermer 
trois  parties  d'eau.  Sa  formule  exacte  est  C*.  0'.  +  3  H  0. 
Il  se  trouve  dans  un  grand  nombre  de  plantes. 

CoMBiifÂisoNS  DB  Cabbonb  ET  d'Hydrogèke.  — A  la  sur- 
face des  eaux  stagnantes  se  dégage  souvent  un  gaz  formé  de 
carbone  et  d'hydrogène  :  c'est  le  gaz  proto-carboné  C^. 
H*.  Celui  qui  sert  à  l'éclairage  contient  deux  fois  plus  de 
carbone;  sa  formule  est  C*.  H*.  Ces  combinaisons  don- 
nent lieu  à  des  isomérismes  curieui^  ;  elles  nous  permettront 
démontrer  comment  on  peut  passer  de  l'hydrogène  protocar- 
boné ,  ou  gaz  des  marais ,  aux  autres  carbures  d'hydrogène , 
à  l'acide  acétique,  à  l'éther,  à  l'alcool,  aux  sucres,  aux  fé- 
cules, à  la  cellulose. 

Cbllulosb.  —  On  appelle  de  ce  nom  le  tissu  générateur 
des  plantes,  celui  qui  forme  la  trame  de  tous  les  tissus  vé- 
gétaux» Il  y  a  aussi  une  cellulose  animale  ;  mais  celle-ci  en 
diffère  un  peu  ;  elle  est  d'autant  plus  azotée  ou  animalisée 
que  Ton  avance  vers  les  animaux  vertébrés.  Il  y  a  encore 
une  cellulose  minérale. 

Les  bois  se  composent  en  grande  partie  de  cellulose;  ils 
sont  en  général  d'autant  plus  altérables  (fu  ils  renferment 
plus  de  matières  azotées.  On  les  conserve  par  divers  procé- 
dés qui  ont  tous  pour  but  de  les  priver  d'air  et  de  remplir 
leurs  pores  d'une  substance  conservatrice.  M.  Boucherie 
emploie  à  cet  usage  la  puissance  d'aspiration  des  végétaux  : 
c'est  ainsi  qu'il  fait  pénétrer  le  liquide  conservateur  dans 
des  arbres  frais  abattus  ou  encore  debout.  D^autres  em- 
ploient de  très-fortes  présidions  ;  d'autres  ià  température 
élevée  de-  liquides  gras  ou  résineux  fortement  chauffés. 

La  cellulose  donne  lieu ,  sotis  le  nom  de  papier,  à  fune 
des  fabricatîMs  les  plus  importantes  des  pays  civilisés.  Si , 
en  Europe,  la: liberté  de  la  presse  et  si  les  postes  étaient 
organisées  dans  l'intérêt  des  administrés,  cette  fabrication 
deviendrait  néceBsairëtoent  quadruple  de  ce  qu'elle  est  au- 
jourd'hiii.  Dans  la  fabrication  du  papier,  les  chiffons  sont 
d'abord  triés  avec  soin;  l'on  met  à  part  les  chiffons  de  soie 
et  de  laine,  souvent  aussi  ceux  de  coton,  qui  donnent  des 
papiers  bien  Moins -résistants  que  les  chiffons  dé  lin  et  de 
chanvre ,  ce  qui  tient  à  la  contexture  de  leur  cellulose.  Les 


BU  SIËCLB.  169 

cbiffons  sont  ensuite  lessivés  à  la  soude  et  à  la  vapeur, 
puis  poTt^  sous  le  cylindre  qui  les  eflUoche  et  les  divise. 
Ce  cylindre  fait  180  à  2â0  tours  par  minute  ;  il  est  à  la  fois 
laveur  ei  effilocheur.  Vient  ensuite  le  blanchiment,  au 
moyen  de  rhypochlorite  ou  chlorure  de  chaux.  Une  fois 
blanchie,  la  pâte  est  remise  dans  les  piles  où  elle  est  affi- 
née, puis  colée  au  moyen  d'un  savon  résineux.  Divers 
savons  peuvent  être  employés  à  cet  usage.  Nous  avons  fait 
personnellement  des  essais  utiles  dans  cette  direction ,  dès 
1827,  en  associant  la  fécule  cuite  au  savon  résineux.  — 
Ainsi  préparée ,  la  pftte  est  versée  sur  les  formes.  On  a  au- 
jourd'hui des  formes  sans  fin  préparant  des  papiers  indéfi- 
niment longs  ;  mais  pour  avoir  des  papiers  de  qualité  supé- 
rieure^ il  faut  encore  employer  les  formes  à  la  main.  — 
Payen  évalue  à  75  chevaux  la  force  nécessaire  pour  pro- 
duire, par  jour,  1500  kilo,  de  papier;  d'où  ils  résulte  que 
les  grandes  papeteries  devront  toutes  un  jour  être  placées 
sur  les  bords  de  grauids  fleuves,  ou  aux  déversoirs  des  grands 
étangs  qui  seront  installés  dans  nos  montagnes,  pour  amé- 
nager le  cours  des  eaux  et  faciliter  les  dérigations.  —  C'est 
ainsi  que  toutes  les  forces  créées  par  la  nature  ou  par 
l'homme  trouveront  leur  application  par  suite  de  cette  éco- 
nomie sociale  bien  entendue,  qui  n'est  autre  que  l'applica- 
tion de  L^  solidarité  et  de  la  circulation  aux  intérêts  so- 
ciaux, 

Farii^es  et  ÀxiBOif.  —  Sous  le  nom  de  farines,  de  fécules 
ou  d'aoûdoUf  l'on  di^signe  souvent  des  substances  très- 
différentes.  —  Beaucoup  de  farines  contiennent  du  gluten: 
on  les  en  débarrasse ,  s'il  y  a  lieu ,  soit  par  la  fermentation 
sait  par  la  malaxation.  La  fermentation,  voilà  l'ancien  pro- 
cédé ;  il  a  Le  grave  inconvénient  de  perdre  le  ^uten.  La  ma- 
laxation, que  l'on  pratique  à  lamam  sur  de- petites, masses, 
f^ut  Vùtjce  sur  des  masses  plus  consÂdérabfes ,  au  moven 
d'une  espèce  de  pétrin  mécanique.  De  cette  manière  l'on 
sépare  la  fécule  du  gluten ,  que  l'on  conserve  pour  des  nom- 
lireux; usagés  auxquels  il  convient.  —  Baspail  est  le  pre- 
mier qui  ait. étudié  philosophiquement  la  féeule;  il  a  dit , 
en  quelques  pages,  l'histoire  d'un  corps  sur  lequel  on  avait 
écrit   des  volumes  remplis  d'erreurs.  Les  auteurs  dont  il 


170  PHILOSOPHIE 

a  mis  à  néant  les  travaux  ne  le  lui  ont  point  pardonné  ; 
et  d'autres,  peu  riches  de  leur  propre  fonds,  se  sont  en 
quelque  sorte  coalisés  pour  s'emparer,  sans  le  citer,  de  tout 
ce  qu'il  avait  dit  de  nouveau.  —  Il  est  bien  constant  au- 
jourd'hui que  la  fécule,  séparée  du  gluten,  se  compose  de 
deux  parties  :  une  substance  enveloppante  et  une  substance 
enveloppée  ;  que  la  substance  enveloppée  est  une  gomme 
soluble  que  l'iode  colore  en  un  beau  bleu ,  tandis  qu'il  ne 
colore  point  de  la  même  manière  les  graines  de  fécule  dont 
l'enveloppe  n'a  pas  été  décolorée. 

Les  fécules  sont  loin  de  se  ressembler  toutes.  Beaucoup 
sont  très-faciles  à  distinguer  au  microscope  :  aussi  cet  ins- 
trument est-il  le  meilleur  moyen  de  reconnaître  de  suite  les 
additions  de  farine,  de  fèves ,  de  haricots  et  de  maïs  faites  à 
la  farine  de  frosoent.  Cette  dernière  est  polygonée.  Un  seul 
grain  de  fécule  de  maïs  est  très-reconnaissable  au  micros- 
cope entre  500  de  farine  de  froment.  La  fécule  de  pommes 
de  terre  est  aisée  à  distinguer  par  le  grand  volume  qu'elle 

S  rend  sous  Tûafluence  de  la  soude  ou  de  la  potasse  ;  mais 
ans  les  boulangeries,  le  meilleur  de  tous  les  moyens, 
c'est  un  essai  préparatoire  sur  une  petite  quantité  de  farine. 

Les  solutions  de  soude  et  de  potasse  transforment  de 
suite  et  à  froid  les  fécules  en  empois.  Les  acides  étendus 
réagissent  aussi  sur  les  fécules ,  mais  d'une  autre  manière  ; 
ils  les  changent  d'abord  en  dextrine,  substance  gommeuse 
soluble  dans  l'eau ,  puis  en  glucose. 

La  pomme  de  terre  est  la  substance  féculante  que  l'on 
emploie  le  plus  habituellement  pour  en  extraire  la  fécule. 
Cette  opération ,  bien  plus  complexe  qu'on  ne  le  pense  , 
comprend  dix  t^mps  :  1"*  lavage  des  pommes  de  terre  ; 
S""  râpage  ;  5° .  taipisAge  ;  4''  décantage  du  liquide  qui  re- 
couvre la  fécule;  5"^  nouveau  tamisage;  6*"  égouttage  ; 
7**  deuxième  égouttage  ;  8**  séchage  ;  9"  séchage  à  l'étuve  ; 
iO""  écrasage  et  blutage. 

Le  carbonate  de  soude,  qui  enlève  à  ,1a  fécule  de  pommes 
de  terre  l'odeur  qu'elle  manifeste  souvent,  permet  aussi  de 
préparer  d'excellente  fécule  avec  les  marrons ,  qui  devien- 
dront de  la  sorte  un  fruit  d'autant  plus  utile  que  chaque 
jour  multiplie  les  emplois  industriels  des  fécules  diverses. 


BU  SIÈCLE.  171 

La  préparation  du  pain,  dont  il  convient  de  dire  ici  quel- 
ques mots,  comporte  cinq  opérations  : 

Le  délayage  de  la  farine , 

Le  pétrissage , 

La  fermentation , 

L'apprêt , 

La  cuisson. 

Le  pétrissage  et  la  fermentation  doivent  être  faits  de 
(elle  sorte  que  100  livres  de  farine  produisent  de  156  à 
142  livres  de  pain.  Si  ces  deux  opérations  sont  mal  faites, 
le  rendement  tombe  à  155  et  aundessous.  Le  pain  est  alors 
lourd  et  désagréable ,  quelle  que  belle  que  soit  la  farine  em- 
ployée. 115  à  117  de  pAte  devant  donner  100  de  pain,  il 
eo  résulte  que  160  livres  de  p&te  donnent  environ  156  à  140 
de  pain  bien  préparé  et  correspondent  à  100  livres  de  farine. 

Les  fours  de  boulangerie  qui  paraissent  les  meilleurs 
sont  ceux  qui  chaufTent  à  bouche  fermée,  par  suite  de 
tuyaux  conducteurs  qui  y  apportent  l'air  extérieur.  Leur 
cheminée  doit  être  munie  d'une  soupape  régulatrice  qui  per- 
mette d'ouvrir  ou  d'intercepter  la  communication  de  l'air 
eitérieor.  Ils  offrent  moins  de  dangers  et  sont  plus  écono- 
miques. 

Les  pétrins  mécaniques,  beaucoup  vantés  dans  ces 
derniers  temps ,  sont  utiles ,  mais  ils  ne  font  subir  à  la  pftte 
qu'une  préparation:  elle  a  besoin  d'une  dernière  ma- 
nutention à  bras  d'hommes,  si  Ton  veut  qu'elle  soit  légère 
et  parfaitement  préparée 

L'on  a  prétendu,  dans  ces  derniers  temps,  avoir  trouvé 
le  secret  de  faire  absorber  de  l'azote  à  la  farine ,  de  ma- 
nière à  augmenter  le  rendement  d'un  cinquième  ou  d'un 
quart  :  ce  fait  est  encore  à  démontrer.  Pareille  découverte 
serait  extrêmement  profitable  à  l'humanité,  puisqu'elle 
lui  donnerait  presque  gratuitement  le -quart  ou  le  cinquième 
de  la  nourriture  actuelle. 

La  fabrication  du  pain  ne  soulève  pas  seulement  des 
questions  d'ordre  chimique,  mais  aussi  des  questions  d'or* 
dre  économique  et  administratif.  On  s'est  demandé  s'il 
ne  conviendrait  pas ,  pour  prévenir  les  disettes  et  les  acca- 
parements ,  que  chaque  commune  eût  sa  boulangerie  so- 


172  PHILOSOPHIE 

ciétaire  et  un  approvisionnement  en  farines  et  en  blés. 
Cette  question  n'a  pas  encore  été  résolue  par  l'expérience , 
quoiqu  il  existe  des  boulangeries  sociétaires  à  Nantes ,  à 
Brest  et  sur  quelques  autres  points  de  la  France.  Elles,  sont 
dues ,  pour  la  plupart ,  à  l'action  éminemment  civilisatrice 
que  les  phalanstériens  exercent  sur  l'industrie.  —  Il  n'est 

Sermis  à  personne ,  parmi  les  hommes  qui  se  sont  occupés 
e  philosophie  depuis  trente  ans,  d'ignorer  que  l'école 
phalanstérienne  a  publié  les  plus  beaux  travaux  sur  l'orga- 
nisation industrielle  des  sociétés ,  que ,  souvent  attaquable 
sous  d'autres  rapports ,  elle  a  pris  sous  celui-ci  le  premi^ 
rang. 

Sucre.  —  La  consommation  du  sucre  augmente  sans  cesse 
dans  les  pays  européens  ;  elle  est ,  en  Angleterre ,  de  10 
kilo,  par  tête  ;  en  Belgique,  de  7,5  ;  en  Hollande,  de  7  ;  en 
France,  par  suite  d'un  mauvais  système  colonial  et  de 
droits  inintelligents,  elle  est  de  5  kilo.  55;  en  Espagne,  elle 
s'élève  à  peu  près  au  même  chiffre  ;  en  Italie,  elle  n'est  que 
de  1  kilo.  ;  en  Autriche,  que  de  0,9;  en  Russie,  elle  atteint 
à  peine  0,5. 

On  estime,  pour  le  globe,  la  production  annuelle  en 
sucre  à  780  millions  de  kilo.  —  La  canne  d'Otahïti,  la 
plus  riche  de  toutes  çn  substance  saccharine ,  renferme  18 
pour  %  de  sucre  cristallisable ,  presque  le  double  de  la 
betterave  et  dans  des  conditions  plus  faciles  de  prépara- 
tion. L'introduction,  aux  colonies,  des  procédés  de  la  chi- 
mie moderne,  à  savoir  :  l'évaporation  dans  le  vide,  la  fil- 
tration  sur  le  noir  animal,  une  meilleure  extraction  du 
jus ,  a  déjà  changé  et  changera  encore  davantage  les  condi- 
tions du  revient  du  sucre  colonial ,  de  manière  à  supprimer 
le  sucre  de  betterave ,  industrie  de  parasitisme  qui  ne  peut 
se  soutenir  qu'à  l'aide  d'abus,  tels  (jue  des  droits  protec- 
teurs. La  nature  ayant  créé  les  spécialités  des  cultures  et 
des  cUmals,  y  a-t-il  rien  de  plus  absurde  que  de  payer,  en 
France,  le  sucre  beaucoup  plus  cher  à  des  exploitants  bette 
raviers ,  plutôt  que  d'aller  échanger  nos  proauits  manufac- 
turés dans  les  Indes,  contre  les  denrées  naturelles  aux  pays 
équatoriaux  ? 

Alcool.  —  Par  la  fermentation  le  sucre  se  transforme  en 


BU  SIÈCLE.  173 

alcool;  aussi  la  fermentation  est-elle  la  base  des  opérations 
qui  ont  pour  but  de  préparer  le  cidre ,  le  poiré  ou  cidre  de 
poires ,  la  bière ,  le  vin  et  les  eaux-de-vie  de  grains  et  de 
pommes  de  terre,  —  La  bière  étant  celle  de  ces  boissons 
dont  la  préparation  est  la  plus  compliquée,  nous  allons  Tcx- 
poser  sommairement  :  l""  on  mouille  les  grains  pour  les 
faire  germer  ;  ^  on  les  fait  germer,  ce  qui  produit  dans  le 
grain  la  diastase  qui  le  transformera  plus  tard  en  substance 
sucrée;  3*  on  sèche  le  grain  germé  et  on  lui  enlève  les 
radicelles;   4^  on  soumet  le  grain  préparé   de  la  sorte  à 
une  grosse  mouture  dont  le  produit  porte  le  nom  de  malt  ; 
5"*  la  saccharification  vient  ensuite  :  elle  a  pour  but ,  en 
soumettant  le  malt  dans  Teau  à  une  température  de  75  de- 
grés en  moyenne ,  d'y  produire  le  plus  de  sucre  possible  ; 
6*  le^eaux  qui  ont  servi  à  épuiser  le  malt  sont  chauffées  à 
100  degrés  avec  du  houblon ,  puis  7°  elles  sont  soumises  à 
!a  fermentation;  8"  le  collage  vient  après:  il  a  pour  but 
de  clarifier  le  liquide  obtenu.  On  se  sert  pour  cette  opé- 
ration d'icthiocoUe  ;  cette  substance  agit  en  formant  comme 
un  Téritable  filet  à  ^tailles  serrées  au  sein  de  la  bière.  Ce 
filet  emprisonne  toutes  les  substances  étrangères. 

L^importance  de  la  fabrication  des  cidres,  très-grande 
en  France,  n'est  point  encore  entrée  dans  une  statistique 
de  l'univers,  ouvrage  qui  manque  à  nos  bibliothèques. 
Nous  regrettons  d'avoir  à  signaler  le  même  fait  pour  les 
vins,  qui  correspondent  en  France  à  deux  millions  d'nectaros 
planté  en  vignes,  et,  pour  les  ventes,  à  un  milliard  de  francs. 
Le  Bartux  et  le  Strontium:  ne  fournissent  que  très-peu 
de  produits  utiles.  Le  chlorhydrate  de  baryte  a  été  pré- 
comsé  en  médecine  sans  que  la  légitimité  de  ses  succès  soit 
bien  établie.  Les  azotates  de  baryte  et  de  strontiano 
servent  à  faire  des  feux  Jaunes  et  rouges  sur  nos  théâtres. 

Le  Calcium  (Ca.)  produit  la  chaux  fCâ.  0)  si  employée 
en  médecine  et  dans  les  arts ,  soit  à  l^état  de  chaux  soil 
à  l'état  de  sel.  Eteignez,  dans  une  terrine  placée  dans 
une  barrique  où  vous  faites  asseoir  un  malade  en  fermant 
avec  une  couverture  l'ouverture  de  la  barrique,  quel- 
ques kilo,  de  chaux,  et  il  se  produit  assez  de  vapeur  d'eau 
pour  donner  un  bain  économique. 


174  PHILOSOPHIE 

Mêlez  de  la  chaux  vive  à  de  la  potasse  ou  de  la  soude, 
et  vous  avez  un  caustique  excessivement  facile  à  manier. 

La  chaux  est  la  base  des  bons  mortiers.  On  appelle 
grasse  celle  qui  foisonne  la  plus,  hydraulique  celle  qui 
contient  assez  de  substances  siliceuses  et  autres  pour  for- 
mer une  vraie  pierre  et  durcir  sous  l'influence  de  l'eau  en 
produisant  un  silicate.  Le  béton  e^t  une  sorte  de  silicate  ar- 
tificiel que  l'on  obtient  en  mêlant  du  sable  ou  de  pelites 
{)ierres  à  de  la  chaux ,  et  surtout  à  de  la  chaux  hydrau- 
ique,  dans  des  proportions  indiquées  par  la  science.  La 
chaux  maigre  est  celle  qui  contient  une  grande  proportion 
de  substances  étrangères  ;  elle  devient  peu  propre  aux  arts 
et  très-impropre  à  l'agriculture  si  la  magnésie  est  au  nom- 
bre de  ces  corps. 

Employée  comme  engrais  à  la  dose  de  IS  à  50  hectoli- 
tres à  l'hectare,  la  chaux  est  à  la  fois  un  amendement 
utile  et  une  fumure  excellente  par  la  transformation  en 
ulmine  qu'elle  fait  subir  à  toutes  les  substances  végétales 
avec  lesquelles  on  la  stratifié  quand  elle  est  vive  ;  elle  donne 
aux  chaumes  des  blés  une  plus  gramme  résistance  et  favo- 
rise singulièrement  leur  fructification.  Il  n'est  pas  de  pays 
européen  qui  ne  puisse  en  moyenne  fumer  à  la  chaux  Le  di- 
xième de  ses  terres,  et  quelques-uns  pourraient  aller  au 
cinquième.  De  ce  fait,  de  ceux  qui  précèdent  et  de  ceux 
qui  suivent ,  nous  devons  conclure  qu'à  l'aide  des  engrais 
minéraux  l'on  pourrait  arriver  à  augmenter  considérable- 
ment les  terres  du  globe  actuellement  consacrées  aux  lé- 
gumes, aux  prairies  et  aux  céréales,  tout  en  augmentant 
dans  une  énorme  proportion  leurs  rendements  habituels.  La 
chaux  sert  encore  à  une  foule  d'usages  domestiques.  Fort 
heureusement  les  gisements  des  calcaires  qui  servent  à  la 
fabriquer  sont  aussi  abondants  et  aussi  communs  qu'on 
peut  le  désirer. 

Le  sulfate  de.  chaux  employé  sous  la  forme  de  plâtre 
dans  les  arts ,  dans  les  constructions  et  en  agriculture  ,  se 
rencontre  en  grande  quantité  soit  dans  le  terrain  de  trias,  soit 
dans  le  terrain  tertiaire  inférieur.  Il  s'y  trouve  en  général 
en  amas  considérables  de  forme  lenticulaire.  Quelques-uiis 
ont  été  produits  par  des  sources  thermales. 


DU  SIÈCLE.  17â 

Ce  corps  se  présente  SOUS  deux  états  différents  :  anhydre  ou 
hydraté  ;  c'est  ce  dernier  qui  porte  le  nom  de  plâtre.  L'on 
appelle  pl&tre  cuit  celui  dont  on  a  chassé  Teau  de  cristalli- 
sation par  la  chaleur.  Réduit  en  poudre  et  tamisé,  le  pIAtrc 
devient  propre  à  faire  des  objets  d'ornement,  des  bustes , 
des  statuettes,  des  modelures.  Trempé  dans  un  bain  de 
stéarine,  le  plfttre  se  durcit  singulièrement:  les  objets 
confectionnés  de  la  sorte  se  conservent  mieux  et  jouissent 
d'un  fini  plus  remarquable.  On  peut  arriver,  par  ce  pro- 
cédé que  1  on  varie ,  à  fabriquer  des  objets  d'art  assez  dé- 
licats. —  Le  stuc  n'est  que  du  plâtre  gâché  à  la  colle  et 
poli  ensuite  ;  ce  produit  industriel  peut  acquérir  une  grande 
dureté.  On  lui  donne ,  avec  des  couleurs ,  les  veines  que 
Ton  désire ,  de  manière  à  imiter  les  plus  beaux  des  marbres 
naturels. 

La  petite  quantité  de  sulfate  de  chaux  qui  existe  en 
dissolution  dans  quelques  eaux ,  car  ce  sel  est  très-peu  so- 
luble,  les  rend  peu  propres  aux  usages  domestiques;  elles 
dissolvent  mal  le  savon  et  cuisent  mal  la  viande. 

Le  carbonate  de  chaux  a  des  formes  très-variées  ;  il  est 
extrêmement  abondant.  A  l'état  de  craie  et  de  coquilles , 
il  peut  être  employé  en  agriculture  ;  en  roches ,  il  sert  à  la 
préparation  des  chaux  grasses  ou  hydrauliques.  On  l'appelle 
marbre,  calcaire  et  calcaire  coquillier ,  selon  ses  aspects. 
Blanc  et  transparent,  c'est  le  marbre  de  la  statuaire.  Ce 
corps  est  insoluble  dans  l'eau,  mais  les  eaux  chargées  d'acide 
carbonique  en  peuvent  dissoudre  des  quantités  notables. 

L'azotate  de  chaux  se  forme  naturellement  à  la  surface 
des  roches  calcaires  et  dans  les  plâtras.  Sa  production  est 
phis  facile  dans  les  pays  chauds.  Il  sert  à  préparer  le  sal- 
pêtre. 

Le  phosphate  fait  la  base  des  os  des  animaux;  il  se 
trouve  dans  un  grand  nombre  de  graines.  Son  emploi  en 
igriculture  facilite  singulièrement  la  fructification.  Intime- 
sent  mélangé  avec  im  dixième  ou  un  vingtième  de  ma- 
tière animale,  il  devient  un  excellent  engrais  à  la  dose 
"le  8  hectolitres  à  l'hectare.  Il  formé  les  80/100  du  noir 
smmal ,  résidu  des  raffineries  que  l'Ouest  de  la  France 
Khète  sur  tous  les  marchés  de  l'Europe  pour  fiuner  ses 


176  PHILOSOPHIE 

terres.  On  emploie  aussi  dans  bien  des  contrées ,  pour 
le  même  usage,  les  09  pulvérisés  non  privés  de  leur  gé- 
latine. 

Rien  de  parfait,  en  son  genre,  comme  la  poudre  de 
ces  os  broyés  ;  on  la  rend  plus  active  en  agriculMire  en  y 
ajoutant  cinq  à  dix  pour  cent  d'azotates,  de  salpêtre,  par 
exemple. 

Le  chlorate  de  chaux ,  plus  facile  à  obtenir  que  le.  chlo- 
rate de  potasse,  sert  à  préparer  ce  dernier  corps.  S'il  était 
d'un  prix  moins  élevé ,  l'agriculture  l'utiliserait  comme  en- 
grais. 

L'hypochlorite  de  chaux,  jadis  chlorure  de  chaux  ^  est 
un  sel  éminemment  propre  à  la  désinfection  et  à  la  déco^ 
loration  des  substances  végétales.  La  médecine  remploie 
pour  lotionner  les  ulcères,  pour  faire  des  injections  dans 
les  trajets  fistuleux ,  pour  détruire  Vodeiur  de  certains  ma- 
lades, pour  laver  les  brûlures ,  et  dans  les  amphithéâtres  de 
dissection  ;  l'industrie ,  dans  ses  ateliers  de  blaochiment  et 
ses  fabriques  de  papier. 

Le  chlorure  de  calcium  est  un  sel  e$sentieUem0Qt  déli- 
quescent qui  sert  h  dessécher  les  ga2  dcuos  tes  laboratoires 
de  chimie. 

Les  sulfures  de  calcium  sont  employés  dans  les. hospices 
à  préparer  des  bains. sulfhydrés. 

Le  HUgnesium  (Mg.)  fournit  un  oxide ,  la  magnésie  , 
trcs-*employé  en  médecine  comme  contre^poisoo  des  acides 
et  comme  absorbant  pouvant  servir  à  combattre  les  aigreurs 
de  l'estomac.  .       ,    • 

Le  sulfate  de  magnésie  est  un  sel  utilisé  comme  purgatif 
à  la  dose  deSO à 40  grammes.  U  forme  l!éléwi.eat  actif  des 
eaux  de  Sedlitz  naturelles  et  artificielles  que  nos  phanna- 
ciens  livrent  généralement  trop  peu  gazeuses.. 

Aluhuvium.  —  Ce  corps  est  le  radical  de  l'abimiA^  ;  oette 
substance ,  excessivement  commune  dans  la  Mture ,  est  la 
la  base  de  presque  toutes  les  pierres;  elle  estiiifu&ible  dans 
nos  fourneaux*  C'est,  après  le  diamant,  le  corps  lepius  dur 
de  la  nature  :  aussi  sert^lle  à  faire  l'émeri  employé  au  po- 
lissage ;  et ,  d'un  autre  c6té ,  elle  entxe  po«r  l^ucoup  dans 
la  composition  des  pierres  et  des  briques  réfractaires. 


BU  SIÈ€tB.  177 

Le  sulfate  neutre  d'alumine  est  aujourd'hui  Irès-employé 
en  teinture  ;  il  a  pour  composition  Al*  0^  5S0'  H-  18  HO , 
c'est-à-dire  qu'il  renferme  dix-huit  équivalents  d'eau  de 
cnstidKsation. 

Les  aluns  sont  des  sels  doubles  d'alumine  et  de  potasse 
d'akmline  et  de  soude  d'alumine  et  d'ammoniaque.  Les  si- 
licates d'alumine  sont  excessivement  intéressants  pour  la 
fabrication  des  poteries.  Le  feldspath  est  un  silicate  double 
d'alumtoe  e!  de  potasse  de  soude  ou  de  chaux.  Si  la  po- 
tasse €«1  la  soude  sont  enlevées  par  les  eaux  à  l'état  de  si- 
licates ,  celui  d'alumine  reste  seul  ;  il  porte  alors  le  nom 
de  kaoKn  dont  la  formule  est  Al*  ©•  Si  0*  -f-  2  H  0. 

L'alumine  est  la  base  des  ar]giles.  On  appelle  terre  à 
foulons  celle  qui  sert  au  dégraissage  des  draps  ;  ocres , 
celles  qui  renferment  de  l'hydrate  de  protoxide  de  fer. 

La  fabrication  des  pierres  factices  et  la  taille  mécanique 
des  {Âerres  naturelles  sont  deux  faits  immenses.  L'indus- 
trie' mioden^ne'  tend  incessamment  vers  leUr  perfectionne- 
ment. Peut-être  eussions-nous  dû  en  parler  de  préférence 
à  rarfi^e'de  la  silice,  mais  cette  question  peut  trouver  ici 
sa  plaec^:  D'un  côté;  la  terre  cuite  s'élève  chaque  jour,  de- 
puis la  brique  la  plus  vulgaire  jusqu'aux  émaux ,  jusqu'aux 
pore^ines  les  plus  précieuses,  avec  des  réductions  telles 
dans  les  prix ,  que  les  objets  jadis  les  plus  rares  puissent 
devenk  muels.  Il  est  du  devoir  de  tons  les  gens  de  bien  de 
facîlfteï"*eetle  tendance  et  de  mettre  de  plus  en  plus  les 
ceuvn^  d'art  à  la  portée  des  plus  pauvres.  D'un  autre  côté, 
chaque  jour  l'on  apprend  à  tailler  et  à  polir  à  meilleur 
marché  le  porphyre  et  le  granit.  Quant  aux  divers  schistes, 
et  siiitoul  awix  schistes  atdoisiers,  la  lailk' mécanique  des 
Mœs  de  cette  substance ,  si  commune  dans  la  natare ,  va 
faire  une  révotutkm  dans  les  oènstructionsi      ' 

La  possibilité  d'élever  instantanément,  d'improviser  en 
quelque  sorte  des  habitations  avec  des  montants  en  fonte 
et  des  plaques  d'ardoises  polies  préparées  à  l'avance ,  sera 
d'uff'gtfand  secours  dans  tous  les  pays  ou  les  tremblements 
de  ferre  sont  habituels.-^  On  fait  aujourd'hui,  à  la  mé- 
ranîqife,  dans  des* plaques  d'ardoises,  des  incrustations  qui 
les  transforment  en  des  mosaïques  jadis  inabordables  à 


178  PHILOSOPHIE 

cause  de  leur  prix.  On  s'en  sert  aussi  et  pour  des  toits 
plats  et  pour  des  cloisons  excessiTement  favorables  aux 
peintures  à  fresque.  Ces  ardoises  amèneront  un  change- 
ment complet  dans  la  construction  des  serres^  des  volières, 
des  écuries  de  luxe  et,  ce^  qui  vaut  mieux  encore,  des 
écuries  hygiéniques,  qu'elles  contribueront  à  multiplier. 

Le  Potassium  (K.  de  Kali)  produit  la  potasse  Ko ,  qui 
sert  en  médecine  comme  caustique  et  dans  les  arts  à  pré- 
parer nombre  de  sels. 

Le  sous^arbonate ,  ou  carbonate  de  potasse,  est  un  sel 
fortement  alcalin  ;  on  l'extrait  en  général  des  cendres  des 
végétaux.  Il  porte  alors,  impur  qu'il  est,  le  nom  de  sa 
provenance:  on  l'appelle  potasse  d'Ajnérique,  de  Russie,  etc. 

Le  bicarbonate  de  potasse  est  très-favorable  à  la  végéta- 
tion ;  il  est  peu  employé. 

L'azotate,  ou  salpêtre,  est  usité  en  médecine  comme  diuré- 
tique ;  il  entre  pour  7/10  dans  la  fabrication  de  la  poudre  , 
et  sert  à  préparer  l'acide  nitrique.  Il  est  très-favorable  à 
la  végétation,  soit  seul,  soit  mêlé  à  d'autres  substances.  Il 
serait  extrêmement  important  que  l'on  multipliât  son  em- 
ploi par  l'abaissement  de  son  prix  de  revient.  On  le  trouve 
dans  la  nature  et  on  peut  l'obtenir  artificiellement. 

Le  sulfate  de  potasse  (Ko.  SO*)  est  un  sel  purgatif  à  la 
dose  de  50  à  40  grammes  ;  il  est  employé  en  industrie. 

Le  chlorate  sert  à  préparer  des  mélanges  détonnants , 
et  l'oxigène  de  ce  sel  est  très-favorable  à  la  végétation. 

Les  sulfures ,  en  se  dissolvant  dans  l'eau ,  donnent  nais- 
sance à  des  sulfhydrates  très- usités  en  médecine  pour 
bain  set  pour  douches. 

Le  chlorure  de  potassium  est  inusité.  L'iodure  et  le  bro— 
mure ,  l'iodure  surtout ,  sont  très-employés  en  médecine , 
dans  les  maladies  scrofuleuses ,  dans  les  maladies  cutanées 
ou  psoriqueset  dans  les  maladies  syphilitiques.  Le  prix  élevé 
de  ces  substances  empêche  de  les  administrer  en  bains , 
malgré  les  avantages  très-réels  que  Ton  en  a  retirés. 

Le  Sodium  (Na.)  ressemble  singulièrement  au  potassium 
pour  son  action,  ses  combinaisons  et  son  usage. 

La  soude  pure  (Na  0)  et  la  soude  simplement  préparée 
h  la  chaux  sont  employées  comme  caustiques. 


DU  SIÈCLE.  179 

Le  cari)oiiate  est  extrêmement  utile  dans  les  arts  et  donne 
^u  à  des  fabrications  considérables  ;  on  le  retire  du  sel  ma- 
rin que  Ton  décompose. 

Ce  sel  sert  à  la  préparation  du  bicarbonate  et  des  sels 
dils  végétaux ,  tels  que  le  lactate ,  Toxalate ,  le  citrate.  La 
▼errerie  en  consomme  des  quantités  considérables.  Réduit  a 
Tétât  de  soude  caustique ,  il  sert  à  la  préparation  des  sa- 
Tons  de  Marseille,  des  savons  résineux  et  autres;  on  peut 
l'employer  aussi,  comme  le  sel  parallèle  de  potasse,  au 
blanchiment  des  toiles,  à  la  préparation  d  un  hypocblorite 
desinfectant,  appelé  jadis  chlorure  de  soude  ou  liqueur  de 
Labarraque ,  etc.,  etc.  —  Au  besoin ,  on  pourrait  l'extraire 
des  cendres  de  varecks ,  qui  en  contiennent  beaucoup. 

Ces  cendres  et  celles  du  bois  sont  d'excellents  engrais  , 
mais  il  faut  se  garder  de  les  mêler  aux  substances  animales  : 
elles  chassent  l'ammoniaque. 

Le  bicarbonate  est  très-employé  aujourd'hui ,  non  seule- 
ment en  industrie,  mais  aussi  dans  les  ménages  où  il  sert 
à  faire  des  eaux  gazeuses. 

Le  natron,  que  Ton  trouve  en  Egypte,  au  Mexique,  aux 
Indes,  est  un  sesqui-carbonate  que  l'on  peut  produire  arti- 
ficiellement dans  nos  contrées  par  la  réaction  du  carbonate 
de  chaux  sur  le  sel  marin. 

Nous  l'avons  essayé  avec  succès  il  y  a  plus  de  vingt  ans , 
comme  fondant  des  minerais  de  fer  en  associant  le  sel  ma- 
rin au  carbonate  de  chaux.  Des  tentatives,  que  nous  croyons 
dans  cette  voie,  sont  faites  à  celle  heure  à  Nantes  ;  elles  au- 
raient pour  but  d'obtenir  de  la  soude  par  un  procédé  nouveau. 

L'azotate  que  l'on  trouve  dans  la  nature,  dans  l'Amérique 
Méridionale  et  ailleurs,  est  un  excellent  engrais  et  une 
source  abondante  d'acide  azotique;  il  peut  aussi  servir  à 
préparer  le  salpêtre. 

Les  phosphates  de  soude ,  sels  très-curieux  au  point  de 
Tue  de  la  science  pure ,  sont  des  engrais  précieux. 

Toutes  les  mesures  administratives,  toutes  les  décou- 
vertes qui  auraient  pour  résultat  d'abaisser  le  prix  du  car- 
bonate ,  du  bicarbonate ,  de  l'azotate  et  du  .phosphate  de 
soude ,  seraient  de  grands  services  rendus  à  l'agriculture  et 
à  Imdustrie^ 


180  PHILOSOPHIE 

Le  chlorate  de  soude  est,  comme  celui  dépotasse,  un  corps 
très-oxidant,  propre  à  composer  des  mélanges  détonnants. 
Son  prix  élevé  ne  permet  pas  de  l'employer  comme  engrais. 

Le  borate  de  soude  ou  borax  sert  à  souder  les  métaux,  et 
la  chimie  scientifique  l'emploie  pour  les  essais  au  chalumeau. 

Le  chlorure  de  sodium  ou  sel  marin  est  un  condiment 
excellent  pour  la  nourriture  des  animaux.  A  la  dose  de 
60  grammes  c'est  un  purgatif.  L'industrie  Vemploie  pour 
préparer  le  chlore,  le  sulfate  et  le  carbonate  de  soude; 
l'agriculture  le  mélange  avec  avantage  à  ses  compots.»Peu 
favorable  à  la  germination ,  il  offre  à  la  végétation  un  exci- 
tant de  haute  valeur.  L'eau  de  mer  en  renferme  générale- 
ment 5  pour  **/o ,  2,  7  quand  on  cherche  à  l'obtenir  trèsrpur. 

Le  bas  prix  du  sel  marin  exercerait ,  malgré  toutes  les 
assertions  contraires,  la  réaction  la  plus  vive  sur  l'agricul- 
ture. Partout  ce  sel  pourrait  être  employé,  surtout  dans  les 
pays  humides,  pour  préserver  les  animaux  domestiques  delà 
phtysie;  partout  aussi  il  pourrait  être  mêlé,  à  la  dose  de 
deux  hectolitres  par  hectare ,  aux  engrais  employés  sur  les 
plantes  dont  la  végétation  a  besoin  d'être  activée.  Nous 
avons  fait  personnellemeet  des  études  qui  prouvent  ces 
deux  assertions.  ^  ;i  • 

Les  Sels  Ammoniacaux  jouent' un  îtrès-grand  rôle  en  mé- 
decine et  dans  les  arts. 

Le  chlorhydrate  est  Tun  des  résolutifs  les.pluô  puissants  ; 
je  l'ai  employé  et  fait  employer  par,quelquQ8-,unSi<fe  mes 
anciens  élèves  de  médecine  de  Nantes,  avec  le  plus  grand 
succès,  dans  les  engorgements  des  glandes  et  même  dansœux 
(le  la  matrice.  Peut-être  ce  sel  est-il  réellement  le  meilleur 
des  résolutifs  connus.  Les  frictiows  sur  la  moelle  épinîère , 
avec  une  pommade  contenant  du  c«^mphre  et  du  chlorhy- 
drate d'ammoniaque ,  rendent  les  pli*  grands  services  dans 
diverses  maladies.  „     \ 

Ce  sel  favorise  singulièrement  la  végétation. 

Le  sulfate  doit  être  préféré  p^r  les  agriculteurs;  mais 
pour  les  médecins  il  ne  vaut  pas  le  chlorhydrate. 

Le  phosphate  est  utile  aux  uns  et  ^ux  autres ,  parce  qu'il 
renferme  des  éléments  qui  conviennent  singulièreinent  aux 
êtres  organiques  débiles. 


BU  SIÈCLB. 


181 


L'aiolate  est  peu  employé  en  médecine ,  et  l'agriculture 
ne  peut  en  faire  usage  à  cause  de  son  prix  élevé. 

L'acétate  est  un  sudorifique  puissant ,  un  excitant  utile 
eo  médecine.  C'est  généralement  une  substance  dangereuse 
et  vénéneuse  pour  les  plantes. 

Le  sullhyhrate  est  mortel  à  tous  les  organismes  végétaux 
et  animaux  ;  il  est  excessivement  commun  dans  les  fosses 
d'aisance  et  les  usines  à  gaz.  On  le  décompose  aisément  au 
moyen  de  certains  sulfales  ou  chlorhydrates  métalliques. 

lÂifeÀKisE  (Mn).  —  Son  bioxide  sert  à  préparer  le  chlore. 

Le  Fbr  (Fe.)  forme ,  avec  Foxigène ,  quatre  combinai- 
sons :  Fe  0  est  la  base  des  protosels  ;  Fe*  0'  celle  des 
sesquisels  ;  Fe  0*  joue  le  rôle  d'acide  ;  Fe*  0*  est  Toxide 
noir  ou  magnéticjue  que  Ton  considère  comme  une  combi- 
naison de  protoxideet  de  sesquioxide  de  Fe  0  avec  Fe*  0*. 
On  trouve  le  fer  dans  la  nature  sous  les  fcmnes  suivantes  : 


Fbr  Ml^TAU^IQUE. 
OXIDES. 


ET  nthVKÈS^ 

PjSOSPHUABS 
ET  ARSÉIfSURES. 


Sbls  be  fer. 


Sels   â!  acides 

MBTALLIQaBS. 


Fer  météorique. 
Fer  natif  (rare). 

Oxide  rouge  anhydre. 
Oxide  rouge  hydraté. 
Oxide  noir  magnétique. 
Franklfaiite. 

Pyrites  jaunes  et  Manches. 
Pyrites  magnétiques. 
Tellurures. 

Phosphure  de  fer. 
Arseniure  de  fer. 
Arsenio-suUure  de  fer. 

Sulfate. 

Carbonate. 

Silicate. 

Arseniate. 

Oxalate  (Humboldite). 

Chromâtes. 

Tungstates. 

Tantalites  ou  tantalates. 

Titanates. 


iS3t  PHILOSOPHIE 

Le  fer  ïe  plus  doux  est  celui  qui  se  tire  le  mieux  à  la  fi- 
lière ;  il  est  aussi  généralement  le  plus  pur.  —  Cette  condi- 
tion est  importante  à  étudier  pour  ceux  qui  se  servent  d'ai- 
mants artificiels  et  qui  essaient  de  développer  les  usages 
du  magnétisme. 

L'acier  est  une  combinaison  de  fer  épuré  avee  du  car- 
bone, de  l'argent ,  du  silicium  • 

La  fonte  est  un  carbure  de  fer  plus  ou  moins  pur  ;  elle 
est  blanche,  grise  ou  très-grise.  Cette  dernière  est  généra- 
lement de  qualité  supérieure ,  quand  il  s'agit  de  la  travailler 
à  la  lime  ou  au  burin. 

La  fabrication  du  fer,  quels  que  soient  les  progrès 
qu'elle  ait  accomplis ,  est  encore  daks  l'bnfance  ;  elle 
réclame  des  fourneaux  gigantesques  et  d'immenses  efforts 
de  soufflerie ,  consommant  en  pure  perte  des  quantités  con- 
sidérables de  carbone»  U  serait  cependant  bien  simple  de 
mettre  en  contact  les  substances  qui  doivent  réagir  sous 
leur  forme  la  plus  appropriée  et  sous  leurs  poids  propor- 
tionnels, au  lieu  de  verser  dans  les  hauts  fourneaux  des 
morceaux  gros  comme  des  osufs  de  pigeons  de  fondant  de 
charbon  et  quelquefois  même  de  minerai. 

Entre  les  petites  forges  catalanes  et  les  hauts  fourneaux , 
la  science  et  l'industrie  réclament  un  moyen  terme  qui 
n'existe  pas. 

Très-souvent  l'on  pourrait  faire  avec  avantage,  de  la 
réduction  des  minerais  et  de  leur  fusion ,  deux  opérations 
distinctes. 

Nous  avons  reconnu,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  en 
essayant  des  mélanges  de  sel  marin  et  de  carbonate  de 
chaux,  que  Ton  pourrait  faciliter  la  fu^on  des  minerais  si- 
liceux et  produire  des  laitiers  utilisables  comme  verre  à 
bouteilles. 

Il  se  peut  que  le  puissant  tirage  produit  par  l'injection 
de  la  vapeur  d'eau  dans  une  cheminée ,  joint  à  la  réunion 
sous  leurs  poids  équivalents  des  produits  qui  doivent  réagir, 
ammènent  les  plus  notables  changements  dans  la  métallur- 
gie du  fer,  surtout  si  l'on  améliore  les  fondants.  J'ai  vu 
quelques  produits  d'une  tentative  faite  dans  cette  direction  , 
dans  le  double  but  de  faire  du  verre  et  du  fer,  tout  en 


DU  SIÈCLE.  183 

supprimant  les  hauts  fourneaux  :  cette  tentative  a  échoué , 
mais  les  produits  qu'elle  a  fournis  étaient  une  promesse  de 
succès. 

II  est  possible,  dès  aujourd'hui,  dans  la  plupart  des 
usines ,  d'obtenir  la  fonte  gratuite  d'une  certame  quantité 
de  lieille  fonte  ou  de  minerai  réduit ,  que  Ton  peut  ajouter 
aux  charges  habituelles ,  sans  augmenter  la  dose  de  com- 
bustible. 

La  similitude  presque  absolue  des  foutes  blanches  et  des 
fontes  grises ,  qui  diffèrent  surtout  par  le  degré  de  tempé- 
rature auquel  on  les  produit  et  par  la  manière  dont  elles 
sont  refroidies,  est  une  indication  dont  on  n'a  pas  encore 
su  profiter. 

L'industrie  jusqu'à  ce  jour  n'a  pas  tenu  assez  compte  de 
la  façon  dont  le  carbone  se  trouve  mélangé  à  certaines  fontes 
grises  au  lieu  d'être  combiné. 

Partout ,  en  France ,  au  moment  où  nous  écrivons  ces 
lignes,  les  fontes  de  seconde  fusion  se  vendent  58  francs; 
les  fontes  de  première  fusion  16  à  18  ;  et  cependant  il  se- 
rait possible ,  dans  l'état  actuel  de  l'industrie ,  de  faire 
inuuédiatement,  en  fonte  de  première  fusion,  sur  quelques 
points  situés  au  centre  des  grands  marchés ,  une  foule  de 
grosses  pièces  pour  nos  machines  et  nos  divers  ateliers ,  ce 
^  produirait  une  économie  de  moitié. 

Partout ,  ou  presque  partout ,  les  transports  des  minerais , 
des  fondants  et  du  carbone  sont  d'un  prix  trop  élevé ,  tan- 
dis que  nos  chemins  de  fer  et  nos  canaux  devraient  servir 
à  les  voiturer  au  plus  bas  prix  possible. 

Partout  encore  l'industrie  privée  gaspille  les  minerais 
de  fer  au  lieu  de  les  exploiter  régulièrement.  Cette  manière 
de  faire,  qui  compromettrait  l'avenir  si  ces  minerais 
n'étaient  extrêmement  abondants,  demande  à  être  ré- 
formée. 

Ces  observations  suf&sent  à  prouver  qu'il  j  a  beaucoup 
à  redire  à  la  métallurgie  du  fer.  Les  essais  qui  ont  déjà 
donné  des  fontes  en  seconde  fusion  et  de  très-bonne  qua- 
lité ,  dans  de  amples  fours  à  reveii)ère ,  au  moyen  de  fontes 
blanches  des  plus  médiocres,  nous  sont  une  garantie  des 
améliorations  qui  vont  venir. 


f84  PHILOSOPHIB 

Le  fer  est  le  roi  des  métaux;  son  magnétisme  nous  a 
permis  toutes  les  études  qui  ont  été  faites  à  cette  occasion 
et  les  progrès  de  la  navigation  ;  sa  dureté,  sa  malléabilité, 
sa  ténacité  Tont  rendu  le  métal  de  la  guerre  et  surtout  de 
la  civilisation. 

Quoique  les  minerais  de  fer  soient  excessivement  abon- 
dants ,  cependant  il  serait  très-important  que  les  gouver- 
nements empêchassent  de  les  gaspiller  et  qu'ils  s'occu- 
passent à  cet  égard  d'une  statistique  destinée  à  en  bien 
faire  connaître  les  ressources.  Tous  les  jours  l'emploi  du 
fer  augmente  rapidement  et  il  doit  augmenter  encore. 
Le  nombre  des  machines  est  très-réduit  auprès  de  ce 
qu'il  doit  devenir.  Les  chemins  de  fer  se  multiplient  et 
traverseront  le  monde  entier.  Des  essais  to«t  nouveaux  ont 
permis  d'émaiUer  le  fer^  et  probablement  l'on  s^  servira 
sous  peu  d'ustensiles  de  tôle  recouvert  d'émail,  poàr beau- 
coup d'usages  de  cuisine.  On  en  fera  des  doubla^^es  pour 
remplacer  le  cuivre  employé  à  recouvrir  les  navj^es;  on 
s'en  senûra  pour  la  toiture  des  édifices  nationaux;  on  y 
aura  rocours  pour  tous  les  instruments  qui  peuvwt  être 
ainsi  préservé  de  l'oxidation.  Faut-il  ajouter  que  pour  les 
usages  -les  plus  élémentaires ,  l'agriculture  n'empjtoie  pas 
la  moitié  du  far  dont  elle  aurait  besoin  si  le  travail  était 
moins  opprimé!  —  Est-ce  que  tous  les  socs  de  charrue  ne 
devraient  pas  être  en  fer  et  de  dimension  convenable  ; 
est-ce  que  le  nombre  des  charrettes  et  leur  ferrure^ne  sont 
pas  au-dessous  des  besoins  ;  est-ce  que  les  herses ,  les 
extirpateurs  et  autres  machines  agricoles  perfectionnées 
sont  suffisamment  répandues  ?  Trouve-t-on  partout  les  ma- 
chinesjà  èficljtre.».;?9ues  par  la  vapeur,  qui  réussissent  sî 
admirablement,  en  allant  de  village  en  village,  à  suppri- 
mer le  plus  pénible  des  travaux  agri*M)les  ?  Ntos  vignerons 
f)euvent-ils  se  permettre  d'ajouter  quelques  cercles  de^fer  à 
eurs  fûts  pour  leutîdonnei*  h  la  fois  et  de  la  qualité  et  de-  la 
durée  t  Est-il  possible  d'avoir,  sw  nos  rivières,  quelquechose 
de  plus  léger  que  nosbatéaui!  en  fer  ?  Les  essafis  ^îomparatifs 
de  grands  vapetir»  ètf  fer  divisés  en  plusieurs  comparti- 
ments isolés,  et  dé'vapelir^ :en  bôîs;  n^ont-ils  |WJis  été  très- 
favorables  aux  premiers?  L'emploi  de  la  fonte  et  du  fer 


DU  SIÊCLB.  185 

n*a-i-ii  pas  doublé  depuis  quelques  aimées  dans  nos  mai- 
sons et  nos  édifices  publics  ?  Tout  ne  nous  annonce*t-il  pas 
que  nous  verrons  se  multiplier  les  ponts  en  fer,  les  ponts 
suspendus  et  les  ponts  à  tôlier  de  tôle  ?  Nous  nous  an^te- 
roDs  dans  cette  énumération  qui  nous  conduirait  beaucoup 
trop  loin  si  nous  voulions  la  faire  complète  :  nous  avons 
justifié  nos  réclamations  contre  le  gaspillage  des  minerais 
et  cela  suffit. 

En  1845^  la  production  du  fer  était  en  Europe  de 
iOfili^SÙ  de  quûitaux  ainsi  repartis  : 

Angleterre 9000  000 

France 5084  450 

Russie  ; 1027  000 

Suède 805  500 

Autriche 850  000 

ÎVusse 754  000 

Hartz 600  000 

Hollande  et  Belgique 680  OÔO 

ne-d'Elbe,  Italie 280  000 

Piémont..' 200  000 

Espagne ..\,... 180  000 

Non^'ége  J. . . .  i 150  000 

Danemarci: 155  000 

Bavière. 150  000 

Saxe . .: 80  000 

Pologne  .'. 75  000 

Çuiise. . .,....' 50  000 

Savoie. 25  900 

.  ..   .,1'    .  -'     p..,;./    .       .  18,072  560 

Saçjb^)ps  bien  j^^v^  la  reUtion  qui  existe  entre  le 
bas  prix^du,.  %  ,et  les  progrès  de  la  civilisation.  Il  im- 
porta d^.  cqipprendf^  ^parfaitement  queU  fabrication 
du  lecna^^' Ja.  plfU^i^^  et  la  plus  ulile   des 

déoouiVer,(e&...Prlvé^.doi  cetçaét/sd  précieux,  conunent  notre 
soeiété  Sj&  sQutienârai,treUe  7  ta .  lithogrophie  sijq^^léerait 
plos  ou  nu^juas  k  l|impriineii§  qui  demande  de  Tacier  pour 
graver  ses  caractères,  mais  toutes  les  machines  disparal- 


186  PHILOSOPHIE 

traient,  et  les  outils  seraient  remplacés  par  de  mauvais  ins- 
truments de  cuivre.  Le  travail  des  mines ,  la  construction 
des  navires,  la  fabrication  de  nos  vêtements  et  de  nos 
meubles ,  la  préparation  de  nos  aliments ,  la  culture  des 
terres  seraient  entravées  par  d'énormes  difliicultés. 

Prenons  la  question  dans  un  ordre  inverse,  et  nous 
voyons  les  peuples  qui  nous  ont  engendrés  s'arrêter,  faute 
de  fer,  à  la  civilisation  des  Péruviens.  Comment ,  en  effet , 
sans  la  boussole  et  les  instruments  nautiques ,  la  navigation 
eût-elle  pu  se  perfectionner  ?  Comment  les  arts ,  comment 
l'industrie,  comment  la  science,  qui  réclament  dans  leurs 
engins  et  leurs  instruments  une  si  grande  perfection, 
eussent-ils  pu  arriver  sans  fer,  sans  fonte  et  sans  acier,  au 
point  où  ils  sont  aujourd'hui  ?... 

L'aimant,  ou  oxide  magnétique ,  est  le  plus  important  de 
tous  les  minerais.  C'est  une  combinaison  saline  de  protoxide 
et  de  sesqui-oxide.  Il  doit  indubitablement  son  action  magné- 
tique à  l'action  lente  et  continue  du  magnétisme  du  globe 
sur  ses  gisements.  Il  donne  souvent  de  60  à  70  pour  %  à 
la  fusion  dans  les  hauts  fourneaux  ;  il  forme ,  en  Suède , 
une  montagne  toute  entière.  On  en  trouve  aussi  en  quan- 
tités très-considérables  en  Norwége ,  en  Angleterre  dans  le 
Derbyshire^  en  Piémont,  en  Espagne  et  sur  divers  points 
aux  Etats-Unis. 

Les  aimants  naturels  avaient  autrefois  une  grande  im- 
portance au  point  de  vue  du  magnétisme ,  mais  elle  a  sin- 
gulièrement diminué  depuis  la  découverte  de  l'aimantation 
galvanique. 

Les  sels  de  fer  sont  très-employés  en  médecine  ;  ils  ont 
une  propriété  tonique  et  servent  à  combattre  la  chlorose. 
Les  préparations  les  plus  usitées  sont  la  limaille  de  fer, 
l'oxide  noir  ou  éthiops  martial,  l'oxide  rouge  ou  sesqui- 
oxide  ou  safran  de  mars,  le  proto  et  le  sesqui-carbonate , 
le  proto  -  sulfate  qui  est  aussi  employé  comme  astringent 
dans  les  diarrhées  chroniques  et  dont  on  se  sert  encore 
dans  les  fièvres  intermittentes ,  les  chlorures  et  le  chlorure 
ammoniacal  connu  sous  le  nom  de  fleurs  de  mars ,  le  proto- 
iodure  qui  est  peut-être  le  plus  utile  de  tous,  enfin  le 
tartrate ,  le  lactate  et  le  citrate.  La  teinture  utilise  aussi 


BU  SIÈCLE.  187 

les  sels  de  fer,  surtout  le  sulfate  ou  couperose  verte  et 
Tacétate.  —  Arec  la  noix  de  galle  et  les  substances  tannan- 
tes ,  tous  les  sels  de  fer  donnent  des  noirs  de  diverses  nuan- 
ce; ils  fournissent,  avec  le  prussiate  ferrure  de  potasse, 
des  bleus  connus  sous  le  nom  de  bleus  de  Prusse. 

Le  chrome  (Cr.)  forme  un  oxide  vert  et  des  chromâtes 
de  potasse  et  de  plomb  employés  dans  les  arts. 

Le  cobalt  (Co.)  sert  à  préparer  des  oxides  employés  en 
peinture  et  pour  colorer  le  verre  et  les  émaux. 

Le  NiKEL  (Ni.)  est  un  métal  aussi  magnétique  que  le  fer; 
il  sert  à  la  préparation  d  un  alliage  appelé  maillechort  ou 
argentan  très-employé  aujourd'hui  pour  la  fabrication  d'or- 
nements et  d'instruments  de  chirurgie.  Cet  alliage  ressem- 
ble à  l'argent  pour  l'éclat.  Argentés,  les  couverts  fabriqués 
avec  cette  substance  durent  longtemps. 

Le  Ziwc  (Zn.)  est  aujourd'hui  très-employé  à  une  foule 
d'usages  industriels  ;  son  oxide  pourrait  remplacer  et  rem- 
place le  blanc  de  plomb  avec  avantage  pour  la  santé  des 
peintres.  Son  sulfate  est  un  émétique  violent  à  l'intérieur, 
un  astringent  à  l'extérieur  ;  son  chlorure  est  un  caustique 
puissant  employé  pour  détruire  les  tumeurs  cancéreuses. 

ËTÀiN  (Sn). — Ce  métal  était  jadis  très-employé  à  la  fabri- 
cation de  vases  et  d'ustensiles  consacrés  aux  usages  domes- 
tiques; il  sert  à  étamer  le  cuivre.  On  l'emploie  en  feuQles 
minces  pour  préserver  beaucoup  de  substances  de  l'action 
de  l'air  et  de  l'humidité.  La  fabrication  des  bronzes ,  le  fer 
blanc  „  rétamage  des  glaces ,  la  soudure  des  plombiers  en 
absorbent  de  notables  quantités.  Il  sert  encore  à  préparer 
des  chlorures  utilisés  par  les  teinturiers ,  la  laque  minérale , 
le  pourpre  de  Cassius  et  l'or  mussif.  Hais  ces  usages  ne 
paraissent  pas  devoir  s'accroître  aussi  rapidement  que  ceux 
d'un  grand  nombre  de  substances  minérales.  L'Europe  ne 
produit  guèresque  110  mille  quintaux  d'étain,  et  l'Angle- 
terre entre  dans  cette  production  pour  100  mille.  Les  mines 
du  Brésil  et  du  Mexique  sont  abondantes.  Celles  de  la  par- 
tie méridionale  de  l'Asie ,  de  la  Chine  ,  du  Pégu ,  de  Su- 
matra, de  Malaca,  de  Banca,  passent  pour  être  extrême- 
ment riches,  mais  très-mal  exploitées,  et  l'on  n'en  connaît 
pas  le  produit. 


188  pHiiosopniB 

PLOifB  (Pb.).  —  L'industrie  emploie  le  plomb  à  l'état 
métallique;  il  forme  un  sub-oxide  (Pb*  0),  un  proto- 
xide  (Pb  0),  un  bioxide  (Kide  (Pb 0*),  et  plusieurs  oxides  in- 
tennédiaires  appelés  miniums,  formés  de  prôtoxide  et  de 
bioxide.  —  Le  silicate  de  plomb  entre  dans  la  fabrication 
des  cristaux.  Le  chromate  jaune  est  employé  en  peinture  ; 
Tacétate  Test  en  médecine  ;  le  cart)onate  forme  la  base  des 
céruses. 

Le  plomb  est  si  abondant  dans  la  nature  que  beaucoup 
de  ses  mines  ne  sont  pas  exploitées.  C'est  un  corps  dan- 
gereux pour  ceux  qui  le  préparent  ou  qui  fabriquent  ses 
préparations,  telles  que  le  plomb  à  giboyer ,  les  céruses,  le 
minium  ;  il  les  empoisonne  en  produisant  d'abord  une  co- 
lique nerveuse  trop  connue  dans  les  hospices  sous  le  nom 
de  colique  saturnine ,  et  cependant  jusqu'à  ce  jour  la  so- 
ciété n'a  pris  aucune  précaution  en  faveur  des  malheureux 
qui  travaillent  ce  métal  et  ses  combinaisons  chimiques. 

Bismuth  (Bi), — Cecorps  entre  dans  la  composition  d'allia- 
ges fusibles.  Le  sous-azotate  de  bismuth  est  employé  par 
les  vieilles  femmes  à  peindre  la  peau  en  blanc,  et  pa^  la  mé- 
decine ^oûime  anti-spasmodique. 

L'AwTiMomE  (Sb.)  sert  à  la  fabrication  des  caractères 
d'imprimerie.  Son  sesqui-oxide  blanc  (Sb*  0*)  est  em- 
ployé en  médecine  à  dose  élevée  comme  expectorant.  Ses 
sulfures  iaune  et  brun ,  le  soufre  doré  et  le  kermès  sont 
utilisés  dans  le  même  but ,  mais  leur  activité  médicamen- 
teuse est  grande.  —  Le  sesqui-chlorure  d'antimoine,  appelé 
vulgairement  beurre  d'antimoine,  est  un  corps  éminemment 
caustique. 

L'émétique  est  un  tartrate  antimonié  de  potasse  dont  la 
médecine  tire  lé  plus  grand  parti ,  soit  à  l'extérieur  soit  à 
l'intérieur  :  à  l'extérieur,  pour  faire  des  pommades  qui  font 
naître  dies  pustules  sur  la  peau  ;  à  l'intérieur,  pour  produire 
les  vomissètoents  ou,  à  dose  plus  élevée,  pour  modifier 
l'état  du  sang  dans  les  rhumatismes  et  surtout  dans  les 
pneumonies. 

CuiTRB  (Cu).  —  Ce  corps  a  de  très-nombareux  usages. 
L'oxiduTé  (Cu*  0)  se  trouve  dans  la  nature  ;  le  prôtoxide  (Cu  0) 
est  noir;  le  sulfate  est  très-employé  dans  les  arts  et  en  mé- 


BU  SIÈCLE.  189 

decine  comme  caustique  ;  le  carbonate  est  souvent  exploité 
sous  la  forme  apjpelée  malachite,  pour  faire  des  vases  et 
des  ornements  ;  1  arsenite  Test  en  peinture  sous  le  nom  de 
▼ert  de  Schele.  —  Allié  au  zinc  le  cuivre  forme  le  laiton  ; 
allié  en  outre  à  l'étain  il  forme  le  clinquant,  le  similor,  le 
chrysocale;  allié  simplement  à  Tétain  il  forme  le  bronze 
des  canons,  le  métal  des  cloches,  celui  des  cymbales  et 
tam-tams,  celui  des  télescopes,  celui  des  médailles.  — 
Les  objets  d'art  vendus  en  France  renferment  toujours  une 
notable  proportion  de  zinc. 

Les  mines  qui  produisent  le  cuivre  sont  en  général  si- 
tuées dans  des  pays  où  son  exploitation  ne  présente  ni  les 
facilités  ni  la  sécurité  désirables  :  aussi  est-il  d'un  prix 
élevé. 

On  ne  connaît  en  aucune  façon  la  production  des  mi- 
nes de  cuivre  du  Japon,  de  la  Chine,  de  TArabie,  de  la 
Tartarie  et  de  TAnatolie^  —  On  ne  connaît  pas  mieux 
les  produits  des  mines  du  Chili  où ,  dans  la  guerre  de  Fin- 
dépendance,  on  a  remplacé  les  boulets  de  fer  par  des 
boulets  de  cuivre.  On  estime  à  400  mille  quintaux,  valant 
70  millions  de  francs ,  les  quantités  livrées  au  commerce 

))ar  les  contrées  dont  nous  connaissons  tant  bien  que  mal 
a  production,  La  France  n'entre  dans  ce  compte  q^ue  pour 
une  valeur  de  500  mille  francs ,  mais  cette  statistique  est 
encore  très-incomplète,  quoiqu'il  soit  si  utile  à  tous  les  pays 
civilisés  d'être  parfaitement  renseignés  sur  toutes  les  ques- 
tions qui  concernent  la  production  et  les  richesses  minéralo- 
giques. 

Hkrcuke  (Hg.).  —  Ce  métal  sert  à  fabriquer  nos  ther- 
momètres, nos  baromètres  ou  balancer  atmosphériques, 
nos  manomètres,  qui  ne  sont  que  des  baroiiaètres  pour  des 
pressions  plus  élevées  ;  il  sert  à  l'étamage  des  glaces  et  à 
une  foule  d'autres  usages.  Son  oxidule  (Hg^  Ô)  a  été  employé 
comme  vermifuge.  Son  oxide  rouge  (Hg.  0)  est  un  caustique 
utiKsé  ; .  à'  l'extérieur  surtout ,  dans  les  maladies  des  yeux 
et  de  la  peau.  —  Presque  toutes  les  préparations  de  mer- 
cure ont  été  employées  en  médecin^  ;  beaucoup,  le  sont 
encore.  -^  Trituré  avec  de  l'axonge,  le  mercure  forme 
longuent  mercuriel.  L'azotate  acide  est  un  caustique  puis- 


190  PHILOSOPHIE 

sant ,  le  seul  peut-être  qui  guérisse  aisément  certaines  dé- 
générescences syphilitiques.  Le  calomel  est  le  purgatif  à  la 
mode  en  Angleterre;  c'est  un  sous-chlorure  Hg*  cl.  Le 
chlorure  ou  sublimé,  qui  est  très-soluble  dans  i'iodure  de 
potassium,  est  employé  journellement  contre  les  maladies 
syphilitiques;  le  cyanure  Test  quelquefois;  les  iodures  le 
sont  aussi,  ainsi  que  les  sulfures.  Le  fulminate  de  mercure 
est  consacré  à  la  fabrication  des  capsules  détonnantes.  Le 
mercure  forme  de  nombreux  amalgames  :  ceux  de  cuivre 
et  d'argent  sont  employés,  le  premier  pour  prendre  des 
empreintes  de  médailles ,  le  second  par  les  dentistes. 

La  recherche  des  mines  de  mercure  devrait  occuper  sé- 
rieusement les  gouvernements;  ils  devraient  surveiUer 
aussi  avec  soin  leur  exploitation  au  point  de  vue  de  la  salu- 
brité. On  extrait  le  mercure  en  Espagne ,  en  Carniole ,  en 
Hongrie,  en  Transylvanie,  dans  le  duché  des  Deux-Ponts, 
en  Chine,  au  Japon,  au  Pérou.  Il  parait  aussi  qu'il  en 
existe  en  Californie. 

Aegejxt  (Ag).  —  Ses  nombreux  usages  sont  connus.  C'est 
l'un  des  métaux  utilisés  pour  les  objets  d'art.  Son  azotate 
est  extrêmement  employé  en  médecine  sous  le  nom  de 
pierre  infernale.  Son  iodure  joue  \m  grand  rôle  dans  le 
dagueréotype ,  invention  qu'un  livre  de  philosophie  véri- 
table ne  saurait  passer  sous  silence.  —  Joseph  Nicéphore 
Niepce  est  le  premier  qui  ait  employé  l'action  chimique  de 
la  lumière  pour  créer  des  images.  Louis-Mandé  Daguerre 
en  a  perfectionné  les  procédés ,  et  nous  lui  devons  le  da- 
gueréotype. Les  premières  tentatives  dans  cette  direction 
remontent  à  1815.  L'invasion  ne  ralentit  point  la  patiente 
ardeur  de  Niepce.  Voici  comment  il  procédait  :  il  prenait 
du  bitume  de  Judée,  en  recouvrait  une  plaque  d'étain, 
puis  il  y  appliquait  une  gravure  rendue  transparente  avec 
du  vernis.  Les  parties  noires  arrêtaient  les  rayons  lumi- 
neux, les  blanches  les  laissaient  passer  et  blanchissaient 
le  bitume  :  ainsi  se  produisait  une  image.  En  la  trempant 
dans  de  l'essence  de  lavande ,  les  noirs  étaient  enlevés  et 
l'image  restait  dessinée  sur  la  plaque  métallique  par  le  bi- 
tume altéré.  En  1824 ,  il  imagina  de  se  servir  de  la  cham- 
bre obscure  ;  il  parvint  alors  à  faire  mieux  et  il  obtint  des 


DU  SIÈCLE.  191 

plaques  qu'il  put  traiter  par  les  acides  de  manière  à  obtenir 
des  eaux  fortes  ;  quelques-unes  étaient  assez  parfaites.  Le 
14  décembre  1829 ,  il  s'associa  M.  Daguerre ,  très-connu 
dans  le  monde  artistique  pour  ses  beaux  dioramas.  Le  pro- 
cédé du  bitume  de  Judée  fut  perfectionné ,  mais  il  ne  don- 
nait pas  tout  ce  que  désiraient  les  inventeurs,  quand  un 
hazard ,  en  imprimant  une  image  sur  plaque  d'argent 
iodurée,  les  mit  sur  la  voie  d'un  immeuse  perfectionnement. 
L'opération  du  daguéréotypage  est  très-connue  ;  cepen- 
dant nous  croyons  devoir  l'expliquer  à  nos  lecteurs.  — 
On  iodure  une  plaque  de  plaqué  avec  de  la  vapeur  d'iode 
et  on  la  place  dans  la  chambre  obscure  sans  qu'elle  ait 
subi  le  contact  de  la  lumière.  Le  verre  de  la  chambre 
obscure  est  alors  découvert ,  les  rayons  lumineux  y  pénè- 
trent et  l'iodure  d'argent  se  trouve  décomposé  ;  mais  cette 
décomposition  n'est  pas  visible.  Pour  la  rendre  visible  aux 
yeux.  Ton  soumet  la  plaque  à  l'action  des  vapeurs  mercu- 
rielles;  celles? ci  se  condensent  inégalement  sur  la  plaque. 
Le  mercure  attaque  uniquement  les  parties  dont  l'iodure  a 
été  altéré  par  la  lumière  ;  alors  se  manifeste  un  dessin  au- 
paravant invisible,  dont  l'exquise  pureté  est  admirable. 
Mais  la  plaque  est  encore  imprégnée  d'iodure  d'argent  et , 
si  elle  était  abandonnée,  le  dessin  serait  bientôt  détruit 
sous  l'influence  de  la  lumière.  Pour  se  débarrasser  de 
cet  iodure  9  on  la  lave  avec  une  dissolution  d'hypo- sul- 
fite de  soude ,  sel  qui  jouit  de  la  propriété  de  dissoudre 
riodure  d'argent  ;  puis  on  la  lave  une  seconde  fois  à  l'eau 
distiUée  et  elle  devient  susceptible  de  se  conserver  indéfi- 
nimeot. 

A  la  suite  de  la  séance  du  50  juin  1839 ,  dans  laquelle  la 
Chambre  des  Députés  vota  une  rente  de  quatre  mille  francs 
comme  récompense  nationale  à  M.  Niepce  fils,  représentant 
son  père ,  et  une  rente  de  six  mille  à  M.  Daguerre ,  cette 
découverte  étant  tombée  dans  le  domaine  public,  on  s'est 
occupé  de  la  perfectionner.  Tout  d'abord  on  a  employé 
de  meilleurs  objectifs  que  M.  Daguerre  et  diminué  ainsi  le 
temps  que  les  épreuves  devaient  passer  dans  la  chambre 
obscure  ;  en  second  lieu ,  on  a  eu  recours  à  des  substances 
dites  accélératrices.   Ensuite  est  venue  la  découverte  de 


192  PHILOSOPHIE 

M.  Fizeau,  qui  consiste  à  mêler  du  chlorure  d'or  à  Thypo- 
sulfite  de  soude  et  à  chauffer  légèrement ,  ce  qui  rend  les 
épreuves  daguerriennes  moins  miroitantes  et  bien  plus  so- 
lides :  moins  miroitantes,  parce  que  Tor  brunit  légèrement 
l'argent  qui  forme  les  noirs  de  la  plaque  ;  plus  solides ,  puis- 
que les  épreuves  ainsi  fixées  résistent  au  frottement  mieux 
qu'un  dessin  au  crayon. 

Plusieurs  procédés  ont  été  imaginés  pour  la  gravure  des 
dagueréotypes  ;  mais  ils  sont  susceptibles  de  perfectionne- 
ments. 

La  photographie  sur  papier  est  venue  depuis  peu  faire 
concurrencé  à  la  photographie  métalli(^ue  ou  daguerrienne 
avec  des  produits  singulièrement  supérieurs.  Aux  premiers 
jours  de  Tannée  1847,  M.  Blanquart  Evrard ,  de  Lille ,  obte- 
nait déjà  de  belles  épreuves,  ressemblant  à  s'y  méprendre 
à  des  dessins  à  la  Sepia;  toutefois,  il  avait  été  aevancé 
dans  ses  essais  et  dans  ses  succès  par  M.  Talbot ,  qui  obte- 
nait mieux  encore.  Déjà,  depuis  1834,  cet  habile  expéri- 
mentateur faisait  de  la  photographie ,  et  il  se  proposait  de 
publier  sa  décôuvefrtequand  il  fut  précédé  par  M.  Daguerre. 
Il  écrivit  bien  à  l'Académie  des  sciences,  mais  feon  procédé 
mal  répété  ne  réussit  point.  On  crut  à  des  réserves  de  sa 
part  ;  la  jalousie  tiatibnale ,  Tune  des  sottises  du  siècle ,  s'en 
mêla  et,  n'ayant  point  de  camarade  à  l'Académie,  il  fut  ou- 
blié. IM'eut  été  bien  plus  si  M.  Blanquart  Evrard  n'avait 
remis'  efn  honneur  sa' découverte. 

M.  Talbot  obtenait  cependant  de  magnifiques  épreuves. 
Ce  procédé  a  été  depuis  très-perfectionné  par  M.  Niepce  de 
Saint-Victor,  qui ,  pour  bbtfenir  les  épreuves  négatives  ou  gé- 
nératrices ,  se  sert  d'une  plaque  de  verre  recouverte  d'albu- 
mine sèche ,  imbibée  de  sels  d'argent.  —  De  grands  progrès 
ont  été  accomplis  depuis  1859  ;  mais  il  y  a  mieux  à  faire  : 
c'est  d'obtenir  la  permanence  des  couleurs,  c'est  d^utiliser 
la  photographie  comme  moyen  de  mesurer  les  intensités  lu- 
mineuses ,  c'est  d'en  faire  usage  en  télégraphie ,  c'est  en- 
core, et  nous  avons  tenté  quelques  essais  dans  ceflte  direc- 
tion, de 'voir  sî  elle  ne  pourrait  pas  rendfe  conïpte  de  la 
transmission  aii  cerveau  des  impressions  fugitives  qui  se 
font  sur  la  rétine.  —  Mettez  une  plaque  métallique  exposée 


BU  SIECIB.  195 

à  la  lumière  dans  une  chambre  obscure,  en  un  contact  gal- 
vanique avec  une  autre  plaque  :  la  première  représentera 
la  rétine ,  la  seconde  le  cerveau ,  et  peut-être  obtiendrez- 
vous  plus  que  celui  qui  écrit  ces  lignes. 

La  découverte  de  Daguerre  et  de  Talbot  est  surtout  im- 
portante en  ce  qu'elle  nous  convie  à  nous  occuper  chaque 
jour  davantage  des  impondérables.  L'honuue  le  plus  sa- 
vant, jj'est.  encore  qu'un  enfant  véritable  qui  ne  se  doute 
pas  plus  de  sa  puissance  sur  la  matière  que  des  moyens  de 
l'exercer. 

Oii  (Au).  —  On  a  employé  les  sels  de  ce  métal  en  mé- 
decine contre  le  cancer  et  la  syphilis.  L'argent  et  l'or,  indé- 
Fendamment  des  autres  services  qu'ils  nous  rendent ,  font 
office  de  monnaie.  Les  mines  d'or,  avant  la  découverte  des 
mine^  de  Californie  et  d'Australie,  produisaient  45  fois 
moins  que  les  mines  d'argent  ;  cependant  vu  les  nombreux 
usages  de  l'argent,  sa  valeur  vénale  n'était  que  15  fois 
moindre  q^e  celle  de  l'or.  Cette  valeur  est  susceptible  de 
variations  :  aussi  les  gouvernemœts  ontrils  eu.  tort  d'avoir 
pris  plusiews  métaux  pour  monnaies.  Avant  la  révolution 
de  1789,  la  pièce  d'or  de  S4  francs  se  vendait  35  livres 
9  sous ,  ce  qui  prouve  la.  vérité  de  notre  assertion.  En 
Orient ,  les  valeurs  respectives  de  l'or  et  de  l'argient  ne  sont 
pas  les  mêmes  qu'en  Europe.  Au  dire  des  voyageurs ,  une 
livre  d'or  vaudrait  en  Chine  là  livres  d'argent ,  et  9  seule- 
ment au  Japon.  ]H.  de  Hum})od  évalue  à  359,000,000  le 
produit  des  mines  de  métaux  précieux.  M.  .Boudant  à 
336,O00^0QP  seulement,  dont  l'Europe  ne  fournit  que  la 
dix-septième  partie.  L'abondance  des  mines  d'argent  serait 
teQe  dajDs  les  Andes  ^  au  dire  de  M.  de  Humbold ,  et  ce  mé- 
tal aurait  été  si  mal  exploité  jusqu'à  ce  jour,  que  sa  valeur 
devra  cqpsidérablement  baisser.  On  peut  en.  dire  autant 
pour  les  mines  d'or,  depuis  les  découvertes  récentes. 

Les  progrès  de  la  science  moderne  en  électricité  ont  créé 
de  nçm])reqses  applications  ;  beaucoup  d'autres  sont  encore 
à  d^uvrir.  £n  attendant  qu'elles  viennent,  nos  arts  et 
DOS  industries  commencent  à  se  servir  de  la  galvanoplastie. 

Chaque  JQW  tend  h  supprimer  davantage  la  vaisselle 
plate  pour  créer  une  vaisselle  recouverte  d'argent  et  d'or 


3' 


194  PHILOSOPHIE 

ue  le  goût  le  plus  exquis  combine  avec  des  cristaux,  avec 
ies  dessins  très-élégants  en  laiton  argenté  ou  doré  :  de  la 
sorte  les  œuvres  les  plus  remarquables  descendent  à  la 
portée  d'un  grand  nombre  de  fortunes.  —  La  galvano- 
plastie ne  date  que  de  18S8  ;  elle  fut  inventée  à  cette  époque 
par  Spencer,  en  Angleterre,  et  Jacoby,  en  Russie.  Loin 
d'avoir  dit  son  dernier  mot,  c'est  un  art  encore  dans  l'en- 
fance, malgré  ses  brillantes  productions.  On  peut  déjà  et 
l'on  pourra  de  plus  en  plus  lui  demander  des  médailles , 
des  statuettes,  des  statues,  des  clichés,  des  bronzes,  et  l'on 
s'en  aidera  pour  la  gravure,  indépendamment  d'une  foule 
d'autres  usages  qui  ne  sont  encore  que  pressentis. 

Le  Platine  (Pt.)  rend  de  grands  services  à  l'industrie 
et  en  rendra  de  plus  grands  encore.  S'il  est  facilement  atta- 
quable par  beaucoup  de  corps,  aucun  ne  résiste  mieux  à 
l'action  la  plus  élevée  de  nos  fourneaux  ni  à  celle  des  aci- 
des. Réduit  en  éponge  il  donne  lieu  à  des  phénomènes  que 
tout  le  monde  connaît  ;  plus  divisé  encore  et  sous  la  forme 
de  noir  de  platine,  il  peut  condenser  plusieurs  fois  son  vo- 
lume de  certains  gaz.  Il  donne  alors  lieu  aux  phénomènes 
de  catalyse  les  plus  remarquables.  L'industrie  les  utilisera 
un  jour,  mais  elle  ne  l'a  pas  encore  fait. 


DES  RÈGLES  OU  LOIS  DES  EXISTENCES  MINÉRALES. 


INTRODUCTION. 


Phis  nous  irons ,  plus  nous  reconnaîtrons  qu'il  n'existe 
qu'une  science ,  celle  de  la  nature  ou  Physiologie,  au  ser- 
vice de  laquelle  nous  mettons  incessamment  nos  instru- 
ments et  nos  procédés  d'ordre  matériel  et  d'ordre  intellec- 
tuel. —  Ceux-ci  dominent  les  autres  :  ils  s'appellent 
mathématiques  quand  ils  servent  à  observer,  k  étudier  les 
quantités,  les  grandeurs  et  les  formes;  physique^  quand 
ils  s'occupent  des  propriétés  générales  des  corps.  La  chimie 


DU  SIBCLB.  195 

étudie  leurs  propriétés  moléculaires ,  leur  passé ,  leur  ave- 
nir, leurs  métamorphoses  ou  tran^ormations  ;  mais  il  s'en 
faut  qu'elle  soit  bien  limitée.  Les  transfonnations  d'ordre 
végétal,  animal  ou  social  appartiennent  k  d'autres  sciences. 
L'aoatomie  clive  un  cristal  et  s'appelle  alors  usuellement 
cristallographie  ou  minéralogie  ;  or  il  est  évident  que  cette 
anat(»nie  est  Tune  des  opérations  de  la  science  que  nous 
appelons  la  chimie.  Si  elte  perce  les  couches  de  l'écorce  du 
globe  pour  les  étudier,  elle  prend  le  nom  de  géologie; 
si  elle  dissèque  un  végétal  ou  un  animal,  elle  conserve  son 
nom  propre,  tout  en  prenant  des  noms  particuliers ,  selon 
qu'elle  examine  les  vaisseaux  ^  les  viscères ,  les  muscles  et 
les  nerfs. 

Si  l'anatomie  dissèque  une  civilisation  pour  étudier  les 
races  humaines  qu'elle  concerne ,  le  pays ,  théAtre  de  ses 
manifestations,  les  classes  sociales  dont  elle  se  compose, 
les  idées  mères  empruntées  à  d'autres  civilisations  et  la 
série  d^  faits  qui  forme  sa  lég^^de^  cette  dissection  porte 
le  nom  d'analyse  historique. 

Je  comparerais  volontiers  les  hommes  qui  font  des  livres 
à  perte  de  vue  et  qui  endorment  leurs  lecteurs  à  l'occasion 
de  la  classification  et  de  la  hiérarchie  des  sciences,  à  des 
ouvriers  qui  entreraient  dans  le  cabinet  d'un  architecte  et 
qui  s'y  évertueraient  à  limiter  la  portion  de  travail  qui  in- 
cooibe  dans  un  édifice  aux  maçons ,  aux  charpentiers ,  aux 
couvreurs ,  comme  si  la  maçonnerie  ne  peut  pas  être  sub- 
divisée entre  des  maçons ,  des  tailleurs  de  pierres,  des 
appareilleurs ,  des  plâtriers  et  des  sculpteurs  omementistes  ; 
comme  si  les  autres  travaux  ne  sont  pas  susceptibles  d'un 
pareil  fractionnement ,  de  telle  sorte ,  par  exenmle ,  que  le 
sculpteur  en  ornements  empiète  à  la  fois  sur  les  attribu- 
tions des  couvreurs,  des  charpentiers  et  des  maçons. 

On  pouvait  écrire  en  1848 ,  ainsi  que  Ta  fait  Gerhard , 
dans  sa  belle  introduction  à  Y  Elude  de  k»  Chimie  :  «  Les 
»  êtres  matériels  répandus  à  la  surface  du  globe  et  dans 
»  le  sein  de  la  terre  se  distinguent  en  deux  grandes 
A  classes  : 

i>  Les  uns  naissent  d'êtres  semhlahUs  à  eux-mêmes^  et 
»  n'ont  qu'une  existence  limitée.  jLes  autres ,  inhabiles  à 


196  PHILOSOPHIB 

»  se  reproduire ,  naissent  d'êtres  dissemblables  et  peuvent 
»  exister  de  toute  éternité.  » 

Aujourd'hui  cette  distinction  est  démentie  par  les  re- 
cherches de  Brahme ,  sur  l'état  utriculaire  des  mméraux ,  et 
par  celles  de  Gros,  sur  les  vésicules  élémentaires  d'ordre 
végétal  et  animal  (les  englènes). 

11  est  bien  constant  que  la  vie  existe  partout ,  que  toutes 
les  sciences  ont  son  étude  pour  résultat;  et  que  les  ordres 
sidéral,  minéral,  végétal,  animal  et  social,  quoique  si 
séparés  en  apparence ,  présentent  des  milliers  de  points  de 
contact  au  véritable  physiologiste. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  conformé  notre  langage  aux 
habitudes  reçues  :  nous  allons  maintenant  nous  en  écarter 
davantage.  Tantôt  nous  rapprocherons  les  uns  des  autres 
les  phénomènes  d'ordre  minéral ,  végétal ,  animal  et  social  ; 
et  le  plus  possible  nous  laisserons  de  côté  l'habitude,  si  fa- 
milière à  notre  esprit ,  si  agréable  à  notre  paresse,  de  dissi- 
muler notre  ignorance ,  en  remplaçant  par  des  entités ,  par 
de  simples  mots,  très-vides  quoique  sonores,  les  phéno- 
mènes que  nous  n'avons  pas  étudiés ,  ou  leurs  causes  très- 
inconnues. 

Pourquoi  ne  l'avoir  pas  fait  plus  tôt,  se  dira  peut-être  le 
lecteur  ? 

Je  réponds  :  Sommes-nous  en  1855 ,  et  non  en  1870  ou 
en  1900  ?  A  qui  s'adresse  ce  livre  ?  est-ce  aux  hommes 
qui  viendront  ou  à  ceux  qui  ont  plus  de  17  à  18  ans,  et 
qui  savent  déjà  quelque  chose  ?  Ceux-ci  n'ont-ils  pas  un 
langage  et  des*  habitudes  qu'il  faut  redresser  progressive- 
ment ? 

Des  ELÉiTBifTS.  —  Les  anciens ,  c'est-à-dire  les  sages  de 
l'Inde  etlespythagoriciens,  en  reconnaissaient  cinq,  à  savoir  : 

L'éther, 

Les  impondérables, 

Les  aériformes , 

Les  liquides , 

Les  solides. 

Il  nous  est  évident  qu'ils  distinguaient  ou  croyaient  dé- 
signer ainsi  les  cinq  formes  possibles  de  la  substance. 


BU  8ISGLB.  197 

Platon,  cet  écrivain  aux  phrases  si  musicales,  qui  a 
tant  contribué  à  faire  reculer  l'humanité ,  déserta  les  ten- 
dances scientifiques  de  P^thagore  et  réduisit  à  quatre  les 
éléments.  Aristote  le  suivit  malheureusement  dans  cette 
voie. 

Les  modernes  n'ont  point  d'opinion  faite  sur  cette  ques- 
tion ;  ils  savent  qu'ils  connaissent  passablement  soîxante- 
deui  corps  non  décomposés ,  et  peut-être  y  a-t-il  chez  un 
grand  nombre  d'entr'eux ,  une  tendance  prononcée  à  n'ad- 
mettre que  deux  substances,  l'une  pondirabU,  l'autre  tm- 
pondirMe^  dont  les  réactions  produisaient  les  phénomènes 
que  nous  appelons  électricité,  chaleur,  lumière,  sensation  ; 
mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  faits  de  la  nature 
soient'  assez  bien  observés ,  groupés  et  sériés ,  pour  que 
cette  opinion  soit  scientifiquement  prouvée.  Il  y  a  23  ans 
qu'à  Nantes,  en  un  cours  public  de  philosophie,  nous 
rémettions  comme  un  credo  basé  sur  de  simples  intuitions, 
comme  une  hypothèse  à  vérifier.  Cette  hypothèse  a  grandi , 
elle. s'est  appuyée  sur  des  découvertes  nouvelles ,  mais  c'est 
encore  une  hypothèse. 

Il  est  toutefois  bien  démontré  pour  nous,  qu'il  y  a  en 
dehors  de  la  substance  pondérable,  quelque  chose  d'impon- 
dérable qui  échappe  à  l'action  du  scalpel  et  de  la  balance. 

Des  Molécules  et  des  Atomes.  —  Nous  avons  confondu 
sous  ces  deux  noms,  aux  chapitres  qui  précèdent,  les  par- 
ties les  plus  divisées  de  la  substance  pondérable  ;  mais  il  se- 
rait plus  convenable  d'agir  autrement ,  d'appeler  atome  le 
dernier  résidu ,  la  dernière  particule  de  la  substance  pondé- 
rable, et  molécule,  ces  atomes  associés  qui  forment  la 
partie  plus  saisissable  des  corps ,  celle  que  les  investiga- 
tions de  la  chimie  moderne  ont  pu  atteindre. 

Du  Poids  des  Molécules.  —  Si  nous  pesons ,  par  un 
procédé  quelconque,  les  molécules  des  corps  usuels,  nous 
trouvons  sensiblement  les  poids  suivants  : 

Nom  abrégé.  Poids. 

Hydrogène H  1. 

Cari[>one C  12. 

Aluminium Al  13,7. 

9 


198  PHILOSOPHIE 

Nom  abrégé.        PoMs. 

Azote  ou  Nitrogène Az  ou  N    14. 

Silicium Si  14. 

Oxigène 0  16. 

Calcium Ca  20. 

Sodium  ou  Natrium Na  35. 

Chrome Cr  26. 

Fer Fe  28. 

Manganèse Mn  28. 

Nikel Ni  29,6. 

Cobalt Co  29,6. 

Cuivre Cu  51,8. 

Soufre S  52. 

Phosphore P  62: 

Zinc Zn  55. 

Chlore Cl  56. 

Potassium  ou  Kah K  59. 

Etain Sn  «9. 

Antimoine Sb  64,5. 

Baryum Ba  68. 

Arsenic As  75. 

Brome Br  80. 

Platine Pt  99. 

Mercure  ou  Hydrargyre Hg  100. 

Plomb Pb  104. 

Argent Ag  108. 

Iode I  126. 

Or Au  196. 

Il  résulte ,  à  la  première  vue ,  de  ce  tableau ,  que  tous 
ces  chiffres ,  excepté  cinq ,  sont  des  multiples  de  chiffre 
de  l'hydrogène;  d*où  cette  conséquence,  que  l'hydrogène 
pourrait  être  une  molécule  primitive,  la  plus  simple  connue, 
formée  des  atomes  d'une  substance  qui  produirait  presque 
tous  les  corps  non  décomposés. 

Volume  des  Molécules.  —  Après  avoir  comparé  les 
poids,  si  l'on  compare  les  volumes  des  corps  que  l'on 
possède  à  l'état  de  gaz,  ou  que  l'on  a  pu  réduire  en  va- 
peurs, on  trouve  que  les  chiffres  qui  expriment  leur  pesan- 


1 


DU   SIÈCLE.  199 

leur  spécifique ,  par  rapport  à  rhvdrogène ,  sont  les  mêmes 
que  ceux  qui  représentent  le  poids  des  molécules ,  qui  se 
combinent  les  unes  avec  les  autres  et  que  Ton  appelle  ha- 
bituett^onent  ckiffres  proportionnels,  ou  qu'ils  en  sont  des 
multiples  par  2  ou  par  3. 

Il  en  résulte  que  ce  serait  singulièrement  simplifier  la 
science,  que  de  prendre  l'hydrogène  pour  point  de  départ 
et  d'y  rapporter  toutes  les  densités. 

L^  gaz  présentent  deux  lois ,  enseignées  aux  cours  de 
physique,  qui  ne  sont  point  complètement  exactes.  Elles 
subissent  des  exceptions  pour  les  gaz  condensables  dans 
les  circonstances  voisines  de  leur  condensation ,  sous  forme 
liquide  ou  solide  ;  cependant  elles  sont  incessemmment  uti- 
les. On  peut  les  formuler  ainsi  : 

Les  gaz  se  dilatent  ou  se  contractent  de  la  même  quan- 
tité pour  un  degré  du  thermomètre. 

La  seconde  est  la  loi  de  Mariotte,  sur  la  contraction 
des  gaz  par  la  pression. 

L^  thermomètres  à  gaz  et  les  manomètres  ou  baromètres 
des  machines  à  vapeur  sont  des  instruments  basés  sur  ces 
lois. 

De  la.  Liberté.  —  Il  y  a  une  physiologie  pour  les  corps 
qui  roulent  dans  l'espace  ;  il  y  en  a  une  minérale  ou  chimi- 
que, dont  Berthollet  a  posé  les  bases.  Les  végétaux,  les 
animaux  et  les  corps  sociaux  ont  aussi  leurs  conditions, 
leurs  règles  d'eustence ,  qui  toutes  se  relient  au  plan  pro- 
videntiel de  la  nature.  La  liberté  c'est  donc,  pour  un  être 
quiconque,  le  pouvoir  d'accomplir  les  lois  de  sa  vie. 

La  liberté  des  molécules  de  la  substance  pesante  est  plus 
étendue  qu'on  ne  le  pense  habituellement.  Soumises  à  des 
tendances  et  à  des  répulsions  qui  s'appellent  sympathies  et 
antipathies,  dans  un  ordre  plus  élevé,  ces  molécules  agis- 
sent dans  une  sphère  où  il  est  facile  d'apprécier  par  le 
calcul,  les  forces  qui  les  régissent ,  ce  qui  est  presque  im- 
possibles dans  des  ordres  supérieurs.  —  Les  êtres  minéraux 
ont,  comnae  les  autres,  leurs  transformations  et  leurs  méta- 
moiphoses,  leurs  amours  (langage  de  Boerhave  et  de 
Herschell),  et  présentent  en  réaUté  au  philosophe  les  bases 
00  premiers  édielons  de  cette  grande  science  qui  lui  révèle 


200  pfliLosopniE 

de  plus  en  plus,  chaque  jour,  les  secrets  de  la  nature. 
Cette  science,  encore  un  coup,  elle  est  une  :  c'est  la  phy- 
siologie. 

De  l'EoALiTiâ  Chimique.  —  Y  a-t-il  une  seule  ou  plu- 
sieurs substances  pesantes  primitives?  Nous  l'ignorons. 
Nos  instruments ,  nos  procédés ,  nos  méthodes ,  impuissants 
à  disséquer  l'atome ,  n'ont  pu  saisir  encore  et  soumettre 
à  nos  investigations  que  des  molécules.  On  appelle  équi- 
valentes celles  qui  peuvent  se  substituer  les  unes  aux  au- 
tres dans  les  combinaisons  chimiques,  et  qui  jouissent 
par  suite  d'une  égalité  relative  à  leur  puissance,  quelle 
qu'en  soit  la  nature ,  sans  qu'il  y  ait  pour  cela  égalité  de 
poids  ou  de  volume. 

Ce  serait  se  tromj)er  grossièrement  que  de  croire  que  les 
équivalents  soient  tous  les  mêmes ,  et  que  d'appeler  de  ce 
nom  les  molécules  qui  correspondent  aux  chiures  propor- 
tionnels que  nous  avons  donnés  plus  haut. 

Si  la  molécule  1  d'hydrogène  correspond  à  la  molécule 
S6  de  chlore ,  et  peut  former  avec  elle  une  combinaison 
intime  appelée  acide  chlorhydrique ,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  qu'elle  n'est  pas  l'équivalent  de  la  molécule  16  d'oxi- 
gène  :  il  faut  pour  cela  qu'elle  soit  doublée. 

Mais  si  l'hydrogène  est  un  métal ,  une  base  ;  si  le  chlore 
et  l'oxigène  sont  tout  l'opposé,  il  faut  donc  diviser  les 
équivalents  en  deux  classes ,  selon  leurs  fonctions  : 

Equivalents  par  combinaison , 

Equivalents  par  substitution. 

32  soufre,  16  oxigène,  72  chlore,  voilà  des  équivalents 
par  substitution,  parce  qu'ils  se  peuvent  substituer  dans 
leurs  fonctions  de  corps  non  métalliques. 

Hydrogène  1  et  chlore  56 ,  voilà  des  équivalents  au  point 
de  vue  des  réactions  chimiques. 

Remarquons  que  l'équivalence  est  subordonnée  à  la  fonc- 
tion, et  n'a  lieu  que  dans  un  certain  nombre  de  cas  limités  ; 
que  1  d'hydrogène,  qui  est  l'équivalent  de  36  de  chlore, 
n'est  l'équivalent  que  de  1/2  oxigène  ou  8  en  poids. 

Equivalfkts  en  Volume.  —  Les  corps  gaxeux  se  comftt- 
nent  toujours  entre  eux  y  dans  des  rapports  simples  :  ainsi 
Teau  se  compose  de  deux  volumes  d'hydrogène  et  d'un  \o- 


DU  SIBCLB.  301 

lume  d'oxigène.  Si  le  produit  est  volatil  ou  gazeux»  il  est 
toujours  en  rapport  simple  avee  les  composants  :  ainsi  deux 
Tolames  d'azote  et  un  d'oxigène  forment  deux  volumes  de 
protoxide  d'azote  ;  deux  Yolumes  d'azote  et  deux  d'oxigène 
forment  deux  volumes  de  bioxide.  —  Pou&sant  plus  loin 
encore  leurs  observations^  les  chimistes  ont  reconnu  quil 
y  a  contraction  f  et  par  suite  réduction  de  volume»  si  les 
composants  sont  en  nombre  impair. 

Si  au  lieu  de  deux  composants,  nous  en  avons  plusieurs, 
la  loi  des  volumes ,  d'après  Laurent  et  Gerhard,  se  formule 
ainsi  : 

Dans  toute  substance  organique  représentée  par  deux  volu* 
mes  de  vapeur,  la  somme  des  coefficients^  des  nombres  propor- 
tionnnels  de  Vkgdrogéne^  de  Pazote,  du  phosphore^  de  Varsenic 
et  des  corps  halogènes  ^  est  représentée  par  un  nombre  pair. 

Cacsb  DBS  Volumes.  —  Quelle  est  la  cause  des  volumes? 
Cette  cause  ne  se  he~t-elle  pas  directement  à  la  cause  des 
états  différents  des  corps  ? 

Sans  doute  l'être  appelé  chaleur  n'existe  pas.  La  cha- 
leur est  un  phénomène,  et  à  cette  occasion,  Ton  peut 
émettre  une  hypothèse  et  dire  :  La  chaleur  se  produit  sous 
Imfluence  de  la  combinaison  d'un  corps  avec  la  substance 
hypothétique  appelée  éther,  qui  remplit  les  espaces  com- 
pris entre  les  molécules  pondérables.  Mais  cette  hypothèse 
est  loin  d'expliquer  actuellement  tous  les  faits.  —  Toute- 
fois ,  comme  on  est  parvenu  à  mesurer  certaines  manières 
d'être  de  la  chaleur,  l'ou  a  observé  qu'un  gramme  d'une 
substance  donnée  absorbait  toujours  la  même  quantité  do 
chaleur,  pour  passer  de  l'état  solide  à  l'état  liquide,  et 
une  autre  quantité  toujours  constante  pour  passer  de  l'état 
liquide  à  1  état  gazeux.  L'étal  Uquide  d'un  corps  ne  serait 
donc  que  le  produit ,  jdus  ou  moins  stable ,  de  sa  combi- 
naison avec  une  quantité  donnée  de  chaleur,  et  l'état  ga- 
zeux qu'un  produit  analogue Quelle  que  soit  l'hypothèse 

acceptée  à  l'occasion  de  la  chaleur,  ces  deux  derniers  faits 
sont  constants.  La  chimie  qui  est ,  sous  beaucoup  de  rap- 
ports, la  science  des  métamorphoses  ou  transformations 
dans  la  nature ,  devrait  toujours  en  tenir  compte  :  ce  qu'elle 
ne  fait  pas  ;  aussi  est-dle  encore  très-incomplète.  Nous 


202  PHILOSOPHIE 

avons  vu ,  par  suite ,  des  ingénieurs  très-habiles ,  qui  ne 
savaient  s'il  y  a  avantage  ou  désavantage  à  faire  parvenir 
dans  le  cendrier  des  fourneaux ,  un  fUet  d'eau  qui  se  ré- 
duirait en  vapeur  et  qui  passerait  en  cet  état  à  travers  le 
charbon  embrasé. 

Loi  des  Equivalents.  —  Nous  avons  dit  que ,  dans  des 
circonstances  données ,  les  molécules  de  divers  corps  pou- 
vaient représenter  des  puissances  égales ,  et  que  par  suite 
on  pouvait  les  substituer  les  unes  aux  autres.  Nous  avons 
ajouté  pour  les  molécules  gazeuses,  qu'elles  étaient  toujours 
en  rapport  simple  ou  régulier  de  volume.  Il  en  est  ainsi 
pour  les  poids  de  toutes.  L'équivalent  du  corps  A  se  com- 
bmera  toujours  avec  1,  ou  2,  ou  5,  ou  4,  équivalents  de  B; 
deux  équivalents  de  A  se  combineront  avec  1,  2,  3,  4,  8 
de  B  ;  ou  encore ,  trois  équivalents  de  A  se  combineront 
avec  5  ou  7  de  B  :  de  là  des  rapports  rationnels  et  commen- 
surables. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  »  que  les  équivalents  repré- 
sentent toujours  des  volumes  réguliers  des  corps  gazeux , 
mais  sans  rappeler  en  rien  le  chiffre  de  ces  volumes.  Ainsi, 
HO  signifie  habituellement  un  équivalent  d'hydrogène  pe- 
sant 2 ,  et  un  équivalent  d'oxigène  pesant  16 ,  sans  indi- 
quer que  l'équivalent  d'hydrogène  se  compose  de  deux 
volumes,  et  que  par  suite  HO  représente  deux  volumes  de 
vapeur  d'eau;  tandis  que  la  notation  2H.  0  rappelle  beau- 
coup plus  de  choses  à  l'esprit ,  puisqu'elle  indique  à  la  fois 
et  les  équivalents,  et  la  composition  en  volume,  et  même 
la  contraction  des  trois  volumes  de  gaz  en  deux  de  vapeur 
d'eau. 

Il  est  donc  à  regretter  que  la  notation ,  qui  prend  l'hy- 
drogène pour  point  de  départ,  et  que  Dalton  a  popularisée 
en  Angleterre ,  ne  soit  pas  chez  nous  la  notation  usuelle. 

Des  Formes  des  Cristjlux.  —  Les  corps  minéraux  ne 
disposent  point  leurs  molécules  au  hazard ,  les  unes  à  côté 
des  autres.  Pour  peu  que  les  molécules  aient  la  liberté  de' 
se  placer  selon  leur  position  naturelle ,  selon  ce  que  l'on 
pourrait  appeler  leur  bien-être ,  elle  le  font  de  manière  à 
prouver  qu'elles  sont  toutes  orientées ,  e'est-à-dire  qu'elles 
ont  un  axe  et  des  pôles.  —  La  disposition  qu'elles  prennent 


DU  SIÈGLB.  SOS 

alors,  appelée  cristallisation,  est  soumise  par  suite  aux  lois 
de  la  géométrie.  —  Quelques  variés  que  soient  en  apparence 
les  eristaux,  leurs  formes  primitives  sont  très-limitées  et 
réduites  à  six ,  auxquelles  toutes  peuvent  être  ramenées  par 
une  dissection  qui  les  casse  ou  les  clive ,  selon  des  surfaces 
planes  :  ce  qui  est  généralement  très-facile. 

Les  caractères  des  six  ordres  des  cristaux  sont  les 
suivants  : 

!•'  ordre.  —  5  axes  semblables,  perpendiculaires  entre 
eux. 

2*  ordre.  —  3  axes  perpendiculaires,  dont  2  seulement 
sont  semblables. 

3*  ordre.  —  4  axes ,  dont  trois  semblables ,  disposés  dans 
le  même  plan ,  et  se  coupant  sous  des  angles  de  60  degrés. 
Le  4*  axe  est  différent  et  perpendiculaire  aux  trois  autres. 

4*  ordre.  —  3  axes  perpendiculaires  entre  eux ,  mais 
dissemblables. 

5*  ordre,  —  2  axes  obliques ,  l'un  par  rapport  à  l'autre  : 
le  5^  perpendiculaire  aux  deux  obliques  ;  les  trois  dissem- 
blables. 

6*  ordre.  —  3  axes  obliques  et  dissemblables. 

DoKmPHisvB.  —  On  croyait  autrefois  que  la  même 
substance  ne  pouvait  cristalliser  que  d  une  façon.  On  sait 
aujourd'hui  que  quelques  substances  peuvent  cristalliser 
de  deux  façons,  avoir  deux  formes:  de  là  le  nom  de 
dimorphisme  ou  dimorphie.  Il  est  possible  que  la  trimorphie 
et  la  polimorphie  puissent  exister,  mais  il  n'y  en  a  pas 
d'exemple  connu. 

Les  molécules  des  corps  qui  cristallisent  de  deux  manières 
jouissent  de  propriétés  souvent  très -différentes.  Leurs 
cristallisations  ayant  eu  lieu  à  des  températures  le  plus 
souvent  très-éloignées ,  il  en  résulte  : 

Que  les  puissances  en  vertu  desquelles  la  substance 
cristallise ,  varient  avec  les  températures  :  aussi  les  forces 
qui  agissent  h  la  température  ordinaire,  sur  un  cristal, 
sont-elles  souvent  très-différentes  de  celles  qui  ont  présidé 
à  sa  formation. 

Ao  point  de  vue  de  la  recherche  des  origines ,  ce  fait 
esf  Irés-grand  ;  il  nous  montre  des  variations  dans  les  forces 


304  PHILOSOPHIB 

naturelle»  qui  présitlent  et  (fui  ont  présidé  à  la  constitution 
de  notre  globe  ;  variations  fatales,  nécessaires,  qui  pourraient 
être  soumises  au  règles  du  calcul ,  aux  lois  de  la  géométrie, 
que  Ton  pourrait ,  par  exemple ,  représenter  par  des  lignes. 
Il  conduit  par  suite  à  se  poser  cette  grande  question  : 

Qu'était  autrefois,  qu'est  aujourd'hui,  que  sera  un  jour 
le  magnétisme  terrestre?  Comment  serait-il  possible  de 
représenter  géométriquement  ses  intensités  passées,  pré- 
sentes et  futures,  ou  tout  au  moins  prochaines? 

On  appelle  Isomorphismb  cette  propriété  découverte  par 
Mitscherlich,  que  possèdent  les  molécules  de  corps  différents, 
de  présenter  souvent  des  formes  presques  semblables.  Cette 
propriété  joue  un  grand  rôle  en  chimie,  en  ce  qu'elle 
permet  fréquemment  à  un  corps  de  se  substituer  à  un 
autre  d&as  ses  combinaisons.  L'isomorphisme  des  cris- 
tallisations existe  pour  les  corps  qui  présentent  des  com- 
binaisons chimiques  identiques.  Faites  un  mélange  de 
sulfate  de  cuivre  et  de  sulfate  de  fer,  vous  obtiendrez  des 
cristaux  de  sulfate  de  cuivre  et  de  fer.  Plongez  un  cristal 
de  sulfate  de  cuivre  dans  une  solution  de  sulfate  de  fer,  il 
se  couvrira  de  couches  de  sulfate  de  cuivre;  plongez-le 
ensuite  dans  du  sulfate  de  fer,  il  se  recouvrira  de  cette 
dernière  substance. 

L'isomorphisme  se  retrouve  aussi  dans  le  règne  végétal 
et  dans  le  règne  animal  :  dans  le  règne  végétal,  il  a  créé 
la  greffe  et  les  hybrides  ;  dans  le  règne  animal,  les  hybrides 
et  la  transfusion  du  sang.  Passablement  étudié  dans  le 
règne  minéral,  il  n'a  pas  dit  son  dernier  mot  dans  les  deux 
autres. 

Etat  utriculairb  ©es  Mit^raux.  — La  science  en  était 
là,  quand,  en  1845,  mon  savant  confrère,  M.  Brame, 
découvrit  l'état  utriculaire  des  minéraux.  Le  chimiste  de 
Tours,  en "^  agissant  sur  des-  corps  fusibles  à  de  faibles 
tempéra  tures  ou  solubles  dans  des  substances  essentiellement 
volatiles ,  a  vu  des  états  différents  dans  les  phases  des  pre- 
miers moments  de  la  cristallisation  ,  ce  qui  conduit  à  dire 
que  les  êtres  minéraux  ont  leur  vie  embryonaire  avant 
d'arriver  à  la  cristallisation.  Les  utricules  des  minéraux 
se  composent  d'mie'  enveloppe  extrêmement  mince,  flexible 


DU  SIÈCUB.  205 

et  incolore,  vraie  membrane,  très-semblable  en  sa  manière 
de  se  comporter,  aux  membranes  végétales  et  animales. 
En  son  sein,  car  elle  forme  une  vésicule,  on  trouve  une 
matière  de  même  substance,  qui,  pour  le  soufre,  par 
exemple ,  est  à  l'état  de  vapeur. 

Ainsi  l'état  vésiculaire  serait  la  source  primitive  de  toute 
cristallisation.  En  s'organisant ,  c'est-à-dire  en  se  groupant 
sous  forme  de  vésicules ,  la  substance  deviendrait  végétale 
ou  animale  :  elle  serait  minérale  en  se  cristallisant.  Beaucoup 
d'études  manquent  encore  autour  de  cette  observation 
féconde  du  D*^  Brame  ;  mais  le  fait  principal ,  accepté  par 
la  science  la  plus  sévère,  crée  à  lui  seul  une  série  d'analogies 
fécondes.  Remarquons,  avant  de  passer  outre,  que  l'état 
utriculaire  des  substances  minérales  a  été  surtout  étudié 
au  moyen  des  cristallisations  ignées,  et  rappelons  -  nous 
que  les  2/3  en  poids  des  substances  végétales  et  animales, 
ne  sont  autre  chose  que  de  l'eau  :  alors  nous  comprendrons 
comment,  dans  la  nature,  la  substance  a  dû  se  cristalliser 
avant  de  s'organisa  ;  comment  elle  a  dû  s'orienter  selon 
l'individualité  de  chacune  des  molécules  que  renfermaient 
les  vésicules  utriculaires ,  au  lieu  de  s'orienter  selon  ces 
vésicules  elles-mêmes ,  ce  qui  eut  été  vivre  d'une  autre 
vie.  —  L'état  utriculaire  nous  conduit  encore  à  une 
con^dération  d'ordre  très-élevé.  Qu'est-ce  que  le  tissu 
vésiculaire  des  utricules  minérales,  sinon  l'analogue  du 
tissu  cellulaire,  qui  joue  un  si  grand  rôle  dans  les  organismes 
végétaux  et  animaux. 

Langue  de  là  Chimie  ^Nobienclâtuse).  —  Les  corps 
réputés  simples  sont  aujourahui  au  nombre  de  62.  Chacun 
des  corps  appelés  simples  étant  susceptible  de  prendre 
part  à  une  série  de  combinaisons,  il  eut  fallu  inventer 
plusieurs  milliers  de  mots  pour  désigner  par  un  mot 
spécial  ces  combinaisons  diverses.  Au  Ueu  de  cela,  on  a 
imaginé  de  faire  des  62  noms  des  corps  simples,  autant  de 
radicaux,  et  de  désigner  chacune  des  combinaisons  possibles 
en  se  servant  du  radical  et  de  particules  adjonctives. 

Mais  il  en  est  de  la  langue  de  la  chimie  comme  de  toutes 
les  autres  ;  elle  a  ses  dialectes  et  ses  variantes.  Celui-ci , 
par  exemple ,  appelle  métal  ce  qu'un  autre  chimiste  appelle 

9» 


métalloïde,  et  vice  tertâ,  La  science  n'étant  pas  encere 
faite,  surtout  pour  la  chimie  organique,  son  langage  s'en 
restent  singulièrement.  Chaque  chimiste  un  peu  autorisé 
a  la  prétention  de  faire  adopter  son  dialecte ,  pour  Téleyer 
à  Tétat  de  langue  universelle. 

Il  est  toutefois  des  fautes  de  logique  qui  sautent  aux 
yeux.  Pourquoi  dire  oxides  et  non  oxuies?  Quel  rapport 
existe-t-il  entre  les  noms  ammoniaque,  caféine,  brucine, 
quinine,  pouvant  indiquer  une  similitude  de  fonction  dans 
des  substances  toutes  alcaloïdes. 

On  a  suivi,  mais  de  très-loin  et  sans  le  connaître,  le 
procédé  naturel  de  la  formation  des  langues. 

Notations  Chiuiques.  —  L'algèbre  est  une  langue 
abrévialive ,  qui  a  été  comprise  de  bien  des  manières.  Elle^ 
doit  s'entendre  aujourd'hui  de  tout  langage  susceptible  de 
résumer  d'une  façon  claire  et  précise  ce  qui,  dans  les» 
langues  usuelles,  réclamerait  les  plus  longues  phrases. 
A  ce  compte,  la  chimie  a  son  algèbre.  Cette  partie  de 
la  science,  inventée  par  Lavoisier,  étudiée  depuis  par 
Hassenfratz,  a  été  très-perfectionnée  par  BerzeUus.  Elle 
consiste  dans  des  notations  abrégées ,  destinées  à  rappeler 
les  composés  par  des  quantités  proportionnelles  des^ 
composants ,  et  les  corps  simples  par  les  initiales  de  leurs 
noms.  Ces  notations  abrégées  sont  à  la  fois  plus  logiques  et 
plus  correctes  que  la  langue  usuelle  de  la  chimie,  sans 
être  parfaites. 

S  0%  dans  la  notation  usuelle,  est  une  formule  abrégée 
qui  dit  :  soufre ,  une  partie  ou  53  ;  oxigène ,  trois  parties 
ou  48.  Que  le  mot  acide  sulfurique  soit  plus  ou  moins 
convenable,  peu  importe,  si  l'on  s'en  tient  à  la  notation. 
Un  exemple  plus  complexe  sera  plus  probant  encore. 

C®  Az'  Fe  2  H ,  cela  veut  dire  :  carbone ,  six  parties  ; 
azote,  trois  parties  (ou  cyanogène);  fer,  une  partie; 
hydrogène,  deux  parties  ou  acide  hydro-ferro-cyanique. 
Cette  manière  d'écrire  nous  fait  reconnaître ,  à  la  première 
vue,  les  similitudes  d'un  grand  nombre  de  corps  très- 
différents  par  leurs  noms.  C*  Az'  Fe  3  K.  Le  cyano-ferrure 
de  potassium  ne  diffère  de  l'acide  hydro-ferro-cyanique , 
que  par  la  substitution  du  potassium  à  l'hydrogène.  Ces 


nt7  SIÈCLE.  207 

deux  formules 9  si  rapprochées,  ncms  conduisent  à  nous 
demander  quelles  sont  les  prédispositions  qui  existent  dans 
les  combinaisons  chimiques ,  s'il  y  en  a  d'autres  que  celles 
qui  permettent  qu'un  ou  plusieurs  éléments  d'un  composé 
soient  remplacés  par  d'autres  composants.  Cette  question , 
très-élevée,  touche  directement  à  celle  de  la  liberté  des 
molécules  inorganiques. 

IsoMÉRiSME.  —  La  comparaison  des  formules  de  diverses 
substances  conduit  à  un  résultat  très-curieux  :  c'est  qu'il 
y  a  des  corps  qui  ont  pour  nous  la  même  composition 
chimique ,  et  qui  diffèrent  essentiellement  pour  leurs 
propriétés  physiques  et  chimiques.  On  les  appelle  isomères. 
L'isomérie  conduit  aux  méditations  de  l'ordre  le  plus 
élevé.  —  Il  est,  selon  nos  prévisions,  que  les  savants  de 
recelé  unitaire  expliqueront  un  jour,  et  du  même  coup , 
les  cristallisations,  l'isomérie  et  beaucoup  d'autres  faits 
généraux  que  nous  ne  pouvons  actuellement  qu'enregistrer. 

MOYEIIS     DB    BIfill    FAIRE    COMPRENDRE    l'uTILITÉ    DES 

Notations  abrégées.  —  La  formule  de  l'ammoniaque  est 
Az  H*  ;  mais  l'ammoniaque  ne  peut  se  combiner  avec  les 
acides  qu'autant  qu'elle  contienne  un  équivalent  d'eau 
HO.  Az  H'  H-  HO,  voilà  l'ammoniaque  hydratée  qui 
entre  dans  toutes  les  combinaisons  salines.  Az  H^  -h  HO 
peut  s'écrire  Az  H*  0.  Az  H*  sera  de  l'ammonium,  corps 
parallèle ,  dans  toutes  ses  combinaisons ,  au  potassium ,  au 
sodium  et  aux  autres  métaux.  Az  H*  0  sera  de  l'oxide 
d'ammonium  ;  d'où  cette  supposition ,  que  le  potassium , 
le  sodium  et  d'autres  corps  pourraient  avoir  une  composition 
analogue.  Mais  le  nitrate  d'ammoniaque  (Az  H*  0  -h  Az  0*) 
est  un  sel  en  tout  semblable ,  même  pour  la  cristallisation , 
au  nitrate  de  potasse  (KO  H-  Az  0*);  d'où  cette  autre 
conclusion,  que  le  nitrate  d'ammoniaque  fourni  par  le 
règne  animal,  relie  la  chimie  dite  animale  à  la  chimie 
minérale  par  sa  similitude  avec  les  autres  nitrates. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  expliquera  toute  notre  pensée 
à  ceux  qui  ont  étudié  ;  elle  déposera  des  germes  féconds 
chez  ceux  qui  ne  savent  pas  encore.  Nous  devons  toutefois 
revenir  sur  l'isomérisme.  Les  hommes  de  science  savent 
très-bien  que  l'isomérie  peut  être  produite  par  un  grouppe- 


208 


PHILOSOPHIB 


m«nt  différent  des  atomes  qui  seraient  en  nombre  égal, 
ou  par  une  différence  dans  le  nombre  des  atomes  qui 
constituent  les  molécules.  Dans  ce  cas-ci,  le  chiffre  relatif 
des  molécules  est  le  même;  mais  le  chiffre  absolu  est 
différent.  C'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  combinaisons 
hydrogénées-  qui  ont  la  même  composition  chimique,  mais 
dont  les  volumes  égaux  renferment  des  quantités  très- 
différentes  de  molécules. 

ÛBS  Corps  Métalliques  ou  Bàsioiibset  noiv  Métalliques 
ou  non  Basiques.  —  Il  n'y  a  pas  un  seul  ouvrage  de  chimie 
où  la  classification  des  substances  dites  élémentaires ,  en 
corps  métalliques  et  corps  non  métalliques ,  soit  appuyée 
sur  des  faits  sérieux.  Il  serait  donc  mieux  d'abandoimer  le 
mot  métal  y  ou  tout  au  moins  de  le  transformer,  comme  Ta 
fait  Gerhard,  pour  dire  avec  ce  savant,  dont  les  livres  sont 
si  profondément  empreints  de  philosophie ,  que  l'hydrogène 
et  l'oxigène  sont  les  deux  éléments  chimiques  dont  les 
activités  sont  les  plus  opposées.  Alors  on  diviserait  les 
substances  non  encore  décomposées  en  deux  séries.  L'une, 
celle  des  corps  dont  les  activités  chimiques  ont  de  la 
ressemblance  avec  l'activité  spéciale  de  l'oxigène:  voilà 
les  corps  non  métalliques^  L'autre  série  se  composerait  de 
tous  ceux  dont  les  affinités  ou  activités  chimiques  ont 
quelque  rapport  avec  l'hydrogène  :  voilà  les  métaux.  — 
Cette  classification  serait  toute  chimique,  puisqu'elle  ne  tien- 
drait aucun  compte  des  propriétés  physiques  des  corps.  Ces 
deux  séries  se  présenteraient  alors  ainsi,  pour  les  corps  usuels  : 


PREMIÈRE  SËKUi. 

Oxigène. 
Soojfre. 

Phosphore. 

Arsenic. 

Azote. 

Chiôrë". 
Brume  • 
Iode. 
Fluor. 

Carbone. 

Bore. 
Silicium. 


DEUXIÈME  SERIE. 


Hydrogène. 

Potassium. 
Sodium. 
Baryum. 
Calcium. 


Gadminm.. 

Zinc. 

Nikel. 

Cobalt. 

Guivra. 


Fer. 

Man^nèse. 
Aluminium,. 
Chrome. 

Bismuth. 

Antimoine. 

Etain. 

Plomb.. 
Argent. 
Mercure. 

Platine. 
Or. 


BU   SIBCJLB.  209 

Nos  lecteurs  voient  de  suite  dans  ce  tableau ,  emprunté 
à  Gerhard ,  une  division  en  deux  séries ,  et  une  division  de 
la  première  série  en  cinq  groupes ,  de  la  seconde  en  sept 
groupes.  —  Nous  ne  prétendons  point  affirmer  que  les 
groupes  qui  précèdent  soient  aussi  bien  distribués  que 
possible  dans  Tétat  actuel  de  nos  connaissances;  mais 
nous  aOirmons  que ,  dans  Tétat  actuel  de  ces  connaissances, 
CD  ne  saurait  procéder  philosophiquement  dans  l'étude  de 
la  chimie  sans  l'assimiler  aux  autres  branches  de  l'histoire 
naturelle. 

ChOOES  MiNÉRALB  ,  VÉ0ÉTALB  £T  AlïIMÂLB.  —  Si  VOUS 

étudiez  des  molécules  et  leur  activité  propre,  abstraction 
faite  de  leur  provenance  minérale,  végétale  ou  animale, 
vous  faites  de  la  chimie.  Si  vous  allez  plus  loin ,  si  vous 
étudiez  des  molécules  en  tenant  compte  de  leur  provenance 
et  des  actions  si  complexes  que  peuvent  exercer  leur» 
milieux ,  vous  dépassez  ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler 
la  chimie  :  vous  faites  de  la  physiologie  minérale ,  végétale 
ou  animale.  Déjà  nous  avons  fait  pressentir  que  la  chimie 
est  une  y  que  sa  division  en  minérale ,  végétde  et  animale 
ne  répond  plus  en  aucune  manière  aux  besoins  de  la 
science  ;  mais  cela  ne  suffit.  Il  importe  de  prouver  à  ceux 
qui  remplacent  la  division  Prinaire  par  lUie  division  binaire  y 
chimie  minércUe ,  chimie  organique ,  que  cette  dernière 
division  est  toute  fictive  encore,  et  qu'il  serait  beaucoup 
mieux  d'étudier  les  corps  par  groupes  et  par  séries,  de 
manière  à  bien  mettre  en  évidence  les  tran^ormations  qui 
se  font  incessamment  dans  nos  laboratoires. 

Pourquoi  les  alcalis  peu  puissants,  appelés  alcaloïdes, 
seraient-ils  plutôt  des  alcalis  végétaux  ou  organiques  que 
Fammoniaque ,  substance  avec  laquelle  ils  ont  une  ressem- 
blance si  grande,  signalée  depuis  vingt  ans  par  Raspail, 
mais  avec  quelques  erreurs  de  sa  part  ?  Peuvent-ils  jouer 
leur  rôle  d'alcalis  autrement  que  l'ammoniaque,  c'est-à-dire 
sans* avoir  fixé  préalablement  un  équivalent  d'eau?  Les 
ctiimistes  qui  admettent  l'oxide  d'ammonium ,  et  par  suite 
rammonium,  ne  sont-ils  pas  dans  l'obligation  d'admettre 
lequinium,  le  cinchonium,le  morphinium,  comme  les  sources 
d'où  dérivent  la  quinine ,  la  cinchonine ,  la  morphine  ? 


210  PfilLOSOPHIE 

Prenons  un  autre  exemple,  d'une  autre  nature,  parce 
qu'il  touche  à  des  corps  plus  usuels  et  qu'il  démontre 
merveilleusement  la  liaison  intime  de&  chimies  appelées 
aujourd'hi  minérales  et  végétales.  —  Le  tissu  cellulaire  du 
bois  se  compose,  comme  le  dit  sa  formule  C**  H**  0*®, 
de  12  proportions  de  carbone,  de  10  d'eau  ou  10  d'hydro- 
gène et  10  d'oiigène.  (Nou&nous  servons  et  servirons  ici 
de  la  notation  adoptée  par  Regnault,  qui  est  la  plusûsuelle, 
nous  ne  disons  pas  la  meilleure).  La  fécule  a  exactement 
la  même  composition.  Elle  est  un  isomère  de  la  cellulose 
ou  tissu  cellulaire  du  bois.  La  fécule  de  Lichen  et  les 
gommes  sont  dans  le  même  cas....  fait  curieux. 

Le  sucre  de  cannes ,  qui  joue  un  si  grand  rôle  dans 
l'économie  domestique  de  l'univers,  n'est  que  du  ligneux 
de  la  gomme  ou  de  la  fécule ,  avec  une  proportion  d'eau 
en  plus.  Il  a  pour  formule  C*^  H*  *  0*  ^  Mais  si  I'chi  combine 
le  sucre  de  cannes  avec  l'oxide  de  plomb ,  on  obtient  un 
corps  appelé  saccharate ,  dont  l'étude  prouve  que  le  sucre 
cristallisé  est  un  corps  hydraté  (nous  nous  servons  ici  à 
dessein  du  langage  usuel  et  de  ses  idées),  composé  de  deux 
proportions  d'eau  et  de  C**  H*  0*;  d'où  cette  formule  du 
sucre  cristallisé  :  C*^  H*  0*  H-  2  HO.  Le  sucre  des  fruits 
acides  peut  être  représenté  par  la  fopmule  qui  précède , 
dans  laquelle  on  aurait  ajouté  un  équivalent  d'eau  ;  soit 
£;i2  gi2  Q4  2  ch^auffé  avec  des  acides,  le  sucre  de  cannes 
devient  ce  sucre  des  fruits  acides.  —  Le  sucre  de  raisin  et 
celui  qu'on  obtient  par  l'action  de  l'acide  sulfurique  sur  la 
fécule,  sont  ainsi  composés:  carbone  12,  hydrogène  14, 
oxigène  14  (C*^  H**  0**),  c'est-à-dire  qu'ils  contiennent 
trois  proportions  d'eau  en  sus  du  sucre  de  canne. 

Quand  on  fait  réagir  de  l'acide  sulfurique  sur  de  la  fécule 
étendue  d'eau,  sa  désaggrégation  produit  d'abord  la  dextrine, 
dont  la  formule  est  C*^  H*®  0**^.  L'action  catalytique  de 
la  substance  azotée  appelée  diastase ,  sur  cette  dextrine,  ou 
l'action  prolongée  de  l'acide  sulfurique,  la  transfornft  en 
glucose ,  substance  identique  au  sucre  de  raisin. 

Nous  venons  de  montrer  les  relations  qui  existent  entre 
la  cellulose,  le  sucre  cristallisé  anhydre  ou  privé  d'eau,  la 
fécule ,  le  sucre  de  cannes ,  le  sucre  des  fruits  acides  et  le 


BU  SIÈCLB.  211 

sucre  de  raisin  ;  allons  plus  loin ,  et  demandons-nous 
qu'est-ce  que  Talcool?  Ce  corps  se  compose  de  quatre 
parties  de  carbone,  de  quatre  d'hydrogène  et  de  deux  df'eau  : 
C*  H*  0*.  Or  il  est  évident  que  deux  parties  d'alcool  et 
quatre  d'acide  carbonique  forment  une  partie  de  sucre  des 
fruits  acides  ;  et,  en  effet,  si  on  livre  ce  sucre  à  la  fermenta- 
tion ,  on  obtient  de  l'alcool ,  la  fermentation  lui  enlevant 
4  CO*  ou  quatre  parties  d'acide  carbonique. 

Ecrivez  maintenant  l'alcool  C*  H*  0*,  sous  cette  forme  : 
C*  H*  0  -h  H  0;  supprimez  H  0,  ou  l'équivalent  de  l'eau, 
par  l'action  de  l'acide  sulfurique  sur  l'alcool ,  et  vous  aurez 
îether  C*  H*  0.  Mais  ce  corps  n'est  autre  chose  que  du 
gaz  oléfiant,  dont  la  formule  est  C*  H*,  avec  un  équivalent 
d  eau.  — Au  lieu  de  réagir  sur  l'alcool  par  l'acide  sulfurique 
et  la  chaleur,  faites-le  fermenter,  et  l'alcool  C*  H*  0*,  en 
soxidant,  deviendra  C*  H*  0*,  c'est-à-dire  l'acide  acétique, 
qu'il  est  mieux  d'écrire  C*  H*  0*  -h  H  0 ,  si  nous  considé- 
rons qu'il  renferme  un  équivalent  d'eau.  L'acide  acétique 
est  donc  de  l'alcool  oxidé  ,  mais  c'est  aussi  autre  chose. 

La  distillation  du  bois  produit  un  second  alcool  dit 
méthylique ,  plus  intéressant  au  point  de  vue  de  la 
philosophie  de  la  science  qu'au  point  de  vue  de  l'industrie. 
—  Son  équivalent  est  représenté  par  quatre  volumes  de 
vapeur;  sa  formule  est  C^  H*  0*.  Il  jouit  de  propriétés 
analogues  à  celles  de  l'alcool  et  dissout  tous  les  corps  que 
Talcool  peut  dissoudre.  —  Soumis  à  l'action  de  l'acide 
sulfurique ,  il  donne  aussi  un  éther  appelé  méthytique  C* 
H'  0 ,  qui  correspond  à  deux  volumes  de  vapeur.  Cet  éther 
n'est  donc  que  son  alcool  moins  H  0 ,  ou  un  équivalent 
d'eau.  De  même  qu'un  hydrogène  carboné  C*  H',  encore 
inconnu ,  a  des  rapports  directs  avec  l'éther  alcoolique  et 
avec  l'alcool,  de  même  l'hydrogène  proto-carboné  ou  gaz  des 
marais  (C^  H*)  a  des  rapports  avec  l'éther  méthylique.  Or, 
l'acide  acétique  relie ,  par  sa  composition ,  l'alcool  vinîque 
et  rftcool  méthylique.  — Dérivé  de  l'alcool  vinique,  l'acide 
acétique  n'est  que  l'hydrogène  carboné ,  plus  deui  équiva- 
lents d'acide  carbonique.  On  peut  s'en  convaincre  en 
faisant  passer  cet  acide  à  travers  un  tube  chauffé  au  rouge 
et  contenant  de  l'éponge  de  platine.  On  peut  encore  s'en 


312  PHILOSOPHIE 

assurer  en  écrivant  les  deux  formules  Tune  à  côté  de  l'autre 
et  constatant  leur  équation:  C*  H»  0  -f-H  0  =  2  C  0*  -+-  C^ 
H*  ;  puis  par  d'autres  moyens  encore. 

Parmi  les  éthers  méthyliques  se  trouve  Téther  méthyl- 
chlorhydrique  (C*  H'  Cl),  que  l'action  du  chlore  peut 
transformer  en  C^  H  CP.  Cette  composition  est  l'éther 
méthylchlorhydrique  bichloré,  connu  sous  le  nom  de 
chloroforme ,  si  usité  aujourd'hui  en  chirurgie  pour  pro- 
duire l'insensibilité. 

Oxidez  l'alcool  méthylique  et  vous  avez  l'acide  formique 
(C^  H  0'  -<-  H  0). 

L'éther  formique  (C*  H»  0.  C»  HO»)  et  l'éther 
méthylformique  (C*  H^  0.  C*  H  0»)  se  préparent  de  la 
même  manière  :  il  suffit  de  remplacer  l'alcool  vinique  par 
de  l'alcool  de  bois. 

Nous  croyons  devoir  passer  ici  sous  silence  une  foule  de 
corps  parallèles ,  toute  une  double  série  d'éthers  provenant 
des  deux  alcools  dont  nous  venons  de  parler.  Ce  qui 
précède  suffit  pour  établir  le  lien  qui  rattache  la  chimie 
dite  organique  à  la  chimie  minérale,  et  combien  l'alcool , 
les  éthers  ,  les  hydrogènes  carbonés  et  l'acide  acétique  sont 
mieux  connus  qu'il  y  a  vingt  ans. 

Si  toutefois ,  après  avoir  lu  ce  qui  précède ,  vous  n'êtes 
pas  convaincu  que  la  chimie  offre  aux  conquêtes  de  la 
science,  des  groupes  très-nombreux  et  de  magnifiques 
séries  destinées  à  remplacer  cette  division  en  chimie 
minérale,  végétale  et  animale,  et  même  en  chimie  minérale 
et  organique,  qui  sont  l'enfance  du  savoir,  étudiez  aussi 
rapidement  que  possible  quelques  combinaisons  de  carbone. 

L'essence  de  thérébenthine ,  si  utile  dans  les  arts,  a 
pour  formule  G^*  H**  ;  les  vingt  parties  de  carbone,  les 
seize  d'hydrogène  correspondent  en  réalité  à  la  formule-  C^ 
H*.  On  a  adopté  l'autre  notation,  parce  que  l'équivalent 
de  ce  corps  est  représenté  par  quatre  volumes  de  vapeur. 

La  carbonisation  d'un  mélange  de  poix  et  de  Usine 
produit  un  gaz  très-éclairant ,  un  charbon  très-divisé , 
pouvant  servir  à  la  peinture ,  et  une  essence  ayant  même 
composition  que  l'essence  de  thérébenthine ,  quoique 
réellement  différente. 


DU  SlfiCLB.  315 

L*esseDce  de  thérébenthine  est  susceptible  de  se  combiner 
ayec  Teau  et  de  fonner  un  hydrate  dont  voici  la  formule  : 
C"  H**  6  H  0.  Cet  hydrate,  en  se  combinant  avec  l'acide 
chlorhydrique ,  forme  un  chlorhydrate  de  thérébenthine 
doot  la  formule  est  C"  W  Cl  H. 

L'essence  de  citron  a  la  même  composition  que  l'essence 
de  thérébenthine  et  se  comporte  de  la  même  manière  ;  ainsi 
de  l'essence  d'orange..,,  et  cependant  que  leurs  odeurs  sont 
différentes  !  !  ! 

Les  diverses  combinaisons  isomères  que  peuvent  fournir 
les  essences  hydratées  au  contact  de  l'acide  chlorhydrique 
et  de  l'acide  sulfurique ,  ont  été ,  dans  ces  derniers  temps , 
l'objet  de  sérieuses  études. 

Les  camphres  ont  été  reconnus  des  essences  oxigénées. 
La  formule  suivante,  carbone  30,  hydrogène  16,  oxigène  3 
(C"  H*  *  0*)  représente  à  la  fois  le  camphre  du  Japon ,  le 
camphre  de  Bornéo ,  l'essence  de  menthe  poivrée ,  etc. 

Pourquoi  le  chimiste  n'arriverait-il  pas  à  fabriquer 
artificiellement  les  essences  et  les  camphres  dont  il  connaît 
la  composition  ? 

Pourquoi  une  physiologie  savante  en  chimie  n'arriverait- 
elle  pas,  soit  à  modifier  les  plantes  de  manières  en  faire  des 
laboratoires  naturels,  travaillant  dans  des  conditions  données, 
soit  tout  au  moins  à  développer  les  conditions  d'action  de  la 
fabrication  des  essences  par  les  plantes  qui  les  fournissent  ? 

Remarquons,  avant  de  passer  outre,  que  notre  nomen- 
clature ,  malgré  les  très-nombreuses  corrections  qu'elle  a 
subies  depuis  le  siècle  dernier,  est  très-imparfaite  pour  les 
produits  qui  nous  occupent  et  pour  beaucoup  d'autres 
corps  dont  nous  avons  eu  à  parler,  tels  que  l'alcool  et 
i'éther.  Mais  pénétrons  plus  avant  au  sein  des  difficultés. 

Si  l'on  combine  le  carbone  et  l'azote,  on  obtient  le 
cyanogène,  qui  nous  mène  de  nouveau  à  la  chimie  dite 
animale,  comme  tout-à-l'heure  nous  étions  introduit,  par 
desKransformations  d'un  autre  ordre ,  au  sein  de  la  chimie 
dite  végétale.  —  Le  cyanogène  est  le  premier  corps 
découvert  par  la  chimie  moderne  qui  ait  offert  un  composé 
jouant,  dans  ses  combinaisons,  le  même  rôle  que  les 
prétendus  corps  simples  appelés  chlore ,  iode  et  brame. 


214  PHILOSOPHIE 

La  combinaison  de  l'hydrogène  (H)  avec  le  cyanogène  (C* 
Az)  est  parallèle  à  l'acide  chlorhydrique  et  aux  autres  acides 
hydrogénés  ;  elle  est  extrêmement  vénéneuse  et  porte  le 
nom  d'acide  cyanhydrique.  Les  anciens  la  connaissaient  et 
s'en  servaient  dans  les  sanctuaires  de  l'antiquité,  pour 
empoisonner  les  disciples  indiscrets  ;  mais  ils  ne  la  prépa- 
raient pas  à  notre  manière.  —  Il  existe  quatre  combinaisons 
isomères  du  cyanogène  avec  l'oxigène.  Le  chlore  en  donne 
deux  très-différentes  :  Tune  gazeuse ,  l'autre  solide.  Des 
combinaisons  avec  l'oxigène ,  l'une  joue  un  grand  rôle ,  par 
suite  de  sa  propriété  de  former  des  sels  fulminants.  Sont-ils 
minéraux  ou  organiques  ? 

Si  le  lecteur  a  bien  suivi  ce  qui  précède ,  non-seulement 
il  a  dû  comprendre  combien  la  division  des  substances 
moléculaires,  étudiées  par  la  chimie,  en  substances 
minérales,  végétales  et  animales,  n'a  rien  d'absolu  ,  mais 
encore ,  et  ceci  n'est  pas  moins  important ,  que  tous  les 
corps  à  étudier  dans  leurs  propriétés  moléculaires ,  par  la 
science  appelée  chimie ,  se  rattachent  à  des  groupes  et  à  des 
séries.  La  chimie  ne  sera  une  science  claire,  une  science 
faite,  que  le  jour  où  elle  aura  pu  parvenir  à  réformer  sa 
nomenclature,  de  manière  à  l'appliquer  à  tous  les  corps 
distribués  par  groupes  et  sériés  selon  leurs  principales 
propriétés  et  leurs  points  de  contact. 

Cette  distribution  par  groupes  et  par  séries  aura,  dès 
qu'on  s'en  occupera  très-sérieusement  et  d'une  façon 
générale,  un  résultat  pratique  très-curieux:  on  reconnaîtra 
de  suite  un  grand  nombre  de  corps  possibles,  dont 
l'absence  rend  les  séries  incomplètes,  et  l'on  sera  conduit 
delà  sorte  à  des  découvertes  rationelles  et  non  empyriques 
comme  celles  du  siècle  dernier,  comme  beaucoup  de 
celles  du  nôtre.  —  Cette  manière  si  philosophique  de 
considérer  la  chimie  moderne  n'avait  pas  échappé  à  Dumas, 
alors  qu'il  s'occupait  sérieusement  de  science.  Il  avait  eu 
aussi  l'idée  fort  heureuse,  au  point  de  vue  de  la  physiologie, 
d'étudier  l'homme  sous  le  rapport  des  combustions  qui  se 
passent  dans  son  sein  et  qui  servent  aux  manifestations  de 
son  existence.  Elle  a  été  pour  Gerhard  l'occasion  de  deux 
ouvrages,  dont  le  dernier  surtout  mérite  de  grands  éloges. 


bu  SIÈCLE.  S15 

Des  ÀFFmiTÉs.  —  Tout  aime  dans  la  nature ,  disait  un 
jour,  à  Nantes ,  le  grand  astronome  Herschell  ;  et  il  ajoutait 
que  souvent ,  dans  la  vie  sociale ,  les  affinités  de  deux  êtres 
ont  besoin  d'une  étincelle  électrique  pour  unir  leur  hydrogène 
et  leur  oxigène.  Une  spirituelle  plaisanterie  qui  lui  fut  faite 
lui  fournit  l'occasion  de  s'élever  aussitôt  aux  plus  hautes 
considérations.  —  Boerhave  ne  parlait  autrement.  Amour, 
affinité,  c'est  tout  im,  mais  dans  des  ordres  différents.  — 
Mariage  et  combinaison ,  c'est  tout  un  par  suite ,  mais  de 
la  même  manière.  Cette  façon  d'envisager  la  nature 
conduit  tout  d'abord  à  considérer  l'unité  comme  le  produit 
d'une  dualité  primitive.  Prenons  en  effet  les  deux  séries 
des  corps  non  métalliques  et  des  corps  métalliques  ;  exa- 
minons-les,  et  nous  verrons  que  l'activité  spéciale  de 
chaque  équivalent  non  métallique  peut  s'appeler  affinité , 
amour  même ,  si  l'on  place  cet  équivalent  vis-à-vis  d'un 
équivalent  métallique.  —  L'ordre  animal  nous  offre  des 
individus  mâles  et  femelles,  pouvant  être  fécondés  et 
pouvant  aussi  féconder.  L'ordre  minéral  nous  offre  des 
molécules  métalliques  vis-à-vis  des  non  métaux,  et  non 
métalliques  vis-à-vis  des  métaux.  —  Mais,  dira  le  lecteur, 
pourquoice  mot  affinité  ?  c'est  de  l'ontologie  ;  il  représente 
une  puissanse  moléculaire  qui  m'est  inconnue.  L'expression 
force  chimique  ou  activité  chimique  vaudrait-elle  mieux  ? 
Non,  sans  doute,  elle  représente  de  la  même  manière 
cette  activité  spéciale  des  molécules  qui  nous  est  inconnue 
dans  son  essence  et  à  laquelle  il  faut  cependant  un  nom 
pour  la  facilité  du  langage.  Mais  revenons  au  fait  :  si  l'unité 
résulte  ou  paraît  résulter  toujours,  de  prime  abord,  d'une 
dualité ,  ce  phénomène  est-il  assez  général  pour  qu'on  en 
puisse  faire  une  loi  ?  —  Les  chimistes  qui  ont  admis  d'une 
manière  absolue  la  théorie  électro-chimique  telle  qu'elle 
existe  aujourd'hui,  ont  admis  nécessairement,  qu'ils  l'aient 
ou  ne  l'aient  pas  senti,  un  universel  dualisme.  Ils  ont  été 
les  fils  d'Orphée ,  qui  disait  : 

Jupiter  est  Tépoux  et  Tépouse  immortelle. 

Mais  la  science,  dans  sa  rigueur,  ne  se  prête  point  aux 
conceptions  à  priori  de  notre  esprit  ;   elle  veut  que  ces 


316  PHILOSOPHIB 

conceptions  soient  résumées  par  des  formules  déduites  de 
Tobsenration.  Un  jour,  M.  Baudrimont  se  permit  de  se 
demander  si  Ton  était  absolument  dans  le  vrai  ;  il  fit  à  la 
doctrine  du  dualisme  telle  qu'elle  était  posée ,  une 
toute  petite  brèche ,  et  bientôt  d'autres  hommes  éminents 
s'empressèrent  de  l'élargir. 

Si  vous  écrivez  K  0.  C  0^,  vous  admettez  implicitement 
que,  dans  le  carbonate  neutre  de  potasse,  les  molécules 
de  la  potasse  ont  une  certaine  manière  absolue  d'être 
groupées  vis-à-vis  des  molécules  de  l'acide  carbonique; 
vous  oubliez  par  suite  qu'il  y  a  trois  corps  dans  sa  compo- 
sition, et  vous  niez  la  possibilité  d'écrire  logiquement  K  C 
0\  sans  que,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances, 
vous  puissiez  établir  d'une  manière  absolue  quelle  est , 
dans  l'être  appelé  K  0.  C  0*,  la  disposition  des  molécules 
K  et  C  et  des  trois  molécules  0^  vis-à-vis  les  unes  des 
autres. 

Prenons  pour  exemple  le  sulfate  de  baryte ,  que  les  uns 
écrivent  Ba  0.  S  0^  et  les  autres  2  Ba  0.  S  0%  parce  que 
selon  les  premiers,  Ba  correspond  aux  deux  molécules 
d'hydrogène  qui  se  trouvent  dans  une  molécule  d'eau. 

Si  vous  produisez  ce  corps  avec  l'acide  sulfurique  et  la 
baryte,  vous  êtes  conduit  à  l'écrire  Ba  0.  S  0'.  Si  vous  le 
produisez  avec  l'acide  sulfureux  et  le  bioxide  de  baryimi , 
vous  devez  l'écrire  Ba  0^.  S  0^.  Si  vous  le  produisez  avec 
de  l'oxigène  et  du  sulfure  de  baryum ,  vous  devez  l'écrire 
S  Ba  0*.  Cette  objection  de  Gerhard  est  très-sérieuse. 

Plus  on  étudie  les  sulfates,  plus  on  reconnaît  qu'il  faut 
moins  tenir  compte  du  mode  de  formation  que  de  l'équilibre 
établi  entre  le  corps  S  0'  d'une  part ,  et  le  corps  oxidé  de 
l'autre,  que  nous  appelerons  M  0  (M  signifiant  métal). 
Il  suffit  que  le  sulfate  en  question  soit  un  sulfate  de 
cuivre,  et  que  l'on  mette  dans  la  dissolution,  du  fer 
métallique ,  pour  remplacer  un  seul  des  quatre  termes  par 
un  autre.  En  somme,  S  0"^  M  0  a  tout  l'aspect  d'une  dualité 
électro-chimique ,  et  peut-être  est-il  de  1  essence  des  corps 
les  plus  stables  de  se  manifester  ainsi.  —  Mais  croire  et 
enseigner  que  tous  les  corps  minéraux  soient  ainsi  constitués 
moléculairement ,  c'est  affirmer  ce  qui  n'est  pas  prouvé,  ce 


BU  SIÈCLE.  217 

qui  n'est  pas  probable.  Le  grand  dualisme  se  retrouvera 
cependant,  il  se  retrouve  partout,  mais  il  a  diverses 
formes.  Nous  le  venons  ultérieurement. 

Que  faire,  dans  le  doute  ?  Faut-il  écrire  désormais  S  Ba 
0*,  formule  qui  n'implique  aucune  idée  préconçue,  ou  S  0* 
Ba  0 ,  formule  qui  rappelle  l'une  des  étapes  philosophiques 
parcourues  par  la  science  ? 

Nous  penchons  pour  la  première  formule  et  même  nous 
la  corrigerions  ainsi  :  S  Ba^  0*. 

La  vérité  a  été  évidemment  dépassée  dans  les  ouvrages 
qui  ont  admis  la  théorie  électro-chimique  et  le  dualisme 
universel,  comme  règle  très-accentuée.  Le  dualisme  uni- 
versel est  un  fait ,  mais  il  ne  se  présente  point  partout  de 
la  même  manière.  Ainsi,  quelle  différence  du  dualisme  du 
vertébré  au  dualisme  des  amorphes  :  l'un  est  complet , 
l'autre  informe  et  nidimentaire. 

Les  unitaires  sont  plus  près  de  la  vérité  que  les  électro- 
chimistes ;  mais  ils  n'accordent  pas  assez  à  la  dualité  si 
accentuée  dans  tous  les  sels  qne  l'on  représente  habituelle- 
ment sous  cette  forme  :  M  Qy  N  0*  (Ba  0.  S  0»). 

Groupbs  et  Séries  Chimiques.  —  L'étude  la  plus 
remarquable  qui  ait  été  faite  dans  cette  direction  est  sans 
contredit  celle  de  Gerhard.  En  voici  le  résumé,  tel  qu'il  l'a 
donné  dans  son  ouvrage  : 

Série  de  faxigène,  comprenant  les  oxydes,  peroxydes  et  jsousr 

oxydes. 

—  du  soufre,  —        les  sulfure*,  sulfates ,  sulfites, 

hyposulfates,  etc. 

—  de  Tazote ,  —         les  azotures,  nitrates,  nitri- 

tes,  etc. 

—  du  phosphore ,        —         les    phosphures ,    phosphiles  , 

phosphates ,     sulfopbospha- 
tes ,   etc. 

—  de  Tarsenic ,  —        les  arséniures,  arsénites,  arsé- 

niât.,  sulfarséniat.,  etc. 

—  du  chrome,  —        les  chromâtes,  chlorocbrônia- 

tes,  etc. 


318  PHILOSOPHIE 

Série  du  manganèse,  coaiprenant  les  manganates  et  permanga- 
nates. 

—  du  fluor,  —        les  fluorures. 

—  du  chlore ,  —        les  chlorures ,  chlorites ,  chlo- 

rates ,  perclorates ,  etc, 

—  dubrôme^  —         les  bromures,  bromat.,  etc. 

—  de  l'iode,  —        les  iodures,    iodates,    perio- 

dates,  etc. 

—  du  carbone ,  -^        les  carbonates  et  toute  la  dûmie 

organique. 

—  du  jbore,  —        les  borates,  fluoborates,  «te. 

—  du  silicium,  —         les  silicates,  fluosilicates,  etc. 
t—  de  rétain,  -^        les  stannates,  etc. 

La  plus  légère  inspection  suffit  pour  monter  combien  ce 
travail  si  remarquable  laisse  encore  à  désirer,  notamment 
pour  la  série  du  carbone. 

Des  FàiTS  de  Catalyse.  — Les  molécules  de  la  substance 

f)ondérable  sont  susceptibles  de  deux  sortes  de  réactions  : 
es  unes  donnent  lieu  à  des  combinaisons  et  à  des  décom- 
positions véritables  dans  les  substances  rapprochées  ;  les 
autres  sont,  pour  Tune,  des  phénomènes  'de  contact, 
et,  pour  l'autre,  des  phénomènes  de  composition  et  de 
décomposition  :  on  les  a  dénomés  phénomènes  catalytiques. 
Ces  phénomènes  jouent  un  très-grand  rôle  dans  la  nature  ; 
ils  offrent  à  la  chimie  des  voies  toutes  nouvelles;  ils  sont 
de  trois  ordres  et  portent  les  noms  de  phénomènes  de 
contact,  phénomènes  de  fermentation,  phénomènes  de 
putréfaction. 

Faites  arriver  de  Thydrogène  sur  de  l'éponge  de  platine  : 
il  s'enflamme  au  contact  de  l'air  atmosphérique.  L'or  et 
l'iridium  jouissent  de  propriétés  analogues;  l'argent  et  le  yerre 
aussi,  mais  ils  demandent  une  température  élevée.  L'éponge 
de  platine  suffît  seule  à  transformer  en  acide  azotique  le 
deutoxide  d'azote  et  l'ammoniaque  mêlés  à  du  gaz  hydro- 
gène ^  et  en  ammoniaque,  les  combinaisons  d'azote  et 
d'oxigène    placées  dans   une   atmosphère   d'hydrogène; 


DU  SIÈCLE.  219 

mais  le  noir  de  platine  est  plus  actif  encore.  Placez  sous 
une  cloche  de  verre  du  noir  de  platine  ;  faites  arriver  de  la 
vapeur  d'alcool  :  elle  s'oxidera  et  se  transformera  en  acide 
acétique.  —  Le  noir  dé  platine  peut  absorber  et  condenser 
plusieurs  fois  son  volume  de  certains  gaz.  Une  goutte 
d*alcool  versée  sur  du  noir  de  platine  qui  a  séjourné  dans 
de  l'oxigène,  s*enflamme  et  le  platine  devient  incan- 
descent. 

Voilà  des  exemples  assez  diiïérents,  et  bientôt  la  liste 
en  sera  plus  longue.  Pour  ce  qui  regarde  la  catalyse  nitreuse, 
nous  savons  déjà  que  les  corps  poreux  humides,  les  roches 
calcaires  humides  et  les  corps  en  putréfaction  peuvent 
jouer  un  peu  le  rôle  de  Téponge  de  platine.  —  Faire  un 
pas  de  plus  dans  cette  voie,  qui  nous  donne  déjà  le 
salpêtre^  ce  serait  employer  à  notre  profit  les  forces  gratuites 
delà  nature.  — Les  substances  albumineuses  et  les  ferments 
servent,  depuis  un  temps  immémorial,  à  transformer 
ralcool  en  acide  acétique  ;  et,  pareils  à  M.  Jourdain,  qui 
faisait  de  la  prose  sans  le  savoir,  combien  de  temps  nos 
pères  n'ont-ils  pas  créé  des  phénomènes  cataly tiques ,  sans 
s'en  douter  en  aucune  façon  ? 

Sous  rinfluence  de  Tacide  sulfurique,  Talcool  se  décom- 
pose :  il  se  dégage  de  Téther. 

Faites  une  dissolution  d'amidon,  de  gomme  de  fécule  , 
de  cellulose ,  de  sucre  de  cannes  ;  ajoutez-y  un  acide 
étendu ,  et  surtout  de  l'acide  sulfurique  ;  aidez ,  par  une 
douce  chaleur,  l'acide  n'est  pas  altéré ,  et  vous  avez  de  la 
dextrine  qui ,  par  une  action  plus  prolongée ,  devient  du 
sucre  de  raisin. 

La  diastase  jouissant  de  la  même  propriété  pour  l'amidon, 
il  entre  de  suite  dans  notre  pensée  qu'une  diastase  particu- 
lière pourrait  servir  à  transformer  la  cellulose  en  sucre 
cristallisable.  —  La  découverte  de  cette  diastase  nouvelle 
changerait  aussitôt  la  face  d'un  grand  nombre  d'industries 
et  modifierait  singulièrement  le  fait  de  l'esclavage. 

Au  contact  du  gluten  ou  d'une  matière  azotée  qui  a 
subi  l'action  de  l'air,  la  glucose  et  le  sucre  de  lait  se  trans- 
forment en  acide  lactique.  Cette  catalyse  a  nécessairement 
lieu  tous  les  jours  dans  notre  estomac. 


SSO  PHILOSOPHIE 

Là  traiisfonnalioTi  btttyriqtie  est  du  même  genre;  elle 
a  lieu  quand  on  ajoute  un  carbonate  à  une  quantité  notable 
de  lait.  On  obtient  d'abord  de  1- acide  lactique  ;  Tacide 
butyrique  se' prodiiit  ultérîetù'ement,  lorsque  le  corps 
catalytiqtte  s'est  putféfté;  ' 

Bans  là  digestion  stomachale  se  pas^e-t-il  un  phénomène 
catàiytîque  ?  Est-il  petmîs  d^appeler  de  ce  nom  la  simple 
liquéfaction  des  viandes,  qu'il  est  si  facile  d'obtenir  en 
ddïors'  dfe  l'estomac,  en  les  hachant  préalablement,  'en 
les  faisant  gbhflèf  dahs  de  l'eau  à  peine  acidulée  d'acide 
chlorhydrique,  puis  en  les  faisant  chauffer  doucement  dans 
du  liquide  stowacliàr  artificiel  ? 

Qtiel^fues  phénomènes  de  catalyse  ont  un  autre  caractère  : 
sous  rinfluénce  des  matières  animales  de  l'urine,  Tui-ée 
s'empàre^  de  quatre 'équivatents  d'eau  et  se  transforme  en 
carbonate  d'ammohittoue: 

Sous  l'action  d'un  ferment ,  de  leVure  de  bierre  ,  d'une 
matière  azotée  pourrie,  la  glucose  donne  de  Tacide  carbo- 
nique et  de  l'ateool. 

Toute  matière  azotée  devient  ferment  sous  l'action  d'un 
ferment. 

L'action  des  matières  azotées  sur  les  substances  animales 
produit  la  fermentation  putride,  qui  est  encore  très-peu 
étudiée.  ^ 

Les  phénomènes  de  catalyse  jouent  un  très-grand  rôle 
dans  le  règne  végétal  et  dans  le  règne  animal.  Mieux  ils 
seront  connus,  mieux  nous  saurons  comment  germent,  se 
développent,  vieillissent  et  se  dissolvent  les  êtres  organi^- 
ques. 


DE  L'ÉTUDE  DE  LA  CfflMIE. 


L'étude  de  la  chimie  et  des  sciences  qui  §*£  rattachent, 
sera  désormais  la  base  des  progrès  industriels  deThumanité; 
elle  pourra ,  elle  devra  singulièremait  ajouter  au  bien-être 


BG  SliCLE.  9âl 

des  hommes.  Pourquoi  donc  ne  serait-elle  pas  généralisée? 
pourquoi ,  dans  les  salles  d'enfance ,  les  plus  jeunes  êtres 
ne  verraient-ils  peint  se  passer  sous  leurs  yeux  les  réactions 
les  plus  intéressantes,  de  manière  à  connaître,  dès  Tâge 
de  sept  et  huit  ans ,  beaucoup  des  corps  importants  de  la 
nature?  —  Cet  enseignement  devrait  être  continué  dans 
les  salles  de  la  seconde  enfance,  et  je  ne  vois  pas  pourquoi 
les  filles  en  seraient  exclues. 

Au  sortir  de  ces  écoles ,  ceux  qui  auraient  de  l'aptitude 
pour  les  études  philosophiques  s'élèveraient  à  de  plus 
hautes  connaissances. 

Toute  civilisation  digne  de  ce  nom  a  sa  manière  de 
voir  sur  l'individu,  la  famille ,  la  commune,  les  corpora- 
tions et  les  autres  faits  sociaux.  —  A  Dieu  ne  plaise  que 
je  demande  le  rétablissement  des  corporations  du  Moyen- 
Age;  mais  nous  venons  de  passer  en  revue  divers  corps 
qui  se  rattachent  aux  plus  importantes  des  industries 
modernes.  Or,  de  toutes  les  industries,  nous  pouvons 
affirmer,  ce  que  nous  avons  déjà  fait  pressentir,  que 
chacune  réclame  un  syndicat  destiné  à  représenter,  dans 
Tétat  actuel,  qui  est  essentiellement  transitoire  :  l**  les 
maîtres  ou  chefs  des  industries ,  c'est-à-dire  la  direction ,  le 
capital,  les  instruments  de  travail,  les  outils;  3"*  le  talent 
spécialisé,  si  souvent  utile  dans  un  grand  nombre  d'établis- 
sements pour  aider  le  chef ,  et  5*"  les  efforts  laborieux  des 
ouvriers  usuels,  qui  demandent  des  connaissances  moins 
étendues.  Dans  chaque  industrie,  ce  syndicat  connaîtrait 
merveilleusement  les  possibilités  de  la  production,  les  habi- 
tudes de  la  consommation,  le  chiffre  des  apprentis  néces- 
saires et  les  besoins  des  familles.  —  La  réunion  de  pareils 
syndicats  serait  bientôt  en  mesure  d'organiser  partout 
l'éducation  professionnelle ,  —  le  travail  pour  tous  les  hom- 
mes valides  dans  l'âge  de  force ,  —  les  secours  à  domicile , 
en  cas  de  maladie ,  et  la  retraite  après  le  travail  dans  toute 
rétendue  des  pays  sur  lesquels  elle  exercerait  son  action. 

Dans  cette  voie ,  on  peut  trouver  la  solution  du  problème 
du  piolëtan^t. 

Les  découvertes  pratiques,  que  la  chimie  peut  faire ,  ont 
m  rapport  direct  avec  le  bien-être  de  l'humanité.   Le 

10 


3S3  PHILOSOPHIE 

règne  végétal  et  le  règne  animal  doivent  être  envisagés 
cornm^  deux  grands  laboratoires»  au  sein  desquels»  rhpmme 
doit  présider  aux  métamorphoses,  de  la  substance  pondé- 
rable et  aux  phéiiomènes  des  impondérables. 

Les  découvertes  plus  philosophiques  auront  aussi  leur 
valeur.  Ne  serait-ce  rien  que  d'arriver  à  réduire  à  deux 
les  substances  de  1^  nature  :  l'une,  Véther,  impondérable; 
l'autre,  pesante  et  formant  les  corps  que  nous  pouvons 
palper?  Cette  découverte  ferait  ptpbablement  disparaître 
tout  ce  monde  occulte  de  phénomènes  inappréciés  qui 
donnent  lieu  au  magnétisme  animal,  se  passent  autour  des 
tables  dites  tournantes  et  produisent  des  épidémies  d'or- 
dre moral.    .        . 

Il  y  a  environ  dix  ans,  j'ai  eu  occasion  de  remarquer 
chez  trois  opérés  de  cataracte,  qu'une  sensibilité  exquise 
avait  persisté  assez  longtemps  après  la.  guérisoUi  L'une , 
M"'  Godin,  femme  très-distinguée,  veuve  d'un  lipu^ant- 
colonel,  me  voyait  comipe  phosphorescent  aux  na^ins  et  à 
la  figure,  et  mon  pantalon  de  toile  plus  grise  que  blanche, 
lui  paraissait  un  tissu  brillant  et  argenté  (sic).  Aussi  je  suis 
loin  de  nier  les  assertions  de  Reichenbach  ;  mais  je  ne 
saurais  les  accepter  sans  les  avoir  vérifiées. 

Les  études  de  ce  savant  pcM-tent  à  conclure  qu'il  y,  a  de 
la  lumièsro  beaucoup  au-dessous  da  0  de  la  vision,  çt  que, 
pour  quelques  humains  très-sensibles,  cette  lumière  est 
perceptible  dans  l'obscurité  mathématique. 

D'après  lui,  le  bleu,  le  pôle  nord  de  Taiguillô,  la  sensa- 
tion du  frais  et  te  côté  droit  de  l'homme,  forment  le  pôle 
austral.  Le  jaune,  le  pôle  sud  de  l'aiguille,  la  sensation  de 
chaud, et  le  côté  gauche,  forment  le  pôle  boréaL 

Nous  reviendrons  ultérieurement  suc  cette  grande  ques- 
tion. Hous  avons  d'ailleurs  l'intaition  de  ij^constituer  le 
baquet  de  Mesmer,  en  mettant  autour  d'un  table  cinq 
personnes  en  contact  les  unes  avec  les  autres,  chacime 
ayant  en  mains  les, deux  extrémités  d'un  courant  d'induc- 
tion. Or,  il  est  facile  de  rendre  cinq  courants  d'induction 
solidaires,  en  les  faisant  provenir  du  même  aimant  artificiel. 
Que  résultera- t-il  de  cette  expérience?  le  ne  sais  encore  : 
mais  ne  serait-ce  rien   si  elle  conduisait  directement  à 


BU  SIÈCLE.  233 

relier  plus  étroitement  qu*fls  ne  le  sont ,  aux  autres  phéno- 
mènes de  la  nature ,  les  jfthénomènes  !de  la  vie  sociale ,  de 
la  TÎe  InteUeclucfle  et  de  la  vie  morale  de  Thomme  ? 


ESQUISSÉ  HISTORIQUE 

DES    KÉVOLTJTIÔNS     DU  '  GLOBE. 


Cette  terre  qui  nous  porte,  si  grande  à  nos  yeux,  ce 
grain  de  sable  dans  l'immensité,  sur  lequel  s'agitent  les 
desiiflées  humaines ,  a-t-elle  été  créée  en  un  seul  jour,  ou 
s'est^Ue  individualisée  au  sein  d*une  substance  préexis- 
tante? Est-elle  un  être  inerte,  ou  serait-ce,  comme  le 
disait  Platon ,  un  animal  divin  ?  Refuserons-nous  de  croire 
à  sa  vie  ou  devons-nous  la  considérer  comme  pourvue  de 
cinq  organes  :  l**  Tair  atmosphérique;  2^  les  mers;  5**  les 
continents;  4*  le  règne  végétal,  et  5**  le  règne  animal  ?  De 
quelle  manière  la  nature  a-t-elle  modifié  la  constitution, 
rétendue  et  le  poids  de  son  atmosphère,  la  salure  et  la 
profondeur  de  ses  mers ,  la  hauteur  de  ses  montagnes ,  la 
surface  de  ses  continents?  Comment  a-t-elle  dirigé  le 
développeitient  de  ses  espèces  végétales  et  de  ses  espèces 
animales  ?  —  Faut-il  croire  au  grand  déluge  universel  de 
la  BîNe  ?  Faut-il  croire  que  vingt- sept  fois,  faisant  Tou- 
Trage  de  Pénélope,  la  nature  ait  entièrement  détruit 
tous  les  êtres  qui  vivaient  à  la  surface  de  notre  globe, 
pour  reconstituer  aussitôt  après ,  par  vingt-sept  créations 
nouvelles  et  complètes ,  les  essences  végétales  et  animcJes, 
arrivant  alorstout  d'un  coup  et  de  prime-saut  aux  créations 
les  plus  complexes  en  leurs  organismes  et  les  plus  distin- 
guées sous  le  rapport  de  la  perfection  de  leur  système 
nerveux'.  —  En  présence  de  si  grands  phénomènes,  devons- 
nous  comprimer  toute  exaltation  vers  le  mystère  et  le 
grand  ineonnu  qui  nous  domine  ;  ou ,  croyant  à  Tamour 
universel,  à  cette  chaleur  qui  pénètre  les  âmes  et  qui 
partout  se  ffeit  sentir,  pouvons-nous  regarder  la  providence. 


224  PHILOSOPHIE 

cet  ensemble  d€s  lois  de  la  nature,  «opme  un  jardinier 
très-habile ,  comme  un  éleveur  éaiérite ,  dont  la  prévoyance 
infinie  aurait  cru  devoir  renouveler  souvent  le  milieu  des 
êtres  qui  lui  donnaient  les  plus  grandes  espérances,  afin 
de  les  amener  à  leur  parfait  développement?  — r  N*étalt-il 
pas  nécessaire,  pour  obtenir  la  plus  grande  perfection  de 
leurë  organes,  de  nettoyer  souvent  cette 'étable  en  laquelle 
ils  étaient  placés?  Notre  pensée  sera-t-«lle  humble  et 
défiante  en  présence  des  grandeurs  de  l'uoivers,  manifestées 
sur  notre  globe  ;  ou  bien ,  plus  hardie ,  doit-elle  les  interro- 
ger sur  le  plan^  d'ensemble  de  ce  qui  est  accessible  h  nos 
investigations,  sur  le  but  et  la  fin  des  <?hoses'  que  notre 
intelligence  peut  embrasser  î 

Oh  !  science,  divin  flambeau,  porte  partout  la  lumière, 
et  mon  esprit  racontera*  selon  ses  hnpvessions,  les  ehoees 
qu'il  aura  pu  considérer  à  loisir;  et,  sous  Tinfluenee  d'une 
grande  clarté,  celles  qu'il  n'aura  distinguées  qu'à  grand 'peine, 
celles  encore  qu'il  n'aura  fait  que  pressentir- 
Un  premier  âge  stellaire  ou  minéral,  un  second  Age 
terrestre  et  organique,  nn  troisième  humanitaire,  qui 
commence  à  peine  >  se  partagent  le  passé  de  la  vie  de  notre 
globe. 

Le  premier  de  ces  âges  se  divise  naturellement  en  cinq 
périodes;  le  second,  en  trois  ;  le  troisième,  en  quatre. 

11  fut  un  temps  où  notre  planète  n'existait  qu'en  puis- 
sance d'être,  au  sein  d'une  substance  singulièrement  divisée. 
Ses  atftmes  remplissaient  alors  de  leur  matière ,  moins 
condensée  peut-être  que  notne  atmosphère  actuelle,  un 
plus  grand  espace,  ou,  pour  mieux  dire,  une  plus  grande 
parcelle  au  sein  de  l'infini,  et faisaientpartiede  l'atmosphère 
excessivement  dilatée  du  soleil.  ♦ 

Les  temps  succédèrent  aux  temps;  mais  la  mesure  appelée 
jour  n'existait  pas  encore.  La  substance  gazeuse  se  conden- 
sait à  la  limite  de  la  sphère  d'attraction  du  soleil,  dont  une 
force  centrifuge  Técartait  sans  cesse.  Cette  condensation 
créait  le  noyau  du  globe,  aux  dépens  duquel  nous  devions 
ultérieurement  nous  former,  tout  en  produisant  une 
immense  chaleur,  dont  une  partie  se  perdait  dans  les 


INI  6I£€LB«  2io 

espaces,   tandis  que  Tauli^  Eiaiatenait  la  matière,  non 
gueuse  à  l'état  >de,  fusioD^    .  -  . 

Emanàa  4e  la  ^staaoe  du-  grand  astrie  qui  produit 
autour  de  lui  lumière:  ei  ohalieur^  la  lierre  vit  à  sqn.tour 
se  former,  à  la  limite  «de.  sa  aphèffc  diaetiouvua  satellite 
ou  compagnon  de  sas  péd^^grinationa  oéle£i|tes.  .  . 

Lesifoîs  de  mieux: ea nteuxicoonue^de Ia|)ol4rité„  nous 
eii^u|iierotit  4  avant  la  fin  dasièelO/^  le  eomm^nl  d^  $à  vie 
et  une  pariie^de  sa.  mission. 

La  terre  fut  d'abord  pour  aon  satellite ,  comme  tin  ^leil 
aux  flaiomea  ardentes^  au-desdous  desquelles  «se.  trouviait  une 
atmosphère  do.  vapeurs  saltness  ga£  GK^nd^saUea  \m  jour, 
puis  le  noyau  brûlant  de  son  gl<Ae,    . 

Les  temps  auoeédèrent  au  temps.  Lea  jours  qui  avaient 
pani  depuis  la  fenaatîoBet  la  rotatioadu  gleibe  sur  son 
aie,,  succédèrent  aux  jours.  Les  gaz  enftammés  s'éteigni- 
rent» ei  l'atmosphère  de  vapeurs  salines  se  GQndensa»  {iUle 
retomba  sur  notre  terre  qui  était  une  sphère  molle  et 
brûlante  ;  puis  les  réactions  violentes  diminuèrent  peu  a 
peu  et  le  calme  naquit. 

La  planète  était  alors  entiècement  couverte  de  dépôts 
amoEphesou  cristaUsés;  les  vapeurs  ré{>aBdues  dans  l'at- 
mosphère étaient  très  -  condensables.  Cette  atmosphère 
était  elle*même  impropre  à  la  vie  d'un  grand  nombre 
d'êtres  organisés  ^  et  les  eaux  tenaient  en  suspension  une 
masae  eonsidérable  de  substances  salines^  que  plus  tard 
leur  refroidissement  devait  laisser  déposer.  Toutefois  la 
chaleur  diminuait  graduellement  et  le  moment  arriva  où 
les  moléeuks  vésiculaires  purent  se  rapprocher  et  s'associer 
les.  unes  aux  autres^  Ce  fut  alors  le  second  âge  de  la 
planète;  elle  possédait  une  atmosphère,  des  mers,  et  1*}^. 
premiers  continents  ne  tardèrent  point  à,  ém^ger. 

La  période  primitive  ou  palœosoïque  du  deuxième  âgo 
de.  la  terre  a  été  signalée  par  trois  révolution^  dans  la 
b»9ne  de  sa  surface.  Nous  leur  devons  les  plus  anciennes 
inontagnes.  du  monde  ;  eUes  eut  été  le  point  de  départ  de 
cinq  h  six  formations  géologiques  très-importantes.  Six 
révolutions  nouvelles  et  quatorze  à  dix-neuf  couches  do 


326  PHILOSOPHIE 

terrains  nouveaux  se  produisinent  pendant  la  seconde 
période.  La  tnoisièine  a  été  signalée  par  4n)is  cata<»lysmes 
et  la  formatÎKHii  de  six  icooehes  successives.  Le  tmisième  âge 
de  la  terrei  a  poiu*  4ate  relaVîTe  la  fonHatHm  de  la  chaîne 
printipdi^rdeSiAlpes^  eiti  se  divise  en  quatre  périodes* 

I>a  ppofùiàre  anti^historique  V^l^'^^^'otide  a  ctéé  fes  dvi- 
lisaiionslinKloue,  mazdéeiHiev  égyptienne^  babylonienne, 
juive'f  oeltàqnB',  grecque;  bouddhiste ,  chinoise ,  et  nous 
ammène)  au  premier  siècle  de  notre  ère.  La  troisiènie  a 
créélejnoyieahàge  et  l^islannsme  ;  ^He  s'est  termmée  aux 
grande»  déDOUverles  du  XV'  sièdè  et  du  XIV%  La  quatrième, 
queil'onpfaut  appeler  sciemliifique;  a  terminé  sa  première 
phase  à  la.  fin  du  dernier  siècle. 

Revenons/  k  la  première  période  du  deuxième  âge.  Cette 
époque  a.  présenté  trois  viotmtes  révolutions:  ttx)is  fois  au 
moins,  à  de  grandes  distanees,  selon  les  temps,  les  liquides 
intérieurs  ei  brûlante  de  la  planète ,  pressés  outre  mesure 
par  le:  restait  de  son  écoroe,  la  déchirèrent  et  produi- 
sirent à  sa  surface  ces  cmduiations,  ces  aspérités  que 
nous  appelons  des  montagnes. 

Les  premières,  que  la  géologie  considère  comme  du 
même  ftge  que  le  Westmarelflnd  et  le  Hundsruck,  sont 
dirigées  E.  îV  S. 

Las  secondes  eorrespondent  aux  Vosges ,  aux  collines  du 
Boooage  de  la  Vendée,  à  celles  de  Tancienne  province  de 
Noroaandie;  elles  sont  dirigées  £.  15"^  S. 

Les  tPOi^èmes  se  rapportent  aux  montagnes  du  nord  de 
r  Angleterre;  elles  sont  dans  la  direction  S.  5*  E. 
La  hauteur  des  montagnes  est  en  rapport  direct  avec 
'.Tépaisseur  de  la  croûte  du  globe  aux  lieux  où  elles  se  sont 
formées ,  et  dans  les  temps  où  elles  se  sont  produites  ; 
il  est  donc  naturel  que  les  plus  récentes  soient  en  générai 
et  de  beaucoup  les  plus  élevées. 

Les  formations  géologicpies  que  les  soulèvements  des 
montagne»  du  globe  ont  mises  en  évidence ,  sont  loin  d*être 
parfaitement  connues  pour  leur  nombre ,  pour  leur  étendue, 
pour  leurs  fos^les.  L'inventaire  de  la  planète  n'est  encore 
terminé  ni  pour  ce  qui  concerne  sa  flore  et  sa  faune ,  ni 


B17  SfÈCLB.  227 

mtee  pour  beaucoup  de  faite  géugraphique»  d'une  gronde 
impoiluiee:  aussi -giirftoii&HMusi  de  croire  que  tes  terrains 
silaneu 4  inférieure  sufiémur^  i^  l'étage  (Mvonien  \  «que 
les  terrains  oarbamAf6$  soient!  absotamenc  dus  à  des  révo- 
lutions générales  pour  la  surface  «ntiière  dei  ta  'pianèle.  Déjà 
les  études  de  Marie  RouauU,  spr^ks  terrains  p6iéî9fi<M[çues 
de  r4)uest  de  la  Franee,  et  sa  magnifique' icolteeiion , 
démontrent  le  eootrain». —  Tandis  que  la  .vie  sé^  montrait 
au  dehors  des  terrains  qu'il  a  étudiés,  sous  les > formes^  le$ 
plus  révoiuUamiaires-;  ici,  pltt6>'plâoidey  eUe  «ar^aitiaTec 
calme  ot  en  i quelque  sorte  d'un  oudu^rainent  sileti^eux. 
Où  Ton  ne  eoaMÎssaits  ilj  a  iqnciques  années  f'qaeioihq  à 
six  familles  de  fossiles,  le  conderrateurdu  nraséedeilenties, 
ce  pAtre  devenu  d'abord  perruquier,  puis  savant  géologue, 
ea  a  découvert  de  cinq' à  six  cents;  et  la  continuation 'de 
ses  jpechecebes  conclut  à  .^tiMtr  quatre:  étages  nauvea«Ët  et 
diién^ls,  là  oà  les  géc^ues  en  établissaient  deux  seule- 
ment. Il  y  a  trois  «as  ài  peine  de  cesi  découvertes* villes 
n'ont  eu  po«r  théàtte  «qu'un  pelit  coin  de  la  France 
seotement :  que  serait41anivé  si,  partagé <en départements 
géologiques ,  le  monde  entier  avait  eu  quelques  centaines 
éè  Marie  Bouault  préoccupés  de  l'étude  de  son  éeorce?  et 
comment  eroire<aux  affirmations  si  absolues  qui*  tondent  à 
établir  que  la  terre  présente  tout  juste  vingt-sept  étages 
géologiques ,  pas  un  de  plus ,  pas  «n  de  moins  ;  que  l^hacun 
d'eux  a  élé,  en  son  temps,  général  et  urriverscA;  que  la 
nature  aurait  marché  d'époques  critiques  en  époques  orga- 
niques, sans  transition?  Autant  vaudrait  dire,  pour  l'Age 
humanitaire)»  que-  Sœsostris^  qu'Alexandre,  que  César, 
que  les  Mahométans  et  que  Napoléon  Bonaparte  ont  con- 
quis, en  leur  temps,  le  monde  entier. 

La  providence ,  que  nous  ne  connaissons  que  par  les 
grandfi>  lois  de  la  nature ,  ne  crée  ou  plutôt  ne  forme  rien, 
ne  combine  quoi  que  ce  soit  avec  les  éléments  dont  jelte 
dispose  en  un  lieu  el  en  un  temps  donné ,  que  graduelle- 
ment ;  par  cela  même ,  n'ayant  pu  produire  que  sucoessi- 
TeiBeot  les  végétaux  et  les  animaux,  elie  a  procédé  du 
simple  au  composé,  leur  donnant  d'abord  des  organes 
d'imbibition ,  rudiments  des  organes  digestifs,  que  suivent 


228  PHILOSOPHIE 

ensuite  4^  .or^nos  respi£«.toires,  de^  organes  du  mouve- 
ment, des  organes  générateurs,  puis  enfm  des.orgaae3  de 
circulation  et  de  sensibilité  de^  plus,  en  plus  déYeio(>pé9. 11 
n'est  dgpo  pas  étonnant  ,de,  ne  trouver  dans  les  ancieus  * 
dépôts  de.rjejlage  le  plfis  inférieur  des  formations  géologi- 
que$ ,  4aos^  cdui  qui  se  trouve  placé  $ur.  des  joches  dans 
lesquelles  la  vie  orgailiqw  n'a  pas  .encore  été  eo^stalée, 
ni  les  maottCères  akml  le.  système  nerveux,  cérébral  est 
relativ;eip6nt  si  parfait^  ni  des  oiseaux  aux  vastes  poumons, 
ni  des  reptile^i  nimêm^  despoissons  das  ordres  supérieurs; 
mais.quâlques  poissons  très-in£érieurs,  des  animaux,  aunelés, 
des  triiobitesj  des. mollusques,  céphalopodes,  gastéropodes, 
brachiopodes^  des  écbinoderme^ ,  des  t  polypiers  et  des 
aninaaux  sajas  forme  ou  amorphes.  Parmi  les  genres  de 
cette  époque  que  Ton  a*. retrouvés,. combien  qui  devaiejoit 
mourir  dans  ÎVtage  supérieur,  combien  qui  devaient 
s'amoindrir,  disparaître  ou  so  transformer  par  suite  des 
conditions  nouvelles  d'existence  qui  {Mouvaient  et  devaient 
développer,  amoindrir  ou  déiruire  leurs  vies  ? 

U  est  \m  fait  dont  il  faut  bien  temr  compte  en  étudiant 
la  loi  du  progrès  dansles  développements  organiques  ;  c'est 
que  cette  loi  a  été  souvent  mal  formulée ,  qu'elle  est  loin 
d'être  aussi  simple  qu'elle  le  pourrait  paraître  à  des  yeux 
ininCoUigents.  —  L'ai'bre  zoologique  nous  présente  de 
très-nombreux  geores  qui  se  rattachent  à  des  ordres  diffé- 
rents, c'est-à*-dire  de  très-nombreux  rameaux  entés  sur  des 
branches  différentes.  Tandis  que  cet  arbre  développait 
incessamment  sa  vie  et  poussait  verticalement,  tandis  qu'il 
subissait  le  progrès  qui  existe  entre  les  animaux  vésiculaires 
et  rhommte,  qui  en  forme  la  tige  très- verticale ,  ici,  des 
rameaux,  depuis  longtemps  évolvés,  mouraient  sur  diverses 
branches,  et  les  braoches  latérales  elles-mêmes  s'arrêtaient 
dans  leur  évolution.  Partout  du  reste  la  même  loi  ;  la 
civilisation  scientifique,  née  après  de  grands  cataclysmes 
humanitaires ,  n'est  que  le  rameau  vertical  do  la  civilisation 
indoue.  Les  branches  mazdéenae,  égyptienne,  babylonienne, 
juive,  bouddhiste,  chinoise,  celtique,  g^manique,  ro- 
maine, mahométane,  et  la, civilisation  du  moyei><-Age,  se 
résument  daus^  la  civilisation  scientifique  »  comme  l'homme 


DU  SIÈCLE.  SS9 

résume  tous  les  organismes;  mais  toutes  ces  civilisations 
sont,  depuis  des  siècles,  'ftde§  états  différent»  d'arrêt 
oudètncnrt  pltis  ou  moins  (^tiyptète:  ^ 

Tlràttsporlons-Doiift  itiérkitéttàttt ,  paria  pensée';  artt  sein 
delà  première  période' p*féo5Éôïqtie,  «fu  débiitwW 
i^  terre^re:  cette  pfètofere  période;,  la  ^tifetoe  ^de  îaf  vie 
dft globe,  se  manifesta  Ji  notï*e  e^prit'pdr'k'CiMillmumion 
du  pefcpidissemeïît;  LêS'  eaili  ïdtf lent  à  I»'  surface  'de  la 
terre ,  les  anfractuosités  des*  mers  sotlt  felatitéittent  bien 
moins  profondes  que  de  nos  jouw,  et  les  montagiiès  moins 
#^ées;  des  plantes  et  d^'toîmaîix,  pamUètenJent  aussi 
iirferieurs ,  se  produîseilt  selon  les  conditions  phjisioldgîques 
du  plan  d*ensemble  de  îa  nature  entièiîB  et  de  la  planète, 
k  la  surface  des  terres  qui  éuiergent.  Les  montagnes  do 
cette  époque  sont  autant  de  placentas  véritables  pout •  des 
milliers  d'êtres;  et  si  un  'instant'le  grand»  arbre  deiï  ries 
organiques  semble  n'avoir  de  prime^àbord  qu'une  seule 
souche,  de  suite  et  en  quelque' sorte  inslaWanément  il  s«^ 
biRmiue  au  moment  de  son  apparition,  comme' de  nos 
jours  encore  dan  sles  expériences  de  Gros,  sut*  les  englènes. 
—  Fils  des  premières  vésicules  organisées,  les  premiers 
végétaux  et  les  premiers  animaux  arrivent  promptement  à 
des  oi^anes  plus  complexes  et  même  aux  deux  sexes.  Ceux 
qui  doivent  devenir  ultérieurement  parfaits  semblent 
prendre  plus  de  temps ,  dès  ce  jour,  pour  accomplir  leurs 
traosfcH'mations.  De  longues  années,  l'électricité,  la  cha- 
leur, le  magnétisme  du  globe,  cette  force  que  la  géologie 
oublie  sans  cesse  en  ses  récits^  Fabondance  relative  de*^ 
substances  nutritives,  tels  furent  les  premiers  facteurs  du 
développement  des  premiers  êtres; 

Nourrir,  évolver,  conserver  les  individus ,  les  multiplier 
et  les  reproduire,  voile,  remarquons-le  bien  atant  dépasser 
outre ,  le  but  de  ce  que  nous  appelons  vulgairement  la  vie. 
Ces  phénomènes  étant  tout-à-fait  physiques ,  sont  essen- 
tiellement du  domaine  de  l'observateur.  Il  manquerait  de 
pMosophie  celui  qui  ne  demanderait  pas  aux  lois  de  la 
nature  les  règles  àes  changements  intérieurs  qui  se  moni- 
fesient  et  dans  les  corps  inertes  et  dans  ceux  dùni  la  vie 
est  plus   apparente,  celui  qui  rie  considérerait  pas  les 

10» 


330  PHILOSOPHIE 

phénomènes  observés  dans  les  corps  vivants  comme  des 
faits  pbyaiqae»;  et  qai  ne  régavdevaif  pas  rorganisation 
(XMmne  ia  manière  d'èt«e  neroiate  des  coi^s  qm  ne  peutent 
erislalliser.;  parceiqtie,  composés  de  véécules  'perstsCaâtes 
et  mm  ^nbrjHtnaires*,  coDOHke  ddles.  qui  précèdent  ta  cm- 
tallisation  de&  mioératts  (ou  tout  m  moin.s  àé  eertaîns 
min^uo:)»  leur  crislaUtsatipn,  À  eux,  c'est  d'être  giioappés 
de  manière  à  focmeréestiorganes  vencqplissant  des^  fcmotioiis 
de  pkis.en  phts  élevées.  U  maniiiierait  encore  de  philoso- 
phie;, cehû:<pii9  après  avdr  rémarqué  que  tous  les  aninianx 
ne  sont  pas  susceptibles  de  {>eii9ep,  de  vouloir ^  d'éprouver  des 
sensattf>fiSv  ni  mèmede  faire  volontairement  des  mouvements, 
ne  chercherait  pas^  soiit  en  étudiant  les  es|)èces  animalc^s  ac- 
tuelles, :^oit  en  étudiant  les  divers  terrams  géologiquei  où 
sont: ensevelies  les  premières  espèces,  à  se  rendre  compte 
des  trafiflitioinsdan&la  graduation  des  facultés  e^la  multiplica- 
tion.de&organesaufar  etimesurequeron  passe  deKune  des 
sériesi  inférieures  aux  séries  supérieures,  et  d  un  terrain  ttès- 
piimÂtif.à  dee  terrmsde  plus  eu  plus  récents,  pour  l'étude 
des  fos»ile&  qu'ils  présentent  à  notre  observation.  Aurait-dl 
le  moindre  esprit  d'observation,  celui  qui  ne  remarquerait 
pas  que  plus  les  coucbes  géologiques  sont  vieilles,  plus  sont 
inférieurs  aussi  les  fossiles  qu'elles  renferment  ? 

Démreux  de  faire  bien  comprendre  comment  le  progrès 
géologique  s'est  manifesté  à  la  surface  de  la  terre  et  sûonl- 
tauéoient,  dans  l'émersionde  montagnes  nouvelles,  dans 
le  i^u»mimi  des  mers. et  la  réduction  de  leur  surface, 
dans  répuration  de  l'air  <it  des  eaux,  dan» le  développe- 
méat  des  organes  des  espèces  animales  et  végétales  qui 
sont  arrivées  par  suite  à  présenter  de  nombreuses  espèces 
nouvelles.,  aussi  variées  pour  les  formes  que  pour  les 
fonctions,  nous  allons  continuer  à  faire  mavcher  de  front 
l'histoire  du  progrès  de^cioq  organes  de  la  planète,  à  savoir  : 
l'air  atmosphérique,  les  eaux,  les  continents,  les  espèces 
végétalest^t  les  espèces  animales.  Remarquons,  en  passant, 
que  cette  énumération  des  organes  de  la  terre  correspond 
à  l'ordre  de  leur  développement,  et  qu'il  est  épriùri  très 
naturel  de  penser  que  cet  ordre  sera  aussi  celui  de  leur 
progrès  et  de  leur  complète  évolution. 


hV  SIÈCLE.  931 

La  terre,  continuant  à  se  refroidir  et  par  suite  à  se 
contracter^  la  croûte  oiieiMrebppe  qui*  s'était  formée  à  sa 
sorfaee.pril  encore  du  retrait^  se  teomta  plus  étroite  qne 
la  jnasse  ^nvelopi^  et -trop  peu  solide  pour  résister 
égideiaent  partout  aoxréaotionsi  intérieures  d^  ciatte  masse 
brûlante  q^'éHei  renfemnaît/De  là  des^famures-et  des  fentes, 
le  aoulèvejnent  de  certaines. partitts^ 'Tobaiiseaiient' de 
quelques  autres ,  et  le  redressement  4e  couehes  horiBonta- 
lement  déposées.  Un  érèoement  de  eette  nature  fit  mllir 
les  Vosges ,  Lee  collines  delà  Nonnandie ,  du  Boœage  de*  la 
Vendée,  et  eelks  de  k*  Bretagne  qui  sont  dirigées  de 
rOae&t  à  r£st>  A  part»  i  de  oette  rév^iflion  nouveite ,  les 
cinq  organe»  de  la-  t^me  soient  aeeéiéper  leur  motivement 
de  j[»ogrè&;  le  nombre  et  retendue  des  lle^  émergées 
derient  plua  c(Misidérable  ;-  les  pAlesne  i(Mit  pas  encore 
assez  refroidis  pour  présenter  des  glacer.  D- immenses 
brouîlbirdS)  duft  à  l&  grande  évaporation  des  eaux ,  s'oppo 
sent ,  la  nuit ,  à  :1a  déperdition  de  la  chaleur  terrestre  par  le 
rayonnement,  et  prolégeui  les  plantes  et  les  animaux , 
peiadant  le  jour,  c<»itre  iWcàs  de  tempéraiure(,  de  manière 
à  eré^  pour  la  terre  entière  une  olimature  à  peu  près 
égale*.  Un  air  moins  impur  que  par  le  passé  couvre  la 
surface  du  sol'  :  môle  d'une  f^imde  quantité  d'acide  carbo- 
DÎqne  et  de  vapeur  d'eau  ^  plus  loivd  et  plus  puissant  en 
énefgie  réfractiye  <|ue  aotra  airactnel',  surtout  aut  parties 
iirfàrieurea^  il  prolonge  le»  jours  par  de  plus  longs  crépus- 
cules ^  retardant  Tappontion,  ohé?  le^ animaux,  d'ori||anes 
pulmonaires  perfectionnés ,  s'opposamt  par  smte  k  la  ptx)- 
ductien  d'un  emni'  douUe,  à  deus  ventricules  et  deux 
oreilloUeft,  à  la  parfaite  >ciréttlalion  du  sang  qui  ene^  la 
ecmséquenee,  et  au  développ«ineiit  du  système  nen^eux 
qui  se  raaaclie  d'une  taçoa  sâ  intime  aux  progrès  de  la 
circulation.  — De  là  de  grands  obstades  à  rapparition  des 
mammifères  on  animaux  vertébrés  pourvus  de  mamelles  , 
et  même  à  orile  des  oiseonif,  dent  la  respiration  est  si 
étendue.  Mais  ces  <A>staoles  étaient  moindres  pour  les 
reptiles  et  pvesque  nids  pour  les  poissons  :  «ussi  les  terrains 
paiéosoïques ,  dont  Uente^im  ordre  sont «eennfos,  nous 
offrent-ils,    sur  ces   trente-un   ordres,  huit   ordres  de 


332  PHILOSOPHIE 

rayonnes,  neuf  de  moUttsquôs,  onze  d'annelés  et  trois 
seulemeni  de  verliélm^Mérieiiiis.'ûue  ces  vertébrés 'soient 
élevés,  pour  leurs  forme»  v  daûs  les*  séties  auxquelles- ils 
appaFtiennçjnt ,  pensonne!  ne  ïe  tonlestei;  «aais  que  ïwtmTe 
ce  fa^r  sinoA  que  dèeKl(»r6  les  xaiUeus,  teè^iiapix^TeBiaux 
oiseam^  aux  manuoifèrea  et  à  rbomme  de  notre  époque  ne 
percuiettaieint  aun  Yieâai[iiaa4le6de  se  développer  que  sourdes 
{ori^e^  nûeu^L  appropriées  aux  eoiKiiEtion&  d*eiListe&ce*  qu'ils 
préÉientaiettt. 

D^  mèsae  que  chaque  période  humamtaîre  '  a  eu  sa 
civiliâatiQn  dQipinatrko  et  prépondécanle  ^  créée  par  des 
antécédents^  et  pac  un  milieu  approprié;  de  même  aussi 
chaque  époque  géologique  a  eu  ses-  organismes  domina- 
teuj^^  Alors,  comme  a:iqourd*hui,  tout  était  donc  en 
hari^onie  et  marchait  vers  le  mieux.  Etudions^  en  effet  ce 
qui  se  passait  lorsxle  l'époque  carbonifère. 

De  hautes  montagnes  n'avaient  pas  encore  soulevé  leurs 
cimes  en  dehors  de  la  sphère  d'aGt*<Hi  de  la  chaleur  into- 
ricMiffe  de  la  terre  ;  il  n'existait  ^  à  proprement  parler,  que 
descoUioes  élevées,  sans  nieigesni  ^aciers.  Rien  ne  refroi- 
dissait les  vents;  ils  ne  rencontraient  nulle  part  les  sommets 
des  Gordillières,  des  Alpe^  et  de  l'Hymalaïa,  qui  divisent 
aujo4>rd'hui  les  courants  d'air,  en  abaissant  leur  température. 
Nos^pays  européens  devaient  nécessau^eoieut  jouir  alors  et 
jouissaient  en  réalité  d'une  dimature  analogue  aux  chaudes 
joumé^fi  des  contrées  iniertropieales.  Toutefois,  la  plus 
gra^e  partie  de  notre  Europe  se  trouvait  encore  sous  les 
eau]^  ;  ma^s  d'immenses  tourbières  augmeortaient  la  surface 
des  îles  qui  existaient  et  dessinaient  ces  contrées  qui 
devfuent  être  un  jour  ie»  terrains  houillers.  Kn  Europe ,  en 
Amérique»  dans  la  NouveUe*-Hollande ,  la  végétation  pré- 
sentait partout  les  oièmes  plaates  ou  des  plantes  analogues, 
exigeant  des  eonditions  de  vie  à  peu  près  identiques: 
c'était  des  cryptogames  vasculabes >  des  fougèoes  grandes 
coflikmet  no^  ambres,  des  lyoopodiacées,  des  équisétacées 
gigantesques,  et  d'autfes  encore  voisines  des  conifères  et 
des  cycadées,  dont  les  analogues  ne  se  retrouvent  plus 
aujourd'hui  que  sous  le  climat  brûlant  des  Tropiques. 
Des  insectes,  des  poissons,  et  même  de  volumineux  reptiles, 


B0  SIÈCLE.  255 

aoiiqaieDt  déjà  les  terres  et  les  mers  de  cette  époque. 
L'éleatfkité  produdle  pAr.4a^va|MiMftîon  des  eaut  et  par 
l^gil^tiQa.id  une  «UB06ph^  pla»  dame,  était  ^oe  scmrce, 
\m  finuf^  nécessaire  de  grands r  phénomènes  aéfierls.  De 
l8mps.i^>auliei9'desioiageadont'C0as  despaj'd  intertropieaux 
paui(eQt«  à  peine  nous  donner  inne  idée,  éévMtot  iKMite- 
vaisQr  ]a  natuie, entière,  hediant  et  dérafcititot  tes  atiyi^es, 
et  t^akyAnitipat  des  ipines  'torrentieUes  tout  ce  qili  se 
trouvait  sur  la  route  des  eaux.  Les  plaines  et  les  beteaux , 
surtout,  perdcâenl' leur  ebeveloreiperdoyatHe,  qm  s'arrê- 
tait (^  les  -tourbièees  ^  au  milieu  de«i  grands  hèrtmgés. 
Bieobtôt  ce  dépôt  était  reooa^evt  par  des  couches  de  v^se 
ou  de  sable  enlevées  aux*  c6te.aux'  voisins,  et  c'est*  ainsi 
que,,  pi^r  des  stratifications  suoeessères  de  earbone  et 'de 
ûlcj^e  carbonifère,  de  acbiste  (1)  ou  ée  grès  hotliller,  le 
globe  se  préparait  à  des^  p^odes  noorvelles  et  balançait 
rdctiou.  et  le  dévoloppement  de^  se»  eîDfq  organes  :  Tat^o- 
sphèreetle»  eaux  qui  se  purifiaient  sans  cess^,  les  continents 
qui.  ausqfkentaient  en-mu^face,  les  "végétaux  et  les  animaux 
qui  joaai^haieAt  chaque  jour,  par  des  progrès  nouveaux 
dans  leur»  organisiiiiee,  Ters  notre  époque  contemporaine. 
Ces  grands  drames  dee  soUtudès  de  l'ancieh  m^nde 
a'4|ai6iût  |mbu»  saiisipoiésie  :  de^temps  à  autre,  au  milieu  des 
violentes reammotîoos- de  la  nature  bouleversée,  la  mer, 
mm^  pcofonde  que  de  nos  jours^  s'élançait  au  loin  sur 
les  terres  a{4a4ks  de  ses  rives,  produisant   d'immenses 
inondatioo9i9  des  délavas  vérkables*;  tandis  que  k^  réactions 
iutérieures  de  la. chaleur  du  globe  poussaient  sans  cesse, 
à  trarers  les  couches  »  de  sa  surface ,  -des  granits ,  des 
porphyres  quartzUères,  ^«s  serpentines,  des  euphotides, 
des  diocites ,  roches  ignées  eincore  brûlantes ,  échauffées  à 
[a  chaleur  de  ses  entrailles ,  qui  deraiefil  produire  suir  leur 
passage  les  violences  les  plus  éponvvintable».  Puis,  par 
intervalles^  tout  reirtrail  dans  l'oràreel  le  cahne  renaissait. 
De  QQmbreuseâiret  {ertileà>  alluvions^  s'élemient  alors  au- 


(1)  Oo  sppeile  schistes  ,  de»  rocher^  <jpB  se  divisent  par  Iums  ott  par  faailies , 
catRne  feiraraéises,  et  qui  'en  ont  la  teiturë.  On  appelle  ^rès,  les  roches  siUceuses 
formée»  de  aabtes  féiiais  par  un  cimefit  qaarlzeai. 


a: 


254  PHILOSOPHIE 

dessus  de  la  ligne  ordinaire  dés  eaux  ;  bientôt  elles  étaient 
couvertes  d'une  végétation  luxuriante ,  que  de  nouveaux 
orages,  et  de  grandes  ooiomottons  ensevelissaient  encore 
pour  les  besoins  des  tempsià  ^enir.  Ainsi  Vair  atmosphé- 
rique et  les  e^aux  continuaient  ii  se  purifier  par  des  dép6ts 
dontrio^porta^ee  est  facile  à  oampreiidre,  quand  on  songe 
que  tout  le  carbone  de  notre  atmosphère  ne  formerait 
u'une  couche  de  hauiUer  d  un  millimètre  3/10  à  la  siuface 
u  globe,  ^t  qu'il  {aut  un  siècte  de  végétation  forestière 
sur  la  surface  qu'elle  recouvra  pour  produire  l'équivalent 
de  16  miUiajiètras  de  houiUe.  Les  calcaires ,  en  se  déposant, 
foucnissaiefît  un  élément  de  plus  à  la  transformation  de  ce 
qui  existait.  D'un  côté,  le  calcium  avait  absorbé  de  l'oxygène 
pour  se  faire  chaux  ;  de  l'autre ,  la  chaux,  soit  directement, 
soit  pardouble  décomposition!  se  transformait  en  carbonate. 
Le  fer  carbonate  lui-rmèmev  si  commun  dans  cette  forma- 
tion, solidifiait,  aussi  lui,  une  masse  considérable  d'oxigène 
et  d'acide  carbonique:  de  la  sorte  se'  produisaient  des 
dépôts  successifs  de  calcaii^  bleu  avec  couches  de  houiUe, 
de  fer  carbonate ,  de  schiste  avec  eouches  de  houille ,  de 
grès  houiller,  qui  composent  la  formation  dite  cart>onifère 
ou  le  terrain  de  transition  supérieur. 

Au  fur  et  à  mesure  que  nous  avancerons  vers  l'époque 
actuelle ,  les  plantes  et  les  animaux  se  rapprocheront,  pour 
leur  ensemble  1  de  ceux  qui  vivent  aujourd'hui  sur  nos 
continents  et  dans  nos  mers  ;  il  est  môme  possible ,  pour 
quelques  espèces,  de  retrouver  leur  filiation  directe  jus- 
qu'aux premiers  jours.  Les  espèces  végétales  et  animales , 
soit  qu'on  les  classe  dans  l'ordre  naturel  et  scientifique , 
soit  qu'on  les  i^nge  dans  l'ordre  géologique  qui  est  celui 
de  leur  apparition,  forment  toujours  deux  s^es  semblables 
dont  les  organes,  sont  de  plus  en  plus  parfaits. 

Ne  nous  faites  point  dire  que  chaque  série  animale  ait 
marché  constamment  sur  une  seule  ligne  ;  que  les  végétaux 
et  surtQiit  les  animaux  soient  deux  arbres  sans  branches. 
Loin  de  nous  cette  erreur.  Mais  nous  entendons  qu'entre 
les  points  extrêmes ,  il  y  a  une  distance  immense  dont  le 
parcours  «xi^aît  l'accomplissement  d'une  muUkude  de 
progrès  organiques. 


DU  8IÂGLB.  935 

Les  soulèvements  du  Hundsmok  et  des  Ballons  avaient 
exliaussé  les  dépôts  antéiienars  ;  le  soulèvement  du  nord  de 
rAfigleterre  et  «  tapoînte  occidetitalede  ia  Basse-Bretagne, 
attffibaé«n  Angleleppe  à  rérupthm  dès  roches  trapéennes , 
m  Ba86e-Br«tagtte  à  eelle  des  nochers  amphiboliqties ,.  vint 
donaer  oaîsssnDe  à  un^  iiouvelle  ph«tse  de  la  vie  de  la 
terre. 

VIII' PÉmiMB. — C'est  alots>  que  se  forme  le  terrain 
dit  pénéen.  Dn  mmveau  grès  rouge,' renfermant  très-peu 
de  restes  organiques,  quelquefois  des  schistes  bitumineux , 
du  caloftke  mftlé  desohiste  que  l'on  appelle  zechstein,  voilà 
les  éléments  de  ees  dépôts  qui  devaient  commencer  la 
série  des  terrains  secondaires. 

Las  gfès  des  Vosges,  les  terrafins  de  trias,  les  terrains 
jurassiqnes,  les  terrains  crétacés  inférieurs  et  supérieurs, 
se  sont  sueeessivement  superposés  au  dépôt  pénéen.  Pen- 
dant éMe  période,  six  révolutiems  importantes,  six 
caCacljrsmes  très^tendus  ont  brisé  la  croûte  de  la  planète 
et  redressé  en  montagnes  les  parties  appelées  aujourd'hui  : 

Le  eystème  des  Pays-Bas  et  du  pays  de  Galles , 

Le  système  du  Rhin , 

Le  système  d^  Thuringenrald, 

Le  i^stêrae  de  la  €ôte-d'Or, 

Le  système  do  Mout-^Viso, 

Le  sysième  des  Pyrénées  et  des  Appenins. 

Les  reptiles  étaient  twes  dans  la  houille  ;  ils  venaient  à 
peôie  de  paraître.  Us  deviennent  plus  communs  dans  le 
terrain  pénéen,  formation  dans  laquelle  on  remarque  aussi 
des  plantes  de  la  famiUe  des  conifères. 

Au-dessus  des  grès  rouges,  on  trouve  quelquefois  des 
schistes  bitumineux  r^ermant  des  algues  et  des  conifères. 
Le  zechstein  est  postérieur;  il  se  compose  d'assises  de 
schiste  mttées  de  calcaire.  Les  eaux  thermales  de  cette 
époque,  beaucoup  phis  puissantes  que  les  nôtres,  pa- 
raissent avoir  contribué  à  sa  production.  Celle  formation 
est  peot-âtre  la  première  où  Ton  trouve  des  sauriens 
analogues  à  nos  crocodiles  et  à  nos  caïmans  actuels.  Mais 
les  poissoQs  analogues  à  ceux  de  la  houiMe  ne  reparaissent 
plas  ensuite. 


256  PHILOSOPHIE 

Passons  aux  terrains  de  trias.  On  appelle  ainsi  ce  dépôt, 
parée  qu'il  est  formé  de  trois  ptotfaits  géologiques  :  de  grès 
bigarré,  de- calcaire ,  coqàlHiér  et  de  marnes  (1)  irrîsées. 
Ce  temiitt  a  en  outre  quelques  dépôts  de  chârbcta  fossile, 
et  spuvent  ses  marnes  fosriles  renferment  des  amas  de 
gypse  ou  sulfate  de  chaui;  et  de  sèl  mariri  ou  chlorure  de 
sodium. 

©ans  la  Hesâe,  le  grès  bigarré- aicônservé  les: empreintes 
des^  pieds  des  battraciens.  En  •  Amérique,  on  y  trouve 
des^  empreintes  de  pieds  de  volatiles;  mais  il  ne  me  paraît 
pas  probaWe  que  ces  volatiles  fussent  des  oiseaux  aux 
poumons  absolument  j)areîfe  à  ceux  de  nos  oiseaux  mo- 
dernes t  l'air  n'était  pas  encore  asseï  pur  pour  les  besoins 
de  leur  respiration.  Le  calcaire  de  cette  époque  est  surtout 
très-fiche  en  débris  organkjues.  Tandis  que  de  nouvelles 
espèces  s'ajoutent  au  règne  végétal,  le  règne  animal 
s'avance  vers  une  plus  grande  perfection  et  s'élargit;  il 
s'enrichit  surtout  d'un  nombre  très-considérable  de  co- 
quilles. • 

Les  roches  qui  traversent  les  couches  qui  nous  occupent 
ou  qui  faisaient  irruption  dans  les  terrains  de  cette  époque, 
et  que  la  réaction  des  forcés  intérieures  du  globle  poussait 
à  travers  son  écorce ,  étaient  dii  granit  qui  oetait  s'arrêter 
aux  terrains  crétacés,  des  porphyres  quartzifères  qui  n'ont 
pas  dépassé  les  terrains  jurassiques ,  des  traps  et  diorites 
qui  ont  atteint  les  terrains  tertiaires,  et  des  mélaphyres 
qui  paraissent  avoir  été  éjaculés  par  le  globe  à  partir  de  la 
fin  de  l'époque-  carbonifère. 

Les  couches  calcaires  plust>u  moins  marneuses  du  terrain 
jurassique,  alternent  avec  des  couches  d'argile.  Les  étages 
supérieurs  portent  le  nom  de  calcaire  oolithique  ;  son  étage 
inférieur  est  appelé  lias  :  c'est  un  calcaire  dans  lequel 
on  trouve  une  énorme  quantité  de  gryphées^  arquées;  il 
recouvre  une  couche  de  grès.  Pendant  cette  époque ,  qui  a 
dû  avoir  une  longue  et  pacifique  durée ,  les  progrès  de  la 
vie  du  globe  ont  marché  régulièrement  et  sans  catastrophes. 


(i)  Les  marnes  sont  des  argiles  reofermant  beaucoup  de  carbonate  de  chaux. 


IHJ  SIÈCLE.  257 

Purifiée  par  les  dépdu  de  calcaire  .at  de.carjboqe,  r^tmo- 
sphère, reaferaxaU.dç9  animaux  supérieur^  à' ceux  des 
époques  précédentes.  Dès  lorSfYivaieQt  dQs.lézatrds -violants. 
Dès  le  lias,  on  trouve  des  sqi^eUos  de  {désia^auses  de 
sept  mèUes  de  longueur»  des  icthiosa(^^^.  d^  quatre  à-  cinq 
mètres.  Ces  animaux,  moitié  lézards,  moitié  poissons, 
devaient  être  d'une  grande. voracités  On  trouvei  aussi  dpns 
le  li^s  des  ptérodactyle^,  léisards  ou  sauriens  volants  et 
hideux ,  aux  ailes  de  chauves-^souris.  Quelques  autreis  sau- 
rieQs  étaient  plus  effrayants  enoore;  lun  d'eux i  le  mega- 
lausaurus,  atteignait ,  une  IcMigueur  de  quinze  à  vingt 
ûiètr^,  et  consommait  pour  sa. nourriture ,  énormément  de 
matière  animale, 

Quoique  ralentie ,  la  formation  du  combustible  fossile 
avait  encore  lieu  :  le  lias  en  contient  quelques  dépôts. 

Au-dessus  du  lias ,  se  .trouve  le  calcaire  à  forme  d'œufs 
de  poissops ,  connu  sous  le  nom  d'oolithiqu^,  q4i  com- 
prend quatre  groupes  :  la  grande  ooUthique  et  les  calcaires 
oifordien ,  corallien  et  portla^dian.  Les  pUotes  de  la 
grande  oolithique  sont  encore  des  cooifères ,  des  cycadées , 
des  fougères,  mais -d'espèces  différentes  de  celles  qui  les 
avaient  préc^ées.  Des  squelettes  do  grands  cétacés  et 
mèffle  des  masurpiaux  se  rencontrent  dans  cette  forma- 
tion, ainsi  que  des  grypbées,  des  térébratules ,  des 
ammonites.  Le  calaireoxfordien  présente  des  ammonites 
el  des  gryphées.  Des  polypiers,  des  madrépores,  des 
coquilles,  caractérisent  la  formation  coralienna.  Le  terrain 
portiandien  possède  quelques  gisements  de  combustible  fos- 
sile, des  ammonites  et  surtout  une  grande  quantité  d*huUres. 

Si  parmi  les  fossiles  de  cette  époque  aucun  ne  ressemble 
singulièrement  aux  singes  ni  aux  honunes ,  cela  ne  prouve 
pas  qu'il  n'y  eut  sur  la  terre  aucun  aninial  pouvant  se 
transformer  et  devenir  singe  ou  homme;  cela  prouve 
seulement  que  nos.  recherches  géologiques  ont  été,  jusqu'à 
ce  jour,  très-restreintes ,  et  qu'elles  ne  se  sont  pas  ét^ues 
aux  lieux  qui  ont  été  les  berceaux  primitifs  du  genre  singe 
et  du.genre  liomme,  qui  certainement  n'^>nt  pas  apparu 
brusquement  sur  la  scène  du  monde ,  comme  Minerve  qui 
sortit ,  ditH>n ,  toute  armée  du  cerveau  de  Jui)iter. 


238  PHILOSOPHIE 

Dans  la  période  antérieure^  c'étaient  les  orages  qui 
balapçiaiieiit  ei  retenaisat  entoe  eux,  dans  iine  Juste  pro- 
portion, les  cioq.orgaoes  de  la  nature.  Maiatenaiitv  les 
aniipaux.varaçes  covuneacent  à-  prédominer >  et  i  régler 
la  quAotité  4e6  espèaes  végétales  et  animaleB,  en  mettant 
\m^  limite i  au  développement  des  espèces'  animales. 
Ils^^dp^vi^imeAt  évideauDent  les  .rois  de*  la  < terre;  tant 
il  est  vrai  que.  depuis  longtemps  la  force  gouverne  le 
monde« . . 

Immédiatement  après  le  dépôt  des  terrains  j«ati^iques , 
le  terrain  crétacé  inférieur  se  produisit.  Il  se  compose  de 
sabl^  ferrugineux»  de  gnès  ordinaireaient  •  terdfltre , 
appelé  pour  cela  grès  vert ,  et  de  la  craie^uffau  de  la 
Touraine.  On  y  trouve  beaucoup  de  débris  d'animaux ,  et 
l'on  s'aperçoil.,  en  «les  étsuiûnt,  que  les  organes  de  la  vie 
se  sont  perfectionnés* 

Le  soulèvemeuit  qiû  fi.t  saillir  le  tlont*Viso,  fit  aussi 
saillir  plusieurs  crêtes  élevées  de  la  Grèce,  parmi  lesquelles 
se  remarque  la  fameuse. montasse  du  Ptnde.  Il  détermina 
la  dir^ectipn  des. principales  côtes  d'Italie,  et  se  fit  sentir 
en  France  et  en  Espagne  à  travers  les  Pyrénées,  depuis 
rUe  de  Moirmoutiers  jusqu'à  Valence.  Il  interrompit  les 
dépôts  des  terrains  de  L'époque  antérieure^  et  fut  suivi  de 
la  formation  d'une  puissante  assise  de  calcaire  mêlée  de 
couches  de  silex ,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  terrain 
crétacé  supérieur.  On  y  remarque  des  bancs  très-con- 
sidérables uniquement  composés  de*  coquilles  microsco- 
piquqs.    . 

Cette  alluvion  est  riche  en  squelettes  ;  les  deux  tiers 
appartiennent,  à  des  espèces  qui  n'existent  plus.  L'énorme 
saurien  de  Maëstricht ,  voisin  des  iguanes  par  ses  formes , 
connu  sous  le  nom  de  mosasaure,  long  de  huit  mètres, 
dont  la  tête,  longue  d'un  mètre  et  demi,  était  armée  de 
dents  terribles;  puis  des  mammifères-cétacés,  appartenant 
aux  genr^$  lamentins  et  dauphins,  figurent  au  premier 
rang  parmi  les  plus  curieux  de  ces  débris  fossiles.  En 
revanche ,  la  flore  est  peu  riche. 

Le  neuvième  système  de  montagnes,  soulevé  par  la 
réaction  des  forces  intérieures  du  globe ,  plaça  tout -à-coup 


DU  SIÈGLS.  259 

au-dessus  des  eaux  la  plus  grande  partie  de  notre  continent, 
la  ehalae^des  Pyrénées /les  Appenins,  les  Alpes  Julienrtes, 
les  Carpathes,  les  Balkans,  dnrcfrses  montagnes  de  la 
Grèce,  delà  Bosnie  et  de  la  Croatie,  et  fit  senftir  son  action 
même  en  Angleterre.  Il  sépara  le  terrain  crétafcé  supérieur 
de  ceux  qae  l'on  devait  appeler  tin  jottl-  les  terraitis 
tertiaires;  Alors  commencàrmt  à  se  <dé|yoser  -Fai^^le  *plâsti- 
que  et  les  Jigoites  de  celte  fonnalioA ,  ptiis  le  calcaire 
grossier,  puis  les  marnes  gypseuses  avec  ossements  de 
mamioîlèpes.       »     •:      .  *  • 

yui*  Péeicmmj  *^  La  chaleur'  superficielle  du  globe 
était  moins  intense  que  par  le  passé.  La  croûte  terrestre 
augmentait  en  ^misseur  ;  tes  saisons  commençaient 
à  se  dessiner;  Tair  était  sensiMement  purifié  r  aussi  le 
règne  végétal  et  le  règne  animal  se  rapprolchèpent-ns, 
par  des  modificatioiis  nouvelles,  <fe  te  qn^ils  devaient  être 
un  jour. 

Dw:  conifères  se  renootitrent  en  compagnie  de  pha- 
n^ogames  monocotylédones,  de  palmiers  et  de  dyco- 
liledons. 

Le' calcaire  de  cette  époque  est  riche  en  coquilles,  et 
surtout  en  madrépores,  en  cérites,  en  cétacés,  qui  ont 
eocore  leurs  analogues.  Les  oiseaux  étaient  en  petit  nom- 
bre :  c'étaient  probablemesit  les  premiers  qui  eussent  paru, 
car  il  conviendrait  peu  sans  deute  d'appeler  de  ce  nom 
les  volailles  qui  vivaient  dans  l'air  de  rëpoque  du  grès 
bigarré.  Parmi  les  m(immifères  terrestres,  on  remairquait 
des  paleotherium  et  des  anoplotherium. 

Trois  autres  soulèvements  sont  venus,  depuis  l'apparition 
des  Pyrénées  et  des  Appenins,  modifier  encore  la- surface 
du  globe  et  dessinw,  tels  qu'ils  le  sont  aujourd'hui,  nos 
contin^fits.  Le  premier,  N.  S.,  a  fait  saillir  la  Corse  et  la 
Sardaigne,  antérieurement  à  la  déposition  du  grès  de 
FoBtatoebleau ,  du  calcaire  d'eau  douce,  des  meulières  et 
des  lignites  du  terrain  tertiaire  moyen. 

Le  second,  N.  26**  E. ,  auquel  appartiennent  les 
Alpes  Occidentales ,  a  précédé  beaucoup  de  roches 
quasi-volcaniques,  telles  que   les   trachytes  et   les  ba- 


240  PHILOSOPHIE 

sy^s  (1,).  Ces  roehes  ignées,  produites  par  éruption ,  ou 
sioiipuit^  l'onMiûepar  éjâculation,  se  sont  manifestées 
eaUw^.lea  sfoic^nsimodômes  et  tesinéteipbyres  trd^s  dioriles 
at  8^rj)éntinas,     .      .    .    , 

Cette  formation  a  été  produite  par  le  soulèVettient  de 
graiMtS)que^  ptr  erreory  tongteiiips  Fdn  a^Dippëlés  ]!)remiers 
proiduils.  QUiprotogynes-;  die  a  précédé  le  ttff  k  osseimënts 
fûssilQs.,  ies.eouchéà  de  sable  €»t  les  alluvions  dé  la  pre- 
niièr^, , époque  <fes  terrain»  '  tertiaires. 

heÀSi"  et  demkr  ^and  soulèvement  européen  a  mis  en 
reliiBf  la  ^hatne  principale  des  Alpes.  Dirigé  E  IB*»  N,  il  est 
pq^tériiiur  4uii  dépôts  des  terrains  tertiaires  et  antérieur 
avuterraàa^ comlettipteaifis,  anx  grands voleans  des  Andes, 
k  nos  a^trds  voleans  modernes  éteints  on'  brûlants,  à  cette 
forçiation  que  Tun  dermes  amis,  M.  Emile  Boblaye,  a 
déprite  à  Iff  $«jkit«  de  son  voyage  en  Morée ,  et  4  Tapparition 
dos^  dépôts  sédîmentairfB  de  la  Sardaigne. 

La  IX*  époque  du  globe  a  vu  se  fermer  les  terrains 
d*allpvic|ns  qui .  l'eiopliasent  les  vallées  et  les  deltas  de  nos 
grands  fleuves ,  nos  volcans  modernes,  éteints  ou  brûlants. 
Cett^e  4poque  panaït  av^tr  pour  date  la  formation  actuelle 
de  la  Jtfédilerranée,  la  séparation  de  la  Fraiifce  et  TAngle- 
tcrre,  et  se  rattache  aux  troisième  âge  de  la  terre; 

Nous  devons  reveair  maintenant  sur  les  dernières  forma- 
tions pour  rappel0P  quelques  faits. 

C'est  surtout  à  Tépoque  jurassique  qu'apparaissent  tes 
icbtiosaures^  les  {désiosanres  et  les  ptérodactyles. 

C'est  dans  le  terrain  crétaoé  supérieur  qu'on  rencontre 
les  mamn^ifèras,  dauphins  et  lamentins  qui  vivaient  au 
sein  (ï^s  eaux.  C-est  dan»  la  formation  que  le  soulèvement 


(I;  Les  tracliTles  sont  dei  rocher  d'éruption  (piasi-rokaniques ,  forméej&  presque 
enli^fWMit  de  feidapa^,  dont  eltes  offrent  parfois  de  très-beaui  cristaux  Les  uaes 
ont  coulé  eonm^ilei  ivfes  (W  nos  Tolcana,  k»  anliiis  se  sont  élevée»  h  Tétat  pâteux  , 
sous  la  forme  de  masses  arrondies.  Les  basaltes  8<^iU  des  produilu  folcati^uaa  com- 
posés principalement  de  labrador^  qui  e«t  un  feldspath  &  base  d'alumine  de  dieux , 
de  soade  el  de  pjroièt»  ^  sabsleiice  qoe  noos  avons  déj&  fait  conoetlre.  Sourent  les 
basaltes  forment  des  prismes  si^Dlepftue»  accolés  les  «os  aux  ««treij  consleanent 
sur  leur  passage  ils  modifient  les  coucnes  qu'ils  traTersent,  transformant  le  combus- 
tible fossik  en  eoke ,  et  le  earbooat«  de  chaui  en  marbre. 


BU  BiÈa4M.  241 

de  la  Corse  et  4e  h.  Sardiiigne  a  mise. «n  évidence,  que 
lou  trouve  les  premières  plautes- dyceéilédoiiées'  et  des 
animaux  vertébrée  de  ToMUe' des*.  maHmiiftres,  àiipéiiéiirs 
aai  cétacés  et  aux  marsupiaux,  analogues  à  nos'  ta|)ît»s  et 
à  notre  i;hiDocéros,.  \  i .  »,  ri         ' 

Les  terrains  qui  suivirent  reo^went  de*  squelettes' de 
palœo,therium:différeqts  diQ-ceuxdu  gypwe^et'dudyflotfcéri^ 
giganteujoî-  Oa  y  trouxe  du  ocfmbuBtible  fossile.  I^es  eûi- 
preinles  de  ces  lignites  nous  appranneist  <|«e  des  xroyers, 
des  oi;mes,  des  érablps«  de»  bouleam:  mreifo  ft'  ceiix  ^ui 
existent,  mêlaient i^ur  feuiHage: à  eduide' plantes dtr  gertre 
des  palmiers,  dansla.Suiâseï  Ja  Provoiûe  et  le  Lahguedôc. 

Le  soulèvecnent  des  Alpes  Oecideiiitoles  paraît  -  slvOir 
précédé  l'apparitio»  de.  grands  carnivores  analdgues  iiiit 
ours,  aux. hyènes,  pux  lions,  aux  tigres,  aux  loups  qui 
ment  encore  à  la  sunfeçfe  de  la  terre.  Ils  habitaient  des 
caTemes  oii  leurs  ossements  se  trouvent  en  grand  liombre. 
Ces  animaux  et  la  masse  des  plantes  dycotilédonées  n'ont 
apparu  qu'après  une  derrière  épuration^  Tair  par  la 
craie.  Avant  ce  cataclysme,  qui  a  piécédé  TappaWtlon  sur 
la  terre.de  toute  civilisation,  une  eonfiguration  différente 
du  globe  lui  donnait  une  autre  dimatore,  et  puis  ces  diverses 
espèces  d'animauK  pouvaieal  •  différer  quelque  peu  des 
nôtres  :  aussi  les  éléphaats,  les  mastodontes,  Phippopo- 
tame,  le  rhinocéros,  le  tapir^  le  megatlierium ,  le  cerf  et  le 
bœuf  Tivaient-ils  dans  les  cmtrées  oà  Ton  trcwvaitj'ours , 
rhyfenc*  '^  lion,  et  le  tigre  de  l'époque.  *  ' 

Ce  qu'il  importe  airtout  de  bien  remarquer,  c'est  que 
les  forces  organogénésiques  de  la  nature  ont  toujours  agi 
depuis  la  formation  des  premières,  meilécules  animales  et 
Tégétales,  en  procédant  du  simple  au  composé.  C'est  que 
le  développement  des  êtres  doués  de  vie  animale  a  marché 
progressivement  au  fur  et  à  mesure  que  leurs  milieux,  l'air 
et  Feau  s'épuraient  et  s'amélioraient ,  au  fur  et  à  mesui^ 
que  les  continents  et  les  mers  offraient  à  leurs  besoins 
une  nourriture  plus  abondante;  c'est  que  les  organes  de 
la  vie  animale  ont  suivi  rapidement  les  progrès  de  la  respi- 
ration.  Comment  comprendre  qtie  les  poumons  reçussent 
de  jour  en  jour  un  air  plus  oxygéné  et  plus  pur  de  vapeurs 


243  ?HiL080PHIB 

et  d'acide  carbonique  sans  admettre  une  oxygénation  plus 
parfaite  du  sang,  une  nutrition  di^ârenle  de  tous  les 
organes  noussant.  à  dos  .jaaodifioations  progressives  dans 
chacun  ueui  :  modifications  incessantes  qui  deyaient 
prooiptiemept  altérer  une  race  de  manière  à  la  transformer 
en  une  ,ri5|Ge.£KMiYeUe?  GoE^ment  admettre  encore;  a^ant 
rej^istenceid'auin^auY-à.poumonsycpie  l'action  d'un  air  plus 
pur  fût  san&  influence  sur  les  organes  «qui  se  trouvaient  a 
son  contact  ? 

C'est  .aiusi  que  noi^s. arrivons  à  compnandre  les  transitions 
si  bien  ménagées  qui  ont  précédé  l'apparition  de  l'homme 
actuel  sur  le.  globe* 

Un  jour,  cettephilosopbie  seca  refaite  avec  les  données  de 
découvertes  nouvelles  :  alors  elle  oontieûdra  la  série  des  diffé- 
rentes phases  du  globe ,  représentées  par  des  cartes  analo- 
gues ,  h  celles  qu'£Iie  de  Beaumont  a  tracées^  pour  nos 
contrées  européennes. 

La  séri^  des  soulèvemi^nts  du  inonde  entier  aura  son 
histoire  plus  complu  que  ne  l'est  aujourd'hui  celle  des 
soulèveqients  européens. 

En  regard  de  chaque  formation  géologique ,  figureront 
les  plantas  e(  les  animaux  que  l'on  y  ■  trouve ,  ainsi  que  les 
roches  ignées  qui  les  ont  traversées. 

Les  épwatioi^  successives  des  eaux  et  de  l'atmosphère 
seront  appréciées  par  la  nature  et  l'épaisseur  des  couches 
qui,  ont  servi  à  cette  œuvre  ù  importante.  Ainsi  se  trouve- 
ront écrites  les  vies  solidaires  des  cinq  organes  du  ^obe  : 
les  conjtinents^  les  eaux,  les  airs,  la  substance  végétale 
et  la  substance  animale;  et  l'homme ,  dans  cette  grande 
histoire  des  ères  antérieures  à  la  sienne ,  trouvant  le  secret 
de  sa  mission ,  puisera  le  courage  nécessahre  pour  accom- 
plir ses  destinées. 


TREMBLEMEI^S  DE  TERRE  ET  VOLCANS, 

Les  trembleoienls  de  terre  et  les  volcans  sont,  ccMntne 
les  sources  chaudes  et  la  chaleur  des  puits  artésiens ,  une 


BU  8IÀCLB.  245 

conséquence  de  la  chaleur  mlérieure  du  globe.  On  y  trouve 
enoulre  une  preuve  de  la  réaetion  contre  l'écorce  de  la 
planète  t  de^  substauces  încaudegcentes  liquides  ou  pâteuses 
que  le  globe  reufecaûie. 

Les  trembleiBentâ  de  terre  sont  plus  communs  dans  les 
pays  équ^tOKÎaui  que  dans  nos  contrées  tempérées,  dans 
les  îles  qu€(  d^ns  les  continents  considérables.  Ils  se  font 
surtoul  sentir  au  voisinage  des  rokans ,  ce  qoi  relie  leur 
action  à  celle  de  ces  profonds  soupiraux  qui  mettent  en 
oomuuuûçation  rextérieur  delà  planète  et  la  partie  liqué- 
fiée. LfS  soudrces  d*eau  chaude  ou  de  vapeurs,  les  volcans 
de  boue  ou  salzes ,  les  déjections  aqueuses  ou  acides  des 
Yolcan^,,  les  scories  kieandescentes  et  les  misseaux  ou 
coulées  de  laves  foâdues^  forment  une  série  de  phénomènes 
dus  à  la  chaleur  :int^ieure  du  globe,  dans  lesquels  les 
tremblen^ents  n'appacaissent  qu'après  les  autres,  surtout 
lorsqu'ils  se  propagent  au  loin. 

Lors^u^une  eontrée  très^étendue  se  trouve  ébranlée,  il 
arrive  couvent  que  les  points  intermédiaires  ne  le  sont  pas 
sensiblement.  En  1755,  lors  du  feraeux  tremblement  de 
terre  qui  détruisit  en  paortie  Lisbonne ,  les  maisons  de  la 
plaine  soufl^irwt  beaucoup ,  mais  celles  de  la  montagne  ne 
fur^t  pas  endommagées. 

Les  tr6dnblements.de  terve  se  manifestent,  soil  par  de 
simples  mouvements  anategues  à  ceux .  que  produirait  la 
percussion  du  sol,  soit  par  des  secousses  ondulatoires, 
soit  encore,  ce  qui  est  bien  plus  grave,  par  des  secousses 
de  bas  en  haut.  Souvent^  dans  ce  dernier  cas ,  le  tremble- 
ment de  terre  se  fait  sentir  par  des  fentes ,  des  crevasses 
et  des  soulèvements,  à  des  centaines  de  lieues  du  point 
où  il  manifeste  sa  principale  action. 

Lors  de  celui  de  Lisbonne ,  des  secousses  furent  éprou- 
vées jusque  dans  le  nord  de  l'Europe,  sur  les  côtes 
occidentales  de  cette  partie  du  monde  et  sur  les  côtes 
d' Afrique.  Plus  la  cause  qui  p]:oduit  le  tremblement  de 
terre  est  profonde ,  plus  les  effets  de  la  secousse  doivent  se 
faire  sentir  loin. 

En  TaJimée  1839-1$80,  la  Loire  ayant  accumulé  de 
grandes  quantités  de  glaees  en  amont  du  pont  de  Pirmil, 


244  PHILOSOPHIE 

je  proposai  de  les  faire  sauter  avec  des  marrons  et  de 
mettre  ainsi  les  communications  à  l'abri  de  toute  inter- 
ruption. Il  existait  deux  couches  de  glace  fort  épaisses, 
séparées  par  5  décimètres  d*eau.  J'eus  soin  de  placer  mes 
marrons  au-dessous  de  la  seconde  couche  de  glace;  ils 
étaient  chacun  d'un  kilogramme  de  poudre  et  descendaient 
à  près  d'un  mètre  au-dessous  du  niveau  de  la  première 
couche.  Chacun  d'eux  produisit  une  ouverture  de  8  à  10 
mètres  de  diamètre  et  des  fentes  rayonnées  qui  se  prolon- 
gèrent à  150  et  200  mètres  :  ainsi  font  sur  une  grande 
échelle  les  tremblements  de  terre.  Lorsqu'ils  sont  dus  à  des 
matières  gazeuses,  produites  par  des  réactions  chimiques 
nées  probablement  de  la  pénétration  de  l'eau;  leur  effet 
est  presque  toujours  entièrement  local,  parce  qu*il  n'a 
pas  lieu  à  une  très-grande  profondeur.  On  ne  saurait 
attribuer  à  cette  cause  ceux  qui  donnent  naissance  à  de 
grandes  commotions.  Dans  cette  occurence,  il  est  naturel  de 
penser  que  les  matières  contenues  sous  l'écorce  terrestre 
se  trouvant  trop  resserrées  par  la  cristallisation  de  l'enve- 
loppe, réagissent  sur  les  parties  les  plus  faibles,  à  cinq  ou  six 
lieues  au  moins ,  à  plus  de  dix  lieues  peut-être  de  profon- 
deur dans  l'intérieur  du  globe.  Alors  des  bancs  épais  de 
roches  et  de  terrains  stratifiés  se  trouvent  rompus,  soulevés 
et  redressés.  De  pareilles  violences  ne  peuvent  avoir 
Ueu  sans  produire  des  fentes  et  des  commotions  à  de 
très-grandes  distances,  c'est-à-dire  quelques  fois  à  S,  4  et 
5  cents  lieues. 

Il  est  difficile  d'apprécier  exactement  l'état  de  l'intérieur 
du  gtobe.  Si  la  couche  cristallisée  qui  forme  l'enveloppe 
recouvre  une  masse  liquide ,  cette  masse  doit  être  soumise 
aux  attractions  solaires  et  lunaires  qui  ont  à  l'équateur  leur 
maximum  d'intensité.  Est-ce  pour  cela  que  les  tremble- 
ments de  terre  et  les  volcans  sont  bien  plus  communs  dans 
cette  partie  de  notre  monde  ?  Nous  ne  pouvons  l'affirmer  ; 
mais  il  est  présumable  que  cette  cause  influe  sur  la  moindre 
fréquence  des  agitations  terrestres  vers  les  pôles. 

Les  volcans  ne  sont  point,  comme  on  l'a  cru  longtemps, 
la  cause  des  tremblements  de  terre ,  mais  bien  1  un  des 
effets  des  causes  qui  les  produisent.  Ne  faut-il  pas ,  même 


DU  SIÈCLE.  245 

dans  les  actions  locales,  des  puissances  d'une  grande 
énei^e  pour  soulever  des  cônes  aussi  élevés  de  trachyte- 
feldspathique  et  de  dolérite  que  le  Puits-de-Dôme  en 
France,  et  le  Chimborazo  dans  l'Amérique  du  sud?  Lors- 
que cette  action  des  forces  intérieures  de  la  chaleur 
centrale  s'exerce  d'une  autre  manière,  lorsque  les  couches, 
pressées  de  bas  en  haut ,  sont  brisées  puis  relevées  extérieu- 
rement, de  manière  à  donner  naissance  à  un  escarpement 
intérieur,  elles  produisent  l'enceinte  d'un  cratère  de 
soulèvement  et  favorisent  la  formation  d'un  conduit  plus 
ou  moins  sinueux  par  lequel  pourront  s'échapper  des  gaz , 
des  vapeurs  et  des  liquides  incandescents.  Si  un  semblable 
phénomène  se  casse  au  fond  des  mers,  il  crée  naturellement 
une  île  volcanique  :  ainsi  se  sont  formés  les  cirques  de 
Nysiros  et  celui  de  Palma ,  décrit  par  de  Buch.  Il  arrive 
parfois,  comme  le  fait  remarquer  De  Humbold,  qu'une 
partie  de  l'enceinte  de  ce  cratère  de  soulèvement  soit 
détruite,  et  que  la  mer  y  creuse  des  bassins  où  des  familles 
de  coraux  installent  leurs  habitations  cellulaires;  parfois 
un  conduit  s'établit ,  et  le  cratère  de  soulèvement  devient 
un  volcan  véritable,  possédant  vers  son  centre  un  canal 
d'écoulement  ou  plutôt  d'éjaculation.  Sous  celte  forme, 
le  volcain  n'est  autre  chose  qu'une  soupape  de  sûreté  pour 
les  contrées  voisines  ;  mais  il  peut  arriver  aussi  qu'après 
les  violences  qui  ont  brisé  et  redressé  les  couches  de  la 
surface  du  globe,  de  manière  à  les  soulever  sous  une  forme 
plus  ou  moins  annulaire ,  une  partie  de  la  masse  retombe 
et  ferme  aussitôt  l'issue  sinueuse  et  longue  de  plusieurs 
lieues,  ouverte  par  des  déchirements  et  de  violentes 
secousses  aux  efforts  des  substances  comprimées  :  alors  il  . 
n'y  a  qu'un  cratère  de  soulèvement  sans  volcan  véritable. 
Ainsi  se  sont  produits  quelques-uns  de  ces  Ilots  de  la  mer 
&  Sud,  qu'agrandissent  aujourd'hui,  de  manière  à  les 
transformer  en  îles  habitables,  les  efforts  si  faibles  en 
apparence,  si  puissants  en  réalité  par  leur  persévérence  et 
leur  action  continue ,  de  ces  êtres  infimes  dont  les  demeures 
forment  des  bancs  de  calcaire  tout  autour,  et  quelquefois 
même  de  dangereux  rescifs. 
Ces  phénomènes  ne  sont  pas  d'aujourd'hui,  et  les  roches 


246  PHILOSOPHIE 

volcaniques  ne  sont  pas  seulement  celles  qui  couleqt  sous 
la  forme  de  laves  des  soupiraux  modernes  du  globe;  mais 
dans  toutes  les  phases  de  sa  formation  la  terre  eut  ses 
soulèvements.  Les  basaltes  et  les  trachy tes  sont  des  roches 
ignées  qui  ont  précédé  les  nôtres  et  qui  ont  eu  aussi  leurs 
antérieures,  tout  comme  des  familles  d'animaux  anté- 
rieures aux  familles  de  coraux»  ont  travaillé  d'une  manière 
analogue  d'autres  substances  que  le  calcaire ,  par  exemple, 
la  silice  elle-même ,  ce  qu'Ehrenberg  a  prouvé  dans  ces 
derniers  temps. 

Un  volcan  réel  n'existe  pour  nous  que  là  où  la  nature 
a  créé  une  communication  permanente  entre  l'atmosphère 
et  l'intérfeur  du  globe.  Alors  on  voit  le  volcan  s'élever  au 
centre  d'un  cratère  de  soulèvement  ;  son  cône  d'éruption 
est  entouré  d'un  rempart  circulaire  de  roches.  Mais  il 
s'en  faut  de  beaucoup  que  cette  forme  régulière  se  produise 
toujours ,  quoiqu'il  y  ait  en  général  une  grande  identité 
d'aspect  entre  les  élévations  et  les  montagnes  produites  par 
les  mêmes  causes. 

De  Humbold  a  rendu  cette  pensée  avec  grandiose  et 
poésie  :  «  —  Lorsque  ,  dit-il ,  le  navigateur  éloigné  de  sa 
))  patrie  est  parvenu  sous  d'autres  cieux,  où  des  étoiles 
»  inconnues  ont  remplacé  les  constellations  accoutumées , 
M  il  voit  dans  les  îles  des  mers  lointaines ,  des  palmiers , 
»  des  arbustes  nouveaux  pour  lui  et  les  formes  étranges 
)>  d'ime  flore  exotique;  mais  la  nature  inorganique  lui 
»  offre  encore  des  sites  qui  lui  rappellent  les  dômes  arron- 
»  dis  des  montagnes  d'Auvergne ,  les  cratère  de  soulève- 
»  ment  des  Canaries  et  des  Açores,  le  Vésuve  et  les 
»  fissures  éruptives  de  l'Islande.  Un  coup-d'œil  jeté  sur 
»  le  satellite  de  notre  planète  permet  de  généraliser 
»  l'analogie  que  nous  venons  de  signale^.  Les  cartes  de 
))  la  lune,  dessinées  à  l'aide  de  télescopes  moyens,  nous 
»  montrent  la  surface  de  cet  astre  parsemée  de  vastes 
»  cratères  de  soulèvement  qui  entourent  des  éminences 
»  coniques  ou  qui  les  supportent  sur  leurs  enceintes  çir- 
»  culaîres.  11  est  impossible  de  méconnaître  ici  les  effets 
»  d'une  réaction  de  l'intérieur  du  globe  lunaire  contre  les 
))  couches  extérieures ,  réaction  éminemmèut  favorisée  par 


DU  SIÈCLE.  247 

»  la  faiblesse  de  la  pesanteur  qui  règne  à  la  surface  de 
»  notre  satellite.   » 

L'activité  des  volcans  est  généralement  en  raison  inverse 
de  leur  élévation.  Le  Stromboli  est  en  pleine  vie  depuis  les 
temps  d'Homère,  et  sert  de  phare  aux  navigateurs;  tandis 
que  des  montagnes  ignivomes,  six  et  huit  fois  plus  élevées, 
n'^itrent  en  éruption  qu'à  de  très-longs  intervalles. 

La  hauteur  de5  volcans  donne  la  mesure  de  la  force 
que  la  nature  a  employée  pour  les  produire.  Quelques^ 
uns  ne  sont  que  de  simples  collines ,  tandis  qu'il  existe  des 
e^nes  de  6,000  mètres  d'élévation.  En  supposant ,  ce  qui 
doit  être  passablement  exact,  tous  les  foyers  situés  à  la 
même  profondeur,  il  est  bien  évident  que  la  force  né- 
cessaire pour  élever  les  laves  depuis  le  foyer  jusqu'à  la 
partie  supérieure,  doit  varier  selon  la  hauteur  de  l'ouverture 
qui  leur  donne  une  issue.  De  Humbold,  qu'il  faudrait  citer 
à  chaque  ligne  si  Ton  voulait  être  complet,  en  décrivant  les 
phénomènes  terrestres,  signale  à  cette  occasion  la  série 
suivante  : 

Le  Stromboli ,  colline  qui  fume  tous  les  jours. 

Le  Guacamayo ,  707  mètres  ;  il  est  toujours  aussi  eu 
action. 

Le  Vésuve,  1,181  mètres. 

L'Etna,  3,313  mètres. 

Le  pic  de  Ténérife,  3,711  mètres. 

Le  Colopaxi ,  S,812  mètres. 

Toutefois  il  ne  conviendrait  pas  d'exagérer  la  valeur 
de  cette  remarque.  Il  n'est  pas  supposable  que  dans  les 
centres  d'action  volcanique,  la  croûte  solide  du  globe  ait 
plus  de  5  à  10  lieues  d'épaisseiu»  :  d'où  cette  conséquence 
que  la  pression  exercée  sur  les  liquides  terrestres  par  la 
colonne  à  laquelle  le  volcan  donne  issue,  n'est  pas  moindre 
de  SM>,000  mètres  de  roches  fondues  représentant,  à  cause 
de  leur  pesanteur  spécifique,  de  4  à  6  mille  atmosphères. 
Une  surélévation  de  6,000  mètres  ou  de  1,000  à  1,800 
atmosphères,  dç  4,000  mètres  ou  de  800  à  1,200  atmo- 
sphères ^a( 'son  toiportance,  mais  n'explic^ue  peut-être  pas 
sufBsaibmeïitl^â'étivité  continuelle  des  petits  volcans  et  la 
très-grande  intermittence  des  autres. 


248  PHILOSOPHIE 

Il  est  très-intéressant  d'observer  que  plus  les  volcans 
vieillissent,  plus  leurs  déjections  sont  pesantes,  et  que  les 
produits  volcaniques  antérieurs  à  l'apparition  de  rhomme 
avaient  un  poids  moindre  que  nos  laves  actuelles,  ce  qui 
s'explique  bien  naturellement  quand  on  prend  garde  que 
les  parties  les  plus  lourdes  ne  pouvaient  se  trouver  à  la 
surface  liquide  de  la  terre.  Il  est  rare  que  les  éruptions 
se  fassent  par  les  cônes  des  volcans  eux-mêmes,  et  c'est  ici 
surtout  qu'il  faut  tenir  compte  des  hauteurs  relatives. 
Plus  le  volcan  sera  élevé,  plus  il  y  aura  chance  qoe  la 
pesanteur  et  la  chaleur  de  la  lave  fondante  lui  ouvrent  une 
issue  latérale  vers  les  points  où  la  mdntagne  offre  le 
moins  de  résistance.  Il  se  forme  souvent,  dit  De  Humbold, 
des  cônes  d'éruption  sur  ces  fissures  lattérales ,  mais  c'est 
à  tort  que  les  plus  grands  sont  considérés  comme  des 
volcans  nouveaux.  Ce  n'est  pas  un  petit  travail  que  de 
créer  des  soupiraux  destinés  à  faire  communiquer  l'inté- 
rieur ,et  l'extérieur  de  la  terre  ;  il  est  toujours  plus  facile 
aux  laves  de  r'ouvrir  ceux  qui  existent,  fussent-ils 
obstrués  ,  que  d'en  percer  de  nouveaux.  Nous  ne  savons  au 
juste  quelle  est  la  pression  exercée  sur  les  laves  fondantes 
à  la  base  des  colonnes  auxquelles  nos  volcans  donnent 
issue,  mais  cette  pression  doit  souvent  atteindre  et  dépasser 
400,000  kilogrammes  par  décimètre  carré  de  surface. 
De  Humbold  a  encore  remarqué  que  les  volcans  entourés 
de  plateaux  élevés  ne  vomissent  presque  jamais  de  laves , 
quoique  leurs  détonations  se  fassent  entendre  à  plus  de 
cent  lieues  et  que  leurs  scories  incandescentes  donnent 
lieu  à  de  formidables  éruptions.  Nous  ne  savons  ce  qui 
se  passe  alors  dans  les  entrailles  de  la  croûte  terrestre ,  et 
si  les  laves  ne  s'y  logent  pas  de  temps  à  autre  dans  de 
grandes  fissures ,  laissant  les  produits  plus  volatiles  vaincre 
la  résistance  de  la  pression  et  s'épancher  au  dehors. 

M.  de  Buch,  qui  a  fait  une  si  belle  étude  des  volcans,  les 
divise  en  deux  classes  :  les  volcans  centraux  et  les  volcans 
établis  sur  des  chaînes.  Les  premiers  rayonnent  autour 
de  leur  centre  d'action  ;  les  seconds  sont  alignés  djns  une 
même  direction,  probablement  le  long  d'une  faitte'  ou 
grande  fissure  de  la  croûte  terrestre. 


DU  SIÈCLE.  249 

En  Europe  et  en  Asie  il  n'existe  pas  de  volcans  alignés , 
tandis  qu'ils  le  sont  tous  en  Amérique.  Les  volcans 
alignés  sont  donc  représentés  sur  la  terre  ferme  par  la 
chaîne  à  laquelle  ils  appartiennent ,  et,  dans  les  mers ,  par 
des  montagnes  sous-marines  indiquées  ça  et  là  par  des  îles. 

Voici,  d'après  Girardin,  le  relevé  des  volcans  actifs  et 
des  solfatares  ou  volcans  éteints  : 


HUlBMIHtNDK. 

81IRLBSC0NTINENS 

SUR  LES  ILES. 

TOTAL. 

Europe. 

Afrique. 

Asie. 

Amérique. 

Oeéanie. 

4" 
2 
i7 
86 

» 

20 
9 

29 

28 

108 

24 

114 
108 

109 

194 

505 

Davy,  après  avoir  découvert  le  potassium ,  le  sodium  et 
par  suite  toute  la  série  des  corps  analogues,  tels  que  le 
silicium,  raluminium,  le  magnésium,  etc.,  etc.,  supposa 
que  ces  métaux  pouvaient  exister  à  l'état  simple  dans  les 
entrailles  du  globe.  Il  devenait  alors  tout-à-fait  naturel 
d'expliquer,  par  les  infllrations  et  par  la  décomposition 
des  eaux,  tous  les  phénomènes  volcaniques  :  le  sodium, 
le  potassium,  le  silicium,  l'aluminium,  en  s'oxidaut,  pro- 
duisaient la  silice,  l'alumine,  la  potasse  et  lai  soude; 
développaient  une  énorme  chaleur,  une  immense  quantité 
de  gaz;  augmentaient  considérablement  de  volume  :  de  là 
les,. laves  et  les  produits  volcaniques;  de  là  encore  ces 
immenses  cavités  au  moyen  desquelles  l'on  peut  expliquer 
les  bruits  terribles  des  volcans  et  leur  tonnerre  souterrain. 
Le  voisinage  de  la  mer  qui  se  trouve  à  proximité  des  grands 
volcans  v^nait  à  l'appui  de  cette  théorie ,  en  faisant  jouer 
aux  chlorures  qu'elfe  renferme ,  un  rôle  important  dans 
les  opérations  chimiques  des  laboratoires^  des  monts  igni- 
vomes. 


250  PHILOSOPHIE 

Tout  en  critiquant  cette  théorie,  d'après  laquelle  il  devait 
se  produire  des  masses  d'hydrogène  que  Ton  ne  remarque 
pas ,  Gay-Lussac  la  modifia  en  admettant  que  les  phéno- 
mènes volcaniques  sont  dus  à  Faction  des  eaux  de  la  mer 
sur  les  alcalis  et  les  chlorures  contenus  dans  les  entrailles 
de  la  terre.  Il  explique  Facide  sulfureux  des  volcans  par 
la  décomposition  des  sulfates  à  une  température  élevée ,  et 
la  transformation  du  soufre  en  acide  sulfureux  au  contact 
de  Tair.  —  Il  suppose  qu'après  avoir  pénétré  par  des 
tissures  dans  de  grandes  cavités  souterraines,  la  mer  laisse 
refermer  ces  voies  conductrices.  Les  longues  intermittences 
des  vokans  lui  permettent  de  croire  que  les  feux  volcaniques 
ne  se  railiupent  que  peu  à  peu,  et  que  la  lave,  après  avoir 
obstrué  les  conduits  par  lesquels  l'eau  était  arrivée,  s'élève 
ensuite  par  son  dégorgeoir  accoutumé. 

Cette  théorie  est  bien  incomplète  :  1**  Il  y  a  des  volcans 
qui  ne  sont  pas  au  bord  de  la  mer  et  qui  laissent  échapper 
de  l'acide  chlorhydrique  ;  2"  il  est  bien  plus  naturel  que 
les  laves  suivent  un  conduit  tout  tracé  que  de  rompre,  pour 
s'ouvrir  une  route,  des  couches  de  roches  et  de  terrains 
consolidés  de  5,  6  et  10  lieues  d'épaisseur.  Sans  doute  les 
métaux  terreux  et  alcalins  et  les  chlorures  anhydres  sont 
susceptibles  de  produire  de  très^violentes  réactions  sous 
l'influence  des  infiltrations  aqueuses;  mais  rien  n'explique 
la  première  de  ces  intiltration&  dans  la  théorie  de  Gay- 
Lussac.  Nous  n'accepterons  donc  cette  théorie  que  pour 
les  phénomènes  accessoires  et  nullement  pour  les  phéno- 
mènes principaux.  Une  citation  intéressante ,  empruntée  à 
De  Humbold ,  va  compléter  notre-pensée  : 

«  Les  volcans. qui  s'élèvent  au-dessus  de  la  limite  des 
i)  neiges  perpétuelles  présentent,  comme  ceux  de  la  chaîne 
»  des  Andes ,  des  phénomènes  particuU^s.  Les  masses 
»  de  neige  qui  les.  recouvrent  fondent  subitement  pédant 
jt>  leséruptiojis,  et  produisent  des  inondations  redoutables, 
»  des  torrents  qui  entraînent  pôle*mèle  des  blocs  de  gbtcc 
»  et  des  scories  fumantes.  Ces  neiges  exercent  encore  une 
i)  action  continue  pendant  la  période  de  repos  du  volcan , 
>>  par  leurs  infiltrations  incessantes  dans  les  roches  de 
»  trachyte,. 


DU   SIÈCLE.  2ol 

a  Les  cavernes  qui  se  trouvent  sur  les  flancs  de  la 
»  montagne  ou  à  sa  base  sont  transformées  peu  à  peu  en 
«  réservoirs  souterrains  que  d'étroits  canaux  font  coramu- 
»  niquer  avec  les  ruisseaux  alpestres  du  plateau  de  HJuito. 
»  Les  poissons  des  ruisseaux  vont  se  multiplier  de  pré- 
»  férence  dans  les  ténèbres  des  cavernes ,  et  quand  les 
»  secousses  qui  précèdent  toujours  les  éruptions  des  Cor- 
»  dilières,  branlent  la  masse  entière  du  volcan,  les  voûtes 
»  s'entrouvrant  tout-à-coup,  Teau,  les  poissons,  et  les 
»  boues  tuffacées  sont  expulsés  à  la  fois. 
»   * , 

9  Dans  la  nuit  du  19  au  20  juin  1698,  le  sommet  du 
»  moot  Carguairaso,  de  6,000  mètres  de  hauteur,  s'écroula 
»  solMteDient ,  sauf  deux  énormes  piliers,  derniers  vestiges 
»  de  l'ancien  cratère.  Les  terrains  environnants  furent 
»  recouverts  et  rendus  stériles,  sur  une  étendue  de  près 
»  de  sept  lieues  carrées,  par  du  tuf  délayé  et  par  une  vase 
»  argileuse  contenant  des  poissons  morts.  Les  fièvre^ 
fl  pernicieuses  qui  se  déclarèrent  sept  ans  plus  tard*  dans 
»  la  ville  d'ibarra,  au  noni  de  Quito,  ferrent  attribuées 
»  à  la  putréfaction  d'un  grand  nombre  de  ces  poissons , 
»  que  le  volcan  avait  rejetés.  » 

Voilà  les  phénomènes  qu'explique  la  théorie  de  Gay- 
Lussao.  Que  l'eau  provienne  de  la  mer  ou  d'ailleurs ,  c'est 
elle  qui,  par  sa  pénétration,  les  produit,  mais  toujours 
à  la  surface  du  sol  ou  à  peu  de  profondeur.  Les  boues  et 
les  eaux  qui  sont  alors  expulsées  ne  sortent  pas  habi- 
tuellement du  cratère  lui-même ,  mais  bien  dés  cavernes 
qui  existent  dans  la  montagne  :  aussi  pensons-nous ,  avec 
De  Aimbold ,  que  leur  apparition  n'est  qu'un  phénomène 
accessoire  et  nullement  un  fait  téellement  volcanique.  On 
peut  en  dire  autant  de  cet  autre  phénomène ,  que  De 
Butobold  a  décrit  sous  le  nom  d'orage  volcanique. 

«  Des  vapeurs  d'eau  extrêmement  chaudes  s'échappent 
»  pendant  une  éruption,  s'élèvent  à  plusieurs  miliers  de 
»  mètres  dans  l'atmosphère  et  forment,  en  refroidissant, 
»  un  nuage  épais  autour  de  la  colonne  jde  cendres  et  de 
»  fumée.  Leur  condensation  subite  et,  selon  Gay-Lussac , 
»  la  formation  d'un  nuage  à  large  surface ,  augmentent 


253  PHILOSOPHIB 

»  la  tension  électrique.  Des  éclairs  sortent  en  serpentant 
»  du  sein  de  la  colonne  de  cendres.  On  distingue  parfai- 
»  tement  les  roulements  du  tonnerre  et  les  éclats  de  la 
i>  foudre  au  milieu  du  bruit  qui  se  produit  dans  l'intérieur 
»  du  volcan.  Tels  furent  en  effet,  en  1822,  dans  les  derniers 
»  jours  d'octobre,  les  phénomènes  qui  signalèrent  la  fin 
>j  de  l'éruption  du  Vésuve,  d'après  Olafsen.  La  foudre 
D  éclata  au  sein  de  ces  nuages  volcaniques  pendant 
»  l'éruption  du  Katlagia  (Islande),  le  27  octobre  1755  ; 
»  elle  tua  deux  hommes  et  onze  chevaux.  » 

Non-seulement  ces  faits  viennent  à  l'appui  de  notre 
opinion  sur  les  volcans ,  mais  le  dernier  justifie  complè- 
tement la  théorie  que  nous  avons  émise  sur  les  atmosphères 
sombre  et  brillante  de  notre  planète ,  à  cette  époque  où  sa 
surface  était  encore  brûlante.  Si,  de  nos  jours,  des  nuages 
de  vapeurs,  de  cendre  et  de  fumée  donnent  lieu,  en 
s'étalant ,  à  de  violents  orages  volcaniques,  et  par  suite  à 
de  grandes  réactions ,  combien  les  mêmes  causes ,  agissant 
sur  une  bien  plus  grande  surface ,  et  multipliées  par  des 
agents  beaucoup  plus  énergiques,  n'ont-elles  pas  dû 
donner  lieu  à  des  phénomènes  bien  plus  grandioses 
que  ceux  qui  nous  frappent  aujourd'hui  de  terreur  et 
d'admiration!  î  î 

M.  Cordier  a  recours  à  une  autre  théorie  pour  expliquer 
les  tremblements  de  terre  et  les  volcans.  Il  admet ,  ce  qui 
est  vrai ,  que  le  globe  est  dans  un  état  de  refroidissement 
progressif;  que  par  suite  la  rapidité  de  rotation  de  la 
terre  doit  augmenter.  Il  admet  encore  que  les  pôles  doivent 
en  conséquence  se  rapprocher.  Il  établit  qu'une  diminution 
de  1/500  de  milimètre  dans  le  rayon  terrestre  correspond 
à  un  kilomètre  cube  d'éjaculation  volcanique.  Il  en  oonclut 
qu'un  retrait  d'un  miUmètre  dans  le  rayon  de  la  terre 
fournirait  de  quoi  alimenter,  pendant  {dusieurs  siècles,  les 
éruptions  des  volcans  ;  puis  acceptant  (et  ici  il  quitte  le 
fait  pour  l'hypothèse  cfenuée  de  preuve)  que  la  surface 
intérieure  de  la  croûte  solide  est  couverte  d'inégaUtés, 
qu'elle  présente  de  vastes  cavités  rempUes  de  gaz;  il 
explique  les  oscillations  et  les  tremblements  de  terre  par 
leur  déplacement  plus  ou  moins  rapide.  Les  craquements 


DU   SIÈCLE.  255 

seraient  le  résultat  du  froissemeot  les  uns  sur  les  autres  des 
terrains  déplacés  ;  quant  aux  laves ,  elles  seraient  éjaculées 
sons  la  pression  du  retrait  de  la  croûte  terrestre. 

Cette  théorie  est  trè&-ing^ieuse  ;  mais  il  nous  semble  plus 
naturel  d'attribuer  aux  simples  retraits  résultant  du  refroi- 
dissement de  l'écorce  du  globe  les  phénomènes  volcaniques  : 
alors  ils  deviennent,  ainsi  que  les  tremblements  de  terre,  un 
simple  effet  et  la  conséquence  physiologique  de  la  fracture 
des  couches  de  cette  écorce  ;  ils  succèdent  aux  grandes 
disbcations ,  au  heu  de  les  produire  et  de  les  précéder. 
Aussi  tous  les  volcans  sont-ils  placés  sur  une  ligne  de  Mie 
de  montagnes,  c'est-à-dire  sur  une  ligne  où  la  brisure  des 
couches  du  globe  a  permis  aux  matières  incandescentes  de 
Tintérieur  de  se  glisser  plus  facilement  et  d'arriver  avec 
moins  d'efforts  à  la  surface  de  la  planète. 


FUHAROLLBS,  SALZES,  GEYSERS  ET  SOURCES 
CHAUDES. 


A  côté  des  tremblements  de  terre  et  des  volcans,  les 
fmnaroUes ,  les  geysers ,  les  volcans  de  boue  ou  salzes  et 
les  sources  d'eaux  chaudes  sont  des  phénomènes  bien 
secondaires,  quoiqu'ils  méritent  à  tous  égards  de  fixer 
notre  attention. 

Les  fumaroUes  sont  des  éruptions  de  vapeurs  qui 
s'échappent  du  sol  par  des  crevasses ,  à  une  température 
très-élevée  et  bien  supérieure  à  100  degrés.  Quelquefois 
leurs  eolonnes  ont  une  élévation  de  10,  là,  30,  35  mètres. 
Presque  toujours  elles  produisent,  en  sortant  des  entrailles 
du  sol ,  le  bruit  de  ces  jets  de  vapeur  qui  s'échappent  de 
DOS  machines  à  haute  pression ,  dans  lesquelles  il  n'v  a  pas 
d'appareil  condensateur.  On  les  observe  dans  les  solfatares, 
dans  les  cratères  des  volcans  et  même  dads  quelques  autres 
terrains. 

11* 


254  PHILOSOPHIE 

L'Italie  présente^  en  Toscane,  une  ligne  de  ces  fumaroUes 
qui  peut  avoir  dix  lieues  de  long.  Les  jets  de  vapeur  s'y 
trouvent  sur  plusieurs  points,  quelquefois  au  nombre  de 
10^  SO,  SO.  On  pense  que  la  ligne  qu'ils  tracent  sur  le  sol 
correspond  à  une  brisure  de  couches  souterraines. 

On  nomme  geysers,  des  sourcesjaillissantes  qui  projettent 
de  Tcau  bouillante.  Quelques-unes  sont  intermittentes;  cm 
cite  surtout  celle  d'Islande ,  qui  aurait  par  fois  6  mètres  de 
diamètre  et  50  d'élévation.  La  haute  température  de  ces 
eaux  leur  permet  de  dissoudre  une  foule  de  substances 
insolubles  dans.nos  eaux  froides.  Celles  d'Islande  déposent 
une  grande  quantité  de  silice. 

Les  volcans  de  boue  sont  des  cônes  de  peu  d'élération 
qui  laissent  échapper  par  leur  sommet,  du  gaz,  de  l'eau,  de 
la  vase  ;  il  en  existe  dans  le  Modènais,  en  Sicile,  en  Crimée, 
dans  la  province  de  Carthagène,  dans  l'Amérique  méri- 
dionale. De  Humbold  a  rendu  ces  derniers  célèbres  en  les 
décrivant.  Il  y  en  a  encore  en  Chine  et  dans  l'Indoustan. 
Quelquefois  ces  volcans  donnent  lieu  à  de  légers  trem- 
blements de  terre,  mais  leurs  commotions  ne  se  font 
jamais  ressentir  au  loin. 

Les  sources  d'eau  chaude  ont  joué  un  grand  rôle  dans 
les  époques  géologiques;  on  leur  doit  la  formation  d'un 
grand  nombre  de  terrains  que  leurs  solutions  ont  laissé 
déposer.  Elles  sont,  ainsi  que  les  sources  de  gaz,  des 
conséquences  de  la  chaleur  centrale,  mais  leur  rôle  s'est 
bien  réduit.  Leur  température  kidique  approximativement 
la  profondeur  à  laquelle  elles  passent  avant  d'arriver  à  la 
surface  du  sol.  Une  source  de  50  degrés  a  dû  presque 
nécessairement  traverser  des  terrains  situés  à  cinquante  fois 
trente  aaètres,  c'est-à-dire  à  1,600  mètres  avant  d'arriver 
au  sol. 

La  source  de  Vichy  a  déposé  une  masse  de  calcaire 
considérable,  sur  laquelle  est  bAtie  la  ville  de  Vichj  même, 
et  cependant  aujourd'hui  Teau  de  Vichy  ne  contient  guère 
de  chaux.  Les  eaux  du  Mont-d'Or,  qui  ne  contiennent 
plus  de  silice,  ont  jadis  déposé  des  masses  de  cette 
substance.  A  Saint-Nectaire  ^  les  eaux  ont  successivement 
déposé  de  l'arragonite   ou  carbonate  de   chaux,   de  la 


DU  SIÈCLE.  355 

silice ,  de  l'ocre  très*friable ,  puis  du  travertin  ;  et  c'est 
encore  ce  qu'elles  déposent  aujourd'hui.  Il  suffit  de  ces 
exemples  pour  montrer  comment,  dans  les  époques 
antérieures ,  les  sources  d'eau  chaude  ont  pu  contribuer  à 
la  formation  de  nombreux  terrains. 

Nous  trouvons,  en  France,  plusieurs  sources  d'une  tem- 
pérature élevée;  celles  de  Chaudes- Aiguës  sont  à  88 
degrés  ;  celles  de  Dax ,  à  60  degrés;  celles  de  Bourbonne,  à 
50  degrés. 

Les  puits  artésiens  nous  seront  un  jour  un  moyen  puissant 
dont  l'homme  pourra  et  devra  disposer  pour  se  procurer 
des  eaux  thermales. 


DES  FILONS  METALLIQUES. 


n  y  a  deux  opinions  sur  le  remplissage  des  filons  ou 
fentes  de  la  croûte  terrestre  par  des  métaux  et  des  sels. 
Les  uns  demandent  à  l'action  marine  ou  lacustre  des  eaux 
l'explication  du  phénomène,  d'autres  à  la  sublimation  et  à 
la  pàiétralion  des  couches  terrestres  de  bas  en  haut. 
Ces  deux  expUcations  s'appliquent  à  quelques  cas,  mais 
naliement  à  tous,  il  est  une  troisième  explication  qui 
complète  les  deux  premières ,  c'est  d'attribuer  certains 
filons ,  certaines  masses  minérales ,  à  la  déposition ,  sur  le 
globe,  de  substances  jadis  subUmées-  et  répandues  dans 
notre  atmosphère  «ous  forme  de  vapeurs.  Ajoutez  à  ces 
trois  explications  l'action  lente  des  puissances  électro- 
chimiques  les  plus  faibles,  mais  les  moms  contestables ,  et 
vous  aurez  la  solution  de  tous  les  cas  qui  peuvent  se  pré- 
senter À  voire  examen. 


256  PHILOSOPHIE 


LIVRE  IV. 


DES  VIES  VEGETALES. 


Un  Yogétal  est  un  être  collectif,  une  association  d'orga- 
nismes, un  produit  véritable  dont  les  facteurs  principaux 
sont  les  cellules ,  les  bourgeons  ou  gemmes ,  les  feuilles  et 
les  organes  reproducteurs. 

Un  axe  inférieurement  développé  en  racine  et  supérieu- 
rement en  tige ,  voilà  la  forme  générale  des  plantes  :  les 
végétaux  ont  par  suite  une  polarité  très-accentuée.. 

Turpin  a  donné  le  nom  d'appendimlaires  à  leurs  organes 
latéraux. 

La  symétrie  végétale  n'est  pas  celle  des  cristaux ,  mais 
n'en  existe  pas  moins  ;  elle  a  préoceupé  les  botanistes  les 
plus  distingués  par  leur  esprit  philosophique  :  Dupetît- 
Thouars,.  Decandolle  qui  a  signalé  les  causes  de  ces 
modifications  plus  apparentes  que  réelles ,  Robert  Brown , 
Gaudichaud  ,  Moquin-Tandon  et  beaucoup  d'autres  encore. 

Les  sympathies  des  végétaux  pour  la  lumière  et  le  soleil, 
sympathies  qui,  dans  mUle  circonstances,  modifient  leur 
développement,  nous  montrent  que  leur  polarité  se  rattache 
aux  phénomènes  généraux  de  la  vie  de  la  nature. 

Au  premier  abord  certains  cristaux,  ceux,  par  exemple, 
qui  ont  trois  axes  dissemblables  obUques,  présentant  entre 
eux  des  rapports  quelconques  de  grandem*,  de  telle  sorte 
que  le  choix  de  l'axe  principal  soit  complètement  indiflEé- 
rent ,  paraissent  sortir  de  la  série  des  cristaux  réguliers  et 
faire  mentir  la  loi  que  nous  avons  signalée ,  tandis  qu'ils 


BU  SIÈCLE.  257 

composent  le  sixième  ordre  des  cristallisations.  —  De 
même,  il  y  a  des  familles  végétales  uniquement  composées 
de  genres  dont  les  verticelles  sont  irréguliers,  celtes  des 
polygalées,  par  exemple ,  et  cependant  une  analyse  xm  peu 
suivie  les  rattache  immédiatement  au  grand  plan  a  ensemble 
des  végétaux. 

Nous  n'avons  pas  essayé  de  définir  le  végétal ,  et  nous 
nous  garderons  bien  de  dire  qu'il  faut  appeler  de  ce  nom 
les  êtres  organiques  privés  de  sensibilité.  La  sensitive,  que 
Ton  peut  chloroformiser,  a  sa  sensibilité  végétale  très 
développée ,  quoique  différente  de  la  sensibilité  animale  et 
surtout  de  la  sensibilité  humaine ,  parce  que  les  facultés  et 
les  fonctions  présentent  des  ressources  et  des  pouvoirs 
différents,  selon  les  divers  étages  de  l'échelle  des  êtres. 

L'organisation  anatomique  des  végétaux,  plus  simple  que 
celle  des  animaux ,  est  singulièrement  plus  complexe  que 
cële  des  minéraux.  Leur  liberté  est  plus  étendue ,  plus 
développée. 

La  substance  vésiculaire  parait  aujourd'hui  dans  l'état 
actHel  de  la  science ,  l'élément  primordial  des  végétaux  et 
des  animaux  :  tout  semble  en  dériver. 

Dans  le  végétal,  la  substance  vésiculaire  forme  des 
bourgeons;  ceux-ci  donnent  naissance  à  des  feuilles  et 
à  toutes  les  transformations  que  les  feuilles  peuvent  subir. 

Ce  théorème  n'entraîne  point,  comme  conséquence,  que 
le  bourgeon  soit  feuille  d'abord  et  se  transforme  ftdbite- 
ment  '  en  élamine  ;  mais  il  signifie  que  l'on  passe  du 
bourgeon  à  la  fleur,  de  la  feuille  à  l'étamine  par  ainsensi- 
blés  transformations. 

Ce  théèréme  suppose  encore^,  ce  qui  est  vrai,  que  les 
arrêts  de  développement  dans  la  vie  d'un  végétal  puissent 
Qe  piésenter  qu'une  feuille  là  où  nous  nous  attendons  h 
trouver  une  élamine  :  c'est  ce  qui  a  lieu  fréquemment. 
Xous  ne  cherohercois  point  à  suifvre ,  en  nous  appuyant  sur 
des  exemples  9  les  changements  que  subit  la  feuiUe  en 
devenant  bractée,  sépale,  pétale,  étamine,  carpelle  et 
périspenne  ;  il.  nous  suffit  d'indiquer  quelle  est  la  voie 
suivie  par  la  botanique  moderne ,  et  comment,  pour  elle, 
la  multiplicité  et  la  variété  naissent  de  Tunité. 


258  PHIIOSOPHIB 

Les  végétaux  ont  une  polarité  très-accentuée ,  avons-nous 
dit.  Leur  racine  se  dirige  vers  les  entrailles  de  la  terre  ;  leurtige 
en  sens  inverse.  Cependant  si,  à  l'exemple  de  Knight,  on  place 
des  graines  prêtes  à  germer,  sur  la  roue  d'une  meule  de 
moulin ,  on  remarque  que  les  radicules  subissant  l'action 
de  la  force  centrifuge  et  non  celle  de  la  pesanteur,  se  diri- 
gent vers  la  circonférence. 

Malgré  ce  que  nous  avons  déjà  dit  de  l'origine  des 
végétaux ,  au  livre  précédent ,  nous  croyons  devoir  revenir 
en  quelques  mots  sur  cette  grande  question. 

C'est  une  règle  générale  dans  la  nature  que  les  incuba- 
tions des  germes  se  fassent  à  l'abri  de  la  lumière  et  sous 
l'influence  d'une  douce  chaleur.  Les  êtres  les  plus  parfaits, 
l'homme  lui-même ,  proviennent  d'œufs  qui  sont  incubés 
au  dedans  de  la  mère,  et  qui  possèdent  un  placenta  auquel 
le  fœtus  est  fixé  dans  le  premier  âge  ;  puis  un  amnios  ou 
liquide  chaux  et  albumineux,  nécessaire  au  développement 
d'une  vie  trop  faible  encore  pour  se  mouvoir  dans  un  autre 
milieu.  La  nature  nous  paraît  avoir  profité  de  ce  moment 
passager  qui,  dans  l'exi&tence  delà  terre,  a  duré  peut-être 
quelques  milliers  d'années,  où  les  mers  étaient  chaudes  et 
formaient  un  liquide  plus  dense  et  plus  onctueux  qu'au- 
jourd'hui ,  où  quelques  collines  se  dessinaient  à  peine  à  la 
surface  des  eaux,  où  l'atmosphère  chargée  d'énormes 
vapeurs  couvrait  d'un  voile  protecteur  ses  premières  opé- 
rations créatrices  en  les  dérobant  aux  ardeurs  du  soleil , 
pour  procéder  à  la  grande  incubation  des  gennes  des  êtres 

ui  devaient  exister ,  faisant  ainsi  des  crêtes  émergeantes 

e  nos  collines  le  placenta  des  espèces  futures  et  des  mers 
un  immense  amnios.  Alors  se  développèrent  la  vie  animale 
et  la  vie  végétale  par  des  formations  très^rudimentaires ,  et 
le  grand  arbre  des  existences  futures  ne  parut  avoir  qu'une 
seule  souche  avant  cette  bifurcation,  qui,  par  des  organes 
de  plus  en  plus  distincts,  a  lentement  séparé  chaque  jour 
les  végétaux  des  animaux ,  formant  ainsi ,  des  deux  grandes 
séries  des  êtres  organisés,  un  couple  nouveau,  une  pile 
galvanique  gigantesque,  destinée  à  fabriquer  les  produits 
de  ce  laboratoire  terrestre  au  sein  duquel,  selon  le  plan 
providentiel  de  la  nature,  l'humanité  doit  un  jour  manifester 


ï 


BU  SIÈCIB.  259 

ses  progrès  en  participant  à  l'œuvre  de  Dieu  par  une  série 
de  créations  appropriées  à  ses  triples  besoins  physiques , 
moraux  et  intellectuels. 

Aujourd'kui  que  les  recherches  modernes  nous  ont 
appris  que  la  vie  animale  domine  dans  les  profondeurs 
océaniques  au  sein  d  une  nuit  éternelle ,  tandis  que  la  vie 
végétale  se  répand  plus  abondamment  à  la  surface  des 
eaux  et  sur  les  continents ,  ces  anciens  placentas  de  leurs 
premiers  germes,  nous  trouvons  dans  ce. fait  une  induction 
<ie  plus  dans  Tordre  de  nos  conceptions  philosophiques  sur 
les  (Hngines  et  le  développement  des  deux  grandes  séries 
de  vies  dont  nous  esquisserons  largement  les  principaux 
phénomènes. 

Les  botanistes  ont  classé  les  végétaux  par  séries  de  fa- 
milles naturelles.  Cette  classification ,  la  plus  philosophique 
de  toutes,  a  le  grand  avantage  de  commencer  par  les  végé^ 
taux  les  plus  simples,  les  moins  organisés,  pour  s'élever 
sacces^vement,  par  d'insensiUes  transitions,  aux  v^étaux 
les  plus  organisés. 

L'ensemble  des  familles  végétales  forme  trois  embran- 
chements, lorsque  l'on  considère  leur  manière  de  se 
reproduire  et  lorsque  Ion  étudie  les  premiers  jours  de  leur 
développement. 

Les  végétaux  acotylédonés  sont  ceux  dont  les  oi^anes 
de  reproduction  ne  nous  sont  pas  bien  connus.  Dans  cette 
grande  famille,  la  structure  est  quelquefois  entièrement 
cellulaire ,  sans  axe ,  sans  quoi  que  ce  soit  qui  ressemble  à 
des  feuilles;  d'autres,  plus  organisés,  arrivent  à  posséder 
un  axe  et  des  feuilles  connues  sous  le  nom  de  fronde 
foliacée.  Les  algues  sont  dans  le  premier  cas;  les  hépati- 
ques et  les  mousses,  dans  le  second.  D'autres,  acotylédonés, 
possèdent  une  organisation  cellulo-vasculaire  ;  leurs  or- 
ganes r^roduQteurs  sont  connus  et  diversement  disposés; 
leur  structure  est  beaucoup  plus  parfaite.  Les  équisétacées, 
les  lyeofKKliacées ,  les  fougères  appartiennent  à  cette  nou- 
velle série. 

Lorsque  l'embryon  du  végétal  se  développe  par  une 
extrémité  à  un  seul  lobe  dans  la  partie  qui  correspond  à 
la  tige,  la  plante  appartient  à  l'ordre  des  monocotylédo- 


360  PHILOSOPHIB 

nés;  elle  appartient  à  celui  des  dycôtilédonés  lorsque 
rembryoo  présente  une  division  profonde ,  et  par  suite 
deux  lobes  à  cette  même  extrémité.  Sous  le  rapport  de 
l'organisation ,  les  dycôtilédonés  l'emportent  de  beaucoup 
sur  les  monotylédonés. 

Le  règne  animal  des  mondes  primitifs  a  successivement 
varié  ;  il  a  marché,  dans  ses  progrès  organiques,  parallèle- 
ment à  l'agrandissement  des  terres  émergées ,  à  répuration 
des  eaux  de  la  mer,  à  l'épuration  de  l'atmosphère  et  aux 
progrès  des  espèces  animales.  Les  époques  successives  de 
la  vie  du  globe  ont  eu  leurs  flores  successives  et  en  même 
temps  progressives. 

Les  plus  infimes  des  végétaux ,  les  algues  marines, 
apparaissent  seules  dans  le  terrain  cambrien  et  même  dans 
la.  plupart  des  formations  siluriennes. 

Le  terrain  dévonien  nous  offre  des  végétaux  appartenant 
à  des  familles  plus  organisées^  des  calamités  et  des  lyco- 
podiacées.  Probablement  c'est  à  la  vascularité  et  à  la 
nature  moins  développée  des  acotylédonées  de  cette  époque 
qu'il  faut  attribuer  la  structure  particulière  de  l'anthracite, 
qui  est  de  la  même  date. 

Le  terrain  carbonifère  est  la  quatrième  étape  parcourue 
par  la  substance  végétale  dans  ses  pérégrinations  à  travers 
les  âges.  La  flore  de  cette  époque  est  assez  riche  pour 
que  d^'à  l'on  ait  pu  classer  près  de  quatre  cents  espèces 
fossiles  qui  lui  appartieonent  :  ce  sont  des  fougères ,  puis 
des  monocotyliédonées ,  à  savoir,  des  gazons,  des  liliacées, 
des  palmiers^  puis  des  dycotilédonées  inférieures,  telles 
que  des  conifères  et  des cycadées.  Parmi  toutes  ces  plantes, 
nous  remarquons  avec  intérêt  des  calamités  et  des  lycopo- 
diaoées  grandes  comme  nos  arbres ,  des  léjHdodendrons 
squammeux ,  des  stigmaria  pareils  aux  cactus,  des  sigiUaria 
de  vingt  mèbres  de- longueur,  des  fougères  aussi  élevées 
que  eelles  de  nos  pays  équatoriaux,  des  frondes  nombreuses 
et  variées,  des  naïades,  des  conifères  presque  pareils  à 
nos  pins  du  genre  araucaria.  Cette  flore  aux  formes  étranges, 
qui  réclamait  un  air  plus  chaud  et  plus  chargé  d'acide 
carbonique,  a  vécu  jusqu'au  grand  dépôt  de  la  craie  et 
et  même  jusqu'à  l'apparition  de  ses  dernières  couches. 


BU  SIÈCLB.  261 

Quelle  û  été  la  durée  de  Tépocpie  houillère  ?  11  est  difficile 
de  l'apprécier  ;  mais  mille  siècles  ou  cent  mille  années  de 
la  végétation  de  nos  forêts  ne  suffiraient  pas  pour  produire 
un  sSmiI  des  lits  de  charbon  du  Creuzot  ;  il  faudrait  au 
moins  cinq  cent  mille  ans  pour  fournir  les  dép6ts  de 
houille  de  Saarbruck,  J'admets  qu'à  cette  époque  la  vie 
végétale  pouvait  être  deux  fois ,  trois  fois ,  cinq  fois  plus 
active  :  e  est  encore  cent  mille  années ,  pour  le  moins , 
qu'aurait  duré  la  formation  houillère.  Remarquons  main- 
tenant que  les  espèces  géologiques  complètent  la  série  de 
nos  végétaux  actuels.  De  Humbold,  qui  s'est  occupé 
de  cette  question,  fait  observer  que  les  lépidodendrons 
géologiques  se  placent,  d'après  Lindley,  entre  les  conifères 
et  les  l^eopodites  ;  il  fait  remarquer  encore  que  les  végétaux 
géologiques  ne  sont  point  répartis  confusément  dans  les 
Uts  superposés  de  charbon  de  terre ,  sans  distinction  de 
genre  ni  d'espèce  ;  que  le  plus  souvent ,  au  contraire ,  ils 
y  sont  disposés  par  genres  ,  de  telle  sorte  que  les  lycopo- 
dites  et  certaines  fougères  se  trouvent  dans  une  couche , 
les  stigmaria  et  les  sigillaria  dans  une  autre  :  d'où  cette 
double  conclusion,  que  la  vie  végétale  a  toujours  progressé, 
et  que  de  plus  elle  a  dû  exiger  bien  des  milliers  d'années 
pour  recouvrir  successivement  la  môme  surface  de  genres 
et  d'espèces  différentes. 

Les  lignîtes  des  trois  périodes  qui  ont  précédé  l'époque 
contemporaine  sont  un  charbon  brun  dans  lequel  on  trouve 
les  plantes  géologiques  acotilédonées  des  autres  âges , 
d'autres  arbres  de  la  ztoe  torride  et  des  conifères. 

Des  palmi^^s  et  des  cycadées  apparaissent  encore  dans 
le  terrain  tertiaire  moyen  ;  mais  la  végétation  du  terrain 
tertiaire  supérieur  offre  la  plus  grande  analogie  avec  notre 
Bore  actueUe.  Toutefois  les  espèces  géologiques  de  cette 
formation  sont  remarqueil>les  par  leur  énorme  volume  :  c'est 
ainsi  qu'on  a  trouvé  à  Yseux,  près  d'Abbeville,  un  chêne 
de  4  mètres  1/3  de  diamètre ,  c'est-à-dire  âgé  de  mille  ans^ 
au  moins  lorsqu'il  fut  enseveli  dans  la  tourbière  où  il  s'est 
conservé. 

Si  de  l'histoire  du  passé  nous  revaions  à  notre  époque 
moderne  t  à  l'étude  qu'elle  fait  et  qu'elle  pourrait  faire  des 


262  PHILOSOPHIE 

cent  soixante  mille  plantes  connues ,  pour  les  approprier  à 
ses  besoins  et  les  modifier  de  la  manière  la  plus  protitable, 
nous  arrivons  tout  naturellement  à  rénumération  de  nos 
ressources  en  richesses  végétales  ;  toutefois  nous  passerons 
outre  en  faisant  remarquer  seulement  que  les  végétaux 
sont  un  moyen  de  reporter  le  sol  sur  les  terrains  dénudés, 
de  fixer  les  sables  errants,  de  produire  de  la  nourriture 
herbacée  pour  ceux  des  animaux  qui  en  vivent ,  et  de 
fournir  à  Thomme ,  pour  ses  besoins  domestiques  et  écono- 
miques ,  des  combustibles ,  des  bois  de  construction ,  des 
denrées  alimentaires  et  ces  mille  produits  que  nous 
employons  dans  les  arts  et  dans  la  pharmacie ,  soit  pour 
embellir  nos  demeures ,  soit  pour  conserver  notre  existence. 
A  la  botanique  générale  se  rattachent,  au  point  de  vue 
scientifique,  le  commerce  des  graines  et  des  farines,  l'agri- 
culture, rhorticulture,  le  commerce  des  denrées  exotiques 
et  celui  des  drogues;  et  la  physiologie  qui  résulte  de  ses 
investigations  forme,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  la 
préface  de  deux  physiologies  plus  élevées-:  les  physiologies 
animale  et  sociale. 

Le  philosophe  ne  se  borne  pas  à  étudier  l'utilité  des 
choses.  Le  bien-être  matériel  et  les  jocdssanoes  sensuelles 
ne  sauraient  lui  sufiire  ;  il  n'y  voit  que  l'un  des  éléments 
du  bonheur  idéal  auquel  il  aspire  dans  sesrÔTeries.  Il  a 
besoin  d'une  nourriture  intellectuelle  et  morale  :  aussi 
demande-t-il  à  la  nature  le  secret  de  ses  merveilles,  et  aux 
lois  régulatrices  de  la  vie ,  les  mystérieuses  pensées  de  la 
providence.  Si  peu  savant  qu'il  soit,  il  a  besoin  d'être 
renseigné  sur  les  phénomènes  des  diverses  organisations , 
sur  les  progrès  de  la  science  et  les  espérances  de  l'avenir. 
Sachant  quelque  peu  d'où  il  vient ,  U  a  la  prétention  de 
vouloir  savoir  où  il  va ,  et  d'éclairer  au  flambeau  de  l'étude 
la  route  qu'il  doit  parcourir.  Essayons  donc  de  résumer 
rapidement  les  généralités  sur  les  organes,  les  fonctions 
et  les  transformations  des  végétaux  que  tout  homme  un 
peu  complet  a  besoin  Je  connaître  pour  se  faire  à  lui- 
même  sa  petite  encyclopédie  et  comprendre  le  lien  qui 
unit  toutes  les  existences. 

L'embryon  ou  spore  d'un  végétal  acotylédoné  n'est  en 


DU  SIÈCLB.  S6S 

génial  qu'un  simple  réservoir  (  utrieule  )  rempli  d'une 
substance  granuleuse.  Placé  dans  des  circonstances  favo- 
rables, la  partie  qui  appuie  sur  le  sol  devient  une  racine 
tubolaire,  tandis  que  1  extrémité  opposée  s'élargit.  Pour 
beaucoup  il  ne  se  produit  pas  de  tige.  Les  premiers 
rudiments  de  cet  organe  se  montrent  sous  la  forme  de 
cellules  accoUées  présentant  souvent  une  série  de  tubes. 
Viennent  ensuite  des  tiges  plus  compliquées ,  formées  de 
cellules  disposées  autour  d'un  axe  qui  est  dépourvu  de 
vaisseaux  :  leur  apparition  constitue  un  nouveau  Qpgrès. 
Sous  ce  rapport,  les  lycopodes  sont  plus  organisés  que 
les  mousses,  comme  les  mousses  le  sont  plus  que  les 
eharas ,  et  les  charas  que  les  plantes  rudimentaires.  Les 
fougères  ne  sont  pas  toujours'  herbacées  comme  dans 
DOS  contrées  ;  elles  s'élèvent  souvent  à  15  et  20  mètres 
dans  les  pays  équatoriaut,  ce  qui  a  eu  lieu  aussi  pour 
d'autres  espèces  aux  époques  géologiques;  mais  leurs 
liges  ne  croissent  nue  par  leur  extrémité  supérieure  et 
par  Talloiigement  ces  faisceaux  déjà  formés.  Si  parfois 
elles  sont  bifurquées ,  cela  tient  à  Texistence  primitive  de 
deux  bourgeons  terminaux  qui  ont  vécu  accollés  pendant 
i(»ig'temps  avant  de  se  dédoubler.  Coupée  perpendiculaire- 
ment à  l'axe ,  la  tige  d'un  arbre  acotylédoné  présente 
de  gros  faisceaux  ligneux  rangés  en  cercle  vers  sa  circon- 
férence ;  ces  faisceaux  sont  entourés  extérieurement  et 
intérieurement  de  tissu  cellulaire.  —  Dans  les  mono- 
colylédonées ,  les  faisceaux  ligneux  sont  disposés  dans 
l'ordre  apparent.  Le  centre  reste  tout-à-fait  cellulaire, 
mais  dépourvu  de  cette  organisation  qui  en  forme  un  étui 
médullaire,  de  telle  sorte  que  l'axe  est  encore  imparfait. 
Le  tronc  des  arbres  de  cette  série  est  élancé ,  uniforme , 
dépourvu  de  branches  et  de  rameaux ,  et  présente  seule- 
ment à  son  sommet  une  touffe  de  feuilles  ou  quelques 
branches  touffues.  La  solidité  de  leur  tige  décroit  de  la 
circonférence  au  centre. 

Pour  les  dycotilédonés,  comme  l'orme,  l'acacia,  le  chêne, 
la  lige  est  beaucoup  plus  compliquée.  Au  centre,  l'on  trouve 
la  moelle  ;  plus  en  dehors,  des  fibres  ligneuses  qui  servent 
aux  usages  de  nos  industries.  En  contact  avec  la  moelle , 


364  PHILOSOPHIE 

existent  des  vaisseaux  appelés  trachées.  D'autres  sont 
plus  gros  et  plus  extérieurs.  Sur  les  fibres  ligneuses,  se 
trouve  appliqué  le  système  cortical  qui  se  compose  de  Tépi- 
derme  et  de  trois  couches;  les  deux  extérieures  sont 
cellulaires,  la  troisième  est  fibreuse.  —  Le  tissu  cellulaire 
qui  sépare  la  couche  ligneuse  de  la  couche  corticale  sera 
plus  tard  le  siège  d'une  fluxion  de  liquides  et  d'une  orga- 
nisation de  deux  feuillets,  Tun  cortical,  l'autre  ligneux, 
phénomène  qui  se  répète  chaque  année.  C'est  pour  cela 
que  la  coloration  et  la  dureté  diminuent  du  centre  à  la 
circonférence. 

Les  racines,  comme  les  tiges,  secom posent  et  s'organisent 
depuis  les  algues  jusqu'aux  plusi  parfaits  des  cotylédonees. 
Rudimeutaires  dans  la  première  série,  elles  ont  pour 
les  monoeotylédonées  la  même  structure  que  la  tige.  Ce 
fait  n'est  pas  aussi  absolu  pour  les  dicotylédonées  ;  cepen- 
dant leurs  racines  conservent  l'étui  médullaire  et  se  déve- 
loppent de  la  même  façon. 

Les  feuilles  sont  aqueuses  ou  aériennes  selon  que  la 
plante  vit  dans  l'air  ou  dans  l'eau.  Elles  ont  deux  faces  et 
un  parenchyme.  La  partie  inférieure  est  plus  vasculaire  que 
la  partie  supérieure.  Les  feuilles  aqueuses  n'ont  pas  d'épi- 
derme,  et  leur  structure  est  très-différente. 

Dans  les  angles  compris  entre  les  tiges  et  les  feuilles , 
naissent  les  bourgeons,  qui  ne  sont  autre  chose  que  le 
premier  ftge  des  branches.  On  les  a  comparés  aux  embryons 
dont  ils  diffèrent,  parce  qu'ils  font  partie  d'un  végétal  tout 
formé  et  parce  que  leurs  premières  feuilles  ne  sont  nullement 
charnues  et  nullement  destinées,  comme  les  cotylédons,  à 
fournir  à  leur  nourriture. 

Comment  s'exécutent  les  fonctions  des  végétaux?  Beux 
liquides,  l'un  très-aqueux,  l'autre  plus  dense,  séparés  par 
une  membrane  perméable  pouvant  servir  de  filtre,  se 
mêlent ,  mais  de  telle  sorte  que  le  premier  augmente  rapi- 
dement en  volume  aux  dépens  du  second  qui  filtre  à 
travers  le  tissu  membraneux  :  ce  fait  porte  le*  nom  d'en- 
dosmose ou  d'imbibition^  et  il  explique  tràs4:iiet)  l'absorption 
des  végétaux.  Locsque  Du  Trochet  le  découvrit ,  ti  voulut 
en  faire  une  loi  nouvelle  et  gésérale;  mais  Raspail  réduisit 


BU  SIÈCLB.  265 

bientôt  eelte  grande  loi  de  la  nature  à  ses  yéritables 
proportions,  en  prouvant  par  de  nouvelles  expérimen- 
latiODs  que  Du  Trochet  avait  trop  vite  généralisé  ;  que  la 
goaune  et  l'albumine ,  substances  très-avides  d'eau ,  sont 
presque  les  seules  qui  soient  propres  à  constater  le  phéno- 
mène observé  par  Du  Trochet^  qui  joue  un  si  grand  rôle 
dans  la  végétation. 

La  sève,  plus  épaisse  que  l'humidité  du  «pi,  en  est  séparée 
par  une  membrane  perméable  qui  permet  à  l'endosmoso 
d'avoir  lieu.  Les  fortes  racines  sont  moins  propres  à 
l'absorption  que  les  radicelles,  parce  que  leur  épidermc 
est  plus  épais,  plus  dense,  par  suite  bien  moins  perméable. 
La  cûeulation  s'eiécute  en  grande  partie  sous  Tinfluence 
de  i  endosmose  ;  toutefois  il  est  des  végétaux  qui  possè- 
dent des  vaisseaux^  et  alors  elle  se  trouve  activée  par  la 
capillarité  de  ces  tubes  excessivement  étroits.  La  sève 
ascendante  en  raison  de  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  doit 
être  d'autant  plus  liquide  qu'elle  est  prise  plus  près  des 
racines  :  c'est  aussi  ce  que  l'expérience  vérifie.  Si  la  sève 
est  si  abandante  au  printemps ,  c'est  qu'à  cette  époque 
la  terre  extrêmement  humide  est  une  véritable  éponge 
dans  laquelle  l'endosmose  est  d'autant  plus  active  que 
les  cellules  et  les  vaisseaux  de  la  plante  sont  remplis  d  un 
sue  êfMSsi  par  l'hiver.  Haies  a  reconnu  par  des  expériences 
très-exactes,  que  la  sève  pouvait  avoir  une  force  d'ascension, 
dans  la  vigne^  égale  à  la  pression  exercée  par  un  mètre 
de  mercure  ou  par  quatorze  mètres  d'eau,  ou  cinq  fois 
plus  grande  que  celle  qui  pousse  le  sang  dans  la  grosse 
artère  d'un  cheval.  Le  développement  des  bourgeons  et 
des  feuilles  et  leur  transpiration  exercent  aussi  une  action 
puissante  sur  l'ascension  de  la  sève  en  produisant  une 
succion  véritable.  Dans  les  arbres,  la  sève  ascendante  monte 
par  le  Hgneux,  et  surtout  par  c^tte  partie  du  ligneux  qui , 
moins  colorée  et  plus  récente  de  formation ,  porte  le  nom 
d'aubier.  Arrivée  aux  feuilles,  elle  y  subit  le  contact  de 
l'air  et  s'y  trai^orme ,  puis  elle  redescend  douée  de  pro- 
priétés souvent  tout*à-»-{ait  différentes  de  celles  de  la  sève 
ascendante;  quelquefois  c'est  un  liquide  très-vénéneux, 
tandis  que  la  sève  ascendante  serait,  au  contraire ,  une 


266  PHILOSOPHIE 

boisson  agréable  et  rafraichissante.  On  l'appelle  parfois 
corticale,  à  cause  de  la  partie  du  végétal  dans  laquelle 
cette  sève  circule  en  descendant  aux  racines,  imitant,  dans 
cette  seconde  portion  de  sa  course,  ce  qui  a  lieu  dans  les 
vaisseaux  capillaires  des  animaux.  Elle  dépose  dans  sa 
route,  des  amas  de  substances  destinés  pour  la  plupart  à 
former  les  tissus ,  et  c'est  ainsi  qu'elle  revient  au  point  de 
départ.  Outre  cette  circulation,  il  y  a  un  mouvement  rota- 
toire  observé  d'abord  dans  le  chara ,  observé  depuis  dans 
une  foule  de  plantes  de  genres  très-différents,  qui  parait 
général.  C'est  ainsi  qu'il  existe,  sous  l'écorce  des  végétaux, 
dans  le  silence  de  cette  vie  paisible  si  longtemps  ignorée 
dans  ses  curieux  détails,  des  courants  produits  par  l'endos- 
mose, et  la  capillarité  ;  des  courants  de  rotation  qui  montent 
et  descendent  en  changeant  sans  cesse  de  direction  et  en 
se  ramifiant  ;  un  fourmillement  moléculaire  incessant ,  dé- 
couvert par  le  célèbre  botaniste  Robert  Brown,  et  dont 
toute  matière  très-divisée  doit,  selon  l'opinion  de  De 
Humbold ,  présenter  quelques  traces.  Les  plantes  ont  encore 
leurs  phénomènes  de  nutrition  et  leurs  gaz  intérieurs, 
forces  puissantes  si  méconnues  pendant  tant  de  siècles  ;  et 
c'est  de  la  sorte  qu'elles  manifestent  leur  vie ,  croissant  et 
multipliant  à  l'iufini  sur  toute  la  surface  du  globe ,  faisant 
pntendre  quelquefois,  par  suite  de  leurs  gaz,  comme  des 
cris  plaintifs ,  quand  la  coignée  vient  à  les  frappa. 

Leur  respiration  a  cela  de  particulier  que  les  organes 
dans  lesquels  elle  parait  s  effectuer  ressemblent  aux 
trachées  des  insectes;  mais  une  étude  plus  approfondie  a 
prouvé  que  ce  n'était  pas  là  le  véritable  lieu  de  cette 
importante  fonction.  La  manière  dont  elle  agit  sur  l'air 
atmosphérique  est  très-importante  :  pendant  le  jour  la 
plante  fixelecarboneetdégagede  l'oxigène  ,  pendant  la  nuit 
elle  dégage  de  l'aicide  carbonique  en  absorbant  au  con- 
traire de  l'oxi^ne.  Mais  la  respiration  du  jour  suffit 
pour  faire  équilibre  et  à  l'action  de  la  nuit  et  à  l'action 
en  sen$  inverse  des  animaux,  qui  absorbent  de  l'oxigène 
et  versent  dans  l'atmosi^ère  de  l'acide  carbonique.  Ce 
fait,  qui  nous  montre,  comment  s'exécute,  à  la  surface  do 
la  terre,  le  balancement  de  ses  organes,  est  très-impor- 


DU  SIÈCLE.  267 

tant,  mais  il  ne  le  serait  pas  moins  de  faire  végéter  deux 
ou  trois  ans  des  végétaux  dans  des  atmosphères  factices, 
pour  arriver  à  bien  comprendre  l'action  des  divers  gaz  sur 
leur  développement  et  leur  organisation. 

Ainsi  se  comporte  cette  grande  circulation  des  éléments 
gazeux  ou  aériens.  La  même  substance  peut  être  successi- 
vement partie  d'une  plante,  détritus  de  végétal,  terrain 
fertile,  substance  dissoute  et  désagrégée,  solide,  liquide 
ou  gazeuse ,  partie  intégrante  de  l'air  ou  de  l'eau  de  la 
planète,  ou  partie  intégrante  d'un  animal  ou  sécrétion 
fécondante  fournie  par  le  règne  animal  ;  toutefois  la 
quantité  de  substance  enlevée  aux  mers  et  à  l'atmosphère 
pour  se  transformer  en  terrains  fertilisables  et  fertilisés,  en 
végétaux  et  en  animaux,  est  encore  susceptible  d'augmenter 
long- temps  sous  l'action  de  l'homme,  de  manière  à  modifier 
la  géographie  animale  et  végétale. 

Dumas  a  défini  les  végétaux,  des  appareils  de  fixation,  et 
les  animaux,  des  appareils  de  combustion.  Cette  manière  de 
les  envisager  est  trop  exclusive  pour  être  vraie.  Au  moment 
de  leurs  amours ,  les  végétaux  deviennent  trop  évidemment 
des  appareils  de  combustion  susceptibles,  pour  quelques- 
uns,  d'une  notable  élévation  de  température,  pour  qu'aux 
autres  époques  de  la  vie  ils  ne  possèdent  ni  souvenir  ni 
pressentiment  de  ce  qui  se  passe  alors  en  eux  au  moment 
du  rut  ;  quant  aux  animaux ,  ils  ne  doivent  leur  accroisse- 
ment qu'à  la  propriété  qu'ils  possèdent  de  fixer  les  substances 
élémentaires  pour  en  former  leurs  tissus. 

Vincent  Raspail  a  dit  avec  raison  que  le  règne  organisé 
se  divise  en  deux  départements  tellement  confondus  par 
leurs  points  de  contact,  que  l'esprit  est  très-embarrassé  de 
tracer  entre  eux  une  limite.  L'éponge  animale  d'un  côté , 
le  fucus  végétal  de  Tautre,  le  zoopbyte  et  la  conferve 
oscillatoire  ne  présentent  point  de  différence  essentielle.  Il 
y  en  a  mcûns  encore  entre  ces  vésicules  primordiales  qui 
produisent  soit  des  végétaux ,  soit  des  animaux.  Poursui- 
vant cette  pefliséev Raspail  ne  trouve  pas  que  le  mouvement, 
que  la  locomotion,  que  la  possession  d'un  cœur  et  de 
poumoi^  soient  le  caractère  exclusif  des  animaux.  Quant 
au  tube  intestinal,  il  déclare  très-philosophiquement  que 


268  PHILOSOPHIE 

son  essence  ne  réside  pas  dans  sa  forme  canaliculée ,  mais 
dans  la  fonction  de  ses  parois,  et  cette  fonction,  Tex-prison- 
nier  de  Doulens  la  retrouve  chez  les  végétaux  ;  d'où  cette 
conclusion  légitime,  qu'il  doit  exister  une  physiologie  géné- 
rale dominant  et  résumant  les  physiologies  des  corps  qui 
cristallisent ,  des  corps  qui  s'organisent  et  des  corps  qui 
s'associent  encore  plus  intimement ,  c'est-à-dire  minérale  , 
organique  et  sociale. 

Raspail,  dans  son  nouveau  système  de  chimie  organique, 
a  distingué  les  éléments  organiques  des  tissus  de  la  manière 
suivante  :  il  a  appelé  substances  organisées  végétales ,  la 
fécule,  rinuline,  la  fécule  verte,  le  ligneux,  la  subérine, 
Tulmine,  le  gluten,  la  légumine,  Thordeine,  le  pollen,  la 
lupuline  ;  substances  organisées  animales,  les  tissus  grais- 
seux ou  adipeux,  albumineux,  membraneux,  musculaires, 
nerveux,  osseux,  cornés,  cellulaires,  respiratoires,  em- 
bryonaires ,  parasites  et  spontanés.  Il  a  nommé  substances 
organisatrices  végétales,  la  gomme,  le  sucre,  la  sèye  ; 
substances  organisatrices  animales ,  le  lait ,  le  produit  de 
la  digestion ,  le  sang,  la  lymphe  et  le  sperme ,  les  graisses 
et  les  huiles  grasses.  La  cire  et  la  chlorophyle  ont  été 
reconnues  par  lui  substances  organisantes  communes  aux 
deux  règnes;  mais  les  huiles  essentielles,  les  résines  et  les 
gommes-résines  sont  du  règne  végétal ,  tandis  que  la  bile , 
le  picromel ,  le  suc  pancréatique  et  la  salive  sont  du  règne 
animal. 

Les  acides  végétaux,  les  matières  odorantes  ou  aroma- 
tiques ,  les  matières  colorantes  peuvent  être  le  produit  de 
l'organisation  dans  le  règne  végétal  ;  des  miasmes ,  de 
l'esprit  pyro-acétique ,  de  l'alcool ,  le  produit  de  la  désor- 
ganisation; des  éthers,  des  alcalis  végétaux,  des  acides  , 
le  produit  de  l'action  humaine.  Les  séries  des  matières 
colorantes  et  des  matières  odorantes  sont  le  produit  de 
l'organisation;  le  mucus,  diverses  sécrétions,  la  sueur, 
l'urine,  Turée,  l'acide  urique,  le  produit  de  la  désorganisa- 
tion normale  ou  vitale  ;  la  suppuration ,  la  gale,  le  produit 
de  la  désorganisation  anormale.  Raspail  considère  encore 
l'osmazome^  la  gélatine,  l'acide  prussique,  le  cyanogène 
comme  des  produits  artificiels. 


DU  SIÈCLE.  â69 

Après  ce  tableau  des  divers  produits  de  la  vie  organique, 
il  énumère  les  bases  incrustées  sur  les  tissus ,  combinées 
avec  leur  substance,  dissoutes  dans  les  liquides  qu'ils  éla- 
borent, isolées  ou  décomposées  par  la  carbonisation  et 
par  rincinération.  L'exposition  de  cette  grande  étude  forme 
un  livre  qui  a  révolutionné  la  science  en  semant  à  chaque 
pas  des  idées  nouvelles.  L'auteur  a  pu  errer  :  il  a  erré , 
il  a  été  souvent  paradoxal  ;  mais  il  est  le  Rousseau  de  la 
physiologie. 

Nous  n'essaierons  point,  pour  clore  ce  chapitre,  de 
signaler  ici  les  nombreuses  conquêtes  que  l'homme  peut 
faire  en  améliorant  par  la  culture  ,  des  plantes  que  l'on 
regarde  aujourd'hui  comme  improductives ,  ou  que  l'on  n'a 
pas  étudiées.  Qui  donc  ignore  les  transformations  que  sa 
main  savante  peut  faire  subir  aux  végétaux  ?....  Nous  ne 
signalerons  point  les  avantages  qui  pourraient  résulter, 
pour  un  grand  nombre  de  contrées,  de  l'échange  de  leurs 
plantes,  par  suite  d'un  acclimatement  bien  dirigé.  Nous 
ne  dirons  pmnt  les  espèces  et  les  variétés  nouvelles  que  les 
diverses  espèces  de  greffe  peuvent  faire  subir  aux  végétaux , 
et  nous  laisserons  de  côté  la  sensibilité  de  la  sensitive  sous 
l'influence  du  chloroforme,  fait  si  curieux  qui  rapproche 
les  vies  végétales  des  vies  animales.  Sous  tous  ces  rapports, 
l'homme  est  à  peine  éclairé  depuis  quelques  siècles,  et 
même,  pour  quelques-uns,  depuis  quelques  années  seulement, 
par  le  flambeau  de  la  science ,  de  telle  sorte  que  tout  est 
dans  l'enfance ,  et  qu'aux  yeux  du  philosophe  noire  pro- 
fond savoir  se  réduit  à  un  simple  germe  que  l'avenir  devra 
développer.  Lorsque  la  masse  Ses  hommes  recevra  le  bien- 
fait d'une  véritable  éducation,  lorsque  le  rapprochement 
des  habitations  aura  permis  et  créé  les  grandes  études  sur 
toute  la  surface  du  monde ,  lorsque  toutes  les  villes  possé- 
deront de  magnifiques  jardins  couverts ,  c'est  alors  seule- 
ment que  l'homme  saura  se  servir  des  plantes  pour  créer 
les  bois,  les  denrées  alimentaires,  les  épices,  les  teintures, 
les  gommes  et  les  produits  divers  que  réclament  ses 
besoins,  et  qu'il  considérera  la  substance  végétale  dans  ses 
miDe  variations  vivantes  et  animées  comme  un  laboratoire 
naturel  qu'il  est  de  son  devoir  d'entretenir  et  de  perfec- 

12 


270  PHILOSOPHIE 

tionner,  pour  alimenter  son  bien-être,  ses  plaisirs  domes- 
tiques et  pour  embellir  ses  fêtes  les  plus  religieuses. 


DES  ANOMALIES  VÉGÉTALES. 


La  nature ,  par  les  anomalies  qu'elle  crée  sans  cesse  sous 
nos  yeux ,  nous  a  mis  et  nous  met  sur  la  voie  de  manifes- 
tations nouvelles  et  de  progrès  nouveaux. 

Les  anomalies,  comme  le  dit  avec  juste  raison  Moquin- 
Tandon ,  qui  a  écrit  sur  ce  sujet  un  bon  livre ,  peuvent  être 
rammenées  à  des  principes  communs  qui  ne  sont  eux- 
mêmes  que  des  corollaires  des  lois  générales  de  Torganisa- 
tion. 

Quand  on  pense  que  le  froment  peut  être  considéré 
comme  une  anomalie  de  Tœgilops,  produite  par  la  culture, 
comme  une  véritable  monstruosité,  on  arrive  de  suite 
à  comprendre  où  peut  conduire  Tétude  des  questions 
résumées  dans  ce  chapitre. 

Moquin-Tandon ,  que  nous  prenons  ici  pour  guide,  a 
admis  les  variétés  suivantes  : 

L'albinisme,  —  le  chromisme,  —  les  altérations  ,  —  le 
glabrisme ,  —  le  pilosisme ,  —  le  rammolissement ,  — 
rinduration ,  —  le  nanisme ,  —  le  géantisme.  Nous  adop- 
tons volontiers  cet  ordre. 

La  couleur  verte  n'est  pas  due  absolument  à  la  lumière , 
puisque  l'hydrogène  peut  parfois  y  suppléer.  Elle  n'est  pas 
due  non  plus  à  ces  deux  causes  seulement ,  et  les  actions 
chimiques  qui  se  produisent  pendant  la  vie  des  végétaux 
sont  à  peine  étudiées.  —  Toutefois ,  dans  notre  opinion  , 
les  couleurs  des  feuilles  sont  polarisées. 

Nous  invitons  le  lecteur  à  remarquer  avec  soin  que  le 
bleu  et  le  jaune  sont  les  pôles  de  ces  colorations. 

On  a  rapporté  à  la  série  des  fleurs  jaunes  les  genres 
oxalis,  rosa,  verbascum,  potentilla,  tulipa,  ranunculus; 


DU  SIÈCLE.  371 

—  à  la  série  des  fleurs  bleues  ou  cyaniques,  les  genres 
eampanula,  vinca,  phlox,  géranium,  scilla,  anagallis. 
D'autres  espèces  peuvent  appartenir  aux  deux  séries  ;  mais 
cette  question ,  à  peine  effleurée ,  n'a  pas  été  étudiée. 
Les  influences  qui  produisent  les  colorations  n'ont  pas  été 
recherchées ,  et  cependant  ce  que  nous  venons  de  dire  des 
fleurs  s'applique  aux  fruits. 

Revenons  aux  anomalies.  L'obscurité  crée  des  fleurs 
blanches  et  donne  à  divers  organes  un  nouvel  aspect ,  un 
nouveau  goût.  —  Le  froid  contribue  aussi  à  décolorer  les 
végétaux.  —  Les  plantes  polaires  et  celles  qui  viennent 
sur  les  montagnes  élevées  ont  des  fleurs  moins  colorées 
que  les  mêmes  espèces  soumises  à  une  autre  température. 
Le  froid  accidentel  prolongé  modifie  aussi  les  teintes. 

Les  feuilles  affectées  d'albinisme  incomplet  portent  le 
nom  de  panachées.  Cette  manière  d'être  se  transmet  par  la 
reproduction.  —  L'horticulture  s'attache  vivement  à  multi- 
plier les  espèces  atteintes  de  cette  anomalie,  qui  est  un 
ornement.  —  Les  fleurs  et  les  fruits  peuvent  aussi  présenter 
des  couleurs  panachées. 

La  bouture,  la  greffe  et  la  marcotte  sont  des  moyens  do 
reproduire  les  plantes  panachées.  Les  individus  délicats  se 
panachent  plus  aisément  que  les  autres:  une  grande  vi- 
gueur de  constitution  peut  supprimer,  dit-on,  cette  manière 
d'être. 

Le  chromisme  est  l'inverse  de  l'albinisme  ;  il  représente 
l'excès  de  coloration.  —  Semez  une  céréale  dans  un  sillon 
fortement  fumé  avec  du  sang  :  toutes  les  plantes  qui  pousse- 
ront seront  d'un  vert  noir.  —  Il  suffit  de  23  heures  pour 
colorer  en  vert  une  plante  étiolée  (Sennebier). 

Les  variétés .  dans  la  coloration ,  si  faciles  à  obtenir 
surtout  en  faisant  des  hybrides,  ont  donné  naissance  à 
toutes  les  variétés  de  roses,  de  tulipes,  de  jacinthes  et  de 
dahlias  de  nos  jardins. 

Les  poils  peuvent  diminuer  ou  disparaître.  Les  terrains 
gras  et  humides  sont  favorables,  nous  dit  Moquin-Tandon, 
à.  cette  transformation  ;  la  lumière  et  la  température  ont 
aussi  une  action  sur  ces  organes.  —  Les  lieux  secs  et 
maigres  produisent  souvent  l'effet  inverse. 


272  PHILOSOPHIE 

La  consistance  et  l'induration  des  plantes  sont  singuliè- 
rement influencées  par  les  milieux;  de  là  les  variations 
qu  elles  peuvent  offrir.  Il  en  est  de  même  du  nanisme  et 
(lu  géantisme  ;  cette  dernière  manière  d'être  peut  aussi 
résulter  d'une  grande  longévité. 

Moquin-Tandon  cite  à  cette  occasion  quelques  exemples 
curieux  de  grand  volume  et  de  longévité.  Nous  lui  emprun- 
tons les  suivants.  —  On  connaît  : 


Des  palmiers 

âgés 

de    200  à 

500  ans 

Un  érable 

)) 

316 

Des  orangers 

— 

400 

640 

Un  noyer 

— 

» 

900 

Des  tilleuls 

— 

500 

1076 

Des  chênes 

— 

600 

1600 

Des  oliviers 

— 

700 

2000 

Des  ifs 

— 

1214 

2880 

Des  baobabes 

— 

» 

6000 

Les  monstruosités ,  ou  déviations  du  type  spécifique , 
agissent  sur  les  parties  appendiculaires  du  végétal  ou  sur 
celles  qui  en  forment  l'axe.  Elles  se  présentent  à  l'état 
sauvage  et  à  l'état  de  culture  :  c'est  môme  une  question 
très-importante  pour  l'humanité  que  d'apprendre  à  les 
produire  à  volonté. 

Ces  monstruosités  consistent  en  réductions  de  volume  ou 
atrophie  des  organes,  en  augmentations  ou  hypertrophies, 
en  altérations  irrégulières  ou  déformations ,  en  irrégulières 
appelées  pclories ,  en  changements  d'un  organe  en  un  autre 
ou  MÉTAMORPHOSES,  disjouctions ,  déplacements,  avorte- 
ments  et  multiplications. 

De  toutes  les  monstruosités  curieuses  pour  les  savants  de 
profession,  les  métamorphoses  seules  ont  une  portée  et  des 
af)plications  réellement  sociales.  —  Lorsque  les  organes 
fondamentaux  se  transforment  en  accessoires  ,  il  y  a  dégé- 
nérescence ;  lorsque  les  organes  accessoires  se  transforment 
en  organes  fondamentaux,  la  plante  s'élève  dans  l'échelle 
des  êtres  et  devient  plus  titrée  en  facultés.  La  première 
altération  a  souvent  lieu  quand  on  abandonne  à  elles-mêmes 
des  plantes  long- temps  cultivées,  et  surtout  quand   cet 


BU  SIÈCLE.  373 

abandon  a  lieu  dans  des  terrains  pauvres.  La  seconde  doit 
être  le  but  des  véritables  naturalistes;  elle  créera  des 
variétés  et  plus  tard  des  espèces  nouvelles;  elle  est  l'un 
des  grands  moyens  d'embellir  et  de  transformer  la  planète. 
La  plus  importante  de  toutes  les  métamorphoses  signalées . 
depuis  vingt-cinq  ans,  a  été  celle  de  Tœgilops,  pressentie 
par  Raspail.  Elle  a  été  réalisée  d'abord  à  Bordeaux  par 
Latapie ,  puis  à  Agde  par  Fabre  :  cette  transformation  si 
importante  est  grosse  de  faits  non  moins  sérieux. 


AGRICULTURE. 


Individuelle  ou  collective,  la  vie  est  un  mouvement 
continu,  une  incessante  préparation  du  présent  dans  ses 
tendances  vers  l'avenir,  une  série  de  transformations.  — 
Chassé  du  terrain  de  la  politique  dans  la  pluspart  des  pays 
européens ,  tourmenté  quelquefois  par  l'intolérance  quand 
il  donne  libre  cours  à  ses  comment  et  à  ses  pourquoi  philo- 
sophiques, l'esprit  humain  se  réfugie  à  cette  heure  dans 
le  domaine  si  étendu  des  intérêts  matériels  et  de  la  science, 
préparant,  en  agriculture,  en  industrie,  en  commerce, 
dans  les  sciences  positives  et  dans  l'ordre  moral,  surtout 
en  ce  qui  concerne  l'état  social  des  femmes ,  les  révolutions 
les  plus  hardies  et  les  plus  radicales. 

L'insecte  qui  devra  devenir  le  papillon  aux  couleurs 
diaprées,  a  sa  forme  de  chrysalide  qu'il  brise  un  jour, 
lorsque  le  temps  en  est  venu ,  pour  s'élever  à  un  monde 
nouveau.  Le  têtard  h  son  tour  transforme  ses  organes , 
comme  nous  le  répéterons  en  son  lieu,  et  substitue  des 
poumons  à  ses  branchies  pour  devenir  un  batracien ,  pour 
s'élever  de  la  vie  aqueuse  à  la  vie  aérienne,  c'est-à-dire  à 
une  existence  plus  active  et  plus  exigeante  en  ses  besoins 
nouveaux.  —  Tel  est  l'enseignement  que  nous  donne  la 
nature,  quand  nous  étudions  à  la  surface  du  globe  les 
existences  inférieures  et  subordonnées  à  celles  de  l'homme  ; 


274  PHILOSOPHIE 

tel  est  encore  le  langage  de  Thistoire.  L'intelligence 
humaine  obéit  à  la  loi  générale  de  tous  les  êtres  doués  de 
vie.  Son  calme,  c'est  le  travail  de  la  préparation  à  une 
nouvelle  existence  ;  son  repos,  ce  sont  des  études  capables 
de  l'éclairer  et  de  la  fortifier. 

Cette  proposition  si  rassurante  pour  ceux  qui  ne  croient 
plus  au  mouvement  quand  la  politique  sommeille,  et  pour 
tous  les  hommes  qui  ont  porté,  qui  portent  encore  en 
grand  noir,  le  deuil  du  parlementarisme  français,  a  besoin 
d'une  démonstration  complète  qui  s'applique  aux  faits 
d'ordre  si  divers  que  l'esprit  humain  peut  embrasser. 

Cette  démonstration,  ce  livre  la  présente  incessamment 
d'une  façon  sommaire ,  et  cependant  nous  espérons  qu'elle 
portera  conviction  dans  les  esprits. 

On  appelle  en  général  industrie ,  la  science  avec  laquelle 
l'homme  s'empare  des  agents  extérieurs  pour  arriver  à  une 
appropriation  :  de  là  I'Industrie  àoricole  qui  transforme 
en  blés,  en  légumes,  en  fruits,  en  viande,  en  lait,  en 
beurre,  en  poils  et  en  laines,  au  moyen  du  sol,  l'air, 
l'eau ,  les  détritus  végétaux  et  animaux  et  quelques  sub- 
stances minérales  de  notre  planète. 

L'Industrie  Manufacturière  et  Ouvrière  ,  soit  dans 
de  grands,  soit  dans  de  petits  ateliers ,  transforme  les  blés 
et  les  farines  en  substances  alimentaires,  pain,  vermicelle; 
et  les  lins,  les  chanvres,  les  soies,  les  laines,  en  étoffes 
de  diverses  sortes;  les  peaux,  en  chaussures  et  en  harnais; 
les  minerais,  en  fontes,  fer,  cuivre,  zinc,  etc. 

L'Industrie  Commerciale  ,  procédant  des  deux  autres , 
les  relie  sans  cesse;  elle  est  dans  le  monde  matériel  ce 
qu'est  le  Saint-Esprit  ou  l'amour  dans  le  monde  spirituel 
(les  philosophes  et  des  chrétiens  :  le  lien  de  la  pmssance 
et  de  l'action.  Elle  s'informe  des  besoins  des  objets  manu- 
facturés sur  toute  la  surface  du  globe  et  des  moyens  de 
les  y  voiturer  au  meilleur  marché  possible  ;  c'est  elle  qui 
distribue  le  crédit  en  fournissant  à  l'agriculture  et  à  l'indus- 
trie les  moyens  d'étendre  et  de  perfectionner  leurs  travaux, 
souvent  même  de  les  commencer.  Par  suite  les  agents  de 
circulation  pour  la  pensée ,  le  crédit ,  les  transports  sont 
entièrement  de  son  domaine. 


BU  SIÈCLE.  ¥16 

Etrange  et  singulier  phénomène  !  la  trinité  se  retrouve- 
rait-elle partout  ?  La  puissance,  Taction,  Tamour  seraient- 
ils,  en  passant  d'un  monde  à  un  autre,  Tagriculture , 
l'industrie  manufacturière  et  le  commerce?  Oui,  sans 
doute  :  aussi  est-il  vrai  de  dire  que  le  monde  des  idées 
renferme  le  monde  sensible  et  tangible,  qu'il  y  conduit 
et  que  l'industrie  n'est  autre  chose  que  la  transformation 
d'un  fait  spirituel  en  un  fait  matériel.  Ainsi  considérée , 
son  pouvoir  est  sans  bornes  comme  celui  de  la  pensée  ;  ses 
progrès  sont  sans  limites,  et  l'homme,  dans  sa  noble 
audace ,  peut  tout  tenter  pourvu  qu'il  se  conforme  aux  lois 
étemelles  de  la  nature.  Oh  !  n'est-ce  pas  le  cas  de  dire, 
avec  les  cloarecs  ou  étudiants  de  Basse-Bretagne  :  u  Men 
Doue,  tout  an  tout  azo  bras!  —  Oh  !  mon  Dieu,  que  votre 
universalité  est  grande  !  » 

C'était,  il  y  a  quelques  années,  une  manière  philoso- 
phique et  scientifiques  d'examiner  l'agriculture  à  son  point 
de  vue  le  plus  ^néral ,  que  de  diviser  la  surface  de  la 
terre  en  régions  agricoles,  selon  qu'elle  peut  produire: 

La  canne  à  sucre , 

Les  oliviers  et  les  mûriers , 

Les  céréales , 

Les  herbages , 

Les  forêts. 

Mais  aujourd'hui ,  grâces  aux  découvertes  récentes,  nous 
savons,  sur  l'acclimatement  des  plantes,  beaucoup  de  choses 
jadis  ignorées,  beaucoup  d'autres  sur  les  végétaux  qui 
peuvent  se  remplacer  les  uns  les  autres  dans  la  fabrica- 
tion des  produits  industriels,  beaucoup  encore  sur  des 
[arons  toutes  nouvelles  de  tirer  parti  de  plantes  jadis 
inutiles. 

Il  y  aura  toujours  des  climatinres  plus  favorables  à 
certaines  cultures  ;  mais  tout  porte  à  penser  que  les  régions 
agricoles  de  la  canne  à  sucre  et  des  oliviers  se  pénétreront 
chaque  jour  davantage,  et  qu'il  en  sera  ainsi,  même  de 
ces  régions,  vis-à-vis  des  autres  :  aussi  nous  placerons-nous 
à  un  point  de  vue  nouveau ,  en  reconnaissant  pour  l'agri- 
culture savante  de  l'avenir,  trois  grands,  trois  uniques 
facteurs  : 


276  PHILOSOPHE 

L'humidité, 

Les  labours, 

Les  engrais. 

Les  dérigations  et  les  arrosements  mécaniques ,  voilà  les 
deux  moyens  que  Thomme  possède  pour  humidifier  le  sol 
qu'il  cultive.  Nous  avons  suffisamment  indiqué  les  grands 
emplois  à  venir  des  dérigations  ;  mais  les  arrosements 
mécaniques  ne  seront  pas  moins  utilisés  :  ici  des  chutes 
d'eau  serviront  à  mouvoir  des  turbines  ou  des  pompes  ; 
ailleurs  des  moulins  à  vent  rempliront  le  rôle  de  moteurs  et 
sendront  à  appeler  les  eaux  sur  les  flancs  des  collines  ;  sur 
d'autres  points ,  la  force  inutile  des  animaux  des  fermes 
sera  fructueusement  appliquée  à  des  manèges  ;  au  besoin 
l'on  aurait  recours  à  l'air  chaud  et  à  la  vapeur. 

Que  laissent  à  désirer  aujourd'hui  nos  charrues  à  versoirs 
en  fonte  qui  creusent  leurs  sillons  à  plus  de  trois  décimètres, 
nos  extirpateurs,  nos  herses-  à  dents  de  fer,  nos  rouleaux 
destinés  à  briser  les  mottes,  à  émietter  le  sol  comme  la 
bêche  le  fait  en  nos  jardins?  N'arrivons-nous  pas  aussi  tous 
les  jours  à  des  semoirs  mécaniques  de  plus  en  plus  par- 
faits ? 

MM.  Barrât  n'ont -ils  pas  inventé,  dans  ces  derniers 
temps ,  une  pioche  mécanique  mue  par  la  vapeur,  qui  a 
meneilleusemont  fonctionné  dans  toutes  les  expériences 
publiques  auxquelles  elle  a  été  soumise  ?  Est-ce  que  cette 
pioche ,  supérieure  aux  araires  à  vapeur  de  MM.  Osbome , 
Usher  et  lord  Willoghby,  ne  cultive  pas  mieux  encore  que 
la  pluspart  des  charrues  à  bœufs  et  presqu'aussi  bien  que 
la  bôcbe  ?  N'est-elle  pas  de  nature  à  remplacer  le  travail 
de  l'homme  sur  bien  des  points,  surtout  dans  les  plaines 
des  pays  équatoriaux,  où  le  soleil  est  si  brûlant,  où  l'humi- 
dité du  matin  est  si  dangereuse?  Nos  colonies  ignorantes 
n'en  ont  pas  encore  usé ,  mais  elles  en  useront ,  et  alors 
seront  résolus  à  tout  jamais  les  grands  problèmes  de  la 
servitude  et  de  l'esclavage  ;  alors  les  terres  mortelles  à  la 
santé  des  laboureurs  pourront  êtres  défrichées  avec  des 
dangers  nuls  ou  fortement  amoindris.  —  Reste  donc  la 
question  des  engrais. 
Celle-ci  avance  vers^  sa  solution.  Nous  connaissons  au- 


BU  SIÈCLE.  277 

jourd'hui  quatre  manières  de  les  employer;  ils  peuvent 
senrir: 

1"  Pour  le  chaulage  ; 

2**  Pour  Tarrosement  ; 

8"*  Sous  forme  pulvérulente  ; 

4"*  Sous  forme  der  fumiers ,  de  compots,  d'amendements. 

Mouillez  des  graines  dans  une  solution  fortement  végé- 
tative, laissez-les  sécher,  semez-les  ensuite:  voilà  Tune  des 
formes  du  chaulage. 

Mouillez  des  graines  dans  de  Teau,  roulez-les  dans  la 
poussière  d'un  engrais  très-actif  :  voilà  une  autre  forme. 

Prenez  cent  livres  de  sang  des  boucheries  parfaitement 
brassé  ou  son  équivalent,  quelques  litres  de  poussière  de 
charbon,  un  litre  de  sulfate  de  fer  comme  moyen  de 
transformation  des  carbonates  d'ammoniaque  en  sulfates , 
deux  ou  trois  litres  de  guano,  et  vous  aurez  les  éléments 
du  chaulage  d'un  hectare  semé  en  froment.  Si  la  terre 
était  riche  par  avance,  le  produit  serait  bon;  autrement 
cet  engrais  serait  insuffisant,  cette  manière  de  faire  ne 
pouvant  livrer  aux  graines  confiées  au  sol  que  le  quart 
environ  d'une  fumure. 

Voici  un  exemple  du  second  moyen  :  —  Prenez  deux 
hectolitres  de  froment ,  mouillez-les  et  roulez-les  dans  un 
hectolitre  de  noir  pur  des  résidus  de  raffineries ,  aiguisé 
avec  dix  litres  de  sang  des  boucheries  ,  additionné  de  cent 
grammes  de  sulfate  de  fer,  et  vous  aurez  résolu  le  problême 
du  chaulage  par  le  second  procédé. 

Même  chose  peut  avoir  lieu  pour  les  plantes  que  l'on 
repique,  pour  les  choux,  pour  les  betteraves.  Rien  de  plus 
facile  que  de  tremper  leurs  racines  mouillées  dans  un 
mélange  pulvérulent  ou  leurs  racines  sèches  dans  une 
bouillie  fertilisante. 

Engrais  Liquides.  —  Les  liquides  que  Ton  emploie 
ou  que  l'on  pourrait  employer  comme  engrais  ,  sont  : 

Les  urines  des  étables , 

Les  matières  des  fosses  d'aisance , 

Les  eaux  ammoniacales  des  usines  à  gaz , 

La  chaux  délayée. 

Les  solutions  saUnes  favorables  à  la  végétation, 

42* 


278'  PHILOSOPHIE 

Les  bouillies  ou  bouillons  de  viande  étendus  d'eau  ^ 

Le  sang  des  boucheries  étendu  d'eau. 

Généralement  l'emploi  des  engrais  liquides  est  une 
méthode  inférieure ,  surtout  dans  les  contrées  où  des  pluies 
irrégulières  peuvent  fortement  laver  le  sol. 

On  a  proposé  dernièrement ,  en  Angleterre ,  de  combiner 
ensemble  le  drainage,  la  distribution  de  l'eau  dans  les 
villes,  leur  répurgation  par  d'abondants  lavages  et  la 
fumure  des  terres  voisines  au  moyen  d'engrais  liquides  ; 
mais  à  l'exception  de  quelques  locaUtés  placées  à  mi-côte , 
pour  toutes  les  autres,  ce  système,  qui  réclame  une 
énorme  dépense  de  tuyaux  et  de  force  motrice,  serait 
excessivement  coûteux. 

Ei^&RAis  Pulvérulents.  —  Les  principaux  engrais  pul- 
vérulents employés  à  cette  heure ,  le  sont  généralement , 
en  France ,  aux  doses  suivantes ,  pour  un  hectare  : 

Noirs  fins  et  purs  résidus  des  raffineries . .     6  à  »  hectolitres. 
Noirs  mêlés  pour  moitié  en  volume  à  des 

tourbes  très-fortement  animalisées.  •.68       — 

Colombine  ou  fiente  de  pigeons 5    6      — 

Guano  naturel 3     »       — 

Guano  artificiel ►    4     »      — 

Poudre  de  viandes 2     »      — 

Sels  de  morue 3    »      — 

Produits  de  latrines  désinfectées 15  30      — 

Poudrette  au  sang 12     »       — 

Poudrettc  au  bouillon  de  viandes  d'écaris- 

sage ....   12    »     — 

Cendres.  \      Les  doses  en  varient  singu- 

Cendres  lessivées.  f  lièrement  selon  le  but  qu'on  se 

Plâtre.  l  propose  d'obtenir  et  la  nature 

Poudres  de  coquillages.  )  du  sol. 

On  fait  excellemment,  avec  de  la  tourbe  sèche  en  poudre 
ou  même  avec  de  la  terre  desséchée  dans  la  proportion  en 
volumes  de  9/10,  à  laquelle  on  ajoute  1/10  de  charbon 
en  poussière  et  1/100  de  sufate  de  fer,  une  poudre  absor- 
bante et  désinfectante. 

Rien  de  plus  aisé ,  presque  partout ,  que  d'y  mêler  des 


DU  SIÈCtE'  279 

plairas  pulvérisés  provenant  de  démolitions ,  dans  la  pro- 
portion d'un  ou  de  deux  dixièmes,  et  même  dans  une 
proportion  plus  élevée,  surtout  quand  c'est  de  la  terre 
desséchée  qui  forme  la  masse  pulvérulente. 

On  peut  se  servir  avec  le  plus  grand  succès  de  ce  mélange 
pour  transformer  en  engrais  pulvérulents  les  matières  des 
fosses  d'aisance ,  le  sang  des  boucheries ,  les  bouillons  des 
tripiers  de  nos  abattoirs ,  les  dissolutions  de  viandes  faites 
avec  la  chair  des  animaux  des  équarrissages ,  etc.,  etc.,  de 
manière  à  utiliser,  dans  les  villes ,  tous  les  résidus ,  tous  les 
détritus  de  nos  ménages ,  une  foule  de  substances  aujour- 
d'hui perdues  qui  souvent  infectent  nos  demeures.  — 
Une  économie  de  cette  nature ,  appliquée  d'une  manière 
sociale  et  non  pas  individuelle  ou  simplement  locale, 
produirait,  par  chaque  million  d'hommes,  plus  d'engrais 
que  la  quantité  nécessaire  à  la  culture  des  blés  qu'ils 
consomment.  D'où  cette  conclusion ,  qu'aujourd'hui  ce  ne 
sont  pas  les  engrais  et  la  connaissance  de  leur  emploi  qui 
manquent  à  l'agriculture ,  mais  une  économie  administra- 
tive qui  saurait  habilement  répurger  nos  villes  et  nos 
demeures  isolées,  des  éléments  d'infection  fournis  par  les 
détritus  de  nos  consommations  journalières.  —  De  là,  pour 
les  hommes  politiques,  la  nécessité  de  réfléchir  sur  la 
circulation  et  la  solidarité  en  tout  et  partout  au  sein  des 
sociétés. 

11  est  une  contrée  de  la  France ,  le  Niortais ,  où  la  fabri- 
cation des  engrais  domestiques  est  chose  usuelle.  Dans 
la  plupart  des  maisons,  il  est  de  règle  de  faire  parvenir 
tous  les  détritus  dans  une  cave  :  et  les  caves  en  ce  pays 
sont  creusées  dans  un  roc  calcaire  fort  tendre.  Là,  mêlés 
aux  balayures  et  aux  autres  ordures  des  maisons ,  ils 
donnent  Ueu,  au  contact  du  roc  et  par  leur  nature  spéciale, 
à  une  nitrification  qui  en  augmente  le  volume  et  la  quan- 
tité. 

Le  grand  progrès  de  la  fabrication  des  engrais  ce  serait 
de  préparer  de  toutes  pièces  et  à  bas  prix  des  sels  azotés , 
tels  que  le  sulfate  et  surtout  l'azotate  d'ammoniaque.  Arrivée 
à  ce  résultat,  et  elle  y  arrivera,  la  chimie  aura  résolu 
l'un  des  plus  grands  des  progrès  agricoles.  En  attendant , 


280  PHILOSOPHIE 

il  convient  de  suivre  l'exemple  donné  dans  le  Niortais. 
Rien  de  mieux  que  d'avoir  partout  des  réservoirs  à  engrais, 
formés  de  pierres  calcaires  légèrement  poreuses ,  telles  que 
le  tuff  ou  autres.  Toutefois  il  serait  convenable,  pour 
ne  jamais  perdre  les  acétates  et  les  carbonates  d'ammo- 
niaque que  les  substances  animales  peuvent  contenir,  d'y 
mêler,  pour  les  dessécher,  une  poudre  contenant  du  charbon 
et  un  centième  de  sulfate  de  fer.  Admettons  un  instant  que, 
par  suite  des  nitrifications  artificielles,  la  plus-value  des 
engrais  soit  d'un  centième  tous  les  ans  :  ce  serait  bientôt 
l'équivalent,  en  fumure,  de  plusieurs  cent  mille  hectares, 
rien  que  pour  notre  France. 

De  tous  les  engrais  connus,  le  plus  puissant  c'est  la 
chair  des  animaux ,  chevaux ,  bœufs ,  poissons  et  autres. 
Réduite  en  poudre ,  transformée  en  bouillie  et  desséchée 
avec  les  mélanges  siccatifs  et  désinfectants  indiqués  ci- 
dessus,  la  substance  animale  peut  devenir  l'objet  de 
spéculations  importantes.  De  là ,  dans  l'avenif ,  la  nécessité 
d'écarrissages  départementaux  et  de  grandes  pêches  destinées 
à  débarrasser  les  mers  des  poissons  nuisibles,  au  profit  de 
l'agriculture.  Un  essai  très-intéressant  que  nous,  avons  fait 
en  1846,  feu  Le  Sant  mon  beau-frère  et  moi,  pourra 
faciliter  singulièrement  le  transport  éloigné  des  produits 
de  ces  pêches.  Nous  avons  reconnu  qu'il  est  facile  de 
dissoudre  de  la  viande  hachée  dans  un  liquide  analogue  au 
suc  gastrique,  et  qu'il  est  très- aisé  de  dessécher  des  viandes 
à  l'air  libre,  à  l'abri  des  insectes,  si  l'on  ajoute  à  ce  suc 
gastrique  factice  un  peu  de  sulfhydrate  de  soude  ou  de 
potasse ,  et  si  l'on  y  trempe  quelques  instants  les  viandes 
à  dessécher.  —  Cette  méthode  nous  a  merveilleusement 
réussi  pour  les  préparations  anatomiques ,  soit  en  dissolvant 
avec  promptitude  les  muscles  et  les  tendons  qui  recouvrent 
les  os ,  soit  en  permettant  de  dessécher  des  préparations 
qu'il  importait  de  conserver. 

Le  jour  arrive  où  l'on  sentira  le  besoin  de  mettre  en 
exploitation  régulière ,  les  guanos  des  divers  gisements  et 
les  autres  produits  que  nos  mers  peuvent  fournir  avec  tant 
d'abondance ,  pour  féconder  le  sol. 

Rien  du  reste  de  plus  aisé  que  de  fabriquer  du  guano 


BU  SIËCLC.  281 

artificiel.  Voici  une  formule  proposée  par  M.  Girardin , 
chimiste  à  Rouen,  suivie  d'une  autre  formule  proposée  par 
nous;  toutes^les  deux  sont  destinées  à  fournir  Téquivalent 
de  400  kilo,  de  guaino. 


Poussière  d'os 

Sulfate  d'ammoniaque  • . 

Sel  marin 

Cendres  neuves 

Sulfate  de  soude 

Résidus  purs  des  raffine- 
ries  

Poudre  désinfectante  très- 
fortement  animalisée. . 


6IRARBIR. 

6UËPIN. 

515  kilo. 

»  kilo. 

100    — 

1)     — 

100    — 

100    — 

5    — 

))      — 

11    — 

»      — 

»        

500    — 

»        

500    — 

531  kilo.  700  kilo. 


Ces  engrais ,  dont  il  est  si  facile  de  modifier  les  formules 
selon  les  divers  pays,  sont  moins  actifs  à  poids  égal  et 
moins  prompts  dans  leur  action  que  le  guano  ;  mais  ils 
agissent  plus  long-temps  sur  le  sol  et  sont,  en  réalité,  plus 
efficaces  dans  les  proportions  ci-dessus. 

On  obtient,  avec  le  guano  et  les  résidus  de  raffineries, 
des  mélanges  dont  les  proportions  doivent  varier  selon  les 
cultures.  —  Mettez  parties  égales  sur  les  prairies ,  2/S  seu- 
lement de  guano  pour  les  plantes  sarclées ,  les  choux  et  les 
verts ,  1/5  pour  les  blés ,  et  vous  arriverez  généralement  à 
d  excellents  résultats. 

Nous  devons  remarquer,  à  l'occasion  de  ce  qui  précède , 
que  les  os  seront  de  plus  en  plus  exploités  pour  la  fabri- 
cation de  colles  ou  gélatines;  mais  il  serait  d  une  mauvaise 
économie  de  les  réduire  en  charbon  pour  la  fabrication 
d'engrais  pulvérulents  :  mieux  vaut  les  concasser  et  les 
pulvériser  pour  les  employer  à  l'état  naturel ,  après  y  avoir 
ajouté  du*  sel  marin  et  de  l'azotate  de  potasse  ou  de  soude , 
moyens  puissants  d'augmenter  leur  valeur  fertilisante  et 
de  la  rendre  plus  immédiatement  profitable.  Les  os 
agissent  alors  par  les  phosphates  qu'ils  renferment  et  par 
la  substance  animale  qu'ils  contiennent.  Le  sel  marin  et 


â8â  PHILOSOPHIE 

les  azotates  facilitent  leur  décomposition  par  échange  de 
base. 

Des  Compots  et  des  Fdhiers.  —  L'engrais  Jauffret  fit, 
en  France ,  il  y  a  quelque  années ,  tout  le  bruit  possible. 
—  L'idée-mère  de  cet  engrais  était  grande ,  mais  elle  ne 
fut  ni  philosophiquement  exposée,  ni  philosophiquement 
exploitée.  Cette  idée ,  la  voici  sous  une  forme  mieux  appro- 
priée à  l'avenir  : 

Prenez  de  bonne  tourbe,  c'est-à-dire  de  l'humus  très- 
favorable  à  la  végétation;  ajoutez-y  des  sels  et  d'autres 
substances  végétatives  :  vous  aurez  un  engrais  qui  vaudra 
selon  la  valeur  réelle  des  combinaisons  chimiques  que 
vous  aurez  produites. 

Si  vous  n'avez  pas  de  tourbe ,  mais  si  vous  avez  des 
feuillages ,  des  branchages ,  des  genêts,  des  bruyères ,  des 
pelures  de  fossés,  des  herbages,  transformez-les,  par  la 
fermentation,  en  humus  végétatif;  ajoutez-y  des  sels  des 
substances  azotées,  et  vous  aurez  le  même  résultat  que 
si  vous  aviez  eu  de  bonnes  tourbes  à  votre  disposition, 
c'est-à-dire  des  tourbes  suflSsamment  réduites  à  l'état 
d'humus. 

Quand  on  fabrique  des  engrais  de  la  sorte ,  il  ne  faut 
jamais  perdre  de  vue  que  l'on  fait  une  opération  semblable 
à  celles  qui  ont  incessamment  lieu  dans  le  laboratoire  du 
chimiste,  et  qu'il  faut  l'entourer  des  mêmes  soins,  des 
mêmes  précautions.  Quelles  sont  les  conditions  favorables 
à  la  fermentation?  quelles  sont  les  substances  qui  la  faci- 
Utent ,  les  moins  coûteuses  en  un  lieu  donné ,  et  le  plus 
à  la  portée  des  cultivateurs?  Voilà  les  deux  premières 
données  du  problême  à  résoudre.  Voici  la  troisième  :  c'est 
d'ajouter  à  l'humus  produit  par  une  fermentation  pour 
laquelle ,  si  l'on  ne  sait  rien  en  chimie ,  on  consultera  le 
pharmacien  le  plus  voisin ,  d'autres  éléments  qui  le  rendent 
plus  fertilisant  encore  qu'il  ne  l'est  naturellement.  L'engrais 
Jauffret ,  ou  engrais  par  fermentation  de  débris  végétaux , 
n'est ,  à  bien  dire ,  qu'un  cas  particulier  de  la  fabrication 
de  ces  mélanges  fertilisants  que  l'on  appelle  compots. 

Il  y  a  une  autre  manière ,  souvent  plus  avantageuse ,  de 
transformer  promptement  en  humus  les  débris  végétaux  : 


BU  SIÈCLE.  283 

c'est  de  les  traiter  par  la  chaux,  de  faire  des  couches 
successives  de  chaux  caustique  et  même  non  éteinte ,  et 
de  débris  végétaux.  On  obtient  ainsi  une  réaction  très- 
puissante,  dans  laquelle  la  chaux  devient  un  sous-carbonate, 
pendant  que  les  détritus  végétaux  sont  transformés  en  humus 
très-approprié  à  la  végétation. 

Si  avantageux  que  soient  à  l'agriculture  les  produits 
quaternaires  contenant  de  Tazote,  les  produits  ternaires 
peuvwit  cependant  lui  rendre  les  plus  utiles  services , 
lorsqu'ils  sont  sous  une  forme  convenable.  Les  huiles,  les 
graisses  et  d'autres  corps  non  azotés,  essayés  sous  nos 
yeux  pour  ies  cultures  diverses,  ont  donné  des  résultats 
qui  ont  soutenu  la  comparaison  avec  ceux  des  engrais 
animaux. 

11  faut  en  général  distinguer  deux  choses  dans  les 
compots  :  Téponge  ou  substance  absorbante ,  et  les  engrais 
plus  vivifiants  qu'on  lui  fait  absorber  par  un  procédé 
quelconque  d'incorporation.  Autant  que  possible,  la  base 
du  compot,  l'éponge,  doit  être  une  substance  fertilisante, 
telle  qne  de  la  tourbe ,  des  détritus  calcaires ,  des  pelures 
des  champs,  etc.  —  La  chaux,  le  sel  marin,  les  autres 
sels,  les  urines,  les  débris  animaux  et  végétaux  de  toute 
espèce ,  servent  à  leur  donner  une  plus  grande  valeur  ;  les 
fumiers  des  étables  pourraient  et  devraient  souvent  entrer 
eux-mêmes  dans  leur  fabrication. 

Si  une  chimie  plus  savante  présidait  à  l'agriculture,  la 
chaux  augmenterait  d'un  dixième  et  souvent  d'un  cinquième 
la  masse  des  engrais. 

Le  sel  marin  y  entrerait  pour  un  vingtième. 

Le  plAtre,  les  coquillages,  les  sels  calcaires,  les  plâtras, 
les  sels  ammoniacaux  des  usines  à  gaz ,  et  d'autres  sels  que 
l 'industrie  se  procure  si  difficilement  aujourd'hui ,  forme- 
raient le  pendant  de  la  chaux. 

Par  chaque  millier  d'hommes ,  les  résidus  des  ménages 
fourniraient  l'engrais  nécessaire  à  la  culture  des  terres  qui 
les  nourrissent  aujourd'hui ,  et  les  étables  environ  le  double. 

De  là  cette  conséquence,  qu'une  chimie  agricole  plus 
habile  exploiterait  chaque  millier  d'hommes  de  manière  à 
reproduire  au  besoin  la  substance  alimentaire  de  trois  à 


384  PHILOSOPHIE 

quatre,  tout  en  les  débarrassant,  par  une  parfaite  circulation 
des  produits  consommés  ou  détntus,  c'est-à-dire  de  tout  ce 
qui  est  dans  nos  villes  une  source  de  pestes,  d'épidémies, 
d'insalubrité,  de  mauvaises  odeurs. 

Il  est  donc  faux  de  dire,  avec  Malthus,  que  les  hommes 
se  multiplient  en  proportion  géométrique  ou  à  peu  près , 
et  les  aliments  en  proportion  arithmétique.  Ce  qui  est  à 
peine  vrai  des  hommes  ignorants  de  l'époque  actuelle  et 
des  hommes  plus  ignorants  encore  du  passé ,  est  essentielle- 
ment inexact  pour  l'avenir. 

Buffon  lui-même  et  d'autres  sont  restés  à  côté  de  la  vérité, 
quand  ils  ont  dit  :  «  Â  côté  d'un  homme  il  pousse  un  pain,  » 
ou  l'inverse  :  «  A  côié  d'un  pain  il  pousse  un  homme.  » 
—  La  science  nous  enseigne  de  la  façon  la  plus  évidente 
que  dans  l'état  actuel  des  choses ,  à  côté  d'un  homme  se 
trouvent  les  éléments  nécessaires  à  la  nourriture  de  trois 
ou  quatre.  Est-ce  sa  faute  ou  celle  de  notre  inhabileté ,  si 
nous  ne  savons  en  tirer  parti? 

Après  tout  ce  qiii  précède ,  le  lecteur  comprendra  que 
les  fumiers  des  bouchers  ne  devraient  pas  recevoir,  comme 
cela  se  fait  dans  les  bourgs  et  dans  les  villages,  le  sang 
des  animaux  que  la  fermentation  détruit  pour  moitié  ;  et 
que  presque  partout  on  agit  avec  aussi  peu  d'intelligence 
industrielle. 

Je  dois  le  répéter  encore  : 

Il  devrait  exister  dans  chaque  maison ,  à  la  campagne 
et  dans  les  villes ,  un  heu  muré  en  pierres  calcaires ,  dans 
lequel  se  rendraient  les  eaux  ménagères,  les  urines,  les 
matières  fécales;  dans  lequel  on  déposerait  toutes  les 
ordures ,  toutes  les  balayures  des  ménages ,  sous  l'influence 
de  poudres  absorbante»  appropriées. 

Chaque  étable  devrait  posséder  son  réservoir  h  urines, 
fut-ce  une  barrique ,  un  simple  baquet  enfoncé  en  terre , 
où  les  sels  ammoniacaux  seraient  fixés  et  transformés  par 
l'addition  de  chlorure,  de  manganèse,  de  sulfate  de  fer, 
d'acides  chlorhydrique  ou  sulfurique  étendus  d'eau. 

Partout  il  serait  utile  de  favoriser  les  nitrifications  artifi- 
cielles et  même  d'en  créer. 

En  somme,  si  la  circulation  des  produits  à  consommer 


DU  SIÈCLE.  285 

est  passable  dans  notre  état  actuel  de  la  civilisation ,  celle 
des  détritus  ou  produits  consommés,  destinés  à  servir 
d'engrais  et  à  revivre  dans  la  nature  par  leur  participation 
à  de  nouvelles  existences,  est  tout-à-fait  imparfaite:  de 
là ,  outre  les  maladies  sociales  du  corps  humanitaire  appe- 
lées disettes  et  famines,  mille  autres  inconvénients  séneux. 
Quel  changement  dans  la  vie  des  peuples ,  si  nous 
pouvions  fumer  quatre  fois  plus,  au  besoin,  les  terres 
cultivées  !  Le  monde  ne  deviendrait-il  pas  alors  un  jardin 
^rentable,  embelli  qu'il  serait  par  des  eaux  vives,  des 
étangs  poissonneux,  des  canaux  naviguables  et  des  cultures 
ma^ifiques? 

Aux  progrès  de  l'agriculture ,  se  rattache  l'amélioration 
du  sort  des  travailleurs  des  villes  et  des  campagnes ,  et , 
dans  un  ordre  moins  général  et  en  apparence  moins  huma- 
nitaire : 

Le  progrès  de  la  fabrications  des  boissons  fermentées  ; 

La  possibilité,  par  de  bonnes  fumures,  d'augmenter 
singulièrement  les  produits  de  la  vigne  ; 

La  fabrication ,  à  des  prix  fabuleusement  bas ,  du  sucre 
de  cannes  ; 

Une  production  double  en  chanvre  et  en  lin  sur  une 
surface  dcoanée  ,  ce  qui  permettra  quelque  jour  à  la  toile 
de  faire  aux  tissus-  de  coton  la  plus  rude  concurrence  ; 

Une  production  de  soie  plus  abondante  et  plus  sure 
pour  une  même  surface  de  terre  ; 

Une  séparation  parfaite  des  chiffons  de  soie  et  de  laine , 
résen'és  pour  la  fumure  des  terres  ou  pour  des  tissus  feutrés 
très-inférieurs. 

Une  simple  remarque  à  cette  occasion  :  supprimez  cette 
partie  si  utile  de  la  répurgation  dont  s'occupent  les 
chiffoniers ,  et  aussitôt  l'accumulation  des  chiffons  devient 
une  source  de  germes  infects ,  de  maladies  de  toute  nature 
que  de  grandes  chaleurs  et  de  l'humidité  pourraient  rendre 
pestilentielles. 

L'agriculture  savante  réagira  aussi  fortement  sur  la 
meunerie  des  classes  pauvres  et  sur  leur  boulangerie,  qui 
sont  aujourd'hui  si  inlërieures. 


286  PHILOSOPHIE 

Nous  ne  saurions  oublier  en  ce  chapitre,  ni  la  culture 
des  arbres  fruitiers,  ni  celle  des  fleurs:  Tune  et  l'autre 
tendent  et  tendront  de  plus  en  plus  à  prendre  une  immense 
extension.  La  culture  des  arbres  fruitiers  nous  révèle  une 
foule  de  faits  curieux:  l'un  d'eux,  c'est  que  toutes  les 
espèces  de  fruits  actuels  paraissent  très-différentes  de 
celles  qui  existaient  il  y  a  quelques  siècles.  On  dirait  que 
plusieurs  de  celles-ci  sont  épuisées  ;  elles  semblent  vouloir 
faire  place  à  des  espèces  nouvelles.  Que  deviendrait  cette 
culture  si ,  dans  tous  les  pays  civilisés ,  les  terres  amélio- 
rées par  suite  des  progrès  dans  les  irrigations,  les  labours 
et  les  engrais,  devenaient  toutes  des  jardins  véritables? 
Beaucoup  de  personnes ,  et  nous  sommes  du  nombre , 
voudraient  dans  chaque  ville  ime  promenade  couverte  qui 
servirait  à  une  foule  d'usages.  Dans  les  cités  populeuses , 
ce  serait  le  marché  aux  fleurs  et  le  promenoir  des  enfants. 
Il  serait  aussi  magnifique  et  d'un  goût  exquis  de  superposer 
de  grandes  serres  à  de  vastes  édifices  publics  :  on  réaliserait 
de  la  sorte  plus  et  mieux  que  les  jardins  suspendus  de  la 
Babylone  de  Sémiramis. 

Nous  avons  étudié  les  grands  facteurs  de  l'agriculture  ; 
passons  maintenant  à  quelques  applications. 

Quelques  Indications  a  l'Occasion  de  la.  Clïmature. 
—  L'état  moyen  autour  duquel  les  mondes  oscillent  est 
une  garantie  indéfinie  de  stabilité  pour  les  astres  qui  en 
font  partie  ;  mais  il  n'est  pas  indifférent  de  retrouver  de 
nouvelles  preuves  à  l'appui  de  la  pensée  du  géomètre  qui 
l'a  exprimée  la  première  fois.  Nous  devons  à  Arago  l'une 
des  plus  curieuses  démonstrations  qui  puissent  être  données 
sous  ce  rapport,  à  l'occasion  de  la  climature  terrestre. 
Voulant  établir  que  depuis  trois  mille  ans  la  température 
du  globe  n'a  pas  varié  d'un  demi-degré  ^  il  en  a  trouvé  la 
preuve  dans  un  fait  de  la  végétation. 

La  limite  inférieure  de  la  vigne  se  trouve  dans  les  pays 
où  la  température  moyenne  est  de  21  à  22  degrés  centi- 
grades. La  limite  supérieure,  pour  la  fructification  des 
f)almiers ,  est  de  21  degrés  centigrades.  La  Palestine  étant 
e  point  de  jonction  de  ces  deux  cultures ,  il  en  résulte  que 
sa  température  moyenne  est  entre  21  et  22  degrés.  Mais 


BU  SIÈCLE.  287 

depuis  5,000  ans  ce  fait  a  lieu  ;  donc  depuis  5,000  ans  la 
température  n'a  pas  varié,  en  Judée,  d'un  demi-degré. 
De  là  cette  autre  conclusion,  que  trente  siècles  n'ont 
apporté  aucune  réduction  sensible  à  la  chaleur  versée  par 
le  soleil  sur  la  surface  de  notre  globe. 

Cette  intéressante  démonstration  d'Arago  conduit  natu- 
rellement à  distribuer  notre  terre  en  une  série  composée 
de  sept  zones  : 

1"  Celle  qui  permet  au  café  de  mûrir, 

2"  Celle  des  datiers, 

5*  La  région  ou  zone  des  oliviers, 

4"  La  région  des  vignes, 

5"  La  région  des  céréales, 

6"  La  zone  ou  région  des  herbages, 

T**  La  zone  ou  région  des  forêts. 

M.  de  Gasparm,  dans  son  excellent  ouvrage  d'agriculture, 
a  considéré  les  cinq  dernières  comme  appartenant  à  la 
climature  européenne. 

Tayttdis  que  le  café  réclame  une  moyenne  d'au  moins  25 
degrés,  condition  dans  laquelle  la  vigne  ne  vient  plus  qu'à 
l'ombre,  le  dattier  ne  réclame  que  vingt-et-un  degrés.  — 
L  olivier  ne  peut  supporter  que  quelques  jours  seulement 
une  température  au-dessous  de  sept  et  huit  degrés,  et  de 
plus  il  est  nécessaire  pour  qu'il  fructifie ,  qu'il  reçoive  un 
surcroît  de  1099  calories  météorologiques  en  sus  des  dix- 
neuf  degrés  de  température  moyenne  de  l'époque  à  laquelle 
il  fleurit.  —  La  vigne  entre  en  floraison  à  une  température 
de  dix-sept  ou  dix-huit  degrés,  et  pour  que  son  fruit 
mûrisse,  il  faut  qu'il  reçoive  21*^,  5.  Quel  que  soit  notre 
désir  de  contribuer  à  faire  accepter  la  classification  des 
cultures  que  nous  venons  de  signaler,  nous  devons  faire 
remarquer  que  les  trois  dernières  se  pénètrent  singulière- 
ment et  ne  se  soumettent  qu'à  des  considérations  générales, 
uuUement  à  des  considérations  mathématiques  de  sépara- 
lioQ.  11  n'en  est  pas  moins  exact  que  la  série  dès  principales 
cultures  du  globe  se  partage  en  sept  divisions,  et  si  les 
herbages  pénètrent  dans  la  zone  des  blés  et  réussissent 
mieux  en  Angleterre  et  en  Bretagne  ,  cela  tient  à  ce  que 
souvent  les  terres  de  ces  contrées  se  trouvent  humides  au 


288  PHILOSOPHIB 

point  de  trop  favoriser  le  développement  de  plantes  étran- 
gères. —  On  admet  qu'après  trois  jomrs  de  pluie ,  la  terre 
des  pâturages  pérennes  doit  renfermer  25/100  d'eau  ;  cette 
condition  n'est  évidemment  pas  favorable  à  la  culture  des 
bois,  et  de  plus  elle  rendrait  impossible  celle  des  céréales. 
—  Les  blés  et  les  pâturages  se  terminent  par  des  arbres 
verts  et  des  bouleaux.  Viennent  ensuite,  soit  que  Ton 
s'élève  sur  les  montagnes,  soit  que  Ton  s'avance  dans  le 
Nord,  des  arbres  rabougris,  le  rhododendron;  puis  des 
plantes  vivaces  rasant  le  sol,  puis  du  lichen,  dernière  trace 
de  la  vie  dans  les  lieux  où  la  chaleur  intérieure  du  globe 
n'exerce  plus  d'action  sensible. 

Des  Montagnes.  —  Les  montagnes  se  divisent  en  deux 
séries  très-distinctes  :  les  unes  sont  assez  élevées  pour  que 
la  végétation  des  arbres  s'arrête  sur  leur  pente  à  une 
hauteur  qui  varie,  mais  qui  ne  dépasse  guère  2,500  mètres, 
et  leurs  sommets  sont  en  général  couverts  de  neiges  ;  les 
autres  plus  anciennes,  portent  moins  haut  leurs  cimes. 
Pour  les  unes  comme  pour  les  autres,  les  forêts  sont  le 
meilleur  moyen  de  prévenir  la  dégradation  des  pentes. 
Plus  on  étudie  les  harmonies  de  la  nature ,  plus  on  trouvé 
que  les  forêts  sont  faites  pour  les  hauteurs.  Là  elles  servent 
à  briser  les  vents,  à  abriter  les  vallées,  à  tempérer  l'atmo- 
sphère, à  s'emparer  de  son  humidité  qu'elles  rendent 
ensuite  à  leur  partie  la  plus  déclive  sous  la  forme  de 
sources ,  à  retenir  le  sol  dans  les  lieux  élevés  et  à  prévenir 
ainsi  les  ensablements.  Combien  de  rivières,  aujourd'hui 
desséchées ,  combien  de  torrents  qui  ont  porté  le  nom  de 
fleuves,  dans  les  heux  où  les  bois  ont  été  détruits.  Frappées 

f)ar  les  rayons  du  soleil ,  les  montagnes  qui  entretenaient 
eurs  sources  ne  présentent  plus  aux  nuages  qu'iuie  surface 
chaude  qui  vaporise  leurs  eaux  prêtes  à  s'y  fixer,  au  lieu 
de  cette  verdure  qui  les  attirait  autrefois. 

Les  attérissemeuts  du  Mississipi  suivent  une  marche 
progressive  depuis  les  grands  défrichements  de  l'Amérique 
du  Nord.  Le  déboisement  des  montagnes  de  la  France  et  le 
dessèchement  d'un  grand  nombre  d'étangs  et  de  mararis,  a 
rendu  notre  climat  moins  froid  en  hiver,  mais  il  est  deveùu 


DU  SIÈCLE.  389 

moins  chaud  en  été ,  et  beaucoup  de  nos  rivières  perdent 
de  leur  navigabilité.  N'oublions  pas  que,  dans  cet  instru- 
ment que  Ton  appelle  daguéréotype ,  les  surfaces  vertes 
agissent  exactement  comme  les  surfaces  noires,  que  par 
saite,  les  forêts  ont  une  puissante  action  absorbante  pour 
la  lumière,  la  chaleur  et  les  rayons  chimiques  qui  les 
accompagnent ,  action  qu'elles  exercent  fructueusement 
au  profit  de  la  vie  du  globe.  Planter  les  plaines  de  grands 
arbres,  ce  serait  ramener  nos  contrées  à  leur  ancienne 
climature.  La  plantation  de  nos  montagnes  et  la  culture 
de  leurs  bois  sont  donc  d  une  grande  importance  ;  mais 
comment  espérer  que  quelques  particuliers  sans  mission 
Teilleront  à  l'intérêt  général  de  contrées  étendues.  Que 
leur  importe  à  eux  qu'un  port,  éloigné  de  150  à  200  lieues, 
soit  comblé  dans  quelques  siècles ,  en  même  temps  que  la 
rivière  qui  passe  auprès  de  leurs  propriétés  cessera  d'être 
naviguable  à  la  même  époque  ?  C'est  donc  à  la  société  k 
intervenir  directement  elle-même  et  à  s'occuper  activement 
de  planter  toutes  les  chaînes  dont  les  versants  donnent 
naissance  à  des  sources  importantes. 

Nous  avons  dit,  à  l'article  des  eaux,  de  quelle  ressource 
pourraient  être  ,  pour  toutes  nos  industries ,  des  tunnels 
passant  sous  les  plus  élevées  de  nos  montagnes.  Remar- 
quons toutefois  que  les  ruisseaux  auxquels  leurs  pentes 
convertes  de  bois  donnent  naissance ,  deviennent,  canalisés 
par  la  main  de  l'homme,  les  moyens  de  transport  et 
d'exploitation  des  forêts  et  des  mines  de  ces  mêmes 
montagnes.  Ainsi,  tout  est  solidaire  en  ce  monde,  et  son 
étude  nous  prouve  que  notre  globe  a  été  fait  pour  l'homme, 
comme  l'homme  a  été  fait  pour  le  globe  ;  de  la  même 
manière  que  la  géologie  nous  enseigne  que  l'humanité  a 
paru  sur  cette  terre  le  jour  où ,  purgée  de  tous  ses  grands 
carnivores,  embellie  par  la  végétation  de  plantes  acotylédo- 
né«set  dycotilédonées ,  arrosée  par  des  fleuves  magnifiques, 
la  terre  avait  pris  ses  habits  de  fête  pour  la  recevoir. 

Lbs  Plateaux,  les  Places,  les  Vallées  et  leur 
Agriculture. — Si  les  forêts  sont  faites  pour  les  montagnes, 
les  autres  cultures  doivent  occuper  les  plateaux,  les  plaines  et 


290  PHILOSOPHIE 

les  vallées,  excepté  dans  les  contrées  très-froides,  où  les  bois 
de  construction  sont  trop  souvent  la  seule  exploitation  que 
puisse  essayer  Tagriculture.  Dans  les  pays  rapprochés  du 
cercle  polaire,  disent  les  statisticiens,  les  bois  et  le  chanvre 
sont  presque  les  seuls  objets  que  le  règne  végétal  fournisse 
avec  abondance ,  de  manière  à  permettre  à  l'homme 
des  champs  de  s'occuper  de  leur  culture.  Aménagé  con- 
venablement ,  rhectare  de  bois  rapporte  20  francs  ;  mais 
l'hectare  de  chanvre  donne  plus  de  200  francs.  L'encom- 
brement de  ces  produits  rend  onéreux  leur  chargement , 
leur  transport,  leur  déchargement  et  leur  entrepôt.  La 
culture  de  l'olivier,  de  la  garance  et  du  cotonnier  fournit, 
en  Grèce,  600  francs  par  hectare,  ce  qui  est  un  produit 
double  de  celui  des  bonnes  terres  de  notre  climat.  Sous  les 
tropiques ,  l'hectare  cultivé  en  caféiers  et  en  cannes  à  sucre 
rapporte  huit  fois  plus  qu'un  hectare  de  blés  ou  de  vignes 
de  nos  contrées ,  trois  ou  quatre  fois  plus  que  les  cultures 
de  Grèce ,  dix  à  onze  fois  plus  que  les  produits  avantageux 
des  contrées  boréales,  et  cent  fois  plus  que  leurs  forêts. 
Trente-six  lieues  carrées  de  bonnes  terres,  aux  Antilles, 
suffiraient,  bien  cultivées,  à  produire  le  sucre  que  la 
France  consomme.  Ces  faits,  de  la  plus  haute  importance, 
suffisent-ils  à  prouver,  comme  nous  l'avons  écrit,  en  18S4 , 
dans  notre  traité  d'économie  sociale,  comme  beaucoup 
l'ont  répété  depuis  ,  que  la  tendance  des  hommes  du 
Nord  à  lancer  vers  le  Midi ,  vers  les  pays  où  le  soleil  est 
plus  chaud  et  la  terre  plus  fertile,  des  essaims  de  leur 
population,  doit  durer  jusqu'à  ce  que  la  population  moyenne 
de  ces  contrées  soit,  avec  celle  de  la  France,  dans  le 
rapport  de  8  à  .10 ,  et  que  ce  serait  une  bonne  politique 
que  de  distribuer  les  hommes  sur  la  surface  du  globe  en 
raison  de  la  puissance  pécuniairement  productive  de 
chaque  contrée  ?  Non ,  sans  doute  ;  toutes  les  cultures  du 
Midi  ne  sont  pas  aussi  avantageuses  que  celles  du  sucre  et 
du  café  ;  bien  des  produits  de  la  Grèce  sont  inférieurs  en 
rendement  pécuniaire,  aux  olives  et  aux  cotons,  et  puis 
n'est-il  pas  indispensable  de  tenir  compte  de  cette  mollesse 
que  produisent  les  climats  brûlants ,  vis  à-vis  de  l'énergie 
que  l'homme  peut  développer  dans  les  pays  plus  froids  ? 


DU   SIÈCLE.  291 

Il  est  encore  nécessaire,  pour  se  rendre  compte  de  Tavenir 
agricole  du  monde,  de  prendre  la  question  à  un  autre 
point  de  vue. 

La  culture  des  céréales,  des  fourrages  artificiels,  des 
racines  et  des  légumes,  se  compose  avant  tout  de  deux 
éléments:  les  labours  et  les  engrais;  puis  d'un  troisième, 
les  arrosages,  dans  quelques  localités  exceptionnelles  et 
privilégiées.  La  nature  des  prairies  naturelles  en  comporte 
deux  :  les  engrais  et  les  irrigations.  Cela  posé ,  voyons  ce 
que  peut  l'homme  pour  améliorer  les  produits  de  son 
industrie  agricole.  Prenons  les  55  millions  d'hectares  de 
France  pour  une  moyenne  entre  les  terres  diverses  qui 
forment  les  14  milliards  d'hectares  du  globe,  et  voyons,  par 
ce  qu'il  est  possible  de  faire  de  la  France ,  ce  que  pourrait 
devenir  le  monde  entier. 

Sur  ces  55  millions  d'hectares ,  nous  trouvons  en  : 

Prairies  naturelles 4,198,000  hectares. 

Prairies  artificielles 1,570,000 

Jachères  attestant  notre  igno- 
rance et  notre  impuissance 

agricoles 6,765,000 

Pâturages ,  pâtis ,  landes  et 
bruyères,  terres  mal  utili- 
sées   9,191,000 

Froment  seulement 5,586,000 

Epeautre 4,000 

Seigle 2,577,000 

Méteil 910,000 

Orge 1,188,000 

Avoine 3,000,005 

Maïs  et  millet 631,000 

Sarrazin 651,000 

Fèves,  févroUes  et  lentilles. . .  12,000 

Pois ,  vesees ,  bisaille 29,000 

Légumes  secs 296,000 

Jardins. 360,000 

Bois  et  forêts,  châtaigneraies.  9,253,000 

Ce  tableau  serait  incomplet,  si  nous  n'ajoutions  que 


392  PHILOSOPHIE 

les  4/5  de  nos  prairies  ne  sont  jamais  fumées  et  que  les 
cultures  de  blé  le  sont,  en  moyenne,  avec  26  mètres  cubes 
de  fumier  d'étables  par  demi-hectare.  En  présence  de  ce 
fait  déplorable  d'impuissance ,  il  convient  de  poser  nos 
convictions  et  nos  espérances.  Pendant  quatre  ans ,  nous 
nous  sommes  occupé  d'engrais  artificiels  :  nous  avons  vti 
échouer  dans  les  terres  neuves ,  contrairement  à  Topinion 
des  Dumas ,  des  Payen  et  des  autres  célébrités ,  les  en- 
grais simplement  azotés  qui  réussissent  dans  les  autres. 
Leurs  erreurs  nous  ont  coûté  25  mille  francs;  et  nous, 
nous  avons  quelque  droit  de  parler  sur  cette  question , 
ayant  fait  et  suivi  de  près  de  très-nombreuses  expé- 
riences. 

Nos  calculs  établissent  que  la  France  pourrait  arriver 
à  posséder  un  cinquième  et  plus  de  sa  surface  en  prairies 
naturelles,  soit  environ  10  à  12  millions  d'hectares  au 
lieu  de  quatre.  Si  ces  dix  millions  d'hectares  étaient  conve- 
nablement arrosés  et  fumés  chaque  année ,  leur  produit 
total  atteindrait  rapidement  six  milliers  de  kilogrammes 

i)ar  hectare ,  ou  moitié  en  sus  du  produit  ordinaire.  Ainsi 
e  prouvent  les  expériences  faites  par  d'autres  et  par  nous- 
même  avec  du  guano ,  des  sels  ammoniacaux ,  des  tourbes 
animalisces,  des  sels  de  morue,  des  noirs  résidus  de  raffi- 
nerie et  des  poudrettes ,  en  valeur  moyenne  de  50  à  60 
francs  par  hectare. 

La  France ,  qui  ne  possède  que  51  millions  et  demi  de 
bêtes  de  toute  nature,  se  verrait  donc  bientôt  dans  la 
possibilité  d'augmenter  considérablement  son  cheptel, 
puisqu'elle  aurait  accru  le  chiffre  de  ses  prairies  dans  le 
rapport  de  dix  à  quatre,  et  celui  de  leur  rendement  dans  le 
rapport  de  deux  à  un. 

Actuellement  elle  recueille  à  peine  douze  millions  de 
milliers  de  kilogrammes  de  foin ,  et  cependant  elle  pourrait 
arriver  à  dépasser  soixante  millions  de  milliers  de  kilo- 
grammes. 

La  France ,  avant  de  longues  années ,  pourrait  donc 
avoir  un  cheptel  de  100  à  300  millions  de  bêtes  de  toutes 
espèces,  10  millions  d'hectares  de  prairies,  et  plus  de 
50  millions  d'hectares  parfaitement  fumés  et  cultivés ,  de 


BU  SIÈCLE.  293 

manière  à  nourrir  72  millions  d'hommes,  beaucoup  mieux 
qu'elle  ne  nourrit  aujourd'hui  les  56  millions  qui  foulent 
son  sol  souvent  ingrat.  Mais  qui  oserait  comparer  la 
France  à  la  Hongrie,  à  l'Ukraine,  à  l'Italie,  à  l'Espagne,  à 
l'Algérie,  à  l'Egypte,  à  l'Inde,  et  surtout  aux  Amériques , 
même  à  l'Afrique,  dont  la  fertilité  deviendait  si  grande 
avec  de  bonnes  irrigations  ?  Il  sera  donc  possible  un  jour 
de  produire ,  sur  notre  globe ,  une  nourriture  très-confor- 
table pour  14  milliards  d'habitants  qui  fouleraient  ses 
14  milliards  d'hectares  de  terre ,  et  de  donner  à  la  famille 
humaine  un  luxe  de  bien-être  matériel  qui  dépasse  toute 
imagination. 

De  pareilles  conquêtes  ne  seraient  pas  sans  gloire ,  mais 
elles  présentent  de  nouvelles  difficultés.  Depuis  quelques 
araiées,  plusieurs  de  nos  plantes  les  plus  nutritives  sont 
attaquées  par  des  parasites  assez  mal  étudiés  encore  et 
très-mal  combattus  jusqu'à  ce  jour.  Ajoutons,  car  la  vérité 
importe  plus  que  le  besoin  de  plaire,  qu'avant  l'ouvrage 
de  Charles  Robin,  sur  les  végétaux  parasites  qui  croissent 
sur  l'homme  et  les  animaux  vivants ,  la  France  ne  possé- 
dait aucun  ouvrage  sur  cet  important  sujet  qui  méritât 
d'êlre  cité.  Celui-ci,  malgré  son  mérite,  n'envisage  qu'une 
partie  de  la  question.  Il  faut  à  la  société ,  un  ouvrage  sm- 
les  parasites  des  deux  ordres  et  sur  ceux  qui  attaquent  les 
plantes,  tout  aussi  bien  que  sur  ceux  qui  attaquent  le 
règne  animal  ;  il  lui  faut  aussi  et  surtout  les  moyens  de  se 
débarrasser  de  ces  ces  hôtes  si  nuisibles.  —  Depuis  six 
ans,  nos  pommes  de  terre  se  perdent  chaque  année,  nos 
vignes  sont  très-compromises  et  nos  froments  eux-mêmes 
ont  été  menacés.  —  Terribles  épidémies  que  celles  qui 
s'attachent  à  la  substance  nutritive  et  viennent  menacer 
l'homme  au  milieu  de  ses  conquêtes  scientifiques  ! 

Lorsque  la  solution  de  nos  problêmes  sera  devenue  possi- 
ble, la  science,  par  de  nouveaux  progrès,  se  sera  mise  en 
mesure  d'ajouter  encore  au  bien-être  de  l'humanité  en 
augmentant  les  produits  obtenus  par  le  travail  humain. 

Plus  on  étudie  les  ressources  de  la  nature ,  plus  en  véritt'^ 
on  reste  stupéfait  en  vovant  tout  ce  que  nous  pourrions 
faire  et  le  peu  que  nous  faisons  pour  notre  bonheur. 

13 


294  pniLOsopniE 

Si  maintenant  nous  nous  demandons  la  loi  de  cette 
grande  circulation  qui  transforme,  dans  des  conditions 
données  ,  en  terres  arables ,  en  humus ,  en  plantes  et  en 
animaux,  Toxigène,  Thydrogène,  le  carbone,  l'azote  et 
divers  éléments  minéraux,  nous  arrivons  à  penser  que 
rhumanité  ne  sait  encore  diriger  en  aucune  manière  les 
agents  naturels  dont  elle^disj^eso  ;iqli*elle  les  connaît  à  peine 
passablement  depuis  50  ans  et  qu'elle  peut  accroître  la 
production  en  denrées  alimentaires  bien  plus  rapidement 
que  ne  marche  l'accroissement  de  la  population.  Nous 
sommes  donc  au  début  d'une  magnifique  série  de  conquêtes 
scientifiques  et  de  progrès  en  bien-être  matériel.  Cette 
série  suivra  la  loi  de  la  vie  ;  elle  se  développera  pendant  des 
milliers  d'années,  puis  elle  oscillera  jusqu'au  refroidisse- 
ment du  globe  autour  d'un  état  moyen  :  alors  viendront  la 
vieillesse  et  la  décrépitude  de  l'humanité ,  puis  cette  trans- 
formation qui  est  la  fin  de  la  vie  el  le  renouvellement  de 
l'existence. 


BU   SIÈCLE.  â9S 


LIVRE  V. 


VIES  ANIMALES. 

COMMSIiT   SB  S0I9X  PAO^UITS  LES  ATRES  QUI  VIVENT 
A    LA    SUBfACB    BB    LA    TBIRE. 

Avant-hier  la  science  tenait  ce  langage  :  Prenez  Teau  la 
plus  pure^  placez-la  dans  un  flacon  bouché  et  à-demi 
rempU  d'air;  qu'elle  soit  exposée  à  la  lumière,  et  bientôt 
vous  y  verrez  de  la  matière  organisée  de  couleur  verte.  — 
Le  même  phénomène  aura  lieu  en  Tabsence  de  la  lumière; 
mais  la  substance  organisée  sera  sous  forme  de  flocons 
étiolés.  —  Voulant  prévenir  toute  objection,  Ingenhouz 
soumet  préalablement  le  flacon,  Tair  et  Teau  de  son 
expérience  à  une  chaleur  capable   de  détruire  tous  les 


Si  Ton  abandonne  à  elle-même,  disait-elle  hier,  une 
infusion  à  l'abri  des  substances  étrangères,  mais  sous 
l'influence  des  agents  impondérables,  bientôt  on  y  voit 
naître  et  s'éteindre  des  générations  aux  formes  de  plus  en 
complexes ,  telles  que  des  bactérium ,  des  monades  ,  des 
tricodes ,  des  protées ,  des  vibrions ,  des  plosconies  ;  puis  la 
plasticité  du  liquide  diminue,  sa  puissance  de  procréation 
faiblit,  SQS  productions  descendent,  après  l'avoir  montée, 
l'échelle  des  êtres  jusqu'à  ce  que  le  règne  végétal  ne  vienne 
remplacer  le  règne  animal. 

Mais,  disent  les  esprits  philosophiques,  si  l'expérience, 
au  lieu  de  se  passer  dans  un  mince  flacon ,  pouvait  avoir 
lie#dans  un  lac,  au  contact  d'éléments  plus  nombreux 


296  PHILOSOPHIE 

(le  carbone,  d'hydrogène  carboné,  de  gaz  et  de  sels  de 
diverses  naturels,  sous?  l'influence  d*une  température  aussi 
élevée  que  <ielle  qui  est  communiquée  à  leurs  œufs  par  les 
animto'x'  qui  l«s  couvent,  $oit  au  dehors  soit  au  dedans 
d'eux-mêïufeâ  et  dans  un  organe  spédial  appelé  motrice, 
les  choses  se  p^sseraiettt-elles  de  la  même  manière?  Les 
organisations  tndîTnerttaires,'  forfiftéèsau  milieu  de  substances 
préexistantes  par  les  forces  "vives  tîela  nature ,  ne  seraîd&t- 
elles  pas  dans  les  meilleures  conditions  possibles  pour 
s'accroitte  en  volume,  en  durée  d'existence ^  pour  se  déve- 
lopper par  tine  riutntïOn  quelconque  et  se  perpétuer  par 
reproduction?  • 

Cette  hypothèse  ne  devient-elle  pas  une  probabilité 
quand  on  songe  qu'il  y  a  eu  dans  là  vie  de  notre  planète 
une  époque  où  les  montagnes  très-peu  élevées  correspon- 
daient à  des  mers  peu  profondes,  où  les  eaui  couvraient 
presque  l!ou:ela  sùtfacèdu  gk*e,  où  les  terres  émergeantes 
étaient  sans  cesse  inondées  par  le  flux  et  le  reflux  des 
marées ,  où  la  température ,  phië  élevée  que  de  nos  jours , 
où  une  électricité  plus  développée,  devaient faeilitw'  toutes 
les  réactions  oi%aniqoes  ou  génératrices. 

Nous  ne  saurions  oublier;  en  étudiant  la  question  encore 
si  obscure  de  l'apparitioti  des  premiers  êtres  organisés, 
que  les  premières  terres  qui  ont  mis  à  sec  des  espèces 
animales,  ont  dû  produire ,  à  leur  égard,  un  effet  analogue 
en  son  genre  à  celui  de  l'accouchement  pour  le  fœtus  qui 
passe  rapidement  de  la  vie  utérine  à  la  vie  aérienne,  avec 
toutefois  cette  différence  que ,  pour  beaucoup  d'espèces,  la 
transition  a  pu  être  parfaitement  ménagée. 

Il  y  a  donc  eu ,  pour  les  êtres  qui  vivent  aujourd'hui  sur 
terre  ou  dans  les  airs,'  des  transformations  nécessaires, 
ordonnées,  pour  ainsi  dire,  par  leurs  milieux,  qui  ont 
substitué  aux  organes  d'une  vie  plus  ou  moins  complète- 
tement  aquatique,  les  organes  d'une  rie  plus  aérienne, 
par  suite  plus  oxigénée ,  plus  ardente ,  plus  aetive  ,  plus 
passionnée  ,  soumise  à  de  nouveaux  besoms. 

Depuis  quelques  années ,  la  science  a  fait  un  pas  de 
plus  :  à  ses  assertions  d'hier  et  d'avant-hier  elle  ajoute 
chaque  jour  de  nouvelles  découvertes  qui  tendent  à  déA)n- 


DU  SIÈCLE.  997 

trer,  d'une  manière  irréfutable ,  les  transformations  de  la 
substance  organique^  !sa  manière  de  se  développer,  de 
s'aceroltre^  de<&6re{»^^iro  dans  de&  conditions  différentes 
de  œUesque  supposaient  nos  pères  ^  qiuoique  constamment 
soumises  mi%  grandes,  lois i  de  la  vie  ^el  dominées  par  la 
pesanteur^  par  l6s.affioité$,  par  Tq^pientation  des  molécules 
ou  polarité ,.  par:  U .  solidarité  et  la  circulation  au  sein  des 
agï^alions.  modulaires  comme  au  sein  de  la  grande 
nature. 

Sans  doute,  il eât  difficile,  eooor^,  mi^me  avec  la  science 
d'hier»  de  bien  comprendre  oommeot  des  infusoires  nés 
au  scindes  mers  primitives,  la  nature  a  pu  faire  les  animaux 
qui  existent  aujourd'hui  à  la  surface  du  globe;  comment 
elle,  a  organisé •  les  Qocons'de  matières  azotées  qui  sont 
devenus  les  êtres,  qui  peuplent  no&  mers  el  nos  continents. 
Mais  la  difficulté  .n'est  pas  une  impossibilité  absolue,  et 
iMHis  verrons  bientôt  4ans  nos  recherches  que  s'il  est  des 
lois  encore  inconnueSfqut  nous  échappent^  il  en. est  d'autres^ 
dont  la  nature. ne  pouvait  ^'écarter,  parce  qu'elles  règlent 
le  plan  providentiel  des  choses. 

Nous  voyons  chaque  jour,  sous  nos  yeux ,  les  œufs  des 
insectes  produire  des>  larves  appelées  chenilles,  quand  il 
s'agit  despapiUons.  Ces  larves  grandissent  et  se  développent , 
elles  se  transformenit  en  nymphes  ou  chrysalides,  et  ces 
nymphee  donnent  naissance  à  leur  tour  à  des  animaux 
plus  pasfaitd,  à  des  insectes  ailés,  dernier  terme  de  leur 
développement.  Nous  voyons  encore  les  œufs  de  la  gre- 
nouille et  de  la  salamaiKtre  produire  de  petits  poissons 
appelés  têtards,  et  oes  têtards  donner  naissance,  par  une 
transformation  véritable ,  à  des  animaux  batraciens  munis 
de  poumons.  La  nalure  a  donc  admis  le  fait  des  trans- 
formation» oomme  loi  de  développement  pour  divers  genres 
d'espèces  animales. 

De  quelle  manière  s'accomplissent  ces  transformations? 
Disons  d'abord  le  mode ,  et  pk^s  tard  nous  rechercherons 
les  causes.  — ^  Le  mode  le  voiei  :  dans  la  chenille  se 
forment  et  se  développant  peu  à  peu  les  organes  que  plus 
tard  le  j)apillondevra  manifester.  L'état  de  nymphe  ou  de 
chifsahde  a  cela  de  particulier,  qu'il  imite  et  reproduit 


398  PHILOSOPHIE 

parfois,  au  sein  de  la  vie  animale,  ce  qui  a  lieu  au  sein 
de  la  vie  minérale.  —  Ayez  une  solution  cristallisable  très- 
satm^ée ,  soit ,  par  exemple ,  une  solution  de  sucre  ou  de 
sulfate  de  fer;  placez-y  un  fil,  et  aussitôt  des  cristauit  se 
déposent  tout  autour  :  ce  fîl  formealors  un  axe  de  cristalli- 
sation. ^ —  Souvent  la  nymphe  ott*  chrysalide  est  «n  grande 
partie  liquide,  et  ses  tissus  semblent  s'organiser  au  sein 
d  une  solution,  à  l'imitation  des  cristallisations  minérales. 
Le  fait  est  très-différent ,  mais  il  y  a  cependant  quelque 
similitude.  —  Le  jour  arrive  où  Torgamsation  du  papillon 
au  sein  de  la  chrysalide  étant  complète ,  la  chrysalide  se 
rompt  et  le  prisonnier  s'en  échappe  brillant  et  prfait.  Hais 
si  la  main  de  l'homme  intervient ,  si  elle  brise  avant  le 
temps  la  chrysalide ,  elle  ne  trouve  que  des  organes  rudi- 
mentaires  et  l'animal  est  incapablo  de  vivre.  Si  elle  agit 
plus  tard ,  les  organes  restent  à  VéM  rudiméntaire.  Si  elle 
agit  plus  tard  encoie,  on  voit  le  papillon,  par  exemple^  sortir 
avec  de  petiteset  courtes  ailes  très-ramassées,  très-épaisses; 
mais  il  suffit  de  quelques  heures,  parfois  de  quelqties 
minutes,  pour  qu'elles  prennent  un  entier  développement. 

Nous  eussions  pu  aller  plus  loin  encore  et  comparer  les 
développements  parallèles  de  l'œuf  du  papillon  et  de  l'oBfuf 
des  animaux  à  mamelles ,  de  la  brebis ,  par  exemple.  Cet 
examen  curieux  nous  eût  conduit  à  des  considérations 
très-élevées  sur  l'unité  de  plan  des  êtres,  mais  elles  ne 
seraient  pas  ici  à  leur  place. 

Passons  aux  têtards.  Ces  animaux  de  transition  ont  un 
squelette  cartilagineux;  ils  n'ont  point  de  pattes,  mais 
une  longue  queue  applatie  qui  leur  sert  de  nageoire  ;  puis 
ils  présentent  de  chaque  coté  du  cou  comme  un  petit 
panache ,  vraies  branchies  ou  poumons  pour  respirer  dans 
l'eau.  Au  fur  et  à  mesure  qu'ils  grandissent,  les  pattes  se 
développent.  Ce  sont  d'abord  en  général  les  pattes  anté- 
rieures qui  paraissent  ;  (Quelquefois  même ,  dans  certaines 
espèces ,  les  pattes  postérieure»  ne  se  développent  iamais. 
Chez  beaucoup  de  têtards ,  la  queue  grandit  avec  le  reste 
du  corps  ;  mais  chez  ceux  des  grenouilles,  elle  s'atrophie 
ot  se  flétrit  en  sens  inverse  du  développement  des  pattes , 
de  manière  à  ne  plus  exister  quand  l'animal  est  partait. 


BU  SIÈCLE.  399 

A  mesure  que  les  poumons  prennent  de  Tampleur,  les 
branchies  du  iêtafd  diminuent  et  disparaissent.  Cependant 
quelques  animaux  les  eonservent  toute  la  vie,  de  manière 
à  pouvoir  respirer  presque  également  dans  Teau  ethors  de 
Teau  :  oe  sont  des  amphibies  véritables.  Avec  le  -développe- 
m^tdu  poumon,  des  chan^meats  importants  s^produisent 
parallàlemenl  dans  la  disposition  du  eœur  et  4es  gros 
vaisseaux  y  preuve  évidente  de  la  solidarité  des  organes, 
de  telle  sorte  que  la  circulation ,  qui  était  au  début  de  la 
vie  celle  d'un  poîssouv  devient ,  dans  un  Âge  plus  avancé 
et  lors  du  développesneiat.  parfait  j  cdle  d'un  batracieti. 
Et,  comme  si  elle  avait  cm  nécessaire  de  les  réserver 
pour  notre  instruction,  la  nature  a  voulu  que  les  diverses 
espèces  de  batraciens  nous-  présenta^ssent  toutes  les  varia- 
tions possibles  qui  peuvent  exister  entre  le  têtard  et 
ranimai  parfait.  C'est  «bsi  que,  par  des  organes  nouveaux 
substitué  à  desoiiganes  impuissants,  la  nature,  si  provi- 
dentielle en  ses  soins,  approprie  les  êtres  au  rôle  quils 
doivent  remplir  dans  les  divers  milieux  au  sein  diesquels  it^ 
devront  vivjre  successivement. 

L'étude  de  l'évolution  dies  fœtus  des  animaux  supérieurs 
nous  eut  conduit  à  des  résultats  identiques  ;  nous  eussions 
vu  leurs  vies  fœtales  se  modifier  progressivement  et  succes- 
sirement  sous  l'influence  de  la  transformation  successive 
et  progressive  de  leurs  organismes  qui,  après  avoir  représenté 
des  organismes  inférieurs,  arrivent  à  leur  état  d^mitif 
auxquels  ils  s'arrêtent. 

Beaucoup  de  circonstances  peuvent  accélérer  ou  retarder 
les  transformations  qui  ont  lieu  pour  les  batraciens ,  au 
sortir  de  l'œuf  ;  mais  la  science  commence  à  jjeine  à  les 
étudier  et  eUe  ne  s'est  pas  encore  occupée  de  savoir  si 
elle  ne  pourrait  pas  prolonger  l'état  de  gestation  des  ani- 
maux élevés ,  ce  qui  conduirait  à  modifier  rapidement  et 
profondément  les  races  en  les  attaquant  dans  le  développe- 
m^t  de  leurs  germes,  dans  cet  état  où  ils  correspondent 
aux  larves  et  chrysalides  des  insectes,  aux  têtards  dos 
batraciens. 

Revenons  maintenant  aux  infusoires,  l'esprit  bien  pénétré 
des  transformations  qui  nous  sont  familières,  parce  qu'elles 


500  PHILOSOPHIE 

se  passent  sans  cesse  sous  nos  yeux.  Que  nous  dit  la  science 
la  plus  moderne  ? 

Parmi  ces  êtres  qui  se  oomposent  évideomient  desimpies 
cellules  organisatricefrtout*^à-fait  primitiTes  et  nidimentaires, 
se  trouvent  les anglènes  ;  eHesont,  comme  les  papillons, 
uu  état  <le  larve  ,  c'«st  leur  état  d'eiigiène;  puis  un  état 
de  jiytiophe.  Celui-ci  a  lieu  lorsqû'elhes  •  sont  roulées  en 
boule  et  enveloppées  comme  d'un  cocon  par  une  matière 
quasi-albumineuse,  matière  qui  reparaît  à  l'origine  de 
tous  les.  êtres;  elle  enveloppe  le  jaune liu  poulet ,  le  fœtus, 
cette  chrysalide  des  animaux  supérieurs. 

Mais  que  va  produire  la  chrysalide  de  l'englène,  ce  têtard 
des  êtres  infusonres  ?  Ici  la  nature  s>st  laissée*  surprendre 
par  1©  docteur  Gros,  dans  les-  variations  de  ses  transforma- 
tions. Tantôt  ces  transformations  donnent  naissance  à  des 
nématoïdes,  à  des  rotatoires,  espèces  supérieures  aux 
eiiglènes  ;  tantôt  la  chrysalide  infusoire  se  divise ,  et 
tandis  ifae  des  parties  repifoduisent  des  englènes  ou  des 
animaux  supérieurs,  d'autres  donnent  naissance  à  des  végé- 
taux, à  des  êtres  inférieurs.  —  Reprises  et  semées  sur  de 
la  marne,  les  englènes  ont  dcmné  au  docteur  Gros,  sous 
l'influence  d'un  mili^i  nouveau  et  d'une  opération  analogue 
h  l'accouchement ,  non  plus  des  êtres  aquatiques ,  non 
plus  la  matière  verte  des  eaux ,  c'est-à-dire  de  véritables 
conferves ,  maïs  des  mousses  qui  se  sont  élevées  à  quinze 
millimètres  de  hauteur,  c'est-à-dire  des  végétaux  faits  pour 
l'air  et  la  terre. 

Toujours  Mêle  à  ses  bis,  cette  puissance  qui  a  fait 
pénétrer  le  règne  animal  dans  les  profondeurs  des  mers 
et  de  réoorce  du  globe ,  là  où;  ie  .soleil  n'éclaire  jamais , 
et  placé  les  végétaux  microscopiques  dons  des  conditions 
différentes,  la  nature  agit  en  même  sorte  dans  nos  labora- 
toires, produisant  des  végétaux  au  contact  de  l'air  et  de  la 
lumière,  des  animaux  quand  la  lumière  est  supprimée. 
Arrivée  à  transformer  les  englènes  en  nématoïdes  mâles  et 
femelles  et  en  tardigvades ,  la  science  ne  s'arrêtera  pas  là  : 
l'homme  voudra  «^er  à  son  tour  selon  ses  besoins,  en  se 
servant  des  lois  et  des  instruments  de  la  nature ,  et  l'on 
peut  dire  qu'une  agriculture  ou  nouvelle  culture  de  la 


BU  SIÈCLE.  301 

planète  est  placée  aetueUement  devant  les  yeux  de  son 
esprit  comme  une  probabilité  promptement  et  facilement 
réalisable.  Cette  froposilioa,  si  paradoxale  *en  appamence, 
devieadra  phis^tard  d'une  trè&îgrande  clartés  car  le  mot 
culture  doit  s'entendre  de  touë  les  êfires  organisés.  < 

Dans  quelles  eotodttiôns  se  produisent  les  substitutions 
organiques,  quels  modificateurs  y  présidenCet  développent 
les  OFganea  du:  nouvel  être?  Voilà  oe  qiàe  nous  allons 
maintanaiU  examiner. 

Enregistrons  auparavwt  cette  loi  très --importante  des 
ries  animales  que  présentent  aussi,  dans  un  autre >  ordre, 
les  vies,  minérales  :  c-est  la  plus  grande  faoiiité  des  substi- 
tutions organiques  i  l'état  naissant  des  ammaux* 

De  la  même  manière  que  certaines  substances ,  au. 
moment  de  leur  production,  se  «omdbkient  plus  aisément 
qu  en  toute  autre  oireonstance  ;  de  la  même  manière  aussi, 
dans  des  phases  qui  ont  plus  d'analogie  qu'on  ne  le  pense 
au  premier  «(bord,  les  moléôules  organiques  se  disposent 
en  orgaines  avec  une  grande  promptitude,  et  comme 
entravées  par  une  force  invincible,  tandis  que  plus  tard 
il  ne  pourra  plus  être  question  que  de  modifications  très 
lentes.  Ce  phénomène  avait  échappé  à  Delamarok,  oe  qui 
ne  lui  a  poini  permis  d'expliquer  avec  toute  la  netteté 
possible  les  transformations  de  l'animalité. 

De»  L'InFLusa^iCE  de  l'Air  bt  db  la  Lukibrb.  —  Si 
nous  prenons  des  têtards  et  si  nous  les  plaçons  dam  une 
boîte  en  ferblanc  percée  de  trous,  soit,  par  exemple,  sous 
an  bateau  à  laver,  de  telle  sorte  qu'ils  soient  entièrenK^nt 
privés  d'air  atmosphérique  et  de  lumière,  ces  têtards 
grandissent  ^  se  développent ,  mais  ils  n'arrivent  point  à 
leur  état  parfait  :  ils  acquièrent  du  volume  ,  et  restent 
tètards:  toute  leur  vie,  sans  changement  dans  leur  respira- 
tion, dans  leur  circulation  sanguine,  dans  leur  forme  de 
poissons^ 

Ce  que  nous  faisons  artifici^ement,  la  nature  l'a  produit 
elie-ift^me;  elle  a  déposé  dans  les  mines  de  la  Carniole  et 
de  la  Caninthie  le  prêtée  anguiforme ,  véritable  têtard  qui 
▼it,  se  développe  et  se  reproduit  sans  sortir  de  l'état 
transitoire,  marquant  ainsi,  par  son  existence,  ce  passage 

13* 


503"  PHILOSOPHIE 

si  souvent  rapide  qui  est  un  interinédiaire  entre  la  vie 
des  poissons  et  celle  des  animaux  qui  respirent  dans  l'air. 

Les  autres  êtres,  les  canards  par  exemple,  qui  vivent 
dans  les  étangs  de  ces  mines,  subissent  aussi  Tinfluence 
de  Tabsence  de  lumière,  cdmme  le  prouvent  leur  privation 
d'yeux  et  le  duvet  qui  remplace  leurs  plumes. 

Ce  serait  une  curieuse  expérience  que  de  prendre  le 
protée  des  minesr,  que  de  Félever  lentement  à  1  air  et  à  la 
luDiiève  pour  arriver  à  surprendre  une  fois  de  plus,  mais 
dans  des  conditions  nouvelles,  le  phénomène  si  longtemps 
mystérieux  pour  Thumanité,  des  transformations  successives 
par  substitutions  organiques.  Chez  d'autres  têtards,  chez 
les  crapauds,  par  exemple,  TabsenCe  d'humidité  produit, 
au  sortir  de  1  œuf ,  des  effets  d'un  autre  ordre  :  les  bran- 
chies ne  se  développent  qu'à  l'état  rudimentake  et  dispa- 
raissent avec  promptitude. 

Mais*  l'homme?  direz-vous,  car  notre  esprit  est  si  prompt 
dans  ses  déductions ,  si  rapide  dans  ses  généralisations ,  si 
avide  de  conclusions  ;  mais  l'homtoe? — Eh!  bien,  l'homme 
a  primitivement  vécu,  comme  tous  les  autres  mammifères, 
au  sein  des  eaux,  puisqu'il  y  a  eu  dans  la  vie  de  la  terre 
une  phase  où  les  eaux  la  couvraient  entièrement;  puis, 

f)our  arriver  à  sa  vie  actuelle ,  il  a  passé  nécessairement  et 
atalement  par  un  état  transitoire  ;  ses  membres  en  se  dé- 
veloppant ont  fait  flétrir  et  tomber  ses  organes  caduques  ; 
son  poumon  a  détruit ,  par  atrophie ,  ses  branchies^  Il  con- 
serve encore ,  à  la  naissance ,  le  thymus  comme  un  vestige, 
comme  un  souvenir  de  ses  métamorphoses,  de  ses  ani- 
malités antérieures.  Sa  respiration  aérienne  a  substitué  à 
son  ancienne  circulation  des  liquides  sanguins ,  une  circu- 
lation plus  complète  et  plus  active,  un  cœur  à  deux  ven- 
tricules et  deux  oreillettes.  Mais  c'en  est  assez  pour  le 
moment.  Remarquons  toutefois,  avant  de  terminer  ce 
paragraphe,  combien  la  lumière  colore  différemment,  sous 
a  zone  torride  et  dans  nos  contrées ,  les  divers  animaux , 
donnant  à  leurs  enveloppes,  ici  des  couleurs  ternes  et  le 
plus  souvent  fauves ,  grises  ou  blanches  ;  là ,  au  contraire , 
les  robes  les  plus  élégantes  dans  leurs  marbrures,  des 
écailles  et  des  plumages  aux  reflets  dorés. 


DU  SIÈCLB.  503 

Dss  Habitudes  dbs  Ajiixaux  et  de  leur  Ii^fluencb. 
—  Il  est  deux  vérités  que  Ton  ne  saurait  aujourd'hui 
révoquer  en  doute  :  l'une ,  c'est  que,  chez  tout  animal  qui 
n'a  point  encore  dépassé  le  tenue  de>  ses  accroissements , 
remploi  fréquent  et  soutenu  d'un  organe  le  modifie  par 
changement  de  forme  et  par  développement ,  tandis  que 
le  défaut  d'action  Tatiophie,  le  détruit  mâme,  en  Talté- 
rant  dans  sa  puissance  et  dans  sa  forme;  l'autre,  c'est 
que  tout  ce  qui  a  été  acquis  ou  supprimé  aux  individus  par 
hypertrophie  ou  par  atrophie,  par  développement  ou  dépé- 
rissement,  la  nature  le  conserve,. par  la  génération,  aux 
êtres  qui  en  émanent.  Ces  deux  principes  équivalent  à 
edui-ci  :  Let  besoins  transforment  lu  organes,  —  proposi- 
tion que  nous  pouvons  exprimer  sous  cette  forme  connue  : 
Les  aitraciions  font  les  destinées* 

Affirmons  tout  d'abord ,  avec  Delamarck ,  que  s'il  n'en 
était  ainsi,  il  faudrait  que  la  nature  eût  créé  primitive- 
ment, et  en.  quelque  sorte  de  toute  éternité,  autant  de 
variétés  de  formes  qu'il  y  a  de  variétés  dans  les  circons- 
tances des  vies  organiques.  Remarquons  encore  que  lo 
rejet  de  notre  principe  organologique  conduit  directement 
à  cette  absurdité  :  Bden  n'a  varié ,  rien  ne  varie  dans  la 
nature. 

Le  contraire  est  cependant  si  bien  accepté  déjSi  qu'il 
est  passé  dans  l'usage  usuel  de  dire  que  l'habitude  est  une 
seconde  nature. 

N'est-ce  pas  l'action  des  influences  extérieures  et  des 
besoins  qui  a  créé  les  bassets ,  les  lévriers ,  les  dogues ,  les 
chiens  de  bergers,  les  chiens  de  mcmtagne,  les  chiens  de 
Terre-Neuve  aux  pattes  palmées  et  à  l'épaisse  fourrure  ?  — 
N'est-ce  pas  l'action  des  influences  extérieures  qui  a 
produit  le  cheval  arabe,  le  cheval  de  course,  le  cheval 
des  camioneurs,  le  Qheval  barbe  et  tant  d'autres  variétés? 

N'est-ce  pas  l'habitude  de  vivre  dans  l'obscurité  qui  a 
supprimé  les  yeux  chez  les  poissons  qui  habitent  dans  les 
étangs  souterrains  des  Cordillères  et  de  certaines  mines  ; 
diminué  les  yeux  de  la  taupe ,  supprimé  ceux  de  l'aspalax 
qui  s'expose  encore  moins  au  jour  ?  Et  la  preuve  que  cette 
suppression  de  l'organe  oculaire  est  le  fait  des  habitudes 


304  PHILOSOPHIE 

et  non  de  Tordre  providentiel  de  la  série  à  laquelle  certains 
animaux  appartieoaet  ^  c'est  qu'il  ùten  est  prâit  aitiBi  pour 
louïe  »  parce  que  te  son  n'«st  point  comme  1»  lumière  : 
Tair  et  l'eau  le  font  pénétrer  partout-  •        -  •" 

Delamarek  &it  remarquer  que  les-  serpents  nVmt  point 
<le  pattes>  parœ  qu'elles  eussent  été  plus  nui8it)ies  qu^'utiles 
à  leuffs  xïiiouveQaeats,<  et- que  les  ixiembres  qui  entrent'dans 
le  plan  des  yertébrés  ont  dâ  disparaître  par  suite -^d'une 
atrophie  créée  par  l'habitude  de  la  reptation,  il*  ne  tient 
aucun  icoiaipte  des  habitudes  que  pouvait  posséder  rani- 
mai dans  ses  formes  antérieures  à  sa  forme  définitive, 
et,  sous  ce^  rapport.,  il  fait  un  oubli  trè&-sérieux  des  poissons 
de  la  forma  des  serpents,  ayant  pu  ^  par  transitions  succes- 
sives, devenir  les  serpents  que  noms  eonnaissons.  Il  fait 
remarquer  encore,  cette  iois  avee  plus  de  raison,  que 
beaucoup  d'insectes  manquent  d'ailes  par  défavrt  d'emploi, 
bien  qu'il  soit  dans  le  caractère  de  leur  ordre  et  de  leur 
groupe  d'en  posséder.  Mais  passons  à  des  faits  d'une  autre 
nature- 
Pourquoi  le  cheval  arabe  a-t^^il  si  peu  de  ventre ,  si  ce 
n'est  parce  qu'il  est  nourn  avec  des  galettes  semî-ammales 
bien  plus  nutritives  que  le  foin ,  qtie  l'avoine  dle^mème  ? 
Pourquoi ,  chez  les  buveurs  de  profession ,  l'estomac  et  les 
intestins*  perdent-ils  de  leur  vokrme  ?  N'est-ce  pas  l'usage 
de  la  natation  qui  a  palmé  les  pattes  du  chien  de  Terre- 
Neuve,  d'un  grand  nombre  d'oiseaux,  des  grenouilles,  de 
la  loutre  et  du  castor  ?  N'est-il  pas  plus  naturel  de  rattacher 
la  forma  des  pattes  de  certains  oiseaux ,  les  jambes  en 
échasses  de  quelques  autres,  le  long  cou  de  ceux-ci,  la 
langue  si  longue  du  fourmiUer  et  du  pio^^vert ,  la  division 
de  cet  'organe  chez  les  oiseaux-mouches,  les  lézards,  les 
serpents,  à  leurs  besoins  les.  plus  impérieux,  que  de  regarder 
les  besoins  comme  la  conséquetice  desiormes  ? 

Il  y  a  trente-quatre  ans,  Diard  le  naturalîete  citait 
cette  opinion  de  Delamarek  en  présence  d'im  très^jeune 
écolier  du  collège  de  Pontivy,  qui  voulut  arriver  à  diviser 
sa  langue  et  qui  est  parvenu  à  la  pli^  à  volonté  en  trois 
parties,  avec  la  plus  grande  facilité ,  de  manière  h  simuler 
une  fleur  de  lys-f  ce  qu'il  fait  encore  aujourd'hui  à  sa 


BU  SIÈCLE.  505 

volonté.  —  Chez  le  même  inditidu,  l'étude  des  questions 
philosophiques  et  soeiales  a  singulièrement  développé  la 
partie  supérieure  «et  antérieure  du  front.  De  la  base  du  nez 
à  la  foûlanelle  supérieuBe,  il  y  a  eu,  en  dii-necrf  ans,  une 
augDieitf aUoQ  de  psès  de  deux  centimètres  que  le  tompas 
a  penD9ââ  de  .véeKTier:  elle  s'esl  produite  de  1  âge  de  vingt- 
huit  àti'&gede  quarante^aept  ans.  Ce  fait  n'est  pas  nouteau  : 
Broossaisi  avail  déjà  ohsenré  sur  lu>*mdmo  un  déTetofpe- 
ment  analogue* 

Ce  que  novis  avonftpfoduit,  ce  que  nous*  •  produisons 
artvfiiûidHleDientt  pour  le>  cheral'  arabe  et  certains  anhnaux , 
pourquoi  la  natcure  ne  Taurait-eUe  pas  produit  sur  un&  bien 
plus  .grande  éobeUe^  dans  ki  série  oes  âge»?  et  puis  pour*- 
quoiles  e^ipèees  ne  sevaîefit^Ues- point  comme  les  individus, 
ay^int,  apràs  leur  naissance,  deuiL  époques:  leur  enfance 
et  leur  jeunesse ,  pendant  lesquelles  Tétre  est  bien  plus 
malléable  que  dans  un  Age  plus  avaneé?  C'eet  érussi  une 
fauta  gTAve  qne  d'avoir  sans  cesser  daiis  l'esprit  quelques 
milliers  d'années  ,  quand  on  songe  soit  aux  révolutions  du 
globe,  soît  aux  transformations  des  êtres.  En  pareil  cas, 
il  faut  se*  djire  intérieurement,  avant  de  se  faire  une- opinion, 
que  la  terre  a  d^  peut^tre  des  millions  d'aimées  d'exis- 
tence, et  aussitôt  la  question  change  d'aspect. 

N  est-ce  pas ,  dirons-nous  encore  avec  Delamarck ,  la 
nécessité  qui  a  déplacé  l'un  des  jeux  des  turbots,  des 
soies,  des  liowindes,  pour  leur  pennettre  de  regarder  en 
dessous  ?  N'y  .a441  pas  dans  la  vie  des  animauai  qui  vivent 
d herbages. tout  ce  qu'il  faut  pour  expliquer:  le  développe- 
ment du  ventre  et  la  forme  des  pieds  ?  N'est-ce  pas  l'habi- 
tude et  la  nécessité  de  brouter  les  arbustes  et  les  arbres 
qui  oat  donaé  à  la  girafe  sa  conformation  spéciale  ? 
L'autruche  ne  doit-elle  pas  sa  structure-  particulière  k  des 
circonstances  analogues  de  solidarité  entre  elle  et  le  pays 
qu'elle  habiite;? 

L'habitude  et  les  besoins  expliquent  enoore  les  griffes 
des  carnivorea.  Quoi  de  plus  curieux ,  au  point  de  vue  qui 
Qûtts  occupe  t  que  le  kanguroo?  Portant  ses  petits  dans 
une  poche ,  il  marche  droit  sur  deux  pattes  :  ses  jambes 
de  derrière  sont  très-développées  ;  celles  de  devant  sont 


506  PHILOSOPHIE 

rudimentaires,  et  sa  queue,  extrêmement  forte  et  vigou- 
reuse ,  sert  à  le  soutenir  et  à  l'aider  même  dans  sa  marche, 
qui  se  compose  d'une  suite  de  sauts.. 

L'hopime  n'échappe  poiût  à  cette  règle  :  ce  sont  les 
besoins  divers  qui  ont  £ait  des  hottentots  du  nègre ,  de 
l'australien,, de  l'eumpéen,  et  du  lapon  des  espèces  très- 
différentes.  ,  ... 

Lorsque  la  Volonté,  qu'elle  vienne  de  ce  qu'on  appelle 
l'instinct  ou  de  ce  que -l'on  nomme  la  raison,  détermine 
dans  un  organe  une  action  quelcconque,  cet  organe  devient 
le  siège  d'une. fluûoin,  et  cette  fluxion  répétée  des  myriades 
de  fois  entraine  unie  modification  profonde.  Or,  chaque 
espèce  a  reçu  des  influences ,  des  circonstances  dans  les- 
quelles elle. s'est  rencontrée,  les  habitudes  que  nous  lui 
connaissons  et  Les  modificatious  qui  en  font  un  êtve  spécial 
et  distinct.  . .         ,     . 

En  somme ,  les  animaux  qui  vivent  aotuell^nent  à  la 
surface  de  la  terre  doivent  leurs  formes  à  la  vie  qu'ils  ont 
accomplie  primitivement  dans  un  autre  milieu,  et  aux 
modifications  successives  in^rimées  par  les  nécessités  de 
toutes  sortes  d'un  milieu  différent,  par  les  besoins  qui  en 
sont  nés ,  par  les  habitudes  qu'ils  ont  créées. 

Magimétismb  TERaESTRfi.  —  Toutefois  il  est  ua  facteur 
qui  a  dû  nécessairement  réagir  fortement  sur  la  psoductîon 
et  le  développement  des  espèces  :  o'est  la  polarité  du 
globe  et  son  puissant  magnétisme.  Le  globe  est  une 
grande  pile  galvanique  ;  sa  forme  n'est  pas  usuelle  en  nos 
laboratoires ,  mais  son  effet  n'en  est  pas  moins  démontré 
par  les  courants  les  plus  évidents.  Quelle  a  été  cette  in- 
fluence? 

A-t-elle  marché  en  croissant  ou  en  diminuant  depuis  les 
premiers  âges  de  la  terre? 

Ces  questions,  celle  de  l'action  plus  conridérable  aux 
premiers  jours  de  la  pression  atmosphérique  qui  renfermait 
sensiblement  beaucoup  de  vapeur  d'eau,  et  beaucoup 
d'autres  si  faciles  à  poser,  le  sont  pour  la  première  fois. 
Long-temps  la  science  pourra  les  croire  insolubles ,  mais 
l'esprit  de  l'homme  triomphera  complètement  des  difficultés 
qu'elles  présentent. 


DU  SIÈCLE.  307 

Dbs  Espèces.  —  11  est  des  questions  bien  simples  pour 
le  vulgaire ,  qui  paraissent  au  philosophe  pleines  de  diffi- 
cultés. N'ayez  vu  qu'un  petit  nombre  d'animaux,  vous 
croirez  ea  général  les  distinctions  des  espèces  très-tranchées 
et  trè&-faciles  h  saisir;  mais  si  vous  avez  étudié  de  nom- 
breuses collections ,  si  surtout  vous  vous  êtes  occupé  de 
déterminer  un  grand  nombre  d'espèces ,  vous  reconnaîtrez 
que  très^ouvent  elles  se  fondent  les  unes  dans  les  autres , 
et  que  telle  qui  vous  paratt  tres-distincte ,  serait  moins 
isolée  ^  et  partant  plus  diiBcile  à  classer,  si  nous  en  possé- 
diofls  d'autres  plus  voisines  et  par  suite  presque  semblables. 
—  Lorsqa'après  avoir  disposé  par  genres  et  par  groupes 
les  espèces  qui  forment  la  série  zoologique ,  on  saute  d'un 
groupe  à  un  autre  ou  même  d'un  genre  aux  plus  voisins , 
on  trouve  des  différences;  mais  en  reprenant  la  série,  si 
elle  est  disposée  dans  l'ordre  naturel ,  on  passe  par  des 
transitions  bien  ménagées  d'une  espèce  à  une  autre  qui 
en  est  parfois  très-éloignée.  —  Beaucoup  admettent  que 
les  espèces*  sont  des  coUecticNns  d'invidus  semblables  oui 
se  continuent  les  mêmes  encore  par  la  génération.  Guidés 
par  une  croyance  dévote*,   idée  préconçue  à  laquelle  ils 
soumettent  l'observation  des  faits  et  la  liberté  de  leur 
jugement ,  ils  croient  que  les  espèces  sont  aussi  anciennes 
que  la  nature;  qu'elles  n'ont  point  varié  et  qu'elles  n'ont 
point  formé  de  nouvelles  espèces  par  leurs  mariages  avec 
d^autres  espèces  très-t approchées.  Mais  les  hybrides  sont 
excessivement  communes  chez  les  végétaux,  et  nous  voyons 
tous  les  jours,  chez  les  animaux,  des  espèces  assez  diiïé- 
rentes  s'accoupler  et  reproduire;  nous  voyons  même  plus  : 
il  est  de  ces  hybrides  qui,  en  s'accou plant  entre  elles  ou 
âYec  leurs  parents,  reproduisent  à  leur  tour.  Ce  fait ,  que 
nous  avons  étudié  avec  soin  nousHoaême ,  que  nous  avons 
vu  de  nos  yeux ,  pour  des  chiens  et  des  loups  et  pour  des 
oiseaux,   prouve   suffisamment  que   les   différences    qui 
séparent  les  espèces  sont  beaucoup  moins  difficiles  à  fran- 
elur  qu'on  ne  le  croit  d'habitude  ;  d'où  la  possibilité  pour 
l'homme ,  en  imitant  l'action  lente  et  graduée  de  la  nature, 
d'arriver  à  créer  de  nouvelles  races  animales 
Il  convient  de  signaler  ici  les  belles  études  de  Marie 


306  PHILOSOPHIE 

Rouault  sur  les  terrains  paléosoïques  de  Bretagne.  Ce  savant 
géologUB  a.  vu  les  trilobites  de  ce^  terraisis  ioraier  une 

grande  =s4ri^  ABC  D X  Y  Z..  DaQs  cette  série,  A  est 

pareil  à  B  et  à  C  ,  mais  il  difîère  un  pm  de  F  ;  il  est  autre 
que  H.et.absolunîAnt;  distinct  de  P  ^  R,  à  plus  forte 
raispu  de.  .Y  et  Z;  et  cependant  Ton  fiasse  de  A  à  Z  par 
d'i9seQ»<l>Ws.  trfans>tiQn3  qui ,  ont:  ^deanândé^  à  la  ^ nature  des 
milliers  d*années.  ^  .,     .  .: 

La  génération  n'iest.  point  le  seul  moyen  que  la  nature 
ait  employé  pour  multiplier  à  Tinfini*  \ea  espèces  et  les 
varier  À  ohi^qMe  instant^. elle  a  eu  à  son  etirvioe  d'autres 
facteurs, npp  moins  importants:  les  milieun  et. Leurs  trans- 
formations,, les  habitudes  et  rinfluence  de  leur  action 
longtemm  prolongée.  .        •  * 

L'étude  des  végétaux  e^t  aussi  de  natore  à  nous  éelairer 
singulièrement.  Notre  malheureux  ami  Raspail,  si  souvent 
accusé ,  si  souvent  oublié  par.  ceux  qui  ont  profcié  de  ses 
découvertes  ,  a  étudié  la  transformation  des  plantes  et  par 
suite  la  transformation  des.  êtres-,  de  i8S4  àlKSO^  dans 
de  nombreux  mémoires.  Cette  doctrine  a  été  celle  de  son 
journal  le  Bi formateur,  \  la  rédaction  duquel  nous  avons 
participé;  il  Ta  du  reste  exposée,  avec  de  grands»  détails, 
dans  sa  Pk^Uologie  Végétale,  publiée  en  1857. 

Après^  avoir  démontré  les  transformations  naturelles  des 
étamines  en  pétales,  des  pétales  en  feuilles,  la  eimplifioa- 
tion  ou  la  décoiK\position  de  ce,  dernier  organe  via  transfor- 
mation des  ovaires  en  .tiges ,  en  pétales,  en  touffes  foliacées 
et  toutes  les  merveilles  appelées  autvefois  monstruosités 
végétales  dans  la  physique  du  moyen^àge,  physique 
continuée  jusqu'au  XIX'  siècle  par  des  hommes  qui  man- 
quaient de  physiologie  ou ,  ce  qui  revient  au  même ,  de 
philosophie,  Raspail  sut  faire  comprendre  coanmeat  les 
plantes  méridionales  perdent  leur  corolle -en se  transplantant 
dans  le  nord ,  et  beaucoup  d'autres  transforo^aiions  orga- 
niques ;  mais  il  aUa  plus  loin  :  il  affirma  qu'il  est  possible 
que  les  organes  qui  caractérisent  une  espèce  soient  tous 
déviés  à  la  fois  et  deviennent  méconnaissables  sur  4e  même 
individu  ;  ce  qui  revient  à  dire  ;  Qu'une  espèce  est  capable 
de  se  transformer  en  une  autre. 


/ 


]>U   SIÈCLE.  S09 

Sans  doute  que  les  mêmes  types  se  conservent  sous  les 
mêmes  iiifluenees,  mais  les  types  changent  et  se  modifient 
aussitôt  qHe  les  ioQnen^es  qni  président  au  développement 
des  organes  TJenne«it  à  changer. 

Linnée  a  créé  des  tuHpes  panachées  eii  flécondaiil  une 
de  ces  ûeUrsavec  le  pollen  dPune  autre  tulipe  de  couleur 
différeaDt€^.  Omelin  a  produit  six  ielphiiriufit  nouveaut  avec 
deux  delphinium  venus  de  Sibérie. 

Le  verbascum  thapsus  et  le  verbascum  lycnltîs  produi- 
sent encore  une  hybride  déjà  connue  de  LrnTiêe. 

Le  càmpanula  divergens  peut  être  féeondô  piar  le  phy- 
teama  betonic<Bfolia  ;  le  datura  levis  et  le  datura  metel 
peuvent  l'être  par  des  jusqniames  ;  le  chou  par  le 
raifort ,  etc. ,  etc.  ;  et  presque  tous  ces  métis  ,  icomme  les 
mulets  du  loup  et  du  chien,  de  Tâne  et  de  Thëmione, 
comme  ceux  de  certains  oiseaux,  comme  les  mulâtres 
prévenant  du  croisement  des  races  noire ,  jaune ,  rouge  et 
blanche  au  sein  du  genre  humain,  sont  susceptibles  de  se 
reproduire  et  de  donner  naissance  à  une  foule  d'espèces 
modifiées  qui  ne  s'éteignent  pas  toujotirs. 

RasDftil  est  allé  plus  loin  :  dès  1899,  il  avait  signalé  les 
dégradations  de  Vagrostis  ipida  tenti  aux  environs  de 
Paris,  et  sa  transformation  en  agrostts' intefrtfpta ,'i[^ms  en 
une  plante  très-différente  et  voisine  du  trittcum  nardus , 
puis  l'intéressante  transformation  des  festuca  les  uns  dans 
les  autres ,  transformation  si  loin  portée  que ,  dit  -  il  (  et  il 
le  déniontrd),  le  cynoeorus  cristatus  ne  serait  lui-même 
qu'tm  festuca.  A  la  même  époque  (1899),  il  démontra 
aussi  les  transformations  du  genre  lôlium  en  festuca ,  et 
signala,  à  l'entrée  du  Grand-GentiHy,  près  Paris,  toutes 
les  transitions  au  moyen  desquelles  s'accomplit  cette  trans- 
fonnatioii.  Il  signala  celles  du  maïs,  son  retour  à  l'état 
sauvagéy^t  démontra  que  cette  plante  n'est  qtre  le  sorghum 
cultivé,  lequel  n'est  lui-mÔme  qu'un  andropogon. 

Les  uns  nièrent  ces  faits ,  les  autres  employèrent  contre 
eux  la  conspiration  du  silence.  Nous  les  ^gnalâmes  en 
masse  à  Nantes,  en  18&2,  dans  notre  cours  de  Philosophie, 
ce  qui  nous  valut  de  nombreuses  attaques  :  notre  amitié 
nous  fut  presque  imputée  à  crime. 


310  PHILOSOPHIB 

En  1837,  Raspail  soutint  que  le  froment  n'est  qu'un 
lolium  transformé  ;  il  rappela  que  Duhamel  et  Bonnet 
avaient  présenté,  en  leur  temps  ,  un  chaume  portant  sur 
une  articulation  im  épi  de  froment ,  sur  une  autre* un  épi 
d'avoiae.  Il  montra  comment  les.  froments  ou  triticum 
peuvent  passer  aux  lolium  et  redevenir,, du  gramen,  des 
avoines.y  des  festuca ,  des  dactylis.  fttaij&  cela  ne  lui  suffisait 
pas:  il  prouva,  par  la  physiologie,  que  les  œgilop»  peu- 
vent devenir  des  triticum;  ce  que  du  reste  Latapie,  de 
Bordeaux,  avait  déjà  réalisé  à  cette  époque^  en  transformant 
les  œgilops  en  chiendent.  Depuis  lors  M,  F.abre  a  repris 
Texpérience  de  Latapie ,  au  point  de  vue  de  la  doctrine 
soutenue  par  Raspail  ;  et  de  1839  à  1846,  Tœgilops,  soumis 
à  la  culture,  est  devenu  un  froment  propre  à  la  nourriture, 
qu'il  est  impossible  de  distinguer  du  froment  ordinaire  et 
cultivé  depuis  des  siècles* 

HïPOTHâSBS.  —  Forts  de  tout  œ  qui  précède,  nous 
pouvons  aborder  maintenant  le  champ  si  vaste  des  scienti- 
fiques hypothèses. 

Si  l'air  atmosphérique  et  les  eaux  de  nos  mets  venaient 
à  changer  encore  ;  si,  par  exemple ,  la  proportion  d'oxigène 
arrivait  à  être  moitié  plus  grande  dans  l'air  atmosphérique, 
la  respiration  en  serait  nécessairement  modifiée,  ce  qui 
conduirait ,  par  suite ,  à  des  changements  dans  tontes  les 
autres  parties  des  organismes.  Mais*  si  cette  modification 
de  l'air  atmosphérique ,  au  lieu  de  se  faire  promptemeiit , 
se  faisait  en  des  centaines  ou  des  milliers  d'années,  la 
transformation  aurait  lieu  d'une  manière  msensible ,  plus 
rapide  sur  un  point,  moins  prompte  sur  un  autre,  selon 
les  conditions  géographiques ,  de  manière  à  créer  d'abord 
des  variétés  au  sein  aes  espèces  actuelles ,  variétés  qui  plus 
tard  deviendraient  elles-mêmes  des  espèces  véritables.  — 
Mais ,  disent  nos  adversaires ,  où  trouver  quelque  part ,  sur 
le  globe ,  la  preuve  d'un  pareil  fait  ?  Cette  objection  n'en 
est  point  une  :  elle  est  résolue  pour  les  espèces  végétales  , 
et  les  hommes  ne  se  sont  pas  encore  occupés  d^une  manière 
sérieuse  de  transformer,  par  leur  action,  les  espèces  ani- 
males, en  employant,  pour  y  parvenir,  la  température,  le 
climat,  la  pression  atmosphérique,  la  nourriture,  la  gêné- 


BU  SIB€LB.  511 

ration  ,  et  en  s'efforçant  de  réagir  d'une  manière  constante , 
pendant  des  siècles ,  sur  Tincubation  des  germes. 

Toutes  ces  questions,  si  saisissantes  qu^elles  fussent 
d*intérêt ,  ne  soiM  nées  que  d'hier  et  posées  à  peine  avec 
d'infinies  réserves,  >au  milieu  d'uïi  très^petit  nombre  de 
savants  d'élite^.  Non  seulement  rhumtftnité ,  dans  les  phases 
précédffiites  de  son  eristfence  sociale^  n'a  pas  joui  toujours 
(les  conditions  lîe  sécurité,  de  puissance  et  de  savoir 
qu'exige  l'étude  de  pareilles  questions,  mais  un  obstacle 
qui  pèse  encore  sur  un  trop  grand  nombre  d'esprits ,  la 
croyance  reKgieUse,  s'est  posé 'comme  un  invincible  wto, 
disant  à  l'intelligence  humaine  :  Tu  t'arrêteras  là.  —  Hee 
amfliuê  ibis.  ' 

L'humanité  est  si  peu  avamée  encore  qu'elle  ne  connaît 
que  depuis  quelques  siècles  à  peine  (et  les  siècles  ne  sont 
que  des  secondes  au  cadran  des  mondes)  la  forme  et  l'éten- 
due de  sa  planète.  Mais,  aveu  humiliant  à  faine  y  nos 
sociétés^noderries,'  si  vafnheuses  de  leur  savoir  ruditeentaire, 
n'ont  pas  même  su  faire  l'inventaire  de  la  planèle:  la 
faune,  la  flore,  la  géologie,  la  minéralogie  d'un  grand 
nombre  de  contrées  sont  à  peine  esquissées. 

Parlons  maintenant  de  là  Généhâttoit  chbz  l«s  Animaux. 
—  On  appelle  du  n«n  de  génération  la  fonction  par  laquelle 
les  animaux  se  reproduisent  et  se  perpétuent  ;  il  y  en  a 
deux  sortes  :  l'une  nécessitant  l'existence  de  parents , 
d'êtres  antérieurs;  l'autre  spontanée,  qui  ne  se  rattache, 
comme  le  dit  Burdach,  ni  pour  k  substance  ni  pour  l'occa- 
sion, à  des  individus  de  la  môme  espèce.  Celle-ci  est 
Témanation  d'un  être  dénué  de  parents ,  dans  un  milieu 
où  se  trouvent  les  éléments-  chimiques  nécessaires  à  la 
production  d'organismes.  —  Prenez  soit  de  l'eau  pluviale , 
i>oit  une  infusion,  et  vous  remarquerez,  comme  nous 
Tavons  déjà  dit,  que,  sous  l'inQuenee  de  la  lumière,  de 
lelectridté,  de  la  chaleur,  il  se  produit  des  générations 
d'êtres  de  plus  en  plus  complexes ,  sans  pour  cela ,  comme 
le  dit  très^ien  Gérard ,  que  Ton  puisse  suivre  toujours 
la  transformation  des  organismes  primitifs.  —  Quand  le 
liquide  a    perdu  sa   plasticité,    les    générations   élevées 


512  PHItOSOPHIB 

redescendent  ;  puis  la  vie  végétale'  paraît,  prend  le  dessus, 
se  produit  aut  dépens  de  la  substance  aWmale  qu'elle 
supprime^  eflîés  véj^tattx  de  simple  matière  vertr arrivent 
à  se  manifester  sc^us  forme  de  conferves,  sans  que  cette 
fois  Biioopei'1^3bsertiatlon  puisse  toujours  saisir  et  prendre 
sm  le  fait  lia'fefansflorrncttîon  des  organismes  rudimentaires 
(kiï'^règne'îvégét^ah'PouiKjuor;  dirons-nous  encore  avec 
Gér»d,  côWô  loi'dès  infinlmerits  petits  ne  seraît-elte  pas 
la  "loi  'gônéwiléf  applicable  aux  organismes  sn|)érieurs  ? 
Pourquoi  là  ^pi^rètibité  inexpliquée  des  itifusiottî»  de  nos 
laboratoirès*n*atiMt-elle  pas  tin  grand  et  immiense  cat^ctère 
d'unîrersia&tô  ? .     '         '  •  •        ^ 

Ce  fait,  encore  quelque  peu  douteux  îl  t  a  dit  ans , 
n'e8k4-il  pas  snffisammëfnt  démontré  aujourd'hui  par  les 
belles  ^études  de 'M:  Gros,  sur  les  transformations  des  en- 
glènes,  que  par  quelques  mots  choisis  tout  exprès  nous 
avonS'  si  fort  rapprochées  des  transformations  des  insectes 
et^de  celles  que  subissent  les  germes  des  crapauds,  des 
grenoailleS'  et  des  salamandres. 

Longet,  dans  son  savant  traité  de  physiologie ,  nie  les 
générations  spontanées;  mais  prouver,  comme  il  lé  fait,  que 
les  infusoires,  une  fois  émanés  d'un  milieu  convenable  , 
leur  vie  peut  se  perpétuer  par  fissiparité,  ce  n'est  pas 
détruire  des  expériences  positives  qui  établissent  utie  autre 
origine  comme  possible. 

Les  autres  modes  de  génération  sont  la  reptx>ductîon'  par 
scission  ou  fissiparité,  la  reproduction  par  gemmes  ou 
bourgeons,  et  la  reproduction  par  germes. 

Si  l'homme  et  les  animaux  supérieurs  ne  peuvetol  repro- 
duire leurs  membres  quand  ils  ont  été  coupés ,  il  tfen  est 
point  ainsi  des  animaux  inférieurs.  —  Chéï  îës' jeunes 
crapauds  et  les  jeunes  grenouilles ,  Duméril  et  Bibron  ont 
vu  les  pattes  se  reformer.  Cher  les  salamandres,  cette 
reproduction  est  bien  pWs  facile  encore.  C'est  à  ce  point 
que  Ton  a  vu,  dansFespace  d'une  année,  un  œil  repamîtro 
à  l'extrémité  du  nerf  optique ,  après  qu'il  avait  été  comjrtè- 
tement  enlevé.  Chez  les  poissons,  le  même  phénomène  est 
observable  :  ainsi  Ton  a  tu  des  nageoires  se  reformer  après 
qu'elles   avaient  été   complètetnent   coupées.   Chez  des 


BU  ^cu.  515 

animaux  plus  inférieurs  eiJieore,  cesfftits  sont  plus  eommuns  : 
les  pattes  reuaissent  axée  une  facilité  merveilleuse  chez 
Itô  artMgoées  eJL  les  écrevisses.  Cheztles  moUusques^  on  a 
eolevé  ûppunément  la  tête  ou  rabdomen  ^  et  cea>parties  se 
sont  rétablies*  .Chez:  les  yers,  les  anneaux  supérieurs  «e 
reproduisent  aussi  »  mais  moins  aiséavenit  que  .les.  anneaux 
inférieui;»;  ceu;(-Gi  le  font  assez  ppoaipt^mentyDescendoas 
à  de$  êtres  plus  in&nes  tencore,  et.nous  trouveroBs  les 
hydres  qui .  occupèrent  Tremblay  au  siècle  dernier  :  chez 
eux,  touAe  partuB  du  CQirps,  avec  ourSAns  bras,»  peut 
reproduire  l'être  entier,  piouxyu  qu'il  y  ait  à  la  foiôv  dans 
le  morceau  reproducteur,  des  lambeaux  de  peau  «sterne 
et  de  pe^u.  interne. 

La,  loi  de.  la  flssiparité  animale  est  Gelle*ei  :  toule 
portion  peut  reproduire  Têtre  entier^  si  ta«tes  les  parties 
sont  similaires.  Dans,  le  cas  contraire^  il  faut  que  Tètre 
reproducteur  possède  des  firapoents  des  principaux  orga- 
nismes, parce  qu'alors  chaque  partie,  n'est  plus  douée' des 
facukés  ae  l*ensemble.  —  La  fissiparité  que  nous.produi* 
soBs.artifieieUement  se, produit  aussi  natureUemenit  :  c'est 
ainsi  qp'elle  existe  chez  les  animaux  les  plus  inférieurs  ; 
mais  ce  serait  une  grande  erreur  de  croire ,  à  rencontre 
des  faits,  que  les  infusoires^  par  cela  qu'ils  sont  fissipares, 
De  puissent  se  produire^  soit  spontanément  y  soit  par  un 
autre  mode. 

La  gemmiparité,  ou  génération  par  bourgeons,  existe 
chez  les  animaux  comme  chez  les  végétaux.  On  l'observe 
chez  les  polypes,  chez  les  spongiaires  y  chez  quelques  vers. 

Le  germe  diffère  de  la  gemme  ou  bourgeon  en  ce  qu'il 
Qe  se  développe  pas  sur  l'individu  lui-m^e  qui  lui  a 
donné  naissance.  Il  y  a  deux  sortes  de  germes  :  les  spores 
et  les  œufs  ;  les  spores,  analogues  aux  semences  des  végé- 
taux cryptogames ,  n'ont  point  besoin  de  substance  germi- 
nitive;  los  oerufs,  au  contraire,  ne  devieiment  propres  à 
la  reproduction  qu'après  avoir  été  fécondés.  —  Les  spores, 
si  importants  dans  l'étude  des  plantes,  .ne  jouent  qu'un 
très-faible  rdle  dans  celle  des  animaux;  il  n'en  est  point 
ainsi  des  œufs  qui  méritent  toute  notre  attention. 

Oisons  d'abord ,  avant  d'entrer  dans  l'étude  de  l'œuf, 


314  PHILOSOPHIE 

c'est-à*dire  du  germe  ou  embryon  de  Thomme  qui  em- 
brasse et  résume  toutes  les  autres ,  que  Tœuf  se  compose 
d'une  envelo9f)e  appelée  membrane  vitelline ,  d'un  jaune 
ou  vitellu»,  et  d'une  véskule  germinative  contemie  dans 
ce  jaune. JD'aufares  parties  existent  souvent  ?  ainsi  l'œuf  peut 
eoptenif' UA&  substance  liq^iide  et  albamineuse;  c'est  le 
blanc  d'œuf  ^  et  »  chez  les  oiseaux  il  est  recouvert  d'une 
coquille ,  ce  qui  a  lieu  encore  eàez  les  reptiles  et  beaucoup 
d'autres  animaux.  . 

Le  sperme  qui  sert  à  féeotidier  les  >œuis  contient  une 
grande  quantité  decorpuscules  vivants  appelés  zoospermes 
ou  spermat(»oïâe&,  visibles  seulement  au  microscope.  La 
chimie  y  a  découvert  des  phosphates  en  quantité  très-no- 
table.    > 

La  fécondation ,  en  rapprochant  les  amimalcules  sperma- 
tiques  de  la  vésicule  germinative,  prépare  Toeuf  à  la 
reproduction  et  s'y  rend  piipre.  Quelquefois  elle  se  fait 
dans  l'eau,  en  dehors  de  la  sphère  d'action  des  animaux 
qui  abandonnent  leus  semence;  d'antres  fois,  diez  des 
hermaphrodites,  la  sortie  des  oeufe  fait  évacuer  en  même 
temps  les  zoospermes  qui  les  fécondent.  L'hermaphrodisme 
présente  du  reste  les  vaiiétés  les  plus  curieuses  :  c'est 
ainsi  qu'il  est  des  animaux  qui  jouent  le  rôle  de  m&le  avec 
un  être  de  leur  espèce  ,  et  celui  de  femelle  avec  un  autre  : 
à  la  mamère  de  certains  tïorps  du  règne  minéi^al  qui 
sont  positifs  vis<^à-vis  du  corps  A,  et  négatifs  vis-à-vis 
du  corps  B.  —  D'autres  sont  aussi  mâles  et  femelles,  mais 
ils  n'exercent  pas  à  la  fois  cette  double  fonction  ;  ils 
commeneent  par  être  femelles,  et  deviennent  nââles 
ensuite. 

Les  êtres  végétaux  ou  aaaimaux  qui  portent  les  deux 
sexes  donnent  lieu  à  une  génération  mont^que  ;  les  autres , 
dont  les. sexes  sont  séporés,  à  une  génération  dioïque. 

Tandis  que  chez  beaucoup  de  poissons  la  fécondation  se 
fait  tn  dehors  des  individus  eux*mêmes,  chez  les  reptiles, 
les  oiseaux  et  les  ntammisfères^  elle  a  lieu  au  dedans  de  la 
femelle  par  copulation.  Quelques  poissons  et  les  insectes 
sont  aussi  ^soumis  à  oette  règle  que  Ton  appelle  l'accou- 
pie^ei^t.  On  il  vu  nu  contraire  des  animaux  hermaphro- 


BU  8IÈCLB.  515 

dites,  comme  le  tœnia  ou  ver  solitaire,  se  féconder  eux- 
mêmes. 

Il  y  a  lieu  de  rapprodier  de  nouveau,  pow  les  comparer 
avec  les  idées  actuelles,  comme  Delamarck  l'a  fait  il  y  a 
plus  de  quarante  ans  aveo  le  savoir  de  son  époqnt^  cet 
acte  direct -de  lauftture  appelée  eÉHiîRATioif  spontanéb,  de 
cet  acte  indirect  de  la  nature  qu'elle  accomplit  au  moyen 
d'orgAttismes  particuliers  et  qui  s'appelle  fécondation. 

Un  œuf  peut  être  fécondé  ou  non  fécondé.  —  S'il  n'est 
pas  fécondé,  îl  n'en  reniérme  pas  moins  les  éléments 
néeessairee  à  la  formation  d'un  germe,  c'est-à^dhre  un 
corps  mucilagîneux  dans  lequel  des  conditions  convenables 
pourraient  produire  un  embryon. 

Si  l'œuf  est  fécondé ,  tantôt  comme  chez  les  animaux  h 
mamelles  9  le  mouvraient  vital  «succède  immédiatefmeht  à 
la  féeondatioB  ^  parce  que  l'incubation  de  l'œuf  se  fait  au 
sein  de  romiual  dans  un  organe  spécial  appelé  matrice  ; 
tantftt  au  ooniraire  il  y  a  un  intervalle  très-sensible  entre 
laféeoadatiou  et  le  premier  mouvement  vital  que  l'imcuba- 
tioQ  luî  communique.  Cet  intervalle  est  si  maiviiué  que  Ton 
peut  conserver  trè^longtenips  des  œufs  fécondés  en  les 
maintenaat  dans  des'  circonstances  convenables  de  tempé- 
rature. Si  cette  oonâenration  est  imparfaite  et  que  Fembryon 
vienne  è  se  détériorer,  nous  ne  dirons  pas  qu'il  meurt , 
mais  biesà  qu'il  se  décompose ,  puisqu'il  n'a  jamais  eu  sa 
fie  embryonaire ,  mais  seulemenfla  possibilité  de  la  déve- 
lopper. 

De  la  même  maniée  que  la  vie  animale  peut  être 
suspendue  chez  les  poissons  que  l'on  transporte  glacés 
d'un  lieu  dans  un  autre,  de  la  même  manière  aussi  la  vie 
animale  peut  ètreiarrdtée  au  moment  où  eUe  se  trouve 
en  puissance  de  se  produire  :  par  suite  ,  la  généra- 
tion sexuelle  n'est  point  un  acte  de  génération  véritable , 
mais  simplement  de  fécondation;  par  suite  encore,  la 
fécondation  est  le  fait  préparatoire  qui  dispose  le  milieu 
appioprié  à  la  vie  animale  ;  d'où  cette  conséquence ,  que 
la  génération  sexuelle  ne  fait  que  disposer  un  milieu 
mieux  préfMffé  à  une  vie  importante  et  complexe,  comme 
la  génération  spontanée  y  dispose  un  milieu  plus  élémen- 


316  PUILQSpPHXJB 

taire.  Dans  le  premier  cas,  le  milieu  embryonnaire  renferme 
l'esquisse  d'une  organisation,  ce  qui  na  nullement  lieu 
dans  le  second. 

Reportons-nous  encore  aux  premiers  jours  du  f(lobe  : 
que  trouvons-nous  ?  Des  masses  d'eaux  tièdes  abritées  par 
d'immenses  nuages  de  vapeur.  —  Ces  eaux  renferment  en 
leur  sein  une  foule  de  substances  complexes  résultant  des 
réactions  du  carbone,  de  Toxigène,  de  l'hydrogène,  de 
Tazole ,  et  de  leur  mélange  avec  des  sels.  Les  conditions 
sont  favorables  pour  la  production  d'infusoires  analogues  à 
ceux  de  nos  laboratoires ,  mais  dans  d'autres  proportions 
et  pour  la  formation  de  masses  mucilagineuses.  —  Ces 
masses  mucilagineuses  et  ces  infusoires,  voilà  les  pr^oMers 
être3  ,  les  premiers  organismes  du  règne  animal.  Ils  sont 
le  produit  de  générations  ou  aggrégations  organiques 
spontanées.  Si  maintenant  leurs  organismes  se  développent 
sous  l'influence  de  l'épuration  de  l'atmosphère  et  des 
eaux ,  sous  l'influence  d'une  grande  lumière  solaire  d(Hit 
les  nuages  n'interceptent  point  le  passage ,  sous  l'influence 
des  modiflcations  survenues  dans  le  magnétisme  terrestre  , 
les  milieux  qui  ne  renfermaient  aucune  esquisse  d'organi- 
sation en  contiendront,  et  il  y  aura  nécessité  pour  qu'une 
génération  organique  ou  sexuelle  dispose  à  la  vie  ees 
milieux  mieux  préparés,  remplaçant  ainsi  la  génération 
spontanée  qui  n'était  bonne,  utile  et  providentielle  que 
lorsqu'elle  agissait  sur  dés  milieux  privés  des  préparations 
organiques  les  plus  élémentaires.  La  seconde  est  donc  la 
continuation,  le  développement  de  la  première,  et  si  la 
génération  spontanée  n'a  point  complètement  disparu, 
mais  si  elle  est  aujourd'hui  rudimentaire ,  c'est  que  la 
nature  ne  produit  ni  ne  détruit  rien  brusquement,  c'est 
encore  que  ses  conditions  dç  grandes  manifestations  créa- 
trices se  sont  réduites  à  des  conditions  microscopiques. 

Le  jour  viendra  du  reste  où  la  science  pourra  comparer 
d'assez  près  l'action  des  ferments  et  celle  des  germes ,  de 
manière  à  reconnaître  les  similitudes  qui  rapprochent  la 
chimie  organique  de  cette  chimie  vivante  des  corps  organisés 
que  l'on  nomme  vie  végétale  ou  vie  animale,  selon  le 
règne  que  l'on  étudie. 


BU  SIÈCLE.  S17 


DE  LA  polàr;tb  Amauj*E.    . 

; .     ^  '  i       ! 

Da&d  le  tëgné  minéral,  les  molécules  sont  douées  ^'une 
orienttftibn  quiieuir  donne  dés  pôles,  qui  règle  leur  manière 
de  se  plWer  les  unes  à  côté  des  autres»  de  se. combiner  et 
de  erii9tallfêer  î  de  là  les  six  ordres  de  cristallisations  que 
les  ebkni^eis  signalent  dans  leurs  écrits. 

Dms  te  règne  végétal,  les  molécules  organisées  qui 
participent  à  une  ctistence  semblent  aussi  se  polariser. 
Tout  «végétal  a  ses  pôles  de  plus  en  plus  prononcés ,  selon 
réléralîon  du  genrer  auquel  il  appartient. 

Dans  le  règne  animal,  nous  retrouvons  lesjmêmes  faits 
que  dans  l'ordre  végétal ,  mais  avec  un  élément  de  plus. 
Ici  se  manifeste  tm  instrument  d'orientation ,  un  organe 
réeBemetot  électro-chimique  ou  nervo-chîmique  :  le  système 
nervewi  4  dont  la  perfection  règle  et  détermine  le  progrès 
des  divers  groupes  et  même  celui  des  diverses  espèces  qui 
composent  la  série  des  animaux. 

Si  vous  cachez  un  barreau  aimanté  sous  une  feuille  de 
papier;  il  devient  celte  puissance  invisible  sous  l'influence 
de  laquelle- de  la  limaille  de  fer,  placée  sur  le  papier,  se 
'distribuera  de  maniée  à  présenter  des  formes  régulières. 

Le  globe  est  cet  aimant  qui  peut  visiblement  polariser 
les  moUécules  de  certaines  substances  minérales,  tout  en 
exerçant  une  action  invisible  sur  toutes  les  substances 
minérales,  végétales  et  animales.  Mais  dans  le  règne  animal, 
la  providence  s'aide  du  concours  d'un  coadjuteur  analogue 
à  l'aimant  placé,  dans  notre  expérience,  sous  la  feuille  de 
papier,  organisme  précieux  et  admirable  en  ses  dispositions, 
qui  préside  sans  cesse  au  développement  et  au  perfectionne- 
ment de  la  vie.  Ce  coadjuteur,  c'est  le  système  nerveux. 
Admettons  pour  un  instant  la  similitude  parfaite  de  ce 
systêmô'et  ann  aimant,  tout  en  tenant  compte  de  sa  plus 
grande  énergie  au  pôle  nord  ou  supérieur,  n'aurez-vous 

Ks  pour  C4)nséquence  des  développements  presque  simi- 
res  autour  des  deux  pôles ,   et  n'arriverez-vous  pas 

14 


518  PHILOSOPHIE 

immédiatement  à  tous  ces  parallèles  étaUis  surtout  par 
les  Allemands ,  entre  les  membres  supérieurs  et  les  mem- 
bres inférieurs,  entre  le  bassin  et  les  parties  sexuelles,  d'un 
eôlé,  la  tèle  et  ses  organes  propres,  de  l'autre?  Cette 
indication  si  sommaire  renferme  un  monde  d'études  et  de 
découvertes. 


DE  L'ORGANOGÉNÉSIE. 


i  On  appelle  période  embryonaire  chez  les  animaux  à 
mamelles ,  le  premier  temps  que  ces  animaux  passent  au 
sein  de  leur  mère,  c'est-à-dire  dans  la  matrice  d'une 
fansUe,  où  ils  vivent  en  parasites  à  ses  dépens. 

Cette  période  est  celle  dans  laquelle  les  organes ,  à  l'état 
]lal8^ant ,  se  trouvent  en  contact  les  uns  avec  les  autres  ; 
elle  est  donc  excessivement  propre  à  la  formation  d'organes 
complexes  par  l'association  ou  combinaison  d'organes 
rudiihentaires. 

Plus  elle  sera  prolongée ,  plus  les  organes  rudimentaires 
auront  le  temps  suffisant  pour  accomplir  des  combinaisons 
plusl  compliquées  et  plus  parfaites,  pour  substituer  aux 
organes  de  la  vie  de  parasitisme  les  organes  que  le  plan 
providentiel  de  la  nature  assigne  à  des  existences  de  plus 
en  plus  élevées. 

Plus  elle  sera  prolongée,  plus  le  système  nerveux 
acquerra  assez  de  force  nour  devenir  un  puissant  régulateur 
des  organismes  et  présider  à  leurs  évolutions  successives  et 
progressives. 

D'où  cette  conséquence,  que  si  l'homme  pouvait  prolonger 
la  vie  de  parasitisme  ou  intra-utérine  de  certains  animaux 
très- inférieurs  à  lui  dans  la  classe  des 'mammifères ,  il 
arriverait  nécessairement  à  les  titrer  en  facultés,  k  les 
élever  de  quelques  échelons  dans  la  série  des  ôtres.  —  Car 
c'est  un  fait  facile  à  vérifier,  que  les  animaux  les  plus 
parfaits  à  la  naissance  sont  ceux  dont  l'embryologie  a  rela- 
tivement la  plus  longue  durée. 


BU  8IBGLB.  M9 

Le  règne  animal  toat  «atier  a  été  appelé,  dans  la  série 
des  iges,  à  eoncourir  aa  progrès  des  orçanismes'  sous 
raetioQ  ûicessammeni  modificatrice  des  miUeui:  ambiants 
et  du  magnétisme  terrestre,  que  nos  savants  oublient 
toujours  en  pareille  ciroonstance.  Selon  qu'ils  se  sont  plus 
ou  moins  développés ,  selon  qu'ils  ont  eu  pour  ce  déve- 
loppement une  vie  parasitique  et  surtout  une  jeunesse 
plus  ou  moins  longue,  les  progrès  des  organismes  ont 
mmé ,  entre  les  infusoires  et  l'homme ,  des  genres  et  des 
espèces  plus  ou  moins  perfectionnés. 

Cette  manière  de  voir,  esquissée  à  peine  par  Delamarck, 
traitée  avec  plus  de  développement  par  les  Geoffroy  Saint- 
Hilaire  et  par  Sarres  ;  cette  manière  de  voir  que ,  dans 
notre  PhiUsêpkk  du  Socialisme  qui  peut  être  considérée 
eomme  l'esquisse  de  cette  Philot^phie  du  Siècle^  nous 
avons  entourée  déjà  de  preuves  nombreuses  empruntées 
aux  sciences  modernes,  nous  Texposons  cette  fois  avec 
l'autorité  que  mérite  une  hypothèse  vérifiée  dans  la  plus- 
part  des  faits  de  détail  qui  en  sont  la  conséquence ,  c*esl<^à- 
dire  comme  une  vérité  autour  de  laquelle  se  grouper<mt 
bientôt  des  vérités  nouvelles.  Qu'elle  ait  pu  donner  lieu  à 
des  erreurs  de  détail,  soit  ;  mais  elle  a  b  grand  avantage 
de  réunir  en  un ,  dans  le  [dan  d'esisemble  des  animaux  , 
les  vertébrés  et  les  invertébrés,  à  l'inverse  de  nos  cbttsi- 
fications  qui  séparent  sans  cesse  ce  qu'a  réuni  la  nature. 

Il  en  résulte  que  l'on  peut  dire  avec  vérité  que  l'embryo- 
logie de  l'homme  et  des  mammifères  nous  rac<mte  Torga- 
iM^ésie,  ou  lois  de  production  des  organes,  à  cette 
heure  et  dans  une  rapide  succession  de  temps  divers  et  de 
phases  diverses ,  comme  Tanatomie  comparée,  aidée  de  la 
géologie^  nous  raconte  les  mêmes  lois  s'exerçant  dans  la 
série  des  âges,  sons  l'influence  de  modificateurs  variables , 
agissant  d'une  manière  incessante. 

Ce  résultat  de  l'observation  pouvait  être  prévu  et  déduit 
à  friori  de  cet  autre  résultat  ae  l'observation  :  T^ut  ce  qui 
ni  acquis  au  refrandié  eiux  tndividuê  pendant  la  vie ,  for  les 
if^uences  de  V éducation^  se  retrouve  en  plus  ou  en  moins 
iens  leur  progéniture. 

D'où  cette  conclusion  :  Si  les  protées  anguifonnes  des 


S20  P0|t.Q6OPSfE 

mines  de  Comiole  et  de  Carynihie  anivaîent  lentement  à 
Vm  et  à  la  lumière)  les  poomans  qu'ils  pourraient  acquérir 
iraient  se  perfectionnant,  parce  qu'ils  seraient  transpûs  par 
k)  généraiiOA. 

Serres,  qui  a  jeté  die  si  vives  lumières  sur  l'organogé- 
nésie,  a  iait  remarquer  avec  raison  que  tous  les  étais  de 
nos  organes  embrycoaires  correspondent  à  des  états  qui 
sont  définitifs  chez  les  aaimaux.  On  trouve  chez  l'éléphant, 
un  rein  à*  quatre  lobes.  Il  est  plus  parfait  que  cdui  du 
bœuf  qui  en  présente  douae  ;  mais  il  n'y  a  que  deux  lobes 
chez  la  loutre ,  chee  les  carnivores  rapprochés  du  chat  et 
ches  la  pluspart  des  oiseaux.  —  Ne  nous  faites  pas  dire  ^ 
6  lecteur^  que  l'homme  passe  par  les  états  du  bœuf,  de 
Uéléphant ,  des  carnivores  et  des  oiseaux  :  ne  jugeons  pas 
1  être  entier  sur  un  seul  organe  ;  mais  disons ,  et  nous 
serons  dans  le  vrai,  que  le  rein  de  l'homme  reproduit 
successivement ,  à  l'^t  embryonaire ,  les  organismes  ré- 
naux de  plus  en  {dus  parfaits  d'animaux  inférieurs. 

U  résultedece  qui  précède,  que  des  organismes  pourraient 
être  relativement  plus  parfaits  chez  quelques  animaux 
que  ches  l'homme  :  ce  que  nous  sommes  loin  de  contester. 

Il  en  résulte  encore  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  facile  que 
de  suivre  un  organe  tout  seul,  dans  la  série  de  ses  progrès , 
depuis  les  animaux  inférieurs  jusqu'à  cette  période  dans 
laquelle  il  parait  avoir  acquis  son  parfait  développement» 

Longet,  dans  son  savant  ouvrage,  a  combattu  avec 
bien  peu  de  raison  la  doctrine  encore  incomplète,  mais 
déjà  très-avancée^  des  transformations.  Tantôt  il  a  joué  sur 
les  mots,  retombant  dans  les  vicieuses  méthodes  des 
métaphysiciens  ;  tantôt  il  a  négligé  de  corriger  certaines 
erreurs  dont  la  correction  eut  servi  à  démontrer  de  mieux 
en  mieux  cette  grande  loi  de  la  nature  :  Tout  progrès  «'cic- 
complit  par  dcê  iransformalùms  successives. 

Pour  nous,  qui  ne  sommes  point  un  savant  officiel, 
nous  reconnaissons  qu'il  y  a  à  corriger  dans  les  grands 
enseignements  des  Delamarck ,  des  Geoffroy,  des  Serres  ; 
mais  nous  regardons  ces  enseignements  comme  le  fonde- 
ment d'une  philosophie  physiologique,  destinée  à  se 
substituer  aux  philosophies  du  passé. 


Nbus  lie  dirons  doftc  point  d'une  manière  obsolue,  que 
Hiomme  parcourt,  dans  sa  vie  fœtale,  tous  les  dep^s 
inférieurs  de  Tanimalité,  mm  bien,  que  ses  divers  orga- 
nismes parcourent  pendant  leur  vie  embryonaire  ou  de 
parasitisme,  les  périodes  qui  correspondent  aux  organismes 
de  plus  en  plus  parCaits  des  animaux  existants.  ^^  Encore 
un  coup ,  l'honnne  n'a  été  ni  oiseau,  ni  Carnivore  du  genre 
chat,  ni  bœuf,  ni  éléphant,  quoique  ses  reins  aient  accompli 
dans  leurs  phases  transitoires  les  progrès  organiques  qui 
senties  termes  définitifs  des  reins  chez  le  bœuf,  l'éléphant, 
les  oiseaux  et  les  carnivores  du  genre  chat  :  sous  ce  rapport 
nous  sommes  d*accord  avec  Longet.  Mais  Vhomioe  forme 
une  association  d'organes  qui  ont  évidemment  passé  chacun 
par  les  degrés  les  plus  infimes  de  l'organisme. 

Cette  proposition ,  plus  restreinte  que  la  première ,  esl 
aujourd'hui  incontestable. 

La  loi  de  solidarité  rendant  nos  organes  dépendants 
les  uns  des  autres ,  il  en  résulte  que  l'on  peut  accepter,  à 
peu  de  chose  près,  comme  absolument  exactes,  les  pro- 
positions suivantes  du  docteur  Serres: 

«r  l'histoire  de  l'organogénie  de  l'homme  est ,  en  petit , 
«  la  répétition  de  toute  l'organologie  des  animaux. 

»  La  constitution  de  l'homme  est,  en  réalité,  un  petit 
»  monde ,  comme  l'avaient  si  philosophiquement  définie 
»  Hippocrate,  Platon,  Aristote  et  Galien.  * 

A  ces  deux  propositions,  ajoutons  de  suite  cette  troisième 
qui  en  est  la  conséquence  :  It  se  passe  en  neuf  mois  ♦  au  sein 
ie  là  femme ,  pendant  h  dételoppement  du  germe  humain , 
ttne  série  de  phénomènes  qui  résument  ceux  qui  se  sont  accom" 
f dedans  la  grande  série  des  animaux  vertébrés  et  invertébrés, 
dtpuis  Vapparition  ,  sur  ta  terre ,  des  premiers  êtres  jusque 
nou$. 

Il  y  a  surtout ,  nous  dit  Serres ,  deux  faits  généraux  qui 
conduisent  à  montrer  la  concordance  de  l'organogénie  et 
de  l'anatomie  comparée  :  on  voit,  d'une  part,  que  plus 
on  s'élève  dans  la  vie  embryonaire  et  plus  les  organismes 
se  divisent,  se  fraëtionnent  et  se  simplifient;  d'autre  part, 
à  mesure  que  l'on  descend  l'échelle  animale  en  anatomie 
comparée ,  à  mesure  aussi  l'on  trouve  que  les  organismes 


522  PHitbsoTHiis 

se  fractionnent,  se  simplifient  et  se  divisent ,  de  telle 
sorte  qu'il  arrive  un  moment  où  le  même  organisme 
se  répète ,  et  chez  Fembryon ,  et  chez  certains  animaux. 
Or,  chez  l'embryon ,  les  organismes  se  perfectionnent  par 
une  série  de  transformations  qui,  de  l'état  de  simplicité 
qu'ils  offrent  à  leur  début ,  les  conduisent  au  degré  de 
composition  qu'ils  possèdent  dans  leur  état  parfait  ;  de 
même  aussi  chez  les  animaux,  c'est  par  une  série  ana- 
logue de  métamorphoses  que  les  organismes  arrivent  par 
degrés,  d'espèce  en  espèce,  de  famille  en  famille ,  et  de 
classe  en  classe ,  au  type  élevé  où  nous  les  observons  dans 
le  haut  de  l'échelle  animale.  Considérée  sous  le  rapport 
le  Torganogénie ,  la  série  animale  répète  donc  la  série 
embryonaire  :  l'une  est  la  reproduction  de  l'autre ,  de  telle 
sorte  encore  que  les  organismes  de  l'embryon  revêtent  tran- 
sitoireraent  des  caractères  que  ceux  des  animaux  nous  of- 
rent  en  permanence,  tandis  que  la  série  animale,  à  son  tour, 
nous  présente  une  succession  d'organismes  fixes  dont  nous 
trouvoi^s  passagèrement  le  type  dans  le  cours  de  la  vie  em- 
bryonaire. 

Prenons,  nous  dit  encore  Serres,  pour  premier  exemple 
le  cœur.  Très-compliqué  chez  l'homme,  les  mammifères  et 
les  oiseaux ,  cet  organe  se  décompose  graduellement  chez 
les  reptiles,  les  poissons,  les  crustacés,  les  mollusques, 
les  annélides  et  les  insectes.  Chacune  de  ces  dégradations 
lui  fait  perdre ,  ou  une  partie  de  ses  éléments ,  ou  une 
partie  de  sa  structure  musculeuse.  De  proche  en  proche  , 
il  finit  par  ne  plus  être  chez  les  annélides ,  les  insectes  et 
quelques  crustacés,  qu'un  canal  droit  ou  courbe,  et  sa 
structure  musculeuse  est  même  alors  souvent  fort  douteuse. 
Cette  décomposition  du  cœur  dans  la  série  des  animaux 
était  déjà,  dès  le  temps  de  Haller,  un  des  résultats  de 
l'anatomie  comparée.  Mais  dans  ces  derniers  jours ,  par 
une  observation  inverse,  l'anatomie  transcendante  a  suivi 
la  recomposition  de  l'organe  ;  elle  a  rigoureusement  déter- 
miné que,  chez  le  jeune  embryon,  le  cœur  débutait  sous 
la  forme  d'un  canal  d'abord  presque  droit ,  puis  courbe , 
et  que  par  sa  forme  et  même  sa  structure ,  il  correspondait 
exactement  à  la  structure  et  à  la  forme  du  cœur  chez 


BU  SIÈCLE.  523 

les  insectes  >  chez  les  annélides  et  chez  quelques  crustacés 
brachiopodes. 

Au  second  temps  de  la  formation,  les  oreillettes  se 
dessiuent  sur  le  canal  cardiaque,  qui  se  perfectionne.  H  y 
a  trois  cavités  distinctes  :  un  ventricule  au  milieu ,  deux 
oreillettes  placées  sur  les  côtés  et  à  distance ,  absolument 
de  la  même  manière  que  dans  le  cœur  des  mollusques 
acéphales;  puis  les  deux  oreillettes  sont  amenées  au  point 
de  contact.  Chez  Tembryon  de  Toiseau,  ces  deux  poches 
û'en  font  plus  qu'une;  il  y  a  alors  un  ventricule  plus 
développé  et  une  oreillette  unique  plus  ample  :  c'est  la 
même  chose  absolument  qui  se  rencontre  chez  les  mollus- 
ques céphales. 

Ces  deux  temps  de  la  formation  du  cœur,  chez  les 
vertébrés,  représentent  donc  passagèrement  la  disposition 
permanente  du  cœur  chez  les  mvertébrés.  Mais,  comme  on 
le  sait,  cet  organe  ne  s'arrête  pas  à  cet  état  chez  les 
animaux  supérieurs;  en  continuant  ses  développements, 
la  poche  unique  des  oreillettes  se  partage  en  deux  cavités 
par  rinterposition  d'une  cloison  médiane  ;  et  cette  cloison , 
selon  qu  elle  est  plus  ou  moins  complète ,  représente  celle 
decertains  poissons,  et,  parmi  les  reptiles,  celle  de  la  tortue 
scorpione  et  du  lacerta  apoda  (Meckel).  Enfin  le  ventricule 
lui-même  se  dualise  à  son  tour  par  le  môme  mécanisme 
que  les  oreillettes  ;  et  à  l'époque  où  la  cloison  ventriculaire 
n'est  pas  encore  complètement  fermée  chez  les  oiseaux  ou 
les  mammifères ,  cette  dernière  évolution  du  cœur  répète 
eiactemeat  la  disposition  permanente  des  ventricules  chez 
les  reptiles  ophidiens  et  particulièrement  chez  les  couleuvres 
à  collier  (M.  Martin  Samt-Ange).  Il  est  à  remarquer  en 
effet  que  dans  l'embryogénie  des  vertébrés  supérieurs, 
de  même  que  dans  la  série  anatomique  des  poissons,  des 
reptiles  et  des  invertébrés ,  le  perfectionnement  des  oreil- 
lettes précède  généralement  celui  des  ventricules.  Or,  la 
circulation  n'étant  que  la  conséquence  de  la  disposition  et 
de  la  structure  de  l'appareil  qui  les  régit ,  la  modification 
que  subit  en  grand  cette  importante  fonction  dans  l'en- 
semble des  animaux  est  représentée,  en  petit*,  d'une 
manière    très-exacte   par    les    modifications    transitoires 


324  PHjiLQsopniE 

qu'elle  éprouve  durant  la  yie  embryonaire  des  vertébrés 
supérieurs. 

A  cette  exposition  de  la  doctrine  de  Serres,  il  n'y  a  rien 
à  répondre ,  et  ses  adversaires  se  rejettent  sur  de  puériles 
objections.  Essayez  par  exemple,  disent-ils,  de  comparer 
le  développement  des  insectes  et  le  nôtre.  La  réponse  est 
facile  :  prenez  un  œuf  de  papillon ,  faites-le  eclore  sur 
le  porte-objet  du  microscope ,  en  quoi  trouverez-vous  que 
ce  germe  nouveau  se  dévie  des  lois  que  nous  voulons 
démontrer?  —  A  la  naissance,  le  çerme  du  mamnjifère 
trouve  un  placenta  pour  aider  sa  vie  par  une  nourriture 
abondante  ;  le  germe  de  Toiseau  est  placé  dans  un  œuf 
âlbumineux  ;  celui  du  papillon,  qui  n'a  point  ces  ressources, 
est  destiné  à  vivre ,  non  en  parasite ,  mais  d'une  vie  indi- 
viduelle :  il  se  développe  et  devient  chenille ,  puis  lorsjqu'il 
s'est  suffisamment  nourri  pour  arriver  à  son  état  parfait ,  il 
se  débarrasse  de  ses  organes  caduques  ou  transitoires  et 
revient  à  la  vie  d'incubation,  dans  laquelle  s'élaborent  les 
'organes  de  sa  vie  de  papillon.  —  Si  les  œufs  de  l'insecte 
étaient  plus  perméables  et  très-extensibles,  s'il  y  avait 
possibilité  de  nourrir  leurs  germes  par  endosmose ,  il  est 
probable  que  l'on  pourrait  arriver  à  supprimer  l'état  spécial 
qui,  dans  la  vie  au  germe  du  papillon,  porte  le  nom  de 
chenille.  —  Dans  cette  voie,  où  ma  vue  fatiguée  ne  peut 
suffire  aux  études  microscopiques,  j'ai  reconnu,  pour  ma 
part ,  qu'il  y  a  sur  les  influences  du  sec  et  de  l'humide  et 
dans  Tétude  sérieuse  des  germes  divers ,  de  nombreuses  et 
intéressantes  découvertes  possibles  et  mômes  faciles. 

Revenons  aux  règles  générales  de  l'embryologie. 

Si  au  lieu  du  cœur  nous  voulions  étudier  de  la  même 
manière  : 

Le  système  nerveux , 

Les  sens , 

Le  système  digestif, 

Le  système  osseux. 

Le  système  musculaire , 

Le  système  pulmonaire , 
nous  arriverions  à  des  résultats  complètement  identiques. 

Chez  la  femme,  la  matrice  est  unique,  mais  elle  n'arrive 


Dû  siË(iLË.  325 

à  ce  résultat  qu'en  passant  par  cinq  phases  successives.  Or, 
remarquons  le  bien ,  la  matrice ,  organe  destiné  à  couver 
intérieurement  les  œufs  qui,  chez  d'autres  animaux, 'sont 
ccujvés  extérieurement,  est  l'un  des  derniers  organes  pro- 
duits par  la  nature  au  sein  du  règne  animal. 

Son  premier  état  embriologique,  chez  l'homme,  corres- 
pond à  ce  qui  existe  chez  les  monotrêmes,  tels  que 
l'échidné  et  Tomilhorinque ,  qui  sont  intermédiaires  entre 
les  oiseaux  et  les  mammifères  ;  le  deuxième  état  corresppjid 
à  celui  des  marsupiaux;  le  troisième  à  celui  du  lapiu,  du 
rat,  du  castor;  il  consiste  en  un  vagin  simple  et,, une 
matrice  double.  Celte  disposition  peut  persister  après  la 
naissance,  comme  l'ont  vu  Morand,  Dupuytren,  Tiedmann, 
comme  nous  l'avons  nous-même  reconnu  il  y  a  quelques 
années. 

Le  quatrième  état  de  l'utérus  correspond  à  celui:  des 
cétacés,  de  quelques  camaciers,  des  phoques  :  Tunilé 
utérine  est  commencée,  mais  elle  n'est  pas  achevée.  Nous 
la  trouvons  bien  plus  parfaite  chez  les  ruminants,,  plus 
parfaite  encore  chez  les  makis. 

Le  cinquième  état,  l'unité  complète  de  la  matrice,  se 
présente  chez  Quelques  singes ,  mais  avec  moins  de  perfec- 
tion que  chez  1  homme. 

On  sait,  poursuit  Serres,  que  Thomogénité  primitive  des 
deux  sexes  est  une  des  découvertes  les  plus  curieuses  de 
I  embryogénie.  11  n'y  a  primitivement  ni  mâle  ni  femelle  ; 
en  un  second  temps ,  en  apparence  il  n'y  a  que  des  femelles 
(je  dis  en  apparence ,  et  on  verra  plus  tard  la  raison);  puis 
les  organes  aapparence  femelle  se  transforment  en  organes 
mâles.  Toutes  les  femelles ,  à  une  certaine  époque  de  leur 
formation ,  ont  donc  l'air  d'être  hermaphrodites ,  et  à  une 
certaine  époque  aussi,  sans  un  examen  attentif,  on  pren- 
drait tous  les  mAles  pour  des  femelles.  Ces  dernières  appa- 
rences se  manifestent  chez  Tembryon  humain  sur  la  fin  du 
deuxième  ou  au  commencement  du  troisième  mois ,  et  chez 
le  bœuf ,  le  moHton ,  le  chien  et  le  chat ,  vers  le  premier 
tiers  de  leur  formation.  Or,  cette  circonstance  du  déguise- 
ment des  sexes  provient  de  la  constance  du  mécanisme  de 
leur  formation. 


326  PHILOSOPHIE 

Cette  similitude  embryonaire  se  Ixouii^  justement  répétée 
chez  plusieurs  ammaux  adultes.  Le  Yolume  duelytoris,  cbt 
M.  Isidore  Geoffroy-Saint- Hilaire,  égale  eeluî  du  péuis 
dans  plusieurs  espèces,  même  parmi  les  skiges,  et  la 
ressemblance  est  telle,  que  les  lemelles  sont  prises,  la 
pluspart  du  temps ,  pour  des  mâles.  Quelques  espèces  ont 
le  gland  du  pénis  bifurqué  ;  celui  du  dytoris  Test  égflde- 
ment.  Le  kpin  est  particulièrement  remarquable  sous  ce 
rapport  :•:  sa  verge  reproduit  celle  de  Tembryon  des 
quatrième  et  cinquième  semaine,  de  même  que  ses  cornes 
utérines  reproduisent  celles  du  quarantième  et  du-  cinquan- 
tième jour.  L'anatomie  comparative  nous  présente  ainsi, 
d  une  masiiâre  permanente^  un  ordre  de  faits  que  l'orgaiio- 
génie  ne  nous  dessine  que  passagèrement ,  et  que  Tanato- 
miste  a  beaucoup  de  peine  à  constater  à  cause  du  peu  de 
consistance  et  de  Texiguité  des  parties. 

Pendant  l'impression  de  ces  pages  sur  Torganogénie  des 
animaux ,  M.  le  docteur  Emile  Giraudet  »  cbef  des  travaux 
anatomiques  à  Tours,  avait  la  bonté  de  nous  faire  pass^ 
sous  les  yeux  un  mémoire  inédit  extrêmement  remarquable, 
dont  voici  les  conclusions.  (Ce  jeune  savant ,  fils  d'un  ami , 
de  Geoffroy  Saint-Hilaire ,  porte  déjà  baut  la  bannière  de  la 
science  pbilosopbique.)  Il  s'agit  de  recherches  sur  le  déve- 
loppement comparé  du  germe  de  la  brebis  et  du  germe  du 
bombyx  qui  nous  donne  la  soie  : 

A.  —  l**  Les  diverses  phases  du  développement  de 
Tembryon  de  la  brebis  s'accomplissent  seulement  dans 
l'utérus  ou  ses  annexes. 

S""  Les  diverses  phases  du  développanent  du  bombyx 
comprennent  trois  périodes  bien  distinctes.  :  l'œuf,  la  larve^ 
la  ckry[$alide.  L'expression  si  peu  précise,  si  vague,  de 
métamorphose ,  appliquée  à  ces  évoluticms  successives  qui 
précèdent  l'état  parfait  du.  bombyx^  doit  disparaître  delà 
science.  Ces  phénomènes  morphologiques  auraient  un  sens 
plus  complet,  plus  saisissable ,  si  les  époques  de  leurs  mani- 
festations étaient  simplement  désignées  sous  les  noms  de 
1*%  2*  et  3*  période  embryonaire. 

B. — Les  pièces  constitutives  de  l'œuf  fécondé  (membranes 
et  liquides)  sont  analogues  dans  les  deux  espèces  étudiées. 


BU  SIÈCLE.  5i7 

C.  —  Le  ekarion  joue  un  rôle  également  important  et 
dans  r<Baf  de  la  brebis  et  dans  celui  du  bombyx  :  l""  ehez 
la  brebis,  il  sert  d'organe  de  nutrition  en  établissant)  une 
commmunicMion  vasculaire  entre  l'utérvis  et  Tceuf  ;  S'^chez 
le  hombyx^  il  sert  d'organe  de  nutrition  en  livrant  passage 
à  l'air  indispensable  au  développement  de  l'embryon  ; 
5*  dans  l'un  et  l'autre ,  il  est  organe  de  protection. 

D.  —  L'analogie  du  vitellus  et  de  sa  membrane  est 
évidente  dans  les  deux  embryons.  —  Dans  le  bombyx ,  il 
n'y  a  pas  de  vésicule  ombilicale  produite. 

E.  —  Le  blastoderme ,  ce  premier  rudiment  de  l'orga- 
Qi^oe  considéré  sous  les  rapports  de  forme  et  d'accroisse- 
ment, est  s^nblable  dans  la  brebis  et  le  bombyx  ;  toute- 
fois l'incurvation  se  fait  en  sens  opposé. 

Je  n'ai  jamais  observé»  dans  ce  développement  du 
blastoderme ,  que  des  amas  de  cellules  organo-plastiques 
assez  différentes  les  unes  des  autres*,  quant  aux  feuillets 
séreux ,  muqueux ,  angio-plastique ,  il  m'a  été  impossible 
(te  les  apercevoir. 

F.  —  Deux  systèmes  nerveux,  le  cérébro-spinal  et  le 
grand  sympathique,  se  développent  dans  la  brebis  et  lo 
bombyx.  Le  tystéme  cérébro-spinal  constitue  Taxe  primitif 
00  tige  nerveuse  dont  les  éléments  sont  formés  de  deux 
parties  distinctes  par  la  structure  et  les  fonctions  (substance 
blanche,  substance  grise).  Ce  système  subit  de  notables 
modifications  dans  sa  manière  d'être,  pendant  toute  la 
durée  de  l'état  embrycmaire  des  deux  espèces. 

Le  grand  sympathique ,  au  contraire,  n'offre  dans  sa 
manière  d'être  que  des  modificaticms  de  peu  d'importance 
daiB  les  deux  espèces. 

G.  —  L'appareil  circulatoire  s'annonce  de  bonne  heure 
chez  la  brebis;  son  développement  suit  de  très^près  le 
système  nerveux.  Dans  le  bombyx,  cet  appareil  ne 
wmmence  à  être  distinct  qu'après  la  formation  du  canal 
intestinal. 

H.  —  Il  existe  uns  analogie  réelle  dans  le  mode  de 
développement  de  Yappareil  digestif  de  la  brebis  et  du 
bombyx;  ainsi,  dans  les  deux  espèces,  cet  appareil  est 
une  dépendance  immédiate  de  la  vésicule  vitellme  ;  seule* 


ment  la  communication  du  vitellus  avec  le  bombyx,  au 
lieu  de  s'opérer  sur  la  face  abdominale  ,  comme  dans  la 
brebis ,  s'opère  sur  la  face  dorsale  de  l'invertébré. 

I.  —  Il  y  a  lieu  de  considérer  comme  analogue,  le  mode 
de  formation  de  Y  appareil  respiratoire  ;  toutefois  le  fait  de 
cette  analogie  est  modifié  en  ce  sens  que  le  développement 
des  vaisseaux  sanguins  n'est  pas  suffisamment  constaté 
dans  le  bombyx. 

K.  — ^  Les  appareils  primitifs  sécréteurs  de  la  brebis  peu- 
vent être  ramenés  au  type  si  simple  et  si  constant  des 
organes  sécréteurs  du  bombyx. 

L.  —  Le  développement  du  cylindre  primitif  et  du 
système  musculaire  du  bombyx  offre  des  analogies  remar- 
quables avec  celui  de  l'embryon  de  la  brebis,  et  les 
dissemblances  ne  portent  que  sur  des  points  tout-à-fait 
secondaires. 

M.  —  Dans  les  deux  espèces,  le  système  tégumentaire 
est  une  dépendance  immédiate  de  la  face  externe  du 
blastoderme;  de  plus,  il  offre  les  mêmes  annexes  et  la 
même  disposition  par  couches  successives, 

N.  —  Vappareil  oculaire  du  bombyx  débute  comme 
celui  de  la  brebis,  par  im  renflement  pédicule,  composé 
de  cellules  organo-plastiques.  Le  pédicule ,  dans  les  deux 
espèces ,  m'a  toigours  semblé  une  continuation  de  la  mem- 
brane nerveuse  primitive. 

0.  —  Si  des  organes  semblent  disparaître  pendant  la 
vie  embryonaire  de  la  brebis  (corps  de  Wolf,  Thymus,  etc.), 
d'autres  s'effacent  également  dans  les  périodes  formatrices 
du  bombyx  (glandes  de  la  soie,  organes  broyeurs,  etc.). 
En  résumé,  le  développement  comparé  de  l'emj^ryon  cle 
la  brebis  et  du  bombyx ,  malgré  les  dissemblances  que 
nous  voyons  s'y  produire,  tend  à  rapprocher  de  plus  en 
plus  les  embranchements  des  vertébrés  et  des  invertébrés. 
Leur  formation  est  soumise  aux  mômes  lois  ;  elle  a  pour 
point  de  départ,  pour  base  commune,  la  cellule. 

Nous  venons  d'étudier  quelques  faits  généraux  de  l'orga- 
nogénésie  :  il  convient  maintenant  de  dire  rapidement  les 
faits  généraux  de  l'embrjoîogie. 


DS  L  EHBIEIYOLOGU. 

Dans  le  lieu  où  la  vésicule  destiné^  à  ijeprodvrire 
l'espèce  ,  et  par  suite  appelée  prolifère,  vient  s'alUchec  h 
la  membrane  du  vitellus  ou  jaune  deVceuf,  existe  un  disque 
appelé  ligament  prolifère.  Ce  disque,  selon  Serres,  s'isole 
dès  les  première  heures  de  Tincubatioa  (1).  —  A  partir  de 
la  seizième  heure,  sous  le  climat  de  Paris,  ou  remarque 
le  premier  jet  des  organisations  :  c'est  une  longue  ligne 
obscure  placée  selon  l'axe  du  disque  prolifère ,  dont  quatre 
ou  cinq  heures  plus  tard  la  transformation  est  aûhevée,  — 
S*est-il  formé,  dans  ce  travail,  deux  sacs  germinateurs , 
deux  cellules  cellulaires,  germes  de  l'embryon,  et  des 
organes  qui  se  développent  en  lui  ?  Le  premier  travail  de 
la  nature  aurait-il,  par  ce  moyen,  pour  but  le  dualisme 
et  la  symétrie  de  l'être  qui  va  être  produit?  Cette  opinion 
de  Serres  est  séduisante,  mais  je  n'oserais  l'accepter 
encore;  elle  ne  m'est  point  suffisamment  démontrée.  Je 
crois  au  contraire ,  d'après  quelques  études  pereonnelles , 
(]ue  le  premier  travail  de  la  nature  se  maniieste  par  une 
ligne  médiane  courbée  ;  que  pris  un  peu  plus  tard ,  ce 
premier  travail  présente  une  ligne  centrale  rudimentaire , 
et  plus  tard  encore,  une  ligne  centrale  plus  développée, 
divisée  en  trois  parties  que  l'on  devine  plus  qu'on  ne  les 
voit,  parties  qui  sont  séparées  par  les  développements 
latéraux  et  qui  formeront  plus  tard  le  capuchon  ou  partie 
supérieure  de  l'embrj^on ,  la  queue  et  la  portion  moyenne. 
Mais  dans  ce  système,  comme  dans  celui  de  Serres, 
l'animal,  par  suite  de  cette  ligne  médiane,  se  forme  par 
des  organes  symétriquement  placés.  En  étudiant  les  pré- 


(I)  5oa6  n*alGrmoDS  ce  fait  qu'arec  résenre ,  oe  Tajant  poiot  vérifié  lorsque  nous 
SToos  étudié  cette  question. 


S30  PHILOSOPHIE 

tendues  cellules  juxta-posées  de  Serres,  nous  ayons  cru 
reconnaître  que  dès  le  début  elles  ne  forment  qu'une  cellule 
au  sein  de  laquelle  se  produisent  et  s'érolvent  les  fonnations 
organiques  de  l'être  naissant. 

Chaque  cellule ,  dit  Serres ,  se  compose  de  trois  feuillets 
qui  se  développent  successivement.  L'extérieur  est  séreux, 
le  moyen  est  vasculaire,  l'inteme  est  muqueux.  Cette 
hypothèse  n'est  pas  moins  if)génieuse  que  celle  des  deux 
cellules  juxta-posées  ;  mais  les  faits  ne  nous  ont  point  paru 
se  présenter  ainsi ,  quoique  le  développement  deTembryon 
suive  régulièrement  la  marche  indiquée  par  Serres.  Les 
membranes  signalées  par  cet  illustre  savant,  ne  peuvent 
être  désignées  par  cette  expression  :  membranes.  —  Là  où 
il  existe  une  membrane,  on  peut  toujours  en  admettre 
trois:  l'une  interne,  l'autre  externe,  la  troisième  inter- 
médiaire ;  mais  cette  supposition  de  l'esprit  n'est  pas  une 
preuve. 

La  moelle,  l'encéphale,  les  vertèbres,  le  crâne,  les  sens 
et  leurs  dépendances  apparaissent  d'abord.  —  Ces  faits 
accomplis,  les  vaisseaux  périphériques,  les  veines  caves, 
les  aortes,  le  cœur  commencent  à  se  manifester,  et  ce 
dernier  ressemble  tout  d'abord  à  un  vaisseau  replié.  Les 
organes  de  nutrition  apparaissent  ensuite. 

Au  moment  de  son  apparition,  la  première  série  d'or- 
ganes est  le  siège  d'une  fluxion  ;  elle  se  développe  avec 
énergie ,  et  son  hypertrophie  serait  grande  si  le  développe- 
ment de  la  seconde  série  ne  venait  la  corriger.  De  la  n>éme 
manière,  le  développennent  du  troisième  ordre  d'organes 
fait  disparaître  l'exubérance  des  secçnds. 

Nos  réserves  faites  sur  les  deux  sacs  germinateurs  et  les 
trois  feuillets  de  chaque  sac ,  dont  nous  n'avons  nul  besoin 
pour  expliquer  la  dualité  primitive  des  organes,  qui 
s'explique,  selon  nous,  très-bien  par  l'action  du  syst.ème 
nerveux ,  cet  organe  de  la  polarité  animale  :  nous  pouvons 
prendre  Serres  pour  guide  et  le  suivre  dans  l'exposition  du 
développement  de  l'axe  cérébro-spinal ,  du  coeur,  de  l'intes- 
tin et  du  foie. 

Soit  donc,  dirons-nous  avec  lui,  l'axe  cérébro-spinal  du 
système  nerveux:   son  ampliation  est  si   grande  dès  le 


DU  BÎÈdLR.  531 

début  des  développements,  que  non-seulement  ses  cordons 
sont  contournés  ^i  spirale,  pour  occuper  le  moins  d'espace 
possible  «  mais  qu'encore  le  canal  vertébral  et  le  crâne 
sont  ouverts  et  écartés  en  a^ynt  et  en  arrière  pour  agrandir 
le  champ  qui  doit  le  ocMitesir.  Cette  exagération  de  déve- 
loppement se  conserve  jusqu'à  l'époque  où  les  rudiments 
du  cœur,  réuni»  en  un  canal  deux  fois  replié  sur  lui-même, 
donnent  à  l'organe  ce  développement  exagéré  qui  l'a  fait 
comparer  au  gàtre.  Ot  cette  dernière  exagération  du  cœur 
a  pour  efifet  de  réduire  l'axe  céréfaro-epinal ,  de  déplisser 
d'abord  ses  cordons,  de  diminuer  ensuite  le  champ  qui  les 
contient ,  ce  qui  permet  au  canal  vertébral  et  au  cr&ne  de 
se  réunir  en  avant  et  de  former  une  large  gouttière  dans 
laquelle  i'organe  repose.  Néanmoins ,  son  volume  dépasse 
encore  les  proportions  qui  doivent  constituer  son  état 
normal,  car  il  fait  hernie  en  arrière  du  crine  et  du  rachis, 
qui  ne  peuvent  le  contenir  dans  son  entier.  Une  seconde 
réduction  de  ce  volume  se  produit  lorsque  les  cavités  du 
cœur,  élargies  outre  mesure,  font  acquérir  à  cet  organe 
les  dimensions  exagérées  qui  ne  se  reproduisent  plus  que 
dans  l'état  pathologique»  Cet  excès  de  développement  du 
cœur  fait  encore  revenir  sur  lui-même  l'axe  cérébro-spinal , 
de  sorte  que  le  canal  céphalo-rachidien  peut  se  clore  en 
arrière  comme  il  s'était  clos  en  avant,  et  constituer  un 
étui  dans  lequel  est  logée  définitivement  la  partie  centrale 
et  fondamentale  du  système  nerveux.  Tels  sont  les  faits. 
Si  on  compare  les  organes  entre  eux,  on  voit  évidemment 
que  les  uns  semblent  acquérir  ce  que  les  autres  perdent; 
on  voit  que  les  réductions  qui  s'opèrent  dans  l'axe  cérébro- 
spinal tournent  au  profit  du  développement  du  cœur,  qui 
dépasse  alors  toutes  les  dimensions  connues ,  de  même  cpie 
l'axe  central  du  système  nerveux  avait  de  prime-abord 
dépassé  toutes  les  siennes.  Hais  on  voit  aussi  qu'il  y  a 
réellement  transport  de  l'action  formatrice  du  feuillet 
externe  des  sacs  sur  le  feuillet  moyen  ou  vasoulaire ,  de 
sorte  que  l'on  peut  traduire  cet  effet  en  disant  que  l'exagé- 
ration de  formation  des  organismes  du  feuillet  vasculaire 
fait  rentrer  dans  leurs  limites  les  organismes  du  feuillet 
externe,  qui  les  avaient  dépassées.  C'est  ainsi  que  Serres 


dételoppe  celte  anatomie  sî  élevée.  Continuons  à  le  suivre. 
'  Si  l'équilibre  a  été  rétabli  dans  Taxe  cérébro-spinal  par 
l'exagération  qu'ont  prise  le  coeur  et  les  gros  vaisseaux , 

f)ar  quel  moyen  ces  dernière?^ parties  rentreront-elles,  à 
eur  tour,  daus  les  dimensions  quelles  doivent  cotiserver  ? 
Dirons  d'abord  que  lés  dimensions  du  cœur  sont  alors 
tellement  exagérées  qu'il  est  situé  hors  de  la  poitrine , 
comme  Taxé  cérébro-spinal  était  situé  hors  des  cavités  de 
la  colonne  vertébrale  et  du  crâne.  Remarquons  ensuite  ce 
qui  survient  en  ce  moment  dans  l'ordre  des  développe- 
ments. Le  phénomène  le  plus  saillant  qui  se  manifeste  à 
cette  période  ^t  la  formation  du  foie,  organe  principal  du 
troisième  feuillet  des  sacs  germînateurs ,  qui  est  au  feuillet 
muqueux  ce  que  le  cœur  est  au  feuillet  vasculaire ,  et  le 
cerveau  au  feuillet  séreux.  Or,  tout  le  monde  sait  que  chez 
l'embryon ,  le  foie  est  si  prodigieusement  développé ,  que 
non-seulement  il  remplit  à  lui  seul  l'abdomen ,  mais  qu'il 
refoule  encore  les  intestins  dans  le  cordon  ombilical  et 
qu'il  maintient  à  distance  les  parois  de  l'abdomen.  Que 
résulte-t-il  de  cette  hypertrophie  exagérée  du  foie  ?  H  en 
résulte  l'atrophie  du  cœur.  En  effet,  pendant  que  l'organe 
principal  du  feuillet  muqueut  acquiert   ces  dimensions 
outrées ,  l'organe  principal  du  feuillet  vasculaire  s'atrophie. 
Le  cœur  diminue  de  volume  à  mesure  que  le  foie  s'acctoit  ; 
il  se  réduit  et  rentre  dans  ses  limites  par  un  mécanisme 
tout-à-fait  semblable  à  celui  par  lequel  il  a  fait  lui-même 
rentrer  l'axe   cérébro-spinal  dans   les   siennes.   L'action 
formatrice  s'est  ainsi  déplacée  une  seconde  fois.  Du  feuillet 
vasculaire ,  elle  a  passé  sur  le  feuillet  muqueux ,  comme 

i)réoédemment  elle  avait  passé  du  feuillet  externe  sur  le 
éuillet  vasculaire  ;  et,  de  même  que  la  réduction  de  Vaxe 
cérébro-spinal  avait  permis  au  canal  céphalo-rachidien  de 
se  fermer,  d'abord  en  avant ,  puis  en  arrière ,  de  même  la 
réduction  du  cœur  permet  à  la  poitrine ,  jusque  là  ouverte 
antérieurement ,  de  se  clore  définitivement  par  la  réunion 
des  sternums.  Tous  ces  faits  se  suivent ,  se  ressemblent , 
se  répètent  ;  tous  sont  assujettis  à  la  même  règle ,  au 
même  mécanisme,  à  la  même  équilibration.  En  observant 
cet  assujettissement  de  la  nature  aux  mêmes  procédés  de 


9p  Miw(^,  sas 

déyeloppement ,  au^^  mêmes  lois  organogéuiques, <<mq  re- 
connaît avec  admiration  la  main  puissante  qui  la  dingo  et 
la  conduit  vers  son  but.  Que  sont  les  causes  furies  à  côté 
de  ces  grands  phénomènes  ! 

De  l'équilibration  de  la  tête  et  de  la  poitrJjqe ,  passons 
à  celle  de  l'abdomen.  Que  vont  devenir  les  intestins  pror* 
jetés  hors  de  cette  cavité  et  logés  provisoirement  dans  le 
cordon  ombilical  ?  Comment  rentrexontrils  dans  le  domi- 
cile qu'ils  doivent  occuper  toute  la  vie  ;  comment  les 
clore  hermétiquement  ?  C'est  ici  surtout  que  les  faits  sont 
évidents,  par  la  raison  que  l'embryon  étant  plus  âgé, 
leur  constatation  devient  plus  facile.  Ce  déplacement  des 
intestins  a  été  produit ,  comme  nous  venons  de  le  dire., 
par  l'ampliation  énorme  du  foie  à  laquelle  suffit  à  peine 
toute  la  cavité  abdominale  ;  leur  hernie  en  est  la  consé- 

3uence  ,  de  même  que  les  hernies  de  la  moelle  épinière , 
e  l'encéphale  et  du  co^ur  sont  les  conséquences  de  leur 
excès  de  développement.  Or,  l'hypertrophie  exagérée  du 
foie  venant  à  cesser,  sa  diminution  Jait  un  vide  dans 
Tabdomen,  et  ce  vide  est  occupé  aussitôt  par  les  Intestins 
qui  se  précipitent  dans  son  inténeur.  En  même  temps  aussi 
les  parpis  abdominales  n'étant  plus  tenues  écartées  par 
le  foie,  suivent  le  mouvement  des  intestins,  arrivent  au 
point  de  contact  et  se  réunissent  comme  l'ont  fait  les  deux 
sternums.  La  fermeture  de  l'abdomen  est  donc  la  répé- 
tition de  la  fermeture  de  la  poitrine,  ocMume  celle-ci  était 
la  répétition  de  la  fermeture  du  canal  rachidien  et  du 
arâne. 

Mais  ces  faits  d'éçjuilibration  ne  disent  pas  encore  la 
raison  de  la  diminution  si  frappante  de  cet  organe.  Cette 
raison  se  trouve  dans  l'excès  de  développement  que  prend 
d'abord  l'estomac  et  puis  le  duodénum ,  excès  de  dévelop- 
pement qui  passe  ensuite  sur  les  intestins  grêles  et  s'arrête 
en  définitive  sur  les  gros  intestins.  Cette  succession 
d'hypertrcf)hies  dans  le  canal  alimentaire  atrophie  succes- 
sivement l'organe  hépatique  et  le  ramène  à  l'état  qu'on 
lyi  connaît  chez  l'adulte  ;  en  même  temps  elle  produit  sur 
les  parties  diverses  de  ce  conduit  des  ampliations  exagé- 
rées  qui   d'abord    rapprochent   l'estomac   de  celui  des 


534  PHILOSOPHIE 

rumioAnts ,  qui  font  ensuite  que  les  ioste^tins  grêles  sont 
réellement  les  gros  intestins,  et  qui  s'épuisent  enfin  sur 
la  région  finale  du  canal  intestinal.  Quel  spectacle  que 
celui  de  ce  balancement  successif  dans  les  dimensions  des 
diverses  organismes!  Quelle  sagesse  dans  cette  action 
foimatrice  qui  les  hypertrophie  chacun  à  leur  tour  et  les 
fait  rentrer  dans  leurs  limites  en  se  transportant  de  l'un 
sur  l'autre  !  Rien  de  plus  surprenant  sans  doute  que  la 
simplicité  de  ce  mécanisme ,  si  ce  n'est  la  grandeur  du 
résultat  qu'en  fait  sortir  la  nature,  en  harmoniant  ainsi 
toutes  les  parties  de  l'embryon.  Rien  de  plus  simple  égale- 
ment et  rien  de  plus  constant  que  ce  mouvement  centripète 
agissant  de  la  périphérie  vers  le  centre ,  poussant  ainsi 
les  organes  vers  les  cavités  qu'ils  doivent  occuper,  et, 
aussitôt    qu'ils  y  sont   arrivés,    refermant  sur   eux   les 

Sarois  pour  les  abriter  et  les  clore  définitivement.  Si  la 
xité  et  la  régularité  des  mouvements  à  grandes  distances 
excitent  notre  admiration ,  la  régularité  et  la  fixité  de  ces 
mouvements  à  petite  distance  n'ont-elles  pas  aussi  leur 
intérêt  ? 

Or,  le  mécanisme  d'équilibration  que  nous  venons 
d'exposer  se  reproduit  partout  ;  il  se  répète  jusque  dans 
les  plus  petits  détails  de  l'organisation  ;  il  se  fait  même 
sentir  jusque  dans  les  tissus  élémentaires  des  parties. 
U  nous  suffira  d'en  observer  les  effets  dans  les  cavités 
splanchniques ,  et  d'abord  dans  le  crâne  pour  œ  qui 
concerce  l'encéphale.  Sur  cet  organe,  l'excès  de  déve- 
loppement porte  d'abord  sur  les  lobes  optiques,  dont 
l'exagération,  persistant  dans  des  classes  entières,  atrophie 
ce  qui  l'environne  :  tantôt  le  cervelet ,  comme  cela  a 
lieu  chez  la  plupart  des  reptiles  ;  tantôt  les  hémisphères 
du  cerveau ,  comme  on  le  remarque  chez  presque  tous  les 
poissons.  Chez  les  mammifères ,  l'excès  de  développement 
se  portant  sur  le  cervelet  et  le  cerveau,  ce  sont  au 
contraire  les  lobes  optiques  qui  sont  réduits  dans  leurs 
dimensions.  Chez  les  oiseaux,  l'équilibration  est  différente 
encore  :  les  lobes  optiques  conservent  une  prédominance 
marquée  ;  mais  comme  déjà  leur  constitution  encéphalique 
marche  vers  celles  des  mammifères,  ces  lobes  ne  restent 


DU  siÈcu.  555 

plus  sur  la  face  supérieure  de  l'encéplale  ;  ils  exécutent 
un  deminmouYement  de  rotation  qui  les  fait  saillir  sur  les 
côtés,  et  rapproche  l'un  de  l'autre  le  cervelet  et  le  cerveau  : 
d'où  il  suit  que  les  lobes  optiques  sont  réellement  Torgane 
régulateur  de  l'encéphale  chez  les  animaux  vertébrés, 
puisque  l'équilibration  s'opère  sous  leur  influence. 

Hais  Tmâuence  de  l'évolution  d'une  partie  sur  l'évola- 
tion  des  autres  n'est  nulle  part  plus  marquée  que  dans 
l'abdomen  et  le  thorax ,  à  cause  de  la  mobilité  des  orga- 
nismes contenus  dans  ces  cavités.  Le  foie ,  qui  les  domine 
tous,  les  assujettit  tous  à  ses  propres  évolutions.  Nous 
avons  déjà  vu  que ,  lors  de  son  hypertrophie  exagérée , 
la  cavité  abdominale  suffisant  à  peine  à  son  extension ,  il 
en  repousse  le  canal  intestinal  ;  nous  avons  vu  aussi  que 
lorsqu'il  réduit  ses  dimensions ,  le  cœur  d'abord  ,  puis  les 
intestins ,  rentrent  dans  leurs  cavités  respectives.  Mais  là 
ne  se  borne  pas  son  influence  :  à  peine  ces  organes  sont- 
ils  renlrés  dans  leur  domicile  qu'ils  se  placent  sous  la 
dooûnation  du  foie  et  obéissent  à  ses  moindres  évolutions. 
Lorsqu'en  efi'et  le  coeur  est  rentré  dans  la  poitrine,  le 
foîe,  hypertrophié  encore,  occupe  la  partie  médiane  de 
Fabdomen,  sans  s'incliner  ni  d'un  c6té  ni  d'un  autre. 
Le  coeur  repose  dans  le  milieu  du  thorax ,  maintenu  là 
par  le  plan  horizontal  que  lui  offire  le  diaphragme  immé- 
diatement appliqué  sur  la  convexité  du  foie.  Plus  tard , 
l'équilibre  de  la  décroissance  du  foie  se  trouve  rompu  ; 
l'atrophie  porte  principalement  sur  le  lobe  gauche  ;  le  lobe 
droit  conserve  son  volume,  et  il  s'enfonce  dans  l'hypo- 
condre*du  même  côté.  Le  cœur,  qui  repose  médiatement 
sur  la  surface  convexe  de  cet  organe ,  suit  naturellement 
l'inclinaison  du  plan  qu'elle  présente.  A  mesure  que  la 
lobe  gauche  du  foie  s'affaisse,  le  cœur,  suivant  son  mouve- 
ment, s'abaisse  avec  lui  ;  U  glisse  de  droite  à  gauche  et  se 
fixe  à  la  position  que  lui  a  faite  l'évolution  du  foie.  D'où 
il  suit  que  l'incUnaison  à  gauche  du  cœur  répète  dans  la 
poitrine  l'inclinaison  du  foie  dans  l'abdomen  ;  d'où  il 
suit  encore  que  les  mammifères  chez  lesquels  le  cœur 
ne  repose  pas  médiatement  sur  le  foie ,  restent  étrangers 
à  cette  inclinaison,  de  sorte  que  chez  eux  le  cœur  occupe 


856  pfiiLOdOPflTE 

toujours  le  milieu  de  la  poitrine.  Il  en  est  de  même  de  la 
position  de  r^slomac  et  de  la  rate.  Le  foie ,  en  se  plaçant 
à  droite ,  entratoe  la  petite  ettrémité  de  Vestomac  de  ce 
côté,  oe  .qui  nécessairement  force  la  grosse  extréniilé  à 
laquelle  adhère  la  rate ,  de  se  loger  dans  Thypocondre 
gauche*  Le  lobe  droit  du  foie  entraîne  ainsi  avec  hii  le 
coeor-imlmonafire)  les  veines  caves;  Tazygos,  le  duodétttim 
et  le  coBCum  V  tandis  que  le  lôî>e  gauche  est  accompagné 
par  le  '  cœur  «aortique ,  par  Tâorte  pectorale ,  l'estomac  ^ 
la-rateet  TS  iliaque  du  colon.  Ce  qui  achève  bien  de  prouver 
que  révolution  de  ces  organes  est  subordonnée  à  celle  du 
foie ,  c'est  que  celui-ci  se  transporte. 

C'est  ainsi  que  Serres ,  l'un  des  maîtres  de  la  science  ^ 
nous  raiconte  mie  partie  de  notre  vie  si  longtemps  voilée  pour 
nous. 

Pour  «ppliquer  à  l'homme  les  grandes  données  physio- 
logiques que  nous  venons  d'exposer,  remarquons  que  chez 
lui  le  progrès  consiste  dans  le  développement  très-remar- 
quable du  système  nerveux,  qui  est,  comme  Ton  sait, 
l'instrument  de  l'intelligetice.  Or,  pour  qu'un  embryon, 

3ue  nous  appellerons  A ,  soit  celui  ae  l'homme  plutôt  que 
e  tout  autre  mammifère,  il  faut  nécessairement  que 
l'excès  de  développement  porte  surtout  sur  les  lobes  du 
cerveau  et  sur  les  lobes  antérieurs ,  de  manière  à  réduire 
le  cervelet  et  les  lobes  optiques  dans  leurs  dimensions,  de 
manière  même  à  bien  mieux  balancer  les  lobes  postérieurs 
par  les  antérieurs,  que  cela  n*a  lieu  chez  les  autres 
mammifères.  —  Quelle  cause  produit  dinsi  le  balancement 
des  diverses  parties?  Pourquoi  et  comment  s'arrôte-t-il 
plus  dans  la  vie  embryonnaire  d'une  espèce  que  d'une 
autre?  C'est  encore  le  secret  de  la  nature  :  la  difficulté 
n'est  pas  résolue ,  elle  est  portée  plus  loin  que  par  le  passé , 
et  nous  en  savons  seulement  un  peu  plus  que  nos  pères, 
-..^  les  premiers  moments  du  commencement  des  êtres, 
h^excès  de  développement  du  cerveau  se  produit  surtout 
d'aMpd  par  les  couches  dites  optiques,  quoiqu'elles  ne 
serveht  en  rien  h  la  vision.  Si  cet  excès  persiste ,  le  cervelet 
pourra  lester  atrophié,  comme  cela  se  passe  chez  les  reptiles  ; 
ou  bien  ce  seront  les  hémisphères  du  cerveau,  comme  chei 


a»u  Biia.«.  857 

les  poissons.  Chez  les  oiseaux,  le  cervelet  se  rapproehera 
du  cerveau^  et  les  lobes  optiques  se  déjett^oilt  sur  les 
côtés ,  comme  nous  Tavons  déjà  dit  plus  baut^ 

Une  fois  ce  point  de  départ  établi  et  les  premières 
observations  bien  faites,  Tanatomie  a  pu  poursuivre  ses 
investigations  et  montrer  comment  les  parties  diverses 
s'éq^uilibrent  et  se  balancent  chez  les  animaux  sans  Ter* 
tèbres  ;  comment ,  chez  tous ,  s'établit  la  symétrie  ou  le 
dualisme  des  organes;  comment  ils  se  réunissent  et  se 
conjuguent;  comment  se  produisent  les  orgftnes  impairs^ 
c'est-à-dire  comment  l'unité  organique  resswt  de, la  dualité 
primitive  ;  comment  enfin  se  forment  les  cavités  organi- 
ques y  les  canaux  et  les  ouvertures. 

De  ce  qui  précède ,  tout  esprit  positif  doit  non-rseidement 
conclure  philosophiquement  vers  la  grande  loi  des  trans- 
formations, mais  encore  il  est  naturel  de  se  poser  cette 
question  : 

Pourquoi  l'homme  n'essaierait-il  pas  de  dévier  les 
germes  de  leur  direction  naturelle,  par  des  incubations 
dans  lesquelles  s'exercerait  l'influence  de  son  savoir? 
Modifier  les  germes ,  ce  serait  modifier  les  espèces  et  créer 
des  races  nouvelles;  déjà  nous  pouvons  transformer  les 
poissons ,  en  semant  sur  les  œufs  d'une  espèce  ceux  d'une 
autre  assez  rapprochée.  Mais  l'audace  de  la  pensée  du 
philosophe  va  nécessairement  plus  loin:  il  doit  croire  et 
il  croit  que  la  science  lui  donnera  le  pouvoir  d<agir  plus 
profondément  sur  les  êtres  qui  vivent  à  la  surface  de  la 
terre. 


DES  MONSTRUOSITÉS. 


Ce  livre  serait  incomplet  si  nous  n'y  placions  quelques 
pages  sur  les  monstruosités,  U  y  a  dans  leur  étude ,  qui 
porte  le  nom  de  tératologie,  des  faits  qui  parlent  avec 
une  haute  éloquence  en  faveur  des  idées  que  nous  croyons 


558  PHILOSOPHIE 

appelées  à  gouverner  le  monde;  et  puis  serait-il  juste, 
après  avoir  nourri  nos  lecteurs  des  dootrines  de  Lamarck , 
de  Geodroy-Saint-Hilaire  et  de  Serres,  de  négliger  les 
preuves  que  nous  pouvons  apporter  encore  à  Tappui  de 
cette  philosophie  que  leurs  études  ont  créée  ?  Ne  nous 
importe* t-il  pas  de  parler  des  monstruosités  animales 
pour  faire  pressentir  les  monstruosités  sociales,  et  montrer 
que  rien  en  ce  monde  n'échappe  aux  lois  constantes  dî)  la 
providence^  à  ces  règles  que  1  on  pourrait  appeler  à  bon 
droit  la  nature  en  action  ? 

Au  siède  dernier,  deux  habiles  anatomistes ,  Winslow 
et  Lemery,  discutèrent  vivement  cette  question  ^  à  savoir  : 
s'il  y  a  des  germes  monstrueux.  Tous  les  deux  publièrent 
de  nombreux  mémoires  à  cette  occasion ,  mais  quelle  que 
fut  rhabileté  de  Winslow,  il  se  ^uva  forcé  d'abandonner 
à  son  adversaire  la  majeure  partie  du  terrain  ;  cependant 
ni  Tun  ni  l'autre  ne  résolut  le  problème  d'une  façon  satis- 
faisante. Plus  tard,  Haller,  après  avoir  soutenu  la  doctrine 
des  monstruosités  originelles ,  se  convertit  presque  entière- 
ment à  l'oiûnion  opposée.  De  nos  Jours ,  cette  belle 
étude ,  reprise  à  nouveau  par  Geoffroy  Saint-Hilaire , 
puis  par  Serres,  puis  par  Geoffroy  Saint-Hilaire  fUs,  a 
reçu  sa  solution  définitive.  Ce  dernier  a  puUié  un  ouvrage 
très-savant,  où  devront  puiser,  désormais  tous  ceux  qui 
voudront  comprendre  ce  qu'il  y  a  d'enseignements  de  toute 
nature  dans  l'examen  des  anomalies  de  l'organisation. 
Cependant  pour  être  absolument  complet,  cet  ouvrage 
demanderait  à  être  précédé  de  Tétude  des  monstruosités 
dans  le  règne  végétal  et  suivi  de  l'étude  des  monstruosités 
dans  l'ordre  moral  ou  social.  Nous  avons  emprunté  à  la 
physiologie  moderne ,  l'étude  des  moiistruosités  végétales , 
et  nous  démontrerons  ultérieurement  comment  la  physio- 
logie s'applique  aussi  aux  questions  purement  intellectuelles 
et  morales  de  l'intelligence  humaine. 

M.  Isidore  Saint-Hilaire  s'occupe  d'abord  des  anomalies 
simples ,  qu'il  divise  en  cinq  classes.  Dans  la  première , 
sous  le  nom  d'anomalies  de  taille  et  de  volume,  il  range 
le  nanisme,  le  géantisme,  la  petitesse  d'un  membre,  le 
défaut  général  de  développement  d'un  muscle  ;  la  petitesse 


DU   SIÈCLE.  S39 

des  mamelles ,  du  vagin ,  des  yeui  ;  le  grand  volume  de 
la  tète  ;  le  développement  considérable  du  système  adipeux 
ou  graisseux  ;  le  volume  excessif  des  mamelles,  et  la  présence 
des  mamelles  laiCtifères  chez  l'homme. 

Les  anomalies  de  forme  portant  sur  des  r^ons  entières , 
comme  la  tête  »  ou  sur  un  organe,  oomme  l'estomac,  consti- 
tuent la  seconde  classe. 

Dans  La  troisième,  il  a«  placé  les  anomalies  de  couleur  et 
de  structure  ;  c'est  i  cette  classe  que  se  rapporte  l'étude 
des  albinos  et  de  la  couleur  noire  naturelle. 

Lft  quatrième  classe  comprend  les  anomalies  par  dépla- 
cement ,  par  changement  de  connexion  ;  les  anomalies  de 
continuité  ^  de  cloisonnement ,  de  disjonction.  Il  faut  lui 
rapporter  la  transposition  des  viscères  ou  d'un  seul  organe, 
le  pied  bot ,  les  dents  hors  rang,  les  variétés  des  vaisseaux  ; 
l'ouverture  du  vagin  dans  le  rectum,  du  rectum  à  l'om- 
bilic; l'imperforation  du  rectum,  de  la  vulve,  de  la  bouche, 
de  l'iris';  la  réunion  des  seins,  des  testicules,  des  doigts  , 
des  dents,  des  côtes  ;  l'adhérence  de  la  langue  au  palais, 
le  cloisonnement  du  vagin,  la  persistance  des  orifices  du 
cœur. 

La  cinquième  classe  comprend  les  anomalies  par  réduc- 
tion et  par  augmentation  numérique,  telles  que  l'absence 
de  vertèbres,  de  côtes,  de  doigts,  de  dents;  l'existence 
d'un  seul  poumon,  d'un  seul  rein  ;  l'absence  de  la  matrice, 
de  la  vessie ,  et  puis,  par  contre ,  les  muscles  et  tendons , 
les  vertèbres ,  côtes ,  doigts  et  dents  surnuméraires  ; 
l'augmentation  du  nombre  des  mamelles,  des  reins,  etc.  ; 
la  duplicité  de  la  matrice ,  l'existence  d'une  queue. 

Passant  à  l'étude  des  hermaphrodites ,  il  les  distingue 
en  masculins ,  féminins  et  neutres  ;  en  mixtes  par  herma- 
phrodisme superposé,  semi- latéral,  latéral  et  croisé; 
puis  en  hermaphrodites  avec  excès  dans  le  nombre  des 
parties  ,  masculm  complexe  ^  féminin  complexe  ;  puis  en- 
core en  bisexuel  donnant  les  deux  sexes ,  ou  tous  deux  im- 
parfaits, ,ou  tous  deux  parfaits.  (Ce  dernier  cas  n'a  pas 
encore  été  réalisé.  ) 

Arrivé  à  ces  anomalies  que  l'on  appelle  plus  spé- 
cialement monstruosités,  il  les  divise   en  monstruosités 


540  PHILOSOPHIE 

simples  et  doubles  ou  composées.  Dans  la  première  classe  , 
il  range  les  trois  ordres  suivants  :  les  autosites  unitaires , 
c'est-à-dire  les  monstres  capables  de  vivre  et  de  se  nourrir 
par  le  jeu  propre  de  leurs  organes;  ceux  qui  peuvent 
subsister  hors  du  sein  de  leur  mère,  parce  que  chez  eux  la 
monstruosité  n'affecte  encore  qu'une  ou  plusieurs  régions 
du  corps ,  les  autres  se  trouvant  à  l'état  normal ,  le  cœur, 
les  poumons,  presque  tous  les  viscères  digestifs,  et  pour  le 
moins  une  partie  de  la  tête ,  étant  constamment  conservés, 
la  forme  générale  du  corps  restant  symétrique  et  presque 
naturelle.  Viennent  ensuite  les  omphalosites  ^  ainsi  nommés 
parce  qu'ils  vivent  uniquement  par  le  moyen  d'un  lien 
qui  les  xmit  à  la  mère.  Leur  existence  cessant  aussitôt 
qu'ils  en  sont  séparés  ,  ils  manquent  d'un  grand  nombre 
d'organes,  et  tout  ceux  qui  existent  sont  imparfaits  ou 
simplement  ébauchés  ;  leurs  formes  extérieures  ne  sont  ni 
régulières  ni  même  symétriques.  Les  parasites  sont  des 
monstres  qui  se  présentent  sous  forme  de  masses  inertes , 
irrégulières,  composées  d'os,  de  dents,  de  poils  et  de 
graisse ,  implantées  sur  les  organes  générateurs  de  la  mère, 
aux  dépens  de  laquelle  ils  vivent  d'une  existence  végétative 
et  parasite. 

Isidore  Saint-Hilaire  a  divisé  les  monstres  doubles  en 
deux  classes:  les  uns  autositaires ^  les  autres  parasitaires. 
Les  premiers  sont  composés  de  deux  individus  offrant  le 
même  degré  de  développement,  contribuant  l'un  et  l'autre 
à  la  vie  commune  :  chacun  est  analogue  à  un  autosite.  — 
Dans  les  monstres  doubles  parasitaires,  l'un  est  un  autosite 
souvent  complet  dans  son  organisation ,  l'autre  est  un  om- 
phalosite  ou  un  jparasite  vivant  aux  dépens  du  premier  : 
c'est  dans  cette  classe  que  se  trouvent  les  monstres  doubles 
par  inclusion. 

Quant  aux  monstres  triples,  on  conçoit  les  variétés  infi- 
nies qu'ils  pourraient  présenter,  mais  ils  sont  excessivement 
rares. 

C'est  en  vain  que,  dans  les  considérations. qui  vont 
suivre ,  nous  voudrions  offrir  quelques  déductions  nou- 
velles. L'ouvrage  dont  nous  venons  de  présenter  la 
charpente  est  entier  ;  il  dépose  les  principes  et  fait  même 


DU  SIÈCLE.  341 

pressentir  les  déductions  qu'il  ne  donne  pas  :  aussi  est-il 
difficile,  après  avoir  lu,  d'éviter  de  conlfciuelles  réminis- 
cences en  passant  en  revue  les  mêmes  questions;  nous 
écarterons  d'ailleurs  toutes  celles  qui  n'auraient  pas 
trait  à  notre  thèse.  Il  ne  s'agit  pas,  dans  ce  livre,  de  pré- 
senter un  petit  traité  de  tératologie  ou  même  un  résume 
du  livre  de  Geoffroy  Saint-Hilaire  le  fils,  mais  bien  de 
montrer  que  l'attraction  des  parties  similaires,  que  l'unité 
de  plan ,  que  la  formation  centripète  de  l'embryon  et  le 
progrès  des  espèces  par  transformations  successives,  sont 
des  vérités  désonnais  acquises  à  la  science ,  afin  d'arriver 
plus  tard  aux  déductions  que  la  science  sociale  doit  tirer 
de  ces  prémisses. 

Les  nains ,  beaucoup  plus  rares  chez  les  animaux  que 
chez  l'homme,  doivent  l'existence  à  des  conditions  que 
l'étude  n'a  pas  encore  su  apprécier.  Quelques-uns  vivent 
jusque  dans  un  ftge  avancé  et  prennent  un  développement 
considérable  dans  leur  vieillesse;  d'autres  meurent  jeunes. 
Les  uns  sont  très-intelligents ,  d'autres  presque  idiots  ;  ils 
sont  parfois  susceptibles  de  se  reproduire  par  la  généra- 
tion et  de  donner  le  jour  à  des  enfants  bien  conformés. 
On  cite  une  naine  anglaise  de  55  pouces  de  hauteur,  qui 
mourut  en  mettant  au  monde  un  enfant  qui  n'offrait  rien 
d'extraordinaire.  On  a  vu  au  jardin  des  plantes  et  dans 
les  ménageries ,  des  animaux  étrangers  malades-  de  nos- 
talgie, de  phtysie,  de  rachitisme,  mettre  bas  de  très-petits 
produits;  mais  ce  n'étaient  point  à  proprement  parler 
des  nains,  c'étaient  simplement  des  sujets  mal  nourris 
au  sein  de  leurs  mères  et  cependant  venus  à  terme, 
quoiqu'ils  eussent  souffert  dans  leur  vie  embryonaire ,  par 
suite  de  la  mauvaise  constitution  de  l'animal  et  souvent 
des  animaux  générateurs. 

L'histoire  et  l'étude  des  géants  sont  encore  en  arrière 
de  ce  qui  regarde  les  nains.  Le  moyen-âge  et  les  derniers 
siècles  ont  été  abasourdis  par  des  écrits  nombreux  ayant 
pour  but  d'établir  l'amoindrissement  de  la  race  humaine , 
sous  le  rapport  de  la  taille  et  l'existence  d'ossements  fossiles 
de  géants  ;  mais  pas  un  de  ces  ouvrages  ne  supporte  l'exa- 
men. Les  os  et  les  dents  trouvés  en  Amérique,  près  de  la 

15 


342  PHILOSOPHIB 

rivière  d'Hudson,  en  1712,  étaient  ceux  d'un  mastodonte, 
et  les  autres  dott  il  a  été  parlé  ap{)artiennent  aussi ,  sans 
nul  doute ,  à  des  animaux  antédiluviens. 

Il  y  a ,  parmi  les  géants ,  beaucoup  plus  d'idiots  que 
parmi  les  nains.  Tous  sont  mous ,  lymphatiques ,  d'une 
complexion  délicate  et  mal  proportionnés  dans  leurs 
formes.  On  a  constaté  l'existence  a'un  grand  nombre  de 
géants  de  sept  pieds,  de  quelques-uns  même  de  huit  pieds 
à  huit  pieds  et  demi.  —  Plus  rares  encore  que  les  nains , 
les  géants  meurent  de  bonne  heure,  et  l'on  en  trouve  peu 
d'exemples  parmi  les  animaux.  La  plupart,  comme  les 
nains,  doivent  le  jour  à  des  femmes  très-fécondes.  La 
puberté  amène  çromptement  la  fin  de  l'accroissement,  et 
vice  versa:  aussi  les  géants  ne  sont-ils  pub^es  que  fort 
tard ,  beaucoup  même  sont  impuissants. 

L'accroissement  précoce  est  une  anomalie  plus  commune 
chez  les  garçons  que  chez  les  filles  ;  mais  en  revanche  les 
filles  sont  souvent  réglées  de  très-bonne  heure. 

La  taille  des  animaux  dépend  singulièrement  de  la 
nourriture  qu'ils  ont  pu  prendre  pendant  leur  période  de 
croissance  :  de  là,  pour  l'homme,  la  possibilité  de  créer 
des  variétés  nouvelles  par  la  production  de  monstruosités 
véritables.  C'est  ainsi  que  s'est  produit  le  mouton  à  grosse 
queue,  et  que  les  agriculteurs  anglais  ont  fabriqué  le  bœuf 
de  boucherie  de  Durham, 

Quelques  physiologistes  ont  attaché  une  grande  impor- 
tance à  la  taille  des  ^pèces  et  spécialement  à  la  taille  des 
espèces  humaines:  nous  ne  saurions  nullement  partager 
leur  opinion.  L'expérience  nous  a  prouvé  mille  fois  pour 
une  que  la  nourriture  est  pour  beaucoup  dans  l'élévation 
des  races ,  et  que  sous  ce  rapport  elle  peut  créer  de  nota- 
bles anomalies.  Les  chevaux  arabes  transportés  en  Angle- 
terre ont  acquis  de  la  taille.  Tous  les  animaux  domestiquer 
nourris  dans  les  landes,  sur  les  collines  delà  Basse-Bretagne, 
sont  petits,  mais  robustes  et  musculeux,  et  pour  les  faire 
grandir  il  suffit  de  changer  leur  nourriture.  J'ai  remarqué, 
dans  la  même  contrée,  que  les  fils  de  paysans  qui  étaient 
mieux  nourris  que  leurs  pères  étaient  généralement  plus 
grands  qu'eux  de  plusieurs  pouces. 


DU  SIÈCLE.  545 

« 

L'albinisme  est  l'une  des  anomalies  les  plus  curieuses 
et  les  plus  communes  dans  certaines  cAntrées.  Le  plus 
souvent  il  est  le  résultat  d'un  arrêt  de  développement  dû 
è  ce  que  le  pigmentum,  qui  produit  la  coloration  et  qui 
n'existe  pas  dans  les  premiers  mois  de  la  vie  intrà-utérine, 
ne  s'est  pas  produit. 

Le  mélanisme  est  l'opposé  de  l'albinisme  ;  il  est  le 
produit  d'un  pigment  plus  coloré  et  plus  abondant  que 
celui  qui  siège  dans  le  corps  muqueux  de  la  peau  :  partiel, 
il  est  commun;  total,  il  est  excessivement  rare. 

C'est  une  anomalie  de  structure  assez  curieuse  que  celle 
qui  offre  à  l'état  mou  ou  cartilagineux,  des  parties  habi- 
tuellement osseuses.  Elle  a  pour  résultat  de  présenter 
accidenteUement ,  dans  quelques  espèces ,  ce  qui  est  l'état 
normal  d'espèces  ou  de  familles  d'un  rang  inférieur  dans 
l'échelle  des  êtres. 

Les  changements  de  position  des  organes  sont  d'une 
haute  importance.  Serres  a  vu  l'encéphale  faire  hernie  à 
travers  la  base  du  crftne,  dans  les  fosses  nasales  et  le 
pharynx,  placé  ainsi  entre  les  deux  moitiés  de  Téthmoïde 
et  du  sphénoïde.  Ce  fait  curieux  prouvait  la  grande  loi  de 
formation  dont  nous  lui  sommes  redevables.  Le  cœur  est 
l'un  des  organes  qui  se  dévient  le  plus  souvent  :  on  a  vu 
sa  pointe  se  diriger  verticalement  en  bas,  devenir  antérieure 
ou  même  supérieure.  Il  est  tout-à-fait  à  droite  dans  les 
transpositions  dont  la  doctrine  de  Serres ,  sur  la  formation 
excentrique  ou  centripète,  rend  si  bien  compte.  Il  peut 
faire  hamie  à  travers  la  partie  supérieure,  antérieure  ou 
inférieure  du  thorax.  Par  contre ,  les  intestins  peuvent  être 
déplacés  à  leur  tour;  on  les  a  vus  quelquefois  faire  hernie 
dans  la  cavité  thoracique.  Les  intestins  sont  aussi  suscep- 
tibles de  former  une  hernie  ombilicale  qui  peut  tenir  soit 
à  un  exomphale,  soit  à  ime  éventration.  Dans  le  cas 
d'exompbale,  c^est  l'état  des  derniers  temps  de  la  vie  intra- 
utérine  du  fœtus  qui  persiste.  S'il  y  a  éventration,  c'est 
l'état  des  premiers  mois  qui  s'est  arrêté  sans  être  modifie 
par  les  développements  qui  se  manifestent  habituellement 
dans  les  mois  suivant  ;  et  la  doctrine  de  Serres  en  rend  un 
compte  exact. 


544  PHILOSOPHIE 

• 

Les  anomalies  de  la  vessie ,  très-inleressantes  pour  les 
chirurgiens ,  n'oflt  cas  la  même  importance  en  physiologie. 
11  n*en  est  pas  ainsi  de  celles  des  testicules  :  très-souvent , 
chez  rhomme  ,  Tun  des  testicules  ou  même  tous  les  deux 
restent  dansTabdomen,  reproduisant  accidentellement  un 
état  qui  est  normal  chez  beaucoup  de  races  inférieures  à 
la  nôtre. 

Les  quatre  variétés  du  pied  bot  sont  une  étude  obliga- 
toire pour  les  chirurgiens.  Le  renversement  en  dedans  et 
le  renversement  en  dehors,  quelles  que  soient  les  causes  qui 
les  aient  produits  chez  le  fœtus ,  réalisent  deux  états  qui 
sont  permanents  et  normaux  chez  d'autres  mammifères 
moins  élevés  que  Thomme. 

Chez  un  grand  nombre  d'animaux ,  les  uretères  exportent 
directement  l'urine  ;  cette  disposition  est  quelquefois 
reproduite  chez  l'homme  par  une  anomalie.  Il  en  est  une 
autre  qui  fait  aboutir  dans  le  même  vestibule  l'anus ,  la 
matrice  et  lo  canal  de  l'urètre,  ce  qui  est  l'état  normal 
d'un  grand  nombre  d'animaux.  Dans  le  fœtus,  les  orifices 
des  narines ,  de  la  bouche  ,  de  l'anus ,  du  prépuce  et  du 
vagin  sont  imperforés.  Les  premiers  s'ouvrent  avant  les 
seconds  :  aussi  n'est-il  pas  rare  de  voir  ces  états  se 
conserver  au-delà  du  temps  habituel,  sur  tout  pour  les  ouver- 
tures qui  s'ouvrent  les  dernières.  Un  arrêt  de  développement 
suffit  pour  expliquer  ces  faits  curieux  qui  se  présentent 
assez  fréquemment  à  l'observation  des  médecins ,  principa- 
lement pour  l'imperfotation  de  l'anus. 

Toutes  les  parties  similaires  ayant  une  grande  tendance 
à  se  rapprocher  et  à  se  réunir,  on  ne  doit  pas  trouver 
étonnant  de  rencontrer  les  reins  formant  un  croissant  à 
concavité  supérieure  sur  la  colonne  vertébrale  et  plus  rare- 
me4it  à  concavité  inférieure.  Par  la  même  raison,  les 
testicules  pourraient  être  réunis  en  un  seul;  on  pourra 
même  voir  les  deux  accolés  et  n'en  formant  qu'un.  Ces 
p&énomènes  seront  produits  par  la  même  loi  qui  réunit  les 
deux  aortes  primitives  pour  ne  former  qu'une  seule  artère. 
Il  suffit  que  l'action  des  affinités  des  organes  similaires 
exerce  sa  puissance  avec  plus  d'énergie  ou  plus  longtemps , 
pour  que  des  monstruosités  de  cette  nature  en  soient  la 


DU  SIÈCLE.  543 

suite  :  c'est  là  ce  que  Geoffroy  Saint-Hilaire  père  appelait 
l'attraction  de  soi  pour  soi. 

La  réunion  des  poumons  en  un  seul,  observée  par 
Diemerbroeeck ,  reproduit  en  quelque  sorte  Tétat  normal 
des  serpents ,  tout  comme  celle  des  reins  en  un  réalise  la 
disposition  des  poisssons. 

J'ai  eu  deux  fois  l'occasion  d'opérer  des  mains  palmées. 
Dans  le  premier  cas,  qui  était  très-facile,  la  peau 
représentait^a  membrane  des  palmipèdes  ;  dans  le  second, 
les  doigts ,  qui  au  premier  abord  paraissaient  soudés ,  ne 
l'étaient  réellement  pas ,  mais  il  y  en  avait  un  de  plus  à 
chaque  main.  Il  y  a  encore  des  cas  plus  curieux  où  Ton 
voit  cette  réunion  former  une  soudure  telle,  que  les  doigts 
ne  fassent  qu'un  et  ne  possèdent  qu'un  seul  .ongle. 
Quelquefois  les  doigts  sont  soudés  deux  à  deux.  Toutes  ces 
anomalies  rappellent  singulièrement  les  états  réguliers 
des  mains  de  certains  animaux  et  même  de  mammifères. 
Les  dents  composées  de  l'éléphant  et  des  rongeurs  résul- 
tent de  la  réunion  de  plusieurs  en  une  seule  ;  le  môme  fait 
se  présente  accidentellement  chez  Thomme  et  simule 
encore  ainsi,  par  anomalie,  l'état  habituel  propre  à  d'autres 
espèces. 

La  formation  de  tous  nos  vaisseaux  et  de  tous  nos 
viscères,  par  le  rapprochement  de  deux  vaisseaux  primitifs, 
établit  trois  temps  :  l'un,  celui  de  l'existence  de  deux  vais- 
seaux ;  le  second,  celui  de  leur  rapprochement  et  de  leur 
jonction  ;  le  troisième,  celui  de  la  suppression  de  leur  cloison 
qu'un  arrêt  de  développement  pourra  conserver  en  témoi- 
gnage du  procédé  suivi  par  la  nature.  C'est  à  cet  arrêt 
de  développement  que  nous  devons  bien  évidemment  les 
cloisons  rencontrées  dans  le  vagin  ,  dans  la  vessie  et  dans 
la  matrice.  Quelquefois  le  cloisonnement ,  au  lieu  d'être 
longitudinal ,  est  horizontal  :  on  cite  plusieurs  exemples  de 
cette  curieuse  anomalie.  Une  dame  de  ma  connaissance 
était  ainsi  cloisonnée  dans  l'intérieur  du  vagin ,  mais  celte 
séparation  présentait  une  petite  ouverture  :  elle  a  pu 
devenir  enceinte  et  accoucher  très- heureusement.  J'en  ai 
vu  deux  autres  cas  dans  mon  service  à  l'Hôtel-Dieu  :  l'un, 
chez  une  vieille  fiUe,  qui  a  quitté  pour  n'être  pas  examinée 


346  PHILOSOPHIE 

par  les  élèves.  Chez  elle  la  cloison  était  trouée  bien  que 
la  perforation  fut  peu  visible. 

Le  diaphragme  peut  s'arrêter  dans  son  développement 
et  donner  lieu  à  une  diqonction  qu'explique  très-bien 
l'embryogénie,  de  même  qu'elle  rend  compte  de  la  persis- 
tance du  canal  artériel,  des  urines  rendues  par  l'ombilic , 
de  la  position  en  ce  point  de  l'ouverture  de  l'anus  dans 
quelques  cas  heureusement  fort  rares,  et  de  toutes  ces 
anomolies  du  cœur  et  des  gros  vaisseaux  qil  rappellent 
les  dispositions  de  ces  organes  chez  des  animaux  inférieurs 
et  surtout  chez  des  reptiles. 

Lorsque  l'olécrane  ne  se  soude  pas,  il  en  résulte  une 
rotule  au  membre  supérieur  comme  à  l'inférieur,  rotule 
que  Rudolphi  et  Mekel  ont  retrouvée  chez  les  reptiles,  et 
Geoffroy  Saint-Hilaire  fils,  chez  des  chauves-souris.  Le 
bec-de-lièvre  est  une  anomalie  analogue  que  Ton  voit  à 
l'état  normal  chez  les  poissons  :  fait  curieux  signalé  encore 
pour  la  première  fois  par  Saint*-Hilaire  le  fite.  Il  en  est 
ainsi  de  la  fissure  indienne,  ou  colobome  de  l'iris,  que  j'ai 
vu  reproduire  sensiblement  l'oeil  d'animaux  inférieurs.  Cette 
anomalie  est  une  preuve  nouvelle  de  la  loi  de  formation 
donnée  par  notre  grand  anatomiste  M.  Serres. 

La  division  de  la  langue  est  une  anomalie  trè&-rare; 
mais  lorsqu'elle  existe ,  elle  reproduit  assez  exactement  la 
langue  des  phoques  et  présente  de  l'analogie  avec  celle 
des  sauriens  et  des  serpents.  La  division  du  nez ,  très-rare 
chez  l'homme ,  se  montre  à  l'état  de  variété  fort  commune 
chez  le  chien  et  chez  quelques  rongeurs.  La  division  et  la 
bifurcation  du  pénis  reproduisent  les  états  réguliers  des 
monotrèmes,  d'une  part;  des  ophidiens  et  des  sauriens,  de 
l'autre.  Déplus,  toutes  les  anomalies  par  fissure  s'elpliquent 
avec  la  plus  grande  faciUté  par  la  théorie  des  formations 
excentriques  et  du  dualisme  général  de  toutes  les  parties 
primitives. 

On  remarque  souvent  chez  l'homme  et  les  animaux, 
plus  de  doigts  qu'ils  ne  doivent  en  avoir.  Ces  organes 
surnuméraires  ne  sont  pas  toujours  produits  par  la  scission 
de  parties  ordinairement  uniques;  à  l'état  norinal  ils 
peuvent  encore  l'être  par  le  développement  de  parties 


DU  SIÈCIB.  347 

ordinairement  rodimentaires  et  par  la  production  de 
parties  entièrementnouvelles.  —  Les  anomalies  numériques 
des  organes  pairs  se  montrent  habituellement  sur  tous 
les  deux;  elles  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  la  grande 
étude  qui  nous  occupe.  On  a  vu  les  poumons  manquer  ; 
on  a  vu  aussi  un  seul  poumon  faire  défaut  de  manière 
à  présenter  l'état  normal  des  serpents.  Les  mamelles 
disposées  longitudinalement  chez  beaucoup  de  mammifères, 
sont  rappelées  de  temps  à  autre,  chez  Thomme,  par  des 
anomalies.  Le  plus  souvent  il  existe  une  troisième  mamelle 
surnuméraire  placée  entre  les  deux  autres ,  mais  il  arrive 
aussi  qu'elle  occupe  une  autre  place.  On  a  vu  plusieurs 
fois  quatre  mamelles  dans  notre  race ,  mais  bien  rarement 
cinq. 

L'inversion  viscérale  est  sans  exemple  chez  les  animaux , 
tandis  qu'elle  s'expUque  très -bien  chez  l'homme,  par 
l'atrophie  du  lobe  droit  ou  du  lobe  gauche  du  foie  qui 
entraxe  tous  les  organes  à  gauche  ou  à  droite  sous  la  pres- 
sion de  l'enveloppe  cutanée.  Les  inversions  générales  sont 
au  contraire  communes  chez  les  animaux. 

Chez  eux ,  les  organes  des  sexes  ont  assez  de  ressem* 
blance  pour  qu'il  soit  difficile  de  les  distinguer;  chez 
Thomme,  ces  organes,  qui  nous  paraissent  si  différents, 
sont  cependant  très •<  rapprochés.  La  femme  n'est  qu'un 
mâle  arrêté  dans  son  développement,  ont  dit  quelques 
anatomistes  :  ces  savants  sont  allés  au-delà  du  vrai, 
mais  il  n'en  est  pas  moins  exact  que  toutes  les  parties 
sexuelles  de  la  femme  ont  leurs  analogues  chez  l'homme, 
d'où  il  résulte  que  les  plus  simples  modifications  tendent 
à  reproduire  un  état  intermédiaire  qui  est  Thermaphro- 
disme.  Cette  question  a  été  traitée  par  H.  Geoffroy  Saint* 
Hilaire  fils  avec  une  grande  supériorité,  grftce  à  sa  division 
de  l'appareil  générateur  en  six  segments  principaux  :  nous 
y  renvoyons  nos  lecteurs  {Tératologie  11,  page  47). 
Remarquons  toutefois,  avant  de  quitter  cet  intéressant 
sujet ,  que  les  appareils  interne  et  externe  de  la  génération 
sont  indépendants ,  ce  qui  avait  permis  à  Geoffroy,  le  père , 
d'établir  que  des  mftles  pourraient  avoir  l'appareil  externe 
des  femelles  et  vice  versd^  proposition  curieuse  qu'il  a 


348  PHILOSOPHIE 

vérifiée  en  1850 ,  sur  une  chèvre  hermaphrodite ,  mâle  par 
les  parties  reproductrices  et  femelle  par  les  parties  copu- 
latrices  :  aussi  la  recherche  des  causes  de  l'hermaphrodisme 
a-t-elle  été  tronsformée,  par  son  fils,  dans  l'étude  des 
variations  de  deux  organes  particuliers  et  des  causes  de  ces 
variations. 

M.  Isidore  Saint-Hilaire  est  arrivé,  par  de  profondes 
études  sur  les  monstres,  à  en  former  une  série  divisible  en 
trois  embranchements  qui  correspondent  parfaitement  aux 
embranchements  zoologiques  de  M,  de  Blainville;  mais 
il  a  commis  la  même  faute  que  ce  savant  :  il  les  a  placés 
dans  leur  ordre  de  dégradation,  au  lieu  de  les  placer  dans 
leur  ordre  naturel  qui  est  aussi  leur  ordre  de  production  et 
do  progrès  en  organisation.  Les  parasites  correspondent  aux 
premiers  temps  de  la  vie  fœtale;  les  omphalosites,  à  la 
seconde  époque  ;  les  autosites  sont  susceptibles  d'une  vie 
propre  en  dehors  de  la  mère. 

On  est  divisé  d'opinion  sur  les  parasites  :  beaucoup 
d'anatomistes  les  considèrent  comme  des  débris  de  fœtus 
normaux.  Geoffroy  Saint-Hilaire  les  envisage  à  un  autre 
point  de  vue:  pour  lui,  ce  sont  des  embryons  distincts  bien 
qu'incomplets  ;  ils  ont  à  ses  yeux  une  existence  propre  et 
individuelle,  quoique  réduits  à  quelques  parties  seulement 
par  un  arrêt  dans  leur  formation.  Pour  lui  encore ,  la 
production  d'une  de  ces  masse  dans  l'utérus,  dans  une 
trompe ,  dans  un  ovaire  ou  dans  l'abdomen ,  est  une  véri- 
table grossesse  avec  anomalie  dans  ses  conditions,  dans 
ses  phases  et  dans  son  produit.  Ce. savant  physiologiste, 
auquel  il  a  été  donné  de  faire  revivre  en  lui  son  di^e  et 
si  respectable  père,  le  grand-prètre  de  la  science,  tire  de 
cette  manière  (le  voir  d'importantes  conclusions.  Par  cette 
hypothèse,  si  hardie  au  premier  abord,  on  se  rend  compte 
des  privilèges  du  parasite,  qui  peut  prolonger  indéfiniment 
sa  vie  au  sein  de  sa  mère,  précisément  à  cause  de  l'imper- 
fection et  de  la  simplicité  de  son  organisme  ;  on  comprend 
aussi  que  presque  toujours,  inférieur  dans  son  action  sur 
la  mère,  à  un  faible  embryon,  le  parasite  mène  dans  son 
sein  une  vie  obscure  et  silencience ,  sans  produire  au 
neuvième  mois  la  nécessité  d'un  accouchement.  Protégés 


BU  SIÈCLB.  549 

par  leur  propre  faiblesse ,  par  ce  que  l'on  pourrait  appeler 
teor  insignifiance ,  ces  êtres  vivent  un  temps  illimité  sur  la 
partie  sur  laquelle  ils  se  sont  développés,  bien  différents 
des  fœtus  normaux  qui  peuvent  se  développer  dans  les 
mêmes  parties,  par  suite  de  circonstances  exceptionnelles. 
Acceptons  donc  cette  conclusion  du  professeur  du  Jardin 
des  Plantes ,  et  disons  :  «  Les  monstres  parasites  sont  des 
embryons  permanents ,  pour  lesquels  le  terme  de  la  gesta- 
tion n'arrivera  pas.  » 

Ainsi  s'expliquent  les  longs  poils  que  l'on  rencontre 
dans  ces  monstruosités;  ainsi  encore,  les  dents  de  seconde 
dentition  qui  s'y  développent  et  qui  n'y  sont  pas  rares. 
El  n'est-il  pas  admirable  de  retrouver,  au  sein  de  ce  qui 
parait  le  désordre  de  la  nature,  quelque  chose  qui  rappelle 
les  périodes  régulières  de  la  vie  normale,  de  telle  sorte 
que  les  deux  existences  puissent  être  rattachées  aux  mêmes 
règles,  et  celle  qui  suit  le  développemmt  le  plus  régulier, 
et  celle-là  même  qui  semble  une  protestation  contre  ce 
développement.  —  Déjà  du  reste,  avant  Geoffroy  Saint- 
HilaÉre,  Mekel  avait  entrevu  la  vérité  sur  les  parasites; 
fl  avait  même  exprimé  sa  pensée  d'une  manière  incisive  et 
pittoresque ,  en  disant  que  les  masses  qui  se  développent 
dans  l'utérus,  la  trompe,  les  ovaires  et  l'abdomen,  ne 
sont  que  des  parties  anormales  produites  par  une  tendance 
avortée  à  la  production  d'un  fœtus.  11  admettait  qu'une 
excitation  isolée  et  contre  nature ,  de  l'appareil  générateur, 
pouvait  produire  des  monstruosités  parasites.  West-il  pas 
bien  cunenx  de  voir  quelquefois  une  seconde  gestation 
tout-à-*fmt  régulière  se  placer  à  côté  de  la  gestation  anor- 
male d'un  parasite  ?  Ce  fait  incontestable  et  même  assez 
fréquent  n'explique-t-il  pas  les  tumeurs  ovariennes  que 
l'on  voit  quelquefois  chez  des  femmes  avancées  en  ftge , 
tumeurs  dont  l'origine  doit  remonter  à  une  date  très- 
éloignée. 

Les  monstres  omphalosites  sont  beaucoup  plus  élevés 
4an5  l'échelle  de  1  organisation  et  de  la  vie  que  les 
parasites;  les  plus  imparfaits  ne  sont  pas  ceux  chez 
lesquels  la  tête  ne  s'est  pas  développée  ou  ne  s'est  ma- 
nifestée que  par  des  rudiments ,  qui  souvent  n'ont  ni  cou 

15* 


Z60  PHILOSOPHIE 

ni  thorax,  qui  souvent  encore  manquent  de  viscères 
abdominaux.  Il  y  a  entre  eux  et  les  parasites  une  classe 
intermédiaire:  ce  sont  les  anidiens  ou  sans  forme ^  qui 
n'ont  pas  de  viscères  et  se  trouvent  composés  d'une  bourse 
cutanée.  Au  dessus  des  acéphaliens  se  trouvent  les  para- 
céphaliens ,  monstres  plus  complets  et  plus  organisés  ;  en 
général  ils  sont  les  jumeaux  de  fœtus  bien  réguliers.  Le  plus 
souvent  les  deux  êtres  sont  du  sexe  féminin ,  et  dans  tous 
les  cas  du  même  sexe.  Jamais  les  para-céphaliens  ne  sont 
viables ,  jamais  ils  n'ont  donné  signe  de  vie  à  leur  nais- 
sance :  à  l'accouchement,  c'est  le  jumeau  bien  conformé  qui 
se  présente  le  premier,  et  cet  accouchement  a  lieu  avant 
terme. 

Ajoutez  quelque  chose  à  la  tête  des  para-céphaliens , 
et  vous  aurez  un  monstre  plus  complet,  que  vous  pourrez 
appeler  oto-céphalien ,  parce  qu'il  présentera  une  remar- 
quable disposition  des  oreilles  qui  se  réuniront  sur  la  ligne 
médiane. 

Si  au  lieu  de  porter  sur  la  partie  postérieure  de  la  tête , 
la  difformité  porte  sur  la  partie  antérieure ,  ce  sont  les 
yeux  qui  seront  remarquables ,  et  le  monstre  pourra  être 
appelé  cyclo-céphalien.  Que  l'individu  soit  plus  complet, 
moins  monstrueux ,  qu'il  manque  seulement  de  la  voûte 
du  crâne  et  de  l'encéphale,  et  on  pourra  l'appeler  anencé- 
phalien  ;  que  l'encéphale  soit  remplacé  par  une  tumeur 
sanguine ,  et  le  monstre ,  un  peu  plus  complet  encore ,  sera 
un  pseudo-céphalien.  Maintenant  que  le  cerveau  existe , 
mais  déplacé  et  déformé,  l'organisation  du  monstre  sera 
cependant  plus  complète  et  l'on  pourra  le  nommer  exeH- 
céphalien.  Dans  ces  deux  derniers  cas ,  les  anomalies  du 
tronc  et  des  membres  seraient  accessoires.  Ce  sera  un 
nouveau  progrès  vers  l'organisation  normale,  que  d'avoir 
une  tête  et  de  présenter  seulement  une  volumineuse  hernie 
de  viscères  nombreux ,  due  à  une  éventration  naturelle. 
Les  monstres  ainsi  constitués  seront  appelés  célosomiens 
ou  corps  herniis.  D'autres,  moins  gravement  affectés, 
présenteront  seulement  une  réunion ,  une  fusion  de  mem- 
bres :  de  là  le  nom  de  syméliens.  Chez  d'autres,  il  n'y  aura 
pas  fusion ,  mais  simple  avortement  des  membres ,  d  où  ils 


Bt  SIËCU.  SSl 

seront  appelés  ectroméliens.  Ainsi  sera  formée  une 
famille  naturelle  procédant  du  plus  incomplet  au  plus 
complet. 

Les  monstres  composés  comprennent  :  les  monstres 
doubles  à  ombilic  distinct;  les  monstres  doubles  à  têtes 
confondues;  les  monstres  à  double  tète  avec  la  partie 
inférieure  du  corps  simple ,  ou  avec  le  corps  entier  tout- 
à-fait  simple,  et  les  monstres  parasites  dans  lesquels  l'un 
des  deux  êtres  vit  aux  dépens  de  l'autre,  implanté  à 
l'extérieur  ou  enfermé  à  l'intérieur  de  l'être  principal. 

La  question  des  axes,  qui  joue  un  rôle  important 
partout,  est  ici  plus  sérieuse  encore.  Chaque  monstre 
doubljB  possède  naturellement  trois  axes,  à  savoir:  les 
deux  axes  des  deux  sujets  composants  et  l'axe  général  du 
monstre. 

Maintenant  on  doit  bien  comprendre ,  même  après  cette 
rapide  esquisse,  la  parité  qui  existe  entre  la  série  aes  forma- 
tions animales  et  la  série  des  développements  humains.  La 
série  des  formations  animales  est  basée  sur  une  unité  de 

!)Ian  qu'expliquent  et  que  prouvent  les  irrégularités  de 
ormation  et  de  développement,  et,  dans  certaines  circon- 
tances,  ce  que  Geoffroy  Saint-Hilaire  père  appelait  le 
balancement  des  organes.  La  série  des  formations  se 
développe  d'après  un  plan  préétabli ,  parce  que  les  affinités 
quelles  qu'elles  soient  ont  leurs  conséquences  forcées  et 
les  animaux  leur  polarité  :  aussi  l'on  voit  les  phases  d'un 
individu  reproduire  les  faits  généraux  d'une  autre  série, 
de  telle  sorte  qu'ils  puissent  réciproquement  s'expliquer. 
£st<rGe  que  les  phases  diverses  de  l'individu  ne  forment 

Ks  la  série  de  ses  développements  selon  les  Âges ,  comme 
;  formes  diverses  des  animaux  correspondent  à  des  âges 
divers  dans  la  grande  série  géologique  ? 

Maintenant  qu'estr-ce  le  plus  souvent  qu'une  anomalie , 
qu'une  monstruosité ,  sinon  la  permanence  d'un  état  qui 
ne  devait  être  que  passager  ?  Partant ,  quoi  de  plus 
naturel  que  de  retrouver  à  l'état  normal ,  dans  les  espèces 
inférieures,  les  états  transitoires  par  lesquels  ont  passé 
les  espèces  supérieures?  De  là  cette  formule  hardie  et 
paradoxale  pour  le  vulgaire  :  que  tous  les  animaux  sont 


S52  PHILOSOPHIE 

des  embryons  de  Thomme,  des  portions  de  ia  substance 
animale  sur  lesquelles  les  affinités  ont  agi  pour  arriver 
à  lui,  des  monstruosités  semées  sur  la  route  qui  devait 
conduire  au  plus  parfait  des  binaires  mammifèrts. 

Et  maintenant  cette  société  qui  a  sa  vie  composée ,  qui 
forme  un  être  spécial  par  la  réunion  de  tant  de  petites  et 
de  grandes  sociétés  humaines,  n'a-t-elle  pas  aussi  ses 
monstres  et  sa  tératologie  placés,  comme  un  enseignement, 
sur  la  route  de  la  série  qu  elle  parcourt ,  et  que  nous  pou- 
vons étudier  dans  l'espace  et  dans  le  temps  :  dans  l'espace, 
par  la  géographie;  dans  le  temps,  par  l'histoire? 


DE  LA  DOMESTICATION  DES  ESPÈCES  ANIMALES.  — 
DE  LA  CRÉATION  D'ESPÈCES  ET  DE  VARIÉTÉS 
NOUVELLES.  —  DES  RACES  HUMAINES  DOIVENT- 
ELLES  ENCORE  DISPARAITRE? 


Très-peu  d'hommes,  et  surtout  très- peu  de  naturalistes 
se  sont  occupés  de  la  domestication  des  espèces  aninoiales. 
M.  Isidore  Saint-Hilaire  est  entré  le  premier  dans  cette 
direction ,  et  il  Ta  fait  aussi  largement  que  le  permettaient 
les  circonstances.  Nous  lui  devons  le  tableau  suivant  : 


BU  SIBCLB. 


S85 


INDICATION 


DBS  GROUPBS  ZOOLOGIQtFES. 


Maxxifè&es^ 


Oiseaux. 


Poissons... 
Insbctbs.. 


'Carnassiers.... 

IRongeurs 

iPachydermes. 
.Ruminants... 

[Passereaux... 

|Pigeons 

iCallinacés 

[Palmipèdes.... 

Malacoptérigien 

Divers  Ordres 


Total  pour  les  Mammifères.. 
Total  pour  les  Oiseaux 


Total  Général. 


NOMBRE 

DES  ANIMAUX 

domestiques. 


I 


13 
1 


15 


4 

6 


11 


H 

O 


» 
1 

» 

1 
1 

5 


3 

3 
3 
9 

1 

3 
8 


3       5 

3 


1 

9 


17 
16 


11 


40 


554  PHILOSOPHIE 

Nous  pensons ,  avec  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  qu'il  n'est 
pas  un  seul  ruminant  dont  la  domestication  ne  pût  être 
à  l'homme  de  quelque  utilité.  Nous  voudrions  voir  multi- 
plier le  plus  rapidement  possible,  dans  toute  l'Europe,  la 
vigogne  et  Talpaca,  qui  sont  acclimatés  maintenant  en 
Hollande  et  à  Paris.  Nous  voudrions  voir  faire  quelques 
tentatives,  d'abord  sur  les  lieux,  puis  ensuite  dans  nos 
contrées ,  sur  les  tapirs  de  l'Amérique  et  de  l'Inde.  Ne 
désespérons  pas  d'arriver  à  dompter  les  animaux  du 
genre  cheval  qui  sont  restés  sauvages.  Peut-être  à  défaut 
d'autres  services,  pourront-ils  nous  donner  des  mulets 
distingués.  Pourquoi  ne  demanderions -nous  pas  à  la 
Nouvelle-Hollande,  en  échange  de  nos  animaux  domes- 
tiques, ses  marsupiaux  et  ses  animaux  divers:  ceux-ci, 
f)arce  qu'ils  ont  une  peau  utile  ;  ceux-là ,  pour  consommer 
eur  chair  sur  nos  tables.  N'y  a-t-il  pas  aussi  plusieurs 
rongeurs,  des  singes,  des  phoques,  des  lamentins  dont 
nous  pourrions  encore  tirw  parti  autrement  que  pour  les 
montrer  dans  nos  ménageries.  N'y  aurait-il  pas  plus  de 
gloire  et  plus  d'utilité  véritable  à  soumettre  à  nos  besoins 
les  beccos ,  les  pénélopes ,  les  catracas ,  les  lophophores , 
les  napals ,  les  casoars  et  l'autruche,  qu'à  détruire  en  un 
jour,  par  le  fer  et  le  feu,  comme  nous  le  faisons  dans  nos 
batailles ,  tant  d'hommes  choisis  parmi  les  plus  beaux  et 
les  plus  intelligents  de  l'humanité?  Il  y  a  même  parmi  les 
insectes,  des  animaux  que  nous  pourrions  utiliser  :  ceux-ci 
pour  détruire  les  autres  insectes  nuisibles;  ceux-là  pour 
nous  donner,  dajis  les  soies  communes,  des  variétés  impor- 
tantes. 

Tel  est  l'état  de  la  question  pour  ce  qui  concerne  la 
domestication  des  espèces  animales.  Mais  nous  pouvons 
entrer  dans  upe  voie  toute  nouvelle,  et  créer  les  variétés 
les  plus  intéressantes,  en  changeant  la  nourriture  des 
animaux  et  en  modifiant ,  dès  le  jeune  Age ,  leurs  mœurs 
et  leurs  habitudes  par  une  habile  éducation. 

Nos  sociétés  d'agriculture ,  nos  comices  agricoles  et  nos 
amateurs  de  la  race  chevaline  ne  sont  pas  dans  le  vrai  :  ils 
ont  réussi  à  multiplier  les  réunions  d'admiration  mutuelle  et 
de  mutuel  patronage  ;  mais"  rien  de  plus.  Ce  qu'il  faut 


BU  SIÈCLE.  355 

avant  tout  à  l'agriculture,  c'est  la  liberté  des  ventes  et 
des  achats  pour  les  substances  animales  et  végétales  :  la 
destruction  du  monopole  de  la  boucherie  servira  mieux  les 
intérêts  des  éleveurs  de  bétail  que  toutes  les  primes  de 
nos  comices.  Quant  aux  chevaux,  j'ai  regret  de  le  dire, 
mais  c'est  le  mot  propre,  quelle  ânerie  que  d'aller  chercher 
des  chevaux  de  sang  en  Arabie,  quand  nous  pouvons,  par 
une  nourriture  animalisée ,  modifier  le  sang  à  notre  guise 
dans  toutes  les  variétés  de  la  race  chevaline.  C'est  en  créant 
des  étalons  pleins  d'énergie  pour  les  chevaux  de  camion,  les 
chevaux  de  trait,  les  chevaux  de  trait  léger,  les  chevaux 
de  selle  et  les  chevaux  de  petite  race,  que  l'on  arriverait 
indubitablement  à  séparer  l'unité  chevaline  en  cinq  ou  six 
variétés  très- tranchées,  aussi  différentes  entre  elles  que 
des  lévriers  et  des  bassets  :  variétés  dont  chacune  posséde- 
rait au  plus  haut  degré  les  qualités  supérieures  que  donne 
le  sang  arabe.  Et  puis,  qui  empêcherait  d'essayer  de 
croisements,  dans  des  conditions  convenables,  avec 
l'onagre,  le  mulet,  l'hemione  et  le  couagga  ,  ne  fut-ce  que 
pour  obtenir  des  mulets  d'un  mérite  supérieur? 

Pourquoi  pareils  essais ,  pourquoi  l'usage  d'une  nourri- 
ture animalisée  ne  seraient-ils  pas  tentés  pour  un  grand 
nombre  d'étalons  en  dehors  de  l'espèce  chevaline  ?  Peut-on 
prévoir  d'avance  les  résultats  qui  en  seraient  la  consé- 
quence pour  nos  moutons  à  laine  et  à  viande,  pour  nos 
chèvres  du  Thibet,  pour  les  alpacas  récemment  importés 
d'Amérique ,  pour  nos  ânes  et  surtout  pour  ceux  qui  sont 
consacrés  à  la  production  de  mulets?  Les  orientaux  se 
servent  d'onagres  pour  obtenir,  avec  les  Anesses ,  ces 
produits  si  estimés  qu'ils  peignent  en  rouge,  animaux 
extrêmement  têtus,  mais  d'une  remarquable  vigueur. 
Nous  pourrions ,  avec  l'emploi  de  la  nourriture  animalisée 
seconoée  par  une  habile  Mucation ,  Obtenir  des  produits 
tout  aussi  robustes  et  même  plus  énergiques,  quoique 
possédant  la  douceur  que  donne  aux  animaux  l'action 
constante  de  soins  affectueux. 

Si  la  main  de  l'homme  intelligent  a  transformé  la  brebis 
à  poil  en  une  brebis  à  laine ,  refuserez-vous  à  la  main  du 
savant  le  pouvoir  d'aller  bien  au-delà  de  ce  qui  existe  ? 


556  PHILOSOPHIE 

Maintenant ,  pourquoi  ne  pas  agir  en  sens  inverse  sur  les 
animaux  carnivores,  d'abord  en  leur  donnant  à  manger 
de  la  viande  ouite,  puis  en  y  ajoutant  peu  à  peu  une 
certaine  dose  de  substances  végétales.  Déjà  Thomme  est 
parvenu  à  dompter  le  guépard  et  à  le  faire  chasser  à  son 
profit:  pourquoi  n'essaierait-il  pas  de  transformer  ses 
mœurs  et  son  caractère  en  transformant  sa  nourriture? 
Pourquoi  n'essaierait-il  pas  des  expériences  semblables  sur 
le  tigre  et  sur  le  lion  ;  non  pas  des  expériences  de  dix ,  de 
vingt  ans,  qui  seraient  impuissantes  et  presque  sans 
résultat ,  mais  des  expériences  de  plusieurs  siècles  destinées 
à  réagir  sur  de  nombreuses  générations?  N'est-ce  pas 
ainsi  qu'il  imiterait ,  par  son  action  constante ,  cette  m- 
cessante  action  de  la  providence  qui  a  produit  toutes  les 
variétés  du  règne  animal?  Ainsi,  d'un  côté  l'homme  peut 
améliorer  les  étalons  d'un  grand  nombre  d'espèces  et  de 
variétés  domestiques  par  l'emploi  d'une  nourriture  anima- 
Usée  qui  modifierait  le  sang,  réduirait  la  longueur  des 
intestins  et  la  grosseur  du  ventre,  et  se  ferait  nécessairement 
sentir  sur  le  pelage  et  les  autres  organes;  de  l'autre  côté, 
il  peut  rédmre  en  domesticité  véritable  plusieurs  des 
carnivores,  en  les  traitant  comme  il  l'a  fait  pour  le  chien 
et  le  chat,  qui  sont  devenus  à  peu  près  des  omnivores.  N'y 
a<-t-il  point  aussi ,  parmi  les  amphibies ,  des  espèces  tfè^ 
intelligentes,  des  phoques,  par  exemple,  qui  brûlent  du 
désir  de  s'associer  à  nous  et  de  devenir  nos  chiens  de  mer  : 

Ï pauvres  bètôs ,  elles  n'attendent  que  les  bons  procédés  qui 
eur  sont  dûs,  qu'un  regard  affectueux,  que  des  témoi- 
gnages d'estime  et  de  confiance,  que  la  preuve  d'une 
véritable  civilisation  pour  se  livrer  à  merci  ;  et  nous ,  les 
fermiers  de  la  planète  ,  nous  avons  plus  de  souci  de  mettre 
des  de  ou  des  titres  par  devant  nos  noms ,  des  rubans  à 
nos  boutonières,  que  de  remplir  une  si  grande  mission. 

Il  est  un  troisième  problème  que  je  n'aborde  qu'en 
tremblant,  tant  cette  question  est  grosse  de  discussions  de 
toute  nature. 

Si  l'on  examine  avec  soin  un  loup,  un  chien  et  un 
chacal,  on  sera  porté  à  considérer  ces  trois  animaux 
comme  formant  trois  espèces  séparées.  Le  loup  de  France, 


DU  SIÈCLE.  357 

le  seul  que  j'aie  étudié  par  moi-même ,  demanderait  de 
très-Ion^  et  de  très-nombreux  efforts  pour  être  réduit 
en  domesticité;  cependant  on  peut  obtenir  des  métis 
d'une  chienne  et  d'un  loup.  Ces  chiens  peuvent  reproduire 
et  introduire  un  sang  nouveau  dans  l'espèce  canine.  Les 
mulets  du  cheval  et  de  l'Ane ,  quoique  presque  toujours 
improductifs,  ont  donné  lieu  à  quelques  exceptions  par 
des  produits  misérables,  mais  prouvant  une  possibilité  de 
fécondation.  Tous  les  essais  faits  jusqu'à  ce  jour  ont 
d'ailleurs  été  tentés  de  la  manière  la  plus  mesquine  en 
ddiors  des  conditions  qui  pouvaient  en  assurer  le  succès. 
Ce  n'est  pas  dans  une  cour,  c'est  dans  une  forêt  qu'il  faut 
livrer  une  chienne  à  un  loup,  si  l'on  veut  arriver  à  un 
résultat.  C'est  aussi  dans  un  grand  parc,  et  sous  l'influence 
d'une  climature  convenable,  qu'on  pourra  obtenir  un  accou- 
plement volontaire  des  solipèdes  indomptés  avec  les  solipèdes 
domptés ,  tels  que  l'Ane  et  le  cheval. 

Des  animaux  inférieurs,  nous  passons  à  l'homme,  et 
la  question  grandit  singulièrement  en  importance  et  en 
utilité. 

Si  les  races  blanches  sont  généralement  mieux  partagées 
qae  les  races  colorées ,  sous  le  rapport  des  facultés  sociales 
et  intellectuelles ,  celles-ci  ont  leurs  vertus  spéciales  qui 
las  fendent .  excessivement  propres  à  certaines  fonctions, 
et  leurs  métis  jouissent  souvent  des  dons  les  plus  brillants 
de  la  nature. 

Lesi  blancs  ne  sauraient  seuls  s'approprier  la  surface 
entière  du  globe  :  ils  fondent  au  soleil  des  tropiques  comme 
la  neige  lorsqu'elle  vient  à  tomber  sur  une  terre  chaude. 
Les  noirs,  les  jaunes  et  les  métis  colorés  réussissent  au 
contraire  merveilleusement  dans  les  contrées  équatoriales. 
Favorisons  donc  de  tout  notre  pouvoir  les  unions  entre 
les  races  différentes;  et  s'il  est  vrai,  comme  nous  le  croyons, 
que  les  blancs  soient  beaucoup  plus  reproducteurs  dans 
leurs  mariages  avec  les  femmes  colorées  que  les  hommes 
colorés  dans  leurs  unions  avec  les  blanches  ;  s'il  est  encore 
îrai  que  les  produits  de  ces  unions  soient  généralement 
meSleurs  quand  c'est  le  père  qui  appartient  aux  races 
caucasiennes ,  consacrons  la  fraternité  humame  et  prépa- 


51(8  PHILOSOPHIE 

rons  l'avenir,  en  encourageant  les  mariages  qui  peuvent 
abaisser  les  barrières  qui  nous  séparent  les  uns  des  autres. 

Que  les  faits  qui  se  passent  sur  plusieurs  points  de 
rAmérique,  et  surtout  au  Brésil,  nous  soient  un  utile 
enseignement.  Ici  la  race  sunérieure,  celle  qui  domine 
aujourd'hui,  n'est  ni  une  race  blanche,  ni  une  race  cuivrée, 
ni  une  race  noire;  mais  elle  est  profondément  mélangée 
de  ces  trois  races,  dont  elle  possède  les  diverses  qualités  et 
les  caractères  les  plus  éminents  :  c'est  à  elle  qu'appartient 
aujourd'hui  de  diriger  le  Brésil  vers  son  avenir. 

Quelques  hommes  d'un  caractère  très-indépendant,  et 
dont  on  ne  saurait  mettre  en  doute  le  dévouement  pour 
leurs  semblables,  vont  plus  loin  que  nous.  Soit  que  les 
races  humaines  procèdent  toutes  du  même  père,  soit 
qu'elles  viennent  de  parents  différents,  toujours  est-il, 
nous  dit  le  docteur  Bodichon ,  qne  suivant  la  loi  appliquée 
aux  animaux  fossiles ,  il  en  est  parmi  elles  qui  sont  fatale- 
ment vouées  à  la  destruction. 

«  —  Aux  jours  de  l'antiquité,  une  variété  de  nègres  errait 
au  nord  de  l'Afrique ,  là  où  sont  actuellement  les  territoires 
de  l'Algérie  et  du  Maroc  :  elle  fut  absorbée  sous  le  contact 
des  races  blanches. 

»  A  une  époque  indéterminée,  une  autre  variété  de  nègres 
occupait  l'archipel  d'Asie  :  ainsi  Java,  Sumatra,  Bornéo, 
Timor,  etc.  Sous  la  pression  de  la  race  Javano-Malaisienne, 
elle  s'est  éteinte  progressivement.  Maintenant,  de  beaucoup 
réduite ,  elle  est  reléguée  dans  les  montagnes  et  les  lieux 
inaccessibles  de  l'intérieur,  vivant  à  peu  près  comme  les 
bétes  sauvages. 

»  La  race  entière  des  Guanches  a  disparu  au  contact  des 
Espagnols  et  des  Portugais:  depuis  longtemps  on  n'en 
trouve  pas  un  seul  vestige  vivant  dans  les  Canaries. 

»  Seize  millions  d'Indiens  au  moins,  et  [probablement 
beaucoup  plus,  habitaient  l'Amérique  Septentrionale,  de 
l'isthme  de  Panama  à  la  mer  Polaire. 

»  Un  nombre  incalculable  possédait  les  lies  voisines  :  ainsi 
Cuba,  Haïti,  Porto-Rico,  la  Jamaïque,  la  Guadeloupe, 
la  Martinique ,  la  Trinité ,  etc. 

»  Les  uns ,  comme  les  Mexicains ,  vivaient  en  c^orps  de 


BU  SIÈCLE.  359 

nation  nombreuse,  gouvernés  par  un  chef  absolu  assisté  de 
dignitaires  féodaux. 

»  Les  autres,  comme  les  Natchez,  vivaient  sous  un  régime 
monarchique. 

»  Ceux-ci,  comme  les  Iroquois,  vivaient  en  confédération. 

»  Ceux-là,  et  c'étaient  les  phis nombreux,  vivaient  sépa- 
rés par  tribus  indépendantes. 

»  D'autres  encore,  comme  les  Tlascalans,  vivaient  en 
républi€iue. 

»  Or,  depuis  l'arrivée  des  Européens,  ils  ont  couru  si 
rapidement  vers  l'extinction  de  leur  race ,  qu'aujourd'hui , 
sur  toute  l'étendue  de  ce  vaste  territoire ,  de  Panama  au 
détroit  de  Bering ,  ils  n'atteignent  pas  le  chiffre  de  deux 
millions  d'ftmes. 

»  Le  christianisme  a  voulu  les  réunir  sous  ses  ailes. 

»  Au  Canada,  au  Mexique,  dans  les  Grandes  et  petites 
Antittes,  à  la  Louisiane,  en  Californie,  de  pieux  mis- 
sionnaires catholiques  leur  enseignaient  la  charité,  la 
bienveilianee  universelle,  l'oubli  des  injures.  Hs  leur 
laissaîent  leurs  danses,  leurs  poésies,  leur  chansons,  une 
(Murtie  de  leurs  mceurs,  aiin  de  les  conduire  doucement  à  la 
civilisation. 

9  Vains  efforts  î  à  peineles  avaient-ils  rendus  des  hommes 
nouveaux,  qu'il  survenait  des  maladies  épîdémiques  :  la 
varic^e,  le  choléra,  les  fièvres  typhoïdes  et  la  famine 
emportaient  en  quelques  années  une  masse  de  population 
que  la  guerre  la  plus  désastreuse  n'aurait  pas  enlevée  en 
un  siècle. 

»  Les  lies  Sandwich  comptaient  quatre  cent  mille  habi- 
tants il  y  a  soixante  ans.  Les  missionnaires ,  tant  anglicans 
que  des  autres  sectes  protestantes,  ont  voulu  les  évan- 
géliser  et  les  constituer  d'après  les  principes  émanés  de 
la  réfotmation.  Ils  leur  ont  appris  à  lire  la  bible,  à 
chanter  des  cantiques;  ils  ont  soudainement  corrigé  leurs 
mœurs,  proscrit  leurs  danses  nationales  et  leurs  chan- 
sons, afin  de  les  forcer  d'entrer  brusquement  dans  la 
civilisation. 

»  Efforts  impuissants!  leur  destruction  marche  à  pas  de 
géant.  De  ces  quatre  cent  mille  habitants,  à  peine  en 


360  PHILOSOPHIE 

resle-t-il  cent  "mille ,  et  tout  porte  à  croire  qu'à  la  tin  de 
ce  siècle  il  n'y  en  aura  plus  que  quelques-uns  à  l'état 
d'échantillon. 

»  A  Taïti,  à  la  Nouvelle-Hollande,  à  la  Nouvelle-Zélande, 
sur  d'autres  îles  de  l'Australie  et  de  la  Polynérie ,  ce  fait 
se  renouvelle  :  partout ,  au  contact  des  Européens ,  les 
indigènes  disparaissent,  malgré  les  efforts  des  missionnaires 
chrétiens.  Les  femmes  qui,  étant  jeunes,  paraissent 
robustes ,  telles  que  les  plantes  du  désert ,  ne  conservent 
leur  vigueur  que  sous  la  condition  de  ne  pas  devenir  mères  : 
quand  elles  ont  mis  au  monde  deux  enf^Jits ,  elles  tombent 
dès-lors  en  décrépitude. 

»  Accouplées  avec  leurs  nationaux,  elleis  perdent  leur 
fécondité  ;  accouplées  avec  des  Européens,  elles  sont  d'une 
fécondité  remarquable. 

i)  Les  voyageurs  ont  constaté  qu'une  famille  indigène  se 
compose ,  terme  moyen ,  des  parents  et  de  deux  enfants  ; 
mais  quand  une  femme  est  croisée  avec  un  européen ,  la 
famille  se  compose  des  parents  et  de  six  enfants. 

))  Ne  semble-t-il  pas  que  la  nature  poursuit  l'extinction 
des  races  barbares ,  en  les  frappant  de  stérilité  ? 

»  Fatale  et  redoutable  destinée  !  la  guerre  et  les  mauvais 
traitements  en  tuent  des  centaines;  la  paix,  les  bons 
traitements,  les  bonnes  intentions  en  tuent  par  milliers. 

»  Cependant,  à  l'exception  de  quelques  insulaires  de 
rOcéanie,  ils  possédaient  des  facultés  qui  semblaient  devoir 
conserver  l'existence  de  leur  race. 

»  Les  Guanches  étaient  les  hommes  les  plus  grands  de 
l'ancien  monde. 

»  Les  Mexicains  étaient  plus  pohcés  que  plusieurs  nations 
modernes  de  l'Europe.  Us  avaient  des  digues,  des  chaussées, 
des  canaux,  des  chemins  bien  entretenus  ;  ils  connaissaient 
l'architecture,  les  arts,  l'industrie;  ils  vivaient  sous  des 
ins:itutions  civiles,  mihtaires  et  religieuses  ;  ils  cultivaient 
.  en  grand  le  maïs. 

»  Les  Caraïbes  étaient  bien  ccHistitués  au  physique , 
avaient  un  commerce  étendu ,  connaissaient  la  navigation 
et  l'arithmétique. 

»  Les  variétés  comprises  sous  le  nom  de  Peau-Rouge , 


BU  SIÈCLE.  361 

étaient  des  hommes  taillés  à  l'antique.  Leur  odorat 
égalait  celui  d'un  chien,  leur  vue  celle  de  Taigle,  leur 
agilité  celle  du  cerf.  Ils  pratiquaient  l'hospitalité  comme 
les  patriarches  ,  et  montraient  une  dignité  personnelle  que 
peu  d'Européens  savent  conserver.  Les  Spartiates  ne 
supportaient  pas  plus  stoïquement  lajaim,  la  soif,  le  froid 
et  la  chaleur;  les  Romains  n'étaient  pas  plus  dévoués  à 
leur  patrie,  et  les  martyre  n'ont  jamais  montré  un  plus 
sublime  mépris  de  la  mort ,  ni  une  plus  admirable  résigna- 
tion au  miUeu  des  tourments. 

»  Eh  bien  !  malgré  ces  facultés,  l'extinction  de  leur 
race  s'accomplit  graduellement  et  malgré  les  efforts  des 
philantropes. 

ji  Pourquoi  cela  ? 

»  Parce  que  leur  état  social  est  un  attentat  perpétuel 
contre  l'humanité.  Ainsi,  le  meurtre,  les  déprédations, 
les  luttes  incessantes  et  inutiles  dos  uns  contre  les  autres , 
soat  leur  état  normal.  Ils  pratiquent  les  sacrifices  humains 
et  la  mutilation  de  l'homme;  ils  sont  pétris  d'antipathie 
et  d'hoslilité  envers  towt  ce  qui  n'est  pas  de  leur  race;  ils 
maintiennent  la  polygamie ,  l'esclavage ,  et  soumettent  la 
femme  à  des  travaux  que  ne  comporte  pas  son  organi- 
sation. 

*  Aux  yeux  de  la  théologie .  ils  sont  des  hommes  déchus  ; 
aux  yeux  de  la  morale ,  des  hommes  vicieux  ;  aux  yeux  de 
l'économie  humanitaire,  des  improducteurs. 

»  En  outre ,  dès  leur  origine ,  ils  ont  méconnu  et  refu- 
sent «ncore  de  reconnaître  une  loi  suprême  imposée  par 
Dieu ,  savoir  :  l'obligation  du  travail. 

>i  Toutes  les  nations  sont  solidaires  ;  elles  doivent  toutes 
s'appliquer  à  la  production,*  parce  qu'elles  pourront  de 
cette  façon  se  secourir  mutuellement  aux  jours  des  famines. 
Sont  donc  hautement  coupables,  celles  qui,  possédant  une 
terre  fertile,  refusent  de  l'utiliser. 

»  La  véritable  philantropie  ne  doit  pas  souffrir  l'existence 
d'une  race ,  d'une  nationalité  qui  s'oppose  aux  progrès , 
et  qui  régulièrement  porte  atteinte  aux  droits  généraux  de 
rkumanité. 

j)  Depuis  quatre  mille  ans,  la  race  arabe  est  restée  la  même . 


362  PHILOSOPHIE 

»  Je  résume  son  rôle  social  :  hostile  aux  autres  nations  , 
violant  les  droits  de  Thumanité,  utile  dans  les  plaines  arides 
des  déserts ,  nuisible  dans  les  autres  terres  où  elle  repro- 
duit la  sauvagerie  de  rhomme  et  de  la  nature.  Ici ,  son 
extinction  est  donc  un  bien  :  elle  devient  une  hannonie. 

)>  Uue  les  véritables  philantropes  se  pénètrent  donc  bien 
de  la  mission  dont  certains  peuples  sont  chargés  :  de 
détruire  un  état  social  qui  outrage  à  la  fois  la  nature  et 
rhumanité. 

))  C'est  là  le  rôle  des  pionniers  en  Amérique ,  des  Anglais 
en  Océanie  et  dans  l'Afrique  australe  ;  c'est  le  nôtre  dans 
l'Afrique  septentrionale.  Par  sympathie  à  l'égard  de  la 
race  coupable ,  refuser  d'accomplir  cette  mission ,  c'est  être 
semblable  à  un  homme  qui ,  chargé  d'assainir  un  marais , 
ne  voudrait  pas  en  écouler  les  eaux  stagnantes  dans  la 
crainte  de  faire  périr  les  plantes  aquatiques.  » 

Aux  éloquentes  pages  qu'on  vient  de  lire ,  à  ces 
phrases  accentuées,  on  reconnaît  de  suite  un  de  ces 
hommes  vigoureusement  trempés,  dont  la  probité  a  su 
rester  intacte  au  miUeu  de  cette  masse  de  Verres  de  bas 
étage  qui  ont  exploité  pendant  dix-huit  ans  notre  terre 
d'Afrique.  Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  lo  docteur 
Bodichon  ait  complètement  raison,  et  nous  croyons  devoir 
réfuter  ses  arguments ,  parce  qu'ils  pourraient  être  très- 
dangereux  dans  la  bouche  et  dans  la  pratique  des  hommes 
corrompus. 

Supposez  en  face  du  médecin  de  l'Algérie,  l'un  des 
parias  des  races  destinées  à  disparaître,  n'aurail-il  pas 
quelque  droit  de  lui  tenir  ce  langage  : 

Naturaliste ,  vous  vous  trompez  :  il  n'y  a  pas  eu  destruc- 
tion des  races  anté-diluviennes  d'une  manière  absolue  ; 
toutes  vivent,  mais  modifiées  et  transformées  dans  nos 
espèces  actuelles;  toutes  vivent  en  vous-mêmes  par 
l'embryologie  de  l'être  humain,  et  beaucoup  sont  restées 
sur  la  terre  en  témoignage  des  phases  diverses  accom- 
plies par  la  substance  animale  dans  sa  marche  progressive 
vers  la  production  de  notre  être.  Homme  d'Europe,  ne 
soyez  pas  si  fier  de  votre  origine  :  les  Arabes  sont  descendus, 
comme  vos  pères,  des  plateaux  de  la  haute  Asie,  et  cette 


BU  SIÈCLB.  563 

race  que  vous  voulez  supprimer  n'a  guère  moins  fait  que  la 
vôtre  pour  la  civilisation.  Les  Peuls ,  ou  Fellah  du  Niger, 
sont  supérieurs  à  beaucoup  de  familles  blanches.  Que  nous 
dites- vous  de  votre  état  social ,  de  vos  mœurs ,  de  vos 
progrès ,  de  votre  loi  du  travail  ?  ne  savons-nous  pas ,  nous 
autres  lés  deshérités  des  races  humaines,  ce  que  valent 
les  prétendus  civilisés.  Vous  prêchez  le  mariage,  et  partout 
vous  vous  faites  un  honneur  d'obtenir  les  faveurs  des 
femmes  ou  des  filles  de  vos  concitoyens,  pratiquant  ainsi 
la  polygamie  etmémeradultère.  Vous  nous  attaquez  comme 
pillards  et  comme  meurtriers;  mais  qu'êtes-vous  autre 
chose  dans  vos  guerres  poUtiques  ?  Paris ,  la  ville  civilisée 
par  excellence,  n'a-t*elle  pas  été  souvent  le  théâtre  de 
brigandages  affireux?  Vous  prétextez  de  notre  infériorité 
religieuse ,  mais  à  quoi  vous  sert  d'avoir  une  religion  qui 
vous  prescrit  la  fraternité ,  si  vous  ne  la  pratiquez  jamais  ; 
une  reUgion  qui  vous  enseigne  la  tolérance,  si  vous  êtes 
les  plus  intolérants  des  hommes  7  N'est--ce  pas  d'ailleurs  au 
nom  de  cette  religion  de  paix  et  d'amour  que  vous  avez 
brûlé  tant  de  victimes  en  Espagne ,  torturé  les  Albigeois , 
ensanglanté  les  deux  tiers  de  l'Europe  pour  combattre  la 
Réforme,  organisé  les  dragonnades,  chassé  de  la  France 
les  ouvriers  et  les  producteurs  les  plus  habiles?  Nous 
maintenons  l'esclavage ,  c'est  vrai  :  nous  avons  la  franchise 
d'avouer  nos  fautes;  mais  presque  partout  no3  esclaves 
font  partie  de  la  famille ,  ce  qui  n  a  pas  heu  dans  vos 
contrées  chrétiennes.  En  Russie,  sous  le  nom  de  serfs, 
vous  leur  faites  supporter  toutes  les  peines  sociales  ;  vous 
leur  prenez  leurs  filles  quand  elles  sont  belles,  et  vous  les 
jouez  À  l'écarté  comme  monnaie  courante. 

En  Angleterre  et  en  France ,  vos  prolétaires  sont-ils 
autre  chose  que  des  esclaves  industriels  soumis  aux 
caprices  des  chefs  d'usine ,  aux  hasards  de  la  concurrence , 
obligés  de  justifier  partout  de  leurs  Uvrets ,  enchaînés  par 
mille  entraves,  et  chargés  de  fournir,  par  les  impôts  de 
consommation ,  aux  principales  dépenses  des  i^ivilégiés , 
sans  avoir,  comme  nos  esclaves,  la  ressource  de  grands 
bois  et  de  forêts  vierges  pour  s'y  faire  marrons.  —  Nous 
imposons,  dites* vous,  à  la  femme  des  travaux  que  ne 


564  PHILOSOPHIB 

comporte  pas  son  organisation  :  c'est  encore  très-vrai  ; 
mais  si  nous  allions  dans  vos  contrées ,  nous  y  appren- 
drions de  vous-mêmes,  en  voyant  vos  paysannes  et  vos 
femmes  du  peuple  soumises  à  des  travaux  bien  autrement 
pénibles,  que  la  femme  est  un  animal  domestique  dont, 
avec  la  civilisation  européenne,  nous  pourrions  tirer  un 
meilleur  parti.  Et  cette  loi  du  travail  que  vous  nous  accusez 
de  méconnaître  ,  où  donc  la  pratiquez-vous  ?  Nous  voyons 
le  servage  dans  une  partie  de  l'Europe ,  le  prolétariat  dans 
l'autre.  Serait-ce  par  hasard  cette  magnifique  organisation 
que  notre  ignorance  et  notre  sauvagerie  pourraient  vous 
envier?  —  Européens,  ne  soyez  pas  si  fiers  de  votre 
intelligence  :  votre  supériorité  a  tenu  surtout  à  ce  que  vous 
possédiez  avant  nous  le  fer,  le  métal  de  la  guerre.  Vous 
avez  été  souvent  vaincus  par  les  jaunes  en  Asie  et  même 
en  Europe ,  et  les  noirs  de  Saint-Domingue  vous  ont  donné 
de  rudes  leçons  au  commencement  du  siècle.  Ah  !  s'ils 
avaient  eu  du  fer,  les  Caraïbes,  les  Péruviens  et  les  braves 
du  Mexique  ne  se  seraient  pas  laissé  égorger  par  vos  pères. 
Ils  vivraient  aussi  pour  la  gloire  de  l'humanité,  ces  Guanchcs 
magnifiques,  les  plus  beaux  de  tous  les  humains,  que  votre 
férocité  a  peut-être  enlevés  aux  plus  glorieuses  destinées. 
Avant  de  songer  à  nous  détruire ,  n'est-ce  pas  une 
obligation  pour  vous  de  nous  donner  une  civilisation 
véritable  ,  et  d'essayer  préalablement  des  efforts  physiolo- 
giquement  dirigés  ?  Nous  vous  recevons  à  bras  ouverts , 
nous  vous  donnons  nos  filles  pour  épouses ,  nou6  *  vous 
chargeons  de  l'éducation  de  nos  enfants  :  que  vous  faut-il 
de  plus  pour  réussir  et  nous  élever  à  la  civilisation ,  si 
vous  êtes  réellement  civilisés?  Hais  de  même  qu'il  est  si 
facile  de  confondre  la  fausse  avec  la  vraie  gloire ,  prenez 
garde  de  confondre  le  vernis  des  arts ,  des  sciences  et 
des  lettres  et  la  civilisation  véritable.  Avec  un  peu  de 
réflexion ,  vous  trouveriez  peut-être  que  tous  les  peuples 
sont  encore  sauvages:  entre  eux,  la  différence,  c'est  que 
les  uns  sont  des  sauvages  disciplinés  et  savants ,  sachant 
organiser  le  brigandage  auquel  ils  donnent  le  nom  de 
guerre  ;  tandis  que  les  autres  n'ont  pas  dépouillé  la  rude 
écorce   de  l'état  de  nature.  —  Européens ,  si  vous  étiez 


DU  SIÈCLE.  365 

hommes ,  si  vous  étiez  bienveillants ,  si  vous  deveniez  nos 
frères,  pourquoi  serions-nous  plus  difficiles  à  dresser  que 
les  chevaux  et  les  autres  animaux  domestiques  de  nos 
prairies  et  de  nos  forêts.  Loin  de  mépriser  nos  tribus 
errantes,  étudiez-les,  car  elles  sont  le  germe  de  Tavenir, 
ce  genne  fécond  que  ni  vous  ni  nous  n'avons  encore  su 
développer.  Comment  obtenir  la  fraternité  sur  la  terre 
autrement  que  par  l'association  des  familles  et  des  tribus 
en  peuples  ?  Est-ce  donc  votre  individualisme  et  votre 
morcellement  qui  pourront  jamais  créer,  au  milieu  des 
hommes,  la  pratique  d'une  éducation  égalitaire  et  variée 
pour  tous,  sans  laquelle  vos  plus  belles  promesses  de 
bonheur,  de  liberté,  de  bien-être,  ne  seront  jamais  que 
des  paroles  vides  et  mensongères?  Que  m'importe  à  moi, 
pauvre  de  vos  contrées,  paria  de  Tlnde  ou  proscrit  des 
races  inférieures ,  que  l'on  invente  des  procédés  nouveaux 
pour  rendre  la  vie  délicieuse  aux  élus  de  la  fortune  :  ce 
qu'il  nous  faut ,  c'est  une  organisation  sociale  qui  satisfasse 
a  toutes  les  exigences  légitimes  et  physiologiques  de  notre 
être.  A  côté  de  cette  découverte,  toutes  les  autres  ne  sont  et 
ne  seront  jamais  rien. 

Sans  doute  vous  avez  le  Christianisme ,  cette  parole 
divine  qui  a  dit  :  Fraternité  entre  les  races ,  fraternité  entre 
les  peuples.,  fraternité  entre  les  tribus  ou  communes , 
fraternité  entre  les  familles.  Mais  il  a  dit  aussi  que  la 
lerre  devait  être  une  vallée  de  larmes;  il  a  enseigné  la 
légitimité  de  tous  les  pouvoirs  ;  il  a  fait  des  hommes  des 
anges  déchus,  tandîst  qu'ils  sont  venus  sur  cette  terre 
ignorants,  faibles  et  sauvages,  mais  très-éducables  et  per- 
fectibles, capables  d'arriver,  par  l'organisation  du  travail,  à 
moltiplier  les  richesses  sociales  presque  à  l'égal  des  richesses 
aatuiellet>.  Demandez  donc  à  vos  sciences  une  mécanique 
pour  les  sociétés,  sinon  vos  thèmes  les  plus  philosophiques  et 
vos  enseignements  les  plus  élevés  et  les  plus  religieux  seront 
la  voix  qui  se  perd  au  désert.  —  Yox  clamatUis  in  deserto. 

Ainsi  parlerait  le  paria,  et  quelque  rude  que  fût  son 
langage ,  quelqu'incisive  et  brutale  que  fût  sa  parole , 
le  prêtre  et  le  savant  de  nos  contrées  n'auraient  mal- 
heureusement rien  de  vrai  ni  rien  de  juste  à  lui  répliquer. 

16 


S66  PHILOSOPHIE 


DES  CENTRES  D'ÉVOLUTIOiN  DES  ESPÈCES  ANIMALES 
ET  DES  RACES  HUMAINES. 

IWTKODUCTION. 

Il  y  a  entre  les  diverses  contrées  et  les  espèces  végétales 
et  animales  qui  les  habitent,  des  rapports  naturels  et 
nécessaires.  —  Le  philosophe  les  examine  et  les  étudie , 
mais  il  ne  s'en  exagère  point  l'importance. 

Glacée  à  ses  extrémités,  brûlante  à  son  équatenr,  la 
terre ,  après  de  violents  cataclysmes ,  semble  arrivée  à  celte 
période  de  paix  et  de  stabilité  qui  promet  un  développe- 
ment pacifique  aux  forces  organisatrices.  —  Son  maximum 
d'intensité  vitale  correspond  au  climat  des  tropiques.  C'est 
là  que  la  végétation ,  sous  la  double  action  de  la  chaleur 
et  de  l'humidité,  est  tout-à-fait  luxuriante.  C'est  là  encore 
que  nous  trouvons  les  formes  gigantesques  dont  la  géologie 
nous  montre  les  analogues  empâtés  dans  les  terrains  d'un 
autre  âge.  —  Tous  les  genres  y  sont  plus  brillants  en 
couleur,  et  généralement  plus  grands,  plus  beaux,  plus 
riches  de  vie  dans  les  espèces  qu'ils  possèdent.  —  A 
mesure,  au  contraire,  que  l'on  s'avance  vers  les  pôles, 
on  voit  décroître  l'intensité  vitale  des  règnes  organiques. 
N'est-ce  point  sous  la  zone  torride  que  l'on  trouve  l'élé- 
phant, le  rhinocéros,  le  chameau,  l'hippopotame,  la 
girafe,  le  lion,  le  tigre,  l'autruche  et  les  boas?  —  fces 
crustacés,  les  insectes,  les  radiaires,  n'cmt*îls  pas,  sous  la 
zone  torride,  comme  le  fait  remarquer  Gérard,  une 
évidente  supériorité  sur  leurs  analogues  des  pays  tempérés? 
Au  sortir  de  cette  zone,  les  formes  diminuent  en  général, 
quoique  l'cm  puisse  opposer  à  cette  rè^e  quelques  excep- 
tions faciles  à  expliquer.  Le  bufle,  l'élan,  l'ours,  d'un 
côté  ;  le  cigne  et  le  dindon ,  de  l'autre  :  voilà  les  plus 
grands  des  animaux  des  climats  froids  ou  tempérés. 


BU  SIÈCLE.  367 

Cette  loi  du  décroissement  de  l'intensité  vitale  des  pays 
les  plus  chauds  vers  les  plus  froids,  est  facile  à  comprendre. 
La  lumière ,  Télectricité ,  la  chaleur,  si  abondantes  sous  les 
tropiques,  voilà  les  agents  vitaux  par  excellence.  Il  y  a 
toutefois  une  seconde  règle,  quelque  peu  différente  de 
celle-ci ,  et  que  nous  devons  faire  connaître  avant  de  passer 
outre. 

Depuis  que  la  vie  animale  existe  à  la  surface  du  globe, 
chaque  période  a  eu  ses  souverains,  ses  empereurs,  ses 
grands  organismes  dominateurs,  chargés  de  régler  les 
proportions  de  la  substance  animale  et  de  la  substance 
végétale.  —  Les  grands  sauriens,  représentés  par  nos 
crœodiles  et  nos  aligators,  ont  été  détrônés  par  les  pa- 
lœothériums  et  les  mastodontes  ;  ceux-ci ,  à  leur  tour,  ont 
été  remi^acés  par  les  grands  carnivores  auxquels  l'homme 
s'est  entièrement  substitué. 

Les  anfimaux  qui  vivent  actuellement  sous  la  domination 
du  genre  humain ,  sont  répartis  inégalement  entre  la  terre 
et  Teau,  cette  première  patrie  de  tous  les  êtres  organisés. 
Les  phis  parfaits  vivent  sur  la  terre  ;  les  autres  dans  nos 
mers  et  dans  nos  fleuves,  plongés  ainsi  dans  un  milieu  qui 
rend  leurs  aliments  phis  mciles  à  saisir,  leur  locomotion 
plus  aisée.  Toutefois  cette  importante  proposition  a  un 
corollaire  qui  la  relie  à  celle  qui  précède.  Les  animaux  les 

f)los  volumineux  sont  ceux  à  qui  la  nature  présente  avec 
e  phis  d'abondance  leur  nourriture  :  aussi  partout  la  taille 
des  mammifères  se  trouve  en  rapport  avec  l'étendue  des 
lieux  qu'ils  doivent  habiter.  C'est  ainsi  que  les  grandes 
espèces  ont  été  faites  pour  les  grandes  mers,  les  continents 
et  les  grandes  îles ,  et  les  petites  pour  les  rivières  et  les  îles 
p^i  étendues. 

C^jpropositiofifS,  enseignées  par  l'observation,  peuvent 
être  déduite^  direclemetit  de  ce  théorème  de  De  Lamarck  : 
Les  besdins font  les  organes;  ou  de  cet  autre  du  socialiste 
Poûrier  :  Les  attractions  sont  proportionnelles  aux  destinées. 
H  semble  au  premier  abord  que  l'Amérique  et  l'Australie 
doiment  wn  démenti  à  cette  manière  de  voir  ;  mais  la  date 
de  l'émersion  de  leurs  plaines  est  plus  récente  que  celle  de 
la  formation  des  grandes  espèces  de  l'ancien  continent. 


568  PHILOSOPHIE 


AUSTRALIE. 


La  Nouvelle-Hollande,  la  plus  jeune  des  cinq  parties 
du  monde,  est  aussi  la  terre  où  les  végétaux  et  les  animaux 
se  présentent  avec  les  caractères  les  plus  étrangers  et  les 
plus  intéressants  pour  nous.  —  Inconnue  dans  sa  partie 
centrale ,  que  Ton  suppose  formée  de  terrains  tertiaires  et 
présentant  de  grands  marais  tourbeux,  peut-être  quelques 
lacs,  elle  offre  une  masse  de  terrains  cristallisés  ou  primitifs, 
qui,  de  toutes  parts,  excepté  au  sud,  entourent  les  terrains 
tertiaires.  Par  suite  de  sa  grande  étendue,  l'Australie 
varie  beaucoup  pour  sa  température.  —  Les  pluies  y 
suivent  une  marche  capricieuse.  Après  des  mois  de  séche- 
resse, Teau  tombe  -sQuvent  par  torrents,  de  manière  à 
s'élever  rapidement  à  dix  et  quinze  mètres  au-dessus  du 
lit  des  rivières  ;  on  Ta  même  vu  s'élever  jusqu'à  vingt-cinq 
mètres.  Elle  inonde  alors  les  campagnes  voisines  et  forme 
des  successions  de  lacs,  de  grandes  nappes  d'eau  dans 
lesquelles ,  de  distance  en  distance ,  on  distingue  les  cimes 
des  arbres. 

Le  système  des  montagnes  de  l'Australie  est  peu  connu. 
Les  montagnes  Bleues,  situées  a  quinze  ou  vingt  lieues  de 
la  côte ,  sur  la  partie  orientale ,  sont  en  moyenne  à  800 
mètres  au-dessus  du  niveau  des  mers.  Leur  point  culminant, 
le  Sea-View-Hill ,  a  1,400  mètres  d'élévation.  Les  monta- 
gnes Blanches  succèdent  aux  montagnes  Bleues  ;  leurs 
cimes  sont  toujours  couvertes  de  neige. 

Malgré  ses  formes  élégantes  et  variées,  la  flore  de 
l'Australie  est  triste  et  grisâtre ,  ennuyeuse  aux  yeux  ;  ses 
tons  sont  monotones.  Elle  rappelle  les  cicadées,  si 
communes  à  l'une  des  grandes  époques  géologiques ,  et 
donne  à  ce  continent  l'aspect  d'une  terre  attardée  dans 
son  évolution.  —  Nulle  part  les  plantes  n'offrent  moins 
'  de  ressources  alimentaires ,  soit  aux  animaux ,  soit  à 
l'homme.  Les  espèces  propre^  à  la  nourriture,. le  datier. 


BU  SIÈCLE.  369 

le  bananier,  la  canne  à  sucre,  les  espèces  susceptibles  de 
servir  à  la  fabrication  des  tissus,  telles  que  le  lin ,  le  chan- 
vre ou  le  phormium  tenax  de  la  Nouvelle-Zélande,  y 
manquent  absolument  ;  les  fruits  sont  généralement  ligneux 
et  coriaces;  les  plantes  possèdent,  pour  la  plupart,  des 
feuilles  linéaires  coriaces  ou  épineuses,  incapables  de 
donner  la  fraîcheur  ou  l'ombrage  au  voyageur  fatigué  : 
rien  pour  l'utilité,  rien  pour  le  bien-être,  rien  pour  le 
charme  et  la  poésie  sur  cette  terre  aux  riches  entrailles , 
aux  plaines  si  fertiles  quoiqu'en  apparence  deshéritées.  — 
Déjà  l'Australie  nourrit  d'immenses  troupeaux,  et  chaque 
jour  elle  marche  d'un  pas  plus  assuré  vers  son  avenir. 

La  faune  de  cette  contrée  est  en  harmonie  avec  le  sol 
et  avec  la  flore,  car  partout  la  grande  loi  de  solidarité 
réunit  et  associe  les  cours  d'eau,  les  plaines,  les  montagnes, 
les  mers  ambiantes,  la  climature,  les  plantes  et  les 
animaux.  —  Les  rapports  qui  existent  entre  les  espèces 
organiques  sont.dommés  par  cette  loi:  que  les  organismes 
vivent  les  uns  des  autres.  On  dirait,  de  cette  partie  du 
monde,  un  défi  jeté  par  la  nature  aux  Cuvier  et  aux  autres 
faîsems  de  classifications  ;  un  démenti  continuel  donné  à 
ceux  qui,  soit  par  faiblesse  d'intelligence,  soit  par  calcul 
d'ambition  ou  d'intérêt,  voudraient  soumettre  le  monde 
des  savants  et  des  philosophes  aux  enseignements  d'un 
livre  écrit  selon  la  science  de  mille  ans  avant  notre  ère.  — 
Ici  rien  qui  ressemble  aux  espèces  domestiques  des  anciens 
continents,  rien  qui  rappelle,  dans  le  règne  animal,  les 
ours,  les  lions,  les  tigres,  les  éléphants,  les  bœufs  et  ]o> 
grands  animaux  du  vieux  monde. 

On  trouvait  en  AustraUe,  avant  que  les  européens  y 
eussent  porté  leurs  plantes,  leurs  animaux,  leurs  maisons 
et  leurs  chemins  de  fer,  des  chiens  très-différents  de  ceux 
de  l'ancien  continent  et  formant  peut-être  une  espèce  à 
part,  quoiqu'il  soit  aussi  très-naturelde  penser  qu'ils  étaient 
là ,  comme  presque  partout ,  en  rapport  de  sociabilité  avec 
leurs  maîtres.  On  y  voyait  grand  nombre  d'animaux  ayant 
une  poche  sous  le  ventre  pour  y  placer  leurs  petits ,  ou 
se  rapprochant  du  genre  qui  possède  ce  caractère  ;  divers 
kangarous,  dont  l'un  très-rapide  à  la  course;  des  chauves- 


570  PHILOSOPHIE 

souris,  quelques-unes  très-grandes.  On  y  trouvait  et  on  y 
trouve  encore  des  monotrèmes,  êtres  incertains  qui  ne 
cadrent  pas  avec  les  classifications  faites  selon  la  doctrine 
de  Cuvier,  et  que  la  nature  a  placés ,  parleurs  organismes, 
sur  les  limites  de  grands  groupes  :  on  dirait  des  têtards 
particuliers ,  des  protées  plus  curieux  encore  que  Tangui- 
forme  des  mines  de  Carniole  et  de  Carinthie.  —  Quoi  de 
plus  extraordinaire  que  Tornithorinque  avec  ses  quatre 
pattes  palmées  comme  la  grenouille ,  son  bec  de  canard , 
son  corps  couvert  de  poils?  Ne  touche- t-il  pas  à  la  fois 
aux  mammifères,  aux  oiseaux,  aux  reptiles?  Négati(m 
vivante  des  doctrines  de  certains  naturalistes  sur  les  genres 
et  les  espèces ,  c'est  un  être  en  retard  dans  ses  transforma- 
tions. On  trouve  aussi,  en  Australie,  les  phalangers 
volants ,  réchidné  et  le  menure ,  oiseau  inconnu  des  autres 
continents. 

Sur  cette  terre  aux  habitudes  climatériques  si  étrange* , 
aux  sources  salées,  aux  grands  marécages,  aux  tourbières 
des  époques  si  improprement  appelées  anté-diluviennes , 
sur  cette  terre  où  tout  est  transition  entre  les  organismes 
des  âges  géologiques  et  ceux  du  nôtre ,  l'homme  est  aussi 
mie  transition  en  harmonie  av^c  la  nature  ambiante^  On 
dirait  de  lui ,  et  il  l'est  en .  effet ,  l'un  des  anneaux  qui 
relient  les  espèces  de  notre  genre  aux  singes  :  les  bimanes 
aux  quadrumanes. 

La  langue  de  l'Australien  est  dans  l'enfance  :  c'est  un 
gloussement  articulé,  presque  monosyllabique,  qtti  n'a 
rien  de  commun  avec  les  doux  idiomes  de  l'Océanie ,  aux 
mots  coulants  et  plein  de  voyelles.  Presque  constamment 
le  substantif  australien  se  termine  par  un  son  dur  et  gutturai 
en  s'arrêtant  sur  des  consonnes.  L'idiômc  varie  de  tribu  à 
tribu.  Nulle  part  il  n'existe,  chez  aucune  peuplade  connue, 
de  système  de  numération.  Compter  jusqu'à  trots,  c*«e^l 
pour  eux  difficile,  et  Ton  dirait  que  compter  jusqu'à  six 
ou  sept  est  une  idée  transcendante.  —  Les  hommes  de 
génie  du  pays  n'ont  pu  comprendre,  jusqu'à  ce  jour,  ni 
la  centaine  ni  la  dixaine.  Tel  est  le  récit,  peut-être 
exagéré,  des  voyageurs;  mais  ce  récit ,  par  son  exagération 
réelle  ou  supposée,  ne  témoigne  -que  trop  de  la  profonde 


DU  SIÈCLB.  571 

ignorance  et  aussi  de  la  profonde  incapacité  intellectuelle 
des  Australiens.  —  Ne  sachant  compter,  ils  n'ont  à  plus 
forte  raison  aucun  signe  mnémonique  qui  corresponde  à 
récritare  la  plus  native.  Très-habiles  à  grimper,  ils  montent 
dans  les  arbres  arec  une  dextérité  singulière.  N'ayant  ni 
rintelligence ,  ni  le  fer,  ce  grand  instrument  de  la  civilisa- 
tion ;  placés  très  au  dépourvu  sur  use  terre  inhospitalière  ; 
privés  de  fruits,  de  légumes ^  d'animaux  domestiques  ou 
que  Voa  ait  réussi  à  rendre  tels,  les  Australiens  paraissent 
rebelles  à  toute  civilisation.  Les  voyageurs  les  jugent  tels , 
mais  c'est  une  erreur:  la  vérité,  c'est  qu'il  faudrait  des 
sièdes  de  bons  soins  pour  relever  cetle  race  si  inférieure. 

La  femme  d'Australie  n'est  ni  une  épouse ,  ni  la  douce 
compagne  d'un  foyer  domestique ,  mais  une  femelle  avec 
laquelle  le  m&le  s'accouple  brutalement  ;  une  esclave  qu'il 
accable  des  plus  pénibles  travaux. 

Tout  fait  penser  que  l'Australien  est  originaire  des  lieux 
qu'il  habite;  cependant  s'il  est  improbable,  il  n'est  pas 
impossible  qu'issu  primitivement,  mais  par  croissaient  de 
races  déjà  inférieures,  il  se  soit  encore  abaissé  et  dégradé 
sous  le  triple  rapport  physique,  intellectuel  et  moral,  em 
pratîquimt  la  sauvagerie  dans  des  conditions  d'existence 
assez  difficiles.  Ses  membres,  dénués  de  vigueur,  sont 
Icmgs,  xû^igres ,  grêles  et  assez  faibles  ;  ses  cheveux  lisses , 
courts  et  noirs  ;  sa  tète  est  ronde ,  assez  semblable  à  celle 
d'un  singe  :  elk»  pr^ente  un  angle  facial  de  75  degrés.  Le 
iront  fuit  de  manière  à  n'offrir  au  plus  q\m  le  tiers  en 
élévatipn  du  front  d'un  Européen  bien  constitué.  Comme 
danfi  toutes  les  races  inférieures,  le  coEiduit  auditif  est  plas 
rapproché  des  sourcils  et  du  sommet  du  front  que  dans  les 
Tàces  dites  caucasiennes.  Les  ailes  du  nez  sont  relevées. 
DçsJÀ¥res  épaisses  et  proéminentes  domient  à  l'Austrdien 
autant  de  ressemblance  au  singe  mandrille  qu'avec  les 
beaux  types  européens.  Son  sourcil  est  épais  et  recouvre 
une  arcade  saillante  ;  mais  son  principal  caractère,  c'est 
d'aYoir.un  abdomen  excessivement  développé,  de  pouvoir 
vivte  ^plusieurs  jours  sans  manger  et  de  pouvoir  consommer, 
quand  il  a  des  vivres  «  une  énorme  quantité  de  ndurriture. 
De  loin,  on  dir^^it  des  habitants  de  cette  contrée  autant  de 


372  PHILOSOPHIB 

femmes  enceintes.  S'il  ne  possédait  le  don  de  la  parole  et 
l'usage  du  feu,  l'Australien  pourrait  paraître  souvent 
inférieur  à  quelques  animaux  d'un  autre  genre,  tels  que 
l'éléphant,  ou  à  des  animaux  plus  rapprochés,  tels  que  le 
chimpanzé,  qui  ne  lui  cède  guère  ni  dans  l'art  de  cons- 
truire des  cabanes ,  ni  dans  la  plupart  de  ses  actes  sociaux. 
Quelques  voyageurs  vont  jusqu'à  dire  que  le  singe  chim- 
panzé offre  plus  de  bienveillance  ,  plus  de  sociabilité  dans 
ses  relations,  plus  d'aptitudes  naturelles  pour  faire  un 
excellent  serviteur.  L'Australien  n'est  pas  habile  à  la  guerre  ; 
il  manque  d'adresse  à  se  créer  des  armes:  il  est  resté, 
sous  ce  rapport,  au-dessous  des  populations  les  plus 
sauvages  des  lies  voisines.  Jusqu'à  ce  jour,  toutes  les 
tentatives  faites  pour  en  civiliser  quelques-uns  ont  com- 
plètement échoué. 


OCÉANIE. 


Tous  les  jaunes  de  la  mer  du  Sud ,  qu'on  les  étudie 
dans  la  Nouvelle-Zélande ,  à  Otahiti ,  aux  Iles  Marquises , 
doivent  être  considérés  comme  appartenant  à  une  même 
race ,  comme  les  rameaux  d'une  même  souche.  Nul  ne 
saurait  dire  d'où  ils  viennent;  mais  il  est  plus  facile 
d'établir  qu'ils  ne  ressemblent  ni  aux  Chinois,  ni  aux 
Japonais,  ni  aux  peaux -rouges  de  l'Amérique  du  Nord, 
soit  pour  le  langage ,  soit  pour  le  physique ,  soit  pour  les 
mœurs  et  les  traditions. 

Il  serait  puéril  d'attacher  aux  détails  de  la  cranioscopie 
une  ^importance  qu'ils  ne  sauraient  avoir  ;  mais  la  physio- 
logie ne  saurait  néghger  les  formes  générales  du  crâne ,  en 
tant  qu'elles  semblent  correspondre  à  des  caractères  nette- 
ment dessinés.  —  Il  y  a  eu  sans  doute  une  époque  où 
tous  les  jaiuaes  de  l'Océanie  avaient  des  têtes  et  des  orga- 
nisations cérébro  -  înteU'ectuelles  presque  identiques  : 
auiourdftui  la  différence  la  plus  tranchée  sépare  les  canni- 
bales,  c'est-à-dire  les  Islandais,  et    les  habitants    des 


BU  SIBGLB.  S'/3 

Marquises,  des  habitants  de  File  d'Otahiti.  Chez  les 
premiers,  la  tête  est  généralement  très-dévelopjpée  dans  sa 
partie  postérieure  et  au-dessus  des  oreilles;  le  front  est 
bas  et  fuyant.  Les  beaux  types  d*Otahiti  se  distinguent  par 
des  fronts  socratiques. 

Les  mariages  des  femmes  jaunes  de  ces  contrées  avec 
les  Européens  donnent  naissance  à  des  enfants  très- 
bien  constitués,  tous  très-vivaces ,  même  sous  le  climat 
de  réquateur.  Ces  hybrides  ont  une  coloration  un  peu 
terreuse  et  se  distinguent  souTent  par  ime  remarquable 
beauté. 

Ces  mariages  sont  très*reproducteurs ,  et  pour  peu  que 
le  père  soit  sage  en  sa  conduite,  le  nombre  des  garçons 
est  à  peu  près  équivalent  à  celui  des  filles. 

Mon  ami  le  capitaine  Lapeyre ,  qui  a  passé  trois  ans  aux 
Marquises ,  où  il  était  au  mieux  avec  les  naturels ,  et  long- 
temps stationné  en  Océanie,  a  été  témoin,  chez  ces 
peuples,  de  neuvaines  de  volupté.  —  Un  beau  jour, 
plusieurs  couples  quittent  leurs  familles ,  emportant  avec 
eux  des  provisions  ;  ils  ne  reviennent  qu'épuisés  par  les 
plaisirs  et  après  avoir  consommé  leurs  vivres.  —  Il  a 
aussi  observé  ces  indigènes  dans  les  drames  sauvages  de 
leur  antropophagie.  Dans  ces  repas  féroces ,  nous  a-t-il  dit, 
toutes  leurs  facultés  sont  perverties;  ils  semblent  dominés 
par  une  aveugle  fureur. 

Très-probablement  l'insuffisance  de  la  nourriture  a  été , 
dans  le  principe,  la  cause  de  Tantropophagie  de  ces 
peuples.  Cette  insuffisance,  assez  fréquente  aux  Marquises, 
est  habituelle  dans  la  Nouvelle-Zélande,  où  manquent  les 
animaux  domestiques.  Beaucoup  de  plantes  y  sont  impro- 
ductives ;  les  autres  ne  fournissent  que  des  fruits  nuisibles, 
souvent  même  vénéneux. 

Le  contact  des  Européens  semble  mortel  pour  les 
Océaniens  ;  mais  en  y  regardant  avec  attention ,  on  re- 
marque bientôt  combien  Tunion  des  blancs  avec  les 
jaunes  de  ces  contrées  est  singulièrement  reproductive  : 
elle  donne  naissance  à  des  métis  remplis  ^l  qualités 
intellectuelles  et  physiques ,  aussi  beaux  qu'in^K^nts  et 
beaucoup  plus  propres  que  les  Européens  à  soutenir  le 


574  PHILOSOPHIE 

rude  climat  de  la  zone  torride.  Améliorée  par  Téducalion , 
cette  race  croisée  deviendra  la  race  dominante  de  ces 
itonirées. 

Les  lies  plus  voisines  de  rAostralie  sont  habitées,  les 
unes,  par  des  nègres,  les  autres,  par  des  Malais:  les 
premiers,  surtout  les  Papouasiens,  sont  des  hommes 
inférieurs;  les  seconds,  qui  occupent  Java,  Sumatra, 
Bornéo  et  une  partie  des  Moluques,  semblent  tenir  le 
milieu  entre  les  ludous  et  les  Chinois  ;  ils  sont  très-prqba- 
blement  le  résultat  d'un  croisement  et  varient  d'une  tle  à 
Tautre.  Leur  civilisation  n'est  pas  très-avancée ,  et  souvent 
ils  se  permettent  encore  un  régal  de  chair  humaine.  — 
Dans  l'ile  de  Bornéo ,  que  nous  venons  de  citer,  se  trouve 
presqu'exclusivement  l'orang-ontan,  ce  singe  oui  ressemble 
tant  à  rhomme,  surtout  dans  sa  jeunesse.  Il  en  existait 
autrefois  des  troupes  nombreuses  dans  le  royaume  de  Siam 
et  dans  la  Cochinchine  ;  mais  il  devient  plus  rare  de  jour 
en  jour,  et  probablement  il  disparaîtra  complètement  de 
la  surface  du  globe.  Jeune,  il  présente  l'angle  facial  de 
beaucoup  de  nègres  ;  plus  Agé,  il  a  le  cr&ne  proportionelle- 
ment  beaucoup  moins  développé  dans  les  parties  anté- 
rieures: ce  qui  correspond  à  la  douceur  de  sa  jeunesse  et 
aux  m<Burs  sauvages  d'an  âge  plus  avaincé.  Sa  femelle  a 
ses  mois  comme  la  femme.  Les  orang-outangs  que  nous 
avons  vus ,  étaient  médiocrement  intelligents  ;  mais  on  en 
rencontre  à  Java  qui  rendent  mie  foule  de  services  do- 
mestiques aux  personnes  qui  les  possèdent.  Cet  minimal 
ne  j^eut  vivre  en  Europe  ;  il  y  meurt  rapidement  de 
phtysie  :  aussi  n'est^e  point  en  France  ,  mais  bien  dans 
les  colonies  hollandaises  que  l'on  pourrait  tenter  sa  doaies- 
tication;  toutefois  elle  ne  serait  pas  sans  difficulté.  -^  Les 
singes  sauvages  de  Bornéo  sont  excessivem«9it  féroces 
quand  ils  sont  vieux  ;  leur  agilité ,  leur  intrépidité  dans  la 
lutte  et  leur  hoirible  figure  les  rendent  très^angereixi.  Le 
voyageur  Diard  m'a  affirmé  qu'ils  lui  ont  toujours  causé 
plus  d'impression ,  dans  les  diasses  qu'il  a  faites  à  Bornéo , 
que  les  tmres  qu'il  a  rencontrés  pendant  ses  excursions  dahs 
le  Beng^lpet  dans  l'est  de  l'Asie*  > 

Les  lies  de  rOoéjanie.,  de  la  J^apeuasie  et  de  la  Malaisie 


BU  SIÂCLE.  575 

ne  peuvent  pas  être  considérées  comme  des  centres 
d'évolution  animale.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  Madagascar  ; 
ses  rac^s  humaines  et  ses  grands  quadrupèdes  semblent 
importés;  mais  on  y  trouve  des  makis,  singes  spéciaux 
qui  forment  la  transition  entre  les  singes  ordinaires  et  les 
carnivores;  un  singe  écureuil  appelé  ayeaye  et  quelques 
autres  animaux  que  Ton  ne  voit  pas  ailleurs. 

On  y  a  trouvé  tout  récemment  quelques  œufs  et  plusieurs 
fragments  d'os  d'un  oiseau  dont  la  disparition  complète  est 
de  date  assez  récente.  La  tradition  du  pays  rapporte  que 
cet  animal  ressemblait  à  un  petit  nuage  quand  il  planait 
dans  tes  airs ,  et  qu'il  pouvait  attaquer  et  tuer  rapidement 
un  bœuf,  l'enlever  même  au  besoin.  Hais  M.  Isidore  Saint- 
Hylaire,  en  reconstruisant  cet  oiseau  avec  les  fragments 
d'os  qu'il  avait  sous  les  yeux>  l'a  dépouillé  de  ses  caractères 
traditionnels  pour  lui  en  donner  d'autres. 

Des  fragments  plus  complets  existent  encore  à  Bourbon, 
et  seraient  de  nature ,  si  nous  sommes  bien  instruits ,  à 
mod^er  un  peu  l'opinion  du  savant  anatomiste  du  Jardin 
des  Plantes.  U  existe  aussi  en  ce  moment,  à  Nantes,  des 
o^uls  de  cet  oiseaux  qui  sont  un  peu  plus  gros  que  l'œuf 
quB  Paris  possède.  Evidemment  cet  animal  est  le  plus 
grand  des  oiseaux  qui  oai  vécu  sur  le  globe  ;  nous  admet- 
tons volontiers  qu'il  ait  dû  avoir  quatre  mètres  de  hau- 
teur. 

Les  nègres  qui  habitentrUe  malgache  sont  très-intelligents; 
leuirorigine  positive  est  incertaine.  De  nombreux  croisements 
oaX  pu  et  dû  avoir  lieu  à  Madagascar,  entre  les  Ethyopiens , 
les  Arabes,  les  Ipdous  et  les  naturels:  aussi  les  esprits 
sérieux,  qui  ne  se  contentent  pas  de  vagues  aperçus ,  ne 
saufaient-ils  se  proncmoer  sur  les  races  actuelles.  Toute- 
fofê .  nous  avcms  remarqué  parmi  les  nègres  de  Mada- 
gasear,  des  hommes  au  fioont  peu  élevé,  mais  large  et 
développé  dans  ^la  partie  des  iacultés  perceptives.  Ces 
hommes  réussisseaat  très-bien  dans  les  arts  ;  ils  deviennent 
aiséiQwt  musiciens,  charpentiers,  ouvriers  d'états,  dessi- 
nateui^,  seulpteim  et  mémo  calculateurs  habiles.  Leur 
croisement  avec  la  race  blanche  donne  lieu  au4lllproduits 
les  fim^  intéressants  sous  lie  double  rapport  de  la  forme 


576  PHILOSOPHIE 

et  de  rintelligence  ,  les  hybrides  qui  en  proviennent  étant 
souvent  remarquables  même  au  milieu  des  Européens. 

Madagascar  est  traversé,  du  Nord  au  Sud,  par  une  arrête 
montueuse  qui  présente  des  élévations  de  5,800  mètres. 
Cette  île  se  compose  presqu'en  entier  de  terrains  cris- 
tallisés; les  terrains  tertiaires,  ainsi  que  les  grandes 
alluvions  de  l'époque  moderne,  y-  sont  assez  rares.  On 
peut  en  dire  autant  de  Sumatra,  de  Bornéo  et  de  la 
Nouvelle-Zélande,  ainsi  que  de  la  Papouasie;  mais  lava 
et  presque  toutes  les  îles  de  la  mer  du  Sud  appartiennent 
aux  terrains  volcanique. 

Il  serait  par  trop  naïf  d'étudier  le  mariage  chez  la  plu- 
part des  peuples  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici.  Toutefois 
si  les  uns  font  de  la  femme  une  esclave ,  chez  les  autres 
la  beauté  et  la  volupté  lui  créent  une  position  assez  indé- 
pendante; mais  tous  sont  destinés  à  disparaître  ou  à  se 
transformer.  Les  choses  marcheraient  bien  plus  vite ,  si  le 
vieux  monde  avait  la  sagesse  de  présider  à  l'évolution  du 
nouveau.  La  Nouvelle-Zélande  sera,  si  on  le  veut,  l'une 
des  premières  à  entrer  dans  une  vbie  nouvelle  :  le  nombre 
des  habitants  indigènes  y  diminue  considérablement,  et 
l'antropophagie  y  contribue  beaucoup.  —  Il  y  a  quelques 
années  à  peine ,  une  tribu  dont  quelques  membres  avaient 
été  mangés  par  une  autre  assez  éloignée,  fréta  un  navire 
européen  et  vint  jeter  l'ancre  près  de  la  horde  ennwnie. 
Les  chefs  de  celle-ci  étant  venus  à  bord ,  on  les  massacra  ; 
puis  on  attaqua  leurs  frères  à  l'improviste  et  avec  une 
grande  énergie  :  tous  furent  tués  ou  pris,  tous  furent 
mangés  :  ces  affreux  cannibales  ne  quittèrent  les  lieux 
qu'après  avoir  fait  entièrement  disparaître  leurs  ennemis. 

Pareille  cruauté  nous  révolte  ,  et  cependant,  dans  leurs 
guerres  politiques ,  dans  leurs  guerres  de  religion  surtout , 
les  Européens,  à  l'antropophagie  près,  se  sont  montrés, 
pendant  et  depuis  le  moyen-âge  ,  bien  cruels  et  bien 
raffinés  en  barbarie;  d'où  cette  conclusion:  que  partout 
sur  la  surface  du  globe  le  genre  homme ,  en  ses  diverses 
espèces^ 'est  point  encore  arrivé,  même  dans  les  espèces  les 
plus  sulfcrieures,  à  dominer,  parla  science  et  la  morale  qu'elle 
nousenseigne,  les  tendances  purement  animales  de  sa  nature. 


DU  SIÈCLB.  577 


AFRIQUE   DU   SUD. 


L'Afrique  se  divise  en  deux  parties  :  Tune  supérieure  ; 
l'autre  inférieure ,  située  entièrement  au-dessous  du  quin- 
zième degré  de  latitude  Nord.  Celle-ci,  très-peu  connue 
géographiquement ,  ne  Test  pas  mieux  au  point  de  vue 
géologique.  On  suppose  que  son  intérieur  se  compose  de 
terrains  cristallisés  et  qu'il  renferme  des  mers  assez  consi- 
dérables ;  on  sait  du  reste  que  les  terrains  tertiaires  forment 
une  l(H)gue  bande  le  long  de  la  côte  Est  et  qu'ils  pénètrent 
dans  les  terrains  intermédiaires  du  Cap ,  qui  est  bordé  sur 
la  côte  Est  par  des  terrains  secondaires.  On  connaît  aussi 
quelque  peu  la  nature  des  côtes  du  Grand  Golphe ,  et  de 
cette  partie  au  Sud  du  Sénégal  où  divers  Européens  ont 
pénétré. 

Le  cap  de  Bonne-Espérance  et  toute  celte  partie  Sud  de 
l'Afirique  qui  nous  occupe,  possèdent  une  flore  spéciale  ; 
leur  faune  n'est  pas  moins  remarquable.  On  trouve  au 
Cap,  le  curieux  insecte  le  thermite,  qui  vit  en  communauté 
dans  des  demeures  spacieuses  et  bien  construites  ;  des 
oiseaux  remarquables  que  l'on  ne  retrouve  pas  ailleurs  ; 
un  éléphant  aux  grandes  oreilles ,  un  rhinocéros  spécial , 
une  girafe;  un  zèbre  ou  Ane  tigré,  solipède  tout-à-fait 
distingué  par  ses  formes  et  son  pelage;  le  couagga ,  autre 
cheval  intéressant;  des  antilopes,  un  bufle  aux  larges 
cornes,  un  lion  à  crinière  noire  et  plusieurs  singes  parmi 
lesquels  le  chimpanzé,  si  rapproché  de  l'homme  par  son 
intdligebce. 

En  fait  d'espèces  humaines,  on  trouve  au  Cap,  des 
nègres  appartenant  à  la  race  caffre  et  des  Hottentots  qui 
oeeupaient  exclusivement  la  côte  du  Sud  avant  que  les 
Européens  y  fussent  établis.  Ces  derniers  sont  considérés 
par  beaucoup  d'anatomistes  et  de  naturalistes,  comme 
l'une  des  transitions  entre  le  genre  homme  ou  bimane  et 
le  genre  singe  ou  quadrumane.  Us  ont ,  comme  les  qua- 


578  PHILOSOPHIE 

drumanes,  les  os  propres  du  nez  soudés  à  une  seule 
lame  ;  leur  humérus ,  ou  os  du  bras ,  est  extrêmement 
long  et  percé  d'un  trou  pour  recevoir  Tolécrane.  Ce  carac- 
tère ostéologique  les  sépare  d'une  manière  absolue  des 
autres  races  humaines,  pour  les  rapprocher  des  singes  et 
des  divers  carnivores  auxquels  il  appartient.  Leur  angle 
facial  n'est  pas  tout-à-fait  de  75  de^és.  Déprimée  an 
front,  leur  tète* fuit  en  pointe.  Les  parties  du  cr&ne  qui 
correspondent,  d'après  nous,  à  l'ensemble  des  facultés  céré- 
bro-humaines, et,  d'après  notre  maître  et  ami  le  D*^  Gall , 
aux  organes  du  pbilosophisme,  de  l'idéal,  de  la  religiosité, 
de  la  sociabilité,  annoncent  un  état  mdimentaire  de  cette 
partie  du  cerveau:  aussi  leur  profil  rappelie-t-il  singu- 
lièrem^t  celui  des  animaux.  Leurs  dents  incisives  et  leur 
menton  donnent  à  ce  profil  une  grande  ressemblance  avec 
celui  des  singes.  Leurs  yeux  écartés,  leur  front  aplati , 
des  pommettes  et  des  arcades  zygomatiques  très-saillantes 
achèvent  de  donner  à  leur  figure  une  aractère  d'animalité 
qui  est  d'ailleurs  en  harmonie  parfaite  avec  leurs  mœurs. 
Leur  nez  n'en  est  pas  un  :  épaté  ^  beaucoup  plus  écrasé 
que  chez  les  autres  nègres,  il  présente  deux  nazearrx 
véritables.  Leur  pied ,  très-différent  du  nôtre  et  même  du 
pied  des  autres  nègres,  laisse  sur  le  sol  une  empreinte 
caractéristique.  Les  femmes  de  cotte  espèce  humaine  ont , 
comme  les  femelles  des  singes,  d'énormes  protubérances 
de  graisse  à  la  partie  supérieure  des  fesses.  Les  naturalistes 
ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  qu'ils  appellent  leur  tablier. 
—  Le  développement  très-considérable  des  nymphes ,  qui 
ne  se  présente  chez  nous  qu'exceptionnellement  et  presque 
toujours  sous  l'influence  de  la  syphilis ,  est  chez  eUes  le 
fait  habituel.  Les  jeunes  filles  ont  les  seins  arrondis  ;  mais 
ils  sont  gros  et  pendants  chez  les  femmes  qui  ont  eu  des 
enfants  ;  ils  présentent  une  auréole  noire  d'environ  quatre 
pouces  de  largeur,  qui  est  creusée  de  rides  rayonnées.  — 
Les  Hottentots , vivent  peu  :  adultes  de  bonne  heure,  vieux 
à  quarante  ans ,  ils  dépassent  rarement  l'Âge  de  cinquante 
ans.  —  Il  serait  très-curieux  de  constater  si  la  grcMSsesse 
des  Hottentotes.  est  exactement  de  neuf  hhhs,  comme  ^le 
des  femmes  des  autces  mces  humifines ,  et  de  fixer  d'4}ne 


DU  siiCLB.  579 

manière  précise  l'époque  de  leur  puberté  et  de  leur  nubilité 
ou  complet  développement. 

Le  langage  des  Hottentots  est  a  peine  articulé  ;  on  Ta 
même  comparé  au  gloussement  ou  dindon.  Ils  vivent 
sans  loix,  sans  règles,  dans  une  misère  égale  à  leur 
paresse;  pour  eux,  penser  et  réfléchir,  c'est  encore  tra- 
vailler, et  tout  travail  leur  est  odieux. 

Les  Câffres  avoiunent  les  Hottentots,  mes  ils  leur  sont 
très-supérieurs.  Partout  où  ces  deux  espèces,  fort  diffé- 
rentes, se  marient  et  se  mélangent,  la  race  titrée  en 
facultés  élève  à  elle  la  race  inférieure ,  qui  gagne  beaucoup 
au  croisement  et  disparaît.  —  Ils  ont  la  lèvre  épaisse,  les 
incisives  saillantes,  une  baii)e  plus  forte  que  les  autres 
nègres.  En  général  ils  sont  d'assez  beUe  taille  et  bien 
constitués  ;  mais  leurs  femmes  sont  rarement  aussi  grandes 
qu^  chez  nous,  ce  qui  tient  probablement  à  des  mariages 
trop  précoces  ;  elles  sont  du  reste  très-bien  faites.  Chez 
ce  peuple ,  le  front  développé  annonce  des  hommes  suscep- 
tibles d'arriver  rapidement  à  la  civilisation  ;  ils  eussent  été, 
sous  ce  rapport,  les  égaux  des  blancs,  si  le  climat  qui  les 
nourrit  et  vêtit  n'avait  réduit  leurs  besoins,  cette  source 
puissante  du  progrès. 

Quelques  auteurs  les  représentent  comme  ayant  le  nez 
aquilin;  mais  cette  assertion  n'est  vraie  que  pour  des 
injdividus  isolés,  ou  tout  au  plus  pour  quelques  tribus. 
Pour  nous,  nous  ne  saucions  établir  de  différence  très- 
tranchée  entre  certaines  tribus  caâres  et  les  Yolofs,  les 
individus  de  ces  deux  races,  que  nous  avons  examinés  à 
no^re  loisir,  nous  ayant  paru  présenter  des  caractères  ana- 
tomiques  et  physiologiques  presque  identiques. 

Le  chimpanzé  ou  kempazé  mérite  une  mention  spéciale , 
à  £dté  des  races  humaines  qui  habitent  l'Afrique  méridio- 
nale. Ses  oreilles,  plus  grandes  que  celles  de  l'hoiume  et 
deJ'orang-outang,  sont  un  peu  mobiles,  ce  qui  annonce 
un  être  plus  craintif  que  guerrier.  Son  œil  est  surmonté 
de  crêtes  surcilières;  ses  bras,  plus  longs  encore  que  ceux 
du.Hottentot,  atteignent  le  bas  de  la  cuisse.  Il  se  ccmstruit, 
au  sein  des  boi3»  des  cabax^es  de  feuiUage,  lance  les 
pierres  a^veq.  a^res^e  et  junrcke  avec  un  bâton  dont  il  se 


380  PHILOSOPHIE 

sert  au  besoin  pour  se  défendre.  On  va  même  jusqu*à  dire 
qu'il  enterre  ses  morts  sous  des  pierres  et  des  feuillages. 
Leur  mariage  est  monogame  :  le  mâle  aime  tendrement  sa 
femelle  ;  il  est ,  comme  époux ,  bien  supérieur  au  sauvage 
de  l'Australie.  L'un  et  l'autre  sont  des  parents  dévoués  à 
donner  Texemple  à  plus  d'une  race  humame.  Les  chimpan- 
zés vivent  par  troupes  et  paraissent  très-sociables  ;  souvent 
ils  enlèvent  d»  jeunes  nègres  et  des  négresses  qui  n*ont 
point  à  s'en  plaindre.  —  Dans  la  domesticité ,  ils  rendent 
à  ceux  qui  les  possèdent  presque  tous  les  services  que  l'on 
peut  attendre  d'un  esclave  ;  souvent  même  ils  font  mieux 
que  bien  des  nègres.  On  peut  leur  demander  de  veiller  à 
la  cuisine  et  de  servir  à  table  ;  ils  font  la  manœuvre  à  bord 
des  navires  avec  une  remarquable  adresse.  Impossible  de 
trouver  sous  le  climat  des  tropiques,  le  seul  permis  à  leur 
constitution  i  des  matelots  plus  agiles.  Dans  l'antiquité ,  ils 
n'habitaient  pas  seulement  le  Sud  de  ce  continent  :  on 
rapporte  que  les  Carthaginois  en  tuèrent  dans  une  île 
occidentale,  et  qu'ils  crurent  avoir  affaire  à  des  hommes 
sauvages.  Hannon,    leur  chef,   rapporta  leurs  peaux  à 
Carthage,  où  elles  furent  suspendues  dans  le  temple  de 
Junon.  Tous  ceux  que  l'on  a  importés  dans  nos  contrées 
ont  donné  les  plus  grandes  preuves  d'intelligence.  Leur 
enfance  est  plus  rapide  en  son  évolution  que  celle  de 
l'homme  :  à  trois  ans  ils  sont  adolescents.  Ce  serait  une 
utile  et  glorieuse  entreprise  que  celle  de  les  rendre  domes- 
tiqfues  et  de  les  utiliser  pour  une  foule  de  travaux  que  le 
climat  brûlant  de  l'équateur  défend  même  à  la  race  noire. 
Us  sont  si  habiles  grimpeurs i  si  adroits  à  manier  le  bftton, 
qu'on  pourrait  les  emplover  à  la  chasse  et  à  la  cueillette  des 
fruits.  —  Depuis  peu  Ion  a  découvert,  sur  les  bords  du 
Sénégal,   une  seconde  espèce  de  chimpansé,  mais  elle 
paraît  inférieure  à  la  première  en  inteUigence. 


AFRIQUE  BU  NORD. 

Ritter,  dans  sa  grande  étude  sur  les  rapports  de  la  terre 


DU  SIBCLB.  581 

avec  la  nature  et  avec  l'histoire  de  Thomme ,  nous  parle 
ainsi  du  continent  africain  : 

a  Toute  TAfirique  méridionale,  depuis  la  côte  du  cap  de 
Bonne-Espérance  jusqu'à  l'équateur,  et  même  jusqu'au 
&*  et  10**  lat.  Nord,  forme  un  grand  plateau  continu, 
plateau  immense  qui  s'abaisse  des  deux  côtés  en  plusieurs 
terrasses  échelonnées,  à  l'Est,  vers  l'Océan  Indien,  à 
rOnest ,  v^rs  l'Océan  Ethiopique  ou  du  Sud.  ' 

»  Les  sources  les  plus  méridionales  du  Nil,  situées  du 
7"  au  8°  lat.  Nord  ;  celles  du  Joliba  ou  Niger  et  du  Sénégal, 
situées  entre  le  10*  et  le  11**  lat.  Nord,  déterminent  l'éten- 
due du  plateau  au  Nord. 

»  Le  long  des  côtes,  les  terrasses  sont  plus  ou  moins 
bordées  de  chaînes  de  montagnes,  qui  toutes  se  dirigent 
du  Sud  au  Nord. 

»  Le  plateau  d'Afrique,  autant  que  nous  pouvons 
l'induire  de  nos  connaissances ,  n'est  traversé  ni  dans  sa 
largeur,  ni  dans  sa  longueur,  par  aucun  fleuve ,  et  n'est 
par  conséquent  nulle  part  divisé. 

j»  Au  Sud,  c'est  la  mer  qui  en  forme  la  limite  ;  au  Nord, 
nous  ne  connaissons  ses  limites  que  dans  les  Alpes  du 
Habech,  et  dans  les  montagnes  du  Kong  ,  du  côté  opposé. 

»  A  l'Est  et  à  l'Ouest,  le  plateau  est  borné  par  des 
chaînes  de  montagnes  intérieures,  formant  un  parallélisme 
avec  les  chaînes  de  montagnes  des  côtes.  Il  est  habité ,  au 
Sud ,  par  des  peuples  paisibles  et  heureux,  entre  autres 
les  Beetjuanes  ;  son  intérieur  ne  nous  est  connu  que  par 
les  incursions  désastreuses  des  Giaguas  ou  Shaggas ,  vers 
le  milieu  du  seizième  siècle  ;  il  paraît  que  depuis  lors  il  est 
resté  entièrement  inaccessible. 

»  Au  Nord ,  les  guerres  annuelles  de  ses  habitants ,  les 
expéditions  des  Abyssiniens  contre  les  Galla ,  les  Dar-Fours 
et  d'autres  peuplades ,  contre  les  montagnards  de  Douga , 
près  des  sources  de  l'Albavi,  le  rendent  entièrement 
inabordable.  En  d'autres  endroits ,  sous  la  ligne  par  exem- 
ple, la  nature  et  le  climat  des  pentes  opposent  encore 
d'autres  obstacles  insurmontables  à  toutes  lés  recherches , 
ainsi  que  l'ont  prouvé  les  dernières  et  malheureuses  tenta- 
tives. » 


ï 


58â  PHILOSOPHIE 

Nous  supposons ,  nous  croyons  même  savoir  aujourd'hui 
u'il  existe  au  centre  de  l'Afrique ,  au  sein  de  son  plateau, 
e  grands  lacs,  des  mers  intérieures  parsemées  d'Iles ,  et 
qu'il  sera  possible  à  la  civilisation  de  tirer  très-grand  parti 
du  continent  africain ,  le  jour  où  elle  aura  tracé  le  grand 
plan  d'ensemble  des  travaux  à  exécuter  à  la  surface  de  la 
planète. 

Le  Nord  de  l'Afrique  se  compose  de  terrains  tertiaires , 
grande  formation  qui  rapporte  à  la  même  période  géologi- 
que cette  partie  de  l'Afrique ,  presque  toute  l'Arabie  et  la 
Perse ,  le  pourtour  de  la  mer  Caspienne ,  l'anrienne  Polo- 
gne ,  la  vallée  du  Danube ,  le  centre  parisien  de  ranciemie 
France  et  l'embouchure  de  la  Tamise.  Ces  terrains  tertiaires, 
qui  se  décomposent ,  comme  partout ,  en  groupes  divers , 
contiennent  cmq  grands  îlots  volcaniques  :  deux  près  du 
golfo  d'Aden  et  les  trois  autres  dans  le  Fezzdn.  La  mer 
Rouge  est  bordée ,  sur  la  rive  africaine ,  par  des  terrains 
cristallisés,  et  les  terrains  secondaires  forment  une  bande 
qui  s'étend  du  Maroc  à  l'Egypte. 

Le  Nord  de  l'Afrique,  le  Moghreb  des  Arabes,  a  com- 
plètement changé  depuis  les  temps  historiques.  La  tradition 
nous  a  conservé  le  souvenir  de  la  conquête  du  grand  Delta 
de  l'Egypte  qui  formait,  5,600  ans  avant  notre  ère,  un 
immense  marécage.  Une  tradition  plus  confuse  nous  parle 
d'un  pays  des  Atlantes,  qui  se  serait  trouvé  au-delà  du 
détroit  de  Gibraltar  :  c'est  à  Platon  que  nous  en  sommes 
redevables.  Elle  établit  que  les  Atlantes  étaient  autrefois 
un  peuple  très-puissant,  et  que  leur  pays  a  été  enseveli 
sous  les  eaux  par  un  tremblement  de  terre.  Quoiqull  en 
soit  de  ce  souvenir  <5onfus  des  prêtres  d'Egypte,  que  nous 
ne  voulons  pas  discuter  ici,  mais  qui  pourrait  être  eract 
dans  de  certaines  limites,  si  réellement  la  chitmélogie 
égyptienne  remontait  à  36,000  ans  ;  toujours  est-il  bien 
évident,  quand  on  étudie  l'Afrique,  que  le  Shahara  n-est 
qu'une  mer  des  âges  géologiques  analogue ,  à  certains 
égards,  à  celle  du  bassin  parisien.  Les  lacs  qui  devraieïit 
la  féconder  ont  été  desséchés  par  la  brûlante  ardeur  du 
soleil  ;  mais  il  est  possibte ,  tout  le  fait  supposer  et  toutes 
les  études  l'indiquent^  d'y  rappeler  la  vio  et  k  végétation 


DU  SIËGLB.  383 

au  moyeu  de  puits  artésiens.  Ces  faits  sont  importants 
pour  ravenir  agricole  et  ocanmer ciai  de  la  planète ,  mais 
ils  ne  le  sont  pas  moins  au  point  de  vue  de  la  distribution 
des  espèces  animales ,  puisque  les  mers  et  les  déserts  qui 
les  ont  remplacés,  séparent  depuis  la  période  tertiaire,  les 
animaux  et  les  hommes  du  Nord  ;  des  hommes  et  des  ani- 
maux du  Midi  de  l'Afrique. 

Nous  ne  connaissons  que  fort  peu  Tintérieur  du  Moghreb, 
et  les  anciens  ne  nous  ont  laissé  aucune  description 
détaillée  des  vastes  territoires  qu'il  offre  aux  conquêtes 
de  l'humanité.  —  Avant  Les  Carthaginois  ,  la  ligne  médi- 
terranéenne était  presque  déserte  ;  les  plaines  étaient  alors 
plus  humides,  plus  marécageuses,  et  les  montagnes 
offraient  des  bois  plus  considérables.  Les  éléphants,  les 
lions,  les  panthères,  les  serpents  étaient  excessivement 
coDununs  sur  cette  terre  chaude  et  humide.  Près  d'Alger, 
la  plaiue  de  la  Mitidja,  qui  sépare  le  coteau  d* Alger  des 
montagnes  afrioiûnes ,  est  une  alluvion  qui  s'est  élevée 
même  depuis  les  temps  historiques.  En  consultant  les 
auteurs  romains,  on  comprend  que  le  Nord  de  l'Afrique  a 
nécessairement  chaiigé  d'aspect,  avec  les  modifications 
apportées  dans  la  statistique  de  ses  espèces  animales.  Quant 
à  rintérieur  du  continent,  il  n'a  été  effleuré  que  par  sept 
ou  huit  voyageurs,  qui  ont  suivi  en  partie  les  mêmes  routes 
et  qui,  n'étant  pas  musulmans ,  n'étaient  pas  en  position 
de  tirer  toqt  le  parti  possible  de  leurs  pèlerinages  scientifi- 
queSi . 

Dans,  l'état  actuel, .nous  trouvons,  dans  le  Nord  de 
l'Afrique ,  des  Ydofs,  des  nègres  cannibales,  des  mandin- 
gues,.  des  nègres  à  type  européen,  des  Berbères  ou  Kabiles, 
des  Arabes,  des  Albinos  et  quelques  autres  variétés. 

Les  Yolofs  sont  d'une  belle  taille  et  très-intelligents  ;  ils 
appremi^nt  généralement,  avec  facilité  les  langues  et  les 
arts  indMStriels*  Leur  crâne,  depuis  la  racine  du  nez  jus-* 
qu'aurdessus  des  oreilles,  où  il  est  très-^-élevé ,  forme  une 
courbie  a^ez  belle  ^  mais  il  est  un  peu  moins  large  que 
celui  d  ^8  races  eiKopéennes.  Envisagée  craniosoopiquement, 
la  tête  ides  Yolofs  annonce. une  graiode  personnalité,  des 
dispoûticms  à  l'emporten^ent,  de  la  fermeté  et  plus  de 


384  PHUosoraiB 

facilité  de  perception  que  de  philosophie ,  ce  qui  concorde 
entièrement  avec  leur  nature.  Nous  en  connaissons  plusieurs 
en  France ,  qui  sont  tous  plutôt  au-dessus  qu'au-dessous 
de  la  moyenne  intellectuelle.  Il  nous  est  venu  souvent  à 
lesprit ,  en  les  étudiant ,  que  leur  croisement  avec  les  races 
blanches,  ou  avec  les  races  noires  à  formes  blanches, 
donnerait  d'excellents  résultats  sous  le  triple  rapport  phy- 
sique ,  intellectuel  et  moral. 

Les  nègres  cannibales  appartiennent  à  plusieurs  types 
différents  :  les  uns  (nous  doutons  quelque  peu  de  leur 
existence)  possèdent,  dit-on,  une  queue  ou  coccix  mobile 
d'un  décimètre  et  plus  de  longueur;  d'autres,  hideux  à 
voir,  rappellent  les  makis  et  les  animaux  carnivores  :  ils 
ont  les  canines  excessivement  développées. 

Les  mandingues  sont  l'une  des  variétés  de  cette  grande 
espèce  à  laquelle  se  rattachent  les  Yolofs. 

Le  nord  de  l'Afrique  possède  aussi  un  noir  connu  sous 
le  nom  de  moutchicongo  ;  sa  couleur  est  moins  foncée  que 
celle  de  l'Yolof;  il  manque  d'intelligence.  Hommes  et 
iemmes  ressemblent  aux  Hottentots  pour  les  caractères 
anatomiques. 

Les  nègres  à  type  européen  varient  dans  leur  nuance  : 
quelques-uns,  à  la  couleur  près,  ressemblent  assez  parfaite- 
ment aux  Basques.  Ils  ont  généralement  les  cheveux  lisses  ; 
il  en  est  cependant  dont  la  chevelure  est  crépue.  Onretrouve 
ces  noirs  depuis  les  bords  du  Niger  juscpie  dans  l'Inde. 
Cette  alluvion  colorée  a  évidemment  suivi  une  marche 
parallèle  à  celles  des  alluvions  blanches  qui  ont  quitté  les 
plateaux  de  la  haute  Asie  pour  les  plaines  de  l'Europe. 

Les  uns  sont  peut-être  dles  hybrides  provenus  du  contact 
de  la  race  arabe  avec  la  race  noire  ;  les  autres ,  de  couleur 
bronze ,  sont  très-probablement  aussi  des  hybrides ,  mais 
leur  origine  est  différente  et  suppose  un  mélange  de  sang 
blanc ,  de  sang  jaune  et  de  sang  noir,  ou  tout  au  moins  de 
sang  jaune  et  de  sang  noir.  Les  premiers  sont-ils  générale- 
ment supérieurs?  Nous  l'ignorons.  — Sous  la  Restauration, 
nous  en  avons  vu  deux,  à  Nantes,  qui  provenaient  des 
bords  du  Sénégal  :  c'étaient  de  vèritabks  Arabes  noirs. 
Leurs  hgnes  étaient  très-belles ,  leurs  traits  purs  et  distin- 


DU  SIÈGLB.  585 

gués.  Dans  cette  race,  les  femmes  sont  généralement 
inférieures  aux  hommes ,  ce  qui  tient  à  ce  qu'elles  sont 
mariées  à  huit  et  dix  ans,  c'est-à-dire  prématurément: 
l'époque  de  la  puberté  différant ,  chez  tous  les  peuples ,  de 
l'époque  convenable  pour  la  nubilité,  qui  est,  nous  le 
répétons  à  dessein,  celle  du  complet  développement.  Les 
noirs  Malabars,  que  l'île  de  la  Réunion  emploie  aujourd'hui 
en  si  grand  nombre  comme  travailleurs  libres,  sont  de  cette 
famille  humaine. 

Les  races  blanches  appartiennent  à  deux  souches  primi- 
tives, ou  peut-être  simplement  à  deux  grandes  branches 
de  la  même  souche.  L'une  peut  porter  le  nom  de  branche 
in^oue  ;  l'autre,  celui  d'araméenne  ou  sémitique.  Tous  les 
peuples  blancs  d'Afrique  appartiennent  à  cette  seconde 
branche  et  à  ses  rameaux  secondaires  :  l'un  arabe ,  l'autre 
berbère. 

Les  Berbères ,  au  teint  blanc  ou  olivâtre ,  aux  lèvres 
minces ,  à  la  figure  plus  ronde  que  longue ,  au  nez  droit , 
ont  la  plus  grande  ressemblance  avec  les  Kymris  de  la 
Bretagne  armoricaine.  Us  se  donnent  à  eux-mêmes  le  nom 
de  libres  ou  de  nobles.  Leur  crâne  est  proportionnellement 
assez  développé  dans  le  sens  latéral.  On  trouve  quelquefois 
parmi  ces  populations  berbères  et  parlant  la  même  langue, 
quelques  ilôts  de  familles  noires  au  type  européen.  — 
Toutes  ces  familles  noires,  qu'on  les  appelle  peuls  ou 
fellah ,  ou  fellatha  comme  en  Sénégambie ,  ou  Abyssins  , 
proviennent  de  croisements  et  sont  originaires  d'Asie.  — 
Quelque&~unes  ont  conservé  leur  douceur  indoue. 

Des  physiologistes  habiles,  parmi  lesquels  le  docteur 
Bodichon ,  ne  partagent  point  notre  opinion ,  qui  est  aussi 
celle  de  d'Eichtal  ;  ils  regardent  tous  les  noirs  à  cheveux 
lisses,  dont  les  traits  sont  européens,  comme  des  métis  de 
noirs  et  d'Arabes ,  chez  lesquels  le  sang  arabe  domine  habi- 
tuellement. 

Les  Arabes  sont  en  Afrique  depuis  une  époque  indiquée 
par  l'histoire.  A  leur  suite  sont  venues  quelques  familles, 
les  unes  turques ,  les  autres  juives  ;  quelques  autres  fa- 
milles juives  semblent  les  avoir  précédées.  On  trouve  aussi 


S86  PHILOSOPHIE 

dans  la  Kabylie  des  Vandales.  Les  hommes  connus 
sous  le  nom  de  Coulouglis,  sont  turcs  ou  turco-arabes. 
Quant  aux  Albinos,  ils  ne  forment  pas  une  race  à  part: 
leur  existence  est  due  k  un  phénomène  pathologique 
commun  à  toutes  les  espèces  humaines,  mais  bien  plus 
fréquent ,  paraît-il ,  dans  certaines  parties  de  l'Afrique. 

Que  penser  de  Teselavage,  question  si  grave  et  au- 
jourd'hui si  palpitante,  qui  se  relie  directement  à  l'étude 
des  races  africaines  ?  Rien  ne  le  justifierait ,  rieu 
ne  l'expliquerait,  même  rationellement ,  s'il  venait  à 
commencer  aujourd'hui  ;  mais  sitôt  que  Ton  étudie 
l'histoire,  la  question  change  d'aspect  :  on  comprend  alors 
que  l'antropophagie ,  l'esclavage ,  le  servage  et  le  prolétariat 
sont  quatre  grandes  étapes  placées,  par  la  providence,  sur 
la  route  de  la  liberté  humaine.  —  L  observation  et 
l'expérience  nous  montrent  chaque  jour  à  quel  degré  de 
grâce,  de  beauté,  d'intelligence  les  races  blanches,  jaunes 
et  noires  peuvent  parvenir  sous  l'influencé  des  croisements 
et  de  l'éducation;  tandis  que  la  philosophie  nous  enseigne 
que  les  races  aînées  ne  sont  supérieures  et  réellement 
humaiues  qu'autant  qu'elles  aident  et  qu'elles  aideront 
leurs  cadettes  à  franchir  les  transitions  douloureuses  des 
phases  embryologiques  de  Thumanité.  —  Toutefois  cette 
question  ,  toute  spirituelle  en  apparence ,  a  son  Mé 
pécuniaire  et  d'intérêt  matériel.  —  L'histoire  nous  enseigne 
que  la  Jacquerie  n'a  point  affranchi  les  serfs,  que  les 
communes  ne  se  sont  pas  émancipées  par  des  révi^tions 
purement  passionnelles  ;  il  en  faut  dire  autant  de  Tescla- 
vage  :  il  ne  disparaîtra  que  par  un  rachat  auquel  la  science 
devra  présider,  par  d'incessantes  prédications  d'amour  et 
de  charité',  par  le  retard  des  mariages,  par  î'étùtde  des 
croisements  des  races ^  par  la  constatation'  inces^atitie  de 
leurs  progrès  acquis  ou  possibles,  et  surtout  parrwgatdsa- 
tion  d'une  éducation  perfectionnée. 


DU  SIÈCLE.  587 


AJDiBlOUBS  BU  KORD  BT  DU  SUD. 


Il  ne  nous  serait  point  difficile  de  montrer  que  ces  deux 
contrées  ont  été  deux  centres  d'érolution ,  qu'elles  ont  eu 
leurs  plantes  spéciales,  leurs  animaux  particuliers,  et 
qu  elles  sont  cmstituées  géologiquement  de  manière  à 
remonter,  par  quelques-unes  de  leurs  parties,  aux  plus 
anciens  des  jours  terrestres  ;  mais  nous  voulons  avant  tout , 
dans  cette  rapide  esquisse,  nous  attacher  aux  familles  pri- 
mitives du  genre  humain. 

Les  Esquimaux,  les  peaux- rouges,  les  Mexicains,  les 
Caraïbes,  les  Péruvieus»  les' Araucaniens  et  leurs  frères, 
les  GauGhos,  les  Patagons,  forment  les  races  indigènes  de 
rAmérique. 

Les  JE^uimaux  appartiemnent  aussi  au  vieux  monde ,  et 
nous  en  parlerons  ultérieurement. 

Les  peaux-rouges  occupaient  jadis  toutes  les  grandes 
plaines  comprises  entre  les. montagnes  Rocheuses,  les  lacs, 
le  Saint-Laurent,  TOcéan  Atlantique  et  le  pays  des 
Caraïbes.  Les  Anglais  et  les  Américains  les  traitent ,  depuis 
400  ans,  commères  botes  fauves  :  ils  les  empoisonnent 
avec  de  l'eau-de-vie,  ils  les  chassent  avec  des  chiens 
dressés  exprès.  La  plupart  de  leurs  tribus  ont  été  détruites  ; 
quelquesr-unes  se  civilisent  en  se  livrant  à  l'agriculture, 
d'autres  se  retirent  le  plus  avant  possible  au  fond  des 
terres.  Toutes  cependant  eussent  pu  être  arrachées  à  la 
sauvagerie  avec  de  la  droiture ,  de  la  loyauté,  de  la  pa- 
tience et  œt  Bmous  de  l'humanité  qui  manquait  essen- 
tiellement aux  colons  américains.  La  taUie  des  peaux:- rouges 
est  élevée  ;  ils  soi\t  agiles  ;  leur  figure  n'a  rien  de 
désagréable  :  à  la  coloration  près,  elle  ressemble  beaucoup 
à  celle  des  Européens.  Les  hommes  ont  peu  de  barbe , 
leur  peau  est  couleur  de  cuivre-rosette  ;  les  femmes  ont  le 
sein  bien  conformé  :  elles  sont  nubiles  de  bonne  heure. 
L«s  exemples  de  longévité  sont  fréquents  dans  les  deux 


588  PHILOSOPHIE 

sexes.  —  Les  têtes  de  cette  race  présentent  pour  caractère 
des  lèvres  minces ,  un  menton  pointu ,  un  nez  droit  ou 
légèrement  arqué.  Leur  front  n'est  pas  élevé,  comme  on 
Ta  dit  à  tort,  mais  fuyant  :  il  annonce,  d'après  Gall,  un 
développement  assez  considérable  des  facultés  purement 
intellectuelles,  peu  de  facultés  humaines  ou  sociables,  c'est- 
à-dire  peu  de  philosophie,  de  sociabilité  bienveillante,  d'idéal 
et  de  religiosité  ;  mais  beaucoup  de  fermeté  et  de  per- 
sonnalité. En  somme ,  leur  boite  osseuse  présente  une 
forme  qui  est  essentiellement  commune  à  tous  les  peuples 
sauvages. 

Les  Caraïbes,  détruits  sur  une  grande  étendue,  mélan- 
gés ailleurs  aux  Européens  et  aux  noirs,  occupaient 
autrefois  les  Antilles  et  les  pays  voisins  jusqu'au  fleuve  des 
Amazones  ;  on  ne  les  trouve  plus  aujourd'hui  qu'en  petit 
nombre  et  principalement  à  la  Guyane.  Us  ressemblent 
quelque  peu  aux  peaux- rouges;  mais  ils  en  diffèrent 
cependant  par  un  teint  plus  clair  et  par  la  forme  conique 
de  leur  crâne.  Ceux  qui  vivent  dans  les  lieux  humides 
présentent  quelquefois  une  anomaUe  qui  est  facile  à  cons- 
tater dans  toutes  les  races  et  que  nous  avons  signalée  à 
Gall ,  dès  18S!5  :  c'est  que  leurs  fontanelles  antérieure  et 
postérieure  se  soudent  tardivement  et  laissent  habituelle- 
ment subsister  deux  dépressions,  de  telle  sorte  qu'au 
premier  abord  la  tête  paraisse  formée  de  trois  pièces. 

Les  Caraïbes  ont  une  intelligence  assez  remarquable, 
en  ce  qui  concerne  la  faculté  des  nombres  et  la  mémoire 
locale  ordinaire  ;  elle  est  quelquefois  plus  que  médiocre 
sous  les  autres  rapports.  Ils  vivent  par  hordes,  sans  lois, 
sans  agriculture,  sans  gouvernement  régulier;  ils  n'ont 
d'autre  arme  que  l'arc  et  la  flèche.  Les  blancs ,  les  noirs 
eux-mêmes  en  ont  généralement  triomphé.  Ils  sont  doux , 
essentiellement  pêcheurs,  jamais  pasteurs. 

Les  hybrides  produits  par  la  race  anglo-saxonne  et  les 
Caraïbes,  sont  très-remarquables  sous  tous  les  rapports, 
supérieurs  peut-être  à  ceux  qui  proviennent  du  croisement 
des  mêmes  naturels  avec  la  race  gallo-  romaine.  —  Les 
hydrides  de  race  caraïbe  et  des  races  noires,  que  Ton  a  pu 
étudier  en  grand  nombre  à  Saint-Domingue,  s'élevaient 


DU  SIÈCLE.  589 

difficilement;  presque  toujours  ils  succombaient  sous 
rinQuence  d'affections  scrofuleuses  ;  le  plus  souvent  c'étaient 
les  organes  abdominaux  qui  se  trouvaient  pris  de  manière 
à  ofliir  les  caractères  de  cette  maladie  qu'en  Europe  on 
appelle  le  carreau. 

Nous  ne  pouvons  passer  outre  sans  dire  ici  quelques 
mots  de  la  République  Haïtienne.  —  Sur  cette  terre 
promise  de  Saint-Domingue ,  qui  a  si  longtemps  appartenu 
à  la  France ,  l'esclavage  a  laissé  des  traces  profondes  que , 
dans  notre  opinion ,  la  race  noire  ne  saurait  effacer.  — 
Dans  l'état  actuel,  il  n'existe  en  ce  pays  aucune  religion 
vraie  :  le  moral  et  l'idéal  n'y  sont  pas  assez  cultivés  ;  le  mariage 
y  est  trop  souvent  remplacé  par  une  promiscuité  passée 
dans  les  mœurs.  Deux  êtres  se  rencontrent,  se  conviennent, 
cohabitent ,  et  se  perdent  ensuite  de  vue  sans  aucun  souci 
des  fruits  de  leur  amour.  La  paternité  est  à  peu  près  nulle 
chez  les  hommes,  et  la  maternité  dépasse  à  peine  parfois  cette 
élévation  de  sentiments  que  nous  trouvons  chez  certains 
animaux.  Sur  bien  des  points,  les  femmes  font  tous  les  tra- 
vaux pénibles.  On  rencontre  beaucoup  trop  de  mariages  poly- 
games ainsi  constitués:  cinq  ou  six  femmes  se  réunissent, 
travaillent  en  association  autour  d'une  case  ,  dans  laquelle 
habite  un  beau  noir  ou  un  mulâtre  qu'elles  nourrissent 
du  produit  de  leurs  sueurs;  chaque  soir  l'une  d'elles,  à 
tour  de  rôle ,  jouit  du  privilège  de  ses  faveurs.  Ces  mariages 
polygames  sont  très-féconds  en  filles  ;  ils  conduisent  à  des 
vieillesses  anticipées  et  à  la  dégradation  de  l'espèce. 

Le  mal  est  moins  grand  dans  la  partie  espagnole ,  et  en 
voici  la  raison  :  c'est  que  l'esclavage  y  a  toujours  eu 
quelque  chose  d'hébraïque  ou  de  musulman.  Ici  le  pays 
était  divisé  en  petites  propriétés,  dont  les  possesseurs 
vivaient  en  famille  au  milieu  de  leurs  esclaves.  Le  nombre 
de  ceux-ci  dépassait  rarement  quinze  ou  vingt  ;  ils  étaient, 
à  proprement  parler  des  serviteurs  ou  domestiques. 

La  syphilis  fait,  à  Saint-Domingue,  d'affreux  ravages. 
Rien  de  plus  commun,  dans  ce  pays,  que  les  syphilides, 
la  perte  de  la  luette  et  du  voil«  du  palais  pt  !<»  maladies 
des  os.  Beaucoup  d'Haïtiens  naissent,  se  dévelopi)ent ,  se 
reproduisent  et  meurent  atteints  de  syphilis  constitution- 

17 


590  PHILOSOPHIE 

nelle.  Joint  à  l'absence  de  Torganisation  de  la  famille  ,  ce 
fléau  conduit  à  un  retour  à  la  sauvagerie. 

L'antropophagie  se  voit  encore  quelquefois  à  Haïti.  Cette 
maladie  cérébro-morale,  cette  dépravation  qui  se  traduit  en 
une  appétence  désordonnée  pour  la  chair  humaine,  s'attaque 
uniquement  aux  enfants  qui  ont ,  paraît-il ,  un  goût  exquis 
pour  certains  cannibales.  Ici,  ce  ne  sont  plus  la  guerre ,  le 
besoin,  la  vengeance,  qui  immolent  des  hommes  en  pubUc  ; 
c'est  une  gourmandise  toute  bestiale  qui  vole  des  êtres  hu- 
mains pour  satisfaire  son  penchant  salement  ignoble  éternel. 

Quelle  que  soit  notre  amitié  personnelle  pour  quelques 
Haïtiens  qui  en  sont  dignes ,  nous  avons  dû  révéler  ce  qui 
précède.  Mais  c'est  malheureusement  la  race  française  qui 
doit  être  accusée  pour  la  misère  et  l'ignorance  actuelles  de 
tribus  presque  sauvages ,  qu'elle  n'a  su  que  corrompre  au 
lieu  de  les  émanciper.  Ces  tribus  vivent  assez  distinctes  les 
unes  des  autres,  séparées  qu'elles  sont  par  le  langage  et  la 
provenance  originelle. 

Interposés  entre  les  peaux-rouges  et  les  Caraïbes,  les 
Mexicains  formaient ,  avant  la  conquête,  un  peuple  agricole 
tout  aussi  civilisé  que  le  peuple  conquérant ,  et  très-digne 
de  conserver  l'exploitation  de  ces  magnifiques  contrtes, 
dans  lesquelles  la  race  espagnole  n'a  su  organiser  que  la 
superstition  et  la  misère.  Les  Mexicains  sont  d'un  rouge 
brun  ;  plus  petits  et  plus  trapus  que  leurs  voisins ,  ils  ont 
la  tête  grosse ,  les  lèvres  épaisses ,  le  nez  droit  ou  presque 
aquilin;  leur  front  est  large  et  fuyant.  Toutefois,  ce 
caractère,  donné  par  certains  auteurs,  est  loin  d'être 
constant.  Peut-être  sont-ils  étrangers  au  continent  améri- 
cain et  venus  d'Asie. 

Les  Péruviens  ont  quelque  rapport  avec  les  Mexicains  et 
une  assez  grande  tendance  à  l'obésité. 

Nous  ne  savons  rien  de  positif  sur  les  cannibales  des 
sources  de  la  rivière  des  Amazones  ;  nous  avons  interrogé 
avec  soin  l'un  des  voyageurs  qui  avait  vu  de  plus  près 
leurs  villages ,  sans  pouvoir  retirer  de  ses  réponses  aucun 
aocuiucnt  ccipntifiqup-,  w  ce  n'est  qu'ils  diffèrent  des 
tribus  voisines  par  les  mœurs,  le  caractère,  les  habitudes 
et  l'aspect. 


DU   SIÈCLE.  591 

Les  peuplades  qui  se  trouvent  entre  les  Pampas  et 
VOrénoque,  dans  les  solituftes  encore  inexplorées  du 
Nouveau-Monde,  diffèrent  singulièrement  les  unes  des 
autres  et  ne  peuvent  être  considérées  comme  formant  ime 
race  à  part. 

Dans  les  Pampas ,  au  sud  de  Buenos- Ayres  et  près  du 
Chili,  on  trouve  les  Gauchos  et  les  Araucaniens.  Ils  for- 
ment ,  à  notre  sens ,  deux  variétés  d'une  seule  race  :  la 
seconde  seule  porte  ce  nom ,  sous  lequel  plusieurs  auteurs 
ont  désigné  la  race  toute  entière.  —  Les  Araucaniens, 
disait  au  XVI*  siècle  le  poète  Ercilla,  sont  robustes  quoique 
sans  barbe,  grands  et  bien  faits;  ils  ont  les  épaules  larges, 
la  poitrine  bombée,  les  membres  vigoureux  et  très-muscu- 
leux;  ils  sont  agiles,  souples,  courageux,  braves  et  hardis, 
pleins  d'audace,  durs  au  travail,  sachant  supporter  le. 
chaud,  le  froid  et  la  faim.  —  Depuis  lors,  ceux  qui 
habitent  les  vallées  si  pittoresques  situées  au  pied  de  la 
CordiUère  chilienne,  entre  cette  Cordilière  et  la  mer  du 
Sud,  n'ont  pas  changé  :  ils  sont  polygames,  soumis  à  une 
oligarchie  féodale  et  peu  avancés  en  civilisation.  Les 
voyageurs  qui  les  ont  visités  ont  oublié,  pour  la  plupart, 
de  décrire  leur  type.  Ils  ont  les  yeux  bridés  et  enfoncés , 
le  front  bas,  le  nez  épaté,  les  pommettes  saillantes. 
Souvent  leurs  femmes  sont  très-jolies  ;  elles  accouchent 
plus  aisément  que  les  Européennes.  Les  Araucaniens  ont 
d'autres  mœurs  et  d'autres  habitudes  que  les  naturels  du 
Chili  et  du  Pérou  connus  sous  le  nom  d'Indiens  ;  mais 
aujourd'hui ,  ces  divers  peuples  et  les  Espagnols  ont  con- 
tracté de  nombreuses  unions  et  singulièrement  modifié  les 
races  primitives:  partout  ces  mélanges  dominent  et  forment 
la  masse  de  ce  que  l'on  appelle  les  naturels.  Généralement 
leurs  formes  sont  belles  et  leur  couleur  un  pen  terreuse. 

Les  voyageurs  s'accordent  à  dire  que  les  diverses  peu- 
plades patagones  diffèrent  les  unes  des  autres  et  ne 
présentent  pas  exactement  les  mêmes  caractères  physiques. 
Leur  grande  taille  est  devenue  proverbiale.  Leurs 
femmes  sont  repoussantes  de  laideur  et  de  malpropreté. 
Les  Patagons  qui  avoisinent  les  Pampas  montent  aussi 
bien  à  cheval  que  les  Indiens  de  cette  contrée  qui  sont 


592  PHILOSOPHIB 

connus  sous  le  nom  de  Gauchos.  Ils  manient  la  lance  et  le 
lasso  avec  la  plus  grande  a<ftesse.  Ils  sont  très- médiocre- 
ment sensibles  aux  charmes  de. notre  musique;  toutefois 
ceux  qui  ont  entendu  le  cor  de  chasse  à  bord  de  nos 
navires  en  ont  para  ravis.  On  manque  de  documents 
réellement  scientifiques  sur  leurs  langues ,  leurs  mœurs  et 
leur  intelligence. 

Parmi  les  faits  nombreux  produits  par  le  mélange  des 
races  silr  le  continent  américain,  il  en  est  deux  qui 
doivent  encore  être  signalés.  Dans  l'Amérique  du  Nord  »  il 
existe  un  grand  nombre  d'individus  ayant  du  sang  noir 
dans  les  veines,  qui  sont  blonds  et  qui  ont  les  yeux  bleus; 
ces  métis  sont  souvent  très-remarquables  par  leur  intelli- 
gence. Dans  l'Amérique  du  Sud ,  la  race  vitale  du  Brésil 
résulte  du  mélange  des  races  noires ,  blanches  et  cuivrées  ; 
quand  l'influence  du  sang  blanc  prédomine,  elle  offre 
une  grande  ressemblance  avec  les  castes  supérieures  des 
Indes  anglaises.  Partout  du  reste ,  sous  les  zones  tropi- 
cales, les  enfants  naissants  qui  proviennent  d'un  blanc, 
ont  de  plus  grandes  chances  de  vie  si  la  mère  est  une 
femme  de  couleur,  si  peu  colorée  qu'elle  soit;  et  il  est 
très  à  regretter,  pour  l'Algérie,  que  la  France  n'ait  pas 
encore  su  tirer  parti  de  cet  enseignement. 

L'Amérique  du  Nord  présente  des  alluvions  modernes 
à  l'embouchure  et  le  long  de  ses  grands  fleuves  ;  les  plus 
importantes  appartiennent  au  Missini.  Elle  a  des  terrains 
volcaniques  dans  les  Antilles  et  aans  sa  grande  arrête 
montueuse  qui  n'est,  quoiqu'on  en  dise,  que  la  continua- 
tion de  la  Cordilière  de  l'Amérique  du  Sud.  —  Elle  offre 
des  terrains  tertiaires  entre  Washington  et  Tampico.  On 
rapporte  qu'il  existe  une  île  très-vaste  de  terrains  secon-^ 
daires  depuis  la  rive  doite  de  la  rivière  Rouge  jusqu'au 
dessus  de  la  rive  gauche  du  Missouri.  —  Le  reste  se 
compose  de  terrains  intermédiaires  et  de  terrains  cris- 
tallisés.. 

Si  des  plantes  herbacées ,  des  arbres,  des  animaux 
non  vertébrés,  des  serpents  et  des  oiseaux  nombreux 
appartiennent  en  propre  à  l'Amérique  du  Nord,  on  doit 
ajouter  qu'elle  possède  de  plus  un  bœuf  musqué ,  qui  ne 


BU  siifiiB.  S93 

s*écarte  jxrint  des  parages  qu'il  habite  ;  un  ours  terrible 
par  sa  force  et  sa  férocité ,  dont  le  squelette  ne  diffère  pas 
sensiblement  de  celui  de  Tanimal  fossile  que  Cuvier  a 
décrit  sous  le  nom  de  mégalonyx.  Ces  faits  et  celui  de 
l'existence  de  races  humaines  spéciales,  suffisent  à  établir 
qu'elle  a  été  un  centre  d'évolutions  végétales  et  animales. 

On  peut  en  dire  autant  de  l'Amérique  du  Sud  ;  elle 
offre  de  grandes  alluvions  modernes  à  l'embouchure  de 
La  Plata.  Toute  la  vallée  du  fleuve  des  Itmazones  paraît 
appartenir  à  la  même  formation.  La  chaîne  des  Cordilières 
présente  de  nombreux  volcans;  à  droite  et  à  gauche  de 
cette  chaîne,  dans  toute  sa  longueur,  se  trouvent  des 
terrains  cristallisés,  bordés  à  l'Est  par  une  large  bande  de 
terrains  tertiaires.  Le  Brésil  et  la  Guyane  semblent  encore 
appartenir,  pour  la  masse  de  leurs  formations,  aux  roches 
cristallisées  :  les  terrains  intermédiaires  sont  plus  rares  ; 
leur  grande  masse  commence  à  l'est  de  la  CordiUère ,  à  la 
hauteur  de  Lima,  et  descend  jusqu'à  la  rivière  des  Tigres, 
en  formant  une  bande  relativement  étroite. 

Des  plantes  spéciales ,  des  insectes ,  des  invertébrés ,  des 
oiseaux  et  surtout  des  singes  en  grand  nombre  que  l'on 
ne  retrouve  pas  ailleurs,  la  vigogne,  le  lama,  un  tigre 
spécial,  un  tapir  et  quelques  autres  animaux  remarquables, 
établissent  les  droits  incontestables  de  l'Amérique  du  Sud 
à  être  considérée  comme  centre  d'évolutions  organiques. 


BUROPB  ET  ÂSIB. 


La  géologie  de  l'Europe  et  de  l'Asie  annonce  une  série 
de  révolutions  que  des  cartes  peuvent  indiquer,  mais  qui 
ne  se  prêtent  pas  à  ime  description  sommaire. 

L'Europe ,  î>oit  au  point  de  vue  de  l'histoire ,  soit  à  celui 
d'un  passé  encore  plus  ancien ,  parait  une  dépendance  de 
l'Asie  Occidentale.  Elle  s'y  rattache  aussi  par  ses  langues 
et  par  les  diverses  races  humaines  qui  l'habitent.  — 
Aucune  limite  réelle  ne  la  sépare  de  l'Asie ,  dont  le  Taurus 


394  PHILOSOPHIE 

et  le  Caucase  semblent  continuer  nos  grandes  chaînes  de 
montagnes.  Peuplée  de  plantes  et  d'animaux  émigrés,  elle 
est  devenue  un  centre  d'habitation;  mais  rien  ne  prouve 
qu'elle  puisse  être  regardée  comme  l'un  des  centres 
primitifs  d'évolutions  végétales  et  animales  :  nous  la 
considérerons  donc  comme  un  prolongement,  comme  un 
appendice  de  l'Asie  Occidentale. 

Les  vallées  de  la  Cœlé-Syrie ,  de  la  mer  Caspienne  et  de 
la  mer  d'Aral  fS'ment  des  enfoncements  analogues  à  ceux 
des  lacs  amers,  près  de  Suez  et  du  Sahara.  Le  niveau  des 
mers  extérieures  les  domine  :  aussi  donnent-elles  à  l'Asie 
Occidentale  son  caractère  particulier,  tandis  qu'à  l'Orient, 
comme  une  ligne  de  démarcation ,  s'élèvent  les  plus  hautes 
montagnes  du  globe.  C'est  là  que  le  Thamoulari  dresse  sa 
tête  blanche  à  8,800  mètres ,  au  milieu  des  autres  cimes 
de  l'Hymalaya.  —  Au  pied  de  cette  montagne,  où  l'Indus 
et  le  Gange  prennent  leur  source ,  se  trouve  une  immense 
surface  de  terrains  d'alluvions  que  fortaent  les  riches  vaUées 
de  ces  deux  fleuves. 

Le  système  des  montagnes  d'Asie  n'a  rien  de  bien 
régulier,  si  ce  n'est  dans  la  partie  occidentale  de  cette  vaste 
contrée.  La  chaîne  du  Taurus ,  qui  commence  aux  bords  de 
l'Archipel  et  de  la  Méditerranée,  se  relie,  en  Arménie, 
avec  les  monts  Caucase  qui  séparent  la  Caspienne  de  la 
mer  Noire.  Alors  commence  cette  longue  hgne  que  les 
anciens  appelaient  Parapomisus.  Les  monts  Bactiri  qui 
s'en  détachent,  rejoignent  l'ouverture  Est  du  Golfe  Persique, 
tandis  que  la  chaîne  principale  se  continue  avec  les  monts 
Hymalaya  et  les  montagnes  du  Thibet  et  de  la  Chine.  — 
A  l'Ouest  de  l'Indus ,  cette  chaîne  détache  deux  rameaux , 
l'un  Nord  et  l'autre  Sud,  qui  semblent  l^lus  ancienne 
ligne  de  démarcation  entre  les  races  blanches  et  les  races 
colorées. 

L'Asie ,  que  l'on  peut  considérer  comme  le  berceau  des 
races  blanches  et  de  plusieurs  races  jaunes,  possède  des 
types  de  tous  les  ordres  des  anciennes  classifications ,  en 
mammifères,  oiseaux,  reptiles,  poissons  et  invertébrés. 
Stérile  et  inhabitée  au  centre ,  où  elle  forme  plusieurs 
déserts,  elle  s'étend  depuis  le  pôle  boréal  jusqu'à  la  ligne. 


DU  SIÈCLE.  û95 

de  manière  à  offrir  aux  espèces  végétales  et  animales  une 
climature  qui  a  puissamment  réagi  sur  les  êtres  dont  elle 
est  peuplée.  Dans  ses  parties  méridionales,  les  formes  et  le 
pelage  des  animaux  se  ressentent  de  l'activité  des  agents 
vitaux.  Que  de  sujets  de  méditation  pour  notre  esprit ,  soit 
qu'il  s'agisse  de  préserver  notre  existence,  soit  que  Ton 
désire  philosophier  sur  les  beautés  et  les  variétés  de  la 
nature,  dans  Téléphant  à  la  couleur  gris-fer  et  aux  formes 
si  massives,  dans  le  tigre  du  Bengale,  daps  tant  d'espèces 
d'oiseaux  au  plumage  coloré ,  dans  les  affreux  boas  dont  la 
masse  et  les  couleurs  élégantes  semblent  refléter  leur 
climat  !  A  mesure  que  Ton  s'éloigne  des  contrées  les  plus 
chaudes,  les  animaux  et  les  végétaux  prennent,  dans  la 
partie  occidentale,  un  aspect  européen.  Les  contrées 
orientales,  le  Japon  et  la  Chine,  formées  par  d'immenses 
surfaces  de  terrams  primitifs  très-antérieurs  à  la  masse  des 
plaines  d'Occident ,  se  présentent  avec  un  caractère  spécial 
moins  tranché ,  mais  non  moins  curieux  qu'en  Australie. 
La  Chine  et  le  Japon,  si  spéciaux  sous  le  rapport  de 
l'aspect  raide  et  vernissé  de  leurs  végétaux,  possèdent, 
comme  le  fait  remarquer  Gérard,  des  animaux  particuliers 
qui  pourraient  s'acclimater  en  Europe. 

L'Asie  offre  donc  deux  foyers  d'évolutions  organiques  : 
l'un,  l'Asie  européenne  ou  occidentale;  l'autre,  l'Asie 
chinoise  ou  orientale.  Les  races  blanches  qui  appartiennent 
au  premier  de  ces  centres,  sont  au  nombre  de  sept ,  qui 
représentent  : 

Les  Sémitiques ,  —  les  Celtes ,  —  les  Pélasges ,  —  les 
Gaëls,  —  les  Germains,  —  les  Slaves  et  les  Turcs. 

Les  Sémitiques  comprennent  :  les  Hébreux,  les  Arabes, 
les  Chaldéens  ou  Assyriens,  les  Berbères -et  plusieurs  autres 
peuples.  —  L'Asie  Mineure,  et  surtout  une  partie  de 
l'Annénie,  et  les  bords  Sud-Ouest  de  la  mer  Caspienne 
paraissent  avoir  été  le  premier  séjour  de  leurs  tribus.  Une 
figure  plus  longue  que  ronde,  un  menton  pointu,  des 
lèvres  minces,  un  œil  dont  la  cornée  est  relativement  petite, 
un  iris  coloré,  un  front  développé  caractérisent  les  hommes 
de  cette  raee.  —  Les  femmes  sont  proportionnellement 
plus  petites  que  les  hommes ,  excepté  chez  les  Hébreux  ; 


596  PHILOSOPHIE 

leurs  mois  apparaissent  à  Tâge  de  neuf  à  douze  ans ,  et  on 
les  marie  beaucoup  trop  jeunes  :  de  là  une  vieillesse  anti- 
cipée ,  de  là  encore  une  grande  infériorité  sous  le  rapport 
de  Texpérience.  Les  femmes  sémitiques  n*étant  nubiles  que 
de  dix  à  vingt  ou  vingt-cinq  ans;  il  en  résulte  qu'une 
virilité  qui  dure  de  quinze  à  soixante  ans,  c'est-à-dire 
quarante-cinq  années,  correspond  en  réalité  à  trois  nubili- 
tés  :  ce  qui  excuse  et  légitime  les  mariages  successifs  du 
même  homme  avec  trois  femmes  différentes.  Cet  inconvé- 
nient si  grave  serait  considérablement  amoindri,  si  les 
femmes  de  ces  races  n'étaient  jamais  mariées  qu'après  leur 
complet  développement  :  fait  très-sérieux,  que  nous  ne 
saurions  trop  signaler. 

Nous  ne  pouvons  établir  une  grande  différence  entre  les 
Celtes  et  les  Sémitiques.  Sortis  du  même  foyer  primitif, 
les  uns  se  sont  épanchés  au  Nord-Ouest ,  sur  l'Europe  ,  les 
autres  au  Sud-Ouest ,  sur  l'Asie ,  l'Arabie  et  l'Afrique.  Les 
Celtes  forment  le  fond  des  populations,  gallo-romaines  de 
Belgique,  de  France,  de  Portugal,  d'Espagne,  d'Italie  et 
de  Roumanie.  Il  faut  comprendre ,  sous  cette  dernière  dési- 
gnation, un  pays  situé  sur  la  rive  gauche  du  Danube, 
dans  lequel  on  parle  une  langue  très-rapprochée  du  patois 
provençal  et  de  l'italien.  Ce  pays  se  compose  de  la  Vala- 
chie ,  de  la  Moldavie  et  d'une  partie  de  la  Transylvanie, 
On  trouve  aussi  un  à  deux  millions  de  Roumains  sur  la 
rive  droite  du  Danube. 

Les  Gaëls  et  les  Celtes  Kimry  formaient  la  transition  entre 
les  Celtes  et  les  Germains.  Les  Gaëls  étaient  les  Gaulois  de 
la  grande  race  ;  ils  habitaient ,  du  temps  de  César,  le  Nord 
de  la  Gaule.  Les  Kimry  occupent  encore  de  nos  jours 
l'Ecosse,  l'Irlande,  la  Cornouaille  Anglaise  et  une  partie 
de  la  Bretagne  Armoricaine.  Leur  langue  présente  quatre 
formes  différentes:  l'écossais,  l'irlandais,  le  gallois  et  le 
bas-breton.  Cette  dernière  compte  elle-même  les  quatre 
dialectes  de  Léon,  de  Quimper,  de  Tréguier  et  de  Vannes  : 
celui  de  Léon  est  le  plus  élégant  et  le  plus  pur.  Les  habi- 
tants du  pays  de  Galles  et  ceux  de  la  Bretagne  Armoricaine 
ont  des  airs  nationaux  communs  et  des  chants  populaires 
identiques,  quoiqu'ils  soient  séparés  depuis  1400  ans.  On 


DU  SIÈCLB.  397 

trouve  chez  eux  beaucoup  d'hommes  aux  cheveux  rouges  ; 
les  enfants,  qui  plus  tard  auront  les  cheveaux  châtains  ou 
noirs,  sont  blonds  ou  rouges  avant  la  puberté.  Les  mois, 
cher  les  femmes,  apparaissent  de  treize  à  quatorze  ans,  et 
longtemps  avant  leur  complet  développement,  qui  n'est 
terminé  que  vers  Tâge  de  vingt-deux  ans.  Les  lois  du 
IX*  siècle,  d'Howel-Dda,  Mab-Cadel,  Brenin  Cymru,  qui  ne 
sont  que  la  reproduction  des  anciennes  coutumes ,  permet- 
taient à  la  fille  de  douze  ans  de  demander  un  mari  à  son 
père.  Si  celui-ci  ne  la  mariait  pas ,  celte  fille  devenait 
libre  de  faire  à  sa  volonté  ;  mais  le  père  n'était  plus  obligé 
de  la  doter  lorsqu'elle  avait  usé  de  sa  liberté.  Cet  usage , 
et  surtout  Tâge  de  douze  ans  fixé  pour  le  mariage,  indi- 
quent une  origine  asiatique  et  correspondent  à  un  climat 
plus  chaud,  plus  ardent  que  celui  de  la  Cornouaille  Anglaise 
et  de  la  brumeuse  Bretagne  Armoricaine.  La  langue  parlée 
encore  dans  les  campagnes  de  ces  contrées  en  dit  autant  ; 
elle  a  les  formes  grammaticales  des  langues  sémitiques,  et 
renferme  une  foule  de  mots  de  première  invention ,  ime 
foule  de  racines  qui  appartiennent  à  Thébreu  et  au  sans- 
crit. Son  accent  est  germanique. 

Les  Pélasges  étaient  originairement  très-voisins  des  tribus 
sémitiques  et  celtiques.  Tout  porte  à  penser  qu'ils  étaient 
situés  plus  à  l'Est  et  au  Sud  en  arrière  du  Tigre.  Us  par- 
laient une  langue  fortement  imprégnée  de  zend  ou  de 
sanscrit,  ayant  les  formes  grammaticales  de  cette  dernière. 
Leur  alphabet  allait  de  gauche  à  droite ,  et  non  de  droite  à 
gauche  comme  chez  les  peuples  sémitiques.  Us  ont  peuplé 
une  partie  de  l'Asie  Mineure ,  la  Grèce ,  les  îles  de  la  Grèce 
et  la  portion  Sud  de  l'Italie.  Tout  porte  à  croire  qu'ils  ont 
été  les  fondateurs  de  Rome ,  de  Marseille  et  de  plusieurs 
autres  colonies  méditerranéennes.  Les  types  de  cette  race 
sont  extrêmement  remarquables  ;  nous  croyons  pouvoir  y 
rattacher  l'Apollon  du  Belvédère,  Thémistocle,  Alexandre, 
Aristote  et  les  plus  beaux  de  nos  Marseillais  actuels,  ainsi, 
par  exemple,  Martin ,  le  dompteur  de  lions.  Les  femmes 
pelages  sont  en  tout  parfaitement  dignes  de  leur  noble 
origine  :  eUes  ont  fourni  à  la  statuaire  grecque  ses  plus  beaux 
modèles. 

17* 


398  PHILOSOPHIE 

Les  Germains,  peuples  essentiellement  blonds,  devaient 
Être  placés ,  dans  le  principe ,  à  côté  des  Celtes  Gaëls  et 
Kimry,  qu'ils  suivirent  de  très-près  dans  leurs  émigrations, 
puisqu'ils  se  sont  souvent  mêlés  et  confondus  avec  eux. 
Nous  admettons,  avec  Moke,  que  leurs  premières  peu- 
plades habitaient  très-probablement  à  l'Est  ae  la  Caspienne, 
au-dessus  du  trente-cinquième  degré  de  latitude.  Cette 
race  a  produit  les  grandes  tribus  suivantes,  qui  vivent 
encore  au  sein  des  populations  de  l'Europe  et  des  Etats- 
Unis  : 

i**  Les  Goths,  les  Visigoths  et  Vandales  mêlés  depuis 
aux  Celtes  du  Danube,  de  la  France  méridionale,  de  ife- 
pagne  et  de  l'Italie  ; 

2°  Les  Francs ,  qui  ont  de  si  grands  souvenirs  politiques, 
et  dont  le  sang  s'est  mêlé  à  celui  des  Celtes  du  Nord  de  la 
vieille  Gaule  ; 

3**  Les  Saxons ,  qui  se  retrouvent  en  Allemagne,  en  An- 
gleterre, en  France  et  aux  Etats-Unis,  purs  ou  mélangés  ; 
4°  Les  Scandinaves ,  à  savoir  :  les  Suédois ,  les  Danois  et 
les  Northmans  ou  Normands ,  qui  ont  joué  un  si  grand  rôle 
en  France,  en  Angleterre  et  même  en  Suisse.  Ceux-ci,  à 
qui  l'on  peut  rapporter  les  Lithuaniens ,  ressemblent  sin- 
gulièrement aux  Gaulois  de  la  grande  race ,  et  formaient 
probablement,  dans  le  principe,  des  tribus  intermédiaires 
entre  les  Celtes  et  les  Germains-, 

S"  Les  Bo.urguignons ,  si  reconnaissables  encore  dans 
celte  partie  de  la  France  et  de  la  Suisse  où  ils  se  sont 
alliés  aux  Celtes,  de  manière  à  produire  Tune  des  plus 
belles  et  des  plus  intelligentes  des  populations  européennes; 
6**  Les  divers  peuples  qui  portent  aujourd'hui  le  nom 
d'Allemands ,  auxquels  il  faut  ajouter  les  Français  de  Lor- 
raine et  d'Alsace  ; 
1"*  Les  Hollandais. 

En  les  étudiant  avec  soin ,  on  trouve  chez  les  Germains, 
deux  types  distincts  :  l'un,  que  Ton  pourrait  appeler 
normand ,  semble  dominer  chez  les  Normands  de  France  et 
d'Angleterre ,  chez  les  Scandinaves  et  les  Lithuaniens  ;  il 
était  aussi  à  peu  près  celui  des  Francs.  —  Les'hommes 
qui  lui  appartiennent  ont  le  diamètre  antéro-postérieur  de 


DU  SIÈGU.  S99 

la  tête  remarquablement  développé ,  le  front  très-élevé ,  le 
nez  rappelant  le  bec  des  oiseaux  de  proie.  —  L'autre  type 
plus  aUemand,  présente  un  front  plus  large,  un  diamètre 
transversal  plus  étendu;  Tos  frontal  est  moins  élevé,  mais 
plus  saillant  au-dessus  des  sourcils  et  plus  large.  Ce  type 
est  extrêmement  remarquable  chez  beaucoup  de  viennois. 
Les  qualités  qui  correspondent  au  type  normand  et  au  type 
viennois,  son  opposé,  sont  très-différentes.  Cette  même 
division  des  tribus,  sous  deux  types,  peut  être  aussi 
étudiée  chez  les  Celtes.  Edwards  s'en  était  servi  pour 
séparer  les  Gaulois  Gaëls  ou  Kimry  des  Celtes  proprement 
dits  ;  mais  il  faut  prendre  garde  d'aller  trop  loin ,  car  on 
serait  démenti  par  les  faits.  Toutefois  ce  que  l'expérience 
vérifie  journellement ,  c'est  le  développement  du  sentiment 
de  l'art  et  des  facultés  perceptives  chez  les  Celtes,  dont  l'os 
frontal  fait  saillie  au-dessus  aes  yeux. 

Les  races  germaniques  l'ont  emporté  longtemps  sur  les 
autres  races  européennes,  par  suite  de  la  pureté  de  leiu^s 
mœurs  et  de  la  manière  si  sage  dont  elles  élevaient  leurs 
enfants.  —  Reines  au  foyer  conjugal ,  leurs  femmes  s'atta- 
chaient à  retarder  le  plus  possible  l'époque  de  la  puberté. 
Mariées  seulement  lorsqu'elles  étaient  déjà  fortes  et  vigou- 
reuses, les  filles  des  diverses  tribus  germaniques  pro- 
créaient de  beaux  enfants ,  et  des  enfants  bien  constitués 
par  suite  de  cette  sage  coutume,  dont  la  violation  agit  si 
défavorablement  sur  les  qualités  de  la  race  et  la  position 
sociale  des  femmes.  Les  Germains ,  au  point  de  vue  poli- 
tique, paraissent  avoir  constamment  préféré  l'ivrognerie  au 
libertinage,  et  en  cela  nous  les  approuvons  singulièrement, 
encore  qu'il  soit  mieux  de  n'être  adonné  à  aucun  vice. 

Aujourd'hui  les  femmes  de  race  germaniijue ,  les  Améri- 
caines surtout ,  se  distinguent  par  l'association  des  qualités 
morales  les  plus  élevées  au  savoir  le  plus  étendu  ;  elles  mé- 
ritent ,  par  leurs  nobles  tendances  et  leurs  grandes  vertus , 
les  pages  que  nous  leur  consacrerons  dans  l'histoire  uni- 
verselle qui  sera  le  complément  de  cet  ouvrage. 

Les  Slaves  forment  aujourd'hui  six  peuples  différents  : 
ce  sont  les  Russes,  les  Polonais,  les  Tchèques  ou  Bohèmes, 
les  Slaves  Hongrois ,  les  Serbes  et  les  Illyrio-Croates. 


400  PHILOSOPHIE 

Les  Russes  ont  eu  de  nombreux  contacts  avec  les  jaunes 
d'Asie,  et  leur  sang  est  singulièrement  mélangé  de  sang 
mogol  ;  chez  eux ,  la  distance  du  conduit  auditif  au  devant 
de  la  tête  est  souvent  plus  grande  que  chez  les  Polonais  : 
ce  qui  est  un  signe  constant  d'infériorité  intellectuelle  et 
morale. 

Les  Polonais  sont ,  de  tous  les  Slaves ,  ceux  qui  présen- 
tent leur  type  dans  sa  plus  grande  pureté.  Des  habitudes 
beaucoup  trop  belliqueuses  et  les  abus  de  la  table  les  ont 
empochés,  jusqu'à  ce  jour,  de  mettre  en  évidence  leurs 
remarquables  facultés  intellectuelles.  Les  guerres  et  les 
émigrations  ont  détérioré  leur  race ,  surtout  dans  les  classes 
élevées,  que  la  syphilis,  si  Ton  n'y  prend  garde,  achèvera 
d'atrophier;  car  elle  produit  les  plus  grands  ravages  dans 
leurs  contrées,  ainsi  que  chez  les  Roumains. 

Les  Slaves  de  la  Bohème  sont  aujourd'hui  très-mélangés 
par  suite  d'un  long  contact  avec  les  Germains. 

iiCs  Slaves  Hongrois  ont  été  un  peuple  d'Ilotes  au  sein 
de  la  nation  maggyare  ou  hongroise  ;  presque  partout  ils 
s'y  trouvent  maintenant  à  l'état  de  paysans. 

Les  Serbes  forment  une  population  d'environ  4  millions 
d'hommes,  sur  la  rive  droite  du  Danube. 

Les  Illyrio-Croates  étaient  naguère  sujets  du  royaume 
de  Hongrie.  Ces  deux  derniers  peuples  se  sont  mêlés  plus 
ou  moins  à  la  race  des  Pélasges. 

Les  Turcs  et  les  Hongrois,  leurs  frères,  sont  les  débris 
de  deux  grandes  tribus  qui  ont  pesé  longtemps  dans  la 
balance  des  destinées  européennes  ;  ils  ont ,  les  uns  et  les 
autres,  une  excessive  personnalité.  Le  gouvernement  turc  a 
compris  trop  tard  ses  devoirs  de  paternité  et  d'émancipation 
vis-à-vis  de  ses  sujets  grecs  ;  il  est  resté  à  l'état  de  tribu 
campée  en  Occident.  Le  gouvernement  hongrois  a  commis, 
de  nos  jours,  une  faute  parallèle,  en  se  donnant  pour  idéal 
de  supplanter,  à  son  profit,  la  domination  autrichienne, 
au  lieu  d'émanciper  à  temps  ses  sujets  Croates  et  Rou- 
mains. 

Les  opinions  que  nous  venons  d'émettre  sur  les  princi- 
pales races  européennes  sont  en  désaccord  avec  celles  de 


BU  SIÈCLE.  401 

quelques  hommes  éminents  ;  plusieurs  demandent  à  être 
motivées. 

Edwards  a  pris  les  HcHigrois  pour  des  Huns  ;  mais  les 
Huns,  en  très-petit  nomlnre,  qui  existent  encore  au  sein 
des  Madgf  ars ,  ne  forment  en  aucune  façon  le  fond  natio- 
nal de  la  population.  Les  Hongrois  ont  une  fierté  et  une 
grandeur  de  naturel  tout-à-fait  oaraotéristiques  ;  elles  s'al- 
lient ,  chez  les  femmes ,  à  une  remarquable  beauté  que 
l'on  ne  trouve  point  chez  lesMogols. 

Broc  a  fait  des  Slaves  une  race  germanique,  quoique 
les  Slaves  et  les  Germains  aient  été  constamment  séparés. 

Hoke,  dans  une  étude  très-belle,  mais  un  peu  trop 
systématique ,  qu'il  a  malheureusement  laissée  inachevée , 
confond  ensemble  les  Gaëls  et  les  Germains.  Il  a  aussi 
imaginé  qu'il  y  avait ,  sur  les  bords  du  Danube ,  des  Slaves 
h  cheveux  noirs  et  aux  yeux  bruns ,  sans  tenir  suffisam- 
ment compte  des  mélanges  des  raoes  et  de  l'influence  du 
climat. 

D'autres  ont  divisé  la  race  blanche  en  quatre  variétés  : 
la  blonde,  la  rousse,  la  châtaine  et  la  brune.  Cette  division 
est  essentiellement  fautive.  Les  rouges  ou  roux  sont  très- 
communs  chez  les  Polonais,  chez  les  Celtes  Ecossais,  chez 
les  Kimry  Bretons  ;  mais  cette  couleur  passe  facilement  au 
blond  et  au  brun,  selon  les  circonstances,  peur  reparaître 
de  temps  à  autre  après  quelques  générations. 

Il  est  encore  très-inexact ,  soit  au  point  de  vue  de  la 

t)hysiologie ,  soit  au  point  de  vue  de  l'histoire,  de  diviser 
es  blancs  d'Orient  en  deux  branches,  l'une  arabique, 
l'autre  adamitique  ou  sémitique ,  et  de  placer  dans  la  haute 
Egypte  le  berceau  de  cette  seconde  race  qui  aurait  fourni 
les  Phéniciens,  les  Chaldéens,  les  Hébreux,  les  Berbères 
et  les  Assyriens;  tandis  que  les  langues,  lesieUgions,  les 
traditions  nous  montrent  que  ces  peuples  étaient  originaires 
des  environs  des  sources  de  l'Ëuphrate;  que  tous  étaient 
Ariens  ou  voisins  de  l'Ârie,  à  l'exception  toutefois  des 
Chaldéens  et  des  Phéniciens ,  qui  sont  venus  des  bords  Est 
du  golfe  Persique,  et  qui  ont  été  civilisés  par  des  étrangers 
arrivés  par  mers  en  leur  pays. 
Conclurons-nous  de  ce  qui  précède  que  nous  avons 


402  PHILOSOPHIE 

suffisamment  indiqué  la  solution  des  problêmes  que  com- 
porte Tétude  des  peuples  européens?  Non  sans  doute  :  nous 
n'osons  rien  affirmer  quant  aux  Finois,  ni  quant  aux 
Basques.  Nous  ignorons  quelles  étaient  ces  peuplades  aux 
cheveux  noirs  et  frisés,  que  César  trouva  dans  la  Grande- 
Bretagne.  Nous  n'oserions  affirmer  non  plus  que  l'Europe  n'a 
pas  eu  de  race  authoctone ,  et  que  les  Ibères  n'ont  pas  été 
fréquemment  visités  par  les  Phéniciens ,  qui  avaient  trans- 
porté le  culte  de  Bel  ou  Belus  sur  la  côte  Sud  du  Mor- 
bihan ,  là  où  le  mot  bélec  se  tradmt  encore  à  cette  heure 
par  le  mot  prêtre. 

Passons  maintenant  aux  races  colorées  de  l'Asie.  L'Inde 
Anglaise  nous  paraît  avoir  été  le  théâtre  de  luttes  anciennes 
et  de  conquêtes  qui  se  perdent  dans  la  nuit  des  âges  ;  elle 
a  des  noirs  d'ébène ,  des  noirs  bronzés ,  des  noirs  à  teinte 
cuivrée ,  des  jaunes  à  teinte  noire  et  des  jaunes  presque 
blancs.  Ces  transitions  dans  les  nuances  sont  la  preuve 
évidente  de  nombreux  mélanges.  Les  hommes  de  l'Inde 
ont  tous  en  général  de  très-belles  formes  ;  mais  les  femmes 
varient  :  elles  ne  méritent  en  aucune  manière,  dans  plu- 
sieurs tribus,  leur  réputation  de  beauté. 

Au  chapitre  VI  de  la  Bible,  nous  trouvons  le  souvenir 
d'une  antique  tradition  qui  peut  avoir,  dans  l'Inde ,  son 
explication.  Il  s'agit,  en  s'attachant  plus  au  sens  spirituel 
qu'au  sens  matériel  des  mots ,  d'émanations  intellectuelles 
de  la  divmité  qui  prirent  pour  épouses  des  formes  corpo- 
relles. Pour  la  première  fois.  Moïse  parle  des  néphilêenSf 
c'est-à-dire  des  nobles  ;  ils  engendrèrent ,  dit-il ,  les  Gibo- 
réens ,  ces  héros  dont  les  noms  ont  été  si  célèbres  dans  la 
profondeur  des  temps.  —  Ce  chapitre,  inexplicable  et 
mexpliqué ,  devient  moins  obscur  si  l'on  veut  comprendre 
qu'il  s'agit  de  l'union  d'une  race  philosophique  et  sacer- 
dotale ,  comme  les  sages  Hyrcaniens  (les  grands  blancs) , 
avec  les  filles  d'hommes  non  encore  civihsés:  ce  qui  est 
d'autant  plus  probable  que  la  Bible  nous  rappelle  que  ces 
filles  étaient  belles. 

Dans  les  castes  supérieures  des  Indous ,  les  femmes  sont 
très-remarquables  ;  elles  ont  les  épaules  élégantes ,  le  sein 
bien  conformé,  mais  placé  un  peu  plus  bas  que  dans  la 


BU  SIÈCLB.  403 

race  blanche.  Leurs  yeux  sont  noirs,  leurs  sourcils  noirs  et 
arqués.  Elles  ont  peu  de  poil  au  pubis,  passent  pour 
lascives  et  sont  mères  de  très-bonne  heure  :  aussi  leur 
existence  est-elle  de  courte  durée.  Ces  divers  caractères 
se  modifieraient  promptement  si  les  lois  religieuses  et 
civiles  s'attachaient  à  prolonger  les  enfances  et  à  retarder 
1  époque  de  la  nubilité  :  deux  conditions  auxquelles  l'affran- 
chissement moral  et  intellectuel  de  la  femme  se  Ue  étroite* 
ment,  et  qui  font  la  supériorité  des  Américaines.  Les 
hommes  de  ces  castes  ont  environ  cinq  pieds  deux  pouces , 
les  cheveux  plats  et  noirs ,  la  barbe  peu  fournie,  si  ce  n'est 
au  menton. 

Les  Gitanes  ou  Zengaris,  si  communs  en  Espagne  et 
que  l'on  retrouve  dans  le  Midi  de  la  France  et  dans  quel- 
ques autres  contrées,  nous  ont  toujours  paru  de  race 
indoue.  Les  études  que  Rienzi  a  bien  voulu  faire  à  cette 
occasion,  sur  notre  demande,  sont  venues  confirmer  nos 
prévisions  physiologiques.  Issus  de  l'une  des  castes  infé- 
rieures de  l'Inde ,  les  Gitanes ,  plus  connus  encore  sous  le 
nom  de  Bohèmes,  sont  en  Europe  depuis  le  XV**  siècle. 
Leurs  femmes  sont  souvent  remarquablement  jolies. 

Les  jaunes  de  la  Chine ,  de  la  Cochinchine ,  de  Siam  et 
du  pays  des  Birmans  ne  forment  qu'une  seule  race  qui 
habite  en  partie  le  long  des  fleuves  ;  elle  se  nourrit  de  riz 
et  de  poisson,  et  change  d'habitation,  au  dire  de  Desmbu- 
lins ,  avec  la  plus  grande  facilité ,  selon  la  convenance  de  la 
pêche ,  les  exigences  de  la  moisson  ou  les  besoins  de  sa 
sécurité ,  lorsque  l'ennemi  tient  la  campagne.  Telle  ville , 
qui  est  aujourd'hui  sur  le  bord  de  la  mer,  se  trouvera 
dans  un  mois,  à  quinze  ou  vingt  lieues  du  rivage.  Les 
femmes  de  cette  races  sont  pubère  de  bonne  heure  et  d'une 
extrême  fécondité,  qu'il  faut  peut-être  attribuer  à  leur 
nourriture.  Dès  l'âge  de  dix-sept  à  dix-huit  ans,  les  mamelles 
leur  tombent  jusqu'au  nombril.  Les  hommes  ont  une  taille 
moyenne  de  cinq  pieds  quatre  pouces  ;  leur  figure  est  large 
à  la  hauteur  des  pommettes  qui  sont  saillantes  :  aussi  le 
front  paraît- il  se  rétrécir  fortement  sur  les  côtés  pour  arri- 
ver à  se  terminer  en  pointe.  Le  nez  est  droit,  les  yeux  sont 
fendus  en  amandes  et  légèrement  obUques;  l'iris  est  brun 


404  PHILOSOPHIB 

foncé ,  la  conjonctive  légèrement  jaune  ;  les  formes  du  corps 
sont  belles  et  régulières. 

La  civilisation  de  ces  peuples  remonte  à  une  très-haute 
antiquité ,  mais  leur  langue ,  leur  écriture  et  leurs  mœurs 
ont  en  quelque  sorte  arrêté  tout  progrès  dans  ces  belles 
contrées  où  rien  ne  manque  cependant,  ni  le  génie  de 
rhomme ,  ni  Tesprit  d'industrie  et  de  patience ,  ni  la  rési- 
gnation au  travail ,  ni  la  fertilité  du  sol ,  ni  la  richesse  des 
mines,  ni  les  ports  magnifiques,  ni  les  grands  fleuves. 
Partout,  à  cAté  de  ce  qui  pourrait  créer  la  grandeur  et  le 
bonheur  des  populations ,  on  trouve  jusque  dans  les  plus 
infimes  détails  de  la  vie ,  une  étiquette  qui  règle  tout ,  qui 
asservit  tout,  qui  entrave  tout.  La  religion  dominante  est 
le  bouddhisme  ;  les  expositions  d'enfants  sont  permises ,  et 
les  mœurs  diffèrent  essentiellement  des  nôtres.  Le  code  de 
la  civilité  puérile  et  honnête  est  ici  en  pleine  vigueur  ;  il 
règle,  jusque  dans  les  plus  minutieux  détails,  les  rapports 
du  clergé,  de  la  cour,  de  la  magistrature  et  du  commerce; 
tout,  jusqu'à  la  durée,  la  tournure  et  l'intonation  des  phrases, 
l'attitude  des  personnes  diverses,  les  vêtements  et  le  mobi- 
lier des  individus,  et  Ton  devient  justiciable,  non  pas  de  la 
mode  (il  n'y  en  a  point  dans  ses  contrées),  mais  de  la  police, 
si  on  change  un  iota  à  ce  qui  a  été  accepté  et  consacré  par 
l'usage  depuis  des  siècles. 

Tous  les  jaunes,  dont  nous  parlons  en  ce  moment ,  sont 
extrêmement  sobres  ;  ils  boivent  rarement  de  liqueurs 
fortes,  mais  iU  adorent  l'opium  et  les  parfums.  Sur  tous 
les  marchés,  où  ils  se  présentent  comme  ouvriers,  marins, 
porte-faix,  laboureurs,  commerçants,  prêteurs  à  la  petite 
semaùie  ou  banquiers  d'un  ordre  plus  élevé ,  leur  adresse  , 
leur  patience  et  leurs  habitudes  leur  donnent  une  grande 
supériorité  sur  leurs  concurrents  ;  aussi  deviendraient-ils 
pour  nous  les  rivaux  les  plus  redoutables,  s'ils  avaient  une 
autre  langue,  une  autre  écriture,  et  s'ils  se  livraient  à 
l'élude  des  sciences  d'Occident. 

Les  Mogols  ont  la  taille  moins  élevée  que  les  jaunes 
dont  nous  venons  de  parler.  Leur  tête  est  plus  volumineuse, 
leurs  épaules  sont  plus  fortes,  leurs  yeux  plus  petits  et  très- 
éloignés  l'un  de  l'autre,  leur  peau  plus  jaune.  Leur  visage  est 


BU  SIÈCLE.  405 

ridé,  leurs  pommettes^sont  extrêmement  saQlantes ,  ce  qui 
rétrécit  encore  le  front  ;  les  poils  sont  rudes  et  ressemblent 
à  du  crin  ;  leurs  cheveux  sont  très»longs.  Cette  race  fournit 
quatre  variétés  :  les  Tongoiurs ,  les  Mongols ,  les  Kalmouks 
et  les  Yacoutes.  Ces  derniers  sont  très^laids  et  tout-à-fait 
nomades. 

Les  Lapons,  les  Samoïèdes  et  les  Esquimaux  forment 
les  trois  variétés  d'une  dernière  race,  désignée  par  les 
physiologistes  sous  le  nom  d'hyperboréenne ,  parce  qu'elle 
habite  le  pôle  Nord  du  globe.  Us  ont  de  quatre  à  cinq 
pieds  de  hauteur,  la  tête  enfoncée  entre  les  deux  épaules , 
le  corps  musculeux ,  les  cheveux  noirs  et  un  peu  rappro- 
chés du  crin,  les  jambes  courtes  et  trôs^grosses ,  la  figure 
courte  et  ronde ,  le  nez  écrasé,  les  narines  ouvertes,  les 
pommettes  saillantes,  peu  de  barbe.  Les  femmes  sont 
parfois  laides  à  faire  plaisir;  leurs  mamelles  sont  démesu- 
rément longues;  eUes  ont  le  vagin  extrêmement  large, 
aussi  accouchent-elles  avec  facihté. 

Dans  cette  race,  le  cerveau  est  plus  volumineux  que 
dans  la  nôtre  ,  mais  cet  excès  ne  porte  pas  sur  les 
facultés  intellectuelles  et  sociables  ;  au  contraire ,  c'est  à 
l'opposé:  c'est  à  la  base  du  crâne  qu'à  lieu  un  grand 
développement  signalé  par  Blumenbach. 

La  couleur  de  cette  race  est  cuivrée  ;  cependant  l'on  a 
rencontré  des  hyperboréens  qui  étaient  très-noirs. 

Ces  malheureux ,  au  dire  des  voyageurs ,  vivent  en  fa- 
milles et  dans  la  plus  grande  promiscuité.  Leurs  huttes 
sont  en  partie  souterraines  ;  le  chien  et  le  renne  sont 
leurs  animaux  domestiques.  Presque  tous  parviennent  à 
un  âge  très-avancé ,  et  jamais  ils  ne  sont  malades ,  malgré 
la  dureté  de  leur  vie.  Leur  intelligence  ne  s'est  pas 
fatiguée  à  la  recherche  des  causes;  ils  ne  comprennent 
rien  aux  idées  intellectuelles  qui  passionnent  les  Euro- 
péens ,  et  ne  se  doutent  pas  que  l'on  puisse  faire  la  guerre 
pour  se  disputer  le  sol.  Presque  tous  ceux  que  l'on  a 
enlevés  à  leurs  pays  sont  morts  de  nostalgie  dans  nos 
contrées. 

Que  conclure  maintenant  de  ce  qui  précède ,  si  non  que 


406  PHILOSOPHIE 

dans  le  genre  humain  ou  bimane  les  espèces  très-rappro- 
chées  les  unes  des  autres,  beaucoup  plus  que  dans  le  genre 
quadrumane,  peuvent  toutes  s'accoupler  et  donner  naissance 
à  des  hybrides  ou  mulets  reproducteurs. 

Pour  nous ,  qui  avons  recherché  la  vérité  avec  la  bonne 
foi  la  plus  scrupuleuse,  nous  croyons  que  le  geiu^e  homme 
a  paru  primitivement  dans  chacun  des  centres  d'évolution 
par  une  ou  par  plusieurs  espèces.  Nous  en  admettons  : 

Une  pour  TAustraUe  ; 

Deux  pour  l'Afrique  ^Méridionale  :  les  Hottentots  et  les 
Gafres  ; 

Deux  pour  l'Afrique  Septentrionale  :  les  Yolofs  et  Man- 
dingues  et  les  Moutchicongo  ; 

Quatre  pour  les  deux  Amériques ,  à  savoir  :  les  peaux- 
rouges,  les  Caraïbes,  les  Araucaniens  et  les  Patagons  ; 

Trois  pour  l'Asie  :  une  pour  les  races  blanches ,  une 
pour  les  races  jaunes,  une  troisième  pour  les. races  hyper- 
boréennes. 

Nous  faisons  d'ailleurs  nos  réserves  sur  des  questions  qui 
sont  encore  indécises  dans  notre  esprit  :  ainsi  nous  croyons, 
ou  plutôt  nous  supposons  que  les  nègres  d'Oeéanie  sont 
des  advènes,  des  étrangers.  Nous  supposons  encore  que 
les  Papouasiens  sont  issus  de  leur  croisement  avec  les 
Australiens  ;  que  les  Malais  peuvent  avoir  été  produits  par 
un  croisement  des  jaunes  avec  les  nègres  ;  que  les  jaunes 
de  rOcéanie  sont  ou  peuvent  être  des  jaunes  asiatiques, 
ainsi  que  les  Péruviens  et  les  Mexicains.  Cependant  nous 
devons  faire  remarquer  que  leurs  types  se  sont  singulière- 
ment modifiés  dans  leurs  pérégrinations. — Si  nous  sommes 
conduit ,  par  les  faits ,  à  admettre  une  race  blanche  pri- 
mitive ,  nous  avouons  aussi  très-franchement  que  l'existence 
de  plusieurs  races  primitives  a  ses  probabiUtés  ;  nous  en 
devons  dire  autant  pour  les  races  jaunes  asiatiques  et  pour 
les  races  hyperboréennes. 

Notre  conclusion ,  formellement  contraire  à  l'opinion  de 
Cuvier,  a  pour  elle  les  études  si  philosophiques  de  De  La- 
marck,  de  Geoffroy  Saint-Hilaire  père,  et  un  passage 
trop  souvent  oublié  du  fameux  discours  de  René  Descartes , 
sur  la  méthode  ;  en  deux  mots,  la  voici  : 


BU  SIÈCIB.  407 

L'homme  a  paru  très-probablement  à  la  fois,  par  une 
ou  par  plusieurs  familles  primitives,  dans  chacun  des  cen- 
tres d'évolutions  organiques  que  nous  avons  signalés.  — 
Dans  chacun  de  ces  centres  il  a  possédé ,  dans  un  passé 
complètement  obscur  pour  nous,  mais  qui  devra  s'éclairer 
quelque  peu  au  flambeau  de  la  géologie,  des  conditions 
très-différentes  d'existence,  créées  par  les  positions  géogra- 
phiques et  par  des  influences  héréditaires ,  filles  d'un  état 
antérieur  qui  nous  est  inconnu,  mais  que  les  lois  de  mieux 
en  mieux  appréciées  des  transformations  organiques 
pourront  faire  connaître  un  jour. 

Les  monuments  de  l'Egypte ,  en  montrant  que  les  types 
des  Hébreux ,  des  Arabes ,  des  Persans  et  des  Elhyopiens 
ne  se  sont  pas  modifiés  sensiblement  depuis  trois  et  quatre 
mille  ans,  établissent  de  la  manière  la  plus  évidente  que 
plusieurs  milliers  d'années  ne  sauraient  suffire  à  expliquer 
les  variétés  anatomiques  dans  les  couleurs ,  les  formes  et 
l'ost^logie  des  familles  primitives.  EUes  ne  sont  la  consé- 
quence ni  des  variations  ae  la  nature ,  ni  des  besoins  divers 
des  races ,  ni  de  leurs  habitudes  spéciales  :  les  seules 
modifications  dont  la  science  puisse  accepter  et  discuter 
l'action ,  vis-à-vis  de  ceux  qui  croient  à  la  création  spon- 
tanée de  l'homme ,  le  plus  parfait  de  tous  les  assemblages 
d'organismes  qui  existent  à  la  surface  du  globe.  Elles  sont 
donc  spéciales ,  et  naturelles  à  chacune  des  espèces  hu- 
maines. 

Au  point  de  vue  de  la  zoologie ,  pourquoi  dire  que  le 
genre  bimane  ne  se  compose  que  d'une  seule  espèce  ?  Dit- 
on,  par  hazard,  que  les  chevaux  d'Asie,  le  cheval,  l'onagre, 
l'àne  et  l'hémionef  et  les  chevaux  d'Afrique ,  l'âne  tigré  et 
le  couagga ,  sont  sortis  de  la  même  souche  ei  du  même 
couple.  U  y  a  cependant  moins  de  distance  anatomique 
entre  l'hémione  et  l'âne  qu'entre  le  Germain  et  le  Scan- 
dinave, d'une  part;  l'Australien  et  leHottentot,  de  l'autre. 

Au  point  de  vue  religieux ,  est-il  sûr  que  Moïse ,  si 
éminent  à  son  époque,  ait  été  bien  traduit?  Adam  n'est-il 
pas  un  terme  générique  qui  signifie,  en  hébreu,  l'homme 
universel?  Pourquoi  rejetterions-nous  cette  pensée  que 
d'Olivet  attribue  à  Moïse,  d'avoir  distingué,  à  la  surface 


408  PHILOSOPHIE 

(lu  globe,  quatre  mouvements,  quatre  règnes,  à  savoir: 
les  règnes 

Minéral , 

Végétal, 

Animal, 

Hominal  ou  adamique. 

Plus  on  étudie  la  nature,  ce  grand  livre  des  divines 
révélations    dont  la  science  seule  permet  de   déchiffrer 

Quelques  pages,  plus  on  reconnaît  que  cette  providence, 
evant  laquelle  grands  et  petits ,  tous  nous  devons  nous 
incliner,  avait  réuni,  il  y  a  bien  des  milliers  d'années, 
les  éléments  qui  devaient  former  les  grandes  séries  des 
ôtres,  de  telle  sorte  qu'il  y  eût  pour  chaque  genre,  émana- 
tion au  sein  dun  milieu  préexistant,  et  développement 
progressif  sous  l'influence  des  lois  de  la  vie. 

Disons  donc  que  le  genre  homme  marche  de  la  multipli- 
cité vers  l'unité,  sous  la  double  influence  des  croisements 
et  de  l'éducation  :  ce  qui  revient  à  dire  aussi  qu'il  n'a 
point  acquis  son  parfait  développement.  Toutes  les  races 
s'amélioreront  encore  :  l'éducation,  en  perfectionnant  les 
facultés  intellectuelles  et  morales ,  rendra  nos  neveux  plus 
habiles  à  percevoir  et  à  juger  les  rapports  des  formes,  des 
couleurs  et  des  sons,  les  harmonies  de  toute  nature.  Déjà 
depuis  plusieurs  nlille  ans ,  et  surtout  depuis  Pythagore , 
elle  nous  enseigne  à  marier  les  sentiments  moraux  aux 
impressions  des  sens ,  en  développant  de  la  façon  la  plus 
remarquable  l'idéal  et  la  sentimentalité.  Mais  l'avenir  ne 
saurait  s'arrêter  dans  cette  voie;  il  voudra  prolonger  le^ 
enfances  et  retarder  les  mariages  :  prolonger  les  enfances 
pour  agir  plus  longtemps  sur  le  développement  intellectuel, 
à  cet  âge  où  le  cerveau  est  si  malléable  ;  il  retardera  les 
mariages  pour  avoir  des  enfants  plus  forts,  plus  vigoureux, 
plus  robustes ,  des  enfants  qui  reproduisent  mieux  les  types 
des  parents  avec  leurs  facultés  acquises.  —  De  la  sorte ,  ce 
que  le  cœur  donne  aujourd'hui  de  sang  au  cerveau ,  se 
portant  surtout  vers  les  parties  antérieures  et  supérieures , 
le  front  s'élargira,  s'élèvera  et  se  redressera  ;  l'angle  nor- 
mal dépassera  90  degrés;  la  distance  de  la  racine  du  nez 
au  conduit  auditif  augmentera  encore.  La  bouche  perdra 


DU  SIÈCLE.  409 

ses  restes  de  bestialité  pour  n'être  plus,  dans  toutes  les 
races,  que  rinstrument  du  sourire,  de  la  parole  et  du  baiser, 
trois  choses  si  délectables  et  si  purement  humaines. 

Embelli  de  la  sorte  dans  son  visage ,  grandi  en  force , 
en  intelligence,  en  bonté,  l'homme  des  âges  futurs 
s'avancera  vers  le  bonheur,  avec  la  conscience  de  ses  hautes 
destinées. 


410  PHILOSOPHIE 


LIVRE  VI. 

VIES  SOCIALES. 
l'homme  et  l'humanité. 

Ce  livre  se  divise  en  deui  parties  distinctes  :  la  première 
n'est  que  la  continuation  de  l'étude  des  vies  animales  ; 
l'homme  y  apparaît  d'abord,  au  premier  plan,  comme 
chef  de  l'animalité ,  puis  ensuite  comme  fonction  de  l'hu- 
manité. —  Dans  la  seconde  partie,  nous  avons  esquissé  à 
grands  traits  Thistoire  de  l'humanité,  en  montrant,  à 
travers  les  âges ,  les  transformations  subies  par  les  princi- 
paux organes  de  cet  être  collectif  et  par  les  phénomènes 
auxquels  ils  donnent  lieu.  Les  castes,  l'esclavage,  le  ser- 
vage ,  le  prolétariat,  le  mariage,  la  commune ,  les  grandes 
unités  territoriales  des  empires  et  les  civilisations  diverses , 
avec  leur  commerce,  leur  industrie,  leurs  beaux-arts  et  leurs 
sciences  ont  singulièrement  fixé  notre  attention.  Nous  avons 
compris,  en  écrivant  cette  partie  de  notre  travail,  qu'il  ne 
s'agissait  de  rien  moms  que  d'établir  la  ckarpente  d'une  vé- 
ritable histoire  universelle. 


DES  SENS. 

eÉI^ÉEALITÉS. 

Depuis  des  siècles  on  oppose  la  matière  à  l'esprit,  les 
sens  à  l'intellect  :  moutons  de  Panurge  que  nou3  sommes. 


BU  SIËGLB.  411 

nous  marchons  à  la  suite  du  premier  venu  qui  se  dit  bélier 
du  troupeau,  sans  examiner  sérieusement  ses  droits  à  nous 
conduire  et  sans  souci  de  vérifier  si  l'on  nous  mène  par 
une  bonne  route.  —  La  vie  est  la  plus  unitaire  des 
choses,  quoique  Ton  puisse  soumettre  successivement  à 
l'analyse  ses  divers  phénomènes. 

Toute  existence  ,  si  personnelle  qu'elle  nous  paraisse, 
se  rattache  incessamment  en  mille  manières  à  la  grande 
vie  de  la  nature.  —  Dans  ses  progrès  continus  vers  des 
organismes  de  plus  en  plus  parfaits,  la  substance  ani- 
male subit ,  dans  ses  combinaisons  et  dispositions  consécu- 
tives ,  de  nombreuses  métamorphoses  qui  toutes  semblent 
avoir  pour  but,  et  présentent  en  effet  pour  résultat,  la 
perfection  toujours  croissante  des  rapports  de  l'individu 
avec  le  monde  qui  l'environne ,  des  connaissances  de  plus 
en  plus  précises ,  des  informations  de  plus  en  plus  exactes 
sur  le  cosmos ,  dont  l'homme  est  sur  cette  terre  la  brillante 
et  intellectuelle  animation. 

Pour  le  physiologiste ,  les  sens  ne  sont  que  des  appareils 
électro  -  clumiques ,  prolongements  nerveux  formés  en 
racines  du  côté  du  cerveau ,  merveilleusement  disposés  à 
l'autre  extrémité  pour  leur  usage  spécial.  C'est  par  eux 
que  l'organe  intellectuel  va  au  devant  de  ces  impressions 
extérieures,  à  l'occasion  desquelles  l'intellect  présente 
cet  état  phénoménal  qui  s'appelle  sensation,  sentiment 
vague  et  connaissance. 

Ne  voulant  procéder  à  la  manière  des  philosophes 
d'église  ou  de  collège  qui  ne  sont  que  des  métaphysiciens, 
mais  bien  selon  la  méthode  expérimentale  et  comme 
Hyppocrate ,  ^[i  allant  du  connu  vers  l'inconnu ,  nous 
allons  entrer  de  suite  dans  la  question  et  l'attaquer  dans 
le  vif.  C'est  aux  faits  de  mieux  en  mieux  étudiés,  c'est 
aux  log^ues  conséquences  qui  en  découlent  que  nous 
adresserons  nos  interrogations  sur  la  puissance ,  l'étendue , 
l'avenir  des  manifestations  de  la  vie  animale  et  surtout  de 
la  vie  humaine. 

Chez  les  êtres  les  plus  inférieurs,  la  sensation  dépasse- 
t-elle  le  toucher  ;  va-t-elle  au-delà  de  la  principale  partie 
nerveuse  de  la  portion  de  leur  être,  qui  a  subi  l'action  d'un 


412  PHILOSOPHIE 

corps  étrangers  ?  quelle  différence ,  au  fur  et  à  mesure  que 
l'existence  d'un  centre  nerveux  vient  individualiser  la  vie 
et  lui  donner  une  personnalité  de  plus  en  plus  prononcée  ! 
Alors  le  sens  du  toucher,  perfectionné  selon  les  essences 
dont  il  doit  recevoir  le  contact ,  devient  successivement  : 

Le  toucher  proprement  dit  ; 

Le  goût  ou  toucher  des  réactions  chimiques  et  molécu- 
laires ; 

L'odorat ,  le  toucher  des  odeurs  et  des  parfums  ; 

L'ouïe,  le  toucher  des  ondes  sonores; 

La  vision ,  le  toucher  des  ondes  ou  vibrations  éthérées. 

Remarquons  maintenant  que  partout  la  même  disposition 
préside  à  la  perfection  des  impressions  fournies  au  cerveau 
par  les  sens.  Pour  la  main,  les  filets  nerveux  sont  protégés 
contre  une  pression  trop  rude ,  par  un  matelas  graisseux 
semi-liquide ,  et  par  l'épiderme  contre  les  actions  chimi- 
ques ou  moléculaires  de  certains  corps. 

A  la  langue ,  l'épiderme  est  remplacé  par  quelque  chose 
de  bien  plus  délicat,  par  une  membrane  beaucoup  plus 
mince  appelée  épithelium,  et  les  papilles  nerveuses  plongent 
en  quelque  sorte  dans  la  saUve,  soit  pour  l'organe  du 
toucher  Ungual,  soit  pour  celui  du  goût,  deux  choses  qu'il 
faut  distinguer. 

Le  sens  de  l'odorat  nous  présente  un  nerf  épanoui  en 
une  membrane  très-bien  abritée  par  le  nez  et  constamment 
lubréfiée  par  une  sérosité. 

Le  nerf  auditif  se  termine  au  milieu  d'un  liquide  destiné 
à  protéger  sa  sensibilité  et  sa  délicatesse. 

Le  nerf  de  la  vision  aboutit  à  une  membrane ,  la  rétine , 
qui  tapisse  le  fond  d'un  globe  rempli  de  liquide  servant  à 
protéger  sa  souplesse  et  son  extrême  sensibilité. 

Partout ,  on  le  voit ,  le  nerf  qui  doit  recevoir  l'impression 
d'un  toucher  quelconque  se  trouve  protégé  par  lu  nature 
et  mis  à  l'abri  des  agents  qui  pourraient  l'altérer  dans  sa 
délicatesse  par  dessication  ou  de  toute  autre  manière  ; 
mais  pour  le  plus  parfait  do^^ns,  pour  l'œQ,  le  nerf 
se  trouve  cependant  en  contact  Tlfrect  avec  les  ondes  lumi- 
neuses. 

La  sensation  si  simple  en  apparence  chez  les  êtres  les 


BU  SIÈCLB.  415 

plus  inférieurs,  se  compose  chez  l'homme  de  trois  opéra- 
ticms  ou  phénomènes  : 

L'impression  électro-magnétique  sur  les  sens, 

La  transmission  au  cerveau  par  un  conducteur  nerveux , 

La  perception  cérébrale  de  l'impression. 

Gaidez-vous  d'attribuer  aux  sens,  selon  l'habitude  des 
gens  irréfléchis  ou  de  certains  physiologistes,  les  erreurs  qui 
peuvent  être  dues  à  d'autres  causes.  Une  faute  de  sensation 
peut  tenir  soit  au  sens ,  soit  au  conducteur,  soit  au  centre 
cérébral  où  elle  est  conduite. 

Les  sens  sont  actifs  ou  passifs  en  leur  manière  de  se 
présenter  au-devant  des  impressions,  et  cette  observation 
est  si  vulgaire  et  si  ancienne,  quoique  confuse  en  nos 
esprits ,  qu'elle  a  été  consacrée  par  le  langage  populaire. 
Ne  dit-on  pas  : 

Toucher  —  et  —  palper. 

Goûter  —  et  —  déguster, 

Sentir  —  et  —  odorer  ou  flairer, 

Entendre  —  et  —  écouter. 

Voir  —  et  —  regarder  ? 

Prenons  l'œil  pour  confirmer  ce  qui  précède.  L'œil  est 
un  daguerréotype  véritable  :  la  volonté  le  prépare  et  dis- 
pose pour  recevoir  les  impressions,  quasi  comme  elle 
prépare  le  daguerréotype ,  en  découvrant  l'objectif  :  de  là 
ses  deux  états  dans  le  rôle  qu'il  remplit  de  sentinelle 
avancée.  —  Passez  au  mercure  la  plaque  daguerrienne ,  et 
vous  fixerez  l'impression  fugitive  produite  sur  l'argent 
ioduré  ;  de  même  que  votre  attention  se  combine  avec  la 
perception  oculaire,  et  de  cette  combinaison  de  chimie 
transcendante  entre  des  éléments  éthérés  impondérables  et 
spirituels,  il  naîtra  une  impression  plus  ou  moins  fixe, 
plus  ou  moins  durable.  Le  temps  l'effacera  sans  doute, 
comme  il  fait  pour  les  dessins  daguerriens,  comme  il 
efface  et  use  tout  en  ce  monde ,  et  les  inscriptions  vani- 
teuses écrites  aux  arcs  de  triomphes  des  rois  et  des  grands 
généraux,  et  les  inscriptions  même  de  leurs  monuments 
funéraires.  Ne  soyons  donc  pas  étonnés  de  voir  l'oubli  se 
promener  aux  facultés  cérébrales. 

L'hooune  civilisé,  avec  des  sens  souvent  inférieurs  à 

18 


414  PHILOSOPHIE 

ceux  des  animaux  et  de  Thomme  sauvage,  leur  est 
cependant  très-supérieur  en  sa  manière  de  juger  les 
phénomènes.  Les  prédispositions  intellectuelles  sont  donc 
essentiellement  importantes  à  observer  dans  Tétude  des 
sensations  ;  de  là ,  par  suite ,  un  idéal  que  l'éducation 
devra  développer  :  idéal  incompris  des  anciens,  vaguement 
connu  des  modernes,  étudié  seulement  avec  quelque 
conscience  depuis  un  demi-siècle. 

Du  Toucher.  —  Ne  confondons  point  le  tact  ou  palper 
et  le  toucher.  Le  tact  suppose  une  activité  du  sens  du 
toucher  qui  serait  passif  dans  le  second  cas.  Ne  dites-vous 
pas  tous  les  jours  :  J'ai  vu  sans  voir,  attendu  que  je  ne 
regardais  point? 

Par  le  toucher,  notre  intelligence  s'éclaire  sur  la  solidité , 
la  pesanteur,  l'étendue ,  la  chaleur,  l'humidité,  la  séche- 
resse ,  la  position  et  la  forme  des  corps.  —  On  a  dit  à  tort 
qu'il  fallait  distinguer  entre  les  sensations  de  contact ,  de 
résistance  et  de  température  relative.  La  sensation  de  con- 
tact com,porte  et  renferme  nécessairement  les  deux  autres. 

Les  nerfs  qui  servent  au  toucher  chez  l'homme  sont  : 

Les  trenle-et-un  spinaux  postérieurs  ; 

La  grosse  racine  du  trijumeau  (cinquième  paire)  ; 

Le  glosso-pharingien  ; 

Le  pneumo-gastrique. 

Il  est  difficile  d'apprécier  le  toucher  diez  les  autres  ani- 
maux ;  cependant  il  est  bien  évident  qu'il  s'élève  et  se 
perfectionne  dans  la  série  des  êtres. 

Qu'est-ce  que  le  toucher  des  éponges  ? 

Qu'est-ce  que  le  toucher  des  polypes? 

Chez  les  mollusques ,  le  toucher  est  souvent  facilité  par 
des  organes  qui  servent  à  d'autres  fonctions  et  par  une 
peau  souple  et  humide. 

Le  toucher  est  déjà  développé  chez  certains  insectes  :  la 
chenille  de  la  phalène,  écaille  marbrée,  et  beaucoup  d'au- 
tres, se  pelotonnent  sur  elles-mêmes  aussitôt  qu'un  corps 
étranger  les  inquiète  par  son  contact.  D'autres  animaux 
inférieurs ,  les  crustacés,. par  exemple,  possèdent  des  poils 
vibratiles  qui  se  rapportent  au  sens  qui  nous  occupe. 


BU  SIÈCLB.  415 

Plusieurs  poissons  présentent  des  organes  analogues  aux 
moustaches  des  chats  ;  d'autres  ont  autour  de  la  tête  ou  du 
museau  lui-même  des  barbillons  dont  Tusage  n'est  pas 
douteux. 

La  langue  de  la  couleuvre  est  un  organe  tactile. 

Les  crapauds,  les  grenouUles  surtout,  ont  une  peau 
assez  sensible. 

Chez  les  oiseaux ,  les  pattes ,  le  bec  et  quelquefois  la 
langue  servent  au  toucher,  qui  n'est  que  peu  développé  dans 
cette  grande  série  d'êtres. 

Le  museau,  chez  beaucoup  de  mammifères,  est  le 
principal  organe  des  sensations  du  toucher,  et  déjà ,  au  fur 
et  à  mesure  qu'il  se  développe,  on  le  voit  entrer  en 
communion  avec  les  organes  de  l'odorat  et  surtout  du  goût, 
c'est-à-dire  qu'il  se  présente  sous  deux  formes  nouvelles. 
Chez  les  animaux  de  l'espèce  du  cheval  et  du  chien ,  les 
lèvres  servent  à  reconnaître  la  nature  des  corps;  chez 
d'autres,  les  chats,  les  rats,  les  phoques,  les  moustaches 
sont  un  organe  tactile  assez  délicat.  Les  chiens  et  quelques 
autres  animaux  pratiquent  aussi  un  toucher  grossier 
avec  les  pattes  de  devant  qui  leur  tiennent  lieu  de  mains. 
Chez  les  singes,  qui  n'ont  point  de  pieds,  mais  quatre 
mains  bien  inférieures  à  celles  de  l'homme ,  nous  voyons 
une  évidente  progression  vers  le  mieux. 

Chez  l'homme,  le  toucher  peut  avoir  lieu  passivement 
par  toutes  les  surfaces  du  corps,  qu'elles  soient  recou- 
vertes par  la  peau  ou  par  une  muqueuse,  comme  aux 
lèvres  et  à  la  langue  ;  mais  c'est  à  l'extrémité  de  la  langue 
et  à  la  pulpe  des  doigts  qu'il  s'exerce  surtout  d'une  ma- 
nière active.  Presque  partout  ailleurs  ce  sens  est  cons- 
tamment passif.  —  Buffon  a  écrit  de  belles  choses,  en 
phrases  magnifiques,  sur  le  toucher;  il  en  a  fait  le  seul 
moyen  que  l'homme  possède  d'acquérir  des  connaissances 
réelles  et  positives.  Etrange  erreur,  qui  se  lie  à  celte  autre  : 
Toutes  les  sensations  nous  viennent  d«»s  sens.  —  Trop  peu 
avancée  encore  ai^  siècle  dernier  pour  parler  toujours 
scientifiquement,  la  physiologie  par  Buffon  s'efforçait,  par 
le  nombre  et  la  grandeur  des  idées ,  par  une  habile  méta- 
physique, par  la  magnificence  du  style,  par  le  merveilleux 


416  PHILOSOPHIE 

apprêt  qu'il  savait  donner  à  ses  pensées  pour  les  faire 
goûter,  de  remuer  les  intelligences.  Toutefois  Térudit  et 
savant  prosaïsme  des  professeurs  de  notre  époque  ne 
saurait  nous  satisfaire.  Buffon  était  sur  la  route  de  cette 
proposition  : 

Il  n'y  a  qu'un  sens. 

Nous  la  démontrerons,  ou  plutôt  elle  est  déjà  démon- 
trée. D'autres  en  tireront  des  conclusions  nombreuses  au 
fur  et  à  mesure  que  la  physique  se  perfectionnera. 

Certes  les  sens ,  surtout  chez  l'homme ,  ne  sauraient  se 
suppléer  ;  mais  nous  avons  vu,  chez  des  aveugles  et  chez 
des  malades,  la  peau  du  front  percevoir  la  sensation  du 
rouge.  Ce  fait  s'est  manifesté  à  nous  quatre  fois  en  vingt 
ans ,  sur  environ  vingt-quatre  mille  personnes,  c'est-à-dire 
une  fois  sur  six  mille;  et  dans  les  ordres  inférieurs  à 
l'homme ,  les  transmutations  sont  nécessairement  bien 
plus  fréquentes.  Pour  savoir  ce  que  le  toucher  peut  pro- 
duire ,  il  faudrait  en  quelque  sorte  avoir  été  successivement 
aveugle  et  sourd,  recouvrer  les  sens  de  la  vue  et  de  l'ouie 
et  les  perdre  ensuite. 

Une  petite  expérience  très-simple  permet  d'apprécier  la 
valeur  tactile  des  diverses  parties  du  corps  et  la  direction 
de  cette  valeur.  Prenez  un  compas  ouvert  de  trois  centi- 
n^tres ,  puis  de  deux ,  puis  d'un  seul ,  puis  réduisez  l'oru- 
verture  à  quelques  millimètres  et  promenez-le  sur  toutes 
les  parties  de  votre  ôtre  :  vous  remarquerez ,  par  exemple , 
qu'à  deux  millimètres  d'ouverture  vous  éprouvez  deux 
sensations,  à  l'extrémité  de  la  langue  et  à  la  pulpe  de 
l'index,  tandis  que  partout  ailleurs  la  sensation  sera 
unique.  Mais,  cette  sensibilité,  qu'elle  varie  selon  les 
âges,  les  professions,  les  spécialités  des  natures  et  l'édu- 
cation I 

L'idéal  des  jouissances  que  le  sens  du  toucher  procure 
ne  se  révèle  dans  toute  sa  plénitude  que  sous  l'influence  de 
l'amour.  Heureux  celui  qui  a  été  dressé  par  son  éducation 
à  comprendre  tout  ce  qu'il  doit  y  avoi%d*intellectuel  et  de 
moral  dans  la  suprême  communion  des  existences.  — 
Hommes  profanes  et  débauchés,  qui  marchandez,  qui 
tarifez  l'amour,  quand  donc  comprendrez-vous  ce  qu'il  y  a 


BU   SIÈCLE.  417 

de  plaisirs  dans  la  vertu,  et  de  vertu  dans  les  plaisirs 
auxquels  président  l'esprit  et  le  cœur  ! 

Du  GouT.  —  Qui  me  dira  Torgane  du  goût  chez  les 
éponges  et  les  polypes;  le  goût  du  rotifère,  le  goût  des 
mollusques  ?  Toutefois  on  ne  saurait  nier  Texistence  d'un 
goût  tel  quel  chez  la  mouche,  qui  aime  le  lait  et  les  liquides 
sucrés;  chez  la  sangsue,  que  vous  excitez  à  prendre  en 
mouillant  la  peau  avec  un  liquide  selon  ses  sympathies  ; 
chez  la  chenille ,  qui  se  nourrit  de  telles  et  telles  feuilles, 
laissant  les  autres  alors  même  qu'elle  n'aurait  rien  à 
manger. 

Chez  les  poissons,  l'organe  du  goût  est  bien  peu  de 
chose,  puisque  leur  langue  est  un  véritable  instrument  de 
préhension  souvent  armé  de  crochets  ;  mais  il  se  peut  que 
le  sens  qui  nous  occupe  ait  alors  un  siège  à  la  gorge  et  au 
palais. 

Chez  les  reptiles ,  le  goût  paraît  plus  développé  ;  il  en 
est  cependant,  comme  les  crocodiles,  qui  avalent  trop 
gloutonnement  cour  qu'on  ne  les  mette  pas  sur  la  même 
ligne  que  les  poissons.  Plus  les  animaux  mâchent  et  écra- 
sent leur  nourriture ,  plus  ils  la  mettent  en  tel  état  que  la 
saveur  puisse  être  perçue. 

Le  sens  du  goût  est  encore  très-imparfait  chez  les  oiseaux. 
Dans  cette  série ,  les  espèces  qui  mâchent  leur  nourriture 
possèdent  évidemment  le  goûter  à  un  degré  supérieur  aux 
autres  ;  mais  chez  eux  le  goût  et  le  tact  semblent  presque 
confondus  :  ils  s'exécutent  avec  une  muqueuse  trop  humide 
poiu-  que  le  goût  n'existe  pas ,  trop  peu  mouillée  cependant 
pour  que  le  goût  existe  dans  sa  plénitude. 

Les  langues  des  chiens  et  des  singes  offrent,  avec  celles 
des  hommes,  une  grande  analogie.  Chez  nous,  que  de 
nerfs  se  rendant  aux  papilles  nerveuses  de  la  langue  !  que 
d'étendue  dans  les  surfaces  hilérieures  de  la  bouche  qui 
peuvent  aider  à  goûter!  et  surtout  que  d'humidité  dans 
cette  bouche  !  Nous  est-il  possible  d'écarter  et  de  resserrer 
les  mâchoires  sans  y  faire  couler  un  liquide  abondant? 

Si  le  corps  introduit  dans  la  bouche  est  insoluble,  il  sera 
insipide,  et  le  goûter  deviendra  simplement  du  toucher. 


418  pniLosopHiB 

Mettez  du  verre,  du  cristal  de  roche,  du  diamant  sur  la 
langue ,  Thumidité  n'ayant  sur  ces  corps  aucune  action,  le 
sens  du  goût  n'accusera  que  leur  dureté.  C'est  ce  qui  a 
lieu  pour  les  malades  auxquels  on  administre  de  Toxide 
blanc  d'antimoine  :  ce  corps  leur  fait  l'effet  de  silice  en 
poudre.  D'autres  corps,  quoique  solubles,  ne  se  dissolvent 
point  assez  promptement  pour  ne  pas  agir  de  la  même 
manière ,  tout  en  donnant  dans  la  bouche  un  goût  réel  : 
ainsi  font  le  sucre  de  pommes ,  le  sel  en  gros  grains ,  etc. 
D'autres  corps  très-insolubles ,  mais  odorants  ,  agissent 
sur  le  sens  olfactif  en  plaçant  le  sens  du  goût  dans  la  même 
position  que  le  toucher  ordinaire.  D'autres  enfin  agissent 
dans  la  bouche  en  produisant  trois  sensations  différentes  : 
l'une  de  toucher,  l'autre  de  gcût,  la  troisième  d'odorat. 
C'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  pastilles  de  menthe ,  pour  le 
chocolat  à  la  vanille ,  etc. 

La  perfection  d'un  sens  exigeant  sa  spécialité  aussi 
complète  que  possible,  il  était  naturel  que  chez  l'homme, 
dont  le  goût  est  si  délicat ,  certains  filets  nerveux  fussent 
consacrés  au  toucher,  d'autres  au  goûter. 

On  voit  quelquefois  la  paralysie  du  toucher,  de  la  langue, 
sans  qu'existe  celle  du  goût.  Cet  accident  a  eu  lieu  momen- 
tanément chez  nous-même ,  à  la  suite  d'expériences  phy- 
siologiques, et  nous  le  croyons  assez  commun. 

Qui  me  dira  l'essence  du  toucher,  l'essence  du  goût  ? 
L'électro-chimie  joue  ici  un  très-grand  rôle,  ou  plutôt  elle 
est  tout.  —  L'industrie  moderne  a  créé  un  œil  factice  dans 
lequel,  ô  prodige!  elle  est  parvenue  à  fixer  les  ondes 
lumineuses,  ce  qui  constitue  l'impression  émanée  d'un 
corps  souvent  très-éloigné.  Elle  peut  représenter  aux  yeux 
l'image  des  sensations  ;  ainsi  très-souvent  pareille  chose  a 
lieu,  en  son  genre,  pour  l'ouie.  Mais  l'odorat,  le  goût  et 
le  toucher  sont  les  sens  matériels  par  excellence  :  en  dehors 
du  contact ,  ils  ne  nous  laissent  que  le  souvenir. 

Quel  est  l'idéal  du  goût?  en  a-t-il  réellement  un?  ou 
plutôt  n'est-il  pas  conduit  par  notre  éducation ,  dont  il 
est  une  dépendance  ?  Jugeons-nous  toujours  de  la  même 
manière  les  mêmes  impressions  ?  La  bière  et  le  café  ont- 
ils  pour  nous  le  même  attrait  dans  l'enfance  et  dans  un 


BU  SIÈCLE.  4J9 

âge  plus  avancé  ?  Le  café  n'est-il  pas  jugé  très-différem- 
ment selon  les  habitudes  intellectuelles  des  individus  ? 
N'y  a-t-il  pas  une  différence  sensible  entre  le  goût  d'une 
cuisinière ,  qui  ne  redoute  pas  le  mélange  de  chicorée  et 
qui  s'en  rapporte  à  son  épicier  sur  la  valeur  du  café ,  et  le 
goût  d'un  homme  d'études  qui  le  voudra  amer  et  parfumé? 
Il  serait  possible,  à  cette  occasion,  de  faire  de  longues 
et  délectables  causeries,  d'appeler  à  discuter  en  ce  livre  le 
sauvage  qui  mange  de  la  chair  de  baleine  presque  pourrie 
et  les  disciples  de  Brillât-Savarin;  mais  l'utile  avant  tout. 
Remarquons  donc  et  admirons  d'abord  combien,  pendant 
nos  maladies  et  surtout  pendant  nos  maladies  intestinales, 
le  sens  du  goût  se  trouve  altéré  par  suite  de  cet  euduit 
muqueux  qui  a  modifié  l'organe  de  la  perception  des  sa- 
veurs. La  sensation  du  goût  a  cessé  d'être  vraie,  non  par  faute 
cérébrale ,  non  par  faute  des  nerfs  conducteurs ,  mais  par 
l'altération  du  sens  lui-même  qui  perçoit  les  saveurs  au 
miUeu  d'un  liquide  mélangé  de  mucus ,  dictant  ainsi  à  notre 
économie  la  prudence  qu'elle  doit  prendre  pour  guide. 

Le  goût  pouvant  être  singulièrement  modifié  par  l'édu- 
cation, nous  sommes  conduits  à  nous  demander  dans  quelle 
voie  l'homme  doit  diriger  ce  qui  concerne  son  alimentation. 
Lui  faut-il  un  régime  végétal,  ou  fortement  animalisé,  ou 
bien  son  régime  doit-il  varier  en  raison  des  lieux,  des 
climats ,  des  professions  ?  Poser  ainsi  la  question ,  c'est  la 
résoudre.  Le  pêcheur,  le  chasseur,  le  marin ,  l'ouvrier  à 
travail  musculaire  des  contrées  du  Nord ,  ont  besoin  d'une 
nourriture  fortement  animalisée  et  de  boissons  amères  et 
toniques;  il  faut  qu'ils  suppléent,  par  une  grande  nourri- 
ture prise  sous  un  petit  volume ,  aux  pertes  continuelles 
occasionnées  par  leur  travail ,  et  puissent  résister  à  l'action 
si  énervante  du  froid  humide.  Mais  le  philosophe  doit 
désirer  que  cette  nourriture,  aussi  substantielle  que  possi- 
ble ,  soit  très-éloignée,  par  son  aspect  et  sa  nature ,  de  celle 
des  animaux  carnivores.  La  viande  cuite  étant  tout  aussi 
nutritive  que  la  viande  crue  et  n'ayant  pas  les  mêmes 
rapports  avec  les  instincts  de  férocité,  lui  sera  toujours 
préférée.  —  Les  Indous ,  et  après  eux  les  Egyptiens ,  la 
secte  des  esséniens  chez  les  Juifs  et  quelques  sectes  chré- 


420  PHILOSOPHIE 

tiennes ,  nous  paraissent  avoir  outré  ce  principe  en  impo- 
sant des  jeûnes  et  en  prescrivant  parfois  le  régime  végétal 
absolu. 

Dans  sa  marche  pratique  vers  le  positivisme,  l'Angleterre 
d'Europe  et  d'Amérique  dédaigne  un  peu  l'étude  des 
doctrines  philosophiques.  La  Slavie,  encore  enveloppée 
des  ténèbres  de  l'ignorance ,  rêve  brutalement  et  par  la 
force,  un  rôle  et  une  mission  qui  dépassent  sa  science  et  sa 
portée  actuelles.  La  chevaleresque  Scandinavie  et  la  docte 
Germanie  suivent  mie  autre  voie  :  pénétrées  de  l'idée  pan- 
théistique  ,  elles  aiment  la  nature ,  et ,  sans-  se  préoccuper 
assez  du  passé  ni  de  l'avenir  des  doctrines ,  de  leur  fiUation 
et  de  leur  paternité ,  conduites  par  Heine,  Hegel,  Fuerbach, 
manifestées  tout  récemment  encore  par  Hermann  Ewer- 
beek,  elles  attaquent  corps  à  corps  tout  ce  qui  n'est  pas 
la  religion  de  la  nature  ou  de  la  vie  universelle.  Voyez 
plutôt  avec  quelle  vigueur  l'Allemagne,  qui  comprend  les 
sens  et  leur  mission ,  s'en  prend  à  l'absolu  du  spiritualisme. 

((  Manger,  boire,  voilà,  dit-elle,  le  mystère  de  l'Eucha- 
»  ristie  ;  manger  et  boire ,  c'est  reproduire  la  base  natu- 
»  relie  sur  laquelle  l'esprit  s'agite  :  détruisez-là,  il  tombe 
)>  en  démence.  A  chaque  morceau  de  pain  qui  vous 
»  arrache  aux  tourments  de  la  faim  et  aux  douleurs  de 
»  l'inanition  ;  à  chaque  verre  de  vin  qui  ranime  vos 
»  membres  et  qui  réveille  votre  âme ,  pensez  à  l'homme , 
))  à  ce  Dieu  clément  qui  vous  fournit  de  quoi  prolonger 
»  votre  existence;  mais  pensez  aussi  à  la  nature,  soyez 
»  lui  reconnaissants.  Vous  êtes  ses  enfants  :  eUe  est  votre 
>)  sainte  mère.  N'oubliez  jamais  que  le  vin  est  le  sang  de 
»  la  plante  et  que  la  farine  est  sa  chair  :  cette  chair  et  ce 
»  sang  sont  sacrifiés  pour  vous.  —  Ouvrez  donc  les  yeux  ; 
w  voyez  comme  la  plante  vous  allégorise  l'essence  de  la 
»  nature  qui  se  donne  à  vous.  » 

La  France ,  plus  avancée  ,  a  terminé  son  œuvre  de 
négation.  Elle  affirme  l'avenir;  elle  sait  d'où  elle  vient, 
où  elle  va  ;  elle  veut  que  l'idéal  le  plus  élevé  préside  à  tous 
ses  actes  :  physiologiste,  elle  comprend  1  action  d'une 
nourriture  same  et  suffisante  sur  tout  notre  être ,  le  calme 
et  la  douce  sérénité  qui  en  sont  la  suite.  —  Poétique  en 


BU   SIÈCLE.  421 

sa  nature ,  c'est  sous  Tinspiration  de  la  quiétude  de  nos 
organes  les  plus  matériels  qu*elle  entend  évoquer  l'intelli- 
gence ,  pour  l'entraîner  vers  les  grandes  choses  de  l'avenir. 
Aussi  ses  banquets  deviendront-ils  des  communions  toujours 
plus  nombreuses,  plus  saintes,  plus  élevées  pour  l'esprit 
général  des  convives,  pour  le  ton  du  langage,  pour  la 
vertueuse  inspiration  des  discours. 

Db  l'Odorat.  —  La  faculté  d'odorer  est  très-developpée 
chez  les  animaux  invertébrés ,  sans  que  l'on  puisse  encore 
expliquer  son  action ,  décrire  son  siège.  Certains  papillons 
sentent  de  très-loin  leurs  femelles  ;  le  miel  attire  de  très- 
loin  les  fourmis,  les  mouches  et  surtout  les  abeilles  et  les 
guêpes.  Rien  de  plus  facile  que  de  vérifier  le  sens  de 
l'odorat  chez  les  escargots  et  surtout  chez  les  écrevisses.  — 
Chez  les  poissons ,  le  sens  de  l'odorat  est  très- vigoureux  ; 
ils  sont  pourvus  de  facultés  olfactives,  mais  elles  ne 
communiquent  pas  avec  la  bouche.  S'il  faut  en  croire  les 
voyageurs,  l'odeur  spéciale  des  nègres  serait  bien  plus 
sensible  aux  requins  que  celle  des  blancs:  aussi  les  pour- 
suivraient-ils de  préférence. 

Les  reptiles  ont  le  sens  olfactif  très-prononcé  ;  chez  eux , 
son  organe  commence  à  communiquer  avec  la  bouche.  Les 
serpents  évitent  certaines  plantes  dont  l'odeur  les  écarte , 
et  Scarpa  a  signalé  ce  fait  si  curieux  que ,  si  l'on  plonge 
dans  l'eau  les  mains ,  après  avoir  touché  des  femelles  de 
grenouilles ,  les  mâles  viennent  de  suite  se  placer  dessus. 
—  Le  même  savant  a  constaté  que  les  oiseaux  les  moins 
bien  partagés  pour  l'odorat  sont  les  gallinacés,  que  ne 
rebute  aucune  odeur,  si  ce  n'est  celle  de  l'ammoniaque. 
Viennent  ensuite  les  passereaux ,  qui  refusent  les  aliments 
camphrés  ;  puis  les  oiseaux  de  proie ,  qui  redoutent  tous 
nos  aromates;  puis  les  palmipèdes,  qui,  malgré  leur 
gloutonnerie,  lavent  du  pain  parfumé  avant  de  l'avaler. 
Mais  ceux  qui  ont  le  sens  de  l'odorat  le  plus  développé ,  ce 
sont  les  échassiers. 

Parmi  les  mammifères,  on  trouve  de  grandes  variétés. 
On  doute  beaucoup  de  l'odorat  des  cétacés,  dont  le  siège 
est  à  peu  près  inconnu.  Mais  l'organe  olfactif  du  singe , 

i8» 


422  PHILOSOPHIE 

du  chien,  du  bœuf,  du  cheval  et  d'une  foule  d'animaux, 
est  très-supérieur  au  nôtre. 

Dans  le  genre  homme ,  les  diverses  espèces  sont  inégale- 
ment douées.  Des  nègres  et  des  rouges  de  l'Amérique  du 
Nord  sont  assez  bien  partagés  pour  différencier  les  pistes 
des  blancs  ou  des  noirs ,  l'odeur  d'une  femme  ou  d'une 
fille.  Comme  certains  animaux,  ils  demandent  au  sens 
olfactif  une  foule  de  renseignements  que  son  organisation 
semble  refuser  à  l'espèce  blanche.  Leur  odorat  accuse  la 
présence  des  êtres  amis  ou  ennemis,  sympathiques  ou 
dangereux ,  non  seulement  où  ils  sont,  mais  encore  là  où  ils 
ont  été. 

Est-il  bien  certain  que  les  odeurs  soient  toujours  pro- 
duites par  l'émanation  de  particules  des  corps  odorants  ? 
Les  vibrations  de  l'air  on  de  l'éther  ne  seraient-elles  pour 
rien  dans  les  phénomènes  perçus  par  le  sens  olfactif?  Si 
on  verse  de  l'acide  sulfurique  sur  un  liquide ,  les  particules 
volatiUsées  grandissent ,  par  leur  volatilisation  immédiate  , 
l'odeur  du  corps  sur  lequel  on  a  expérimenté.  Si  Ton  fait 
passer  du  camphre  dans  le  tube  barométrique,  le  mercure 
baisse ,  preuve  évidente  d'une  volatilisation  ;  mais  du  musc 
introduit  dans  le  tube  barométrique  ne  produit  aucune- 
ment ce  résultat.  Comment  supposer,  quelque  grande  que 
soit  la  divisibilité  des  corps,  qu'un  animal  dépose  assez 
de  particules  odorantes  dans  un  air  sans  cesse  renouvelé , 
pour  laisser,  pendant  plusieurs  jours,  là  où  il  a  passé,  cette 
trace,  reconnaissable  à  l'odorat  d'un  chien,  quon  appelle 
une  piste  ?  —  Boerhave  imagina  le  premier  qu'il  pouvait 
exister  des  odeurs  indépendantes  des  molécules  volatilisées 
quoique  bées  très-intimement  à  ces  molécules.  —  Nous 
avons  souvent  médité  sur  ce  sujet,  et  nous  ne  sommes  pas 
du  tout  éloigné  de  penser  que  l'odeur  et  la  volatiUté  soient 
choses  tout-à-fait  distinctes.  Il  est  cependant  si  admirable 
de  voir  combien  la  matière  peut  se  diviser,  à  quelle  énorme 
distance  l'air  peut  porter  la  poussière  fécondante  des  éta- 
raines  de  certaines  plantes,  qu'en  vérité  l'esprit  reste 
parfois  indécis  et  confondu  en  cherchant ,  non  pas  à  com- 
prendre l'essence  des  lois  des  phénomènes,  mais  seulement 
leur  manière  d'agir  et  de  se  manifester.  —  Cependant  il 


BU  siÈcifi.  425 

nous  parait  naturel  de  comparer  la  propriété  odorante  de 
diverses  substances ,  teUes  que  l'ambre  et  le  musc ,  à  la 
propriété  lumineuse  de  certains  corps  phosphorescents.  Les 
uns  ne  perdent  rien  tout  en  parfumant  1  air  ambiant  de 
leur  odeur;  les  autres  ne  perdent  pas  davantage  en  éclairant 
de  leur  lueur  phosphorique  :  d'où  cette  présomption  très- 
séduisante^  que  si  les  uns  se  manifestent  aux  yeux  par  des 
ondulations  éthérées,  les  autres  se  manifestent  d'une  ma- 
nière analogue  au  sens  de  l'odorat,  c'est-à-dire  par  des 
ondulations  aériformes  ou  peut-être  éthérées.  De  là  cette 
hypothèse  qui  parait  au  premier  abord  très -acceptable  dans 
l'état  actuel  de  la  science  :  que  tout  corps  odorant  est  un 
foyer  de  vibrations  qui  se  communiquent  soit  à  l'air,  soit 
uniquement  à  l'éther  ambiant ,  ce  qui  est  moins  probable. 
A  ce  compte,  les  corps  volatils  seraient  des  foyers  odorants 
voyageant  dans  l'atmosphère,  grâces  à  la  sublimation  de 
leurs  molécules. 

L'animal  qui  touche  à  un  objet  et  qui  laisse  après  lui 
des  émanations  odorantes,  pourrait  donc  être  comparé, 
dans  ce  système,  au  fumeur  qui  laisse  tomber  en  marchant 
quelques  parcelles  du  feu  dont  il  s'est  servi  :  tant  qu'elles 
brûlent,  leur  lumière,  par  ses  ondulations,  nous  indique 
le  chemin  qu'il  a  suivi.  Mais  il  est  difTicile,  en  poursuivant 
cette  étude,  de  ne  pas  se  heurter  de  suite  contre  les  objcc> 
tions  les  plus  graves. 

Deux  choses  sont  à  distinguer  en  ce  qui  concerne  le 
sensde  l'odorat.  L'une,  la  sensibilité  de  l'organe  aux  odeurs  : 
sous  ce  premier  rapport ,  les  animaux  et  l'homme  sauvage 
l'emportent  sur  l'homme  civilisé.  L'autre,  la  sensibilité  aux 
parfums  :  sous  ce  second  rapport ,  la  balance  penche  en 
faveur  des  blancs  et  des  jaunes  d'Asie. 

Est-ce  que  les  odeurs  et  les  parfums  seraient  de  nature 
différente  ? 

Geoffroy  Saint-Hilaire ,  le  père,  s'est  trompé  en  affir- 
mant que  la  taupe  recevait  son  nerf  oculaire  de  la  cinquième 
paire.  Hais  son  génie  avait  pressenti  et  deviné  le  fait 
principal  :  le  balancement  des  organes  en  général  et,  dans 
ce  cas  particulier,  le  balancement  des  organes  de  l'odorat  et 
de  la  vision.  Chez  la  taupe,  l'odorat  a  gagné  tout  ce  que 


424  PHILOSOPHIE 

la  vue  a  perdu.  —  Allons  plus  loin  encore  :  remarquons 
que  le  sens  de  Todorat  épuré  et  transformé ,  pourra  peut- 
être  devenir,  chez  l'homme  perfectionné ,  la  vision  d'ondu- 
lations ou  de  volatilisations  spéciales  produites  par  les 
vibrations  ou  les  émanations  de  certains  corps.  —  De  là, 
dans  les  formes  et  les  usages  du  sens  olfactif,  des  modifi- 
cations nécessaires  et  progressives.  Quelques  essais  que 
nous  avons  tentés,  il  y  a  longtemps,  pour  conduire  les 
odeurs  comme  l'on  conduit  les, sons,  nous  ont  prouvé  qu'il 
y  a  un  grand  avenir  dans  cette  voie.  —  Qu'on  approfon- 
disse cet  aperçu,  peut-être  placera-t-il  sur  la  route  de  l'ex- 
plication encore  ignorée  des  moyens  à  l'aide  desquels  les 
Soissons  se  dirigent  dans  leurs  migrations  périodiques ,  et 
e  ceux  qui  servent  au  pigeon  voyageur,  transporté  de  la 
Hollande  à  l'extrémité  de  la  France ,  pour  retrouver  son 
nid.        ^ 

Substituer  aux  sacrifices  humains  des  sacrifices  d'animaux 
et  la  simple  oblation  des  fruits  de  la  terre  ;  arriver  à  des 
banquets,  à  des  communions  simples  et  frugales,  mais 
relevées  par  Texquise  propreté  des  convives ,  par  le  bon 
goût  et  l'arrangement  élégant  de  leurs  vêtements  et  du 
service  des  tables ,  par  des  parfums ,  par  les  discours  les 
plus  philosophiques  en  leur  poésie  ;  remplacer  tout  ce  qui 

f)eut  tenir  en  nous  de  la  brute ,  l'ivresse ,  la  gloutonnerie  , 
a  gourmandise,  par  des  jouissances  éminemment  intellec- 
tuelles et  morales  :  telle  a  été  la  direction  continue  de  cette 
religieuse  tendance  qui ,  du  berceau  des  races  blanches , 
s'est  répandue  sur  le  monde  entier,  ranimant  de  temps  à 
autres,  par  les  plus  éminents  des  révélateurs  et  des  philo- 
sophes, la  foi  des  peuples  en  une  nouvelle  humanité , 
transformée  et  dépouillée  de  toute  bestialité.  Pour  cette 
œuvre  si  élevée,  le  sens  de  l'odorat  donnera  aussi  son 
contingent  d'excitations  et  de  jouissances ,  substituant  à 
un  grossier  sensualisme  et  à  la  perfection  matérielle  de 
l'instrument  olfactif,  le  sensualisme  de  plus  en  plus  intellec- 
tuel des  odeurs  et  des  parfums  enivrants.  Il  existe  indubi- 
tablement une  série  odorante  parallèle  aux  séries  des  sons 
et  des  couleurs.  Comme  les  deux  autres,  pourquoi  ne 
serait-elle  pas  dans  la  dépendance  des  nombres  et  de  la 


BU  SIÈGLB.  425 

géométrie,  se  rattachant  aux  lois  d'ordre  et  d'harmonie  , 
de  circulation  et  de  solidarité ,  qui  régnent  au  sein  de 
l'infini? 

Db  l'Ouïe.  —  L'organe  de  l'ouie  est  assez  mal  connu , 
et  la  physiologie  ne  rend  pas  un  compte  exact  de  toutes 
ses  parties.  —  On  y  remarque ,  de  l'extérieur  à  l'intérieur, 
le  pavillon ,  le  conduit  auditif,  la  membrane  du  tympan , 
la  trompe  d'Eûstache,  la  caisse  du  tympan,  la  fenêtre 
ovale,  la  fenêtre  ronde,  la  chaîne  des  osselets,  le  vestibule, 
les  canaux  demi-circulaires  et  le  limaçon.  Ces  trois  dernières 
parties  constituent  l'oreille  interne. 

Le  pavillon  de  l'oreille  est  fréquemment  fait ,  chez  les 
animaux,  à  la  manière  d'un  cône  creux,  un  peu  échancré 
du  côté  présenté  par  l'animal  aux  ondes  sonores.  Souvent 
aussi  ce  pavillon  est  mobile  ;  il  sufBt  de  regarder  les  oreilles 
d'un  cheval,  d'un  loup,  d'un  lièvre,  d'une  roussette,  pour 
de  suite  comprendre  la  manière  dont  agit  leur  pavillon. 
Chez  l'homme,  cette  partie  a  été  le  sujet  d'homélies  que 
nous  ne  comprenons  pas.  Jamais  nous  n'y  avons  vu  ces 
formes  paraboUques  dont  a  parlé  Boerhave.  Nous  avons 
pris  la  peine ,  un  jour,  de  chercher  numériquement  et  au 
sentiment,  à  décrire  les  courbes  de  l'intérieur  du  pavillon 
de  l'oreille,  sans  en  trouver  aucune  qui  ressemblât  aux 
sections  coniques.  Evidemment ,  chez  l'homme  civilisé , 
cette  partie  de  l'organe  auditif  est  un  souvenir  des  anima- 
lités antérieures  à  lui.  Une  preuve  de  cette  assertion ,  c'est 
que  la  conque  de  l'oreille  se  déforme  chez  les  jeunes 
aveugles,  non  pas  chez  tous,  mais  chez  ceux  qui  vivent 
isolés  et  qui ,  par  suite  d'une  position  spéciale  ,  arrivent 
à  une  finesse  d'ouie  extraordinaire.  J'ai  vérifié  ce  fait  chez 
un  aveugle,  frère  d'un  de  mes  amis,  qui,  à  quatre- vingts 
mètres  de  distance ,  m'entendait  parler  bas  et  me  reconnut 
à  la  voix  après  un  an  d'absence.  Je  l'ai  vérifié  chez  un 
aveugle-né,  Pierre  Jubineau,  qui,  à  dix  mètres  d'un 
liquide  que  l'on  versait ,  distinguait  au  son  la  nature  de  ce 
liquide,  de  manière  à  dire  c'est  de  l'eau,  du  lait,  du 
bouillon,  ou  toute  autre  chose;  j'ajouterai  même  que  chez 
Pierre  Jubineau,  qui  voit  depuis  treize  ans,  la  conque  de 


426  PHILOSOPHIE 

l'oreille  a  repris  un  peu  de  sa  forme  naturelle,  à  mesure 
que  la  sensibilité  de  Fouie  s'est  émoussée. 

Le  conduit  auditif  externe  est  oblique  chez  l'homme, 
mais  nous  n'en  savons  point  la  raison.  ,11  est  osseux  et 
fortement  résistant  :  aussi  transmet-il  au  nerf  acoustique , 
par  les  os  dont  il  se  compose ,  les  moindres  bruits  qui  se 
passent  sur  les  parois  de  la  tête  ou  dans  la  bouche.  Il  est 
beurré  d'une  substance  grasse,  épaisse,  brune,  quelquefois 
noire,  dont  l'accumulation  produit  souvent,  chez  les 
vieillards ,  de  véritables  bouchons  qu'il  suffit  de  leur  enlever 
avec  des  injections  tièdes,  légèrement  alcalines,  pour  leur 
rendre  la  faculté  d'entendre.  Ce  conduit  est  tapissé  par  une 
membrane  muqueuse  :  aussi  est-il  exposé  à  toutes  les  ma- 
ladies des  muqueuses.  —  Mettez  un  petit  cône  creux  dans 
le  conduit  auditif,  et  vous  augmenterez  la  faculté  de  perce- 
voir les  sons,  surtout  chez  un  grand  nombre  de  sourds. 
Cette  expérience,  que  nous  avons  souvent  répétée  avec  le 
spéculum  que  nous  avons  imaginé  pour  examiner  le 
conduit  auditif  et  la  membrane  du  tympan,  renverse  et 
détruit  une  foule  de  très-jolies  hypothèses.  Beaucoup  de 
physiologistes  admettent  des  vibrations  dans  les  parois 
de  ce  conduit.  Pour  les  sons  très-forts,  cela  se  peut;  dans 
l'habitude  de  la  vie ,  c'est  douteux  :  les  parties  qui  recou- 
vrent ici  les  os  n'étant  nullement  vibratoires  de  leur  na- 
ture. 

La  membrane  du  tympan  existe  chez  tous  les  animaux 
qui  doivent  écouter  au  moyen  de  l'air  atmosphérique  ;  elle 
est  oblique  par  rapport  à  la  direction  du  conduit ,  ce  qui 
augmente  sa  surface  et  l'expose  moins  à  être  déchirée  par 
les  bruits  subits,  tels  que  les  explosions.  Elle  se  trouve 
placée  dans  un  évasement  qui  facilite  ses  vibrations. 

La  trompe  d'Eustache  est  une  ouverture  qui  fait  commu- 
niquer la  caisse  du  tympan  avec  l'arrière-bouche ,  et  qui 
paraît  jouer,  pour  cette  caisse ,  le  rôle  que  joue  le  trou  ou 
âme  dans  l'instrument  que  nous  connaissons  sous  le  nom 
de  tambour.  Quelquefois  cette  trompe  est  plus  ou  moins 
oblitérée,  et  l'ouie  diminue  d'autant.  Très-souvent  il  arrive 
que  des  inflammations  de  la  gorge  l'oblitèrent  presque 
complètement  par  la  tuméfaction  ou  hypertrophie  de  ses 


BU  SIECLE.  437 

parois  ;  mais  on  peut  y  obvier,  et  Ton  y  obvie  passablement, 
avec  des  insufflations  d  un  mélange  de  sucre  et  d'alun  qui 
ramènent  assez  promptement  les  parties  à  leur  état  naturel 
ou  presque  naturel. 

La  caisse  du  tympan  est  un  véritable  tambour.  Toutefois, 
au  lieu  de  n'avoir  qu'un  seul  tympan  à  sa  partfe  interne , 
elle  en  offre  deux  :  la  fenêtre  ovale  et  la  fenêtre  ronde.  — 
Le  rôle  des  osselets  de  l'oreille  n'est  point  parfaitement 
connu  ;  il  n'est  pas  rare  de  voir  l'ouie  conservée  chez  des 
personnes  gui  les  ont  perdus  et  qui  ont  eu  le  tympan 
perforé.  Mais  il  existe  toujours,  en  pareil  cas,  une  surdité 
plus  ou  moins  considérable.  Il  est  aussi  assez  commun  de 
rencontrer  des  personnes  chez  lesquelles  la  destruction  des 
osselets  et  la  perforation  du  tympan,  qui  s'y  lie,  ont  pro- 
duit une  complète  surdité.  Quelquefois  des  charlatans, 
même  diplômés,  s'amusent  à  perforer  le  tympan  aux 
imbécilles  qui  leur  accordent  leur  confiance;  ils  partent 
ensuite  avec  leur  argent.  Nous  en  avons  vu  d'autres  cauté- 
riser le  tympan ,  le  perforer  maladroitement  et  piquer  alors 
un  petit  nerf  appelé  la  corde  du  tympan,  qui  passe  derrière 
cette  membrane. 

Une  hypothèse  assez  probable,  c'est  que  le  muscle  du 
marteau  et  la  chaîne  des  osselets  de  l'oreille  servent  à 
donner  à  la  membrane  du  tympan ,  la  tension  nécessaire 

Kur  que  l'oreille,  qui  est  habituellement  passive  dans 
cte  de  l'audition ,  puisse  devenir  active  sous  l'influence 
de  la  volonté.  Telle  est  l'opinion  de  Longet,  qui  nous 
semble  bien  plus  acceptable  que  celle  de  Savard  et  d'un 
grand  nombre  de  physiciens;  mais  les  uns  et  les  autres 
dépassent  de  beaucoup  le  positif  dans  leurs  explications 
ultérieures  du  sens  de  l'ouie. 

L'oreille  hiterne ,  avons-nous  déjà  dit,  a  deux  tympans  : 
la  fenêtre  ovale  et  la  fenêtre  ronde  ;  en  d'autres  termes ,  le 
tambour  de  loreille  ne  présente  qu'une  membrane  exté- 
rieure ,  le  tympan  ;  mais  il  en  présente  deux  intérieures. 
Pour  nous,  la  fenêtre  ovale  est  le  tympan  des  sons  légers, 
de  l'ouie  active;  la  fenêtre  ronde,  le  tympan  de  l'ouie 
passive  ;  et  il  était  convenable  qu'il  en  fut  ainsi  pour  que 
l'oreille  ne  fut  pas  détruite  par  les  sons ,  surtout  par  les 


428  PHILOSOPHIE 

bruits  violents ,  pour  que  l*ouie  fut  toujours  passive  et  sou- 
vent active. 

Le  vestibule  et  les  canaux  demi-circulaires  sont,  de 
toutes  les  parties  de  l'oreille  interne ,  les  plus  générales  et 
les  plus  constantes  chez  les  vertébrés.  —  Notre  ami  et 
maître  M.  Breschet  a  trouvé ,  chez  les  reptiles ,  les  poissons 
et  même  chez  les  mammifères,  qu'il  existe  constamment 
des  concrétions  dans  la  cavité  vestibulaire.  Quel  est  son 
rôle  ?  On  l'ignore.  —  Autenrieth  et  d'autres  ont  prétendu 
que  les  canaux  demi-circulaires  servent  à  donner  des 
notions  sur  les  ondes  sonores  et  leur  direction  ;  mais  c'est 
une  erreur.  Evidemment  le  sens  de  l'ouie  ne  sert  qu'à  une 
chose ,.  (ju'à  la  perception  d'impressions  que  juge  l'organe 
cérébro-intellectuel. 

Le  limaçon  a ,  pour  premier  emploi ,  de  faire  une  unité 
des  impressions  fournies  par  les  deux  tympans  de  l'oreille 
interne  en  les  faisant  communiquer  par  un  même  liquide. 
Ainsi  se  confondent  les  sons  de  l'oreille  active  et  de  l'oreille 
passive  ;  il  sert  de  plus  à  étaler  sur  une  surface  solide , 
résistante  et  d'une  certaine  étendue ,  au  milieu  du  Uquide 
qui  les  protège ,  les  épanouissements  du  nerf  auditif. 

Ne  confondons  point  des  choses  très-distinctes  ;  la  finesse 
de  l'ouie  avec  la  faculté  de  juger  les  sons.  Nous  avons 
connu  des  hommes  sourds,  très-heureusement  dotés  par  la 
nature  sous  le  rapport  des  facultés  d'apprécier  la  mélodie 
ou  l'harmonie  musicale.  —  Un  organe  auditif  très-impres- 
sionnable nous  donne  la  finesse  de  l'ouie ,  quand  le  nerf 
auditif  est  bon  conducteur  ;  mais  les  facultés  cérébro-intel- 
lectuelles qui  jugent  les  sons ,  se  divisent  en  trois  :  l'une  a 
pour  spécialité  les  accords;  une  autre,  la  mélodie;  une 
troisième ,  les  autres  qualités  des  sons  et  surtout  l'accen- 
tuation. Si  la  première  faculté  est  très-développée,  celui 
qui  en  est  pourvu  est  un  harmoniste.  La  seconde  apprécie 
les  chants  et  les  grave  dans  le  souvenir  :  chez  les  êtres  à 
grande  idéalité ,  elle  en  invente.  La  troisième  correspond  à 
l'amplitude,  à  l'éloignement  ou  au  rapprochement  des 
sons,  à  tout  ce  qui  n'est  pas  absolument  d'ordre  musical, 
au  timbre  surtout;  et  cette  division  est  si  vraie  que  tous 
les  jours  on  peut  observer  l'existence  presque  solitaire  de 


BU   SIÈCLE.  429 

Tune  de  ces  trois  facultés ,  à  côté  des  deux  autres  qui  se 
montrent  à  l'état  rudimentaire.  Il  en  résulte  qu'il  y  a,  pour 
le  sens  de  Touie ,  deux  éducations  très-distinctes  :  Tune  à 
peu  près  physique,  celle  des  sauvages  et  de  quelques 
aveugles,  qui  les  rend  d'une  habileté  prodigieuse  à  recueillir 
les  ondes  sonores;  l'autre,  intellectuelle,  qui  nous  fait 
aptes  à  juger  les  sons  comme  accords ,  comme  mélodie , 
comme  timbre  ou  accentuation.  —  Ces  deux  éducations 
sont  encore  très-peu  avancées  dans  toutes  nos  écoles. 

Quoique  très-parfait  en  son  genre,  l'instrument  auditif 
est  limité  dans  son  action.  Si  des  vibrations  successives 
durent  plus  d'un  dixième  de  seconde ,  elles  produisent  du 
bruit  et  non  du  son  :  l'oreille  les  entend  comme  sons 
confus,  et 'le  sens  transmet  au  cerveau  une  impression  que 
celui-ci  ne  peut  juger.  D'où  cette  conclusion ,  que  toute 
sensation  auditive  dure  au  moins  un  dixième  de  se- 
conde. 

Les  hidous  professaient  que  les  nombres  et  la  musique 
se  tiennent.  Nous  retrouvons  cette  opinion  chez  les  disciples 
de  Zoroastre  et  chez  les  Egyptiens.  Les  Juifs  l'empruntè- 
rent aux  philosophies  plus  anciennes  que  la  leur  et  en 
abusèrent  dans  leurs  institutions  sabbatiques.  Orphée ,  le 
premier,  la  transporta  dans  la  Grèce  ;  Pythagore  la  déve- 
loppa :  sa  religion ,  toute  panthéistique ,  avait  pour  but 
d'humaniser,  de  spiritualiser  de  plus  en  plus  la  sensation. 
Les  nombres ,  la  géométrie ,  l'astronomie  formaient ,  pour 
lui,  trois  des  grandes  études  du  cosmos,  et  la  musique 
complétait  sa  tétrade  sacrée  du  savoir  humain.  —  Depuis 
Pythagore  jusqu'à  nous ,  beaucoup  d'hommes  ont  instincti- 
vement senti  la  vertu  des  nombres  dans  l'unité  de  ce  qui 
existe  :  Kœpler  et  Fourier  en  sont  la  preuve.  Mais  il  est 
un  de  nos  philosophes  qui  a  été  plus  loin  dans  la  route  du 
vrai  et  de  l'idéal  :  c'est  Jean  Reynaud.  Ce  n'est  point 
l'amitié ,  c'est  la  justice  qui  me  fait  tenir  ce  langage. 

L'amitié ,  cette  sympathie  mystérieuse  des  âmes ,  sou- 
mise aussi  elle  aux  règles  impénétrées  de  ce  que  les  anciens 
appelaient  le  quaternaire,  est  en  sa  manière  une  couleur,  une 
mélodie,  im  parfum  dont  l'âme  use  souvent  sans  cons- 
cience. Heureux  qui  s'enivre  en  recherchant  sa  loi. 


430  PHILOSOPHIE 

De  la  Vision.  —  Les  ondes  éthérées  étant  plus  déli- 
cates que  les  ondes  aériennes  produites  par  le  son ,  il  était 
naturel  que  l'œil  fut  le  plus  parfait  des  sens.  —  Que  de 
différence  en  effet  entre  le  contact  d'un  corps  pesant  même 
aériforme  et  le  contact  d'une  onde  lumineuse  ? 

On  suppose  avec  quelque  raison  qu'il  existe  des 
zoophytes  sensibles  à  la  lumière.  Mais  qu'il  y  a  loin  de 
cette  sensibilité  à  l'œil  de  l'homme  ! 

Quelques  mollusques  ont  des  yeux.  Ces  organes,  même 
ceux  qui  sont  portés  par  des  tentacules,  ce  qui  a  lieu  chez 
les  limaçons ,  ne  voient  point  comme  les  nôtres.  Cependant 
il  est  déjà  des  yeux  de  mollusques  dans  lesquels  on  reconnaît 
les  principales  parties  constituantes  de  l'œil  humain. 

Chez  les  arachnides,  les  yeux,  habituellement  au  nombre 
de  huit,  sont  plus  voisins  de  l'œil  parfait. 

On  ne  connaît  pas  la  manière  d'agir  des  yeux  composés 
des  insectes  ;  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  cette  question  se 
réduit  à  des  hypothèses  plus  ou  moins  probables.  Chez  les 
poissons ,  ceux  qui  vivent  dans  la  vase  ont,  dit-on,  une  vision 
très-imparfaite  ;  ceux  qui  voyagent ,  comme  les  thons ,  les 
saumons,  sont,  au  dire  des  physiologistes,  les  mieux  partagés. 

Toutefois  nous  nous  permettons  de  douter  beaucoup  de 
tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  ce  sujet.  Dn  jour,  nous  avons 
voulu  vérifier  la  forme  plate  que  divers  anatomistes  attri- 
buent à  la  cornée  des  poissons ,  et  nous  avons  trouvé  que 
cet  organe  n'est  point  plat ,  qu'il  représente ,  en  général , 
un  verre  bi-concave  assez  semblable  : 

Chez  le  thon,  au  n"*  4; 

Chez  la  lubine ,  au  n""  3  1/3  ; 

Chez  la  merluche ,  au  n**  4  à  4  1/2. 

Le  cristaUin  des  poissons ,  et  surtout  celui  des  poissons 
chasseurs,  ressemble  à  une  petite  boule;  il  est  parfaite- 
ment rond.  La  pupille  est  immobile,  et  la  rétine,  par  ses 
replis  nombreux  tout  autrement  disposée  que  chez  nous 
autour  du  cristallin ,  correspond  à  un  milieu  différent  et  à 
une  toute  autre  manière  de  voir  que  ce  miUeu  commande. 
Il  y  aurait  un  chapitre  très-intéressant  à  écrire  sur  cette 
question  :  Comment  nous  voyons  les  poissons  et  comment  ils 
noiu  toient.  Mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu. 


DU  8IBGLB.  431 

On  a  avancé  que  le  cristallin  des  poissons  était  pourvu 
d'un  muscle  ou  tout  au  moins  d'un  moyen  de  déplacement. 
Nous  n'avons  pas  suffisamment  vérifié  ce  fait,  qui  est  pour 
noua  très-douteux ,  ou  tout  au  moins  fort  obscur. 

Parmi  les  reptiles ,  l'œil  varie  :  plus  ils  vivent  dans  l'eau , 
plus  cet  organe  se  rapproche  de  celui  des  poissons.  Il 
manque  chez  ceux  qui  habitent  des  lieux  obscurs,  et  se 
présente  alors  à  l'état  rudimentaire,  en  témoignage  de  la 
direction  du  plan  providentiel  de  la  nature.  Chez  les  reptiles 
qui  vivent  à  terre,  l'œil  se  rapproche  de  celui  des  oiseaux. 

Les  oiseaux  constituent  une  grande  série  dans  laquelle 
le  sens  de  la  vision ,  pour  tout  ce  qui  concerne  l'organe 
oculaire ,  est  plus  parfait  que  chez  les  autres  animaux ,  y 
compris  les  mammifères  et  l'homme  lui-même.  Ce  qui 
vérifie  cette  proposition  :  Le$  besoins  développent  les  organes. 

Chez  ces  animaux,  l'iris  est  très-large  et  très-contractile, 
chez  quelques-uns  même,  soumis  à  l'influence  de  la 
volonté.  Le  cristallin  varie  selon  les  habitudes  de  la  vie.  Il 
se  rapproche  de  celui  des  poissons  chez  les  plongeurs  ;  il 
ressemble  assez  au  nôtre  chez  les  espèces  qui  vivent  à  terre  ; 
il  est  très-aplati ,  plus  même  que  cnez  les  presbytes ,  chez 
les  oiseaux  de  proie  qui  doivent  apercevoir  de  très-loin. 

On  appelle  peigne  une  expansion  nerveuse,  susceptible 
de  percevoir  des  sensations  qui,  de  l'insertion  du  nerf 
optique,  va  vers  le  centre  du  cristallin.  Ses  usages  sont 
mal  connus ,  et  cependant  nous  estimons  qu'il  sert  à  per- 
mettre de  bien  voir  de  près  et  de  loin ,  comme  les  plis  de 
la  rétine  servent  à  donner  à  l'œil  une  grande  amplitude  et 
plus  de  facultés. 

Chez  les  mammifères,  l'œil  varie  singulièrement.  Les 
cétacés  ont  un  œil  de  poisson  véritable.  Chez  la  loutre ,  le 
castor  et  les  animaux  qui  plongent,  l'œil  rappelle  encore  la 
structure  des  yeux  des  poissons.  En  général,  plus  les  ani- 
maux sont  inférieurs ,  plus  les  yeux  sont  latéraux  et  indé- 
pendants ,  servant  à  une  vision  oblique. 

Chez  beaucoup ,  une  partie  du  fond  de  l'œil  est  verte  , 
bleue,  blanche,  jaune  ou  rosée.  On  a  prétendu  que  les 
yeux  ainsi  conformés  et  possédant  ce  que  l'on  appelle  le 
tapis,  c'est-à-dire  une  partie  de  leur  chambre  obscure  non 


433  PHILOSOPHIE 

obscure ,  jouissaient  d'une  plus  grande  faculté  visuelle  ; 
mais  j'en  doute.  Deux  fois,  chez  des  hommes  qui  n'étaient 
pas  albinos,  j'ai  observé  ce  fait.  Il  était  congénital  et 
concomitait  avec  une  très-grande  réduction  de  la  vue  soit 
au  jour,  soit  dans  l'obscurité.  On  peut  faire  aussi  la  même 
remarque  chez  les  albinos. 

Chez  quelques  animaux,  l'œil  diminue  beaucoup  de 
volume  en  raison  de  son  usage  très-restreint  ;  c'est  ce  qui 
a  lieu  pour  l'aspalax,  la  taupe  et  divers  autres.  Il  aug- 
mente, au  contraire,  chez  les  espèces  nocturnes;  il  tient 
le  milieu  chez  celles  qui  voient  également  bien  le  jour  et 
la  nuit. 

De  l'Œil  Huhâin.  —  D'avant  en  arrière,  on  trouve 
dans  cet  organe   les  parties  suivantes,   en  regard   des- 

Suelles  nous  plaçons  les  mesures  prises  avec  grand  soin  sur 
eux  yeux  d'adulte ,  par  le  D'  Krause  : 

La  cornée ,  y  compris  la  membrane 

de  descemels 1,1574  —  0,9259 

L'humeur  aqueuse  de  la  chambre 

antérieure 2,5463  —  2,7778 

Le  cristallin  et  les  membranes  an- 
térieures et  postérieures 7,1759  —  4,6296 

Corps  vitré 11,1111  —  15,5935 

Rétme  et  choroïde 0,2515  —  0,2315 

Sclérotique 1,3889  —  1,2731 

Diamètredanslesensde l'axe  optique  23,6111  —  25,2514 

Le  diamètre  horizontal  perpendicu- 
laire à  l'axe  optique  avait  pour 

mesure 25,0000  —  26,0416 

Le  diamètre  vertical 23,3796  —  25,0000 

Le  diamètre  de  la  pupille  était 4,8611  —    4,1667 

La  cornée  est  enchâssée  dans  la  sclérotique,  à  peu  près 
comme  un  verre  de  montre  dans  le  cercle  métallique  qui 
l'entoure.  Elle  porte  le  nom  de  transparente,  par  opposition 
à  la  sclérotique ,  que  souvent  l'on  appelait  autrefois  cornée 
opaque.  Elle  est  sensiblement  plus  petite  dans  la   race 


DU  SIÈCLB.  455 

arabe  que  chez  les  autres  races  blanches ,  ce  qu'il  faut 
attribuer  aux  influences  prolongées  des  pays  qu'elle  habile. 
Elle  est  souvent  altérée  chez  les  scrofmeux ,  par  des  cica- 
trices qui  en  diminuent  la  transparence  et  qui ,  placées  en 
face  de  la  pupille ,  donnent  lieu,  le  soir,  en  regardant  une 
bougie,  à  la  sensation  d'une  lumière  enveloppée  d'une 
gaze,  de  deux,  de  trois,  ou  de  beaucoup  de  lumières, 
selon  la  nature  de  la  tache  et  les  distances  de  l'œil  à  la 
lumière  regardée.  D'après  Chossat ,  son  indice  de  réfrac- 
tion pour  la  lumière  blanche  est  1,5050,  celui  de  Fais, 
étant  un. 

Longtemps  on  a  considéré  l'humeur  aqueuse  comme 
sécrétée  par  la  membrane  qui  tapisse  la  partie  postérieure 
de  la  cornée  ;  aujourd'hui  l'on  n'ignore  plus  que  c'est  la 
face  postérieure  de  l'iris  ou  uvée  qui  produit  ce  liquide.  Ce 
fait  ne  se  vérifie  que  trop  parmi  les  individus  chez  lesquels 
il  y  a  parfaite  occlusion  de  la  pupille  :  alors  Tiris  se 
rapproche  de  la  cornée  en  produisant  ce  que  l'on  nomme 
la  synéchie .  antérieure.  —  L'indice  de  réfraction  de  ce 
liquide  est  1,558. 

L'iris  varie  beaucoup ,  comme  nous  l'avons  dit  à  l'article 
des  races  humaines.  Quelquefois ,  au  moment  de  la  nais- 
sance ,  il  est  incomplet  de  manière  à  présenter  un  allon- 
gement de  la  pupille  latéral  ou  inférieur.  Assez  souvent 
il  manque  complètement  ;  l'œil  est  alors  très-sensible  à  la 
lumière.  Cependant  nous  avons  signalé,  il  y  a  dix  ans,  un 
fait  de  ce  genre  chez  un  soldat  qui  avait  fait  les  guerres 
d'Afrique,  sans  être  plus  incommodé  qu'un  autre  par 
Téclat  du  soleil,  contrairement  aux  données  physiologiques 
les  plus  accréditées.  —  L'iris  est ,  à  bien  dire ,  un  rideau 
circidaire  et  membraneux  destiné  à  mesurer,  à  l'intérieur 
de  l'œil ,  la  quantité  de  lumière  que  cet  organe  doit  et 
peut  recevoir.  La  pupille  n'est  autre  chose  que  l'ouverture 
circulaire  qui  occupe  son  centre.  On  appelle,  en  chirurgie, 
pupille  artificielle ,  une  ouverture  pratiquée  dans  l'iris  avec 
un  crochet  ou  un  instrument  tranchant,  le  plus  souvent 
pour  remédier  soit  à  l'occlusion  de  la  pupille ,  soit  à  la 
présence  sur  la  cornée  de  taches  épaisses  et  indélébiles. 
Nous  avons  proposé  et  pratiqué  le  premier  cette  opération , 


454  PHILOSOPHIE 

comme  plus  sure,  pour  remplacer  celle  de  la  cataracte 
chez  les  cataractes,  et  surtout  chez  les  cataractes  de 
naissance  dont  la  cataracte  est  d'un  très-petit  diamètre.  Ce 
cas  est  plus  fréquent  qu'on  ne  le  pense. 

Derrière  la  pupille,  on  trouve  le  cristallin  placé  entre 
deux  capsules ,  Tune  antérieure ,  Tautre  postérieure ,  d'une 
épaisseur  différente.  —  Les  opacités  de  l'une  des  capsules, 
du  cristallin  et  de  ses  capsules,  portent  le  nom  de  cata- 
racte. Quelquefois  cette  maladie,  née  dans  le  sein  de  la 
mère ,  apparaît  aussitôt  la  naissance  :  on  l'appelle  alors 
cataracte  congéniale  ou  congénitale.  Le  nombre  des  cata- 
ractes atteints  d'une  manière  plus  ou  moins  complète, 
n'est  pas  moindre  aujourd'hui,  en  France,  de  un  sur  mille; 
d'où  nous  devons  conclure  qu'il  y  en  a  trente-six  mille 
dans  notre  patrie.  L'opération  de  la  cataracte,  considérée 
autrefois  comme  si  diflScille  et  nécessitant  de  si  grandes 
précautions,  cette  opération  qui  ne  réussissait  pas  une 
fois  sur  deux  entre  les  mains  de  Dupuytren,  réussit  aujour- 
d'hui souvent  neuf  fois  sur  dix  entre  les  mains  d'hommes 
qui  s'occupent  spécialement  des  maladies  oculaires.  Dans 
quelques  cas ,  le  malade  peut  venir  à  pied  chez  l'opérateur 
au  courant  des  bonnes  méthodes,  et  s'en  retourner  de 
même ,  sans  autre  soin  que  celui  d'éviter  le  soleil  et  de 
couvrir  l'œil  opéré. 

Cette  partie  de  la  chirurgie  qui  porte  le  nom  de  chi- 
rurgie oculaire ,  a  fait  en  général  de  plus  grands  progrès  à 
l'étranger  qu'en  France,  où  l'école  de  Paris  n'admet  pas 
assez  les  spécialités,  acceptant  très-difficilement  les  amé- 
liorations qui  ne  lui  sont  pas  proposées  à  Paris  même.  Hais 
ce  despotisme,  qui  était  une  autocratie  du  vivant  de 
Dupuytren,  l'homme  qui  se  doutait  le  moins  de  la  chirurgie 
oculaire ,  doit  être  et  sera  brisée  au  profit  des  pauvres  et 
des  aveugles  des  départements. 

La  grande  épaisseur  du  cristallin  produit  souvent  la 
myopie.  Son  état  inverse  est  la  presbytie.  Nous  ne  savons 
si  ce  corps  manque  quelquefois  d'une  façon  congénitale  ; 
mais  nous  l'avons  deux  fois  trouvé  double ,  c'est-à-dire 
formé  de  deux  cristalUns  accolés.  Nous  avons  pu  constater 
aussi,  chez  des  cataractes  opérés  dans  la  jeunesse,  que  cet 


DU  SIÈCLE.  435 

organe  est  moins  indispensable  à  une  bonne  vision  qu  on 
ne  le  croit  d'habitude.  Nous  avons  vu  un  douanier  opéré 
d'un  seul  œil ,  perdu  par  accident ,  qui  voit  également 
bien  à  lire  sans  lunettes  avec  les  deux  yeux.  Nous  savons 
parmi  nos  opérés ,  d'autres  personnes,  entre  lesquelles  une 
jeune  fille  jadis  aveugle  de  naissance,  qui  lit  et  travaille 
sans  lunettes.  Nous  connaissons  même  une  jeune  enfant , 
aveugle  de  naissance,  qui  est  très-myope  quoiqu'opérée 
de  la  cataracte  (c'est  M""  Martin  de  Laval).  Nous  avons 
communiqué  ces  faits  curieux  à  l'Académie  des  Sciences , 
en  1853. 

La  capsule  externe  du  cristallin  a  pour  indice  de 

réfraction 1,350 

Le  chiffre  des  couches  extérieures  du  cristallin  est.  1,358 

Le  chiffre  du  noyau  du  cristallin  est 1,395 

Entre  le  cristallin  et  la  rétine  se  trouve  l'humeur  vitrée  ; 
nous  n'avons  pas  expérimenté  sa  faculté  réfringente  dont 
l'indice  de  réfraction  est  1,339;  mais  nous  avons  fréquem- 
ment remarqué ,  soit  en  expérimentant  sur  des  animaux , 
soit  en  pratiquant  l'opération  de  la  cataracte  par  extraction 
sur  l'homme ,  que  les  parties  les  plus  voisines  du  cristallin 
sont  les  plus  liquides. 

En  général ,  si  aussitôt  après  l'opération  par  extraction , 
le  malade  a  vu  les  objets  dans  leur  état  réel  ou  bordés  de 
bleu  et  placés  dans  un  champ  bleu ,  les  chances  de  l'opé- 
ration pourront  être  évaluées  d'après  les  circonstances 
même  de  l'opération  ;  mais  s'il  a  vu  les  objets  rougeAtres  et 
placés  dans  un  champ  rouge ,  il  n'y  a  que  peu  ou  point  de 
chances  de  succès,  avec  quelqu'habileté  que  l'opération 
ait  été  pratiquée. 

Dans  notre  opinion,  cette  vision  rouge  des  opérés  se 
lie  à  une  fluidité  plus  grande  de  l'humeur  vitrée  ;  mais 
nous  avons  plutôt ,  à  cet  égard ,  des  présomptions  que  des 
preuves  suffisamment  justifiées. 

Nous  devons  remarquer  encore  que  la  liquidité  complète 
de  l'humeur  vitrée,  chez  des  malades  opérés  par  abaisse- 
ment à  la  manière  belge,  entraîne  souvent  le  tremblement 
habituel  de  l'iris.  Dans  ce  cas ,  la  vision  n'est  jamais  aussi 


436  PHILOSOPHIE 

pure  et  donne  lieu  fréquemment  à  des  auréoles  colorées , 
lorsque  Topéré  regarde  la  lumière  d'une  bougie.  —  Le 
glaucome  est  encore  une  maladie  dans  laquelle  l'humeur 
vitrée  se  trouve  altérée.  Les  malades  voient  alors  la 
lumière  entourée  d'une  auréole  colorée  ou,  pour  me  servir 
de  leur  expression,  d'une  grande  cocarde.  Ces  faits  ne 
suffisent  pas  pour  établir  d'une  manière  absolue  que  les 
parties  de  l'humeur  vitrée  les  plus  voisines  de  la  rétine 
sont  les  plus  réfringentes;  mais  on  en  doit  conclure  que 
la  Uquidité  de  cette  humeur  est  chose  nuisible  à  la  vision, 
et  que  cette  liquidité,  qui  semble  étroitement  unie  à  la 
densité,  est  moindre  derrière  le  cristallin  que  dans  les 
couches  accolées  à  la  rétine. 

La  vision  d'auréoles  lumineuses  est  un  fait  très-impor- 
tant à  étudier;  mais  il  correspond  à  des  altérations  de 
l'œil  essentiellement  distinctes.  Cette  auréole  peut  tenir  à 
l'existence,  au  devant  de  l'œil,  de  larmes  dans  lesquelles 
nagent  quelques  goutelettes  de  sécrétion  qui  se  sont  dé- 
layées et  qui  les  ont  rendues  blanchâtres.  Nous  l'avons  vu 
se  produire  rarement,  mais  cependant  quelquefois  et 
temporairement  dans  les  cicatrices  des  blessures  de  la 
cornée.  Nous  l'avons  vu  concoiùiter  avec  l'existence ,  au 
dedans  de  l'œil,  d'une  suffusion  de  liquide  blanchâtre. 
Quand  il  y  a  obscurité  plus  ou  moins  grande  au  centre 
de  l'auréole  lumineuse,  c'est  alors  surtout  qu'elle  corres- 
pond à  des  maladies  du  cristallin ,  de  l'humeur  vitrée  et 
de  la  choroïde. 

Sur  la  choroïde ,  la  seconde  des  membranes  de  l'œil , 
dans  l'ordre  de  superposition,  se  trouve  la  rétine  ou  expan- 
sion du  nerf  optique. 

La  choroïde,  qui  recouvre  la  sclérotique,  forme,  selon 
quelques  auteurs ,  trois  membranes  :  l'une ,  noire ,  colorée 
par  le  pigment  et  nommée,  par  suite,  membrane  du 
pigment  ;  une  autre ,  vasculaire  ;  la  troisième ,  ceUuleuse , 
servant  à  reUer  la  membrane  vasculaire  à  la  sclérotique. 
Celle-ci,  nous  l'avons  déjà  dit,  est  appelée  quelquefois,  et 
assez  mal  à  propos ,  cornée  opaque. 

Comment  se  fait  la  vision  ? 

Les  rayons  lumineux  (expression  usuelle ,  mais  fautive) 


DU  SIÈCLE.  457 

qui  arrivent  sur  la  cornée  se  réfractent  et  se  rapprochent 
de  Taie  visuel. 

Ils  ne  se  dévient  pas  sensiblement  davantage  dans 
rhumeur  aqueuse. 

Us  arrivent  au  cristallin ,  et  ceux  qui  en  traversent  le 
noyau  se  croisent,  les  uns  dans  cet  organe,  les  autres 
derrière. 

Les  rayons  qui  viennent  des  extrémités  de  l'objet  regardé 
sont  ceux  qui  vont  au  plus  haut  et  au  plus  bas  sur  la  ré- 
tine ,  au-dessus  et  au-dessous  de  Taxe  visuel. 

Ainsi  se  produit  une  image  renversée,  dont  il  est  très- 
facile  ,  sur  un  lapin  albinos ,  de  vérifier  la  forme  et  le  ren- 
versement ,  comme  Descartes  le  fit  en  son  temps. 

Nous  admettons,  avec  Vallée,  qu'il  se  produit  dans 
ITiumeur  vitrée,  une  réfraction  en  sens  inverse  de  celle 
que  nous  venons  de  décrire ,  et  qu'elle  est  due  à  la  na- 
ture de  cette  humeur. 

Pbesistânge  bt  Duhée  des  Impressioi^s.  —  Si  Ton 
attache  un  charbon  à  mie  fronde  ,  il  décrit  un  cercle  lumi- 
neux ,  la  rapidité  du  mouvement  étant  plus  grande  que 
l'anéantissement  des  images  au  fond  de  l'œil. 

Images  accidentelles.  —  Lorsqu'une  partie  de  la  rétine 
reçoit  une  impression,  il  se  produit  un  état  anormal  ou 
plutôt  accidentel  ;  puis  elle  tend  à  revenir  à  l'état  naturel 
aussitôt  que  cesse  l'influence  extérieure ,  mais  alors  voici 
ce  qui  se  passe  :  l'impression  primitive  s'affaibUt  graduelle- 
ment. L'état  normal  retrouvé,  en  vertu  de  l'ébranlement 
acquis,  la  partie  de  la  rétine  affectée  se  constitue  en  un 
état  opposé  qui  donne  naissance  à  l'image  accidentelle. 

De  la  vision  distincte  à  diverses  distances.  —  On  a  donné 
de  ce  fait  trois  explications  dont  aucune  ne  nous  satisfait 
pleinement. 

Les  uns  acceptent  que  l'on  no  saurait  appUquer  à  la 
cornée,  au  cristallin  et  à  la  rétine  les  règles  géométriques. 
Ces  corps  n'ayant  pas  une  forme  géométrique  régulière , 
d'après  cela,  la  distance  de  l'objet  que  l'on  regarde  peut 
vaner  dans  d'assez  grandes  limites,  sans  modifications 
appréciables  dans  l'image  rétinienne. 

D'autres   admettent  que  l'œil  peut  s'allonger  dans  la 

19 


458  PHILOSOPHIE 

direction  de  son  axe  visuel,  et  que  le  cristallin  peut 
varier  de  position  ;  mais  des  cataractes  opérés  par  Maunoir, 
par  extration,  et  des  cataractes  opérés  par  nous-même, 
ont  pu  voir  très-bien  de  près  et  de  loin  avec  leurs  lunettes 
à  cataractes,  soit  sans  changer  les  verres  de  leurs  lunettes, 
soit  sans  changer  leurs  verres  de  position  :  ce  qui ,  joint  à 
ce  que  nous  savons  de  Tanatomie  de  l'œil,  permet  de 
révoquer  en  doute  cette  seconde  explication. 

D'autres,  et  nous  sommes  assez  de  cet  avis,  d'autres 
croient  que  la  densité  croissante  de  l'humeur  vitrée  qui 
fait  tomber  l'image  parfaite  un  peu  en  avant  de  la  rétine 
et  la  mobiUté  de  l'iris  suffisent  à  expliquer  ce  phénomène. 

Achromatisme  de  VaiL  —  Cet  achromatisme  n'est  point 
parfait  ;  mais,  dans  l'usage  habituel  de  la  vie,  les  erreurs 
qu'il  produit  sont  insensibles.  —  Vallée  a  du  reste  établi 
qu'il  était  plus  perfectionné  qu'on  ne  le  croyait ,  l'humeur 
vitrée  agissant  en  sens  inverse  de  la  cornée ,  de  l'humeur 
aqueuse  et  du  cristallin  réunis. 

De  Vangle  visuel.  —  On  appelle  de  ce  nom  l'angle  des 
droites  menées  des  extrémités  d'un  objet  au  centre  de  la 
pupille.  —  Cet  angle  n'est  pas  égal  à  celui  que  forment  les 
droites  menées  des  extrémités  de  l'image  au  centre  du  cris- 
taUin  ;  mais  leur  correspondance  est  suffisante  pour  que 
l'on  considère  l'angle  visuel  comme  mesure  des  grandeurs 
apparentes. 

Du  renversement  de  l'image.  —  Si  le  sens  de  l'œil  devait 
avoir  pour  but  de  nous  montrer  les  objets  que  nous  voyons 
sur  les  directions  des  Ugnes  que  suivent  les  ondulations 
lumineuses  qui  en  partent  pour  venir  à  nous,  il  était 
nécessaire  que  l'image  fut  renversée,  puisqu'une  image 
droite  nous  eût  montré  les  objets  renversés. 

De  Vunité  de  sensation.  —  Il  advient  quelquefois,  chez 
les  personnes  qui  appliquent  beaucoup  les  yeux ,  qu'elles 
éprouvent  une  paralysie  momentanée  et  ne  ne  voient  plus 
qu'une  partie  des  objets.  Cet  accident,  habituellement 
passager,  est  arrivé  à  M.  Arago  qui,  un  jour,  ne  voyait 
plus  que  la  fin  des  mots.  Wollaston  l'a  éprouvé  aussi.  L'un 
et  l'autre  en  ont  conclu  que  l'un  des  nerfs  optiques  se 
rendait  à  la  partie  droite  des  yeux  et  l'autre  à  la  partie 


DU  SIÈCLE.  439 

gauche  ;  mais  cette  conclusion  est  fautive  et  ne  repose  que 
sur  quelques  faits  isolés.  Le  même  phénomène  peut  se 
présenter  sous  les  fonnes  suivantes  : 

1.  Les  lignes  d'un  livre  paraissent  inclinées. 

2.  Les  mêmes  lignes  paraissent  brisées. 
5.  On  ne  voit  que  la  tête  des  lettres. 

4.  On  ne  voit  que  la  partie  inférieure  des  lettres. 

5.  On  ne  voit  que  la  fin  des  mots. 

6.  On  ne  voit  pas  la  fin  des  mots. 

7.  On  ne  voit  que  quelques  lettres  isolées. 

Lorsque  nous  fixons  un  objet  avec  les  deux  yeux,  nous 
percevons  deux  images  sur  nos  rétines,  et  cependant  la 
sensation  n'est  pas  double.  —  A  quoi  faut-il  attribuer  ce 
fait  ?  est-ce  à  Tentrecroisement  des  nerfs  optiques  à  Tinté- 
lieur  de  la  boîte  osseuse  sur  la  selle  turcique  ?  Cela  se  peut. 
—  Est-ce  à  l'habitude  de  rapporter  une  sensation  à  deux 
points  correspondants  de  la  rétine  ?  Cela  se  peut  encore. 
Ce  qui  appuie  fortement  cette  dernière  opinion,  c'est  ^e 
l'on  voit  deux  objets  aussitôt  que  l'on  dévie,  par  la  pression 
sur  un  œil,  l'un  des  axes  oculaires.  Cependant  il  faut 
reconnaître  que ,  dès  le  premier  moment ,  les  aveugles-nés 
auxquels  on  rend  la  vue  ne  perçoivent  qu'mie  sensation. 

Chez  les  louches ,  l'un  des  yeux  présente  un  axe  anor- 
mal ,  et  les  perceptions  ne  se  correspondent  pas  quoiqu'il 
y  ait  unité  de  sensation';  mais  dès  qu'on  les  opère ,  la 
vision  devient  double  aussitôt  que  l'axe  normal  a  reparu , 
et  cet  état  dure  habituellement  une  huitaine  de  Jours. 

Pour  obtenir  de  l'opération  du  strabisme  tout  les  résul- 
tats désirables ,  il  importe  de  soumettre  l'œil  opéré  à  une 
gymnastique  convenable  aussitôt  après  l'opération ,  et  de 
recouvrir  d'un  bandeau  celui  auquel  on  n*a  point  touché. 
De  cette  manière ,  on  n'a  jamais  de  mauvaises  cicatrices  et 
l'on  obtient  des  succès  aussi  complets  que  puisse  les  donner 
la  chirurgie. 

La  convergence  des  axes  optiques,  chez  les  individus 
qui  sont  très-louches ,  produit  une  grande  myopie  ;  on  les 
guérit  immédiatement  par  Topération  du  strabisme.  Cette 
opération  si  curieuse ,  imaginée  par  Stromeyer  et  pratiquée 
pour  la  première  fois  par  le  D'  Cuvier,  de  Bruxelles,  et  non 


440  PHILOSOPHIE 

par  Diffenbach,  comme  on  Ta  dit  et  répété  mal  à  propos , 
ne  donne  tous  les  bons  résultats  que  Ton  en  peut  attendre 
que  chez  les  personnes  âgées  de  moins  de  vingt-cinq  à 
trente  ans.  Il  est  vivement  à  regretter  que ,  lors  de  son 
invention ,  le  charlatanisme  le  plus  effronté  soit  venu , 
dans  maintes  cbconstances ,  prendre  la  place  de  l'art  au 
grand  préjudice  de  la  science.  Il  en  est  résulté  des  accidents 
fâcheux  et  nombreux  :  quelques-uns  sont  restés  presque 
secrets ,  les  opérateurs  ayant  payé ,  pour  se  taire ,  les  pau- 
vres diables  sur  lesquels  ils  avaient  expérimenté  comme 
sur  de  véritables  animaux.  —  Mais  la  science  y  a  cepen- 
dant perdu  quelque  chose  de  ce  respect  auquel  elle  a  aroil 
quana  elle  est  utilisé  avec  honneur  et  conscience. 

11  est  un  phénomène  assez  curieux  sur  lequel  nous 
avons  appelé  1  attention  des  savants  :  on  voit  des  individus 
chez  lesquels,  sans  causes  appréciables,  la  faculté  de 
regarder  en  dehors  diminue  d'un  seul  œil.  Bientôt  ils  ne 
peuvent  mouvoir  cet  œil  aisément  que  d'un  côté  et  en 
général  que  du  côté  du  nez.  D'abord  les  objets  paraissent 
doubles ,  et  plus  tard  la  vision  décroit  sensiblement  si  Ton 
continue  à  faire  usage  des  deux  yeux  ;  mais  si  Ton  opère 
Tœil  malade,  à  la  manière  d'un  œil  atteint  de  strabisme,  la 
vision  se  rétablit ,  tantôt  peu  à  peu  et  en  quelques  jours , 
quelquefois  même  immédiatement.  Sur  trente-deux  opé- 
rations pratiquées  en  pareille  circonstance,  vingt-neuf 
nous  ont  réussi.  Dans  l'un  des  cas,  Tamaurose  de  l'œil, 
qui  ne  pouvait  se  porter  en  dehors,  était  complète;  dans 
plusieurs  autres  elle  était  considérable. 

Distinguons  quatre  faits  pour  les  impressions  que  nous 
fournit  le  sens  de  la  vue  : 

1°  La  facilité  à  voir  de  très-loin  et  de  près ,  à  supporter 
le  soleil,  à  distinguer  à  d'assez  grandes  distances  sous 
l'ombrage  des  arbres ,  là  où  il  n'y  a  que  peu  de  lumière, 
—  Cette  facilité ,  la  culture  la  donne  à  toutes  les  races 
à  peu  près  également,  sous  l'influence  des  mêmes  conditions 
d'exercice. 

En  second  lieu ,  l'aptitude  à  apprécier  avec  l'œil  les  dis- 
tances et  les  grandeurs. 

En  troisième  lieu,  l'aptitude  à  juger  les  formes. 


DU   SIÈCLE.    .  441 

En  quatrième  lieu,  l'aptitude  à  juger  les  couleurs. 

L'éducation  du  sens  de  la  vue ,  comme  celle  du  sens  de 
Touie ,  comporte ,  on  le  voit ,  l'exercice  de  l'organe  visuel 
et  l'exercice  de  trois  facultés  cérébro-intellectuelles  très- 
distinctes.  —  Cette  éducation  est  dans  l'enfance ,  même 
dans  nos  meilleurs,  pensionnats.  Que  dis-je  !  cette  manière 
de  voir  que  nous  venons  d'exprimer,  si  positive  qu'elle  soit, 
n'est  encore  l'opinion  que  d'un  petit  nombre  d'esprits 
d'élite;  et  cependant  qui  ne  connaît  cette  expression  vul- 
gaire :  un  tel  n'a  pas  le  compas  dans  l'œil.  Que  signifie-t- 
elle  ?  sinon  qu'il  est  des  individus  qui  ne  savent  apprécier 
ni  les  distances  ni  les  grandeurs.  —  Nous  avons  vu  deux 
dessinateurs  habiles  à  certains  égards ,  dont  tous  les  por- 
traits avaient  le  défaut  de  présenter  des  organes  dispropor- 
tionnés. Ces  dessinateurs  avaient  cependant  à  un  haut 
degré  le  sentiment  des  formes  et  celui  du  coloris.  La 
faculté  de  reconnaître  les  lieux  et  de  se  rappeler  les  formes 
est  quelquefois  très-éminente  chez  certains  individus  ;  elle 
varie  beaucoup,  non-seulement  dans  l'espèce  humaine, 
mais  encore  chez  les  animaux.  Le  général  Moreau,  homme 
d'un  très-grand  talent  militaire,  mais  d'un  moral  faible 
dans  son  intérieur,  avait  une  mémoire  des  lieux  extra- 
ordinaire; il  se  rappelait,  quand  il  avait  passé  sur  une 
route,  tous  les  accidents  de  terrain  qu'elle  présentait, 
tous  les  ruisseaux  qu'il  avait  rencontrés.  Il  gardait  même 
le  souvenir  des  arbres  un  peu  remarquables  et  des  haies  de 
quelqu'étendue.  Il  a  trouvé,  dans  cette  mémoire  des 
formes,  un  utile  secours  dans  sa  belle  retraite  d'Allemagne, 
l'un  des  plus  grands  faits  de  l'histoire  militaire  de  notre 
première  République.  —  Chez  les  mathématiciens,  la 
laeulté  de  se  rappeler  les  lieux  et  les  formes  conduit  à 
l'étude  de  l'astronomie.  Au  collège,  les  élèves  qui  en  sont 
doués  croient  lire  dans  leur  livre  la  leçon  qu'ils  savent  par 
cœur.  Les  animaux  nous  offrent  des  observations  nom- 
breuses dans  cette  direction  :  j'ai  vu  chez  une  dame ,  deux 
chiens  de  salon  de  même  race ,  dont  l'un  ne  savait  ni  re- 
trouver sa  route ,  ni  reconnaître  les  personnes,  quoiqu'il 
fut,  sous  d'autres  rapports,  très-intellii?ent ;  tandis  que 
lautre  chien  ne  se  serait  jamais  égaré  nulle  part.  J'ai  eu 


442  PHILOSOPHIE 

successivement  à  mon  service  deux  juments  bretonnes  de 
même  race,  de  même  poil,  élevées  toutes  deux  dans  les 
mêmes  conditions,  à  Plouescat  dans  le  Finistère  :  Tune 
allait  de  pair  avec  moi  pour  la  mémoire  des  lieux  ;  l'autre 
nous  était  bien  supérieure.  Jamais  le  soir,  jamais  la  nuit , 
elle  ne  s'est  trompée  sur  la  route  qu'elle  devait  suivre ,  nî 
sur  la  porte  à  laquelle  elle  devait  arrêter. 

La  faculté  des  couleurs  n'est  pas  moins  spéciale  et  sépa- 
rée; il  n'est  pas  rare  de  voir  des  personnes  très-mal 
habiles  en  tout  ce  qui  regarde  la  distinction  des  nuances 
un  peu  délicates  ;  mais  pour  quelques-unes  cela  va  beau- 
coup plus  loin  :  elles  sont  dans  l'impossibilité  de  distinguer 
aucune  couleur.  Un  cordonnier,  Harris,  de  Mary-Port  dans 
le  Cumberland,  philosophe  et  penseur  élevé,  comme  le 
sont  beaucoup  d'hommes  de  cette  profession,  très-avide  des 
cours  d'histoire  naturelle  et  de  physiologie,  se  trouvait 
dans  ce  dernier  cas.  Deux  de  «es  frères  étaient  venus  au 
monde  avec  le  même  défaut  ;  mais  deux  autres  frères  et 
deux  sœurs  en  étaient  exempts.  Harris  confondait  les  noirs 
avec  les  bruns,  les  verts  avec  les  jaunes ,  les  rouges  avec  les 
bleus.,  te  poète  GoUardeau,  assez  habile  dessinateur,  était 
dans  la  même  position  :  il  prit ,  un  jour,  devant  ses  amis , 
du  rouge  pour  du  gros  bleu  dont  il  voulait  faire  le  fond 
d'un  tableau.  Il  ne  distinguait  pas  les  trois  couleurs 
primitives,  bleu,  jaune  et  rouge,  tout  en  ayant,  comme 
Harrj^,  le  sentiment  d'une  certaine  différence,  confon- 
dant ainsi  les  espèces  avec  les  variétés,  avec  les  nuances. 
Harvey  cite  un  tailleur  qui  avait  d'excellents  yeux ,  mais 
qui  ne  distinguait  très-bien  que  le  blanc  et  le  gris ,  prenant 
toutes  les  autres  couleurs  pour  des  nuances  ;  cependant  il 
avait  un  peu  le  sentiment  du  jaune ,  et  à  un  moindre  degré 
celui  du  bleu.  D'autres  personnes  affectées  d'achromateupsic 
à  un  moindre  degré  que  le  cordonnier  Harris  et  le  poète 
GoUardeau ,  à  un  moindre  degré  encore  que  le  tailleur  cité 
par  Harvey,  se  présentent  dans  la  situation  que  l'allemand 
Sommer  a  décrite  comme  étant  la  sienne.  —  Je  distingue 
toujours,  dit-il,  au  soleil,  le  bleu  du  jaune,  le  bleu  clair  du 
vert,  le  rouge  foncé  du  noir  ;  le  jaune,  le  noir,  le  bleu 
prononcé ,  voilà  mes  couleurs  fondamentales.  Je  sens  bien 


BU  SIÈCLE.  443 

qu'il  y  a  une  différence  de  couleur  entre  une  feuille  d'arbre 
et  de  la  cire  d'Espagne,  dite  rouge;  mais  je  ne  saurais 
aiBnner  la  couleur  verte  ni  la  couleur  rouge.  Je  confonds  le 
bleu  avec  le  rouge,  le  vert  avec  le  brun,  l'orangé  avec  le 
brun  clair  et  une  foule  de  couleurs  composées.  Je  ne 
connais  que  de  nom  le  lilas ,  le  pourpre ,  le  cramoisi ,  le 
poDceau.  D'autres  personnes  distinguent  passablement 
toutes  les  couleurs ,  à  l'exception  du  rouge  qui  leur  paraît 
gris  cendré.  Pour  d'autres ,  moins  mal  partagées  encore , 
la  distinction  des  couleurs  est  facile;  mais  les  nuances 
leur  échappent.  Enfin  l'on  arrive  par  transitions  insensi- 
bles, aux  personnes  qui  ont  le  sentiment  vrai  des  couleurs, 
à  celles  qui  le  possèdent  au  degré  le  plus  éminent.  —  Mon 
savant  ami  feu  le  D'  Cunier,  qui  s'est  placé,  par  ses  grandes 
études,  au  premier  rang  des  oculistes  européens,  a  publié 
une  observation  d'achromateupsie  héréditaire  depuis  cinq 
générations ,  dans  une  famille  où  elle  n'atteignait  que.  les 
femmes.  {Annales  d'Oculistique,  tome  I",  408).  —  Ce  fait, 
joint  à  tous  ceux  que  la  science  a  réunis  et  à  la  belle 
étude  de  Szokalski ,  établit  pour  nous ,  de  la  manière  la 
plus  nette,  la  monstruosité  intellectuelle  par  arrêt  de  déve- 
îoppem^at  et  correspond  aux  monstruosités  d'ordre  phy- 
sique si  bien  étudiées  par  Geoffroy  Saii^ftylaire,.le  fils. 
11  conduit  directement  à  admettre  des  monstruosités  d'ordre 
moral  par  absence  ou  arrêt  de  développement  cérébral , 
quoique  l'anatomie ,  encore  en  arrière  de  l'observ^ion  , 
n'ait  pu  rien  constater  de  précis  et  de  positif  à  cet  égard. 

La  pensée  de  rapprocher  le  sens  de  l'ouie  de  celui  de  la 
vue,  les  couleurs  des  sons,  et  de  chercher  par  suite  des 
consonnances,  des  dissonnances  et  une  gamme  chromatique 
pour  les  couleurs,  s'est  présentée  souvent  à  l'esprit  des  phi- 
losophes. Le  père  Kircher  est  cité  pour  avoir  cru  à  la 
possibilité  de  progrès  dans  cette  voie  ;  le  père  Castel ,  pour 
avoir  fait  de  nombreux  efforts  dans  cette  direction.  Ce 
dernier  fut  fortement  appuyé  par  les  musciens  de  son 
temps,  et  trouva  Rameau  très-favorable  à  ses  idées,  tandis 
que  les  gpintres  les  repoussaient.  Jean  Reynaud  en  conclut 
«vec  raison  que  le  sentiment  du  coloris  est  moins  déve- 
loppé chez  les  peintres  que  celui  qui  fait  juger  les  tons 


444  PHILOSOPHIE 

chez  les  musiciens ,  et  il  a  raison.  Cette  conclusion  découle 
à  priori  de  la  postériorité  du  sens  de  la  vision  par  rapport 
au  sens  de  Touie.  Il  en  existe  encore  une  seconde  preuve  : 
c'est  la  très-grande  infériorité  du  sentiment  de  la  couleur 
chez  les  animaux.  Si  ce  n'est  chez  les  singes,  où  trouver, 
sous  ce  rapport,  la  preuve  de  leurs  connaissances  ?  Ils  sont, 
au  contraire ,  généralement  bien  plus  sensibles  et  disposés 
à  la  musique. 

En  1839,  M.  Chevreul  a  publié  un  intéressant  ouvrage 
sous  ce  titre  :  La  loi  du  contraste  simultané  des  couleurs  et 
de  ses  applications.  Mais  ce  serait  une  grande  erreur  que  de 
regarder  ce  livre  et  ceux  qui  auront  pour  but  d'aller  plus 
loin,  comme  propres  à  nous  donner  simplement  quelque 
perfectionnements  industriels:  notre  grande  supériorité 
l)0ur  la  couleur,  sur  les  anciens ,  nous  est  une  garantie  de 
progrès  intellectuels  ultérieurs. 

Le  sens  de  la  vue,  si  admirable  en  son  genre,  présente 
aussi  lui  un  idéal  aux  éducateurs  des  futures  générations 
humaines  :  d'une  part ,  ne  devront-ils  pas  l'exercer  pour 
qu'il  devienne  aussi  excellent  dans  toutes  les  races  qu'il 
l'est  aujourd'hui  chez  les  peuples  sauvages;  de  l'autre, 
soraient-ils  dignes  d'élever  la  jeunesse  s'ils  n'avaient  étudié 
(3t  compris  cetf||||[rande  théorie  des  fonctions  périodiques 
ou  sériaires  qui  préside  aux  incessantes  harmonies  de  la 
nature  ?  L'intelligence,  dans  ses  ineiïables  ravissements,  ne 
conçoit-elle  pas  des  concerts  où  les  accentuations,  les 
mélodies ,  les  harmonies ,  les  contrastes,  les  consonnaoces 
et  certaines  dissonnances  elles-mêmes  des  grandeurs,  des 
formes,  des  ombres,  des  couleurs,  des  sons,  des  odeurs 
ot  des  pensées  qu'elles  réveillent,  seraient  appelées  à 
enivrer  nos  âmes  ? 

Homme,  ignorant  homme  des  croyances  passées,  à  toi  le 
doute  :  la  foi  en  une  science  religieuse  ne  saurait  embraser 
ton  cœur.  L'idée  humanité  n'a  jamais  sanctifié  Ion  âme  ni 
purifié  ta  pensée  des  erreurs  d  un  grossier  sensualisme  ou 
d'un  égoïsme  non  moins  inférieur  ;  mais  pour  si  peu  que 
l'étude  ait  ouvert  l'intelligence  aux  faits  d'un  ordre  élevé , 
on  doit  comprendre  ces  relations  d'une  physique  uranscen- 
dante  qui  existant  entre  toutes  les  séries  qui  représentent 


BU  SIBCLB.  445 

le  beau  et  Tidéal.  —  0  loi,  jeune  homme,  qui  lis  ces 
lignes,  pense  et  médite  de  toutes  les  forces  de  ton  être, 
et  tu  arriveras  à  comprendre  la  vertu  comme  l'idéal  des 
perfections  de  l'âme  humaine,  la  loi  de  ses  harmonies 
comme  soumise  aui  nombres  et  à  la  géométrie  des  accords. 
Ainsi  pensait,  il  y  a  2,500  ans,  ce  grand  homme  qni  avait 
réuni  toutes  les  sciences  humaines  sous  quatre  chefs  :  les 
nombres,  la  géométrie,  l'astronomie  et  la  musique  ou 
science  des  universelles  harmonies  dévoilées  par  les  sens. 


DU  SOMMEIL. 


Les  fonctions  périodiques  jouent  un  rôle  très-grand  dans 
la  science  des  nombres  et  dans  la  géométrie.  —  Elles 
peuvent  satisfaire  aux  équations  que  fournit  l'étude  des 
(mdes  sonores.  Elles  tiennent  dans  leur  dépendance  les 
mouvements  des  corps  célestes,  depuis  la  simple  rotation 
jusqu'aux  expansions  et  contractions  alternatives  qui  font 
varier  le  petit  axe  de  l'ellipse  terrestre.  Nous  les  retrouvons 
à  chaque  instant  dans  la  vie  des  végétaux  et  des  animaux. 
—  Bah  !  diront  les  rétrogrades ,  l'entendez-vous  :  il  donne 
à  l'homme  une  grenouille  pour  mère  et  fait  engendrer  le 
sommeil  par  une  fraction  périodique.  —  Cette  plaisanterie 
très-spirituelle  a  sa  valeur  comme  plaisanterie  spirituelle  ; 
mais  elle  ne  détruit  en  rien  l'unitaire  solidarité  des  phéno- 
mènes de  la  nature. 

Le  sommeil  est  l'une  des  plus  importantes  fonctions 
périodiques  des  êtres  organisés  ;  il  se  rattache  évidemment, 
comme  les  battements  du  cœur,  comme  la  menstruation , 
comme  l'ascension  de  la  sève,  comme  la  pousse  des  feuilles, 
aux  lois  générales  de  la  vie.  Ainsi  que  les  autres  besoins  de 
notre  être,  il  renaît  chaque  jour,  en  quelque  sorte  à  heure 
fixe.  Se  coucher  et  s'endormir  habituellement  aux  mêmes 
heures ,  c'est  faciliter  son  retour  normal  et  régulier.  Tous 

19* 


446  PHILOSOPHIE 

nos  besoins  ont  leurs  périodes:  évitez  d'y  satisfaire  en 
temps  voulu,  le  besoin  disparaît  momentanément  pour 
reparaître  ensuite  plus  fort  et  plus  pressant.  Le  sommeil 
vérifie  cette  loi.  Beaucoup  de  conditions  le  favorisent:  le 
bruit  de  Teau  qui  coule,  les  sons  réguliers  et  monotones 
lorsqu'ils  ne  sont  pas  trop  bruyants,  l'action  de  Tair  frais, 
le  silence,  l'obscurité,  le  bruit  du  vent  dans  les  arbres, 
tout  ce  qui  peut  émousser  ou  affaiblir  la  sensibilité,  l'opium 
et  les  narcotiques ,  les  bains  et  surtout  les  bains  émoUients, 
l'ivresse,  qu'elle  vienne  de  l'alcool,  de  l'éther,  du  chloro- 
forme ou  des  boissons  fermentées  :  voilà  les  sources  factices 
du  sommeil.  Une  légère  lassitude ,  une  faiblesse  de  même 
ordre  produite,  par  exemple,  par  une  petite  saignée, 
provoquent  aussi  cet  état. 

Aussitôt  que  le  sommeil  commence,  la  circulation  dimi- 
nue, le  polis  se  ralentit;  la  production  de.  chaleur,  par 
suite  de  la  non  activité  des  muscles ,  devient  moindre  et  les 
fonctions  se  livrent  au  repos  les  unes  après  les  autres,  dans 
un  ordre  assez  constant.  Tout  d'abonl,  les  muscles  des 
membres  cessent  d'agir;  ceux  de  la  tète,  puis  ceux  de 
l'épine  du  dos  suivent  successivement  leur  exemple.  Les 

{)aupières  se  ferment  et  suppriment  la  vision;  le  goût, 
'odorat,  l'ouie,  le  toucher  s'endorment  ensuite  successive- 
ment. —  Les  autres  fonctions  ont  aussi  leur  ordre  pour  se 
mettre  en  repos  :  la  respiration  se  ralentit,  l'estomac  et  les 
intestins  réduisent  leur  action.  Quand  au  cerveau,  cet 
être  complexe  et  multiple ,  il  ne  s'endort  pas  immédiate- 
ment dans  toutes  ses  parties;  souvent  plusieurs  de  ses 
organes  restent  éveillés  :  de  là,  la  variété  des  rêves  et  leur 
bizarrerie.  —  Il  existe  entre  les  veines  de  la  tête  et  celles 
des  parties  sexuelles,  des  relations  aujourd'hui  bien  con- 
nues :  aussi  trois  causes  concourent-elles  à  produire  les 
rêves  amoureux,  si  fiéquents  à  une  certaine  époque  de  la 
vie.  —  D'un  côté,  l'excitation  propre  de  l'organe  sexuel 
lui-même  ou  l'action  mécanique  d'une  vessie  chargée 
d'urine  ;  de  l'autre ,  le  reflux  du  sang  qui  ne  trouve  plus , 
dans  les  viscères  ni  à  la  tête,  son  emploi  habituel  ;  en  troi- 
sième lieu,  rétatde  veille  d'une  seule  partie  cérébrale,  de 
celle  qui  préside  aux  plaisirs  vénériens.  —  La  chaleur  du 


DU   6IÈGLC.  ^  447 

lit  et  la  position  sur  le  dos,  en  facilitant  une  Huxion  san- 
guine vers  les  organes  des  sens,  prédisposent  aussi  aux 
désirs  de  l'amour  physique.  C'est  ainsi  que  partout  nous 
▼oyons  l'esprit  réagissant  sur  la  chair,  et  la  chair,  à  son 
lonr,  réagissant  sur  le  centre  cérébral  des  opérations  do 
l'esprit. 

Il  est  si  vrai  que  nos  facultés  intellectuelles  travaillent 
soavent  dans  le  sommeil ,  qu'il  suffit  de  préparer  un  travail 
en  se  couchant,  pour  le  trouver,  à  son  réveil,  tout  écrit  en 
sa  cervelle,  de  manière  à  n'avoir  plus  qu'à  le  mettre  au  net. 
—  Cabanis  rapporte  ce  fait  pour  Condillac ,  comme  étant 
chez  lui  tout-à-fait  habituel.  —  Nous  l'avons  étudié  sur 
uons-même  avec  grand  soin ,  et  nous  comparerions  volon- 
tiers l'action  du  cerveau,  pendant  le  sommeil,  sur  les 
idées  que  nous  lui  donnons  à  étudier,  à  l'action  lente  d'un 
aimant  sur  des  parcelles  de  limaille  de  fer  qu'il  dispose  peu 
à  peu  en  ordre  régulier  :  comparaison  dont  on  a  quelque- 
fois occasion  d'user  pour  rapprocher  les  phénomènes 
d'ordre  moral  et  intellectuel  de  ceux  d'ordre  matériel,  et 
ramener  la  physique  à  l'unité  en  l'appliquant  à  tous  les 
faits  de  la  nature. 

Richat,  si  éminent  pour  son  époque,  n'a  point  compris 
le  S(Hnmeil,  qu'il  considérait  comme  une  intermittence  de 
la  vie  animale.  Sachons  bien  qu'il  y  a  en  nous  deux  exis- 
tences :  Tune  consacrée  au  monde  entier  :  c'est  la  vie  de 
ration  ;  l'autre ,  au  monde  intérieur  de  notre  économie  : 
c'est  la  vie  organique.  Dans  le  sommeil ,  les  prolongements 
nerveu^qui,  du  cerveau,  vont  au  monde  extérieur,  sont 
endormis;  mais  ceux  qui  vont  au  monde  intérieur  no 
reposent  pas  de  la  même  manière  :  ils  veillent  sur  Téco- 
nomie.  —  Une  vie  organique  spéciale  du  cerveau  et  des 
autres  organes  avec  la  suppression  de  la  vie  de  relation , 
voilà  donc  le  fait  le  plus  saillant  de  notre  mécanisme  pen- 
dant le  sommeil,  et  cependant  l'homme  n'est  pas  soustrait 
alors  à  la  vie  générale  de  la  nature,  puisqu'il  entretient 
avec  elle,  par  la  respiration,  des  relations  incessantes  ot 
nécessaires. 

Si  maintenant  nous  considérons  que  la  circulation  est 
alors  plus  lente,  nous  en  conclurons  que  la  vie  est  moins 


448  PHILOSOPHIE 

active,  que  Thuile  brûle  moins  vite  dans  la  lampe,  et  cela 
doit  être,  on  le  devine  dpn'ort ,  en  raison  du  repos  du  système 
musculaire  qui  ne  fonctionne  plus  et  qui ,  par  son  activité , 
consomme  à  lui  seul  une  si  grande  quantité  des  liquides 
réparateurs  introduits ,  par  le  chyle ,  dans  notre  économie 
et  oxigénés  dans  nos  muscles  au  moment  de  l'assimilation. 
—  Une  vie  organique  plus  douce ,  plus  posée  de  tous  les 
organes,  voilà  donc  le  sommeil.  Pendant  cette  vie,  le  foie 
secrète  de  la  bile,  les  reins  fabriquent  de  l'urine  et  l'organe 
cérébro-intellectuel  se  préoccupe  de  pensées,  puisque 
c'est  là  sa  mission.  Il  n'est  point  inactif,  puisqu'il  reçoit 
du  sang  artériel  et  le  transforme  en  sang  veineux  ;  il  n'est 
point  inactif,  puisqu'il  classe,  ordonne,  dispose  les  maté- 
riaux qui  lui  ont  été  fournis,  puisqu'il  les  range  en  sa 
bibliothèque,  comme  nous  rangeons  des  livres  dans  les 
nôtres.  Mais  comment  s'effectue  ce  travail?  N'est-ce  rien 
toutefois  que  de  mieux  comprendre  le  sommeil  que  nos 
pères  et  que  Bichat  lui-même ,  encore  que  l'on  ne  puisse 
répondre  à  cette  question  ! 

Réduisez  à  0  ou  presque  0  la  respiration  et  par  suite  la 
circulation ,  le  sommeil  sera  une  léthargie ,  état  anormal 
et  maladif.  Que  le  poumon  fasse  plus  de  vingt-sept  respi- 
rations, que  le  cœur  batte  plus  de  quatre-vingt  fois  par 
minute ,  et  il  sera  fiévreux. 

Que  de  choses  à  dire  sur  le  sommeil  selon  les  Ages,  selon 
les  natures,  selon  les  tempéraments,  selon  les  maladies  ; 
que  de  précautions  il  exige  dans  l'enfance  pour  éviter  de 
déplorables  habitudes.  —  Que  de  disproportions  dans 
l'inégahté  de  sa  répartition ,  selon  les  diverses  classes  de  la 
société.  —  Ici,  tout  ce  qui  peut  le  faciliter:  calme  de 
l'habitation,  grandeur  des  appartements,  disposition  des 
rideaux ,  absence  d'odeurs  désagréables  ou  malfaisantes  , 
travail  selon  les  lois  de  l'hygiène.  —  Là,  au  contraire  , 
tout  est  en  désaccord  avec  les  règles  de  la  nature  :  des 
enfants  qui  pleurent  et  qui  crient  dans  l'unique  apparte- 
ment de  la  famille ,  un  air  vicié  par  la  respiration  de  tous, 
trop  de  jour  dans  les  matinées  d'été,  trop  de  froid  en 
hiver,  1  odeur  des  provisions  de  la  cuisine  et  celle  des 
fruits ,  quand  les  salaires  peuvent  y  atteindre.  Et  cepen- 


DU  SIECLB.  449 

dant,  en  face  de  la  physiologie,  la  nature  humaine  pré* 
sente-t-elle  des  règles  différentes  :  la  nécessité  de  la  fortune 
pour  les  uns,  de  la  misère  pour  les  autres?  Plus  nous 
avancerons  dans  cette  étude  et  plus  nous  reconnaîtrons 
heureusement  la  possibilité  du  bien-être  universel  et  de 
l'égalité  devant  les  jouissances  et  la  fortune. 

Il  y  a  deux  sortes  de  piles  galvaniques  :  les  unes  qui 
produisent  des  effets  très-violents  et  dépensent  énormé- 
ment; les  autres  qui  remplissent  avec  les  plus  petites 
forces,  mais  en  réclamant  plus  de  temps,  des  fonctions 
non  moins  importantes.  La  vie ,  dans  la  veille  et  dans  le 
sommeil,  peut  être  comparée  à  ces  deux  instruments  ;  mais 
cette  comparaison  ne  suffit  pas  à  expliquer  le  sommeil. 

Chez  les  plantes ,  il  donne  à  la  respiration  un  nouveau 
rôle  :  elles  expirent  de  Tacide  carbonique ,  ce  qui  indique 
des  emplois  différents  ou  plutôt  la  cessation  de  leur  plus 
grande  fonction,  de  celle  qui  les  relie  avec  le  monde 
extérieur  par  la  fixation  du  "carbone.  Ce  phénomène 
correspond,  chez  nous,  au  silence  de  la  vie  ae  relation. 
Toutefois,  depuis  les  animaux  jusqu'à  Thomme,  que 
d'études  à  faire  encore!  Elles  seront  d'autant  plus  par- 
faites qu'elles  ne  sépareront  l'être  humain  ni  de  la  nature 
ambiante,  ni  de  la  série  organique  dont  il  est  la  tête,  et 
qu'elles  rattacheront  plus  directement  le  sommeil  aux 
fonctions  périodiques,  cette  forme  prédilectionnée  de  la 
providence  quand  elle  s'évertue  dans  ses  œuvres  à  multi- 
plier les  harmonies. 

Jeunes  gens,  que  cette  dernière  réflexion,  qui  résume 
tout  un  aspect  de  la  science,  préoccupe  souvent  vos  esprits. 


DU  SIFFLET,  DE  LA  VOIX,   DE   LA  PAROLE 
ET  DU  LANGAGE. 


Des  Instruments,  du  Son.   —  La  théorie  du  son  a 
été  savemment  étudiée  en  ce  qui  concerne  le  son  en 


450  PHILOSOPHIE 

lui-même;  elle  n'est  pas  aussi  complète  pour  ce  qui  re- 
garde les  instruments  artificiels  ou  naturels  destinés  à  le 
produire.  Savart,  dans  ses  recherches  sur  les  veines  liquides 
et  les  mouvements  vibratoires  dont  elles  sont  le  siège ,  a 
reconnu,  dans  cette  circonstance,  l'influence  des  fonctions 
périodiques.  Ces  veines  ont  des  mouvements  oscillatoires 
qui  correspondent  à  des  vitesses  périodiquement  variables. 
Il  en  est  de  même  de  l'air  mis  en  mouvement  lorsqu'il  sort 
visible  aux  yeux ,  soit  sous  la  forme  de  fumée,  soit  sous  la 
forme  de  vapeur,  soit  encore  mêlé  de  poussière.  La  veine 
gazeuze  qui  passe  à  travers  une  ouverture  pratiquée  dans 
une  jdaque,  présente  des  nœuds,  des  renflements  de  dis- 
tance en  distance  ;  ils  sont  le  siège  d'un  mouvement  vibra- 
toire très-prononcé. 

L'air  qui  s'écoule  par  des  tuyaux  ne  donne  pas  toujours 
le  même  nombre  de  vibrations  à  vitesse  égale.  L'épaisseur 
des  tuyaux  et  la  réaction  de  leurs  parois  réagissent  singu- 
lièrement, et  c'est  autre  chose  d'employer  d'épais  tuyaux 
d'étain,  des  tuyaux  deferblanc,  de  papier  ou  de  gomme 
élastique  :  ces  derniers  donnent  un  son  plus  grave.  Pareil 
fait  influe  tout  naturellement  sur  la  production  et  les  modi- 
fications de  la  voix  humaine. 

Il  est  généralement  facile  d'augmenter  la  force  d'un  son 
en  ajoutant  un  coadjuteur  au  corps  qui  le  produit.  Ce 
coadjuteur  consiste  ordinairement  dans  une  certaine  quan- 
tité de  substances  solides  et  gazeuses  que  le  corps  sonore 
met  en  vibration.  Une  boîte  à  musique  rend  bien  plus  de 
son  quand  elle  est  posée  sur  un  violon ,  sur  un  violoncelle, 
sur  un  piano,  sur  une  plaque  métallique,  que  placée  sur 
une  table  couverte  d'un  tapis  de  laine.  —  Le  violon  ne 
serait  pas  un  instrument  s'il  n'était  muni  d'une  boite  à  air, 
à  parois  très-minces ,  qui  vibre  avec  les  cordes ,  ainsi  que 
l'air  qu'elle  renferme.  —  L'orgue  doit  sa  puissance  à  un 
soufflet  plus  ou  moins  considérable  qui  lance  des  colonnes 
d'air  dans  ses  tuyaux.  La  musette ,  ce  vieil  instrument  des 
premiers  âges,  que  les  Celtes  appelaient  biniou,  c'est-à-dire 
l'instrument  par  excellence,  est  munie  d'une  poche  à  air 
en  cuir  qui  remplit  le  même  rêle  sous  la  pression  du  bras. 
Ces  deux  derniers  moyens^  le  soufflet  de  l'orgue  et  la  poche 


DU  SIÈCLE.  451 

eu  biniou 9  ne  sont  pas  du  môme  ordre  que  la  caisse  du 
Molonceiie  et  du  violon.  Chez  l'homme,  Tappareil  sonore 
l>05$ède,  dans  le  poumon  ou  dans  les  parois  de  la  poitrine, 
quelque  chose  qui  tient  le  milieu  entre  la  poche  de  la 
musette,  dont  le  bras  fait  à  Tolonté  sortir  l'air,  et  la  caisse 
du  violon,  dont  l'air  et  les  parois  vibrent  avec  les  cordes 
sous  l'influence  de  l'archet. 

De  petites  lames  placées  au  bout  ou  sur  les  cAtés  de 
tuyaux ,  portent  le  nom  d'anches  ;  le  tuyau  leur  sert  de 
porte-vent.  Les  vibrations  de  ces  lames  produisent,  sur 
un  courant  d'air,  des  vibrations  périodiques  :  de  là  le  son 
des  instruments  qui  en  possèdent.  Ce  son  est  bien  le  pro- 
duit de  deux  facteurs  :  1"  les  vibrations  de  l'anche  ;  2**  l'é- 
coulement d'une  colonne  d'air.  Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup 
que  l'on  ait  suffisamment  étudié  ces  deux  facteurs  dans 
les  conditions  si  variables  qu'ils  peuvent  présenter. 

Les  anches  peuvent  être  métalliques  ou  membraneuses. 
Les  anches  membraneuses  sont  soumises  aux  lois  vibra- 
toires des  membranes;  celles-ci,  tendues  et  fixées  par 
leurs  bords,  vibrent  comme  des  plaques;  fixées  à  leurs 
extrémités,  elles  vibrent  comme  des  cordes.  La  théorie 
des  anches  membraneuses  et  des  résultats  auxquels  elles 
peuvent  conduire  laisse  encore  beaucoup  à  désirer. 

Les  orgues  sont  des  instruments  formés  de  tuyaux  diffé- 
rents dans  lesquels  un  courant  d'air  est  produit  par  une 
soufflerie  ;  ce  courant ,  à  sa  sortie ,  rencontre  un  biseau  qui 
le  partage  :  le  son  se  produit  à  cette  rencontre.  Le  tuyau 
sert  à  renforcer  le  son.  Il  est  évident  qu'en  variant  conve- 
nablement la  soufflerie ,  les  tuyaux  et  les  dispositions  de 
leurs  bouches ,  on  pourrait  arriver  à  créer  des  orgues  soit 
fixes ,  soit  portatifs  ou  voiturables ,  qui  pourraient  produire 
des  résultais  encore  inconnus.  —  L'application  de  la  méca- 
nique à  certains  instruments  de  musique  est  destinée  à 
rendre  sociales  des  jouissances  jadis  individuelles.  L'homme 
a  eu  ses  instruments:  l'humanité  aura  les  siens.  L'esprit 
conçoit  un  orgue  manié  par  Litz  ou  Thalberg,  qui  ferait 
entendre  sa  voix  à  deux  millions  de  personnes,  et  rien 
n'est  plus  facile  à  réaliser  même  en  plein  air. 

La  flûte ,  le  cor  et  la  trompette  pourraient  aussi  devenir 


452  PHILOSOPHIE 

des  instruments  mécaniques  adaptés  à  des  usages  sociaux , 
sous  la  direction  de  grands  artistes. 

La  théorie  de  la  clarinette,  du  haut-bois  et  du  basson 
laisse  à  désirer. 

I^'appeau  des  oiseleurs  se  rapproche  singulièrement, 
selon  M.  Savard ,  de  Torgane  vocal  de  l'homme  :  armé 
d'un  porte- vent  cyUndrique ,  il  donne  un  octave  et  demi  à 
deux  octaves  et  souvent  plus,  quand  il  est  habilement 
manié  ;  il  varie  dans  sa  forme ,  mais  il  présente  toujours 
deux  ouvertures  opposées.  Généralement  c'est  un  tuyau  de 
buis  ou  d'os  de  huit  à  neuf  lignes  de  diamètre  sur  "moitié 
de  hauteur.  Dans  tous  les  cas ,  il  présente  une  petite  masse 
d'air  que  traverse  et  qu'entraîne  la  colonne  qui  passe  par 
les  deux  ouvertures.  M.  Savard  fait  remarquer  que  si,  dans 
un  appeau  hémisphérique,  on  remplace  la  lame  plane  par 
du  parchemin,  les  sons  deviennent  plus  graves,  plus  doux, 
plus  moelleux. 

L'Instrument  vocil  db  l'Homme  ressemble  très-peu 
à  nos  instruments  artificiels  :  il  se  compose ,  de  bas  en 
haut  : 

D'un  soufflet,  le  poumon; 

D'une  enveloppe  résonnante ,  la  poitrine  ; 

D'une  série  de  tuyaux,  les  bronches  qui  se  réunissent 
en  un  seul ,  la  trachée  artère  avant  d'arriver  au  larynx  ; 

Du  larynx ,  dans  lequel  on  trouve  : 

Les  cordes  vocales  inférieures  ; 

Les  ventricules  du  larynx  ; 

Les  cordes  supérieures  ; 

L'épiglotte  ; 

D'une  cavité  pharingienne ,  dans  laquelle  aboutissent  ie 
larynx ,  l'ésophage ,  la  bouche  et  les  fosses  nasales  ; 

De  la  bouche  ; 

Des  fosses  nasales. 

Cet  instrument  peut  servir  à  produire  trois  ordres  de 
sons  :  le  sifflet ,  la  voix ,  la  parole ,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre entre  eux. 

La  bouche  seule  est  l'instrument  du  sifflet.  Il  suffit , 
pour  siffler,  de  lui  donner  une  très- petite  ouverture ,  ou , 
ce  qui  revient  au  même ,  d'appliquer  devant  les  lèvres , 


DU  SIÈCLE.  455 

une  plaque  percée  d'un  trou  étroit.  Toutefois,  il  est  bon 
d'observer  que  quand  on  siffle ,  outre  que  Ton  resserre  les 
lèvres,  on  donne  à  la  langue ,  dans  l'intérieur  de  la  bouche, 
des  positions  variables.  La  cavité  qui  se  trouve  alors  entre 
les  dents  antérieures  et  les  lèvres ,  transforme  l'ouverture 
de  la  bouche  en  un  véritable  appeau  dès  oiseleurs.  Mais  ce 
qui  donne  à  cet  appeau  une  grande  et  singulière  perfection, 
c'est  la  facilité  qu'il  a  de  se  contracter  plus  au  moins ,  la 
langue  ayant  des  positions  différentes.  Cette  variabilité 
dans  les  parties  de  l'instrument  siffleur  de  l'homme  lui 
permet  une  étendue  de  sons  qui  dépasse  deux  octaves. 

On  admet  généralement,  avec  Cagniart^Latour,  que  le 
son  du  sifflet  est  le  résultat  du  frottement  de  l'air  contre 
les  lèvre ,  frottement  qui  produit  les  vibrations  de  l'air  qui 
sort  de  la  bouche.  Quelle  est  exactement  l'influence  de  ces 
vibrations,  et  sur  l'air  contenu  dans  la  bouche ,  et  sur  l'air 
ambiant  ?  La  théorie  ne  l'a  point  encore  suffisamment  dit  ; 
elle  n'a,  à  cet  égard,  que  des  pressentiments.  L'expé- 
rience semble  avoir  prouvé  que  les  vibrations  des  lèvres 
sont  complètement  inutiles  pour  produire  le  sifflet.  Si 
donc,  av^c  Dodard  et  d'autres  physiologistes,  on  admettait 
la  similitude  de  la  glotte  labiale  et  de  la  glotte  laryn- 
gienne, on  pourrait  être  conduit  trop  loin  par  des  analogies 
forcées. 

Passons  à  la  Voix.  Les  cordes  vocales  inférieures  sont 
indispensables  à  sa  production.  Un  chien  chez  lequel  elles 
sont  enlevées,  ne  peut  plus  aboyer.  Un  chien  qui  les  possède 
et  dont  on  a  réduit  le  larynx  à  la  seule  partie  inférieure , 
fait  entendre  sa  voix  lorsqu'on  a  remplacé  le  reste  de 
l'appareil  par  un  tuyau  en  caoutchouc  vulcanisé  (Longet , 
Physiologie  y  178). 

Les  ventricules  du  larynx  sont,  pour  la  voix,  un  appa- 
reil de  renforcement;  mais  cet  appareil  n'est  pas  fixe  et 
immobile  comme  la  cavité  d'un  appeau  :  de  là  sa  supé- 
riorité si  grande. 

Le  rôle  des  cordes  vocales  supérieures ,  chez  l'homme , 
est  mal  défini.  Chez  les  animaux,  elles  ne  sont  pas  indis- 
pensables à  la  production  de  la  voix. 


454  PHILOSOPHIE 

Le  rôle  vocal  de  Tépiglotte  est  incertain  :  de  Haller  le 
jugeait  nul;  Longet  croit  qu'elle  contribue  au  timbre  de  la 
voix  et  peut  servir,  en  fermant  Titsme  du  gosier,  à  rejeter 
Tair  dans  les  fosses  nasales. 

La  bouche  est  Tinstrument  de  la  parole ,  mais  elle 
n'influe  pas  sur  les  tons ,  c'est-à-dire  sur  la  voix  qui  peut 
avoir  une  étendue  de  deux  octaves  à  trois  et  demi.  Réunie 
à  la  voix  de  l'homme,  celle  de  la  femme  donne  aux  voix 
humaines  une  étendue  d'environ  quatre  octaves. 

De  la  Parole.  —  Il  est  triste  de  lire  les  ouvrages  les 
plus  modernes  de  physiologie ,  à  l'article  de  la  parole  :  oa 
n'y  trouve  aucune  considération  d'un  ordre  élevé ,  rien  qui 
puisse  tremper  l'&me  humaine  soit  en  la  reportant  au 
berceau  des  premières  familles,  soit  en  lui  faisant  pressentir 
les  développements  futurs  de  l'humanité.  Nous  suivrons, 
dans  cette  rapide  étude,  ime  toute  autre  direction. 

Ouvrez  la  bouche ,  appliquez  la  langue  contre  les  dents 
incisives  inférieures,  faites  sortir  de  votre  gosier  une  colonne 
d'air  vibrante ,  et  elle  donnera  natureUement  le  son  a  ; 
resserrez  la  bouche ,  elle  donnera  è  ;  resserrez  la  bouche , 
elle  donnera  é\  resserrez  encore,  et  vous  aurez  successive- 
ment t'y  Oy  ouy  tt.  Ces  sept  sons  très-coulants  sont  les  sept 
voyelles  naturelles  ;  elles  forment  une  gamme,  une  harmo- 
nie ,  une  série  très-intéressante. 

Ce  phénomène  n'avait  pas  échappé  aux  anciens  :  «  Les 
»  prêtres  d'Egypte,  nous  dit  Démétrius  de  Phalères,  chan- 
»  tent  les  Dieux  au  moyen  des  sept  voyelles  qu'ils  font 
»  raisonner.  Ce  son,  par  son  harmonie,  leur  tient  lieu  de 
»  la  flûte  et  de  la  lyre.  Aussi  lorsqu'on  fait  abstraction 
))  de  ce  concours  des  voyelles ,  on  anéantit  l'harmonie  et 
»  le  chant.  » 

Les  voyelles  portaient  autrefois  le  nom  d'esprits,  par 
opposition  aux  consonnes  qui  forment  le  corps  du  langage. 

Elles  peuvent  être  brèves ^  longues ,  aspirées,  nasales  ^  ce 
qui  donne  vingt-huit  prononciations  possibles,  quoique 
toutes  ne  soient  pas  usuelles. 

On  peut  aussi  réduire  les  voyelles  à  trois ,  représentées 
par  : 


DU   SIÈCLE.  455 

Le  son  guttural ,  a  et  é  ; 

Le  dental ,  é  et  i  ; 

Le  labial ,  o,  ou  et  u. 

Ainsi  font  les  Arabes,  qui  n'ont  que  trois  points  voyelles. 

Court  de  Gébelin  a  dit  avec  raison  que  l'instrument 
vocal  possède  sept  touches  véritables  servant  à  modifier  le 
son  des  voyelles  : 

faible. 


1°  Les  lèvres ,    touche  labiale  , 

P   forte 

B 

2"  Les»  dents,        —      dentale, 

T    — 

D 

5"  Le  nez,             —      nasale, 

N    — 

M 

4"  La  langue,         —      linguale, 

5"  La  gorge,          —      gutturale, 

6°  Le  rapprochement  de 
la  langue  du  palais,  touche  sifflante ,  - 

1"  L'éloignement  de  la 
langue  du  palais,  touche  chuintante , 

R    — 
K    — 

•S    — 

CH  — 

L 
G 

Z 

J 

Quelques  linguistes  vont  encore  plus  loin  que  Court 
Gébelin  ;  ils  n'admettent  que  quatre  consonnes  primitives  : 

Une  labiale , 

Une  dentale  f 

Une  liquide, 

Une  gutturale. 

Beaucoup  de  consonnes  sont  en  effet  équivalentes,  et 
peuvent  donner  lieu  à  des  substitutions  sans  changer  en 
réalité  l'aspect  parlé,  tout  en  changeant  notablement 
l'aspect  écrit.  M  B  P  PH  F  V  W  sont  des  consonnes  qui  se 
substituent  à  chaque  instant  les  unes  aux  autres ,  selon  le 
génie  des  peuples  et  môme  selon  les  habitudes  de  leurs 
diverses  tribus.  Il  en  est  ainsi  de  S  T  D  DJ  Z,  etc.  D'où  il 
suit  qu'il  n'y  a,  en  réalité,  que  quatre  consonnes  domi* 
nantes  dans  tous  les  alphabets  ;  il  y  a  même  des  langues 
où  ces  substituticms  de  consonnes  sont  usuelles,  incessantes 
et  destinées  à  produire  des  effets  euphoniques  :  tel  est  le 
celtique  bas-breton. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède,  que  l'homme  pourrait,  avec 
quatorze  caractères  seulement ,  sept  pour  les  voyelles , 
sept  pour  les  consonnes ,  et  des  accents  destinés  à  signaler 
les  modifications   possibles   dans    la  prononciation    des 


456  PHILOSOPHIE 

voyelles  et    des  consonnes ,    représenter   tous   les  sons 
connus. 

Ainsi,  a  è  e  i  oou  u^  voilà  les  voyelles  naturelles. 

P  T  N  R  K  S  CH  pourraient  être  remplacées  par  B'  D' 

M*  L' G*  r  y. 

Tel  serait  l'alphabet  naturel;  mais  de  même  que  les 
poésies  d'Hésiode  et  d'Homère  ont  précédé  la  poétique 
d'Àristote,  de  même  aussi,  et  encore  plus,  le  langage  a 
précédé  de  bien  loin  l'anayse  de  la  parole  et  de  l'écriture. 

Si  maintenant  nous  considérons  qu'il  existe,  indépen- 
demment  des  voyelles  que  nous  avons  signalées,  trois 
diphtongues  ou  voyelles  composées  très-naturelles  et  très- 
usuelles  aussi ,  nous  pouvons  affirmer  que  les  sons  primitifs 
de  toutes  les  langues  se  groupent  au  nombre  d  environ 
quatre-vingts ,  autour  de  quatre  axes  qui  sont  les  quatre 
fortes  consonnes. 

Rejetez  cette  manière  de  voir  :  prenez  les  langues  à 
mots  coulants ,  à  nombreuses  voyelles  pour  base  et  pour 
exemple  ;  soyez  d'une  opinion  en  apparence  toute  opposée 
à  la  nôtre  ;  rejetez  du  nombre  des  voyelles  la  voyelle  ou 
qui  peut  être  contestée,  et  vous  aurez  encore  six  sons 
primordiaux  taillés ,  hachés ,  consonnes  par  sept  consonnes 
différentes ,  ce  qui  vous  donnera  quatre-vingt-quatre  sons 
primitifs ,  puisque  chaque  consonne  peut  suivre  ou  précéder 
toute  voyelle. 

Accordez  plus  encore ,  vous  arriverez  au  chiffre  de  cent 
quarante  sons  primitifs.  Mais  il  en  est  des  sons  comme  des 
cristaux  :  ceux-ci,  quand  on  les  poursuit  dans  leur  clivage, 
ne  présentent  que  six  manières  de  cristalliser;  de  même 
les  sons  vocaux,  quand  on  les  décompose,  se  réduisent 
aux  simples  voyelles  ou  aux  consonnes.  D  où  ce  principe 
incontestable  :  tous  les  hommes  naissent  avec  des  organes 
propres  à  former,  par  une  vibration  de  l'air  qui  sort  de 
leur  bouche  plus  ou  moins  ouverte,  un  petit  nombre  de 
sons  primordiaux  qui  prennent  une  forme ,  une  expression, 
par  la  manière  dont  ils  sont  coupés,  hachés,  consonnes. 

Doué  d'un  instrument  musical  pour  chanter  et  parler, 
l'homme  n'a  pas  été  libre,  étant  données  ses  autres  facultés 
physiques,  intellectuelles  et  morales,  de  se  faire  un  langage 


BU  SIÈCLE.  457 

quelconque  :  sa  parole  a  été  la  conséquence  nécessaire  de 
son  organisation. 

«  Aussi,  nous  dit  avec  éloquence  Court  de  Gébelin, 
»  tout  est  d'accord  dans  la  nature,  quelle  que  soit  la 
»  variété  surprenante  de  ses  ouvrages;  et  sans  accord, 
»  ceux-ci  pourraient-ils  subsister,  pourrait-elle  se  soutenir 
i>  elle-même  ?  Dès  qu'elle  a  pris  la  proportion  de  l'octave 
n  pour  la  règle  de  l'harmonie  du  monde,  cette  harmonie 
»  doit  se  retrouver  partout ,  et  loin  de  paraître  surprenant 
»  qu'on  le  reconnaisse  dans  l'instrument  vocal ,  il  devrait 
»  paraître  très-surprenant,  au  contraire,  que  cette  harmonie 
»  ne  s'y  trouvât  pas  et  que  cet  instrument  fût  fait  d'après 
»  des  proportions  qui  n'auraient  aucun  rapport  avec  un 
•  instrument  quelconque. 

»  C'est  cette  harmonie  que  l'auteur  de  la  nature  a  mise 
»  dans  les  couleurs  et  dans  un  grand  nombre  d'autres 
»  objets.  Ainsi  la  même  harmonie  anime  la  nature  entière 
i>  et  répand  partout  ses  influences  admirables.  Ainsi  les 
»  yeux  du  maître  de  la  terre,  sa  bouche,  ses  lèvres,  ses 
»  oreilles,  l'air  qu'il  respire,  la  lumière  qui  l'éclairé,  les 
»  les  tons  qui  le  ravissent,  les  couleurs  qui  le  charment 
A  ont  tous  la  même  analogie ,  furent  tous  pesés  à  la  même 
»  balance,  réglés  sur  les  mêmes  proportions  harmoniques, 
»  faits  également  pour  ses  organes.  » 

Nous  dirons ,  en  corrigeant  cette  belle  pensée ,  que  nos 
organes  se  sont  modelés,  au  contraire,  sur  un  monde  si 
admirablement  harmonisé,  de  manière  à  se  mettre  à  l'unis- 
son avec  les  beautés  de  la  nature  qu'ils  devaient  trans- 
mettre à  notre  entendement. 

Allons  plus  loin ,  et  nous  reconnaîtrons  qu'il  n'est  rien 
de  plus  simple  que  les  règles  générales  qui  ont  présidé  à 
la  formation  des  langues  et  qui  devraient  en  diriger 
l'élude.  L'homme  parle  sa  pensée  ;  mais  pensée  et  parole 
se  sont  tellement  identifiées  par  l'habitude,  qu'il  arrive  à 
penser  toujours  en  un  langage  quelconque  ;  et  cela  est  légi- 
time. Comment  la  pensée  se  serait-elle  étendue  sans  con- 
quêtes ?  comment  ces  conquêtes ,  sans  l'invention  de  noms 
ou  substantifs  nombreux?  Mais  l'homme  des  premiers 
jours  n'a  point  été  placé  toute  sa  vie  en  une  citerne,  en 


458  PHILOSOPHIE 

une  cave,  en  une  grotte  ;  il  a  vécu  avec  ses  pareils  au  sein 
de  la  nature  qui  devait  être  son  inspiratrice.  Aussi  a-t-il 
imité,  dans  toutes  les  langues,  les  sons  qu'elle  produit 
quand  elle  siffle  aux  branches  des  arbres  ou  par  la  bouche 
des  oiseaux  pour  désigner  les  choses  sifflantes.  Il  a  imité 
encore  le  son  de  ce  qui  roule ,  de  ce  qui  hache ,  de  ce  qui 
brise ,  dans  la  composition  d'un  grand  nombre  de  mots , 
c'est-à-dire  que  l'homme,  à  son  début  dans  la  vie  de 
famille  et  de  tribu ,  a  fait  des  onomatopées,  et  c'était  bien 
naturel,  puisqu'il  était  né  musicien.  —  Il  était  encore  na- 
turel que  l'analogie  l'éclairât  dans  le  perfectionnement 
de  sa  parole,  en  le  portant  à  rapprocher  les  choses  d'ordre 
intellectuel  et  moral  des  choses  d'ordre  plus  physique  et 
tout  matériel,  auxquelles  on  peut  les  comparer.  Mais 
l'analogie  suppose  limitation;  elle  n'est,  à  bien  dire, 
qu'une  imitation  perfectionnée  ;  d'où  cette  conséquence  : 
L'imitation  sous  forme  d'onomatopée  d'imitation  pro- 

f)rement  dite  et  d'analogie ,  voilà  la  source  de  toutes  les 
angues. 

Mais  pourquoi  l'homme  a-t-il  le  don  du  langage,  tandis 
que  le  corbeau  du  savetier  qui  apprit  en  quelques  jours  à 
répéter  ces  paroles:  opéra  et  impensa  periit,  tandis  que  le 
perroquet  de  mon  voisin  qui  redit  sans  cesse  :  garde  d  v(ms  1 
portez  armes  1  et  plusieurs  autres  très-jolies  phrases  d'une 
certaine  étendue ,  ne  le  possèdent  pas  ? 

Parce  qu'il  ne  suffit  pas  pour  parler  d'avoir  un  instru- 
ment plus  ou  moins  parfait  ;  parce  que  la  première  des 
conditions ,  c'est  d'avoir  au  cerveau  l'organe  ou  les  organes 
cérébro-intellectuels  de  l'octave  des  facultés  de  cet  ordre 
qui  président  au  langage. 

Le  D'  Bouillaud  a  constaté  nombre  de  fois  qu'une  lésion 
des  parties  antérieures  du  cerveau  avait  détruit,  chez 
l'homme ,  la  faculté  de  parler.  J'ai  rencontré  une  malheu- 
reuse, saine  d'esprit  sous  d'autres  rapports,  à  laquelle 
une  altération  syphilitique  de  l'os  du  front  avait  enlevé 
l'intelligence  des  mots.  Dernièrement,  à  Angers,  M.  Davila, 
aujourd'hui  docteur  à  Bucharest ,  constatait  que  la  faculté 
de  parler  avait  été  supprimée  par  un  kyste  qui  comprimait 
les  lobes  antérieurs.. 


DU  SIÈGLB.  459 

Gall  et  Broussais,  dans  leurs  leçons  de  phrénologie  ,  et 
le  D'  Yimon ,  dans  ses  études  de  phrénologie  comparée  , 
placent  le  siège  de  la  faculté  du  langage  au-dessus  du 
plancher  de  Torbite.  —  Nous  ne  contredirons  en  aucune 
manière  cette  opinion  qui  a  pour  elle  d'assez  grandes 
probabilités  ;  mais  elle  n'est  pas  suffisamment  établie. 
Nous  ne  sommes  nullement  certain,  d'une  manière  absolue, 
que  cet  organe  cérébro-intellectuel  soit  représenté,  en 
réalité ,  par  une  circonvolution  du  cerveau  allongée  d'avant 
eu  arrière  ;  toutefois  il  nous  parait  acquis  à  l'observation 
que  les  hommes  qui  ont  une  grande  mémoire  de  mots  ont 
les  ^eux  saillants  ou  descendus .  et  en  général  une  grande 
cavité  orbitaire. 

Gardons-nous  de  croire  que  la  mémoire  des  mots  et  la 
faculté  de  mettre  en  mouvement  les  muscles  et  l'appareil 
qui  peuvent  les  reproduire,  soient  en  nous  tout  ce  qui 
concerne  le  langage.  —  La  faculté  de  l'ordre  imprime  de 
Tordre  aux  discours  et  contribue  essentiellement  à  faire  des 
orateurs.  L'accentuation,  la  mélodie  et  l'harmonie  rendent 
la  parole  harmonieuse.  L'idéal  l'élève  aux  régions  supé- 
rieures en  la  faisant  aider  par  toutes  les  facultés  de  notre 
être,  en  même  temps  quelle  a  pour  auxiliaire  l'esprit 
philosophique  qui  l'analyse ,  la  décompose ,  la  corrige  et 
la  transforme. 

Les  maladies  qui  altèrent  la  faculté  du  langage  méritent 
d'être  étudiées  plus  qu'elles  ne  l'ont  été.  Voici  une  femme 
qui  ne  dit  que  la  moitié  des  mots,  comme  tel  amauro- 
tique  ou  paralysé  n'en  voit  que  la  moitié  ;  d'autres  fois , 
elle  prononce  de  travers  les  noms  qu'elle  sait,  à  la  manière 
de  certains  paralysés  de  la  vue  qui  lisent  en  même  sorte. 
(Je  n'ai  pu  avoir  de  données  exactes  sur  ses  antécédents.) 
—  Voici  maintenant  madame  la  comtesse  de  M...,  femme 
aussi  distinguée  par  ses  vertus  et  sa  modestie  que  par  sa 
haute  intelligence  :  chez  elle ,  la  cautérisation  imprudente 
de  ce  filet  nerveux  appelé  corde  du  tympan,  qui  va  à  la 
langue  en  passant  contre  le  tympan  de  l'oreiUe ,  a  produit 
des  douleurs  dans  la  langue  et  une  grave  altération  des 
facultés  cérébrales  qui^  président  au  langage  écrit  et  parlé. 
Elle  est  à  peu  près  guérie  ;  mais  pendant  longtemps  elle 


460  PHILOSOPHIE 

oubliait,  en  écrivant,  des  portions  de  mots,  ou  encore  il 
lui  arrivait  de  transporter  à  un  nom  les  qualifications  d'un 
autre.  —  Tous  ces  faits  nous  prouvent  combien  la  vraie 
science  du  langage  est  dans  l'enfance  et  combien  elle  a 
besoin  du  secours  de  la  physiologie.  —  Celle-ci  fait  bien 
et  fera  bien  d'étudier  de  mieux  en  mieux  les  conditions  de 
la  production  de  la  voix  au  moyen  de  l'instrument  vocal, 
qui  se  compose  du  soufflet  appelé  poumon ,  du  larynx , 
d'une  petite  partie  du  pharynx ,  de  la  bouche  et  des  fosses 
nasales.  Mais  elle  ne  serait  plus  réellement  la  physiologie 
si  elle  s'arrêtait  en  cette  voie  ,  négligeant  les  questions 
cérébro-intellectuelles  que  nous  venons  de  soulever  et  de 
signaler. 

Je  voudrais  aller  plus  loin,  mais  je  m'arrête  :  l'expérience 
et  l'observation  me  font  défaut. 


PHYSIOLOGIE  DU  LANGAGE 
ET  SPÉCIALEMENT  DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE. 

LAI^GUE  UIYIVERSELLE. 

Au  point  où  nous  en  sommes,  nous  pouvons  aborder  de 
front  la  physiologie  de  la  linguistique  en  l'appliquant  spécia- 
lement à  la  langue  dans  laquelle  ce  livre  est  écrit.  Un  homme 
trop  peu  connu,  grand  penseur  cependant,  M.  Charrassin, 
nous  servira  de  guide  :  nous  avons  mêlé  ensemble  nos  rêves 
et  nos  actes ,  philosophie  à  la  même  table  avec  Benoît  de 
Lyon,  le  tisseur  en  soie,  l'un  des  bons  esprits  de  France,  et 
c'est  un  bonheur  pour  nous  de  contribuer  à  répandre  ses 
opinions  qui  nous  paraissent  très-fondées.  Ajoutons ,  pour 
être  complet ,  que  le  D'  Ferdinand  François  a  participé  à 
cette  grande  étude. 

Lb  Mot  est  le  corps  de  la  pensée.  L'esprit  ne  peut  con- 
cevoir sans  que  la  mémoiife  corporifie  par  un  nom  l'objet 
de  sa  conception.  —  Celui  qui  possède  vingt-cinq  mille 


DU   SIÈCLE.  461 

noms  a  dans  l'esprit  un  égal  nombre  de  souvenirs  qu'il 
peut  mêler  et  combiner  à  l'infini.  Les  ressources  de  l'intelli- 
gence sont  en  raison  de  la  perfection  de  son  langage.  — 
A  certains  égards ,  on  pourrait  presque  dire  que  la  grande 
affaire  de  l'esprit  humain,  c'est  d'inventer,  de  perfec- 
tionner, de  répandre  les  mots  d'une  langue  et  de  les  rendre 
communs. 

Les  mots  ne  sont  pas  des  sons  de  convention,  mais  des 
traits  de  voix  habilement  élaborés,  souvent  pendant  une 
longue  série  d'années,  pour  agiter  au  cœur  un  sentiment 
ou  faire  naître  une  image  en  notre  esprit. 

Parmi  les  mots  Uvrés  à  la  circulation,  combien  sont 
abandonnés  de  suite;  tandis  que  les  autres,  expérimen- 
tés, goûtés,  façonnés  par  le  public,  sont  conservés  en 
usage. 

Les  plus  gkaivbes  Etapes  de  l'Histo|[ie  ,  ses  divisions 
naturelles,  se  lient  aux  progrès  de  la  parole.  L'écriture 
abécédaire  ou  alphabétique ,  l'imprimerie ,  la  télégraphie 
électrique  correspondent  aux  plus  considérables  progrès  des 
peuples. 

Supprimez  la  télégraphie  électrique,  et  malgré  ses 
vapeurs  et  ses  chemins  de  fer,  l'Union  Américaine  tend 
au  morcellement,  le  monde  perd  l'espérance  d'une  idée 
pratiquement  réalisable;  cette  idée,  la  grande  idée  humanité 
ne  s'évanouit  pas,  mais  elle  s'affaiblit  ;  le  doute  de  son 
avenir  nécessaire  et  prochain  entre  dans  les  esprits  les  plus 
philosophiques. 

Supprimez  l'imprimerie,  et  l'ignorantisme  anéantit 
aussitôt  la  plupart  des  découvertes  modernes.  Bellarmin 
fait  brûler  les  écrits  de  Galilée;  la  terre  ne  tourne  plus 
autour  du  soleil  ;  notre  grain  de  sable  redevient  la  grande 
affaire  de  l'immensité  ;  l'infini  disparaît  pour  s'arrêter  à 
cette  voûte  de  cristal  ornée  de  clous  brillants  que  l'on 
appelle  les  étoiles;  la  chimie,  la  physique,  l'histoire  natu- 
relle et  l'anatomie  se  réfugient  dans  quelques  sanctuaires, 
et  la  cabale  reparaît. 

Supprimez  les  alphabets,  et  les  peuples  retombent  à 
l'état  de  tribus  et  de  hordes  sauvages  ;  d'où  cette  conclu- 
sion :  la  science  du  langage,  de  son  passé  de  ses  éléments, 

20 


462  PHILOSOPHIE 

de  ses  progrès,  est  la  première  des  sciences,  au  point  de 
vue  de  la  civilisation. 

Cette  conclusion  peut  être  formulée  autrement  ;  on  peut 
dire  : 

Vètre  encore  en  gertne ,  appelé  humanité ,  a  besoin  de  la 
parole  parlée  ^  transcrite,  imprimée  et  télégraphiée  pour 
commander  à  ses  principaux  organes ,  pour  diriger  ses 
molécules  intégrantes ,  c'est-à-dire  les  êtres  humains. 

Depuis  deux  mille  ans ,  les  érudits  flairent  les  origines 
des  mots ,  ils  remontent  à  leurs  sources  :  c'est  bon ,  mais 
il  y  a  autre  chose  à  faire.  La  source  a  aussi  sa  source  ;  si 
tel  mot  vient  du  latin ,  le  latin ,  son  père ,  vient  du  grec , 
le  grec  de  quelqu'asiatique ,  celui-ci  peut-être  d'un  égyp- 
tien, l'égyptien  d'un  indien,  d'un  sanscrit,  et  le  sanscrit? 
Je  ne  sais.  —  Reculer  la  difficulté ,  est-ce  la  résoudre  ? 

Avant  de  me  dire  :  le  froment  vient  de  Toegilops ,  l'œgi- 
lops  d'un  loliuuF,  les  lolium  viennent  des  gramen ,  et  les 
gramen  de  je  ne  sais  quelle  source  inconnue,  je  classe  les 
plantes  par  familles  et  par  groupes. 

Je  ne  rejette  pas  l'étude  des  transformations;  mais  je 
veux ,  avant  tout ,  le  travail  préparatoire  qui  rendra  cette 
étude  profitable. 

Les  collections  connues  sous  le  nom  de  dictionnàibbs 
et  de  dictionnaires  de  racines ,  sont  bonnes ,  sans  doute  ; 
mais  elles  n'expliquent  pas  le  génie  d'une  langue,  le  génie 
d'un  peuple ,  sa  manière  de  créer,  de  fabriquer  des  mots  ; 
d'agiter,  de  modifier,  d'épurer,  de  rectifier  et  de  transfor- 
mer incessamment  son  langage. 

IJne  langue  au  grand  complet  ne  peut  nourrir  aujour- 
d'hui plus  de  vingt  mille  mots  vivants.  Eu  moyenne,  la 
mémoire  d'un  lettré  en  conserve  six  mille  ;  mais  l'homme 
du  peuple  ne  dépasse  pas  le  sixième  de  ce  chiffre,  et 
cependant  nous  avons  le  dictionnaire  de  Trévoux  chargé 
de  trente-huit  mille  mots  inusités  ;  celui  de  Gattel  qui  en 
compte  cinquante  mille  presqu'inconnus;  celui  de  Raymond 
qui  dépasse  aussi  du  même  chiffre  le  dictionnaire  de 
l'Académie  ;  celui  de  Boiste  qui ,  à  ses  vingt-deux  mille 
mots  utiles ,  joint  quatre-vingt-huit  mille  expressions  sans 


BU  SIÈCLE.  463 

usage  ;  celui  de  Landais  qui  a  dépassé  Boiste  de  vingt  mille. 
—  Toutes  ces  collections  sont  informes ,  sans  principe  et 
sans  règle  :  comme  si  le  nombre  des  mots  faisait  la  bonté 
d'tin  dictionnaire  et  enseignait  quelque  chose  sur  la  phy- 
siologie d  une  langue.  Evidemment  tout  mot  qui,  de  prime 
aixMtl,  n'est  pas  compris  par  un  million  de  français,  est 
un  mot  mal  inventé  et  qui  ne  sera  jamais  français. 

C'est  une  idée  assez  singulière  que  de  forger,  en  fran- 
{^s,  des  mots  grecs,  quand  le  français  se  compose  essen- 
teillement  de  celtique ,  de  latin  et  d'un  peu  de  germanique. 
Est-ce  d'abord  que  airifarme  ne  vaudrait  pas  mieux  pour 
le  vulgaire  que  aêri forme ,  et  par  suite  pour  tous  ?  Est-ce 
que  Ton  ne  serait  pas  mieux  compris  en  disant  le  genre 
cheval  qu'en  remplaçant  le  mot  cheval  par  solipéde  ?  Pour- 
quoi dire  plutôt  les  batraciens  que  les  grenouilliens  ?  Pour- 
qac»  le  mot  phrénologie,  science  de  l'esprit,  qui  ne 
rappelle  en  aucune  sorte  les  fonctions  cérébrales.  La  mau- 
vaise interprétation  de  cette  expressiop  n'a-t-elle  pas  con- 
duit à  confondre  la  phrénologie  avec  la  craniofogie  ou 
cranioscopie?...  Pourquoi?  pourquoi?...  Parce  qu'il  y  a  une 
foule  de  niais  {sic)  qui  s'imaginent  avoir  inventé  une 
science  quand  ils  ont  écrit  une  nouvelle  classification  ou 
des  mots  difficiles  à  comprendre.  Quels  mots  grecs  pour- 
raient remplacer  les  mots  ballon  et  chemin  de  fer  ?  Le 
peuple  dira  :  un  air  chaud,  pour  désigner  une  machine  à 
air  chaud ,  et  il  aura  raison  de  rejeter  toute  désignation 
grecque.  —  Le  grec  est  mort,  qu'il  dorme  en  paix  !.... 

Rien  ne  procède  brusquement  dans  l'univers  :  un  Uen 
mystérieux  en  imit  toutes  les  parties  ;  mais  toutes  ont  été 
soumises  à  la  grande  loi  des  transformations.  Ce  qui  se 
passe  pour  les  êtres  qui  frappent  nos  sens,  pour  nos  miné- 
raux, nos  végétaux  et  nos  animaux,  a  lieu' également  pour 
le  monde  invisible  des  idées  et  par  suite  pour  les  mots  qui 
en  sont  l'expression  vivante  et  saisissable.  Les  méthodes 
d'investigation  adoptées  par  les  naturalistes  sont  donc 
applicables  aux  langues  et  aux  mots  qu'elles  renferment. 

Cela  posé ,  passons  outre.  Nous  appelons  racine  tout  mot 
vivant  dans  le  langage,  avec  une  signification  acceptée, 
ne  pouvant  être  décomposé  en  d'autres  racines. 


464  PHILOSOPHIE 

Les  Racines  et  Dériyés  forment  le  fond  de  toutes  les 
langues  ;  leur  fonction  est  de  désigner  les  choses  et  les 
cires  ,  soit  au  repos ,  soit  dans  leurs  divers  modes  d'acti- 
vité. 

Les  RiJDiGAux  ne  sont ,  le  plus  souvent ,  que  des  racines 
altérées ,  tronquées ,  pour  être  mieux  soudées  dans  la  com- 
position des  mots. 

Les  particules  radicales  diffèrent  des  racines  et  des  radi- 
caux :  énoncer  le  fait ,  c'est  le  faire  comprendre. 

Les  mots  naissent  et  se  composent  les  uns  des  autres 
par  une  série  d'incorporations  et  d'abréviations  successives 
dans  lesquelles  les  particules  radicales  jouent  un  grand 
rôle. 

Guidés  par  Charrassin ,  que  nous  ne  faisons  souvent  ici 
que  résumer,  pénétrons  plus  avant. 

Nous  trouvons  d'abord,  au  commencement  des  mots, 
des  particules  séparables,  ou  prépositions,  et  des  insépara- 
bles. Les  séparables  sont  les  quinze  prépositions  :  a,  avanie 
contre,  dans^  de,  en,  entre^  hors^  outre^  par^  pour,  pris , 
sousj  sur,  vers.  Les  inséparables  sont  au  nombre  de  qua- 
torze :  aby  co,  dé,  di,  é,  tn,  ofr,  pré^  pro^  re,  si,  irons,  ha, 
ca;  elles  semblent  n'être  que  d'anciennes  prépositions 
tombées  en  désuétude,  et  jouent  un  rôle  dans  d'autres 
langues.  C'est  ainsi  que  ob  dans  obstacle  et  ex  dans 
extension  ne  sont  que  les  prépositions  latines  ob  et  ex. 

Voulons-nous  pénétrer  plus  avant:  analysons  quelques 
mots ,  soient  abnégation,  eomplet,  déjeûner,  irréparable. 

Abnégation  ,  pour  l'analyse ,  doit  s'écrire  ab-n-ég-alion  : 
AB  signifie  loin  ;  n  est  le  radical  de  non  ;  se  est  le  radical 
d'agir  ;  ation  est  le  mot  action  réduit  d'une  lettre. 

Complet.  Ecrivons  co-m-pl-et  :  co  signifie  avec  ;  m  est 
une  lettre  harmonique  ;  pl  est  le  radical  de  plein  :  et  repré- 
sente le  mot  est. 

Déjeuner.  Ecrivons  dé-jeun-er  :  de  signifie  hors  ;  jbdîï 
exprime  la  qualité  de  celui  qui  jeûne  ;  br  signifie  faire , 
mettre  fmetlre  hors  jeun). 

Irréparable.  Ecrivons  ir-ré-par-able  :  ir  veut  dire 
non  ;  ré  est  la  particule  de  retour  ;  par  est  le  radical  de 
parer;  able  signifie  habile  (non — ^retour — ^parer— habile). 


BU  8IÈGLB.  465 

Il  est  des  particules  significatives  harmoniques  qui  s'in- 
corporent au  milieu  des  mots.  —  Si  le  verbe  agir  ,  qui 
entre  dans  la  composition  d'un  si  grand  nombre  de  mots , 
conservait  toujours  sa  forme ,  rien  ne  serait  plus  facile  que 
de  le  reconnaître  ;  mais  c'est  un  des  vices  de  la  langue 
française  de  l'avoir  déguisée  dans  les  radicaux  suivants, 
qui  expriment  l'action  :  ig,  g,  ign,  aign,  agn,  egn,  eign, 
ogn,  oign,  ugn,  ing,  etc.  ;  act,  ect,  ict,  ic,  ce,  ice,  etc.  ; 
at,  et,  it,  etc. 

Exemples:  Prodigue.  Ecrivons  pro-d-ig-ue  :  pro  signifie 
en  avant  ;  d  est  une  lettre  harmonique  ;  ig  est  le  radical 
d'agir  ;  UB  est  une  addition  harmonique. 

Dans  prodigalité,  nous  trouvons  deux  fois  ce  radical, 
sous  les  formes  ig  et  it  :  la  terminaison  é  indique  une 
essence. 

Eloigkbr,  écrit  é-1-oign-er:  on  y  trouve  de  suite  É, 
hors,  loin;  l,  radical  de  longueur;  oigw,  radical  d'agir; 
SR  pour  être. 

Périodique.  Ecrivons  péri-od-iq-ue  :  péri,  autour  ;  od, 
rad.  grec,  de  odos,  chemin  ;  iq,  radical  d'agir  ;  ub,  lettres 
harmoniques. 

Le  verbe  être  a  eu ,  dans  les  patois  français ,  quatre 
formes  principales  :  être,  estre,  eter,  ester,  qui  sont  entrées 
trè&-avant  dans  les  mots  de  notre  langue.  S  semble  la 
lettre  de  l'existence ,  de  la  respiration ,  et  T  celle  de  la 
stabilité.  Jamais  elles  ne  manquent  au  verbe  estre. 

Toutefois,  le  radical  A'estre  se  transforme  dans  les  mots 
en  estr,  stre,  str,  ster,  tre,  tr,  etr,  et,  est,  st,  t. 

Exemples  :  Séquestrer.  Lisez  se-qu-estr-er  :  se  veut 
dire  à  part  ;  qu  signifie  agir  ;  estr  est  le  radical  de  estre  ; 
BR ,  mouvoir,  faire. 

Tester.  Lisez  te-ster  :  te,  radical  de  toit,  tuteur,  indi- 
que ce  qui  est  stable ,  ce  qui  appuie  ;  ster  est  le  radical 
A'estre. 

Etâhg.  Lisez  ét-ang  :  bt  ,  radical  d'être  ;  ang  signifie 
aiguë,  ague,  eau.  Etang  signifie  donc  être  ang  ou  être 
eau. 

Stable.  Lisez  ét-able:  ce  qui  signifie  être  habile  ou 
apte. 


466  PHILOSOPHIE 

Stâ&nânt.  Lisez  st-ag-ant  :  st  signifie  être  ;  âgn,  ague , 
aiguë  ou  eau  ;  atyt  veut  dire  étant ,  soit  être  eau  étant. 

Intestin.  Lisez  inte-st-in  :  soit  iin's ,  en  dedans  ;  st, 
être  ;  m,  radical  d'agir  (en  dedans  être  agir). 

Remarquons  que  les  particules  esc,  se,  ech  expriment , 
en  général ,  le  mouvement  dans  le  sens  déterminé  de  mon- 
ter, .  descendre ,  de  tendance  vers ,  de  gradation ,  de 
croissance.  Exemples  :  escarpé,  escabeau,  escalade,  inut- 
mescence,  effervescence,  efflorescence. 

Si  peu  nombreuses  qu'aient  été  les  analyses  de  mots 
que  nous  venons  de  donner,  elles  ont  fait  pressentir  que 
beaucoup  de  lettres  sont  introduites  dans  les  mots  ou 
supprimées  pour  l'agrément  du  langage  ;  nous  devcms 
insister  sur  ce  fait  et  le  signaler  par  quelques  exemples 
saillants. 

C'est  ce  qui  a  lieu  quand  de  cabri  on  fait  chèvre  ;  de 
familiariser,  familier  -,  de  chalumeau ,  chaume  ;  de  chaleur, 
chauffer  ;  de  peser,  poids  ;  d'espérance ,  espoir  ;  de  pelure, 
peau;  de  demi,  moyen  ;  de  pher,  ployer  ;  de  ovale,  œuf; 
de  total ,  tout  ;  de  vocal ,  voix  ;  de  utricule ,  outre  ;  de 
croûte,  crustacé;  de  vieux,  vieillir;  de  crête,  croître  et 
crue;  de  lieu,  louer  et  location;  de  sel,  saler,  sauce  et 
soude;  de  jeu,  jovial,  jouer  et  joie. 

Ces  exemples  nous  conduisent  à  rappeler  ce  que  nous 
avons  dit  au  début,  à  l'occasion  des  consonnes,  et  à  montrer 
que  leurs  permutations  sont  très-larges  dans  l'usage  ;  ainsi  : 

BFGIJHNPQURV  permutent  ou  ont  permuté 
dans  la  formation  de  la  langue  française  :  d'obfice ,  on  a 
fait  office  ;  de  livre,  libelle  ;  de  claveau,  clef  ;  de  navire , 
nef  ;  de  neuf,  nouveau.  —  Il  y  a  aussi  des  changements  de 
ant,  ance,  ent  en  am  et  em  ;  de  er  en  re  ;  de  c  ou  ch  en  k, 
en  equ,  en  qu,  en  ss,  en  s,  en  g,  en  x. 

Les  mots  sont  en  vérité  comme  les  fleurs  qui  ont  leurs 
pétales,  leur  corolle,  leurs  étamines,  leur  pistil,  leur 
ovaire ,  parties  diverses  très-persistantes  pour  le  vulgaire , 
très-variables  et  transformables  pour  le  naturaliste.  Les 
mots  se  décomposent  en  portions  susceptibles  de  modifica- 
tions nombreuses ,  de  caractères  généraux ,  d'usages  con- 
sacrés. 


DU   SIÈGLB.  467 

Les  terminaisons  ance,  ant,  ante,  ence,  ent,  ente,  esse, 
e,  et,  ette,  te,  te,  ude,  ue,  ise,  it,  us,  ot,  ote,  i,  at,  oi, 
expriment  la  substance,  l'être,  la  réalité,  l'état  actuel, 
la  situation  delà  chose  désignée  parla  racine. 

Exemples  :  Abond-ance,  naiss-ance,  viol-ence,  ongue-enl, 
tourm-ente,  allegr-esse,  fin-esse,  qualit-é ,  antiquit-é , 
poign-^t ,  brun-ette ,  israéli-te  ,  visi-te  ,  décrépit-ude , 
fénéant-ise,  prim-al,  secrétari-at,  manch-ot,  charr-oi. 

Les  terminaisons  oir,  aire,  er,  ère,  on,  au,  ive,  ette, 
ande,  ende,  ard,  expriment  l'usage,  l'utilité,  le  but,  la 
coopération. 

Exemples  :  Abreuv-oir,  observat-oire ,  doigt-ier,  barr- 
ière, tamp-on,  chape-au,  invect-ive,  aigre-ette,  jur-ande, 
can-ard. 

Les  terminaisons  ir,  er,  ère,  ier,  iere,  aie,  ail,  aille,  ée, 
isme,  as,  is,  ade,  expriment  les  idées  de  collection,  d'en- 
semble, de  réunion,  d'amas. 

Exemples  :  Artiller-ie ,  confrér-ie  ,  vivi-er ,  sucri-er, 
fresn-aie,  dur-ée,  pagan-isme,  hach-is,  brig-ade. 

Les  terminaisons  ment,  ion,  on,  âge,  expriment  le  tra- 
vail, l'occupation  habituelle,  la  pratique,  l'exercice  des 
arts,  sciences,  professions. 

Exemples  :  Amuse-ment,  attent-ion,  descript-ion,  aun- 
age,  piU-age. 

La  terminaison  ure  exprime  le  produit ,  le  reste ,  le  ré- 
sidu, la  conséquence,  TefTet. 

Exemples  :  Teint-ure,  mont-ure,  brûl-ure,  sci-ure. 

Les  terminaisons  ette,  et,  elle,  ule,  ille,  oie,  ine,  in,  au, 
CD,  ot,  ote,  correspondent  à  l'idée  d'abrégé,  de  diminu- 
lîon ,  de  petitesse ,  de  réduction ,  de  miniature. 

Exemples  :  Bagu-ette,  poutr-elle,  fibr-ille,  glori-ole, 
diablot-in,  roiss-eau,  caban-on,  marm-ot. 

Les  noms  en  ique,  al,  aire,  ine,  ice,  isse,  ace,  asse,  ache, 
uche,  oche,  iche,  éche,  ouille,  esque,  rappellent  les  idées 
d'imitation,  de  rapport,  de  corrélation,  de  dépendance, 
d'attenance. 

Exemples:  Mus-ique,  hôpit-al,  dictionn-aire ,  doctr-ine, 
arar-ice,  grim-ace,  coquel-uche ,  crev-asse,  m-iche,  maill- 
oche, fl-éche,  dép-ouille,  arab-esqne. 


468  PHILOSOPHIB 

Les  terminaisons  en  eur,  er,  ier,  ère,  in,  ain,  an,  corres- 
pondent aux  idées  d'auteur,  d'acteur,  d'agent  :  on  dit  cod- 
fess-eur,  cuisin-ier,  moul-in,  artis-an. 

Le  dévouement ,  la  participation ,  la  conservation  appar- 
tiennent, comme  expression,  aux  mots  en  ien  et  en  ist. 

Exemples  :  Chrét-ien,  citoy-en,  archiv-iste. 

Les'  terminaisons  ac,  ic,  oc,  oque,  ombe,  sont  imitatives 
des  sons. 

Exemples  :  Gh-oc,  tict-ac,  fr-oc,  tr-ombe. 

Mots  adjectifs. 

L'existence,  l'essence,  l'état,  la  perfection,  la  plénitude, 
sont  représentés  par  les  finales  é,  i,  it,  id,  u,  us,  ide,  an, 
ane,  and,  ant,  ent,  it,  ot,  at,  ère,  fère,  ard,  il,  ile,  in,  ain, 
oin,  aud,  aut. 

Exemples  :  Rus-é,  gratu-it,  march-and,  ois-if,  scélér-at, 
lacti-fère,  campagn-ard,  fert-ile,  river-ain,  moric-aud. 

Les  désinences  ique,  ic,  aque,  el,  al,  este,  ste,  aire, 
désignent  la  qualité,  la  condition,  la  dépendance,  l'ori- 
gine ,  la  corrélation ,  tout  ce  qui  s'y  rapporte  :  class-ique, 
publ-ic,  élégi-aque,  sensu-el,  brut-al,  cél-este,  va-ste, 
ju-ste,  tr-iste,  arbitr-aire. 

Aie,  âge,  asse,  ache,  esque,  atre,  être,  itre,  stre,  estre, 
on,  ond,  attribuent  la  qualité,  la  tendance,  l'habitude: 
effic-ace,  burl-esque,  jaun-atre,  arb-itre,  terr-estre,  mo- 
rib-ond. 

Ien,  an,  ois,  ais,  rappellent  l'attachement ,  l'incorpora- 
tion ,  la  profondeur. 

Exemples  :  Aér-ien,  partis-an,  bourge-ois,  polon-ais. 

La  terminaison  eux  exprime  la  possession,  le  plein,  le 
support  :  lumin-eux,  poudreux. 

La  terminaison  et ,  la  réduction  :  grand-et,  foll-et. 

Able,  ible,  oble,  uble,  er,  ier,  eur,  caractérisent  des 
aptitudes  :  abord-able ,  poss-ible  ,  vign-oble ,  finass-ier, 
moqu-eur. 

Oire  et  if,  la  destination,  la  coopération,  l'utile  :  circu- 
lat-oire,  vomiti-if. 


DIT  SIÈCLE.  «      469 

Les  terminaisons  ime,  ême,  ème,  attribuent  la  place , 
la  grandeur,  Texcellence  :  subl-irne,  supr-ême,  dixi-ème. 

Des  adjectifs ,  passons  aux  adverbes.  Nous  remarquons 
que  le  génie  des  langues  modernes  tend  à  faire  passer,  aux 
propositions ,  les  fonctions  que  le  génie  des  langues  à  dé- 
clinaisons, le  latin,  le  grec,  le  sanscrit,  attribuait  aux 
terminaisons.  Le  français  n'a  que  la  terminaison  ment  qui 
se  réduit  dans  ses  usages  pour  exprimer  la  consommation 
de  l'action  des  verbes. 

Arrivés  aux  verbes ,  nous  remarquons  que  les  finales  er, 
re,  ir,  oir,  signifient  aller,  exister,  faire,  agir,  pousser. 
C'est  ainsi  que  les  mots  suivants  deviennent  des  verbes  : 

Récit  et  er  font  réciter  ; 

Fond  et  re  font  fondre  ; 

Fin  et  ir  donnent  finir  ; 

Houvent  et  oir  font  mouvoir. 

Dans  ce  qui  précède  ne  figurent  point  des  mots  qui 
n'ont  rien  de  français  et  que  les  savants  ont  fabriqué. 

Exemples  :  Les  terminaisons  suivantes  désignent  : 

Arche,  arque,  le  pouvoir  ; 

Logue ,  la  dissertation  ; 

Graphe ,  la  description  ; 

Crate,  la  force,  1  activité  ; 

Nome ,  la  règle ,  l'ordonnance. 

Nous  arrêterons-nous  ici  avec  Charrassin?  Irons-nous 
plus  loin  et  n'essaierons-nous  pas  de  conclure  ? 
i^Ne  résulle-t-il  pas  évidemment  de  ce  qui  précède,  que 
les  mots  se  produisent,  comme  tout  ce  qui  existe  dans  la 
nature,  par  transformations.  —  La  grande  différence  entre 
la  langue  française  et  la  langue  latine,  Tune  de  ses  com- 
posantes, ne  consiste-t-elle  pas  dans  la  suppression  des 
terminaisons  mobiles  ou  déclinaisons ,  qui  chargent  inuti- 
lement la  mémoire.  —  Apprendre  le  mot  muse  c'est  facile  : 
apprendre  musa,  musam,  musœ,  musarum,  musis,  musas 
est  ime  œuvre  plus  complexe.  Répétée  sur  cinq  mille  noms, 
malgré  les  similitudes  des  termmaisons,  cette  façon  de 
décliner  constituerait  cependant  quelque  chose  comme 
trente  mille  difficultés  de  second  ordre.  Les  pédants  ont 
l'habitude  de  s'extasier  devant  ce  fait!..., 

20* 


470       ^  PHiLOSOPHIB 

Les  vices  de  la  langue  française  dans  cette  partie ,  la 
plus  importante  que  nous  venons  d'étudier,  sont  que  les 
terminaisons  ne  se  présentent  pas  assez  définies  dans  leur 
emploi,  assez  constantes  dans  leur  usage,  assez  régulières 
dans  leur  forme,  qui  devrait  toujours  rappeler  l'être  actif, 
neutre  ou  passif,  et  par  suite  les  verbes  être  et  agir, 
puisqu'ils  se  mêlent  à  tant  de  noms,  ou,  pour  bien  dire , 
à  tous  les  noms  adjectifs  et  à  une  infinité  d'autres. 

La  création  d'une  langue  savante  destinée  à  descendre 
des  sommités  de  la  société  à  tous  les  individus  qui  la 
compose,  n'est  pas  chose  impossible.  —  Cette  langue 
serait  d'autant  plus  savante  et  parfaite  qu'elle  exprimerait, 
avec  un  plus  petit  nombre  de  mots  et  de  désinences,  toutes 
les  pensées. 

Cette  langue  ne  serait  pas  déclinée,  parce  que  les 
déclinaisons  multiplient  les  formes  et  difficultés ,  surchar- 
gent péniblement  la  mémoire  et  sont  avantageusement 
remplacés  dans  les  langues  modernes. 

Ses  conjugaisons  seraient  aussi  simples  que  possible,  et 
ses  mots  formés  par  contractions  euphoniques,  avec  des 
terminaisons  régularisées  par  une  loi,  de  manière  à  pré- 
senter des  séries  et  des  groupes  bien  plus  parfaits  que 
ceux  qui  viennent  de  passer  sous  nos  yeux. 

Toutefois  les  séries  et  les  groupes  qui  viennent  de 
passer  sous  nos  yeux  sont  l'œuvre  de  l'usage,  de  l'habi- 
tude, mais  une  œuvre  inhabile,  instinctive,  inconsciente. 
Ceux  qui  ont  fabriqué  notre  langue  n'en  avaient  pas 
observé,  raisonné,  calculé  les  formes.  La  commodité  a  fait 
beaucoup  ;  les  habitudes  acquises  ont  aussi  exercé  leurs 
influences. 

Dans  une  réforme  de  la  langue  française  et  des  langues 
européennes ,  il  faudrait  agir  tout  différemment. 

La  culture  a  transformé  l'œgilops  en  froment  sans  que 
nos  pères  s'en  soient  aperçus  :  nous  connaissons  ce  fait  et 
nous  savons  l'utiliser,  et  nous  savons  bien  plus ,  car  nous 
connaissons  de  quelle  loi  il  est  le  résultat. 

Arrivés  de  la  même  manière  à  comprendre  comment  les 
langues  se  sont  transformées,  pourquoi  ne  pas  tenter  une 
t  ransformation  nouvelle  ? 


BU  SIÈCLE.  ^      47i 

Le  monde  possàde  runité  des  nombres  et  de  système 
numérique  ;  il  a  essayé ,  en  France  ^  l'unité  des  poids  et 
mesures;  il  tente  Tunité  des  voies,  des  transports  méca- 
niques. —  Il  commence  Tunité  télégraphique,  pourquoi 
ne  tenterait-il  pas  Tunité  qui  les  faciliterait  toutes  :  la 
création  d'une  langue  physiologiquement  organisée  et 
destinée  à  créer  la  parole  de  Thumanité,  à  devenir  le 
TERBB  véritable  ? 

Ne  serait-il  pas  aussi  utile ,  aussi  savant  et  aussi  philo- 
sophique d'enseigner,  dans  les  collèges ,  la  langue  univer- 
selle, la  vraie  langue  de  l'avenir,  que  d'enseigner  les 
langues  du  passé  ? 

Cette  création  n'est  pas  aussi  difficile  qu'on  le  suppose- 
rait au  premier  abord.  Voici  quelques-unes  des  règles  à 
suivre  : 

Soit  une  commission  renfermant  dans  son  sein  des  lettrés 
de  tous  les  pays  ;  elle  commencerait  par  faire  une  collection 
de  raemes.  —  Après  en  avoir  adopté  une  pour  chaque  mot 
radical,  elle  établirait  les  règles  suivantes  : 

i**  Chaque  voyelle ,  chaque  diphtongue ,  chaque  con- 
sonne n'auraient  qu'une  prononciation  unique  et  inva- 
riable. 

3®  Chaque  dérivé  se  formerait  du  radical  ou  de  ses  radi- 
caux, selon  des  règles  fixes.  La  transformation  du  singulier 
en  pluriel  serait  aussi  simple  qu'elle  l'est  en  celtique.  — 
Nos  pères  (bretons  de  Vannes)  se  contentaient  d'ajouter  eu 
au  singulier  pour  avoir  le  pluriel  :  ainsi ,  disaient-ils,  aval 
(pomme),  avaleu;  corol  (danse),  coroleu;  hoari  (jeu), 
hoarieu;  gouren  (lutte),  goureneu.  Nous  pourrions  faire 
comme  eux  ;  toutefois ,  nos  pères  avaient  des  exceptions 
que  leurs  fils  ne  doivent  pas  imiter. 

5"^  Chaque  dérivé  emprunterait  aux  verbes  être  et  agir, 
ou  à  leurs  représentants,  des  portions  destinées  à  les  faire 
paraître  d'une  façon  régulière. 

4"*  De  même  que  la  terminaison  ure  a ,  dans  la  langue 
française,  une  d^inence  significative  et  spéciale,  de  même, 
dans  cette  langue  universelle,  chaque  désinence  serait 
aussi  spéciale  et  significative.  —  Les  mots  de  cette  langue 
correspondraient,  en  quelque   sorte,   à  la  nomenclature 


472  PHiLOSOPniB 

nhimiquc  dont  nous  faisons  usage  avec  tant  de    succès 
depuis  soixante-dix  ans. 

6°  Il  n'y  aurait  qu'un  radical  pour  les  mots  qui  doivent 
en  dériver;  les  anomalies  telles  que  les  mots  porte-vue, 
longue-vue,  placés  à  côté  de  télescope  et  microscope, 
seraient  impitoyablement  réformées.  Pourquoi ,  en  effet , 
le  mot  télescope?  si  longue-vue  était  insuffisant,  le  génie  de 
la  langue  française  voulait  que  Ton  dit  très-longue-vue  ou 
ciel-vue ,  au  lieu  d'inventer  une  expression  en  dehors  de 
ses  habitudes. 

6°  Les  radicaux  seraient  choisis  aussi  caractéristiques  et 
aussi  brefs  que  possible ,  et  les  désinences  seraient  adaptées 
aJx  radicaux  avec  la  plus  extrême  brièveté. 

7"  Les  mêmes  règles  générales  suivies  pour  les  noms , 
s'appliqueraient  aux  mots  adjectifs. 

8""  Cette  langue  n'aurait  pas  de  déclinaisons  ;  elle  conju- 
guerait avec  régularité  et  de  la  façon  la  plus  simple,  c'est- 
à-dire  la  meilleure.  Elle  imiterait ,  sans  les  copier  servile- 
ment ,  les  Celtes,  qui  n'avaient  qu'une  particule  invariable 
pour  exprimer  chaque  temps  du  verbe  être;  mais  sans 
entrer  comme  eux  dans  de  nombreuses  exceptions.  De  la , 
pour  chaque  verbe  actif,  pour  le  verbe  aimer,  par  exemple, 
sept  terminaisons  au  lieu  de  trente-cinq  que  présente  la 
langue  française. 

Dans  l'état  actuel  des  choses  en  ce  monde ,  si  pareille 
langue  se  formait,  elle  aurait  probablement  pour  bases 
principales  le  grec  et  le  celtique.  L'hébreu,  l'arabe,  le 
slave,  le  germanique,  le  chinois  n'y  paraîtraient  que  secon- 
dairement. 

Supposez  un  instant  que  cette  langue  existe  et  que  la 
désinence  ite  désigne ,  en  médecine ,  toutes  les  maladies  : 
immédiatement ,  tous  les  savants  du  monde  qui  ont  étudié 
le  grec  comprendraient  à  la  première  vue  les  mots  : 
ophtalmite ,  blépharitc ,  anchicoblépharite ,  amphysenite , 
ecchymorite,  hidatidite,  ectropite,  éphiphorite,  œgilopite, 
staphylomite ,  myosile,  mydriasite,  sinechite,  lesquels  se 
rapportent  aux  maladies  de  l'œil.  Toutefois ,  nous  devons 
admettre  que  plusieurs  de  ces  expressions  seraient  singu- 
lièrement réduites,  que  même  plusieurs  radicaux,  tel  que 


DU   SIÈCLE.  473 

le  radical  ophtalm  qui  signifie  œil,  seraient  modifiés  à 
cause  de  leur  longueur,  pour  être  rapprochés  de.  radicaux 
analogues  appartenant  à  d'autres  langues. 

La  table  des  matières  d'un  livre  aujourd'hui  élémentaire 
et  très-bon,   tel  que  l'ouvrage  d'Edowards,  sur  l'histoire 
naturelle ,  n'accolerait  plus  les  mots  suivants  :  mammifères, 
oiseaux,  reptiles,  batraciens,  poissons,  annelés,  articulés, 
insectes,  myriapodes,  arachnides,  crustacés,  cyrrhipèdes, 
vers,  annelides,  qui  appartiennent ,  pour  les  principes  de 
leur  formation,  à  des  ordres  très-différents,  qui  sont  si  dis- 
parates, quoique  destinés  à  remplir  des  fonctions  identiques. 
Mammifère,  qui  porte  des  mamelles,  se  compose  de 
deux  mots  latins  adaptés  au  français.  Oiseau ,  mot  essen- 
tiellement français,  se  décompose  ainsi  :  oi-s-eau.  Reptile 
est  le  radical  du  mot  latin  reptare,  remper,  francisé  par  la 
désinance  ile.  Batracien    est  le  mot  grec  batraquê,  gre- 
nouille ,  francisé  par  la  désinence  ien.  Poisson  est  le  mot 
latin  piscis  francisé  ;  les  paysans  de  l'Est  disent  paincbon , 
les  Flamands  peschon  et  pischon.  Arachnide  n'est  que  le 
mol  grec  d'araignée  ;  pourquoi  a-t-il  une  terminaison  en 
ide,  le  mot  batracien  une  terminaison  en  ien  et  le  mot 
myriapodes  une  terminaison  en  odes  ?  Est-ce  que  tous  les 
trois  ne  désignent  pas  de  grands  embranchements  dans  la 
série  des  animaux  ?  La  critique  de  ces  quelques  noms  de 
genres,  si  nous  voulions  la  faire  complète,  nous  conduirait 
trop  loin.  Les  esprits  droits  verront  de  suite  l'importance 
et  l'utilité  des  réformes  nécessaires.  Mais  pourquoi  ces  ré- 
formes dans  toutes  les  langues  ?  pourquoi  pas  dans  une 
seule  qui  serait  la  langue  savante  et  deviendrait  la  langue 
universelle  ? 

Encore  imparfaite,  la  nomenclature  chimique  actuelle 
désigne ,  avec  environ  soixante-dix  mots  et  quelques  parti- 
cules a^jonctives,  plusieurs  milliers  de  combinaisons  exis- 
tantes ou  possibles. 

Que  devrait  être  une  langue  universelle ,  sinon  la  no- 
menclature de  l'univers  mise  à  la  portée  de  tous,  parce 
Ju'elle  se  composerait  d'un  très-petit  nombre  de  radicaux 
ont  tous  les  noms  seraient  très-habilement  inventés  ou 
dérivés  ? 


474  PHILOSOPHIE 

Pourquoi  la  France  ne  prendrait-elle  pas  Tinitiative  dans 
la  création  d'une  langue  unitaire  ? 

L'encyclopédie  de  Diderot,  œuvre  éminemment  fran- 
çaise ,  a  exprimé  le  besoin  et  la  possibilité  d'une  langue 
universelle. 

Cbarrassin ,  en  faisant  l'anatomie  physiologique  de  notre 
langue  dans  son  bel  ouvrage  le  Dictionnaire  des  rcunnes  et 
des  dérivés^  a  montré  comment  les  racines  et  les  mots  se 
transforment  dans  le  français,  tout  comme  Raspail,  qua- 
torze années  plus  tôt ,  signalait  les  transformations  du  bour- 
geon en  feuilles  et  en  fleurs. 

Nous  venons  d'analyser  et  de  généraliser,  on  pourrait 
dire  d'algébriser  l'œuvre  de  Cbarrassin  :  lecteur,  si  vous 
pensez  comme  nous,  prêchez,  propagez  notre  croyance, 
et  vous  rendrez  un  éminent  service  à  l'humanité. 


NUTRITION,  DÉVELOPPEMENT.  CONSERVATION 
DE  L'HOMME. 


Examinés  au  point  de  vue  de  la  nutrition,  tous  les 
animaux  et  les  végétaux  sont  des  appareils  de  fixation  et 
de  combustion  :  c'est  une  règle  générale ,  absolue ,  à  la- 
quelle tous  les  êtres  organisés  sont  soumis.  Chez  nous, 
comme  nous  l'avons  signalé  déjà,  le  phénomène  de  la 
combustion  domine  le  fait  de  la  fixation ,  tandis  que  le 
contraire  doit  avoir  lieu  chez  les  végétaux,  puisqu'ils  sont 
l'élément  opposé  de  cette  grande  pile  galvanique  qui  pré- 
side à  la  circulation  des  agents  naturels,  aux  combinaisons 
et  décompositions  incessantes  qui  s'eifectuent  sans  cesse 
sous  nos  yeux. 

Lorsque  nous  prenons,  pour  notre  nourriture,  du  pain, 
de  la  viande,  du  beurre,  du  lait,  ou  d'autres  substances 
alimentaires,  nous  les  introduisons  dans  la  bouche.  Coupée, 
taillée  et  hachée  par  les  dents ,  remuée  et  pétrie  par  la 


BU   SIÈCLE.  475 

langue  qui  la  pousse ,  soit  contre  le  palais ,  soit  contre  les 

dents,  ramollie  par  la  salive,  la  matière  destinée  à  la 

nutrition  ne  franchit  l'isthme  du  gosier  qu'après  avoir  été 

examinée  en  quelque  sorte  par  un  organe  appelé  la  luette , 

qui  la  repousse  s'il  y  a  lieu.  Une  fois  cet  isthme  franchi, 

le  bol ,  ou  matière  alimentaire ,  lubréfié  par  les  amigdales 

pour  glisser  plus  aisément,  est  serré  par  une  ouverture 

xBusculeuse  appelée  pharinx,  qui  le  pousse  dans  l'estomac 

au  moyen  d'un  canal  musculeux  que  l'on  nomme  l'éso* 

phage,  à  peu  près  comme  nous  poussons,  au  moyen  d'un 

entonnoir,  dans  un  intestin  de  cochon ,  la  viande  hachée 

qui  doit  servir  à  faire  saucisse  ou  boudin. 

Une  fois  le  bol  alimentaire  dans  l'estomac ,  il  est  soumis 
à  trois  actions:  l'une,  celle  d'une  chaleur  à  58  degrés 
centigrade,  vaille  plus,  vaille  moins,  selon  les  individus 
et  l'état  de  bonne  ou  mauvaise  santé  ;  la  seconde ,  toute 
musculaire ,  qui  lui  fait  subir  le  même  mouvement  qu'elle 
éprouverait  si  elle  était  soumise,  dans  un  mortier,  à  l'action 
d  un  pilon  ;  la  troisième  est  chimique  et  produite  par  un 
liquide  spécial ,  appelé  liquide  stomacal  ou  suc  gastrique  , 
qui  se  compose  chez  nous  de  la  manière  suivante  : 

Eau.  991 

(  Phosphate  de  chaux. 

Sels <   Chlorydrate  d'ammoniaque. 

(  Chlorure  de  sodium. 
Matières   |  Mucus. 
ORGANIQUES.)  Matières inconuues. 


1000 


Ce  liquide,  dont  les  propriétés  ont  été  mises  en  évi- 
dence par  Spallanzani ,  suffit  seul,  avec  une  température 
convenable  et  le  mouvement  d'un  pilon,  pour  transformer 
en  chyme,  dans  un  mortier,  les  substances  dont  l'homme 
fait  sa  nourriture  habituelle. 

Lorsque  la  matière  alimentaire  est  suffisamment  ramo- 
lie  et  homogène ,  elle  passe  dans  le  duodénum  où  le  chyme 
devient  chyle  sous  l'action  du  suc  pancréatique  et  de  la 
bile*  Le  chyle  est  alors  un  liquide  blanc,  une  émulsion 


476  PHILOSOPHIE 

véritable,  mêlée  aux  substances  étrangères  qui  seront 
plus  tard  excrétées  par  Tanus  sous  formes  de  matières 
fécales. 

Du  duodénum,  le  chyle  passe,  mélangé  aux  autres 
substances,  dans  le  jéjunum,  et  plus  tard  dans  l'iléon,  deux 
intestins  très-longs  et  assez  étroits,  à  la  surface  desquels , 
surtout  dans  le  jéjunum  et  le  commencement  de  Tiléon  , 
on  aperçoit  une  foule  de  petits  tuyaux  capillaires  et  par 
conséquent  suceurs,  qui  pompent  le  chyle.  On  peut  dire 
que ,  dans  cette  occasion ,  la  matière  alimentaire  est  jetée 
sur  un  passe-bouillon.  L'intestin  c'est  le  passe-bouillon  où 
restent  les  substances  solides  destinées  à  suivre  leur  route  ; 
les  trous  du  passe-bouillon  ce  sont  les  ouvertures  des 
vaisseaux  chylifères ,  et  plus  tard  les  ouvertures  des  veines 
absorbantes  des  intestins,  qui  achèvent  d'enlever  aux  ma- 
tières sorties  de  l'estomac  tout  ce  qu'elles  contiennent  de 
nutritif.  —  Les  vaisseaux  chilifères  conduisent  le  chyle  au 
canal  thoracique,  et  ce  canal  verse  dans  la  veine  sous- 
clavière  gauche ,  le  chyle  mêlé  aux  liquides  limphatiques 
recueillis  dans  l'économie. 

La  veine  sous-clavière  conduit  à  la  veine  cave  le  sang  et 
les  liquides  blancs  qu'elle  a  reçus  ;  cette  veine  les  transmet 
à  l'oreille  droite  du  cœur,  où  se  retrouvent  tous  les  pro- 
duits absorbés  à  la  surface  des  intestins. 

Le  cœur  se  compose  de  deux  pompes  aspirantes  et 
foulantes,  qui  lancent  le  sang  à  toutes  les  parties  du  corps 
et  qui  le  reprennent  dans  toutes  ses  parties ,  quand  il  a 
servi  aux  usages  de  la  vie.  Les  deux  oreillettes  sont  les 
organes  qui ,  au  moyen  des  veines ,  aspirent  le  sang  dans 
toutes  les  parties  ;  les  deux  ventricules  servent  à  le  fouler 
pour  l'envoyer  à  toute  l'économie  ;  leur  mécanisme  est 
très-simple  : 

Le  sang  des  veines  arrive  à  l'oreillette  droite.  Cette 
oreillette  le  reçoit ,  se  contracte  et  le  fait  entrer  dans  le 
ventricule  droit.  Au  moment  où  elle  se  desserre,  se  décon- 
tracte, un  vide  se  produit;  ce  vide  fait  une  aspiration, 
et  aussitôt  le  sang  des  veines  y  rentre ,  une  soupape  qui 
s'ouvre  de  dedans  en  dehors  s'opposant  à  ce  que  le  sang 
revienne  du  ventricule  dans  l'oreillette.  Le  ventricule  se 


BU  SIÈCLE.  477 

contracte  à  son  tour  et  il  chasse  le  sang  dans  Tartère  pul- 
monaire ;  ici  encore  un  jeu  de  soupape  ouvrant  de  dedans 
en  dehors,  empêche  le  sang  chassé  de  rentrer  dans  le 
ventricule. 

Arrivé  au  poumon ,  le  sang  subit  l'action  de  Toxigène  : 
de  noir  qu'il  était,  il  devient  rouge  ;  de  veineux  il  devient 
artériel.  —  Il  est  repris  alors  dans  le  poumon  par  les 
veines  pulmonaires ,  les  seules  du  corps  qui  conduisent  du 
sang  artériel ,  et  amené  à  Toreillette  gauche.  Celle-ci 
s'ouvre ,  fait  une  aspiration ,  reçoit  de  nouveau  sang ,  se 
contracte  et  le  chasse  dans  le  ventricule:  une  soupape 
empêche  son  retour  dans  l'oreillette.  A  son  tour  le  ven- 
tricule se  contracte  et  chasse  le  sang  rouge  qu'il  a  reçu 
dans  l'artère  aorte.  Quand  la  contraction  cesse  ,  un  jeu  de 
soupape  empêche  le  sang  de  revenir  dans  le  ventricule , 
et  le  vide  qui  s'y  produit  aspire  le  sang  de  l'oreillette 
gauche ,  tout  comme  le  vide  du  ventricule  droit  aspire  le 
sang  de  l'oreillette  droite.  —  De  l'aorte  le  sang  va  par  les 
artères  à  toutes  les  parties  de  l'économie.  —  Remarquons 
que  l'aspiration  qui  se  fait  dans  les  veines  au  moyen  des 
oreillettes,  étant  produite  par  le  vide ,  est  justement 
égale  à  la  pression  que  l'atmosphère  exerce  sur  une  sur- 
face du  corps  de  même  étendue.  Remarquons  encore  que 
c'est  au  moyen  de  vaisseaux  plus  forts  que  les  veines , 
c'est-à-dire  au  moyen  d'artères,  que  le  sang  rouge  est 
distribué  à  nos  organes ,  et  n'oublions  pas  que  les  veines 
ascendantes  sont  pourvues  de  clapets  qui  réduisent  la  pres- 
sion qu'elles  devraient  supporter.  C'est  ainsi  que  la  machine 
humaine  est ,  pour  les  mécaniciens ,  un  modèle  digne  de 
leurs  plus  sérieuses  études. 

Arnvé  au  poumon,  le  sang  abandonne  de  la  vapeur 
d'eau  et  de  l'acide  carbonique  pour  changer  de  coloration. 
Mais,  si  l'on  en  croit  Collart  de  Martigny,  il  reviendrait 
au  cœur  moins  chaud  d'un  demi-degré  centigrade.  Dumas 
évalue  l'hydrogène  et  le  carbone  brûlés  dans  l'économie  à 
une  quantité  équivalente,  chez  les  adultes,  à  trois  cents 
grammes  de  carbone ,  c'est-à-dire  à  la  quantité  de  char- 
bon nécessaire  pour  élever,  par  heure,  de  un  degré  du 
thermomètre  quatre-vingt-quatre  litres  d'eau ,  mais  notre 


478  PHILOSOPHIB 

économie  perd  naturellement  toute  la  partie  de  cette  cha- 
leur employée  à  produire  la  vapeur  d'eau  qui  sort  des 
poumons  par  la  respiration. 

Longtemps  nos  pères  n'ont  rien  compris  au  phénomène 
de  la  calorification.  La  source  de  la  chaleur  animale  n'est 
pas  dans  le  cœur,  comme  le  supposaient  Hyppocrate  et 
Galien.  Elle  n'est  pas  dans  le  frottement  du  sang  contre 
les  parois  des  vaisseaux  qu'il  parcourt  :  opinion  qui  n'en  est 
pas  meilleure  pour  avoir  été  soutenue  au  XVII*  et  au  XVIII* 
siècles.  Elle  n'est  pas  non  plus  dans  la  respiration  :  CoUart 
de  Mariigny,  Brodie  et  Chossat  ont  prouvé  le  contraire  , 
le  premier,  en  examinant  le  sang  des  deux  oreillettes  ; 
les  deux  autres ,  en  étabUssant  que  les  animaux  décapités 
se  raidissent  plus  vite  que  les  asphyxiés,  et  plus  vite  encore 
sous  l'influence  d'une  respiration  artificielle.  Chaussier 
admettait  une  force  spéciale ,  la  caloricité  ;  mais  c'était  se 
payer  d'un  mot.  Pour  nous,  avant  d'expliquer  la  calorifi- 
cation ,  nous  croyons  utile  de  faire  connaître  quelques-uns 
de  ses  modes. 

De  0  à  10  degrés  centigrades,  les  grenouilles  vivent 
dans  l'eau  ;  au-dessus  de  10 ,  il  leur  faut  une  respiration 
aérienne ,  ce  qui  rend  leur  pêche  bien  plus  facile  en  été. 
—  L'asphyxie  par  l'acide  carbonique  demande  du  froid 
au  corps  ;  l'homme  alors  ne  peut  supporter  qu'une  faible 
respiration.  —  Les  animaux  hybemants  n'ont ,  en  hiver, 
quune  faible  respiration,  très-réduite  et  très-lente;  au 
printemps  et  en  été,  leur  fonction  pulmonaire  est  au  con- 
traire très-active.  —  Les  jeunes  mammifères  supportent 
aisément  un  abaissement  de  10  à  12  degrés  de  tempéra- 
ture sans  mourir;  mais  cet  abaissement  se  produit  avec 
une  extrême  faciUté  :  de  là  l'une  des  grandes  causes  de 
mortalité  chez  les  enfants  trouvés.  —  Lorsque  la  tempé- 
rature s'abaisse  malgré  l'accélération  de  la  respiration, 
cette  accélération  ralentit  le  refroidissement.  —  Les  ani- 
maux consomment  d'autant  plus  d'oxigène  qu'ils  produi- 
sent plus  de  chaleur  :  aussi  de  jeunes  moineaux  vivent- ils 
plus  longtemps  que  de  vieux ,  dans  l'air  qui  n'a  pas  été 
renouvelé.  —  D'après  Crawfort,  on  consommerait  plus 
d'air  en  respirant  un  air  froid  qu'un  air  chaud.  —  Dans  un 


1)0  SIÈCLE.  479 

appartement  à  1^  5,  on  réveille  une  chauye-souris  :  sa 
température  est  de  4  degrés  ;  une  heure  et  demie  plus 
tard ,  elle  s'est  élevée  à  IS  ;  une  demi-heure  plus  tard 
encore  à  27  ;  puis  elle  reste  stationnaire.  La  même  expé- 
rience ,  faite  sur  un  hérisson  dans  un  lieu  à  5  degrés  au- 
dessus  de  0 ,  donne  d'abord  12*^  5  pour  sa  température  ; 
une  heure  plus  tard,  elle  est  de  50;  une  heure  plus  tard, 
elle  cesse  de  s'élever.  Chez  les  mammifères  et  chez  l'homme, 
les  individus  les  plus  lymphatiques  ont  une  chaleur  ani- 
male inférieure  aux  autres  d'au  moins  un  demi-degré. 
Chez  nous,  la  chaleur  du  tissu  cellulaire  est  moins  élevée 

Îue  celle  des  autres  parties  qui  varie  de  56  et  demi  à  58  et 
emi.  Cette  chaleur  devient  plus  considérable  dans  l'état 
de  maladie.  On  a  trouvé  40  degrés  dans  un  abcès  scrofu- 
leux  du  cou  ;  mais  le  fait  capital ,  c'est  que  la  compression 
d'un  membre  réduit  immédiatement  d'une  manière  très- 
appréciable,  et  son  degré  Je  température,  et  la  chaleur 
qui  s'y  développe. 

De  ces  faits  qu'il  était  important  d'étabUr,  si  nous 
revenons  à  la  circulation  ,  le  premier  phénomène  qui  nous 
préoccupe  est  celui  du  passage  du  sang  artériel  dans  les 
veines  et  les  limphatiques.  Dans  ce  passage,  soit  qu'il 
s'effectue  directement  de  vaisseau  à  vaisseau,  soit  que  les 
artères  aboutissent  à  un  corps  spongieux  dans  lequel  veines 
et  lymphatiques  viennent  puiser  le  Uquide  déposé,  tou- 
jours est-il  qu'il  existe  une  disposition  analogue  à  celle 
d'une  immense  série  de  petites  piles,  produites  par  la 
présence  et  le  contact  de  liquide  rouge ,  d'un  côté  ;  de 
sang  noir  ou  veineux ,  ou  de  lymphe,  de  l'autre  ;  piles  ana- 
logues à  celles  que  nous  pouvons  former  en  mettant ,  dans 
des  tubes  en  U ,  deux  liquides ,  ou  en  faisant  réunir  deux 
tubes  contenant  des  liquides  non  identiques,  au  moyen 
d'un  corps  spongieux  et  conducteur. 

Toutes  les  terminaisons  de  nos  vaisseaux  seraient  donc 
autant  de  petits  appareils  très-faibles,  mais  innombrables, 
d'électro-diimie.  Que  l'animal  dorme  ou  boit  éveillé ,  ces 
appareils  agissent  ;  voilà  pourquoi  les  reins ,  le  foie  et  les 
autres  glandes  continuent ,  pendant  le  sommeil ,  à  sécréter 
l'urine ,  la  bile  et  les  autres  liquides  glandulaires.  Si  un 


480  PHILOSOPHIE 

muscle  est  au  repos,  il  ne  reçoit  que  la  quantité  de  sang 
artériel  exigée  par  sa  position;  mais  aussitôt  qu'un  membre 
se  meut ,  tous  les  muscles  qui  le  font  agir  reçoivent  une 
quantité  de  sang  plus  considérable.  Le  liquide  rouge  et 
vivifiant  devient  noir  en  traversant  les  muscles,  et  celte 
métamorphose  multipliée  et  répétée  augmente  la  tempé- 
rature de  la  partie ,  tandis  que  cette  température  diminue 
aussitôt  que  le  membre  revient  au  repos,  pour  s'abaisser 
encore  si  Ton  comprime  ses  vaisseaux  nourriciers ,  de  ma- 
nière à  réduire  la  quantité  de  sang  rouge  que  le  cœur  lui 
envoie.  La  calorification ,  que  Ton  peut  diviser  en  volon- 
taire et  souvent  perçue  et  en  involontaire,  est  donc  le 
résultat  de  la  réaction  chimique  du  sang  dans  tous  les 
organes,  sous  l'influence  électrique  d'une  multitude  de 
petites  piles  vasculaires,  produites  par  la  présence  de 
tubes  artériels  et  veineux  ou  lymphatiques ,  contenant  des 
liquides  qui  ne  sont  pas  identiques. 

Admirons  maintenant  les  harmonies  de  l'organisation 
humaine. 

L'homme  habite-t-il  im  pays  froid,  aussitôt  il  mange 
davantage  afin  de  fournir  plus  d'aliments  à  la  combustion, 
source  de  chaleur  ;  il  donne  plus  d'exercice  à  ses  muscles, 
afin  de  produire  des  combustions  plus  nombreuses;  par 
suite ,  les  pulsations  du  cœur  et  la  respiration  sont  accélé- 
rées. Le  contraire  a  lieu  en  sens  inverse.  Constamment, 
du  reste ,  dans  l'étal  de  santé ,  chaque  organe  reçoit  selon 
ses  besoins,  et  ses  besoins  sont  proportionnels  à  son  travail. 
Admirable  exemple  pour  l'organisation  sociale  !  puisse  un 
jour  l'humanité  le  mettre  a  profit. 

Tant  que  l'animal  puise  dans  le  chyme  de  ses  intes- 
tins une  nourriture  plus  considérable  que  les  pertes  qu'il 
subit  par  la  respiration ,  par  la  transpiration  cutanée , 
par  les  matières  fécales  et  par  les  urines ,  son  corps  aug- 
mente de  volume  et  profite  par  la  fixation  à  l'intérieur 
de  principes  déposés  dans  les  diverses  parties  de  l'écono- 
mie. Cette  quantité  de  nourriture  est  réglée  chez  l'homme 
adulte  de  nos  contrées  par  les  15  grammes  d'azote  qui 
figurent  dans  nos  urines,  sous  la  forme  de  carbonate 
d'ammoniaque,  quand  elles  ont  subi  l'action  de  l'air,  sous 


DU  SIÈCLE.  481 

la  forme  d'urée  dans  le  cas  contraire,  et  par  le  carbone 
et  l'hydrogène  que  sa  respiration  pulmonaire  verse  au 
dehors.  Aussi  a-t-on  trouvé  que  Thomme  adulte  de  nos 
contrées  avait  besoin  de  six  mètres  cubes  d'air  par  heure 
pour  sa  respiration ,  et  de  la  ration  du  cavalier  français 
pour  son  alimentation.  Au-dessus,  il  y  a  bien-être  et  luxe  ; 
au-dessous,  souffrance,  misère,  maladie.  Faire  en  sorte 
que  tous  les  adultes  reçoivent  intégralement  ces  deux 
premiers  éléments  de  la  vie ,  tel  est  le  devoir  de  tout 
gouvernement  quel  qu'il  soit.  L'économie  humaine  fléchit 
quand  un  organe,  un  seul  est  malade.  L'économie  sociale 
souffre  et  va  mal  quand  il  existe  dans  son  sein  des  mem- 
bres ou  organes  de  la  société  qui  ne  peuvent  fonctionner 
selon  les  conditions  régulières  et  physiologiques  de  leur 
vie. 

Ce  travail  n'étant  pas  un  traité  spécial  de  physiologie, 
ce  que  nous  venons  de  dire  suffit  à  nos  lecteurs. 


DU  PRINCIPE  PHYSIOLOGIQUE 

SUE  LEQUEL  BEVRAIEM'  ESPOSER  l'ÉBUCATION  ET  LE 
SYSTÈME  PÉNITENTIAIRE. 


Par  l'action  de  ses  muscles,  l'homme  se  déplace  et  peut 
accomplir  le  travail  nécessaire  pour  se  procurer  les  aliments 
de  sa  vie  :  il  boit  et  il  mange.  Par  les  cinq  organes  des 
sens,  il  se  met  en  rapport  avec  le  monde  extérieur. 

Par  la  parole,  il  communique  avec  ses  semblables  et 
même  avec  un  grand  nombre  d'animaux.  Par  son  intelli- 
gence, il  manifeste  ses  tendances  morales,  son  savoir,  ses 
passions. 

Du  reste,  quoiqu'U  fasse,  l'homme  adulte,  l'homme  phy- 
sique, intellectuel  et  moral  est  le  produit  fatal  de  deux  fac- 
teuDS  :  la  nature  et  l'éducation ,  tout  aussi  bien  que  la  ca- 


482  PHILOSOPHIE 

pacité  matérielle  d'une  pyramide  est  le  produit  de  sa  base 
par  te  tiers  de  sa  hauteur,  tout  aussi  bien  que  la  quantité 
A  par  B  est  le  produit  de  A  et  de  B.  Cette  importante  vé- 
rité a  été  peu  sentie  jusqu'à  ce  jour ,  quoiqu'elle  se  trouve 
implicitement  exprimée  dans  les  ouvrages  de  Gall  et  de  ses 
disciples ,  dans  les  écrits  de  Robert  Owen  et  de  quelques 
autres  socialistes,  dans  les  révélations  de  l'antiquité  qui 
toutes  enseignaient  dans  les  sanctuaires  la  croyance  à  Tin- 
néité  des  attractions  et  l'action  du  milieu.  Elle  a  besoin 
d'une  démonstration  complète  ;  la  voici  : 

Un  homme  ne  se  donne  pas  le  principe  de  la  vie  ;  ce 
principe  est  le  résultat  de  la  fécondation  d'un  ovule  de  la 
mère  par  le  sperme  du  père ,  et  si  nous  remontons  plus 
haut,  il  est  l'œuvre  de  la  providence.  Le  fruit  de  cette  fé- 
condation est  fatalement  l'héritier  de  ses  parents,  sous  bien 
des  rapports.  Il  apporte  au  monde  des  prédispositions  pour 
leur  ressembler  physiquement,  moralement  et  intellectuel- 
lement. Il  en  apporte  aussi  pour  leur  ressembler  au  point 
de  vue  des  dispositions  organiques  et  de  sa  constitution  ; 
bien  plus,  il  est  souvent  l'héritier  de  leurs  maladies.  Il  peut 
venir  au  monde  imprégné  de  scrophules,  de  psore  ou  de  sy- 
philis. Cela  même  va  bien  plus  loin*.,  le  fœtus  humain,  au 
moment  où  il  sort  de  l'œuf,  peut  être  empoisonné  par  une 
maladie  qui  ne  se  manifestera  chez  lui  que  dans  un  Age 
plus  avancé ,  et  qui  fera  son  incubation  pendant  des  an- 
nées dans  son  économie  avant  de  se  manifester  ;  maladie 
larvée  ou  latente  qui  a  puissance  d'être ,  et  qui  pourra 
quelque  jour  jeter  le  trouble,  le  chagrin,  le  désordre  et 
les  regrets  dans  une  famille  entière.  Ce  que  j'avance,  je  ne 
l'ai  pas  appris  seulement  dans  les  ouvrages  des  auteurs , 
mais  je  l'ai  lu  en  gros  caractères  dans  le  grand  livre  de  la 
nature.  Ainsi  donc  la  providence  a  voulu  que  le  principe 
de  vie  de  chaque  homme  fut  une  émanation  des  parents. 
Elle  a  créé  par  smte  des  prédispositions,  non  seulement  in- 
nées mais  encore  traditionnelles,  en  inscrivant  dans  la  pro- 
géniture quelque  chose  des  progéniteurs ,  en  marquant  l'en- 
fant au  cachet  du  père  et  de  la  mère.  Cette  influence  mys- 
térieuse, tantôt  bonne  tantôt  mauvaise,  que  des  parents 
même  inconnus  exercent  sur  des  enfants  dont  ils  ont  pu 


DU   SIÈCLE.  485 

être  séparés  dès  le  premier  jour  de  leur  naissance ,  voilà 
ce  que  nous  appelons  la  nature.  Aussi  est-il  vrai  de  dire 
que  si  l'être  adulte  n'a  pu  en  rien  modifier  Tovule  et  le 
sperme  qui  l'ont  produit ,  Tinfluenee  vitale  qu'il  a  reçue  de 
ses  parents,  la  force  initiale  avec  laquelle  il  a  paru  pour 
la  première  fois  dans  le  monde  en  sortant  du  vagin  de  sa 
mère ,  l'un  des  facteurs  de  son  être ,  est  en  dehors  de  ses 
efforts  et  de  sa  volonté  :  quel  homme  de  sens  voudrait  l'en 
rendre  responsable  ?... 

Nous  entendons  maintenant  par  éducation  les  influences 
diverses  exercées  sur  l'être  humain  depuis  le  berceau  jus- 
qu'à l'âge  adulte ,  par  le  lait  qu'il  a  sucé ,  par  la  nourriture 
qu'il  a  reçue,  par  la  climature  du  pays  où  il  a  vécu,  par  les 
soins  de  toute  nature  qui  ont  protégé  ou  tourmenté  sa  fai- 
blesse ;  par  la  misère,  l'aisance  ou  la  richesse  de  la  maison 
paternelle,  par  son  père  et  sa  mère ,  son  tuteur,  ses  frères 
et  sœurs,  ses  parents,  voire  même  par  le  chien,  le  chat, 
la  chèvre  et  les  animaux  domestiques  de  la  maison  ;  par 
ses  voisins  et  les  enfants  qu'il  a  fréquentés ,  par  l'époque 
sociale  qui  a  fait  retentir  à  ses  oreÛles  des  airs  d'amour 
ou  de  guerre,  des  paroles  de  dévouement  ou  de  haine,  qui 
lui  a  mis  sous  les  yeux  le  drame  de  l'invasion  de  son  pays 
ou  la  vie  rude  et  pacifique  du  laboureur  ;  par  la  poésie  ou 
la  monotonie  des  paysages  qui  ont  frappé  ses  yeux  ;  par  les 
idées  religieuses  qui  lui  ont  été  enseignées  ;  en  un  mot  par 
tous  les  agents  quels  qu'ils  soient ,  à  quelque  règne  qu'ils 
appartiennent ,  qui  ont  pu  faire  sur  lui  quelqu'impression. 
Mais  cette  éducation ,  qui  donc  se  l'est  donnée ,  qui  donc 
a  choisi  ses  parents,  ses  voisins,  sa  patrie,  la  climature  de 
son  pays  et  les  divers  agents  de  toute  nature  qui  ont  im- 
pressionné son  enfance  ;  qui  donc  en  est  responsable  ? 

Si  maintenant  l'on  accepte  que  l'éducation  soit  une  se- 
conde nature,  si  l'on  tient  compte  des  nombreuses  influen- 
ces que  la  société  peut  exercer  sur  tous  les  enfants  pour  les 
dévier  de  leurs  voies  traditionnelles ,  pour  les  diriger  et  les 
modifier,  on  arrive  à  comprendre  que  les  enfants  sont  en 
quelque  sorte  à  sa  merci  et  que  par  eux  elle  dispose  des 
germes  reproducteurs ,  de  manière  à  dominer  non  seule- 
ment le  facteur  éducation  ,  mais  encore  le  facteur  nature 


484  PHILOSOPHIE 

dont  elle  pourra  disposer  un  jour  par  des  réactions  inces- 
santes et  prolongées  pendant  de  longues  générations.  Tou- 
tefois ce  travail  social  a  besoin  d'ordre ,  de  paix  et  de  sta- 
bilité pour  être  persévérant  et  continu. 

Ce  qui  précède  revient  à  dire  que  Dieu  nous  a  laissé 
une  large  part  d'action  sur  nos  propres  destinées  en  nous 
permettant  de  pétrir  et  de  modifier  la  race  humaine,  comme 
nous  le  faisons  pour  les  races  de  nos  animaux  domestiques. 
Cette  doctrine  est  aussi  pleine  de  tolérance  poiîr  l'individu 
que  de  sévérité  pour  la  société  ;  elle  a  pour  conséquence 
l'amélioration  nécessaire  des  hommes  et  de  leur  sort  par 
l'amélioration  progressive  des  indivus  ;  elle  concilie  mer- 
veilleusement les  révélations  des  sages  et  les  découvertes 
de  la  science  du  XIX*  siècle  ,  Pythagore  et  Condorcet , 
Moïse  et  les  modernes. 

Accusateurs  injustes  et  passionnés,  avocats  superficiels 
et  bavards,  cessez  donc  dans  le  monde  et  dans  nos  tribu- 
naux, cessez  au  plus  vite  votre  lutte  pitoyable ,  et  vous , 
jurés,  mettez-vous  à  la  hauteur  de  votre  rôle. 

Virginie,  cette  malheureuse  fiUe  que  vous  avez  sous  les 
yeux ,  a  dix-huit  ans  ;  son  père  était  galérien  libéré,  sa  mère 
entremetteuse.  Dès  son  plus  jeune  âge  elle  a  eu  sous  les 
yeux  des  scènes  d'ivrognerie  et  de  prostitution.  Maintes 
fois  on  lui  a  répété,  dans  son  enfance,  que  tout  le  monde 
vole,  mais  que  les  gens  honorable,  ce  sont  ceux  qui  ne 
sont  pas  pris.  A  quatorze  ans  sa  mère  a  vendu  à  quatre  ou 
cinq  reprises  sa  virginité.  Son  corps  a  été  livré  à  des  dé- 
bauchés et  des  sodomistes ,  pendant  que  son  cœur  était 
serré,  aplati,  atrophié  par  la  misère  et  l'obscénité.  Nul  ne 
lui  a  enseigné  la  religion ,  mais  en  revanche  ses  camarades 
lui  ont  mis  au  cou  une  médaille  miraculeuse  pour  la 
préserver  de  la  maladie  vénérienne  et  des  sergents  de  ville. 
Ah  !  pour  Dieu  ne  lui  demandez  pas  compte  de  sa  vie.  Où 
donc  aurait-elle  appris  la  chasteté ,  l'amour  et  les  joies  des 
&mes ,  la  sanctification  des  plaisirs  ;  où  donc  le  respect  des 
lois  des  hommes  ;  où  donc  la  culture  de  ses  facultés  morales  ; 
où  donc  l'idéal  et  la  poésie  du  beau  ;  où  donc  la  tendresse 
et  les  vertus  domestiques?  Sa  nature  initiale  n'était-elle 
pas  imprégnée  de  vices  et  son  éducation  a-t-elle  jamais  eu 


BU  SIÈCLE.  485 

pour  but  de  lui  apprendre  à  aimer  ce  qui  est  aimable  et 
bon;  à  fuir  le  mal,  à  réformer  les  vices  de  son  caractère, 
à  se  soustraire  à  la  prostitution  qui  est  son  gagne-pain , 
son  seul  moyen  d'existence.  Voyez  du  reste  comme  elle  est 
flétrie  :  sa  chevelure  est  déjà  tombée,  ses  dents  sont  cariées 
et  fuligineuses ,  ses  lèvres  coupées  de  fissures  ;  une  odeur 
alcoolique  s'échappe  de  sa  bouche ,  et  sa  parole  est  aussi 
rauque,  aussi  rude  pour  le  son  que  pour  le  langage;  ses 
yeux ,  ses  beaux  yeux  de  leune  fiUe  sont  éraillés  et  chas- 
sieux ,  ses  longs  cUs  ont  aisparu  et  sont  corps  porte  les 
honteuses  cicatrices  du  mal  d'Amérique.  A  cette  fille,  c^ 
n'est  point  la  prison  qu'il  faut  :  quoiqu'elle  ait  fait ,  elle  ne 
sera  jamais  si  coupable  envers  la  société  que  la  société  l'a 
été  à  son  égard.  Oh  !  Virginie ,  viens  pauvre  enfant ,  viens 
sans  crainte  ;  ce  n'est  pas  une  maison  de  pénitence  ou  de 
repentir  que  te  destine  la  science  :  tu  hais  la  pénitence ,  et 
ta  moralité  n'est  pas  assez  élevée  pour  atteindre  au  repentir. 
Viens  dans  une  maison  d'éducation  complémentaire  rece- 
Toir  ce  qui  t'a  manqué  iusqu'à  ce  jour,  des  soins  bienveil- 
lants et  affectueux  ,  le  contact  d'être  dévoués  ;  viens 
apprendre  la  morale  par  le  travail  et  t'instruire  sur  le  but 
et  la  destinée  de  la  vie  ;  viens  plier  ton  corps  à  des  habi- 
tudes nouvelles,  c'est  le  seul  moyen  de  te  guérir  de  tes 
maladies  physiques  et  morales.  Tu  n'es,  pauvre  fille, 
qu'une  bète  immonde  pét  c'est  une  femme  que  nous  devons 
à  la  société.  Ainsi  parlerait  le  physiologiste,  s'il  lui  était 
permis  de  faire  succéder  aux  scènes  de  nos  tribunaux  les 
efforts  d'une  réformation  bien  comprise  et  bien  dirigée. 

L'étude  des  facultés  intellectuelles  de  notre  être  va 
confirmer  entièrement  ce  qui  précède.  Nous  y  trouverons 
les  éléments  d'une  morale  positive  ou  plutôt  la  confir- 
mation de  la  morale  de  Zoroastre,  des  druides  et  des 
chrétiens,  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  noble  et  de  plus  élevé. 

DE  L'INTELLIGENCE  HUMAINE. 

Le  cerveau  est  l'organe  des  facultés  intellectuelles.  Cette 
vérité  qui  date  des  Grecs,  a  été  souvent  contestée ,  souvent 

31 


486  PHILOSOPHIB 

inconnue  mâme  au  XIX""*  siècle ,  mais  elle  ne  fait  jilus 
doute  pour  personne. 

Les  faculés  intellectuelles  sont  multiples,  et  nou^sont 
plus  ou  moins  communes  avec  les  animaux.  « 

L'anatomie  ,  au  point  de  vue  de  la  localisât  i^^  des 
facultés  intellectuelles,  est  trè$-peu  avancée.         f 

L'observation  des  faits  cérébro-intellectuels  a  }ieaucoup 
devancé  et  devancera  longtemps  Tanatomie.  C($rte  science 
porte  le  nom  de  phrénologie  ;  elle  est  poeitive  pour  tout  ce 
qui  concerne  les  faits  bien  observés  sur  lesquels  elle 
>^'appuie. 

La  cranioscopie,  ou  Tart  de  deviner  les  faits  phrénolo- 
giques  à  l'inspection  de  la  boite  osseuse  du  cràne^  est  et 
sera  toujours  une  science  cox\jectural6  pour  de  nombreuses 
raisons  anatomiques ,  quoiqu'elle  s'appuie  souvent  sur  des 
observations  exactes.  —  Il  est  sage,  de  la  part  des  artistes 
et  des  philosophes,  de  l'étudier  pour  ses  probabilités  et  ses 
généralités.  Aller  plus  loin,  c'est  généraliser  trop  vite  et 
d'une  manière  trop  absolue  en  toute  absence  d'expérience 
et  d'observation.  Le  cerveau  de  l'homme  est  comparable  à 
un  piano  qui  aurait  trois  octaves;  il  se  divise  donc  pour 
nous  en  trois  groupes  d'organes  associés  et  confondus  en 
un  seul,  et  chaque  organe  se  subdivise  en  touches  spéciales 
ou  organes  secondaires  :  de  là  son  unité  et  ses  spécialités 
si  multiples.  Les  facultés  de  l'houmA  se  divisent  en  : 

Facultés  individuelles  de  conservation  et  de  reproduction 
ou  facultés  animales  ; 

En  facultés  intellectuelles; 

En  facultés  sociables  ou  humaines ,  tendant  à  constituer 
et  perpétuer  les  sociétés  et  l'humanité. 

Le  cerveau  a,  comme  on  le  voit,  un  p61e  humain  et  un 
pôle  animal  ou  individuel ,  et  de  prime  abord  son  étude 
conduit  à  cette  conclusion,  que  l'éducation  doit  surtout 
avoir  pour  but  de  développer  les  facultés  humaines ,  celles 
qui  nous  élèvent  au-dessus  de  la  bête  en  leur  soumettant 
les  facultés  intellectuelles  et  les  facultés  animales  ou  de 
l'individu. 

Les  organes  cérébro-intellectuels  ont,  comme  ceux  des 
autres  fonctions,   un  ordre  de  développement:    les    uns 


DU  SIÈCIB.  487 

apparaissent  et  s'éteignent  les  premiers  ;  d'autres  se  mani- 
festent plus  tard  et  conservent  leur  vitalité  dans  un  âge 
plus  avancé.  La  mémoire  des  mots  apparatt  avec  la  vie  et 
diminue  souvent  à  la  moitié ,  aux  deux  tiers  de  l'exis- 
tence. 

Les  organes  cérébro-intellectuels  ont  aussi  leurs  arrêts 
de  développement,  leurs  anomalies  qui  ref^résentent  des 
états  réguliers  des  animaux  inférieurs,  fait  important  que 
nous  avons  signalé  et  décrit  à  Rennes,  en  1852,  dans  le 
procès  d'Hélène  Jegado,  en  insistant  avec  force  sur  les 
conséquences  morales  qui  en  découlent. 

Dans  la  série  des  êtres,  les  facultés  individuelles  ou 
animales  apparaissent  les  premières  ;  les  facultés  intellec- 
tuelles viennent  ensuite  ;  les  facultés  morales  sont  les  der- 
nières à  se  développer.  Les  anomalies  cérébro-intellectuelles 
de  l'homme  doivent  donc  porter,  avant  tout ,  sur  ces  der- 
nières, puis  sur  les  secondes. 

L'absence  des  premières  rend  l'individu  impropre  à  la 
vie.  —  L'absence  des  secondes  en  fait  un  idiot.  — L'absence 
des  troisièmes  en  fait  un  homme  des  races  inférieures  et 
quelquefois  plus ,  c'est-à-dire  un  tigre ,  une  bête  féroce. 

Les  principaux  organes,  les  touches  principales  de 
Toctave  des  facultés  cérébro-animales ,  sont  : 

Le  moi  ou  personnalité  ; 

L'amour  physique,  ^i  porte  à  la  reproduction  de  l'indi- 
ridn  ; 

Chez  les  femmes  et  même  chez  quelques  hommes, 
l'amour  maternel  ; 

L'amour  des  Ueux  qu'on  habite ,  du  chez  soi ,  ou  habita- 
tivité,  cette  source  d'un  patriotisme  rétréci; 

L'instinct  de  la  lutte,  de  la  destruction  et  même  du 
carnage  ; 

L'instinct  de  la  circonspection,  si  développé,  dans  toutes 
les  espèces ,  chez  les  femelles. 

Ces  touches  de  l'octave  animal  du  piano  cérébral  ne 
sont  peut-être  pas  les  seules  importantes  ;  mais  il  suffit  de 
ce  qui  précède  pour  que  nos  lecteurs  entrent  dans  la  voie 
du  vrai.  L'observation  corrigera ,  ajoutera  plus  tard ,  selon 
ses  indications. 


488  PHILOSOPHIE 

Inutile  de  dire  ici  que  ces  touches  cérébrales  ont  leurs 
dièses  et  leurs  bémols. 

La  personnalité  peut  exister  très^grande  avec  ou  sans 
Tamour  de  Tapprobalion  qui  en  est  une  des  formes  ^  avec 
ou  sans  cette  volonté  individuelle  qui  en  est  une  autre  et 
qui  prend  parfois,  mais  à  tort,  le  nom  d'une  vertu,  la 
ermeté ,  vertu  qui  suppose  des  facultés  intellectuelles  et 
surtout  sociables. 

Autre  exemple  :  La  circonspection  peut  exister  avec  plus 
ou  moins  de  ruse ,  plus  ou  moins  de  discrétion.  —  La  ruse 
et  la  discrétion  ne  sont  en  effet  que  la  circonspection  appro- 
priée à  certains  actes. 

Les  principaux  organes,  les  princij)ales  touches  de 
Toctave  cérébro-intellectuel ,  sont  les  instincts  : 

Du  toucher, 
Du  goût , 
De  l'odorat , 
Des.spps, 
Dés  {on»es , 
Des  couleurs , 
Du  temps, 
.  Des  nombres , 
De  la  parole. 

Chacun  de  ces  instincts  cérébrd-intellectuels  juge  de 
Taccentuation  des  impressions ,  de  leur  mélodie ,  des  har- 
monies dont  elles  sont  susceptibles  dans  leur  ordre 
spécial. 

Les  principaux  organes,  les  principales  touches  de  l'oc- 
tave des  facultés  morales,  sont  : 

L'instinct  philosophique. 
L'instinct  de  sociabilité, 
L'instinct  de  l'idéal , 
L'instinct  vénérateur  ou  religieux. 

Peut-être  même  serait-U  plus  convenable  de  les  réduire 
à  trois  et  de  représenter,  par  le  tableau  suivant,  l'anato- 
mie  métaphysique  que  nous  faisons  en  ce  moment  du 
dernier  octave  cérébro-intellectuel. 


SOGIABIUTB. 


BU  SIÈCLB.  489 

Instinet  observateur. 
Philosophisme       )  Instinct  généralwateur. 

\  Reeherchedu  pourquoi  et  du  comment 

en  tout  et  partout. 

Justice. 

Amour  (charité  selon  le  Christ  et 

saint  Paul). 
Vénération. 

Tendance  aux  combinaisojois  intellec- 
tuelles,   —    besoin    de    vérité , 
d'exactitude ,  d'harmonie  dans  ces 
combinaisons. 
Idéal  I  ^^^^'^^^  d'une  perfection  absolue,  — 

/       besoin  de  sentir  partout  l'unité, 

bisTiKCT  DU  Beau  A      "'^"^^  ^^^^  ^*  multiplicité,   _ 
'      amour  de  la   mélodie,    ce  mot 
étant  aussi  étendu  que  possible. 
Instinct  rêveur  recherchant  les  mys- 
tères ,  l'inconnu ,  les  causes  pre- 
mières. 

Avec  un  peu  de  réflexion ,  on  comprendra  que  l'esquisse 
des  (acuités  cérébro-intellectuelles  que  nous  présentons  ici , 
est  d'une  vérité  complète  comme  ensemble ,  mais  relative 
et  incomplète  dans  les  détails  :  c'est  une  esquisse ,  ce  n'est 
pas  un  tableau. 

Nous  n'avons  point  la  prétention  de  faire  un  nouveau 
système  après  celui  de  Gall ,  notre  maître  et  ami  ;  nous  ne 
voulons  que  retirer  de  ses  observations  si  nombreuses  et 
de  ses  grandes  découvertes,  les  vérités  qui  sautent  aux  yeux, 
pour  éviter  qu'on  les  confonde  avec  les  erreurs  ou  les  pro- 
babilités dont  il  a  semé  ses  études. 

En  lisant  ce  qui  précède,  tout  homme  digne  de  ce 
nom  doit  se  dire  et  se  dira  : 

Je  suis  homme,  parce  que  je  sonde  les  grands  mystères 
de  l'universalité  des  choses.  Plus  élevée  que  celle  des  bêtes, 
mon  Ame  peut  se  bercer  de  milles  rêveries  délicieuses  en 
songeant  à  Dieu,  à  ce  nœud  sublime  de  toutes  les  diffi- 
cultés ,  à  cet  intmi  qni  nous  domine. 


490  PHILOSOPHIE 

Je  suis  homme ,  parce  que  je  suis  créateur,  à  rimitaiioD 
de  la  providence;  parce  que  je  sais  comprendre  la  mélodie 
el  lunité ^  la  multiplicité  et  Vharmonie  dans  les  œuvres  de 
la  nature  et  dans  celles  que  rintelligence  humaine  est 
appelée  à  créer  sur  le  globe  en  qualité  de  coadjuteur  de  la 
Divinité. 

Je  suis  homme ,  parce  que  je  sais  véuérer  tout  ce  qui 
est  vénérable,  c'est-à-dire  selon  le  plan  providentiel  de 
Tunivers,  soit  dans  le  monde,  soit  dans  rhumanité. 
J'aime  tout  ce  qui  est  noble ,  tout  ce  qui  est  beau ,  tout  ce 
qui  est  grand  :  le  vieux  chêne  de  la  forêt ,  les  édairs  et  le 
tonnerre  de  la  tempête,  la  cime  élevée  du  Mont-Blanc, 
rinmiensité  des  mers.  J'aime  aussi  Pythagore  et  Moïse , 
ie  Jupiter  de  Phydias  et  les  scientifiques  découvertes  de 
Tesprit  humain  dans  les  temps  modernes. 

Mon  cœur  plein  de  tendresse  s'est  enfermé  dans  la  prison 
de  Socrate  et  n'a  pu  se  consoler  de  sa  mort  ;  il  a  suivi 
Jésus  au  Jardin  des  Oliviers  ;  il  a  pleuré  au  pied  du 
Calvaire  ;  il  a  dit ,  il  dira  mille  fois  avec  saint  Jean  : 
AiMBz-vous,  hommes,  aimez-vous:  voilà  votre  voie.  U  ne 
veut  pas  deux  poids  et  deux  mesures  :  ici  les  richesses  de 
l'industrie,  des  arts,  du  savoir,  et  là  le  déauemeat  le  plus 
absolu  en  bien-être,  eu  poésie,  en  science,  pour  des  parias, 
pour  des  deshérjltés. 

Mon  intelligence  a  compris  qu'elle  faisait  partie  d'une 
armée  conquérante,  d'une  armée  qui  doit  employer  les 
forces  et  les  lois  de  la  nature  à  la  combinaison  des  efforts 
sociaux ,  à  l'exploitation  de  la  planète ,  à  la  création  du 
plan  d'ensemble  des  travaux  qu'elle  réclame ,  à  l'organi- 
sation de  la  famille,  de  la  commune  et  de  l'humanité.  — 
Elève  de  Descartes,  elle  veut  observer,  elle  veut  expéri- 
menter, elle  veut  procéder  du  connu  à  l'inconnu  ;  elle  veut 
diviser,  pour  les  vaincre ,  les  difficultés  ;  elle  redoute  les 
généralisations  trop  précipitées,  celles  qui  n'embrassent 
qu'une  partie  des  uiits  ;  et  c'est  ainsi  qu'elle  entend  arriver 
à  résoudre  les  pourquoi  et  les  comment  dont  elle  est 
assiégée. 

Voilà  mes  titres  de  noblesses;  il  n'en  est  point  d'autres  : 
(îeux-là  sont  assez  grands .  assez  beaux  pour  que  je  m'en 


BU  SIÈCLE.  491 

Confie.  Autrement  je  ne  suis  qu'un  serin  ou  tout  au  plus 
qu'on  rossignol,  si  mon  idéal  ne  multiplie  pas  et  n'harmonise 
pas  mes  mélodies;  je  ne  suis  qu'un  oastor  de  génie,  si  mon 
instinct  constructeur  roule  toujours  dans  le  même  cercle , 
sans  rêves ^  sans  besoin  d'améliorations^  privé  du  désir 
d'ajouter  aux  charmes  naturels  et  à  la  combinaison  des 
effets  des  eonstmetions  humaines.  Quelle  serait,  ô  femmes, 
votre  supériorité ,  au  point  de  vue  maternel ,  si  vous  étiez 
simplement  les  génitrices  et  les  nourrices  physiques  de  vos 
enfants  ?  Pour  arriver  à  la  noblesse ,  à  la  dignité  de  votre 
race ,  sachez  donc  donner  à  ces  enfants  le  lait  de  l'intelli* 
gence  et  le  lait  du  savoir  moral  ;  soyez  leurs  génitrices , 
leurs  liourrices  et  leurs  éduoatrices.  €e  dernier  caractère 
appartient  en  propre  à  rhumanité,  et  même  quelques 
espèces  inférieures  en  sont  privées. 

Mais  n'y  a-t-il  pas  déchéance  et  dégradation  pour  celui 
qui,  comme  le  tigre,  le  lion,  le  léopard,  ne  connaît  d'autre 
famille  que  la  sienne ,  prêt  à  iunnoler  à  ses  désirs  tout  ce 
qui  leur  fait  obstacle.  Si  l'esclave  de  ses  instincts  indivi- 
duels peut  avoir  l'aspect  d'un  homme,  c'est  un  aspect 
trompeur  ;  il  peut  être  intelligent ,  mais  alors  il  met  une 
grande  inteUigeoce  au  service  de  ses  passions  personnelles  : 
c'est  un  assassin ,  un  voleur,  un  violeur,  soit  dans  l'ordre 
individuel,  soit  dans  l'ordre  social.  Né  dans  la  Zélande, 
il  eut  été  antropophage ,  sans  répulsions  innées  pour  les 
repas  et  les  plaisirs  des  cannibales  ;  ailleurs ,  il  peut  aimer 
le  supplice  et  la  torture  ;  ailleurs ,  il  pourra  dire  au  valet 
du  bourreau:  Voilà  deux  louis,  laisse^moi  prendre  ta 
place. 

Quoique  nous  n'ayons  point  prétendu  localiser  d'une 
manière  absolue  les  facultés  inteUectuelles,  nous  sommes 
obligés  de  remarquer  que  le  front  s'abaisse  insensiblement 
depuis  les  plus  belles  races  humaines  jusqu'à  la  grenouille, 
de  manière  à  former  une  très-intéressante  série  craniosco- 
pique.  Ce  qui  manque  aux  autres  animaux  de  substance 
céinâbrale  pour  manifester  des  instincts  religieux,  artisti- 
ques ,  sociables  et  philosophiques ,  c'est  donc  cette  portion 
qui  se  trouve  placée  chez  l'hcmime  aux  parties  antéro- 
supérieures  et  antéro^latérales. 


492  PHILOSOPHIE 

Tous  les  organes  cérébro-intellectuels  constituent  autant 
d'instincts  ou  de  propensions  diverses,  et  c'est  une  locution 
très-fautive  que  la  distinction  établie  entre  l'intelligence  et 
rinstinct.  Ceux  qui  l'ont  introduite  dans  le  Tangage  n'étaient 
pas  physiologistes  et  n'avaient  pas  assez  étudié  la  nature  ; 
ils  avaient  oublié  que  l'homme  n'est  autre  chose  que  le 
plus  parfait  des  mammifères,  et  que,  chez  lui,  l'octave 
des  facultés  morales  élève  singulièrement  toutes  les  autres. 

Chaque  organe ,  plus  ou  moins  développé ,  constitue  une 
prédisposition  plus  ou  moins  forte  ;  chacun  d'eux  est 
susceptible  de  recevoir  des  impressions  et  doué  d'imita- 
tion, de  mémoire,  de  jugement  et  de  volonté. 

La  pensée  est  l'expression,  latente 'ou  manifestée,  de 
jugements  qui  s'exercent  à  l'occasion  d'impressions  pro- 
duites par  une  cause  interne  ou  externe. 

Toute  sensation  est  une  pensée  plus  ou  moins  nette , 
plus  ou  moins  confuse ,  volontaire  ou  involontaire.  Toute- 
fois, dans  le  langage  usuel,  le  mot  sensation  implique 
une  idée  qui  se  rattache  plus  à  l'octave  des  facultés  ani- 
males, tandis  que  les  expressions  sentiment  et  connaissance 
se  rattachent  davantage,  l'une  et  l'autre,  aux  facultés 
intellectuelles  et  aux  facultés  purement  humaines,  quoique 
cependant  on  parle  souvent  aujourd'hui  de  sensations 
intellectuelles  et  morales. 

La  sensation  de  cause  externe  est  constamment  précédée 
de  deux  faits  :  l""  de  l'impression  ;  ^  de  la  transmission 
de  cette  impression  au  cerveau. 

Nous  avons  appelé  sens  les  prolongements  nerveux  au 
moyen  desquels  le  cerveau  s'avance  en  quelque  sorte  en 
dehors  de  la  botte  osseuse,  à  la  recherche  des  impressions. 

Une  sensation  peut  être  fautive ,  soit  par  défaut  du  sens 
qui  reçoit  l'impression ,  soit  par  défaut  du  nerf  qui  la  con- 
duit ,  soit  par  défaut  de  l'organe  cérébral  qui  la  juge. 

L'instrument  de  Daguerre  nous  offre  un  moyen  de 
nous  rendre  compte  de  ce  qui  se  passe  dans  notre  cerveau. 
Si  l'impression  est  faible ,  elle  s'efface  vite  et  ressemble  à 
ces  images  que  l'on  n'a  point  passées  au  mercure.  Si  au 
contraire  l'impression  est  vive ,  elle  devient  susceptible  de 
se  conserver  dans  les  loges  cellulaires  du  cerveau  et  d'être 


DU  8IÈGLB.  495 

teproduite  à  Tesprlt  par  la  mémoire  ^  exactement  comme 
les  images  daguériennes  qui  ont  été  fixées  sur  la  plaque 
d'argent  par  un  procédé  chimique. 

Une  idée  pourrait  donc  n'être  autre  ehose  qu'une  com- 
binaison de  chimie  transcendente  entre  deux  éléments 
très-subtils  :  l'impression  et  la  propension.  Raspail ,  qui 
est  entré  le  premier  dans  cette  voie ,  a  dit  avec  raison 
que  les  mots  :  idée ,  jugement  et  raisonnement  n'ont  été 
créés  que  pour  faciliter  le  langage,  attendu  qu'il  n'y  a 
pas  plus  d'idée  sans  jugement  que  de  jugement  sans  rai- 
sonnement. 

Nous  pouvons  et  devons  en  dire  autant  de  ces  expressions  : 
sensation,  sentiment,  connaissance,  qui  ne  deviennent 
nettes  et  précises  qu'en  leur  attribuant  le  sens  que  nous 
leur  avons  donné  plus  haut;  autrement  elles  rappeUent 
trop  la  métaphysique  indoue  qui  les  a  imaginées  pour  la 
première  fois. 

Pénétrons  plus  avant  dans  l'analyse  des  facultés  ou 
instincts  cérébro-intellectuels. 

Chacune  d'elles  constitue  une  propension  et  possède, 
comme  on  l'a  dit,  ses  affinités,  ses  attractions;  chacune, 
par  suite,  crée  des  impulsions,  des  méditations  auxquelles 
les  autres  facultés  sont  appelées  comme  aides  ou  comme 
conseil  ;  chacune  tend  à  agir  et  à  se  manifester  par  des 
faits  appelés  actes. 

Chaque  faculté  étant  une  source  d'impressions  et  do 
tendances,  les  unes  remplissent  ce  rôle  dans  l'ordre  huma- 
nitaire, d'autres  dans  l'ordre  purement  intellectuel  ou  phy- 
siques. Les  dernières  sont  purement  personnelles  dans 
leurs  impulsions  :  de  là  des  prédommances  faciles  à 
comprendre  ;  de  là  toutes  les  variétés  des  natures  hu- 
maines. 

U  est  très-logique  de  considérer  toute  tendance  comme 
désireuse  des  moyens  de  se  satisfaire ,  comme  poussant  à 
son  but,  c'est-à-dire  vers  un  résultat,  jusqu'à  ce  qu'elle 
soit  satisfaite  ;  mais  il  serait  contre  l'expérience  et  l'obser- 
vation journalière  des  faits  de  considérer  exclusivement 
certaines  facultés  comme  source  d'impulsion,  d'autres 
comme    moyen   de    réflexion,    d'autres  comme   moyen 

21* 


494  PHILOSOPHIE 

d'exécution  ^  attendu  que  la  personnalité  humaine  est 
toujours  représentée,  à  toute  heure  de  la  vie,  par  la 
faculté  active  et  dominante  qui  se  manifeste.  Exemple  : 

J'ai  désir  de  musique  :  je  prends  l'argent  nécessaire , 
avec  ou  contre  le  gré  de  mes  autres  facultés ,  puis  je  vois 
au  spectacle. 

J'ai  désir  de  musique  :  je  m'asseois  au  piano  et  je  pense 
musique,  puis  je  joue. 

Ou  encore  : 

J'ai  désir  de  musique:  je  vais  trouver  un  ami,  avec  ou 
contre  le  gré  de  mes  autres  facultés  qui  peuvent  me  retenir 
chez  moi ,  puis  je  l'écoute  selon  ma  tendance  dominante 
du  moment. 

Cet  exemple  peut  être  varié  singulièrement  et  ap{diqué 
à  tous  les  organes  cérébraux,  parce  que  chacun  d'eux 
aime  et  désire,  pense  activement  ou  passivement,  est 
susceptible  d'appeler  les  autres  organes  à  lui  donner  des 
conseils,  de  suivre  leur  avis  ou  de  les  dominer,  selon  son 
énergie  relative. 

Nous  allons  développer  notre  opinion. 

Chacune  des  propensions  que  nous  avons  signalées  étant 
plus  ou  moins  prononcée ,  plus  ou  moins  accentuée  chez 
chaque  homme,  leurs  combinaisons  différentes,  produi- 
ront toutes  les  variétés,  toutes  les  nuances  de  l'esprit 
humain. 

Chaque  propension  peut  être  absente  ou  très-faible  ;  plus 
développée,  elle  porte  le  nom  de  goût;  plus  développée 
encore ,  celui  de  passion.  Au  delà  de  la  passion  nous  trou- 
vons la  manie ,  la  folie. 

Lorsqu'une  impression  se  produit  au  cerveau,  les  diverses 
propensions  tendent  à  s'en  emparer  pour  former  une  com- 
binaisons qui  sera  plus  ou  moins  stable  selon  l'énergie  de 
cette  impression. 

Les  organes  cérébraux  de  notre  intelligence  sonti  donc 
une  véritable  assemblée  délib^ante  chargée  de  présider  aux 
actes  volontaires  de  la  vie. 

La  volonté  n'est  autre  chose  que  le  résultat  d'une  de  ces 
délibérations  qui  sont  incessantes ,  que  la  résultante  des 
forces  qui  nous  entraînent  vers  une  action  quelconque  ou 


BU  SIÈOIE.  495 

^ers  une  abstention,  qae  le  produit  du  vote  des  propen- 
sions cérébrales ,  que  te  résultat  de  leur  serutîn. 

On  me  demande  d'aller  au  théâtre  entendre  d'eiccellente 
musique  :  de  là  un  désir  représenté  par  deux*  Un  autre 
désir,  exprimé  par  sept,  m'arrâte  à  écrire  :ces  lignes  et  je 
reste  à  travailler,  retenu  par  une  puissance  dont  le  chiffre 
5  est  Texpf  esaion. 

Si  les  votes  sont  égaux  ou  presque  égaux ,  il  y  a  indéci- 
sion, la  volonté  est  oscillante.  Si,  après  le  scrutin,  les 
organes  qui  ont  mal  voté  s'en  aperçoireiit,  leur  propension 
disparaît  :  il  ne  reste  plus  alors  qu'un  vote  contraire  aux 
propensions  qui  lui  sont  opposées,  c'est-^à^lire  qu'un  regret. 

Le  regret  est  directement  proportionnel  à  1  énergie  des 
t^idances  vaincues. 

Quand  tes  organes  intellectuels  sont  vivement  excités , 
la  votonté  peut  devenir  énergique ,  Tindéciâon  extrême  et 
le  regret  amer. 

Dans  nos  assemblées  délibérantes ,  il  y  a  des  meneurs 
qui  conduisent  les  autres,  des  hommes  faibles  qui  laissent 
faire,  des  dormeurs  ou  des  inattentifs  qui  ne  prennent 
point  part  à  la  discussion.  La  même  chose  se  reproduit  chez 
chaque  homme  pour  ses  facultés  cérébrales.  Tous  nous 
sommes  conduits  par  nos  dominantes. 

«  La  propension,  dit  Raspail,  qui  l'emporte  chez  Thomme 
même  non  civilisé ,  c'est  la  sociabilité  que  l'on  voit  s'affai- 
blir graduellement  et  finir  par  s'effacer  entièrement  en 
desc^fedant  l'écheUe  des  êtres  animés.  Le  plus  vertueux 
est  cdui  chez  lequel  cette  propension  domine  davantage. 
L'égoïste  est  celui  chez  lequel  elle  est  en  moindre  degré 
de  prédominance  ;  le  victeux  et  le  méchant  sont  ceux  chez 
lesquels  une  toute  autre  propension  prédomine.  La  folie 
n'est  souvent  que  le  résultat  du  peu  de  stabilité  des  di- 
verses combinaisons  qui  ont  lieu  entre  les  impressions  et 
les  propensions,  combinaisons  qui  se  décomposent  avec 
une  rapidité  telle  qu'il  en  résulte,  presque  en  même  temps, 
une  foule  de  volontés  les  plus  disparates  :  c'est  un  rêve  con- 
tinuel. Tout  homme  a,  chaque  nuit,  ses  accès  de  folie,  car 
la  nuit  les  organes  n'élaborent  plus  d'une  manière  constante 
et  normale.  La  fausseté  de  l'esprit  est  une  variété  de  la  folie. 


496  PHiLOsapHifi 

))  Dans  la  solitude,  il  n'existe  pas  de  yicieux  :  il  ne  peut  y 
avoir  là  qu'un  sage  et  qu'un  monomane  ;  pour  qu'il  y  ait 
vice  ou  vertu ,  il  faut  une  société  quelconque.  » 

Cette  doctrine,  que  nous  venons  d'exposer  sommaire- 
ment, n'est  que  la  traduction  en  langage  philosophique 
des  croyances  des  anciens ,  comme  l'on  pouira  s'en  con- 
vaincre en  lisant  nos  études  sur  Moïse  et  Pythagore.  Elle 
se  concihe  merveilleusement  avec  les  écrits  des  philoso- 
phes modernes.  Ah  !  ce  n'est  pas  matérialiser  l'homme  que 
d'arriver,  par  une  voie  nouvelle,  à  ces  conséquences,  qui 
ont  été  l'enseignement  des  sages  de  tous  les  temps  et  de 
tous  les  lieux.  Toutefois,  il  est  une  manière  d'exprimer  gra- 
phiquement ,  et  de  dessiner  aux  yeux  la  polarité  morale  ; 
nous  allons  y  recourir  :  ce  sera  le  complément  de  ce  chapitre. 


BU  SIÈCLE.  497 

La  figure  ei-joints  représente  la  base  du  cerreau  :  le 
MOI  est  le  pÎYOt  de  cette  boussole  intellectuelle  et  passion- 
nelle siu*  laquelle  nous  avons  résumé ,  en  quelques  mots , 
toutes  les  facultés  cérébrales.  —  A  l'extrémité  antérieure , 
nous  lisons  d'abord  fagultbs  vbbgeptiyes.  Toujours  plus 
complètes  chez  l'homme  que  chez  les  animaux,  ces  facultés 
lui  sont  cependant  communes  avec  les  autres  mammifères. 
Viennent  ensuite ,  sur  la  ligne  médiane ,  Tesprit  philoso- 
FHiQUB  ou  GAuaiUTÉ ,  la  sociAJBiLiTii  ;  puis,  sur  les  côtés , 
riDâALiYÉ.  Ce  sont  là  les  facultés  qui  sont  spéciales  à  notre 
être  et  qui  transforment  ses  organes  instinctifs  en  organes 
réellement  intellectuels;  supprimez-les,  et  l'homme  doué 
de  la  faculté  musicale  ne  vaudra  pas  plus ,  comme  nous  le 
disions  tout^à-l'heure ,  qu'un  rossignol  ou  qu'un  serin. 

Un  peu  en  arrière  du  centre ,  on  trouve  le  moi  ou  plutôt 
l'ambition,  car  le  moi  appartient  à  chaque  organe  :  elle 
est  sous  ses  diverses  formes  l'orgueil ,  la  vanité ,  le  besoin , 
de  jouissances,  Fesprit  de  domination,  le  désir  d'éloges. 
A  la  suite  de  cette  ambition,  de  cette  personnalité  qui 
varie  d'individu  à  individu ,  de  race  à  race ,  et  qui  est  le 
pivot  de  la  machine  cérébrale,  viennent  les  facultés  ani- 
males,  T  amour  DE  LA  PROOimTURB,  l'AMOtJB  PHYSIQUE,  et, 
sur  les  côtés,  la  ruse,  la  destructivité ,  instincts  nécessaires 
à  la  coivsB&vATioi^  DB  t'iifBiviDU.  Indispensables  à  l'homme 
sauvage  et  même  à  l'homme  civilisé ,  ces  qualités  devien- 
dront naturellement  de  plus  en  plus  secondaires ,  lorsque 
l'homme  aura  été  développé  et  perfectionné  par  l'éduca- 
tion selon  son  idéal,  c'est-à-dire  lorsqu'il  se  sera  élevé, 
f)ar  un  ordre  sociétaire,  au  rang  d'homme  harmonisé, 
orsque  sa  famille ,  perfectionnée  par  une  excellente  éduca- 
tion ,  par  untj  éducation  toute  physiologique ,  sera  devenue 
une  famille  parfaite,  et  par  suite  une  molécule  sociale,  un 
petit  organisme  de  l'humanité. 

La  morale  de  tous  les  individus  et  de  tous  les  peuples  a 
toujours  été  l'égoïsme  :  la  morale  sera  donc  encore  l'égoïsme 
dans  l'avenir,  c'est-à-dire  la  résultante  des  attractions  de 
l'homme  ;  mais  l'égoïsme  d'une  nature  idéalisée  n'a  aucun 
rapport  avec  celui  de  la  bestiaUté.  Pour  l'homme  perfec- 
tionné par  l'éducation,  pour  celui  dont  les  parties  anté- 


498  PHILO$OPHIB 

rieures  et  supérieures  du  cerveau  auront  acquis  toute  la 

Srédominance  désirable,  les  actes  de  dévouement,  les  élans 
é  la  plus  chaleureuse  sociabilité  ne  seront  pas ,  comme 
on  le  Croit  habituellement ,  des  faits  d*abnégation ,  mais 
des  actes  passionnels  dictés  par  le  besoin  de  satisfaire  on 
penchant  très-développé,  souvent  irrésistible.  Oui,  l'homme 
vertueux  est  un  égoïste  à  sa  manière  :  comme  tous  les 
autres ,  il  veut  satisfaire  ses  penchants  et  ses  goûts  pour 
se  procurer  du  bonheur,  et,  comme  ses  penchants  et  ses 
goûts  Tentralnent  vers  les  idées  grandes  et  généreuses, 
vers  les  actes  de  religiosité,  de  sociabiUté,  de  philoso- 
phisme et  d'idéaUsme,  c'est  en  se  livrant  à  ses  tendances, 
c'est  en  cherchant  ses  jouissances  personnelles ,  c'est  en 
subaltemisant  Vanimal  qui  est  et  vit  en  lui  par  la  partie 
postérieuie  du  cerveau,  à  Y  homme  qui  habite  la  partie 
antérieure ,  qu'il  arrive  aux  actes  les  plus  nobles  et  les  plus 
élevés.  Oui,  c'est  un  bonheur  et  un  grand  bonheur  que 
celui  de  risquer  sa  vie  pour  sauver  celle  «d'autrui,  que  de 
la  donner  même  au  besoin  pour  la  sainte  cause  de  Thuma- 
nité.  L'égoïsme ,  sous  cette  forme ,  est  réellement  humain. 
Il  devient  animal  et  même  bestial  lorsqu'il  subaltemise  la 

Késie  de  l'amour  intellectuel  et  moral  à  l'amour  physique, 
mour  des  hommes  à  celui  de  la  famille ,  les  recherches 
de  l'étude,  la  religion  et  la  philosophie  aux  plaisirs  de  la 
chasse  et  de  la  pêche.  —  Dites  qu'il  faut  user  de  toutes 
les  attractions  de  l'homme ,  que  les  attractions  sont  un 
rouage  qui  trouvera  sa  place  dans  une  mécanique  passion- 
nelle ,  telle  que  la  commune  sociétaire ,  et  vous  serez  dans 
le  vrai;  mais  gardez- vous  bien  d'ajouter  que  toutes  les 
passions  sont  également  bonnes ,  également  utiles  ,  égale- 
ment saintes,  car  ce  serait  placer  sur  la  même  ligne  des 
instincts ,  des  appétits ,  des  voluptés  d'ordre  très-différent 
et  nier  la  gradation  qui  existe  dans  la  série  des  animaux , 
sous  le  rapport  du  développement  de  plus!'  en  plus  consi- 
dérable des  parties  de  la  masse  cérébrale  qui  correspondent 
au  front. 

L'homme  vertueux  est  un  artiste  dont  l'idéal  s'exerce 
dans  le  plus  grand  des  arts  ;  tandis  que  les  autres  s'élè- 
vent à  de  grandes  conceptions  de  musique,  de  peinture, 


> 


DU  SIfiCLB.  499 

de  géométrie ,  plus  parfait  encore  en  son  genre ,  il  voit  le 
beau  dans  la  justice  et  la  vérité,  selon  les  croyances 
(le  son  temps,  et  l'idéal  dans  une  vertu,  dans  une  vigou- 
reuse tendance  de  Tàme  humaine  dont  les  pressentiments 
sont  toujours  d'accord  avec  les  futures  découvertes  de  la 
morale ,  parce  qu'ils  sont  en  concordance  avec  le  plan  pro- 
videntiel. Newton,  Leibnitz,  Laplace,  Arago,  Palestrina, 
Rossini,  Michel-Ange,  Raphaël  et  Jéricho  ont  pu  et  dû 
comprendre  et  saisir  de  prime-saut  de  grands  accords  de 
géométrie,  de  musique,  de  peinture,  que  de  longues 
études  permettent  seules  au  vulgaire  d'apprécier  conve- 
nablement. Ainsi  Zoroastre,  ainsi  Pythagore,  ainsi  So- 
erate,  les  Gracques,  saint  Jean,  Origène  et  quelques-uns 
des  coeurs  d'éUte  des  temps  modernes,  se  sont  élevés 
au-dessus  de  leurs  contemporains  par  un  sentiment  plus 
exquis  de  l'amour  des  hommes,  par  une  appréciation 
plus  ou  moins  consciente  de  rapports  d'ordre  moral  et 
social,  qui  échappaient  à  leurs  contemporains  et  qui  ten- 
dent à  tomber  dans  le  domaine  public. 

L'avenir,  en  deux  mots,  le  voici  :  C'est  que  tout  être 
humain  soit  conduit,  par  une  éducation  conforme  aux  lois 
de  la  nature,  à  comprendre  sans  peine  les  œuvres  des 
Palestrina,  des  Rossini,  des  Michel-Ange,  des  Raphaël, 
des  Jéricho,  des  Newton,  des  Leibnitz,  des  Arago,  à 
sentir  leur  perfection  relative  pour  leur  époque ,  leur  im- 
perfection relative  dans  un  temps  plus  avancé  ,  et  qu'il  en 
soit  ainsi  pour  la  morale  et  les  rapports  sociaux. 

HOMIŒS,  ÀIKBZ-VOUS. 

Voilà  le  plus  sublime  et  le  plus  complet  des  préceptes. 
Mais  il  ne  suffit  pas  de  sentir  instinctivement  sa  valeur  : 
Inhumanité  n'existera  réellement  que  le  jour  où  il  sera 
devenu  la  pratique  des  peuples  ;  que  le  jour  où  les  intelli- 
gences les  plus^minentes  auront  démontré  qu'il  embrasse 

toutes  les  directions  dé 


gences  les  piusemmentes  auront  ai 
et  résume  lesifforts  du  passé  dans 
rintelligence ,  parce  qu'il  est  l'expr 


,  parce  qu'il  est  l'expression  la  plus  nette  de 
l'idéal  de&  hommes  vertueux. 


500  PHILOSOPHIE 


DE  LA  PLURALITÉ  DES  ORGANES  INTELLECTUELS. 


Deux  hypothèses  seulement  sont  discutables  :  Tune, 
celle  de  l'unité  des  facultés  intellectuelles;  l'autre,  celle 
de  la  pluralité.  Cette  dernière  opinion  s'appuie  sur  des 
raisons  nombreuses  et  sur  Tobservation  scientifique  des 
faits. 

Qui  de  nous,  en  entrant  dans  un  collège  ou  dans  un 
pensionnat,  n'a  été  frappé  de  la  diversité  des  facultés 
intellectuelles  de  chacun  ?  Celui-ci  a  des  dispositions  pour 
la  musique  ,  mais  il  est  privé  du  sentiment  des  couIoults  ; 
cet  autre  est  déjà  mystique ,  il  a  une  tendance  très-pro- 
noncée à  l'adoration  ;  un  troisième  se  fait  remarquer  par 
de  grandes  dispositions  pour  le  dessin,  quoique  Irès- 
médiocre  sous  d^autres  rapports.  Comment  admettre  cette 
variété  et  cette  inégalité  spéciale  des  intelligences,  sans 
admette  aussi  la  division  en  plusieurs  organes,  de  l'ins- 
trument intellectuel  ?  Un  piano  n'a-t-il  pas  de  nombreuses 
touches  qui  correspondent  à  des  notes  très-diverses? 
est-il  pour  cela  privé  d'unité?  Pourquoi  donc  l'instru- 
ment cérébro-intellectuel  ne  serait-il  pas  un  et  multiple 
tout  ensemble  ? 

Une  seconde  raison  qui  a  sa  valeur,  c'est  la  similitude 
que  l'on  peut  établir  entre  les  sens  internes  et  les  sens 
externes.  De  ce  que  nous  avons  un  organe  pour  recevoir 
les  impressions  de  couleur  et  de  forme,  un  autre  pour 
les  impressions  des  sons ,  trois  autres  pommes  trois  autres 
'séries  d'impressions  extérieures,  l'homme^n  est-il  -moins 
une  unité  mtellectuelle  et  matérielle  ?  Pourquoi  donc  cette 
division  du  travail  établie  pour  les  sens  ;  ne  le  serait-elle 
pas  pour  les  facultés  d'un  autre  ordre  ?  Comment  répugne- 
rait-il d'admettre,  pour  ces  dernières,  ce  que  nous  voyons 
pour  les  autres  ? 


BU  SIÈCLE.  501 

N*a-t-on  pas  fait  une  série  parlante  aux  yeux ,  en  dessi- 
nant une  succession  de  profils  d*animaux  dont  les  fronts, 
depuis  la  grenouille,  se  redressent  constamment,  de  manière 
à  arriver  au  front  de  l'homme  par  des  transitions  bien 
ménagées ,  par  une  insensible  graduation. 

La  forme  générale  du  cerveau  étant  la  même  chez  tous 
les  hommes,  cette  forme  n'explique  nullement  les  variétés 
psycologiques  :  il  faut  donc  qu'elles  résident  dans  des  par- 
ties isolées.  Ces  parties  isolées,  quelle  que  soit  leur  liaison, 
ne  peuvent  être  que  des  organes  différents. 

N*a*t-on  pas  vu  souvent  une  blessure,  un  corps  étranger, 
exalter  ou  supprimer  une  faculté  intellectuelle  ?  N'est-ce 
pas  il  la  suite  d'une  chute  que  Grétry  est  devenu  tout-à- 
coup  un  musicien  si  remarquable  ?  N'a-t-on  pas  des  exem- 
ples de  personnes  qui  ont  perdu,  sans  aucune  altération 
des  autres  facultés  intellectuelles ,  la  faculté  de  parler  et 
d'écrire  les  noms,  par  suite  de  la  blessure  du  nerf  appelé  la 
corde  du  tympan?  N'a-t-on  pas  vu  la  compression,  par 
une  tumeur  des  lobés  antérieurs  du  cerveau,  détruire 
complètement  la  faculté  du  langage?  N'y  a-t-il  pas  des 
exemples  d'apoplexie  qui  n'ont  altéré  qu'une  seule  faculté 
de  l'intelligence,  comme  la  mémoire  des  lieux  et  des  formes, 
fait  curieux  dont  j*ai  en  ce  moment,  sous  les  yeux ,  un  cas 
remarquable  ?  Quelle  autre  hypothèse  que  celle  de  la 
multiplicité  des  organes  pourrait  expliquer  ces  faits  inté- 
ressants ? 


EXPOSÉ  DE  LA  DOCTRINE  DE  GALL. 


Gall  ne  s'est  pas  borné  à  émettre  les  principes  de  phré- 
nologie  qui  nous  ont  conduit  à  notre  étude  de  l'intelligence 
humaine  ;  il  est  allé  plus  loin ,  il  a  fait  l'anatomîe  intellec- 
tuelle de  cette  intelligence,  et  il  a  cherché  à  localiser  chaque 
faculté  de  l'esprit  dans  un  organe  spécial  du  cerveau.  — 


802  PHILOSOPHIE 

La  première  partie  de  cette  grande  élude ,  celle  qui  a  servi 
de  fondement  à  notre  travail,  est  inattaquable  avec  les 
modifications  que  nous  lui  avons  fait  subir  ;  la  seconde  ne 
Test  pas,  on  peut  en  discuter  les  détails.  Cependant  Gall 
est  allé  plus  loin  encore ,  il  a  fait  une  troisième  oeuvre ,  il 
a  créé  une  science  nouvelle  la  cranioscopie  qui  apprécie  les 
facultés  de  Thomme  d'après  la  forme  de  sa  boite  osseuse. 
Evidemment  la  cranioscopie  ou  craniologie  ne  peut  donner 
que  des  indications  semi-positives;  leur  valeur  diminue 
encore  quand  on  tient  compte  de  tout  ce  qui  peut  influencer 
les  formes  de  la  boîte  cérébrale ,  cependant  elle  n'est  pas 
à  dédaigner.  Chez  tous  les  hommes  de  génie ,  chez  tous  les 
êtres  extraordinaires,  ses  indications  générales  sont  le  plus 
souvent  justifiées  par  l'expérience,  et  je  ne  comprendrais 
pas  que  les  artistes  qui  en  ont  fait  si  longtemps  par  ins- 
tinct, oubliassent  aujourd'hui  d'étudier  ses  règles  quand 
elles  s'appuient  sur  des  données  généralement  vraies. 

Depuis  peu  l'on  a  accusé  Gall  d'avoir  menti  à  la  science 
j^t  présenté  comme  des  observations  positives  des  faits  par 
titi  fabriqués.  Si  cette  assertion  était  vraie,  elle  dimi- 
nuerait l'estime  que  Ton  doit  à  son  caractère ,  mais  elle 
ne  modifierait  en  rien  nos  démonstrations ,  puisque  nous 
n'en  avons  pas  tenu  compte ,  n'ayant  jamais  partagé  les 
idées  de  Gall  sur  la  localisation  cranioscopique  des  facultés 
cérébro-intellectuelles  dans  ce  qu'il  a  voulu  lui  attribuer 
d'absolu. 

Notre  maître  comptait  vingt-sept  organes  cérébraux, 
sur  lesquels  dix-neuf  communs  à  l'homme  et  aux  animaux , 
et  huit  privatifs  à  l'homme  et  servant  à  consacrer  sa 
supériorité. 

Les  premiers  sont  les  organes  : 

1**  De  la  propagation  de  l'espèce;  —  ¥  de  l'amour 
maternel  ;  — S**  de  l'amitié  ;  —  4**  de  la  défense  de  soi-même  ; 

—  5**  de  l'instinct  carnassier  (amour  de  la  destruction); 

—  6**  de  la  vie  ;  —  ?•  de  l'amour  de  la  propriété  ;  — 8**  de 
l'orgueil  ou  plutôt  de  la  personnalité;  —  9"  de  la  vanité 
ou  plutôt  de  l'amour  de  l'approbation  ;  —  10"  de  la  cir- 
conspection; —  11**  de l'éducabilité ;  —  12**  des  localités; 

—  13**  des  sens  ;  —  14°  des  personnes;  —  16°  des  mots  et 


DU  SIÈCLE.  505 

da  langage  artificiel;  — 16^  des  couleurs;  —  17^ des  tons; 

—  18**  des  nombres  ;  —  19®  de  la  mécanique. 
Les  organes  propres  à  l'bonune  sont  : 

Les  instincts  religieux  ;  —  delà  fermeté  ; — de  l'imitation  ; 

—  de  la  bienveillance  ;  —  de  Tesprit  de  saillie  ;  —  du 
talent  poétique  ;  —  de  Tesprit  métaphysique  ;  —  de  la 
sagacité  comparative. 

Spurzheim ,  collaborateur  de  Gall ,  admettait  encore 
quek^ues  autres  organes ,  à  savoir,  ceux  : 

De  rinstinct  du  séjour  ;  —  de  Tordre ,  du  temps  ;  —  un 
organe  de  la  justice;  —  un  autre  de  l'espérance;  —  un 
autre  de  la  surnaturalité  ;  —  un  autre  du  sens  de  l'é- 
tendue ;  —  puis  trois  autres  encore  pour  la  configuration , 
la  consistance  et  la  pesanteur  des  corps. 

Il  importe  médiocrement  d'admettre  les  vingt-sept  organes 
principaux  de  Gall,  ou  la  division  de  Spurzheim,  que  nous 
préférons.  Quelle  que  soit  celle  que  l'on  accepte,  elle  devra 
répondre  soit  par  les  noms  de  ses  organes  principaux ,  soit 
par  des  sous-divisions,  à  toutes  les  facultés  de  l'entendement. 

Gall  rapportait,  et  il  était  alors  entièrement  dans  le 
vrai,  toutes  les  facultés  spéciales  à  l'homme  à  la  partie 
antérieure  et  supérieure  du  cerveau ,  à  celle  sur  laquelle  se 
trouve  appuyé  fos  du  front, 

Gall  admettait  encore  que  plus  ime  faculté  est  indispen- 
sable f  plus  son  organe  se  rapproche  de  la  ligne  médiane  et 
de  la  base  du  cerveau.  Il  reconnaissait  aussi  que  les  facultés 
qui  se  prêtent  secours  sont  juxta-posées ,  d'où  cette 
conséquence,  que  l'on  pourrait  réduire  tous  les  organes 
cérébraux  essentiels  à  l'homme  à  un  petit  nombre.  Telle 
est  notre  manière  de  voir.  Nous  croyons  que  l'instinct  reli- 
gieux ou  religiosité,  l'instinct  philosophique  ou  causalité, 
ainsi  nommé  parce  qu'il  conduit  à  la  recherche  des  causes , 
rinstinct  de  la  bienveillance  ou  sociabilité  et  l'instinct 
artistique  ou  idéalité ,  peuvent  être  considérés  comme 
quatre  facultés  cardinales  exclusives  à  l'homme ,  en  ce  sens 
qu'elles  sont  à  peine  rudimentaires  chez  les  animaux.  De 
la  combinaison  de  ces  quatre  tendances,  naîtront  une  foule 
de  facultés  composées. 

Cette  manière  de  présenter  les  faits  est  celle  que  nous 


S04  PHILOSOPHIE 

avions  adoptée  dans  notre  Philosophie  du  Socialisme 
f  Sandre,  Paris  1850),  mais  nous  croyons  l'avoir  perfec- 
lectionnée  en  réduisant  à  trois  facultés  cardinales  et  à  neuf 
facultés  de  second  ordre,  tous  les  instincts  qui  méritent  le 
nom  d'instincts  humains. 

Voici  du  reste  comment  Gall  procédait  ei  dans  son  cours 
et  dans  ses  écrits  :  d'abord  il  commençait  par  établir  la 
nécessité  et  Tinnéité  de  la  faculté  dont  il  s'occupait.  Il  indi- 
quait ensuite  les  époques  de  son  apparition ,  de  sa  pléni- 
tude ,  de  sa  décroissance ,  ses  caractères  spéciaux  selon  les 
âges  et  les  sexes,  enfin  d'après  Teiamen  d'un  grand 
nombre  de  cerveaux  d'hommes  et  d'animaux,  il  arrivait  à 
indiquer  sa  localisation.  Il  appelait  godt  l'énergie  d'un 
orj^ane  manifestée  par  des  désirs  fréquents  mais  modérés; 
passion,  l'énergie  manifestée  par  une  extrême  activité, 
montrant  successivement  toute  la  différence  qui  existe  entre 
le  goût  et  la  passion  de  la  recherche  des  causes,  le  goAt 
et  la  passion  de  la  sociabilité.  Une  fois  placé  sur  ce  terrain, 
il  ne  tardait  pas  à  conclure  que  la  possibilité,  le  goût,  le 
penchant,  le  besoin,  la  passion  peuvent  se  dire  de  toutes 
les  facultés  dont  ils  ne  sont  que  des  degrés  divers.  A  côté 
des  modes  de  quantité ,  il  admettait  aussi  des  modes  de 
qualité ,  des  modes  affectifis ,  comme  ceux  de  plaisir  et  de 
peine. 

Procédant  d'après  ses  nombreuses  observations ,  il  par- 
tageait les  hommes  en  cinq  classes  :  la  première,  chez 
laquelle  prédominent  toutes  les  facultés  spéciales  à  l'homme, 
serait  admirablement  organisée  pour  pratiquer  avec  facilité 
et  même  avec  bonheur  l'étude  et  la  vertu,  c'est-à-dire 
pour  recourir  à  la  prière  des  forts  et  pour  arriver  au  résultat 
qu'elle  prépare ,  par  la  grâce  qu'elle  donne ,  c'est-à-dire 
par  le  savoir.  A  cette  classe  appartiennent  ces  organisations 
d'élite  qui  dominent  le  monde  sous  les  noms  de  Confucius , 
de  Zoroastre ,  de  Pythagore ,  de  Moïse ,  de  Socrate  , 
d'AppolIonius  de  Thiane ,  de  Descartes ,  de  Leibnitz ,  de 
Condorcet.  A  cette  classe  il  faut  ajouter  encore  en  seconde 
ligne,  la  masse  des  grandes  célébrités  dans  la  théologie  et 
la  science  appliquées  aux  améliorations  sociales. 

Gall  faisait  une  seconde  classe  des  individus  chez  lesquels 


DU  SIÈCLE.  505 

dominent  les  facultés  animales.  Moins  portés  vers  Tidéal , 
moins  bien  organisés  pour  Tétude ,  moins  heureusement 
partagés  par  la  nature,  moins  préparés  par  leurs  organes 
à  pratiquer  le  bien ,  c'est-à-dire  ce  qui  est  utile  à  tous , 
ils  ont  besoin  de  cette  éducation ,  de  cette  culture  que  nous 
donnons  aux.  plantes  de  nos  jardins,  dont  la  faiblesse 
réclame  appui  et  direction.  Malheur  aux  sociétés  qui  ne 
sauraient  pas  prévenir  leurs  fautes  par  une  éducation  en 
harmonie  avec  leurs  besoins  ;  malheur  aux  législateurs  qui 
n'auront  pas  prévu  les  vices  ou  l'insuffisance  de  l'éducation 
de  ces  hommes  :  c'est  pour  eux  surtout  qu'il  importe  que 
les  lois  humaines  ne  soient  que  des  lois  acceptées  et  approu- 
vées par  la  physiologie. 

Le  grand  phrénologue  faisait  une  troisième  classe  de  ces 
individus  chez  lesquels  les  facultés  humaines  et  les  facultés 
communes  aux  animaux  sont  également  très-développées. 
A  ces  organisations  exceptionnelles ,  il  faut  une  très-habile 
éducation  :  c'est  chez  eux  tout  naturellement  que  l'on 
trouve  À  la  fois  et  les  plus  grands  hommes  dans  l'ordre 
politique,  et  les  plus  grands  criminels.  Généralement  plus 
énergiques ,  plus  vigoureux ,  plus  complets  que  les  autres 
individus,  ils  les  dominent  et  les  entraînent;  ils  portent 
souvent  des  noms  célèbres.  Qu'ils  s'appellent  César, 
Bujaud ,  Alexandre ,  Napoléon ,  Danton  ou  Mirabeau ,  tous 
sont  doués  d'une  indomptable  activité,  d'une  fougueuse 
énergie. 

La  quatrième  classe  se  compose  de  ces  hommes  qui  ont 
toutes  les  facultés  ordinaires,  à  l'exception  d'une  seule  qui 
se  trouve  développée  d'une  façon  toute  exceptionnelle. 

Gall  rangeait  dans  une  cinquième  classe  la  grande 
masse ,  c'est-à-dire  ceux  qui  n'ont  rien  de  saillant  ni  en 
bimi  ni  en  mal. 

Sans  avoir  tiré  de  sa  doctrine  toutes  les  déductions 
possibles,  il  avait  porté  très-loin  ses  pressentiment*,  et  s'il 
posait  à  son  cours  ses  conclusions  sous  forme  de  questions , 
il  était  souvent  bien  moins  résen^é  dans  l'intimité.  Alors  il 
n'hésitait  pas  à  vous  dire  avec  un  accent  de  conviction 
profonde  : 

«  L'état  de  perfection  acquis  au  cerveau  par  l'exercice 


506  PHILOSOPHIE 

»  au  sein  d'une  société  fortement  distinguée ,  sous  le 
»  rapport  des  organes  spéciaux  à  Thomme ,  se  transmet 
»  de  génération  en  génération ,  et  c'est  de  la  sorte  que 
»  s'améliorera  la  race  humaine.  Ainsi  s'expliquent  les  divcr- 
»  sites  cérébrales  de  races  douées,  primitivement  peut-être, 
»  d'une  égale  aptitude.  Ma  doctrine  doit  devenir  la  base 
»  des  systèmes  d'éducation  et  de  législation.  Ceux  qui  ont 
»  voulu  et  qui  voudront  diriger  les  hommes,  soit  dans  l'en- 
»  fancc,  soit  dans  l'âge  viril ,  sans  avoir  étudié  leurs  di- 
»  verses  natures  et  les  conditions  physiologiques  de  leurs 
»  organes,  voilà  les  véritables  auteurs  des  révolutions  pas- 
»  sées  et  futures ,  voilà  les  oppresseurs  les  plus  dangereux 
»  pour  l'humanité.  Jamais  leur  autocratie  ne  laissera  de 
»  grands  souvenirs  ;  elle  pourra  se  lier  à  de  grandes  œuvres, 
»  mais  en  fin  de  compte  elle  exercera  toujours  une  action 
»  dangereuse  et  subversive ,  eu  égard  à  ce  qui  devrait  exis- 
»  ter.  » 

Gall  avait  été  dans  sa  jeunesse  oiseleur,  pôcheur  et  chas- 
seur habile  :  aussi ,  ce  savant  naturaliste  avait-il  eu  l'oc- 
casion d'étudier  l'intelligence  sous  toutes  ses  formes,  depuis 
l'homme  jusqu'aux  animaux  les  plus  inférieurs.  Ses  leçons 
étaient  semées  d'anecdotes  curieuses  et  servant  toujours  à 

Srouver  sa  doctrine.  Il  possédait  une  magnifique  collection 
e  crânes  d'hommes  célèbres  et  d'animaux ,  dont  il  faisait 
usage  dans  ses  cours. 

Le  résumé  rapide  que  nous  venons  d'en  faire  suffit  pour 
que  l'on  comprenne  une  doctrine  qui  n'a  trouvé  d'adver- 
saires réels  que  parmi  les  hommes  qui  croyaient  avoir  à  la 
combattre,  un  intérêt  de  position.  —  Les  plus  sceptiques 
l'ont  acceptée  après  l'avoir  long-temps  rejetée.  —  Brous- 
sais  finit  par  se  rendre  à  la  logique  de  ses  déductions 
et  par  devenir  ultérieurement  le  continuateur  de  son  an- 
cien adversaire.  —  Nous  devons  ajouter  encore  qu'en  gé- 
néral ce  sont  des  esprits  plus  érudits  que  philosophiques , 
et  peu  titrés  en  facultés  sociables,  qui  attaquent  la  doctrine 
cérébro-intellectuelle  que  nous  venons  d'exposer,  affectant 
de  confondre  constamment  et  la  science  conjecturale  de  la 
cranioscopie ,  et  la  science  positive  appelée  phrénologie. 
Encore  un  coup ,  qui  oserait  nier  qu'il  n'y  ait  au  cerveau 


DU  SIÈCLE.  507 

des  fibres  du  mouvement ,  des  fibres  du  sentiment  et  des 
parties  consacrées  à  rintelligenee  ?  Si  Tanatomie  n'a  pas 
encore  découvert  les  divisions  de  ces  dernières,  c'est  la 
faute  de  Vanatomie  qui,  le  scalpel  à  la  main ,  est  restée  en 
arrière  de  nos  observations  journalières  et  des  curieuses 
expériences  fournies  par  de  nombreux  accidents.  Qui  donc 
oserait  dire  qu'il  n'y  a  de  vérités  en  physiologie  que  celles 
qui  se  prouvent  par  le  scalpel ,  niant  ainsi  la  méthode  à 
laquelle  nous  devons  notre  science  moderne. 


DES  MONSTRUOSITES  MORALES. 


Quelque  rapide  que  doive  être  cette  étude,  nous  aurions 
regret  de  laisser  une  lacune  importante  dans  le  chapitre 
des  facultés  intellectuelles.  Y  a-t-il  des  monstruosités  mo- 
rales? qu'entend-<Mi  désigner,  que  faut-il  désigner  sous 
cette  dénomination?  Telle  est  la  grande  question  qu'il 
importe  de  résoudre  avant  de  passer  outre. 

Si  l'intelligence  humaine  se  manifeste  au  moyen  d'un 
principe  éthéré ,  è  la  manière  de  l'électricité ,  de  la  cha- 
leur et  de  la  lumière^  ce  qu'il  est  naturel  d'admettre  et 
d'accepter  encore  que  nous  n'en  ayons  aucune  preuve 
positive,  toujours  est-il  que  cette  manifestation  ne  peut 
avoir  lieu  sans  cet  organe  que  nous  appelons  le  cerveau. 
L'intelligence  et  le  cerveau  sont,  par  suite,  étroitement 
liés  et  solidaires. 

Il  résulte  d  priori  de  tout  ce  que  nous  avons  écrit  en  ce 
livre  que,  des  trois  octaves  cérébraux,  c'est  celui  des 
facultés  morales  ou  humaines  qui  court  le  plus  risque  de 
manquer  d'une  façon  congénitale ,  parce  qu'il  est  le  dernier 
manifesté  dans  la  série  des  êtres,  et  que  dans  chacun  de 
ces  trois  octaves ,  l'une  des  notes  peut  faire  défaut  d'une 
manière  absolue,  ou  tout  au  moins  présenter  un  haut  degré 
d'imperfection. 


508  PHILOSOPHIE 

Il  est  dans  la  nature  des  animaux  d'aimer  leurs  petits  ; 
il  y  a  cependant  des  mâles  qui  les  tuent,  parce  qu'ils 
nuisent  à  leurs  amours.  Il  est  aussi  dans  la  nature  des 
femelles  de  les  tendrement  soigner,  et  cependant  il  est , 
même  parmi  les  chattes  et  les  poules,  des  exceptions  à 
cette  règle.  Pourquoi,  chez  certains  hommes,  ce  vice  orga- 
nique ne  se  présenterait-il  pas  exceptionnellement  ? 

Isidore  Saint -Hilaire  a  dit  avec  beaucoup  de  savoir, 
les  plus  grosses  et  principales  des  anomalies  cérébrales; 
mais  il  n'a  pas  poursuivi  son  thème  jusqu'au  bout.  Man- 
quant de  faits  anatomiques ,  il  n'a  pas  voulu  s'appuyer  sur 
les  faits  d'ordre  social.  Son  travail  demande  un  complé- 
ment :  le  voici ,  en  attendant  mieux. 

Au-dessus  des  acéphaliens,  nous  trouvons  les  paracé- 
phaliens  ;  au-dessus  de  ceux-ci ,  les  otocéphaliens ,  puis  les 
cyclocéphaliens ,  puis  les  anencéphaliens ,  puis  les  pseudo- 
céphaliens  et  les  célosomiens ,  les  syméliens  et  les  ectro- 
méliens  fvoir  page  350).  Cette  série  n'est  pas  terminée 

Suoiqu'elle  le  paraisse  :  entre  les  ectroméliens ,  qui  ont 
es  organes  avortés  et  incomplets ,  et  l'homme ,  le  plus 
complet ,  se  placent  tout  naturellement  toutes  les  anomalies 
de  moins  en  moins  prononcées  du  cerveau. 

J'entends  d'ici  les  anatomistes  qui  me  demandent  la 
preuves  de  ces  anomalies.  —  La  preuve ,  je  n'en  ai  pas 
une ,  mais  plusieurs  :  si  toutes  les  anomalies  du  système 
circulatoire  de  l'homme  correspondent  à  des  états  définitifs 
et  normaux  des  animaux  inférieurs  à  nous ,  par  contre  les 
animaux  inférieurs  à  nous  doivent  retrouver  leurs  simili- 
tudes dans  nos  anomalies.  Or,  pourquoi  le  cerveau  ferait-il 
exception  à  cette  règle  ;  pourquoi  n'y  aurait-il  pas  des  mons- 
tres moraux  sous  le  nom  et  sous  la  forme  apparente  de  l'hom- 
me ,  c'est-à-dire  des  hommes  dépourvus ,  en  tout  ou  partie , 
de  l'octave  cérébral  qui  correspond  aux  facultés  morales? 
pourquoi  n'y  aurait-il  pas  aussi  des  monstres  intellectuels? 
Remarquons  qu'à  certains  égards ,  diverses  races  hu- 
maines remplissent  cette  double  lacune.  Les  unes  manquent 
d'intelligence  et  surtout  d'humanité  ;  les  autres,  médiocres 
au  point  de  vue  de  l'humanité,  sont  presqu'entièrement 
dépourvues  d'intelligence. 


BU  SIÈCLB.  â09 

Nous  avons  vu,  à  l'article  des  sens  et  de  la  vision  ,  que 
la  faculté  de  juger  les  couleurs  fait  absolument  défaut  à 
certains  hommes.  Confondre  le  bleu  et  le  rouge,  c'est  en 
quelque  sorte  confondre,  dans  un  autre  ordre,  le  juste  et 
rinjuste ,  le  bien  et  le  mal.  Ne  distinguer,  comme  le  doc- 
teur allemand  Sommer,  ni  le  lilas,  ni  le  poncoau,  ni  le 
cramoisi  ;  confondre  toutes  ces  couleurs,  c'est  commettre  , 
à  regard  des  couleurs,  la  même  faute  que  Ion  commettrait, 
dans  Tordre  social,  si  Ton  confondait  aussi  toutes  les 
nuances  de  la  délicatesse  et  de  Téquité. 

Si  les  anatomistes  n'ont  pu  encore  reconnaître ,  dans  le 
cerveau,  l'absence  ou  le  développement  suffisant  des  fa- 
cultés consacrées  aux  couleurs,  et  si  leur  impuissance 
est  la  même  pour  ce  qui  regarde  les  organes  des  fa- 
cultés morales,  cela  prouve  contre  l'anatomie,  science 
toute  moderne,  dont  les  grands  progrès,  surtout  pour  le 
système  nerveux ,  datent  d'un  demi- siècle  ;  mais  cela  ne 
prouve  rien  contre  la  thèse  que  nous  soutenons ,  et  ne  sau- 
rait infirmer  en  aucune  manière  les  faits  sur  lesquels  elle 
s'appuie. 

Si  les  reins  de  l'homme,  si  ses  parties  sexuelles  et  ses 
autres  organes ,  aux  diverses  époques  de  son  embryologie , 
représentent  les  états  permanents  d'animaux  inférieurs,  et 
s'il  est  constant  qu'il  peuvent  s'arrêter  quelquefois  à  cet 
état  sans  passer  à  des  développements  ultérieurs ,  le  même 
phénomène  a  heu  nécessairemment  pour  les  diverses  par- 
ties du  cerveau  :  de  plus,  ce  phénomène  pourra  se  présen- 
ter héréditairement ,  comme  nous  l'avons  vu  pour  l'achro- 
mateupsie. 

Réveillon ,  petit-fils  d'assassin ,  fds  d'assassin ,  assassin 
lui-même ,  dont  la  tête  nous  a  passé  entre  les  mains , 
représentait  passablement,  par  la  forme  de  son  crâne, 
quelques-uns  des  naturels  de  la  Nouvelle-Zélande.  Chez 
lui ,  les  facultés  perceptives  étaient  développées ,  l'intelli- 
gence ne  lui  faisait  pas  faute.  Sa  boîte  osseuse  était  celle 
d'un  Carnivore;  elle  rappelait  le  chat,  le  tigre,  le  renard. 
Le  front  ne  possédait  en  élévation  que  le  tiers  de  la  hauteur 
ordinaire ,  mais  il  était  suffisamment  développé  dans  le 
sens  latéral.  Cet  homme ,  dont  le  crâne  nous  fut  envoyé , 

3â 


ëlO  PHILOSOPHIE 

comme  défi,  par  notre  ami  rex-minislre  Freslon,  alors 
avocat  à  Angers ,  et  que  nous  jugeâmes  cranioscopiquement 
avant  d'avoir  su  son  histoire ,  fut  apprécié  par  nous  comme 
il  devait  Tètre. 

Voici  maintenant  une  femme,  Hélène  Jegado,  qui  a 
commis  qn  nombre  énorme  d'empoisonnements  en  servant 
à  ses  maîtres,  dans  les  diverses  maisons  où  elle  a  été 
domestique,  de  Tarsénic  et  peut-être  d'autres  substances 
vénéneuses.  Pour  les  motifs  d'inimitié  les  plus  légers,  les 
plus  frivoles,  elle  empoissonnait  comme  d'autres  boudent. 
—  Me  dira-t-on  qu'elle  jouissait  de  ce  que  l'on  appelle  le 
libre  arbitre?  Ce  libre  arbitre,  dépourvu  de  sa  sanction 
morale,  n'était-il  pas  très-inférieur,  très-imparfait,  comme 
le  serait  le  libre  arbitre  d'une  bête  fauve  ? 

En  général ,  chez  les  êtres  qui  sont  privés  des  facultés 
morales,  le  repentir  n'existe  pas  :  ils  peuvent  regretter  de 
n'avoir  pas  volé  ou  tué  telle  ou  telle  personne,  jamais 
d'avoir  tué  telle  ou  lelle  autre,  à  moins  qu'ils  n'aient  nui , 
en  le  faisant,  à  leurs  propres  intérêts  matériels. 

Cette  doctrine  des  monstruosités  sociales  par  arrêt  de 
développements,  par  vice  cérébro-moral,  conduit  directe- 
ment à  un  nouveau  mode  de  système  pénitentiaire.  — 
Dans  divers  cas,  elle  supprime  la  punition  pour  la  rem- 
placer par  une  éducation  complémentaire.  —  Dans  les 
autres ,  elle  supprime  encore  la  punition  en  tant  que  péni- 
tence conduisant  au  repentir;  mais  alors  elle  prend  vis-à- 
vis  l'ôtre  humain,  nuisible  à  la  société,  les  mêmes  précau- 
tions qu  elle  prendrait  vis-à-vis  de  cannibales  ou  vis-à-vis 
de  bêtes  féroces.  Il  ne  convient  pas  de  revenir  ici  sur  le 
thème  développé  page  481 ,  ni  de  parler  de  l'influence  si 
souvent  contagieuse  de  l'imitation  ;  mais  nous  devons 
répéter  que  les  questions  judiciciaires  qui  concernent  les 
crimes  tomberont  chaque  jour  davantage  dans  le  domaine 
de  la  physiologie.  De  là  l'indispensable  nécessité  de  faire 
étudier,  dans  toutes  les  grandes  écoles ,  les  fonctions  du 
système  nerveux,  et  surtout  les  trois  ordres  —  animal, 
intellectuel  et  moral  —  des  fonctions  cérébrales  de  l'être 
humain. 

Les  femmes  doivent-elles  être  exclues  de  cette  étude  ? 


DU   SIÈCLE.  SU 

—  J'ai  quelque  honte  de  poser  cette  question  qui  sent  le 
brahmanisme. — Non,  la  femme  ne  doit  pas  en  être  exclue  : 
chargée  encore  plus  que  l'homme  d'une  mission  éducatrice 
et  maternelle ,  elle  a  au  contraire  un  incessant  besoin  de 
connaître  ces  lois  de  la  nature  dont  elle  est  appelée  à  faire 
à  toute  heure  l'application. 

Cette  rapide  esquisse  suffit  pour  établir  notre  thèse  : 
d'antres  se  donneront  mission  de  la  développer  et  d'en 
mettre  en  évidence  pour  tous ,  par  de  nombreux  exemples, 
la  scienti^iue  vérité. 


DE  LA  MORALE. 


L'humanité  a  longtemps  vécu  sans  comprendre  suffisam- 
ment qu'il  en  est  de  la  morale  comme  de  toutes  les 
connaissances  humaines,  qu'elle  est  perfectible  et  pro- 
gressive, nullement  dans  son  essence,  mais  dans  l'intelli- 
gence que  nous  en  avons  et  surtout  dans  noire  habileté 
pratique  à  la  mettre  en  œuvre. 

Quoi  !  direz-vous  peut-être ,  cette  morale  si  douce  qui , 
dans  la  famille ,  commande  l'obéissance  à  l'épouse  et  aux 
eofants ,  qui  va  au-devant  des  pauvres  pour  soulager  leurs 
infortunes  ;  cette  morale  qui  s'expose  aux  épidémies ,  qui  a 
créé  les  hôpitaux ,  qui  y  veille  au  chevet  des  malades ,  qui 
entre  dans  les  prisons  et  même  dans  les  bagnes,  pour  y 
prêcher  l'amour  qui ,  selon  les  besoins ,  associe  les  eflorts 
ou  les  individualise ,  ce  ne  serait  pas  encore  la  perfection  ! 
Philosophe  impitoyable ,  cœur  de  fer,  je  ne  veux  ni  dé  ta 
raison  glacée ,  ni  de  ton  progrès  qui  m'arracherait  l'âme  : 
heureux  d'aimer  et  d'adorer  en  une  certaine  manière  ,  je 
ne  désire  point  changer,  je  veux  continuer  à  aimer  et  à 
adorer,  comme  le  faisaient  nos  pères,  en  m'énivrant  de 
rêverie  et  de  sentiment ,  en  contmuant  mes  si  charitables 
aumônes.  La  poésie  du  passé,  ce  bel  ange  de  ma  vie , 


512  PHILOSOPHIE 

secouera  sur  ma  lète  ses  grandes  ail^s  pour  me  donner 
toute  quiétude;  et  quand  j'aurai  fait,  dit  sa  voix  inté- 
rieure, selon  mon  cœur  et  selon  mes  forées ,  je  pourrai 
dormir  en  paix  :  Dieu  ne  demande  rien  de  plus  à  ses 
créatures. 

En  face  de  la  science  ,  ô  enfant ,  pourquoi  cette  plainte 
d  une  âme  craintive,  pourquoi  cette  prévention  prématurée? 
La  raison  vraie ,  quelqu'austère  que  soit  son  langage ,  est 
toujours  une  émanation  de  la  sagesse  universelle  et  infinie. 
Le  progrès ,  c'est  la  marche  dans  la  ligne  qu'elle  nous  a 
tracée.  Qui  donc  t'a  demandé  de  renoncer  à  la  poésie,  à 
l'amour  ?  si  nous  voulons  supprimer  l'aumône  impuissante, 
n'est-ce  point  pour  mieux  faire  encore  en  recourant  à 
l'assurance  universelle  ?  Qui  donc  voudrait  détruire  la 
foi ,  supprimer  l'espérance  et  remplacer  la  fraternité 
humaine  et  ses  divines  conséquences  par  le  néant  ?  Je  ne 
veux  ni  glacer  ton  cœur,  ni  comprimer  les  élans  de  ton 
âme  ;  mais  je  te  demande  de  t'éclairer  sur  les  exigeances 
de  la  souveraine  justice.  Tu  peux  savoir,  tu  sais,  je  n'en 
doute  pas ,  quel  bien  tu  désires  qui  te  soit  fait  ;  mais 
apprends  donc  avant  tout  à  connaître  celui  que  tu  pourrais 
désirer,  si  tu  étais  pauvre  et  souffrant.  Homme  de  doute , 
malgré  tes  prétentions  au  monopole  de  la  foi ,  sache  com- 
prendre que  j'appelle  ta  bonté  à  s'exercer  dans  la  ligne  des 
devoirs  imposés  par  la  sagesse  étemelle  et  tracés  par  le 
plan  d'ensemble  de  la  nature. 

Cette  bonté,  qu'elle  devienne  tendre  comme  la  pensée 
d'une  amante ,  pleine  de  tolérance  et  d'affection  comme  le 
cœur  d'une  mère  ;  mais  en  même  temps  qu'elle  pense  à 
l'avenir  pour  se  pénétrer  des  grandes  choses  qui  évoquent 
chaque  jour  l'âme  humaine  ;  qu'elle  fasse  appel  aux  plus 
nobles  tendances  de  notre  être;  qu'elle  ait  sans  cesse 
l'idéal  pour  but ,  et  alors  elle  deviendra  la  règle  morale 
selon  la  science. 

Est-ce  donc  amoindrir  la  parole  sentimentale  du  Christ 
que  de  la  développer  au  flambeau  des  lois  de  la  nature  ? 
Ses  charmes  d'amour  et  de  poésie  seront-ils  moins  grands 
parce  qu'ils  s'exerceront  sur  un  théâtre  plus  élevé ,  plus 
vaste  et  plus  digne  de  l'humanité? 


DU   SIÈCLE.  513 

L'étude  et  la  science,  les  faits  passés  et  rexpérienco  qui 
en  découle ,  doivent  jouer  désormais ,  dans  la  vie  sociale , 
un  rôle  inconnu  chez  nos  \)èves.  Noire  industrie,  qui  du 

Srolétariat  s'élève  vers  l'association ,  a  grandi  de  toute  la 
istance  qui  sépare  l'association  moderne  de  l'esclavago 
antique,  l'assurance  mutuelle  de  l'individualisme,  le  savoir 
scientifique  moderne  du  savoir  rudimentaire  des  époques 
antérieures  au  XVP  siècle.  —  Nous  ne  sommes  plus  dans 
ces  temps  où  les  hauts  enseignements  ne  se  distribuaient 
qu'à  un  petit  nombre  d'initiés  ;  où  les  prêtres  d'Egypte , 
Orphée,  Pythagore  et  tant  d'autres,  imposaient  silence  à 
leur  savoir  en  présence  des  masses  ignorantes  ;  où  les  chefs 
des  premiers  chrétiens  eux-mêmes  hésitaient  à  écrire  soit 
leur  credo ,  soit  les  paroles  sacramentelles  de  la  consécra- 
tion, dans  la  crainte  des  profanes.  La  morale  doit  donc 
prendre  une  direction  nouvelle  au  milieu  de  faits  nou- 
veaux. 

Tout  le  monde ,  dit-on ,  a  pour  croyance  aujourd'hui  que 
les  temps  qui  vont  venir  seront  essentiellement  différents 
des  temps  passés.  Il  est  cependant  encore,  au  sein  de 
notre  société,  des  hommes  ,  intelligents  sous  d'autres 
rapports ,  qui  tiennent  pour  l'immobilité.  L'enfant  de  nos 
viÛes  et  surtout  de  nos  campagnes ,  s'étonne  à  la  vue  d'un 
costume  nouveau.  Il  ne  s'imagine  pas  que  l'on  puisse  être 
autrement  habillé  que  ceux  qui  l'entourent,  et  s'il  entend 
parler  de  quelques  vêtements  autres  que  ceux  qu'il  aperçoit 
chaque  jour,  il  les  juge,  de  prime  abord  et  sans  réflexion 
aucune,  ridicules  et  malaisés  :  il  ne  comprend  que  gens 
d'espèce  humaine  puissent  être  accommodés  de  la  sorte , 
encore  que  ces  vêtements  soient  amples,  gracieux,  pleins 
d'élégance  et  de  confortable.  Ces  enfants,  vous  les  retrouvez 
dans  le  monde  :  ce  sont  les  immobiles,  espèce  traînarde 
et  criarde.  Qui  a  lu  quelque  peu  l'histoire  les  connaît  do 
reste.  Ils  ont  maudit  Zoroastre,  Moïse,  Orphée  et  Pytha- 
gore, Socrate,  Platon,  Aristote  et  les  plus  vaillants  cham- 
pions de  la  philosophie  ;  ils  ont  maudit  le  Christ  et  les 
Apôtres  ses  lieutenants,  les  découvertes  delà  science,  les 
progrès  des  arts  et  de  l'industrie  ;  tous  les  jours  ils  se  plai- 
gnent des  inventions  nouvelle*.  La  vapeur,  le  gaz,  les 


6li  PHILOSOPHIE 

chemins  de  fer  et  les  télégraphes  électriques  ne  leur  vont 
pas  mieux  que  Vimprimerie  à  François  I",  que  les  décou- 
vertes de  Galilée  aux  dévots  de  son  époque.  Mais  la  terre 
tourne ,  et ,  dussent-ils  en  mourir  de  déplaisir,  chaque  jour 
apportera  quelque  chose  de  neuf,  quelque  lumière  in- 
connue à  rhumanité.  La  morale  aussi  grandira,  soit  en 
ce  qui  concerne  les  privés  rapports  des  hommes,  soit  en 
ce  qui  regarde  les  intérêts  sociaux  ;  et  cependant ,  telle  est 
la  force  de  Thabilude  et  des  préjugés,  qu'il  ne  soit  permis 
de  le  professer. 

Tel  qui  se  vante  tout  haut  d'être  cartésien,  voltairien 
même,  n'oserait  dire  qu'il  faille  développer  la  morale  du 
Christ,  retoucher  même  au  précepte  quelque  peu  indien 
d'origine  qui  soumet  l'épouse  à  l'époux.  Pour  moi,  qui 
n'ai  souci  de  l'opinion  publique  si  elle  n'est  juste  en  ses 
arrêts,  j'en  dirai,  j'en  dis  dès  aujourd'hui  mon  avis. 

Lecteur,  permettez-moi  d'user  de  l'apologue  pour  vous 
démontrer  la  vérité  de  ce  qui  précède. 

Il  y  a  quelques  mois ,  en  l'une  de  nos  cités,  une  bonne 
et  belle  jeune  liUe  était  au  lit ,  soulTrante  :  elle  n'avait  pu 
franchir  sans  misères,  sans  maladie,  les  jours  de  transition 
Je  son  jeune  âge.  A  côté  d'elle,  sa  famille  se  complaisait 
en  soins  délicats ,  s'empressant  à  la  servir  et  faisant  venir 
tour  à  tour  les  plus  célèbres  docteurs  du  pays.  Saignées 
et  ventouses,  éméliques  et  purgatifs,  vésicatoires  et  cau- 
tères ,  toniques  et  ferrugineux  n'avaient  réussi.  Un  nouveau 
médecin,  le  Galien  du  lieu,  fut  consulté;  mais  il  s'écartait 
tellement  de  l'ornière  dans  laquelle  roulait  inutilement  la 
médecine  de  la  pauvre  patiente  qu'on  le  congédia,  sans 
peser  la  valeur  de  ses  observations,  sans  discuter  l'effica- 
cité de  ses  moyens,  sans  prendre  garde  à  la  singulière 
logique  de  tout  ce  qu'il  proposait.  En  vain  disait-il  :  Les 
idées  les  plus  simples  sont  d'habitude  celles  auxquelles  on 
arrive  en  dernier  lieu  :  ainsi  de  la  vérité.  Il  fut  éconduit. 
Cependant  l'affreuse  chlorose  continuait  à  dévorer  la  jeune 
malade  :  ses  joues  étaient  de  marbre  blanc ,  un  sang 
appauvri  coulait  dans  ses  veines. 

—  Oh  !  disait-elle ,  quel  beau  soleil  ;  si  je  pouvais  en 
jouir!.... 


BU  SIÈCLE.  515 

—  Non,  lui  répoDdait-on,  des  transitioas sont  nécessaires. 

—  Que  cette  yiande  rôtie  a  bonne  odeur  ! 

—  Plus  tard ,  mon  enfant  ;  prenons  encore  ai\jourd*huL 
cette  bQuillie. 

—  Que  je  me  sens  d'appétit  ! 

—  La  diète  est  encore  utile. 

—  Que  mes  maudits  exutoires  me  pèsent,  que  j'ai  dé- 
goût de  mon  cautère  et  de  mon  vésicatoire  ! 

—  Sans  eux,  pauvre  enfant,  les  humeurs  te  tueraient  : 
tu  ne  saurais  vivre. 

—  Grands  Dieux  !  que  vous  me  gorgez  de  vin ,  de  quin- 
quina ,  de  canelle  et  d'élixirs  ! 

—  La  médecine  le  veut ,  chère  enfant  ;  elle  sait  ce  qu'il 
te  faut. 

Ainsi  disait  sa  famille ,  heureuse  de  lui  donner  des  soins. 
Mais  la  malade  dépérissait  à  vue-d'œil. 

On  était  cependant  dans  la  première  quinzaine  de  mai , 
à  cette  époque  de  rénovation  où  tout  dans  la  nature  sem- 
ble revivre,  où  les  prairies  fleurissent,  où  les  bosquets 
peuplés  d'hôtes  ailés,  s'animent  et  chantent  l'amour. 

La  malade  redemanda  le  médecin  que  l'on  avait  écon- 
duit  :  elle  était  si  souffrante  qu'elle  fui  obéie. 

Celui-ci,  revint  aussitôt.  Le  mal  est  grave,  mais  ne 
désespérons  de  rien.  Il  n'y  a  qu'une  science,  dit-il  aux 
parents  :  celle  de  la  nature  ;  la  médecine  est  une  des 
branches  de  ce  grand  arbre.  Il  dit,  et  développant  sa 
thèse ,  il  fit  respirer  à  sa  jeune  malade  l'air  embaumé  de 
la  campagne.  —  Il  lui  fit  sucer  les  viandps  rôties  que  son 
estomac  désirait  ;  bientôt  il  lui  en  fit  manger  ;  bientôt  il 
supprima  son  cautère ,  son  vésicatoire ,  après  avoir  réduit  à 
de  justes  proportions  les  doses  des  substances  toniques  et 
modificatrices  du  sang,  —  Ce  n'est  pas  ce  que  l'on  mange, 
disait-il ,  qui  nourrit ,  c'est  ce  que  l'on  digère  ;  ce  ne  sont 
pas  les  médicaments  que  l'on  avale  qui  modifient  l'écono- 
mie; c'est  seulement  la  dose  qui  est  absorbée  aux  intestins. 
Bientôt  les  forces  se  ranimèrent,  les  joues  reprirent  les 
roses  qu'elles  avaient  perdues;  la  statue  de  marbre  blanc 
avait  disparu,  mais  une  fille  jeune,  belle  et  pleine  de  vie 
avait  remplacé  la  pauvre  malade. 


516  PHILOSOPHIE 

0  lecteur,  cette  jeune  fille  aux  pâles  couleurs,  c'est 
l'humanité  dont  les  chefs  représentent  la  famille  si  aimante, 
si  dévouée,  mais  si  peu  éclairée.  Le  nouveau  médecin, 
c'est  la  vraie  science,  la  physiologie  en  action.  Dans  la 
chlorose  de  cette  jeune  fille ,  qui  ne  voit  les  misères  de 
notre  époque?  dans  sa  privation  d'air  et  de  soleil,  nos 
déplorables  habitations ,  si  mal  entendues  même  pour  les 
riches,  si  insalubres  dans  nos  quartiers  pauvres?  Les 
exutoires,  ce  sont  nos  prisons,  nos  hospices,  nos  dépôts 
de  mendicité ,  nos  hôpitaux ,  que  Ton  croit  nécessaires , 
indispensables  même,  parce  qu'on  les  a  tous  les  jours  sous 
les  yeux.  La  diète  de  notre  malade,  mais  c'est  la  vie 
usuelle  d'une  foule  de  familles  malheureuses.  Sa  nourri- 
ture insufiîsante  et  peu  nutritive  n'est-elle  pas  le  régimo 
débilitant  de  nos  populations.  L'abondance  des  remèdes, 
leur  exubérance  ne  représente-t-elle  pas  les  mille  et  im- 
puissants moyens  qu'un  sociaUsme  inintelligent  oppose  aux 
souffrances  générales,  qu'une  morale  aux  entrailles  géné- 
reuses applique  maladroitement  et  souvent  contrairement 
aux  lois  de  la  nature  qui  gouvernent  aussi  l'humanité.  Au 
lieu  de  cela ,  que  fait  le  médecin  guérisseur  ?  11  donne  de 
l'air,  de  la  lumière,  du  soleil;  il  fait  faire  de  l'exercice; 
il  fait  user  de  la  meilleure  des  nourritures  et  réduit  la 
dose  des  drogues.  Ses  prédécesseurs  tuaient  la  malade 
avec  zèle,  avec  dévouement,  et  lui  la  guérit. 

La  conclusion  ?  direz- vous.  Elle  ne  se  fera  pas  atten- 
dre : 

L'aumône  et  son  cortège  de  moyens  usuels  ne  guérissent 
point  l'humanité  de  la  chlorose  :  ce  sont  donc  des  erreurs 
morales.  La  médecine  qui  ne  guérit  pas  est  une  fausse 
science.  La  vraie  morale  correspond  à  la  vraie  science; 
elle  en  découle  ;  elle  seule  peut  guérir.  Les  sentiments  les 
plus  généreux  et  les  plus  dévoués  ne  suffisent  pas  s'ils  ne 
sont  dirigés  par  le  savoir  nécessaire. 

La  morale  n'est  à  bien  dire  que  cette  portion  de  li  loi 
religieuse  qui  rattache  les  hommes  les  uns  aux  autres,  en 
réglant  leurs  incessants  rapports  de  sexe,  de  famille,  de  so- 
ciété. Implicitement  contenue  dans  cette  règle  des  sages 
de  l'antiquité ,  de  faire  aux  autres  tout  le  bien  que  nous 


BU   SIBCLfi.  517 

voudrions  qui  nous  fut  fait ,  elle  est  restée  un  peu  trop  à 
l'état  de  germe. 

La  morale  dans  l'avenir  se  confondra  encore  comme  par 
le  passé ,  avec  Tardeur  de  l'âme  humaine  ,  à  chercher  lt3 
le  beau ,  le  vrai ,  le  juste ,  l'idéal.  Elle  restera  le  sentiment 
appliqué  aux  règles  individuelles  et  sociales  dans  ce  qu'il  a 
de  plus  élevé  ;  mais  elle  devra  nécessairement  changer  d<» 
direction. 

L'obligation  de  faire  aux  autres  tout  le  bien  que  nous 
voudrions  qui  nous  fût  fait  aura  pour  conséquence  l'édu- 
cation scientifique  de  tous  les  enfants  du  peuple ,  garçons 
et  filles,  sans  distinction  de  sexe,  et  l'organisation  de  tra- 
vaux suffisamment  rétribués  pour  les  adultes.  Les  secours 
mutuels  remplaceront  l'aumône  qui  aviUt  la  main  du 
travailleur,  et  la  retraite,  cette  rémunération  si  légitime 
après  toute  vie  laborieuse,  prendra  la  place  des  dépôts  de 
mendicité  et  des  hospices. 

Je  conçois  et  je  comprends  cette  doctrine,  dira  l'homme 
du  monde  ,  mais  je  ne  vois  pas  comment  se  fera  son 
application  :  je  puis  accepter  les  principes  et  redouter  les 
conséquences. 

Un  peu  de  patience  :  avant  d'arriver  à  la  conclusion  de 
cet  ouvrage ,  beaucoup  de  faits  nouveaux ,  d'ordre  scienti- 
fique, sont  à  démontrer;  et  puis  nous  aurons  encore  à 
indiquer  quelle  a  été,  jusqu'à  ce  jour,  l'évolution  de 
l'humanité  dans  la  série  des  siècles  historiques. 


PHÉNOMÈNES  ANORMAUX  DU  SYSTEME  NERVEUX 
CHEZ  LES  EXTATIQUES  ET  LES  SENSIBLES. 

DB  l'EXTÀSB. 

Dans  l'état  habituel  de  Texistence ,  l'homme  se  met  en 
rapport  avec  les  objets  extérieurs  par  l'intermédiaire  des 
sens  que  nous  lui  connaissons.  Alors  existent  un  pouvoir 


518  PHILOSOPHIE 

réflexe  et  une  coûtractibilité  que  notre  science  moderne 
analyse  chaque  jour  avec  plus  de  perfection  ;  alors  aussi  la 
sensibilité  se  montre  dans  toutes  les  parties  de  notre  être 
sous  les  diverses  formes  qui  appartiennent  à  chacune  d'elles. 
Mais  il  peut  arriver  que  la  contractibilité,  le  pouvoir  réflexe 
et  la  sensibilité  elle-même  disparaissent,  ce  qui  produit 
Tétat  de  catalepsie.  Dans  ce  cas^  l'organe  de  notre  intelli- 
gence, le  cerveau ,  privé  de  ses  moyens  habituels  de  com- 
munication ,  peut  s'en  créer  de  nouveaux.  C'est  ainsi  que 
tous  les  sens  peuvent  être  transportés  à  l'épigastre,  fait 
curieux  signalé  par  le  docteur  Petetin ,  qui  l'avait  observé 
chez  les  cataleptiques  de  Lyon,  et  que  nos  académies  ont 
dédaigné  depms ,  dans  un  grand  nombre  de  circonstances , 
abandonnant  l'une  des  questions  les  plus  difficiles  et  les 
plus  élevées  de  la  science  aux  solutions  et  aux  expérimen- 
tations des  ignorants,  des  empiriques  et  des  charlatans. 

Cet  état  particulier  qui  peut  concomiter  avec  la  catalepsie, 
mais  qui  n'a  pas  toujours  lieu  ;  cet  état  dans  lequel ,  outre 
l'absence  de  contractibilité  musculaire  et  surtout  de  sensibi- 
lité ,  il  peut  y  avoir  un  déplacement  des  sens  et  tous  les 
phénomènes  extraordinairement  curieux  qui  découlent  na- 
turellement d'une  aussi  profonde  modification  de  notre  être, 
porte  le  nom  d'extase  ;  mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'il 
se  présente  toujours  dans  les  mêmes  circonstances  et  sous 
les  mêmes  influences.  Et  puis,  jusqu'à  ce  jour,  l'on  n'a  pas 
encore  suffisamment  étudié  les  phénomènes  que  l'extase 
peut  produire,  pour  dégager  les  faits  positifs  des  contes 
mensongers  et  des  récits  merveilleux  dont  la  crédulité  po- 
pulaire et  le  charlatanisme  les  entourent  trop  souvent  au 
détriment  de  la  science. 

L'extase,  cet  état  dont  nous  venons  de  faire  connaître 
les  principales  conditions,  mais  qu'il  serait  bien  difficile 
de  définir ,  est  une  manière  d'être  de  la  vie  que  jusqu'à 
présent  l'on  n'a  pas  étudiée  chez  les  animaux.  Cependant 
il  m'est  bien  prouvé  que  certains  dompteurs  de  tigres  et 
de  lions  exercent  une  action  magnétique  très-puissante 
chez  les  bétes  féroces  qu'ils  parviennent  à  dompter.  — 
L'extase  est  surtout  un  phénomène  d'ordre  cérébro-intel- 
cctuel  ou  cérébro-moral:  aussi  appartient-elle   spéciale- 


BU  SIÈCLE.  5id 

m^t  au  genre  hommes  U  serait  même  tràs-curieux  de 
rechercher  si  les  phénomènes  qui  en  dériveat  peuvent 
euster  chez  les  Australiens  et  les  Hottentots,  ce  qui  est 
peu  probable.  ^ 

Si  Ton  considère  que ,  dans  cette  situation  anormale , 
les  facultés  reUgieuses ,  sociables  et  artistiques  ou  poétiques 
jouent  souvent  un  grand  rôle ,  pour  ne  pas  dire  le  principal, 
Ton  conçoit  qu'elle  ne  doive  se  présenter  habituellement 
que  chez  les  hommes  dont  la  race  a  été  perfectionnée  par 
une  longue  éducation  ;  toutefois,  il  n'est  pas  absolument 
prouvé  que  l'avenir  ne  nous  réserve  pas  sous  ce  rapport  les 
plus  précieuses  découvertes.  Les  anciens  prétendaient  que 
Pjthagore  avait  trouvé  ou  appris  dans  ses  voyages  le  moyen 
de  converser  avec  les  bêtes.  Sans  accepter  cette  manière  de 
poser  la  question,  nous  croyons  qu'un  jour  les  phénomènes 
d'extase  pourront  s'abaisser  indirectement  jusqu'à  leur  nature. 

Connue  dans  le  monde  depuis  une  antiquité  très  reculée, 
cultivée  longtemps  dans  les  temples  à  l'état  de  science  se* 
crête ,  pratiquée  dans  l'Inde  par  les  disciples  de  Brahma , 
sous  le  nom  de  ravissement  en  Dieu ,  comme  complément 
des  éludes  et  des  exercices  de  la  religion,  l'extase  s'est  ma- 
nifestée depuis  chez  tous  les  peuples,  empruntant  à  leurs 
mœurs ,  à  leur  caractère ,  à  leurs  habitudes ,  à  leur  génie 
spécial ,  les  formes  sous  lesquelles  elle  s'est  produite.  C'est 
die  qui  a  créé  les  sorciers ,  les  possédés  du  diable  ,  les  ly- 
cantrophes,  les  magnétiseurs,  et  certains  phénomènes  re- 
ligieux que  nous  aurons  ultérieurement  occasion  de  décrire 
et  d'apprécier.  Extiémement  rare  de  nos  jours  chez  les  ca- 
tholiques ,  elle  doit  surtout  aux  swedemborgistes  ces  cu- 
rieuses manifestations  qui  depuis  vingt  années  eussent  dû 
fixer  davantage  l'attention  des  médecins ,  des  philosophes , 
de  tous  les  hommes  qui  s'occupe«|  de  physiologie  humaine 
ou  sociale.  Depuis  lors ,  sont  vendes  les  tables  tournantes 
et  les  sensibles  de  Reichenbach.  —  C'est  assez  dire  que  la 
science  des  phénomènes  extatiques  n'existe  encore  qu'à 
l'état  poétique  ou  métaphysique;  qu'elle  n'a  point  ras- 
semblé ces  faits  nombreux,  posé  ces  principes  sûrs  qui 
conduisent  à  une  solution  positive  et  par  suite  à  une  théorie 
susceptible  d'embrasser  tous  les  phénomènes  et  d^explique 


520  PHILOSOPHIE 

les  véritables  maladies  morales  dont  nous  parlerons  dans 
les  chapitres  suivants. 

Remarquons ,  avant  de  passer  outre ,  qu'il  existe  chez 
riiomme  une  tendance  à  Hmitation  que  manifestofit 
toutes  nos  propensions ,  tendance  dont  Gall  a  fait  un 
organe  séparé  sous  le  nom  de  mimique ,  mais  plus  puis- 
sante et  plus  élevée ,  selon  nous ,  que  ne  l'indique  la  déno- 
mination qui  précède,  et  destinée  par  la  providence  à  copier 
tout  ce  qui  se  présente  à  notre  examen  pour  l'utiliser  selon 
les  besoins  do  notre  être.  Dirigée  par  nos  facultés  cardinales, 
riraitation,  comme  la  mémoire,  le  raisonnement  et  l'imagi- 
nation, donne  d'excellents  résultats  en  cherchant  à  mettre 
en  équilibre  les  civilisations  des  diverses  contrées,  par  l'in- 
troduction dans  chacune,  des  idées  et  des  faits  utiles,  des 
procédés  de  chasse,  de  pêche,  d'agriculture,  d'industrie 
et  d'organisation  sociale  qui  peuvent  contribuer  au  bonheur 
des  associations  humaines.  Dévié  de  son  but,  soustrait  à  la 
direction  qu'il  doit  subir,  l'esprit  de  copie  devient  une  mo- 
nomanie sur  laquelle  les  médecins  ont  a î  pelé  Tattention 
en  la  désignant  par  le  nom  d'imitation  contagieuse. 

Voici  une  malheureuse  jeûna  fille  qui  jette  par  la  fenêtre 
un  enfant  qu'elle  aime ,  sous  la  triste  influence  de  la  lec- 
ture d'un  de  ces  détestables  canards  judiciaires  que  Ton 
donne  si  souvent  en  pâture  au  peuple.  Une  autre  après  avoir 
usé  de  pareille  nourriture  intellectuelle,  s'arme  à  plusieurs 
reprises  d'un  couteau  pour  assassiner  l'enfant  qui  lui  est 
confié,  trop  heureuse  d'arriver  à  faire  au  père  de  cet  enfant 
la  révélation  de  sa  maladie ,  et  de  se  soustraire  à  un  meurtre 
et  aux  conséquences  qu'il  entraîne.  Nulle  part  Timitation 
contagieuse  n'est  plus  fréquente  et  plus  commune  que  sous 
l'influence  des  phénomènes  de  l'extase,  pour  lesquels  elle 
crée  une  prédisposition  très-favorable  à  leur  multiplication. 
L'extase  devra  donc  se  manifester  souvent  par  de  véritables 
épidémies,  et  c'est  aussi  ce  qui  a  lieu.  Le  seul  homme  du 
siècle  qui  ait  traité  en  France  avec  philosophie  la  question 
qui  nous  occupe,  c'est  le  docteur  Bertrand ,  de  Rennes,  ré- 
dacteur de  l'ancien  Globe,  auteur  d'un  livre  vieilli,  sur  les 
révolutions  de  la  terre,  et  d'un  ouvrage  ex-professo  sur  le 
sujet  qui  nous  occupe.  Nous  ferons  à  ses  écrits  de  nom- 


BU  SIÈCLE.  521 

breux  emprunts ,  heureux  de  rappeler  à  cette  occasion  le 
souvenir  d'un  maître ,  d'un  ami ,  d'un  compatriote  que  son 
époque  n'a  pas  apprécié  selon  sa  grande  valeur  philoso- 
phique. • 


DES  BXTÀTIQUES  TfÀTUKELS. 


L'extase  se  manifeste  naturellement  chez  d'autres  que 
chez  les  cataleptiques.  Dans  ce  cas,  la  contractibilité  muscu- 
laire est  souvent  parfaite  :  la  sensibilité  seule  n'existe  pas. 
Dans  le  siècle  dernier,  Sauvages  a  rendu  compte  à  l'Aca- 
domie  des  sciences  d'un  fait  de  cette  nature.  Voici  quelques 
passages  de  son  récit,  le  plus  ancien  de  ceux  que  nous 
connaissons  : 

«  Comme  cette  fille  avait  les  yeux  ouverts ,  je  crus  que 
»  la  feinte ,  s'il  y  en  avait ,  ne  pourrait  tenir  contre  un 
»  coup  de  la  main  appliqué  brusquement  au  visage,  mais 
»  cette  expérience  ne  lui  fit  pas  faire  la  moindre  grimace , 
)>  et  elle  n'interrompit  point  le  fil  de  son  discours.  Je 
»  cherchai  un  autre  expédient  :  ce  fut  de  porter  rapide- 
n  ment  le  doigt  contre  l'œil  et  d'en  approcher  une  bougie 
»  allumée  assez  près  pour  brûler  les  cils  des  paupières; 
»  mais  elle  ne  clignota  seulement  point. 

»  Eu  second  lieu,  une  personne  cachée  poussa  tout  à 
i>  coup  un  grand  cri  vers  l'oreille  de  cette  nlle ,  et  fit  du 
»  bruit  avec  une  pierre  portée  contre  le  chevet  de  son 
»  lit.  Cette  fiUe ,  en  tout  autre  temps ,  aurait  tremblé  de 
o  frayeur,  mais  alors  cela  ne  produisit  rien. 

»  En  troisième  lieu,  je  mis  dans  sa  bouche  et  dans  ses 
n  veux  de  l'eau-de-vie,  du  sel  ammoniac;  j'appliquai  sur 
»  la  cornée  même ,  d'abord  la  barbe  d'une  plume ,  ensuite 
»  le  bout  du  doigt,  mais  sans  aucun  succès. 

))  Le  tabac  d'Espagne  soufflé  dans  le  nez ,  les  piqûres 
»  d'épingle ,  les  contorsions  des  doigts,  faisaient  sur  elle 
»  le  même  effet  que  sur  une  statue  ;  elle  ne  donnait  jamais 
}}  le  moindre  signe  de  sentiment.  » 


5S2  PHILOSOPHIE 

Les  faits  semblables  sont  aujourd'hui  trop  nombreux  et 
trop  connus  pour  que  nous  nous  y  arrêtions  plus  long- 
temps. 


MANIFESTATION   RELIGIEUSE   DE   L  EXTASE 
CHEZ   LES   PREHIEBS  CHRÉTIENS. 


A  aucune  époque  l'anomalie  qui  nous  occupe  n*a  été  si 
commune  que  parmi  les  premiers  chrétiens.  Grand  nombre 
de  martyrs  ont  dû  à  l'insensibilité  qu'elle  leur  procurait , 
d'être  exempts  des  douleurs  dont  leur  mort  eût  dû  être 
accompagnée.  Malgré  le  nombre  très-grand  des  exemples  que 
nous  pourrions  citer  h  l'appui  de  notre  opinion  ,  nous 
n'en  rapporterons  qu'un  seul  :  c'est  le  martyre  de  sainte 
Perpétue.  Nous  choisissons  ce  fait  de  préférence  à  tant 
d'autres ,  parce  qu'il  est  au  nombre  des  plus  inattaquables, 
et  parce  que  cette  sainte,  vraiment  admirable  pour  le  cou- 
rage avec  lequel  elle  sut  s'élever  au-dessus  des  affections 
les  plus  douces  du  cœur  humain ,  s'est  trouvée ,  pendant 
son  martyre,  d'abord  dans  l'état  d'extase  et  d'insensibilité, 
puis  ensuite  dans  l'état  habituel  de  sa  vie. 

Il  est  assez  remarquable  que  saint  Augustin  et  l'au- 
teur des  Actes  des  Martyrs  s'accordent  tous  deux  à  re- 
connaître que  ce  fut  à  Textase  dans  laquelle  était  plon- 
gée Perpétue  ,  pendant  le  premier  acte  de  son  martyre  , 
qu'elle  dut  l'impassibiUté  qu'elle  présenta  ;  toutefois  ces 
deux  auteurs  attribuent  cet  état  anormal  à  une  cause 
surnaturelle  (1). 

On  avait  d'abord  dépouillé  les  deux  saintes.  Félicité 
et  Perpétue,  toutes  deux  âgées  de  vingt  à  vingt-deux  ans, 


(i)  Le  martyre  doat  nous  parlons  doit  être  rapporté  à  Taonée  204 ,  soas  le  règne 
de  Sévère.  Oa  conserve  quelqu'incrrlilade  relativemenl  à  la  fille  d^Afrique  daos 
laquelle  il  eat  lieu  ;  la  plupart  des  auteurs  le  placent  à  Gartba^e.  (Voir  la  collectioii 
de  D.  Kuinart;  Thistoire  de  TertuUieD,  par  Delamolle;  l'hisloire  ecclésiastique  de 


DU  SIÈCLE.  523 

fiour  les  exposer  daos  un  filet  ;  mais  le  peuple  ayant  eu 
dégoût  de  cette  insulte  à  la  pudeur,  on  les  en  retira  pour 
leur  donner  quelques  vêtements.  Perpétue  fut  livrée  la 
première  à  une  vache  furieuse  qui  l'enleva  avec  ses  cornes 
et  la  jeta  par  terre.  La  sainte  tomba  sur  le  dos  ;  elle  se 
releva  sur  son  séant,  et,  s'étant  aperçue  que  sa  robe  était 
déchirée  par  le  côté,  elle  se  recouvrit  aussitôt,  et  donna, 
par  toutes  ses  actions,  des  preuves  de  son  calme  et  de  sa 
raison. 

Félicité  fut,  à  son  tour,  attaquée  par  la  même  vache  et 
montra  la  même  impassibilité  que  Perpétue.  Le  peuple 
ayant  trouvé  que  la  scène  avait  duré  assez  longtemps,  ses 
maîtres  firent  cesser  le  spectacle ,  et  Ton  emmena  les  deux 
saintes  et  leurs  compagnons  vers  la  porte  nommée  Sana 
Vivaria^  où  ils  devaient  être  mis  à  mort.  Perpétue,  en 
cette  occasion,  donna  encore  les  preuves  du  plus  grand 
sang-froid  et  de  la  présence  d'esprit  la  plus  entière  ;  elle 
renoua  ses  cheveux  épars,  de  peur,  dit  la  relation,  qu'il 
ne  parut  quelque  marque  de  tristesse  dans  son  triomphe  ; 
elle  se  leva,  et  ayant  vu  Félicité  couchée  pas  terre,  elle 
s  en  approcha,  lui  donna  la  main,  et  Taida  à  se  relever. 
ËUes  s'en  allèrent  ensuite  toutes  deux  vers  la  porte  où 
devait  s'achever  leur  suppUce.  Perpétue  fut  reçue  par  un 
catécbtunène  nommé  Rustique,  qui  était  de  ses  amis, 
cf  Alors  elle  se  réveilla  comme  d'un  profond  sommeil , 
»  ayant  été  jusqu'à  ce  moment  ravie  en  extase  ;  elle  com- 
»  mença  à  regarder  autour  d'elle,  comme  une  personne 
>}  qui  ne  savait  où  elle  était  ;  et ,  au  grand  étonnement  de 
A  tout  le  monde,  elle  demanda  quand  ce  serait  donc  qu'on 


Fleury,  tome  St ,  pages  3â  et  suivantes.)  L'histoire  de  la  captiyité  de  sainte  Perpétue 
et  de  ses  compagnons  a  été  écrite  par  sainte  Perpétue  elle-même ,  qui ,  jusqu'à  la 
retlle  de  sa  mort ,  écrivit  jour  par  jour  tout  ce  qui  leur  arriva. 

Le  récit  naïf  que  nous  devons  à  celle  béroiae  est  un  monument  précieux  pour 
rhistoire  des  temps  auxquels  il  se  rapporte.  Il  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  Texis- 
teoce  de  l'état  d'extase ,  tant  chez  elle  que  chez  ses  compagnons.  Faisons  remarquer, 
à  cette  occasion ,  que  l'histoire  de  l'établissement  du  Ghristiaoisffle  est  absolument 
ioinleliigible  pour  quiconque  ne  connaît  pas  l'état  d'extase.  Le  philosopbe^le  plus 
érudK,  privé  de  cette  connaissance,  ne  peu;  voir  qu'un  tissu  de  fables  absurdes  dans 
1«  récit  des  faits  les  plus  Trais  et  Uj  plus  importants. 


524  PHILOSOPHIE 

»  les  exposerait  à  cette  vache  dont  on  lui  avait  dit  qu'elle 
))  aurait  à  supporter  la  furie.  » 

Le  ravissement  de  cette  sainte  avait  été  si  profond 
qu'elle  crut  d'abord  qu'on  la  trompait ,  lorsqu'on  lui  assura 
qu'elle  avait  déjà  subi  l'épreuve  de  la  vadie.  Elle  ne  se 
rendit  que  sur  l'affirmation  de  Rustique ,  confirmée  par  le 
désordre  de  ses  vêtements  et  les  blessures  dont  elle  portait 
les  traces. 

Quelques  furieux  ayant  demandé  que  les  martyrs  fussent 
ramenés  dans  le  cirque ,  pour  avoir  le  plaisir  de  leur  voir 
enfoncer  le  poignard  dans  la  gorge ,  on  les  reconduisit  au 
lieu  d'où  ils  étaient  venus.  Tous  supportèrent  l'épreuve 
avec  courage,  tous  à  l'exception  d'une  femme,  et  cette 
femme  c'était  Perpétue.  (Voir  la  traduction  des  actes  de 
leur  martyre,  par  Delamotte.  Histoire  de  Tertullien.) 

«  Les  autres  martyrs,  dit  la  chronique,  ayant  donc 
»  reçu  ce  dernier  coup  sans  parler  et  sans  branler,  Per- 
»  pétue,  qui  n'avait  senti  auparavant  aucune  douleur  à 
»  cause  de  cette  extase  où  elle  était ,  tomba  entre  les 
»  mains  d'un  gladiateur  maladroit  et  inexpérimenté  qui , 
»  lui  ayant  enfoncé  son  épée  sans  la  tuer,  lui  fit  jeter  des 
))  cris.  A  l'instant  elle  conduisit  elle  même  à  sa  gorge  la 
»  main  tremblante  du  gladiateur,  comme  si  le  maUn  esprit 
»  avait  eu  peur  de  faire  mourir  cette  femme  si  généreuse 
»  et  qu'elle  n'eût  pu  être  tuée  si  elle-même  ne  l'avait 
»  voulu.  » 

Des  phénomènes  d'un  autre  ordre  se  sont  aussi  mani- 
festés dans  cette  épidémie  d'extatiques  qui  a  signalé  les 
premiers  jours  du  christianisme.  Le^  uns,  selon  l'apôtre , 
ont  eu  le  don  des  langues;  d'autres,  celui  des  guéri- 
sons. 


BES    GlfOSTIQUES. 


Sur  plusieurs  points ,  aux  premiers  siècles  de  notre  ère , 
les  femmes  se  montrèrent  jalouses  de  n'être  pas  appelées 


BU  SIÈCLE.  525 

au  sacerdoce.  Firmilien  rapporte  qu'en  Cappadoce  ,  une 
dame  qui  se  donnait  pour  prophétesse ,  était  parvenue  à 
séduire  le  peuple  et  même  grand  nombre  d'éveques.  — 
Elle  sanctifiait  le  pain  eucharistique  par  l'invocation  ordi- 
naire ,  prêchait  et  baptisait.  C'était  une  extatique  qui  eut 
continué  longtemps  si,  dit-il,  un  habile  exorciste  no 
l'avait  délivrée  de  l'esprit  qui  la  possédait. 

Il  y  eut  aussi ,  vers  ce  temps ,  parmi  les  femmes  intro- 
duites ,  plus  d'une  extatique.  On  appelait  alors  de  ce  nom 
des  veuves,  des  orphelines,  des  esclaves,  quelquefois 
même  des  vierges  consacrées,  qui  se  faisaient  les  compagnes 
des  prêtres,  de  manière  à»  leur  éviter  les  soucis  et  les 
embarras  de  la  vie  matérielle.  Saint  Paul  et  saint  Barnabe 
s'étaient  fait  aider  de  la  sorte  en  leurs  prédications.  Sou- 
vent d'ailleurs  ces  femmes  obtenaient  l'entrée  de  maisons 
qui  seraient  restées  fermées  aux  missionnaires  chrétiens. 
U  est  difiicile  qu'un  contact  journalier  entre  des  hommes 
assez  jeunes  pour  la  plupart  et  des  femmes  très-souvent 
hystériques ,  n'entraîne  pas  quelques  abus  :  les  femmes 
introduites  en  causèrent  de  nombreux.  Saint  Chrjsostôme , 
en  ses  sermons,  a  souvent  attaqué  les  relations  de  ses 
prêtres  avec  les  introduites.  Saint  Jérôme  les  appelle  des 
pestes  véritables. 

Nulle  part  cependant  l'extase ,  qui  jouait  un  si  grand 
rôle  dans  les  conversions  et  les  persécutions,  n'avait  autant 
d'inQuence  que  chez  les  gthostiqdes.  —  Le  christianisme 
n'était  à  bien  dire,  à  son  début,  qu'une  secte  mystique 
au  sein  de  la  communauté  juive;  qu'une  société  secrète 
ayant  ses  dogmes,  ses  initiations,  ses  pratiques,  comme 
d'autres'sociétés  religieuses  de  l'Inde  et  de  l'Egjpte.  Forcé 
à  la  prudence  par  sa  faiblesse,  condamné  à  la  dissimulation 
par  la  persécution,  encouragé  à  la  propagande  par  les 
immenses  succès  des  extatiques,  il  usa,  et  cela  devait 
être,  pour  arriver  à  son  but,  de  cette  influence  qu'exercent 
sur  les  femmes  susceptibles  d'impressions  les  doctrines  et 
surtout  les  mystérieuses  pratiques.  Leur  organisation ,  par- 
fois excessivement  nerveuse ,  est  si  facile  à  'faire  dévier  de 
Fétat  normal  !  Epiphane  et  les  autres  auteurs  qui  ont  écrit 
sur  les  gnostiques,  la  cabbale  et  les  sectes  secrètes  du 


526  PHILOSOPHIE 

christianisme  aux  premiers  siècles  de  son  existeu^,  ont 
été  loin  de  comprendre  cet  état  particulier  des  esprJfe ,  ces 
épidémies  morales  qui  se  manifestaient  de  temps  à  mtre, 
tantôt  sous  une  forme  passée ,  tantôt  sous  une  formé  nou- 
velle, mais  toujours  dans  des  circonstances  identiques  de 
secret  et  de  mystère,  se  rattachant  à  des  influences  appe- 
lées surnaturelles ,  à  des  prestiges ,  à  des  prévisions,  à  tous 
ces  merveilleux  phénomènes  qui,  de  nos  jours  encore, 
accompagnent  et  le  magnétisme  animal ,  et  le  swedembor- 
gisme ,  et  les  faits  des  tables  tournantes.  Us  étaient  bien 
loin  de  trouver  dans  cette  sensibilité  commune ,  dans  ce 
magnétisme  mystique,  les  rudiments,  les  pressentiments  de 
ce  qui  sera  peut-être  un  jour,  pour  Thumanité  véritable,  le 
moyen  de  percevoir  et  de  sentir  comme  un  seul  être.  C'est 
donc  à  la  science  moderne  qu'il  appartient  de  retrouver, 
dans  leurs  écrits,  la  vérité  qu'ils  y  ont  cachée,  sans  le 
savoir,  sous  des  appréciations  conformes  à  l'esprit  et  à  la 
science  du  temps. 

A  mesure  que  le  christianisme  se  développait,  il  prenait 
de  l'importance;  il  avait  moins  besoin  de  dissimuler  et 
pouvait  se  montrer  en  plein  jour.  Il  le  faisait ,  et  s'éloignait 
par  suite  de  sa  direction  primitive,  qui  avait  été  très- 
mystérieuse  pour  les  peuples  au  sein  desquels  il  avait  fait 
sa  propagande.  Ceux  alors  qui  voulaient  lui  continuer 
sa  marche  première,  se  trouvaient  dans  une  véritable 
hérésie  :  les  gnostiques  ont  été  de  ce  nombre.  Tous  usaient 
et  abusaient  du  mysticisme  ;  tous  étaient  vivement  impres- 
sionnés par  les  phénomènes  si  extraordinaires  qui  se  mani- 
festeront toujours  chez  les  extatiques  naturels  et  artificiels. 
Moins  philosophes  que  nous  ne  le  sommes,  ils  confondaient 
plus  aisément  ce  qu'il  fallait  accepter  et  ce  qu'il  fallait 
rejeter.  De  là  leurs  enthousiastes,  leurs  inspirés,  leurs 
nombreux  voyants  ;  de  là  aussi  mille  pratiques  obcènes  qui 
sont,  aux  yeux  des  esprits  non  prévenus  et  surtout  des 
hommes  qui  ont  eu  longtemps  la  direction  de  sociétés  de 
femmes,  la  conséquence  naturelle  et  nécessaire  de  toutes 
les  secrètes  réunions  des  deux  sexes.  —  11  ne  faut  pas 
croire,  avec  Pierre  Leroux,  que  les  premiers  chrétiens 
aient  constamment  été  purs  des  accusations  portées  contre 


BU  SIfiGLB.  537 

eux  pendant  les  deux  premiers  siècles.  —  Ces  accusations 
ont  été  trèsrexagérées  ;  mais  il  s'est  passé  quelques  faits 
qui  leur  ont  donné  naissance  sans  toutefois  les  légitimer. 
—  Les  chrétiens,  à  leur  tour,  ont  reproduit  contre  les 
gnostiques  toutes  les  calomnies  dont  on  les  avait  abreuvés. 

Si  les  persécutions  contre  les  novateurs  devaient  conti- 
nuer au  sein  de  la  vieille  Europe,  et  si  leurs  diverses 
sectes  se  trouvaient  condamnées  à  se  répandre  à  la  faveur 
du  mystère ,  nul  doute  qu'il  n'en  résultât  des  phénomènes 
contagieux,  analogues  à  ceux  qui  nous  occupent.  Les  rêves 
d'esprits  déréglés,  ceux  mêmes  de  cxeurs  plus  sincères 
qu'intelligents ,  conduiraient  quelques  fanatiques  et  quel- 
ques hoounes  dépravés  à  des  actes  qui  seraient  bientôt 
considérés  comme  la  pratique  habituelle  de  tous;  et  le 
vieux  monde  répéterait  une  seconde  fois,  à  leur  égard,  ce 
que  les  idolâtres  ont  fait  pour  les  chrétiens ,  les  chrétiens 
pour  les  gnostiques,  leurs  frères  en  croyances  religieuses. 
Mais  revenons  à  ces  derniers  :  nous  ne  chercherons  point 
à  signaler  les  différences  qui  existaient  entre  les  $imanien$, 
les  nicolaites  y  les  sécundiens  ^  lesopkites^  \es  ptolémaïtes , 
et  nous  laisserons  de  côté  leurs  premiers  instituteurs ,  Sa- 
turnin, Carpocrate,  Cerinthus,  Cerdon  et  autres.  Nous 
signalerons  seulement  les  doctrines  et  les  pratiques  qu'on 
leur  imputait. 

a  Parmi  ces  fous  furieux ,  ces  misérables  dignes  des  der^ 
niers  supplices ,  les  uns ,  nous  disent  les  auteurs  catholi- 
ques du  temps,  n'admettent  que  la  loi  de  Moïse  ;  d'autres 
ne  reconnaissent  de  Dieu  que  Christ.  —  Ceux-ci  professent 
que  son  corps  n*est  qu'une  illusion  de  nos  sens  ;  ceux-là 
l'affublent  au  contraire  de  la  plus  vulgaire  humanité; 
presque  tous  nient  la  résurrection;  quelques-uns  disent 
que  nos  corps  reparaîtront  transfigurés,  sous  une  forme 
véritablement  aérienne  et  que  l'on  pourrait  appeler  spiri- 
tuelle. i>  Ces  gnostiques  croyaient  aussi  à  des  puissances 
secondaires,  et  sous  ce  rapport,  leur  mythologie  avait 
singulièrement  embelli  et  peuplé  les  espaces.  —  Rien 
dans  tout  cela  n'était  bien  neuf  :  les  chrétiens,  les  juifs, 
l'Egypte  et  l'Arie  avaient  aussi  peuplé  les  mondes  d'esprits 
célestes,  de  vices  et  de  vertus  angéliques,  de  chérubins, 


S38  PHILOSOPHIE 

(le  saiats  et  de  diables  divers.  Les  autres  aceusatîoas  ne 
valaient  guère  mieux. 

Ces  hommes  abominables  (les  gnostiques)  ont  imagine, 
disaient  encore  les  écrivains  catholiques,  des  mariages  di- 
gnes de  leurs  doctrines  et  contraires  à  toute  morale  et  à 
toute  religion.  Ik  ont  en  honneur  la  virginité  la  plus  ab- 
solue, mais  ils  la  font  uniquement  consister  dans  la  stérilité. 
Ils  veulent  un  nouveau  mariage,  pour  créer  une  nouvelle 
espèce  humaine  plus  digne  d'un  meilleur  avenir.  Ils  se 
livrent  sans  réserve  à  toutes  les  voluptés  ;  leurs  mystérieuses 
réunions  n*ont  point  d'autre  but.  Us  ont  leurs  femmes  en 
commun;  ils  font  avorter  les  femmes  enceintes  et  se  nour- 
rissent de  leurs  enfants  à  peine  formés.  Leurs  assemblées 
sont  des  rendez-vous  de  débauche;  leurs  repas,  de  véri- 
tables festins  d*antropophages.  Us  cultivent  la  magie  , 
croient  aux  phyltres,  à  l'esprit  prophétique,  aux  prestiges, 
aux  influences  que  certaines  personnes  peuvent  exercer  sur 
d'autres  et  à  celles  d'objets  consacrés  dans  ce  but. 

Supposez  aujourd'hui  les  magnétiseurs  persécutés  ;  sup- 
posez quelques  fautes  particulières  mises  sur  le  compte  de 
tous  :  que  pourrait-on  dire  autre  chose,  surtout  avec  l'exaspé- 
ration si  naturelle  à  des  adversaires  de  leurs  doctrines  mys- 
tiques sur  la  chasteté,  sur  les  influences  de  l'eau  magnétisée 
et  des  objets  magnétisés,  sur  leurs  croyances  à  la  prophétie 
et  à  tous  les  phénomènes  de  catalepsie  et  d'insensibilité  que 
l'extase  produit  naturellement  ? 

Les  femmes  jouant  un  rôle  très-important  dans  la  gnose, 
les  gnostiques  de  plusieurs  sectes  les  en  recompensèrent  en 
créant  pour  elles  des  dignités  sacerdotales.  De  ce  nombre 
furent  les  quintilUens.  Les  marcionites  allèrent  plus  loin  : 
ils  reconnurent  parmi  leurs  illuminées  ou  extatiques  des 
prophétesses,  quelques-uns  mômes  des  espèces  de  divinités. 
Que  les  chefs  des  gnostiques  aient  eu  de  crimineUes  conver- 
sations avec  ces  femmes  dans  le  silence  et  le  secret  de  leurs 
initiations ,  c'est  possible ,  c'est  même  probable ,  à  une 
époque  où  Saint-Cyprien  nous  apprend  que  le  libertinage 
des  vierges  consacrées  à  Dieu  était  à  son  comble ,  que  les 
filles  aimaient  à  concilier  leurs  plaisirs  avec  les  honneurs 
rendus  partout  à  leur  prétendue  chasteté  ;  mais  de  là  aux 


DU  SIÈCLE.  539 

enfants  dévorés  en  commun,  il  y  a  loin.  Les  doctrines  des 
gnostiques  transportés  d'abord  à  Alexandrie,  gagnèrent 
bientôt  TEspagne.  Une  dame  noble  du  nom  d'Agape,  le 
rhéteur  Helpidius,  PrisciUien,  noble  et  beau  jeune  homme, 
né  pour  de  grandes  choses,  plusieurs  prêtres  parmi  lesquels 
Salvien  :  tels  furent  leurs  premiers  et  leurs  plus  importants 
disciples.  De  simple  laïc,  PrisciUien  devint  bientôt  évéque: 
ses  richesses,  sa  beauté,  sa  grande  influence  et  ses 
talents  si  remarquables  ,  contribuèrent  à  cette  rapide 
et  extraordinaire  élévation.  —  Le  gnostisme  menaça 
de  dominer  la  Péninsule ,  et  Torthodoxie  s'en  émut.  Le 
concile  de  Sarragosse  condamna  les  novateurs  :  les  trois 
évêques  Salvien,  PrisciUien  et  Instanlius  se  rendirent  à 
Rome  pour  se  justifier.  Partout  sur  leur  route  les  popula- 
tions se  pressèrent  autour  d'eux  ;  les  femmes  surtout  les 
entouraient.  Au  nombre  des  personnes  distinguées  qui 
s'attachèrent  à  leur  suite ,  on  cite  Euchrochia ,  épouse  du 
rhéteur  Delphidius,  dont  le  poète  Ausone  avait  célébré  la 
beauté,  et  la  charmante  Procula,  sa  fille.  Sulpice  Sévère, 
Tun  de  leurs  ennemis  personnnels  et  de  leurs  juges,  rapporte 
que  la  voix  publique  accusa  PrisciUien  de  s'être  épris  de 
ses  charmes  et  d'avoir  eu  recours  à  des  emménagogues 
violents  pour  éviter  les  suites  publiques  de  son  amour. 
Ce  fait  individuel  importe  peu  à  la  question,  et  nous  ne 
saurions  ni  l'aflirmer,  ni  le  réfuter;  mais  ce  qui  est 
plus  positif,  c'est  que  la  corruption  joua  un  grand  rôle 
dans  le  procès  des  gnostiques;  qu'ils  furent  condamnés 
dans  les  personnes  des  évêques  accusés;  que  l'empereur 
profita  de  cette  *  condamnation  pour  s'emparer  de  leurs 
biens  qu'il  convoitait  ;  et  que  Martin  des  Gaules  se  soumit 
depuis  à  une  longue  et  volontaire  pénitence ,  pour  la  part 
qu'il  avait  prise  dans  cette  affaire. 

En  considérant ,  disait  Bertrand ,  en  1829 ,  combien 
l'extase  est  fréquente  dans  la  nature  et  à  combien  d'évé- 
nements importants  se  rattache  son  apparition ,  on  ne  peut 
manquer  de  s'étonner  de  l'ignorance  dans  laquelle  sont 
restés  à  son  égard  les  médecins,  les  philosophes  et  les 
historiens.  11  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  ce  sujet  :  bornons- 
nous  à  remarquer  que  le  merveilleux  des  faits  a  été  la 


550  PHItOSOPHIB 

principale  cause  de  Tignorance  même  où  Ton  est  resté. 
Ceux  qui  n'en  ont  pas  été  témoins ,  les  ont  rejetés  à  priori 
comme  contraires  à  Tordre  naturel ,  et ,  par  la  même  raison , 
ceux  qui  les  ont  vus  n*ont  jamais  évité  de  croire  aux  causes 
surnaturelles  auxquelles  les  fanatiques  les  attribuaient. 
11  est,  au  surplus,  beaucoup  plus  difficile  qu'on  ne  l'imagi- 
nerait d'abord ,  à  quiconque  se  trouve  jeté  sans  préparation 
au  milieu  d'une  épidémie  d'extase,  d'échapper  à  Tillusion 
relativement  à  la  cause  qui  opère  ces  faits  merveilleux. 
Parmi  les  théologiens  qui  ont  traité  des  possessions,  on 
pourrait  en  citer  plusieurs  qui ,  sous  tout  autre  rapport , 
étaient  gens  de  bon  sens ,  pleins  de  droiture  et  d'instruc- 
tion; pourtant  il  n'en  est  pas  un  seul  qui,  en  présence  des 
faits ,  ait  su  voir  autre  chose  que  le  diable  dans  Textase 
des  possédés.  Même  remarque  pour  les  juges  qui  condam- 
naient au  feu  les  sorciers  et  les  lycanthropes ,  et  pour  les 
protestants  éclairés  qui  croyaient  aux  miracles  des  GéVennes  ; 
même  remarque  enfin  pour  les  théologiens  appelants  qui 
suivaient  l'œuvre  des  convulsionnaires.  Parmi  ces  derniers , 
au  milieu  du  dix-huitième  sièc  e ,  à  Paris ,  il  ne  s'en  est 
pas  trouvé  un  seul  qui ,  témoin  de  la  réalité  des  faits  de 
convulsions ,  ait  cru  devoir  les  attribuer  à  autre  chose  qu'au 
diacre  Paris  ou  au  diable. 


POSSÉDÉS,    SORCIERS   ET   lUGICIENS. 


Depuis  Sauvages ,  les  extatiques  naturels  n'ont  pas 
manqué  en  Europe ,  et  il  a  été  constaté ,  quoique  le  plus 
souvent  par  des  personnes  étrangères  à  la  physiologie,  que 
chez  eux  la  sensibilité  n'existait  plus ,  qu'il  y  avait  dépla- 
cement des  sens,  que  les  impressions  pouvaient  être  perçues 
sans  leur  intermédiaire ,  et  quelque  fois  à  d'assez  grandes 
distances  ou  dans  des  circonstances  tout-à-fait  particulières. 
Ainsi  des  extatiques  auraient  vu  des  personnes  entrer  dans 
des  chambres  voisines.  {Vu  n'est  pas  tout-à-fait  le  mot 
propre ,  senti  conviendrait  mieux ,  sans  qu'il  soit  possible 


BU   SIÈCLE.  531 

de  rendre  compte  de  l'impression  qui  a  produit  celte  sen- 
sation). Ils  ont  décrit  les  vêtements  de  ces  personnes  et 
deviné  la  nature  d'objets  placés  dans  des  boites  parfaite- 
ment fermées.  D'autres  ont  manifesté  leurs  facultés  spéciales 
avec  le  plus  remarquable  talent.  Chez  presque  tous ,  il  y  a 
eu  quelquefois  communication  de  pensée  entre  l'eitatique 
et  les  personnes  qui  l'entouraient ,  sans  l'intermédiaire  de 
la  parole,  de  l'écriture  ni  du  geste  :  phénomène  qui  se 
manifeste  souvent  chez  les  somnanbules  des  magnétiseurs. 

Au  premier  abord ,  il  semblerait  qu'il  n'y  a  aucun  rapport 
entre  les  extatiques  cataleptiques,  les  extatiques  naturels 
et  les  possédés  du  démon  ;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  pour 
l'observateur  consciencieux.  Généralement,  le  possédé  du 
diable  se  croit  sous  l'influence  d'un  sorcier,  d'une  personne 
qui  lui  a  jeté  un  sort  et  donné  la  possession ,  comme  le 
somnambule  magnétique  se  croit  et  se  trouve  réellement 
par  suite ,  sous  l'influence  du  magnétiseur.  Quelquefois  il 
arrive  que  le  possédé  se  croie  sorcier  lui-même  ;  de  plus ,  il 
est  habituel  que  les  possédés,  dans  les  moments  où  ils 
appartiennent  au  diable,  c'est-à-dire  dans  les  moments 
d'extase ,  deviennent  d'une  insensibilité  absolue.  Quelques- 
uns  sont  alors  atteints  de  catalepsie,  d'autres  voyagent  en 
esprit  et  vont  au  sabbat.  Malheur,  dans  les  siècles  d'igno- 
rance ,  aux  personnes  désignées  par  les  possédés  pour  avoir 
chez  elles  des  réunions  mystérieuses.  L'encyclopédie  de 
Diderot  que  l'on  devrait  juger  un  livre  très-avancé ,  ne  met 
en  doute  ni  la  réalité  des  sorciers ,  ni  celle  des  possédés  du 
diable.  Mallebranche ,  qui  engageait  à  se  défier  des  contes 
de  sorcellerie ,  accepte  cependant  qu'il  existe  des  sortilèges 
et  des  charmes,  mais  il  demande  qu'au  lieu  de  brûler  les 
sorciers  on  les  traite  comme  des  fous,  «  beaucoup,  dit-il, 
n'étant  sorciers  que  dans  leur  imagination.  »  Ce  ne  sont  pas 
seulement  les  chrétiens  et  les  juifs  qui  ont  cru  aux  sorciers , 
mais  aussi  tous  les  peuples  de  l'antiquité.  En  général 
c'étaient,  chez  eux,  des  Thessaliens  et  des  Chaldéens  qui 
se  livraient  à  la  magie  ou  que  l'on  accusait  de  s'y  livrer. 

Bertrand  fait  remarquer  avec  juste  raison  que  l'histoire 
d'un  très-grand  nombre  de  procès  de  sorcellerie  se  réduit 
aux  termes  suivants  : 


532  PHILOSOPHIE 

Un  sorcier  prétend  avoir  assisté  au  sabbat  telle  nuit, 
dans  tel  endroit  déterminé.  Il  précise  les  lieux,  les  per- 
sonnes, donne  un  grand  nombre  de  détails  très-particuliers. 
Mais  il  est  avéré  qu'il  avait  été  vu  cette  nuit -là  dormant 
chez  lui  d'un  profond  sommeil.  Son  assertion  est  donc 
erronée;  il  n'a  fait  qu'un  rêve.  Non,  disaient  les  juges;  c^r 
pendant  ce  temps  le  corps  que  vous  prétendez  avoir  été 
le  sien  était  privé  de  tout  sentiment  :  on  l'a  frappé ,  piqué , 
brûlé ,  il  n'a  donné  aucune  marque  de  sensibilité. 

Mais ,  répliquaient  certains  médecins  de  bon  sens ,  faites 
attention  que  le  sorcier,  quand  il  se  réveille ,  porte  sur  son 
corps  les  traces  des  lésions  que  vous  avez  fait  subir  à  sa 
prétendue  ressemblance.  Ces  traces,  disaient  les  démono- 
manes,  ne  sont  qu'un  résultat  de  la  malice  du  diable, 
qui,  pour  induire  en  erreur,  imprime  sur  le  véritable  corps 
qu'il  tient  au  sabbat,  des  marques  analogues  à  celles  qui 
auraient  dû  être  le  résultat  des  coups  portés  au  corps  privé 
de  vie  qu'il  a  mis  à  sa  place.  Ainsi,  comme  on  le  voit,  la 
condamnation  portait  toute  entière  sur  un  seul  fait  positif: 
l'insensibilité  de  l'extatique  pendant  ses  rêves. 

«  Je  tiens  du  président  de  la  Touretle ,  dit  Bodin ,  qu'il 
a  vu  en  Dauphiné  une  sorcière  qui  fut  brûlée  vive,  laquelle 
étant  couchée  le  long  du  feu  fut  ravie  en  extase,  demeu- 
rant son  corps  à  la  maison;  et  parce  qu'elle  n'entendait 
rien,  son  maître  la  frappait  dessus  à  coups  de  verges;  et 
pour  savoir  si  elle  était  morte ,  on  lui  lit  mettre  le  feu  aux 
parties  les  plus  sensibles.  Pour  tout  cela  elle  ne  s'éveilla 
point ,  et ,  de  fait,  le  maître  et  la  maîtresse  la  laissèrent  eu 
la  place  pensant  qu'elle  fût  morte.  Au  matin  elle  se  trouva 
en  son  lit  couchée ,  de  quoi  son  maître  ébahi  lui  demanda 
ce  qu'elle  avait  eu.  Alors  elle  s'écria  en  son  langage  :  «  Ah! 
»  mon  maître  tant  m'avez  battue.  »  Le  maître  en  ayant  fait 
le  conte  à  ses  voisins ,  on  lui  dit  qu'elle  était  sorcière.  Il 
ne  cessa  qu'elle  ne  lui  eut  confessé  la  vérité,  et  qu'elle 
avait  été  de  son  esprit  dans  l'assemblée  des  sorciers.  Elle 
confessa  aussi  plusieurs  méchancetés  qu'elle  avait  commises 
et  fut  brûlée.  » 


BU  SIÈCLE.  533 


LTCÂNTHROPBS. 


Les  loups  garous  ou  lycanthropes  ne  différaient  pas 
dans  rimmense  majorité  des  cas,  des  autres  sorciers. 
Toute  la  différence  consistait  en  ce  que ,  dans  leur  extase , 
au  lieu  de  se  croire  transportés  au  sabbat  et  de  se  figurer 
qu'ils  y  dansaient  et  banquetaient ,  ils  étaient  convaincus 
que ,  changés  en  loups ,  ils  couraient  le  pays ,  et  y  commet- 
taient toutes  sortes  ae  désordres.  Quelques-uns  seulement , 
sortes  d'aliénés  h  penchants  atroces ,  poussés  par  un  véri- 
table désir  de  se  repaître  de  chair  humaine ,  couraient  les 
champs  et  commettaient  des  désordres  qui ,  bien  que  très- 
rares  ,  donnaient  aux  démonomanes  occasion  de  généraliser 
le  fait.  Laissons  ceux-lÀ  de  côté ,  et  ne  nous  occupons  que 
de  ce  qui  était  vrai  pour  l'immense  majorité  des  cas. 

Entendez  Gaspar  Pencer  sur  ce  sujet  :  il  n'a  connu  que 
les  lycanthropes  extatiques. 

Hérodote  raconte  qu'il  avait  passé  pour  certain,  chez  les 
Scythes  et  parmi  les  Grecs  qui  trafiquaient  en  Scythie,  que 
les  Neuriens  se  changeaient  tous  les  ans ,  quelques  jours 
durant ,  en  loups.  Comme  Hérodote ,  Pencer  faisait  d'abord 
l'incrédule ,  et  ne  voulait  pas  croire  que  les  Livoniens  se 
transformassant  en  loups;  mais  il  a  dû  re  rendre  aux 
témoignages  positifs  de  témoins  oculaires,  «  gens  dignes  de 
foi  qui  l'ont  su  au  vrai  par  les  confessions  de  ceux  qui  ont 
été  emprisonnés  et  tourmentés  pour  tels  forfaits.  »  Suit  le 
récit  le  plus  absurde  qu'ait  jamais  enfanté  le  cerveau  d'un 
homme  en  délire.  «  Ces  hommes,  par  milliers,  transformés 
en  loups ,  courent  en  troupe  sous  la  conduite  d'un  diable 
armé  d'un  fouet.  S'estimant  être  devenus  loups,  ils  suivent 
ce  porte-fouet.  Etant  en  campagne,  ils  se  ruent  sur  les 
troupeaux  de  bétail  qui  se  trouvent,  déchirent  et  emportent 
ce  qu'ils  peuvent.  Quand  ils  approchent  des  rivières,  le 
guide  fena  les  eaux  avec  son  fouet  et  les  fait  passer,  etc..  » 
Douze  jours  après  Noël,  toute  la  troupe  s'écarte,  et  chacun 

33 


554  PHILOSOFHIB 

retourne  en  sa  maison ,  ayant  dépouillé  la  forme  de  loup  et 
repris  celle  d'homme. 

Rien  ne  manque  à  l'absurdité  des  détails,  et  vous  êtes 
tenté  de  jeter  le  livre  avec  indignation.  liîais  lisez  jusqu'au 
bout ,  tout  va  s'éclaircir  ;  Tauteur  va  indiquer  comment 
s'opère  la  métamorphose  : 

tt  Cette  transformation  (en  loups)  se  fait  en  cette  sorte  : 
»  les  transformés  tombent  soudainement  par  terre  et 
»  demeurent  étendus  comme  morts  et  privés  de  tout  sen- 
»  timent;  or,  ils  ne  bougent  de  là  ni  ne  vont  en  lieu 
»  quelconque;  ains  ressemblent  à  des  charognes,  car 
»  quoiqu'on  les  roule  et  secoue ,  ils  ne  montrent  apparence 
»  de  vie.  De  là  est  née  l'opinion  que  les  ftmes  extraites 
»  des  corps  entrent  en  ces  fantômes  courants  en  forme  de 
»  loups  ;  puis  quand  l'œuvre  entreprise  par  le  diable  est 
»  parachevée ,  elles  retournent  es  corps ,  qui  lors  recou- 
»  vrent  vie.  » 

L'explication  est  assez  claire  ;  nul  doute  sur  la  prétendue 
transformation.  Tout  se  passe  en  songe  chez  le  lycanthrope 
qui  court  les  champs,  comme  chez  le  sorcier  qui  va  au 
sabbat  :  c'est  un  extatique  insensible  qui  rêve  avec  la  viva- 
cité d'impression  qui  caractérise  son  état. 

Le  célèbre  voyageur  Klaproth  semble  avoir  retrotivé, 
chez  les  tribus  montagnardes  du  Caucase,  un  vestige  de  ce 
qu'Hérodote  raconte  des  anciens  Scythes,  et  de  te  que 
Gaspar  Pencer  observa  chez  les  Livoniensqui  appartenaient, 
comme  on  le  sait ,  à  la  grande  race  fiiioise.  11  raconté  en 
effet  que,  chez  les  Tcherkesses  et  les  autres  peuplades, 
«  on  voit,  le  soir  de  la  Saint-Sylvestre,  toujours  à  la  même 
»  époque  connue,  des  hommes  et  des  femmes  tomber  dans 
»  une  espèce  d'extase;  Je  sorte,  dit-il,  qu'ils  restent 
))  étendus  à  terre,  immobiles,  comme  s'ib  dormaient. 
»  Mais,  en  s'éveillant,  ils  disent  qu'ils  ont  vu  en  grande 
»  foule  des  âmes  des  défunts  montées  sur  des  cochons, 
»  des  chiens  ou  des  boucs ,  et  traversant  un  grand  ma- 
»  rais.  » 


DU   SIÈCLE.  5o5 


DES   ROSES-CROIX. 


Au  moyen-4ge ,  à  cette  époque  de  la  vie  sociale  y  où  les 
communes  civiles  s'affranchissaient;  où  quelques-unes 
d'entre  elles  devinrent  les  républiques  aristocratiques  de 
ritalie;  où  d'autres  s'associèrent  et  formèrent  des  cantons; 
où  ces  cantons  eux-mêmes,  comme  en  Helvétie,  arrivèrent 
à  conslituer  une  individualité  indépendante  ;  où  la  fédéra- 
lion  de  villes  libres  créa ,  dans  le  Nord ,  la  Hanse  teuto- 
nique,^  association  puissante  qui  a  dominé  quelques 
temps  en  Scandinavie  ;  où  l'imprimerie  manquait  seule  à 
la  bourgeoisie  qui  partout  s'émancipait  pour  relier  ses 
efforts ,  si  malheureux  depuis  en  Espagne  et  sur  d'autres 
points,  et  pour  les  ramener  à  l'unité  en  créant  une  associa- 
tion européeiuie ,  grande  mission  qui  est  aujourd'hui  celle 
de  nos  gouvernants,  —  le  socialisme  aussi  eut  ses  rêves. 
Il  n'avait  ni  la  vapeur,  ni  l'air  chaud ,  ni  l'électricité ,  ni  le 
savoir  créé  depuis  le  XVI"  siècle  pour  émanciper  le  monde  : 
aussi  s'adressa-t-il  à  une  science  incomplète,  celle  de 
l'extase.  Il  fonda  une  grande  association  do  naturalistes  et 
de  médecins  qu'il  distribua  de  son  mieux ,  sous  le  nom  de 
rosesr-crQix,  auprès  des  primées  et  des  puissances  du  temps. 
—  Ces  méd^cin^  devaient  employer  tout  dévouement,  tout 
amour  «poifr  arriver  au  but ,  le  bien-^tre  universel,  ou  <  en 
d'aojUres  terniies,  l'émancipation  du  genre  humain.  Paxa- 
celse,  Van-Helmon,  Mesmer  ont  été,  sous  des  aspects 
différents  et  avec  des  dévoueinent3  et  une  probité  très- 
différente  aussi,  les  .^ntinuateurs  de  leur  oenvre,  qui  se 
développa  parallèlement  auxétudôs  de  Talçl^ymie;  auxquelles 
souvent  elle  prit  part.  —  Mous  nous  bornons  à. signaler  ce 
fait  :  une  histoire  véritable  de  la  civilisatioi;i  irait  ^us  loin, 
elle  n'oublirait  pas  de  raconter  les  grandes  épidémies  telles 
que  la  syphilis ,  la  peste  noire ,  la  peste  du  VI'  siècle  et  les 
épidémies  morales  dont  les  flagellants  sont  un  exemple  si 
curieux.  Elle  montrerait  quels  ont  été,  à  la  surface  du 


536  PHILOSOPHIE 

globe,  les  faits  et  gestes  politiques  et*  industriels  des  peu- 
ples ;  puis  en  regard,  quelles  ont  été,  en  dehors  du  mou- 
vement officiel ,  leurs  tendances  et  leurs  aspirations  vers  le 
bonheur,  leurs  rêveries  et  leurs  extases.  —  Beaucoup 
croient  les  sciences  épuisées  :  pareilles  aux  mines  d'argent 
d'Amérique,  elles  sont  à  peine  effleurées.  Jeunes  tra- 
vailleurs des  deux. seiLes^  le  champ  le  plus  vaste  est  ouvert 
devant  vous  aux  eiïorts  laborieux  de  vos  intelligences. 


TBfiMBIiBUKS  DES  CÉVEIVNES. 


Le  Théâtre  sacré  ies  Cévennes ,  ouvrage  aujourd'hui  fort 
rare,  est  presque  le  seul  document  qui  nous  reste  sur  celte 
épidémie.  Ûu'il  nous  suffise  de  dire  à  cette  occasion  que 
des. paysans  ignorants  et  grossiers,  arrivés  à  l'extase  par  le 
fanatisme  religieux  ^ .  en  ont  usé.  pour  prouver  ce  quîls 
croyaient  la  vérité  et  pour  démontrer  la  supériorité  de  leur 
foi.  îîous  ne  savons  ae  quelle  manière  Clary  soutînt  vîçtb- 
rieuseènient  TépreUj^e  du  feu^, épreuve  aùjourd'l^ui, si  facile 
depuis  l^s  travaux  récents  de  Boutignj  V ''wàîs  n^us  proyoDS 


manière  la  j)lus  éloquente  et  là  |Jus  remarqùaMe  ^  *  *àns 
s*ocçuper  jie  înoir^  du  monde  des  coniusiprisf  prbdurt^s'|iar 
leur  chute.  ..      .  .  .  >    ..  '.     '  .     .  ,  j.iy 

.  JN^Qus,  n'av<î>p^  nori  plus  aucun  captif  dé  révoquer  éii  €^^ic 
tout  ai  q|ii  a  été  raconté  ^urpîusieiiris'extiEltiqiies  et  spé- 
cialement sur  la  bér^re  du  Crct.  Pourquoi,  mer  qu'elle  ait 
parlé  epdopn^içv  qu'elle. ait  joui  en  cpt  étaf'de  facùjïes 
quelle  ue  possédait  pas  éveillée;  pourquoi  nier  encprej^ôn 
inseqsibiUté .  pendant .  Textase  et  son  oubli  cpmplél ,  àne 
fois  réveUIéç,  de.  tout 'ce  qu'elle 'aJyait  vu,  ^  .dit  ou  faîlçfîn- 
dant.json 'somn^mJbiîlisme  xëligieuxt^Àvant  dix  aixs,  ces 
réflexions  paraltronl.  bieii  plus  sérieuses  et  Hèn  plus  fon- 


BU   SIÈGLB.  537 

dées,  quand  on  aura  vu  la  philosophie  elle-même  produire 
aussi  elle  son  épidémie  et  ses  merveilles  extatiques  de  toutes 
formes  et.de  toute  nature.  ^ 


GOimiLSIOlMlfÂtRfiB  BB  SAII^T-MÉDARD. 


Les  académiciens  Morand  et  La  Condamiue  ont  observé 
cette  épidémie  religieuse  du  dernier  siècle  et  constaté  les 
faits  qu'elle  a  présentés.  Comme  tous  teuxx  qui  en  ont  été 
témoins ,  ils  n  y  ont  rien  compris.  Des  femmes  faibles  et 
délicatdS  se  faisant  mettre  en  croix ,  se  laissant  percer  les 
mains  ^t. les  pieds  avec  des  clous ,  causant  même, sur  la 
croix,  ne  paraissant  éprouver  aucune  douleur  de  ce  qui 
eut  si  vivement  torturé  les  autres.  Voilà  les  faits  extra- 
or&iâires  dont  ils  ont  été  témoins ,  et  cependant  il  ne  se 
trouva,  dans  ce  temps, ^aucùn  esprit  assez  philosophique , 
assoie  ami  du  rapprochement  des  états  anormaux  de  la 
vie  et  dje  là  recherché  des  causes,  pour  se  demander  si  les 
miraçleèr  dé^  ppnVufsioiinâires  des  ilévenries  et  leur  ihseti- 
sibilîfé^  ii*étaien^  pas  de  la.,mênie  nature  que  celle  de 
Madeleine  JïandoBe,  qui  fut  cause  de  la  mort  par  le  féu, 
du  iniré^aufridy,  condamûé  en  1611,  comme  sorcier,  à 
être' ftrdlé,  vif)  et  qui  plus  tard  elle-mîème ,  reconnue  sor- 
cière, ftijU  par  mourir  en  prison  ;  que  celle  des  religieuses 
de  "Laiivièrà  qui.  en  1647,  firent  déterrer  le*  corps  du 
cure  'Wcârd'  'et  brûler  vivant  son  Vicaire  Baûlle;  Qiie 
d'extatiq^es  mécqnn^^y  cause  involontaire  d'assassihçits 
joriâiqués  !/^j  'Ûue  de  pages  àë  "ITitstoirë  .soufflées'  par  les 
forfâiJt$''déTlgnorance'etpâlr  les  crùeïs  jùgextierits  d^hommés 

su^Msfeuijîr  ■.  "-*^*-  "\'      .'..■■-•. 

mrfeleîile  frâvant.  ^i  ïut'côndamiiéi^'ppuir  toute  sa  vie 
aupifî^'/à'  Peau  et  a'ia  priàoil',  était  eussï'hnôieitÎBitique. 
On  pe|iV-ëii;  diire' autâdt  d'Elisabeth  Reiifeih,  fondâtWcé  du: 
refuge  m  %.  iièfm  *  ijôi  se  ctpt  et  *^^  Vin'  cru(  possédée  ; 
fait  ppiii'^  fé^uef  le^  malheù^^^  inêà^mPoïm  fût  brûM 
vif,  mâï^^  w -prot^^^û ^^  ^^^  de'ÎÉiorrame ,'  soïi' sbuve- 


S58  PHILOSOPHIE 

rain.  —  On  retrouve  tous  les  caractères  de  Textase  chez 
toutes  les  possédées  d'Auxonc  (1662),  chez  celles  de  la 
paroisse  des  L^es  (1718) ,  chez  celles  de  BuUy  près 
Rouen  (1724).  (Sez  plusieurs  de  ces  filles,  Tinsensibilité 
fut  constatée  par  des  épreuves  tout-à-fait  concluantes, 
dont  rien  n'eut  pu  excuser  la  cruauté  en  toute  autre  cir- 
constance. Un  chirurgien  requis  légalement  d'en  examiner 
plusieurs ,  enfonça ,  dit  le  rapport ,  des  épingles  dans  les 
doigts ,  au  lieu  où  s'attache  1  ongle  ;  mais  la  possédée  ne 
parut  rien  sentir  du  tout.  On  enfonça  à  une  autre ,  entre 
les  doigts ,  une  aiguille  qui  sortit  par  la  peaii  du  bras , 
sans  qu'il  parut  chez  elle  aucune  douleur;  pourtant  la 
fille ,  dit  touiours  le  rapport ,  ne  paraissait  ni  malade ,  ni 
assoupie  :  elle  parlait  avec  les  assistants  (comme  l'opérée 
de  M.  Cloquet  et  les  somnanbules  magnétiques),  les 
pressant  d'y  employer  le  fer  et  le  feu ,  protestant  ne  rien 
sentir  absolument.  Dans  le  rapport  fait  par  des  chirurgiens, 
sur  les  possédées  des  Landes,  il  est  dit,  entre  autres 
choses  qui  prouvent  Tinsensibilité  la  plus  complète,  que 
l'une  d'elles  fut  soumise  à  l'épreuve  suivante  :  on  plaça 
une  chandelle  allumée  sous  son  bras  nu  ;  la  peau  fui 
brûlée,  et  une  plaie  considérable  fut  faite  sans  que  la 
possédée  donnât  le  ][)lus  léger  signe  de  douleur.  A  Lou- 
viers,  on  voyait  journelleraont  les  possédées  se  jeter  à  la 
renverse,  quelquefois  de  phis  de  dix  pieds  de  haut,  et  se 
frapper  la  tête  avec  violence  sur  les  dalles. 

C'étaient  aussi  évidemment  des  extatiques  insensibles 
que  ces  religieuses  de  Loudun  tant  calomniée? ,  èl  qui,  si 
elles  se  permirent  faprès  là  mort  de  Grandier)  quelques 
fourberies  bien  conaamnables ,  Se  croyaient  pourtant  en 
conscience  tres-réelleraent  possédées  f)ar  le  fait  de  ce 
malheureux  qu'elles  firent'  brûler. 

D'autres,  avant  le  docteur  Bertrand,  avaîènl  deviné 
l'extase,  mais  personne  ne  s'était  occupé  de  réunir  tous  les 
faits,  de  les  rapprocher  et  d'en  déduire  des  conséquences 
philosophiques.  Le  magnétisme  ne  nous  eut-il  valu  que 
d'avoir  été  l'occasion  d'un  pareil  travail,  ce  serait  un  grand 
service  qu41  nous  aurait  rendu.  Il  eèt  vrai,  nous  ne  con- 
naissons pas  encore  l'essence  de  l'extase  et  les  moyens  de 


BU  SIÈCLE.  339 

rattacher  directement  à  la  physiologie  cette  forme  patholo- 
gique de  notre  être  ;  mais  nous  savons,  et  c'est  beaucoup, 
que  cet  état  existe;  nous  savons,  plus  ou  moins,  les 
principaux  phénomènes  qui  le  caractérisent  ;  nous  savons 
aussi  quelles  circonstances  le  produisent,  de  quelle  manière 
Ton  peut  en  user  pour  le  bien  des  hommes,  et  les  scanda- 
leux tripotages  d'argent  auxquels  il  a  donné  lieu  :  n'est-ce 
pas  quelque  chose?  Qui  donc,  parmi  les  plus  renommes 
des  médecins  du  siècle ,  oserait  dire  :  Je  connais  l'essence  de 
certaines  maladies  des  plus  vulgaires  et  des  plus  com- 
munes^ telles  que  les  fièvres  intermittentes ,  les  dartres  et 
le  choléra  ? 


DES  STTEDEXBORGISTES. 


Il  y  a  vingt-quatre  ans,  lorsque  je  suis  venu  m'établir  à 
Nantes,  il  n'était  bruit  dans  cette  ville  que  de  madame  de 
Saiiit-Amour,  et  des  guérisons  miraculeuses  que  ses  prières 
obtenaient  de  la  divinité.  Liée  à  la  secte  des  swedembor- 
gistes ,  d  une  grande  puissance  de  volonté ,  très-exaltées 
dans  sa  religion ,  fort  mystique  en  ses  croyances,  quoique 
douée  d'une  intelligence  peu  commune  et  d'un  remar- 
quable esprit  d'analyse ,  cette  dame  croyait  fermement 
Sue  Ton  peut  obtenir  parla  prière,  la  guérison  des  mala- 
ies, et  qu'à  nos  vives  demandes.  Dieu,  se  laissant  aller 
à  nos  sollicitations  pressantes,  réagit  en  notre  être  par 
un  puissant  magnétisme,  de  manière  à  le  profondé- 
iD en t  modifier.  Aussi  n'hésita-t-elle  pas  à  se  servir  de  ce 
moyen,  selon  la  charité  de  son  coeur,  pour  rendre  des 
senices  et  pour  rappeler  à  l'adoration  de  l'être  suprême 
les  âmes  qyi  s'en  éloignaient.  Quelques  guérisons  eurent 
lipu  :  les  récits  publics  s'en  emparèrent ,  les  grossirent ,  les 
multiplièrent.  Bientôt  ce  fut  chez  elle  un  concours  immense 
de  malades  de  toute  espèce  qui  se  pressaient  à  sa  porte  et 
s'exaltaient  àl'envi  les  uns  des  autres,  se  plaçant  ainsi 
d'eux-mêmes  et  sans  le  savoir,  dans  les  meilleures  condi- 


540  PHILOSOPHIE 

lions  possibles  d'imUalion  contagieuse  et.  d'exUse.  —  Etes- 
vous  guéril,  demandait  un  iour  le  docteur  Fomré  à^l'an  des 
aveugles  qui  étaient  allés  cnez  madame  de  Saint-Amour  et 
qui  pariait  avec  une  grande  vivacité  de  r^iméiionitton  qu'il 
avait  épi:ouvée.  —  Non^  monsieur <  répondit«-il/ je  ne  tqîs 
pas.  encore  (cet.  homme,  eomplètement  inguérissable, 
n'avait  plus  d'yeux);  je  ne  pourrais  me  conduire ,  mai&  il 
s'est  produit  un  grand  effet  dans  mes  yeux,  et  je  seps  que 
je  verrai  bientôt.  Parmi  tous  les  malades  que  j'ai  moi^-inéme 
inti^rrogés,  il  n'en  est  pas  un  ^xA  qui^ne  m'ait  dit  que  Jes 
prières  de  madameide  Sa^it-A<QOttr  lui  avaient  produit  mie 
vive  impression.  La  manièjredont  elle  interrogeait,  j'acçen* 
tuation  si  pénétrante  desoq  Langage,  cette  onction  tout  à 
la  fois  magnétique  et  religietise  atec  laquelle  elle  imposait 
le$  mains.^  produisaient  obez  les  patients' un  fréipissement 
intérieur  1  e^  beaucoup  se.troutaîenft  ou  aeenoyaieat  isuné- 
(Uaten^ent  guéris.  —  Dieu  me  gar4^  de  penser  que  madame 
de  &airil-*Amour  eoljamaâspu,  par  ^ti  magnéti&me,  agir 
cbjr^vgiçal^fnent  ;  vm^.  d^i  iié^ï^re^x,  d»&  jchlbroiiqueâvet 
d'autres  maladesi  atteint^  de <  paiyiljrsiea  locales v 'd'aîné- 
norrh^»:dq  jeacïorrbéesi  dô. ,. gastralgies  trt  d'affeotiins 
neirveuse^fc  pnt  eu,  réeBeM«&nt.  à.i^e;louer -en  asseZ'egrand 
noqlj^^r^  i^  l'inliueiice;  t^e;.fuel}e>4;>qii)e|t4ans>  som^monr 
(lU|npbljp  et  du  ^)ieçi>.  lalk  .avait  su  vebserlsur  leum  «uCr 
fr^npept,n,«'wit  p^iî  été  |)hilo^QpWq«e  deLûieSi4'fmiWi\ 
cquvme  .l'i^nt,  £iM t  tftpt  .di  hoauftea  'de  isciemte^  ie^  qa'ii  "m'jptait 
si, facile  4e  vérifier,  p^r iQoirrjpiétne  : Jejpne  iSUis.dQOs^assoré 
qu,'^  y  avait  eu  de^-g^é^i$p^8,.et  j'ai .dQiis*até .de:,ptes 
quiilj. avait,  eu  pi^a.^t gMéiu^itHia^radioid^  .et. iduraMaei^itm 
hq^)  poiiftl^r^,  dlarpélioçafliwwi  $ensiyii)lfift,.  ïani^^passagènçs; 
uuî  i^4;^ï9ire  jn^f,  (^'eçpérw^  :•    ..    «j  h.idïî   .k 

^Dan^ieiiftiapwrt  Muelî^i*»  vieillard: de.^aitantetHlis*' 
huiîiflu^vi?  co»niwy4w«iïuaft)rgttBr^n^  14,  jpùeî  SeiariBt'^ià 
Pimi,,Qbtîejip.lr> #s.trq$4^l4  a^mblable$.à:C!âYyi..^^Bifidteie 
de  ;^*intrAmpUÇ,  .*et  deirfcàsnhplus  j^«tf)aw|«w]^tes)-0H{cofe; 
Comme,  ejii^.,  ïï  prpiji^tiPM  magnéUsoQte  ^oiisi'itaaiiimoi*  df 
la.^if  d^s  la  J^g^té.detiiMeiiii^  Gomme tmadam^^ëiSûfl^ 
Ajnv2^^,j  it  s,giit,,qWÂl  'i^^l^^;  maîsuil  /creilicq^'il  >ne 
réussirai  pas^!il  ^l'^yaitvpowt^utiuniquedei  .manifester  la 


BU  SliCEE.  S41 

gloire  de  Dieu  par  les  gpftees  dent  il  e&l  Tintermédiaire. 
Doné. d'une  impfesâoQnabilité  irè&^partieulièrè,  it  lui  arrive 
souneHty'À  la  tue  d'un  malade^  de  deviner,  par  un  senti- 
ment  intârisar,  tout  oe  4fm  concerne  ses  e^offrances  ;  et  de 
pouvoir  se  passer  d'interrogatkMv;  Parfois-  il  seni  ou  croit 
s^itiff-s'échapper  de  lui  comme  une  vertu  secrète.  En  ce 
casi  il) est  bien  rare,  ditHDn,  que  cette ^vwfeu- n'agisse  pas 
aimsi  promptemeul'CiU'efficacement  pour  la  guérison  de- 
mandéev  ^-^  Groim  qu'il  guérisse  ib^Aèn  les  affections  qui 
se  présentent'  à^loi^ 4ipire  qu'il  gqé^isse'tonMs  eetlesi  qui 
sont  oa  pavaiflsent'ideiilîque^,  croiire  qu'il  obtienne  tous 
les  joaris  des  résultats  aembtaibles^  aérait  "uiiegrandêierreur. 
L&ioarieiiai)  le  merreilleux  dé  phénétnètfeâl  de  cette  nature 
n0:iéside  aucuiiemeiit  *  dans  le  -nombre  etUa^ra^iété  des 
goéoBons  Y  dans^  le^  réoiiis  anxqurïs^dês  gtiérisons  donnent 
lieiiv»ft^îs  u^^^^naent  danslapessibllhédé  leur  mânifes» 
tationi  Ar  cqeis  c'est  un  phénonâne  physiologique  ijui  s'est 
pr^nlé  dans  tous  le»  temp&  e|t  ^^ams  ilous  les  lieux ,  sôus 
riniaenoe  de!  toutes  ries  religions  :  aattsi  'ifiéfrito-t'^t  une 
étude  sérieuse  et  une  apprëtciation  sciefnlifiq^.'    < 
-  iTous  les»  joixrs^le  respectable  commandant  Laforgue  re- 
çoit ober  lui  soixante  et  quatre^-viiffgtinakdesl'b'un  de  mes 
amisieni  a  compté  yodqu'â  ceint  vingtJ'Në'^uVant  véfifler 
paf  •siofi«}èaie'les^ts  ^si  ^urieur^quiâ^'^as^en/t^à  Pau,* j'ai 
fait^ftn^eiidi»  32  tepleinftve  aut  U  cietobrè  1949,  un  relevé 
dad  guérisons  tes'^plus  imporladil^Vi  pa^^Ude^  f^i^fte  mal- 
httiueASMiènt! étrangène  k^'lk  itnédëcln^, < nlftis' remplie  de 
déi9uebieriti^i<d4nteUi^nc&.'*ni en>^srt^stlUév^pèui^  ittdi ; 
e8tte^«éii«riolioiis  ^ lecomiMnâè^t'lLafôrgiië'à  goérl, dès 
lar|iraiiiè»eiséa»€e,.«ni'|^nd  ne«ioS»ré<d<^;>pbotopbdfei}^  ^tae 
l'on  prenait  pour  des  cécités 't-^¥âs^at^'(^'>les^^édés 
usinktde  la  >'«cibncetiar  Moment!  pdi^  âMtftf^é(Mli^S;^'Sèpt 
surdités  .oiitr^  été«  guéries  dans^  l^  àimi^  ffftif^i  lia-  dernière 
étaâtiagcooipagttée  d^ë  cMvé  dé  F^î' droit' qMremonftait 
à'^iiÎDgt^oinltf  atiai^Les  soûfdS'diô^r'U  bèt^é'HS'dénS  la  note 
qii'onimfdidobaéè')  éeieaiei^ite  tattr^È^dité  À  vafifé^  accumu- 
krtioiridé)cémri)en:danfr  (VNi^iHé^ièktekeiift  âe'ikusses  mem- 
brams^podièia  àurdiftémerte^)^j'èU'iMéUT<:»se  de  l'OreîRe, 
je  n0?sèîsi}Mimèi$*iita'iCd^'llotf$  ^ritSiiaW  désola  ^pfrèîmière 

33* 


54S  PHILOSOPHIE 

séance,  et  pour  !«  dernier,  la  cure  a  eu  lieu  en  présence  de 
soixante  iMlades  qui  ont  crié  au  miracle.  Voici  maintenant 
un  pauvre  diable,  perclus  de  tous  ses  membres,  qui  marche 
à  la  première  séance,  et  qui,  à  la  seconde,  &*en  va  guéri , 
ou  se  croyant  guéri.  En  voici  un  autre  qui  marche  depuis 
dix-sept  mois  avec  des  béquilles  et  qui,  dès  le  premier 
jour,  les  dépose  dans  un  coin,  snr  un  monceau  de  cent 
cinquante  à  deux  oents  paires,  laissés  par  d'autres  malades 
antérieurement  guéris.  Que  penser  d'un  goître  énorme  qui 
disparaît  presqu'entièrement  en  trois  séanceâ  ?  d'une  hernie 
guérie  aussi  promptement,  du  moins  en  apparence,  chez 
un  ancien  artilleur,  et  ce ,  assess  radicalement  pour  qa*il 
dépose  son  bandage  ?  Que  dire  d'une  tumeur  du  genou  qui 
se  modifie  en  trois  ou  quatre  séances  magnétiques  ?  Pooor- 
quoi  nierais-je  ce  qu'ont  vu  des  hommes  loyaux  et  qui 
avaient  intérêt  à  bien  examiner  ?  Qui  donc  oserait  se  flatter, 
parmi  nous,  de  connaître  tous  les  phénomènes  naturels  et 
les  lois  de   leur  production  ?   Quoiqu'on  en  dise,  nous 
pouvons  afTirraer  qu'il  y  a  dans  ce  monde  des  êtres  privilé- 
giés ,  qui,  soit  par  une.  influence  morale ,  soit  par  une 
influence  électro-chimique ,  analogue ,  en  son  espèce  supé- 
rieure, à  celle  du  gymnote,  du  silure  et  de  la  torpille, 
guérissent  ou  soulagent  avec  promptitude  dêà  souffrances 
rebelles  à  beaucoup  d'agents  médicaux.  Là,*  disent  les 
adeptes ,  ne  se  borne  pas  l'influence  desr  magnétideors  et 
des   extatiques  :  non-seutement  ils  -peuvent  produire  et 
gué? ir  Finsensibilité ,  la  catalepsie  v  non-seulement  ils  i^eu- 
vont   soulager  des  misères  nomb^usies  et  apporter   tine 
guérison  rapide  dans  des  maladies  peu  connues  enedrfe; 
mais  ils  sont  prophètes,  ils  jouissent  du -don  de  seconde 
vue,  ils  agisseot  k  distance» et  sont  susceptibles  d'exerwr 
dos'influenees  qui  peraiâseo^  toat-èhfaiten  dehors  des' lois 
connues  de  la  nature.  L'imagination  des^  magnétiseurs  est 
tràs^vive,  et  sousf  ce  rapport  elle  esi< souvent ,  trop  soiiveht 
en  avant  des  faiti.  En  voici  deux  cependant  qui  soM  assez 
curieux  et: qui  paraissent  exacts.  M.  ' N.,.;. "arrive  à  Pàû  . 
coiasnlter  «le."coiamandant  «powr  sn-  filleî.  -^^Retotime*  chez 
vottsvhiii.dit*'il,  carde  ce  moment  efle  va  ^mfeo-t  :  i^e  qui 
était  vrai.  Madame  XXi..,  de 'Nantes,  est  atfeime  de  mi- 


BU  SIÈCLE.  843 

graines  très-douloureuses.  —  Soyez  rassuré ,  répondit-il  à 
soa  mari  ;  des  phénomènes  d'un  autre  genre  se  sont  substi- 
taés  avec  avantage  à  cette  terrible  affection  :  et  c'était 
encore  vrai.  Quand  vous  voudrez  faire  le  bien,  ajouta-t-il, 
pensez  à  Dieu  qui  veut  le  bonheur  des  hommes  ;  pensez  à 
moi ,  son  très*humble  serviteur,  auquel  il  a  donné  le  don 
des  guérisons ,  et  je  serai  en  esprit  près  de  vous  ,  exer- 
çant avec  vous  le  ministère  sacré  que  j'accomplis  ici  chaque 
jour. 

Nous  n'acceptons  ni  ne  rejetons  ces  données  nouvelles  du 
pjpoblême  ;  nous  déclarons  positives  et  acquises  à  l'huma- 
nité celles  qui  ont  été  suffisamment  vérifiées  ;  quant  aux 
autres,  nous  sommes  loin  do  croire  que  l'étude  de  la  nature 
et  de  ses  manifestations  diverses  ait  dit  son  dernier  mot. 
Jusqu'à  nouvel  ordre,  nous  nous  renfermerons  dans  un 
doute  circonspect  qui  est,  en  pareil  cas,  le  devoir  de  tout 
esprit  philosophique. 


MAGNÉTISME   AiymAL. 


Deux  individus  se  trouvent  en  présence  l'un  de  l'autre  : 
l'un  est  généralement  fort  et  plein  de  vie;  l'autre,  délicat 
et  ooaaladif .  Le  premier  est  doué  d'une  virilité  puissante  ; 
le  second  est,  le  plus  souvent,  une  femme  frêle  et  souffrante, 
atteinte  de  chlorose ,  d'aménorrhée ,  de  maladie  nerveuse , 
quelquefois  d'épilepeîe.  Le  premier  a  la  volonté  de  pro- 
duire des  phénomènes  d'extase  chez  le  Iseoônd ,  et  dans  ce 
but,  il  le  fait  asseoir,  ordinairement  dans  une  chaise  plus 
basse  que  la  sienne;  puis  il  place  ses  genoux  centre  les 
genoux  du  patient,  lui  prenaBt  ks  pouces  jusqu'à'  ce  que 
les  quatre  fla&ins  se  trouvent  à  peu  près  à  la  mètne  lempé- 
ratore  ;  en  même  temps,  il  le  fixe  du  regard  avec  la  ferme 
volonté  d'arriver  à  un  résultat  ;  puis  il. fait;  à  peu  de  dis- 
tance, des  passer  le  long  de&  membres  supérieurs  et  des 
cuisses  du  magnétisé  V  en  ayant  «oin  de  suivre  la  direction 
du  sang  artfériel  :  on  dirait  qu'il  procède  à  une  aimantation, 
car  il  agit  toujours  dans  la  même 'direction,  évitant  les 


5^i4  PHILOSOPHIE 

passes  en  sens  inverse.  (^Iquefois  aussi  il  applique  une 
main  ou  sur  lé  front,  ou  sur  l'épigastre,  et  bientôt  le  patient 
éprouve  des  moaremeitf s  involMtaires  dans,  les  muedes  ; 
sa  tète  devient  lourde,  mal^  luf  ses  paupières  se  ferment, 
il  s'assoupit,  et  le  sommeil  sueoède  à  cet  assoupissement: 
sommeil  qui  est  toujours  assez  profond  et  qui  peut  dépasser 
les  bornes  de  l'état  normal.  Il  arrive  en  effet  quelqaefoîs 
que  oe  sommeil  soit  accomtpagné  d'insensit^té  coiâplète, 
comcue  dans  l'état  d'extase;  d'autres  fois,  la  eataiepsie 
peut  se  produire  sous  l'iniluenee  du  magnétiseur  ;  il  se 
peut  enfin  qu'une  eitase  parfaite  soit  le  résultat  âe  ces 
agissements*  C'est  là  ce  que  Ton  appelle  le  somnambulisme 
magnétique. 

La  catfliepsîe  des  somnambules  magnétiques  ne  saurait 
être  révoquée  en  douta.  Maintes  fois  nous  en  avons  été 
témoins  ;  maintes  fois  nour  avons  vu  les  magnétiseurs  h 
produire  instantanément  ec  sous  Tinfluenoe  de  leur  seale 
vc^nté,  sans  parole  et  ^ans  geste  de  leur  part. 

La  paraljrsie  locale  d'un  membre  peut  encore  être 
produite  à  volonté  •  par  le  magnéUseur,  èl  cela  même  à 
distance.  On  a  vu  poser  là  dematidé  suivânce  r  «  Que  le 
somoambu^o  se  réveille  avec  le  membre  inférieur  droit 
ou  gaucbe  paralysé,  d  Le  somnambule ^étâitt^éveUlÔ,  >onilùi 
demandait  d'ofier  prendre  qudquV>bjet,  et  îl  se*  trouvât 
danâ  l-impossibilileide  se  leier,  p^r^suit^^de  lai'paMlysie 
du -membre  désigné.''  ••  •  ^^    "  ■!    "■••,••      ''"' 

L'insensibilité,  soit  locai^*,  soiti  générale' i  peM  ((H^  k 
conséquence  du  smmnambuUfi^e'  magnéti^pie.  Lè^  ^ihii^ 
gie^  âoquet  a4)ipéré,  en48â8  j  mie  dattie  tnafnélfôéi^oar 
ledodeur  Ghap^ain,  qui  t)«  s'en  aperçut'^  ankdM^fli^. 
Deptttis  lors,  a'aiftires  opérations  d'ukie'  liatit^  ^r^^ité'4il^ 
été  pratiquées  sur  des  malades  magnétisés  par  H.  Rfèanl 
et  par  «.  ^afbptaine^  itoidoors  at)ec  le*  mèmt^  Mcëès  ,>4e 
magnéjlâsBiedeaiMfnt  des  b&ultais  au$si  céniplet^  que^t 
que  l'on:  obtient  aujdiunjl'Mi  f^  le  ciiknr0forniê.  >•'    '   ' 

Les  piaraiyHies  ^  la' catalepsie  et  rin^nsibltilé  k)^le^«a 
générale  p^urendi  donb}  ôlre  le  résultat  du' ^maniérisme  ; 
maié  Ih  «la  s^atrdte  pcàm  soûiaotion^  it  éà4ès' pbéhobiènes 
d'un  anollru' ordm^ qui «ppi^lent  nôtres  esdtnén.'^^       >  '-- 


]>n  siËctB.  545 

J'ai  eu  occasioQ  de  ¥OÂr,  à  Nai^tes»  chez  M.  Papote,  un 
petit. soQiDaïukute  formé, -je  crois,  parU.  Rioaca.  le  lui 
ai  bandé;  les  jwx  moi^-mèûM^  avec  toutes  les  précautions 
dont  un  niédeeincbt  capable,  etj-aijouéiavec.loiàréoarté. 
—  le  lui  donnaiB  ses  cartos^  tetouméesi,  ;sans  qu'il,  put 
les  xoir,  et  jje  qacbais  aveo  soin  moq,  jeas  je  faisais  ies 
courtes  ^pott?  lui  et  jKMir  nioi,  et  seul  ie  regardais  la  toutne, 
qu^  JQ  m  déoôtttrais  cependant  piae.  Cet  enfant^m'a  noiUBié 
à  plu$ieuffs.x:epn&e$  les  cartes  qu8j'atYais..dans<mjDn  jeu  et 
celles  qu'il  avait  <knsle  sien  el.  qu  il  n'avait,  pas  exami- 
né^«,toi:gpur$.il  ^  oomm  k  tot^rne».  r-  Sesi  ei^euifr^  car  il 
eu, a  fait,  plusieurs  ^,  ont  été.cel^srCL:  ;ii  a  pda  des  dix 
pour  des  huit  et  vice  versa,  U  a  pris  aussi  du  canrpau  pour 
duiOQs^ur;  mais  ce», ercettr&elle&rinéfDes  élaient  intécas- 
santés.  J 'ajoute^  qu'il  était  iiAposaible  de  lui .;fair&  une 
tjricherie,    ,.  ,  :..  ..j    ... 

Lq  niôme  ecifant,  qui  lavait  QEiédi0Qreaient..lifieL,  oli^ 'de 
grosses  affiches  i^s  yem.  bradés^  at  nariaitei^eaA  oouvnpt^  ; 
d'iiù  cette^>oonidu9^on  :  dans.rètel.d  eiiase  n)aglkélic|ue.«jle 
qer^^u  a  ud^^aiitre  ;maiiiière  d-allâr  au|-dfinrflût,a6fiB  ioiphes- 
sipi]^:gue  daaAj'4tftt  ht&Mtuel  Laissanl  de  cdtéJJes  sens;  il 
s'^i^icréô  deiir^uYieattiK  que  nous iiejeûDiiais9ûn9i^ë«iicore 
Qtifiw'il.im^ie: d'étudier.  >..!  .  ^  i  .-::,>.  îi<;i,  .-  i 
uJ^qMfdHiulîs^usj  464^ftéeeb  a$)itt!d^acoB3i»nn&sijcbe2 
l^vQM«t}qrte^imgoétii^s^  Voioîceeiqi^iilnismj^ntjéDdsns 
{>ar  cette  expression  :  le  magnétiseur  pâifiei«j  ^t  l^eaiAatiqiie 
Ull(|Aii$  ^Q^.espslt  J,d<  |KBq$^  .q)iii«;trii^duil4<  t7ri:Qai<]iâut 
au^iffieMr^  iQMaliq^eien'j?a^portiAjyaûaiuejyuti^perfi|(^^ 
e^;»)u^iiti!te»  meH(tte:.phéyQl9^iàt26ia:^lç<»t^-|b^^  iait 

e3(l^iieRMt<Mè9rhifm .  l4> , Mue  i  pan  Jps, magnétifiés^i ide>oèr* 

.[I\ |j|V:PiipiAi. 4illi^clle)ide  $'fa)i)midrpt)fifHikp(e>4u.Mi nc^ te 

pensée  soit  anf^CMpiagÀ^ejj  fi<f  tii«|)|pûiij,èBSi)nri(}stru4»eot , 
l'i$]fgi»toeuté^bP$kt4'i9M  ph^aiplan-)jélâktroi^i^itt^^  «.  «et 
npiiai4mieeiimin$iitrè»tbkà»  (^e^jCiû  pbédonràoeij'p^i^  lôtre 
co|)fl3lik4'ttqe^il|afjU^gf^^.ilr)t^^e^aMAreJ  înleHigenaf  i>:  d'un 
cerveau  à  unii^ut>^^0(KmdaUi{ii)^iUii;-;aiiMe>'.^ 


546  PHILOSOPHIE 

que  les  sens  impressionnés  par  l'écriture ,  le  geste  ou  la 
parole. 

L'exaltation  des  faeultés  naturelles  les  plus  développées 
est  une  autre  conséquence  du  magnétique  :  alors  Timagi- 
nation  et  la  mémoire  jouent  un  rôle  beaucoup  plus  actif 
que  dans  l'état  norinal.  Les  dévots  deviennent  des  sainte 
Thérèse  ;  des  musiciens  peuvent  répéter  de  souvenir  des 
opéras  entiers  ;  les  personnes  charitables  rêvent  de  malades 
guéris,  de  secours  aux  malheureux  et  de  médecine.  Sous 
Tinfluence  de  ces  exaltations,  se  produisent  des  phéno- 
mènes intéressants  qui  frappent  le  vulgaire  et  lui  font 
croire  de  suite  à  la  sumaturalité  des  faits  d'extase.  Ces 
phénomènes  sont  de  l'ordre  de  ceux  qui  ont  créé  réloquence 
des  protestants  extatiques  des  Cévennes  et  de  quelques 
autres  extatiques  des  premiers  temps  du  christianisme  ;  ils 
sont  en  général  plus  communs  et  plus  faciles  à  reproduire 
que  beaucoup  d'autres. 

Pour  les  ignorants,  la  prévision  est  impossible  ou  surna- 
turelle ;  pour  les  hommes  sensés ,  la  prévision  n'est  que  le 
résultat  d'une  vision  intellectuelle  et  scientifique.  L'agro- 
nomie, la  chimie,  la  physique,  la  médecine,  ont  leurs 
prophéties.  Mais  si  les  mêmes  lois  qui  président  à  la  phy- 
siologie des  corps  inorganiques  et  des  corps:  organisés , 
président  aussi  à  la  physiologie*  des  corps  sociaux,  comnàent 
donc  nier  que  la  prophétie  puisse  exister  réellement  dans 
certaines  hmites  et  avec  d'assez  grandes  probabilités  de 
vérification  ?  Des  extatiques  ont  prédit  avec  une  exactitude 
mathématique,  l'heure  et  la  minute  du  retour  des  règles, 
d'attaques  d'épilepsie  :  pourquoi  donc  la  '  mrinière  d'être 
spéciale  de  leur  intelligence ,  qui  leur  a  permis  de  voir  si 
juste  pour  des  faits  organiques ,  ne  leur  pfermettrait-*elle 
pas  de  résoudre  un  problème  compliqué  de  variables 'et 
d'iûdétermiaées,  dans  les  limites  qu'assignerait,  par  exem- 
ple, le  calcul  des  prcèabilîtités ,  s'il  pouvait  bien  poser  les 
«lonnées  de  ce  problème?-  Il  suffit  d'avoir  vu  dix  extatiques 
pour  savoir  que  datis  cet  éCaton  juge  assei  bien  les  attra«- 
'  tions  qui  nous  dirigent. 

II  est  tout  naturel  que  beaucoup  d'extatiqfies  ne  disent 
autre  chose,  en  fait  de  prophétie,  que  oequi  est  la  crotance 


BC  8IBGLB.  547 

de  leurs  magnétiseurs  :  c'est  alors  de  la  transmission  de 
pensées ,  et  rien  de  plus.  Il  est  tout  naturel  encore  que 
leurs  prévisioDS  soient  entachées  d'amour-propre ,  la  per- 
sonnalité étant  plus  développée  encore  dans  Tétat  d'extase 
que  dans  Tétat  de  veille  ;  mais  il  y  a  des  limites  entre 
lesquelles  ils  peuvent  peut-être  prophétiser,  parce  que  les 
faits  d'ordre  moral  sont  soumis,  tout  comme  les  autres,  à 
l«irs  affinités  directrices.  De  prime  abord ,  croire  qu'on 
puisse  annoncer  à  heure  fixe ,  et  même  à  la  minute ,  une 
attaque  d'épiiepsîe ,  cela  répugne  à  notre  esprit  :  c'est  un 
fait  auquel  il  n^st  pas  habitué  ;  mais  ce  fait  prouvé ,  pour- 
quoi ne  croirions-nous  pas  tout  aussi  bien  à  l'annonce  de 
fait  et  d'événements  sociaux  ? 

•  Les  oracles  de  l'antiquité  les  plus  célèbres  devaient  leur 
renommée  à  des  faits  d'extase  ou  de  magnétisme.  Sénèque 
les  définissait  :  la  volonté  de  Dieu  ou  de  là  nature ,  expri- 
mée par  la  bouche  des  hommes.  Us  étaient  loin  de  se 
Fmdre  tous  de  la  même  manière  :  ici  une  prêtresse  oon- 
vulsîonnaire  servait  de  communication  entre  l'interrogateur 
et  ia  vie  universelle  ;  c'était,  selon  les  peuples  et  selon  les 
tieux ,  Yelleda ,  ou  la  pytbomisse  de  Delphes.  Remarquons 
en-  pasfeant  le  grand  r51e  qu'ont  joué,  chez  les  Celtes  gaëls , 
les  Celtes  kjmri  et  les  Scandinaves ,  les  femmes  inspirées. 
AiUenrs,  le  dieu  répondaiten  songe  à  celui  qui  l'interrogeait  ; 
mais  pour  r  obtenir  les  songes  désirés,  il  fallait  unsomtneil 
propice,  auquel  on  se  préparait  par  des  jeûnes,  des  sacri- 
fices, des  ablutions,  des  mystères  ;  par  une  série  de  pra- 
tiques susceptibles  de  produire  un  état  d'extase.  Si  les 
premiers  chrétiens  ont  cru ,  en  pareille  matière ,  à  l'inter- 
vefition  du  démon  et  aux  possédés,  n'est-oe  pas  une  preuve 
nouvelle  en  faveur  de  la  doctrine  que  nous  soutenons  ? 
N-'fltons^^nous  pas  établi ,'  de  la  manière  la  plus  positive ,  la 
coïneidencé  de  l'extase  et  de  la  démonomisnie  ?  Les  philo- 
sophes grecs  étaient  du  reste  divisés  sur  cette  grande  ques- 
lixin;'  Les  platoniciens^  les  stoïciens  et  les  pythagoriciens, 
tous  issus  d«  l'Egypte,  de  l'Inde  et  de  Pythagore,  croyaient 
dans  de  certaines  limites  aux  oracles,  toidis  que  tes  cyni- 
ques et  les»  épicuriens  s'en*  moquaient  ouvertehietit.  • 
Parmi  les  pères  de  l'Eglise,  il  en  est  qui  les  ont   raités 


548  PHIL080»HIB 

d'œuvres  démoni«}ues;  mais  il  em  est  d'autres  qui  n'ont 
vu,  dans  les  oracles^  que  de  grossières  impostures^ «  à 
Texemple  d'^usàbe  et  de  Clément  id'Aleiandrie»  Po«r  nous, 
placés  à  un  point  de  vue  nouveau ,  si  nous  croyons  à  la 
friponnerie  des  prêtres  payons,  nous  ne  pouvons  cependant 
révoquer  en  doute  rimportance  des  phémAnànes  d^eiHase 
dans  un  grand  nombre  d'orades  renommés.  Van-Dale  ^ 
Fontenelle  ont  écrit  sur  cette  matière  :  le  premier,  un  litre 
complet  ;  le  second ,  un  traité  trè&^pirituel.  Hais  ni  Vim 
m  Tautre^  n'avait  la  def  de  ce  monde  nouveau  qute  les 
ancims  avaient. entrevu,  qui,  mèrouvénar  Van-^Uelmon*  et 
Mesmer,  sera  restitué  d*une  manière  définîtivie  à  Thuma- 
nité,  lorsque  les  études  de  Bertrand  seront  reprises  à  nou- 
veau par  de  véritaMesptdlosophes. 

Depuis  sa  réapparition  dans  le  monde  ^  sens  la  forme  du 
somnambulisme  magnétique,  Texitase  a  été  très«utilÎBée 
au  poiot  de  vue  médieaL  Les. uns,  comttie  ie  commandunt 
Laforgue,  en 'font  un  instrument  religieua:.  et  agissent 
directement  sur  leurs  malades ,  en  les  magnétisant,  parfois 
même  à  leur  insu;  d'autres  set  seivent  d€>somnaâiimtos 
pour  aller  à  la  recherche  de  latcause  des  maladies  et  des 
moyens  de  guérison.  Le  charlatanistne  le  plus^  effronté 'a 
exploité  d une; manière •hontiauâe'teette  braiMfhe.  de<  Tiot 
médifial.!  Quelles  qù'aiei^  été  ses  fatites^  elles^n^^Hiitii- 
nuent  en  rien  l'importance  et  la  vérité  des  .faits- pndutéâ  eî 
bien  établis.  Il  y,  ad-aifeursvè  <^té  des  fKtp^Ufr^  >dê^  ètt^s 
dévoués  et  généreu]^,  eonmie  madanuè^  de  ^Satut^mcwir^t 
le  swedemborgiste  de  Pau,  qui 'ii'<ôm'}|A!âais^voiilifr  Tten 
accepteri  dies  malade»:  qu'ils  <3nt  guéris ,  leuP  lArdéhadt ,  4u 
contraire ,  cette  ardente  charité  qui  a  tbujdu^  été'k  iiMèlIe 
de>leBiiTie*'-  n'i  ■»  h- •     "       ••  ''J  i--*''  «'''iT'»'   ■  -'^    -^^ 

Arrivé  à.  cette' partie^*  de  notre 'tmvetiv,  si  nèus  tidus 
posi>nsi>  e^tte  quesliott  :  Qu'dsfHie  ^qu'un^  loAgnélKbeur , 
qu-estnae  ipikiti  somnaoïbule'  magnétique'?''nous  di^tts  \ 
dans  l'impossibilité  de  réponajresoidntifiqvtfeqalèntf'Le'miii-^ 
gnétisenr  est  eeti aimant, i  qui ^  plaoé'^sousi'une'  f^uiHidlde 
papier  oooverteiife/poudrei'de  tWi  iitiprithe^  ii[><cetlef  poudre 
des  nio«v)emenls^<  et  la  di^)M9ii0ég«]^èrèm<|tlt>  sotfS  4'in- 
flueneedesa  pfij^  |ropte;  Voule^^TOus^en  sav^^éitfMtage 


BU  8IÉGLB.  549 

et  pénétrer  plus  avant  dans  cet  int^ressaiit  mystère  scien* 
tifique  7  étudiez  les  axes  des  cristaux^  étudiez  la  pola- 
risation partout  où  elle  se  présente  ;  ne  séparez  pas  l'homme 
de  la  nature ,  eonsidére&^le  au  contraire  comme  la  moUé* 
cule  soc^e,  et  vous  trouverez  dam  cette  direction,  sinon 
des  iaits,  du  mains  des  pressentiments  nouveaux  ^  pour 
marchenr  è  de  nouvelles  recherches  :  voilà  œ  que  nous 
di$i(>Da.à  Bertrand^  en  1837.  Pourquoi  faut-il  que  depuis 
ceUe  époque  la  physiologie  de  l'extase  n'ait  pas  fait  un 
pas  ?  Le  vol  au  ma^étisme,  de  certains  hommes,  ne  justifie 
nullfimet)t  à  no6  yeux  la  coupable  indifférence  de  nos  sa*- 
vailles  académies. 

^Toat:  ce.  qui  précède  â  été  publié  en  1850.  Nous  le  pen^ 
sions  et  nous  1  écrivions  en  1849.  Depuis  lors,  nous  avons 
ajusté  i  un  trà&*grand  nombre  d'expérÎBnces  de  mc|gdé- 
listae  aniinal ,  les  unes  probantes  ou  positives ,  les  autres 
n^  psouvacit  rien  el  souvent  négatives.  A  nos  ymx,  pour 
cette rgcande  question^  la.sciencee8t  encom  trSsi^nccHnpIète  ; 
tottlefofs,  il  est  des  séries  de  phénoraànes  qui  noos  pa*- 
rais^em  irKévocat)lenmQt  démeniKées  par  suite  d'obsetva* 
tioiisiaited  dans  des  conditions  convenaUes.  Nous,  allons 
les  ^naïUérer  ;  .ce  :  sont  :  .    - 

•:!';  La. pafaîyâie  des nerfsdu mbuvement ;        : 
:3r<iD^  mouvements  îofoés  sous  Tinftpenee  de>ia  volonté 

.  S""  La!  parâlyâid  des  nerfs^dp^  sendlimeni;  ; 
'  A'^JBift^i^efmtiom  emronéefi  etiifoffisées'soiB  Finflueaoe  de 
Iç^ffçlçiitédu.flftiitpétiaewr;» ..  . .,    i     i 

J^""  tL^:  ti'ai^mis$iQn  deJa  peâséci  sftils.le  secours  de  la 
Pfl»leii  du^»tft.ni.de.récriUiw;. 

6**  L'exaltation  très-remarquable  d'une,  ou  de;. plusieurs 
faaiiHé|i:jd'^rdre  pfeysiqiie  ^ lintelfactuet'ou  mdrel  ;•>    v '  î  i  / 

7ro^  jH^isÎpneiigéiiéiMtjônt^nt  Éràsceipctesi  pour^toui 
ce.-^u^  iC^n^i^riie'.ie  irptour.  di  accâs^  deitiÂnre-,  deé. ^ensttoes , 
d>i?ip4«ld;hyalés»|Ou,i4'épile|^flie4j  :  .h    idî!  :     .  . .  i 

:ÙiMLli4[aux;visions  h. 4^  grapdçs^idisÉanees  et  aiix.>|»fé- 
diatiûa^  ,vks  /ajts  dè^ti,<)i^tiei»simei^q3É^nt  enrlièrem>ei[Kt. 
-n/NoIrev  ^iquA^e  .pmenn^dlf^ihoui  a*  ipeû^i  amsk  des 
somnftmbukis  0^  wtatiques  niàgnéliqoaç  qui  faisdientune 


550  PHILOSOPHIE 

assez  bonne  médecine  sous  rinfluence  d'un  médecin 
magnétiseur  ;  mais  nous  n'avons  encore  rien  constaté 
de  plus.  Parmi  nos  anciens  condisciples,  plusieurs  méde- 
cins distingués  et  d'une  délicatesse  scrupuleuse ,  nous  ont 
affirmé,  sous  ce  rapport,  des  faits  extraordinaires  ;  nous 
n'en  avons  pas  été  témoin ,  nous  ne  les  avons  point  fait 
passer  au  creuset  d'une  observation  scientifique ,  et  nous 
en  doutons ,  parce  que  telle  est  notre  règle  toute  carté- 
sienne. 

Parmi  les  faits  dont  nous  avons  été  spectateur,  nous  croyons 
devoir  citer  celui-ci  : 

M.  Laurent,  docteur  en  médecine  ou  simplement  officier 
de  santé,  ayant  été  pris,  à  la  Rochelle,  d'une  paralysie 
du  bras  et  de  la  langue ,  vint  à  Nantes  réclamer  nos  soins. 
Pendant  qu'il  était  dans  cette  dernière  ville,  où  habitait  sa 
fille,  jeune  personne  distinguée  pour  l'esprit  et  d'un 
dévouement  admirable  vis-à-vis  de  sa  famille ,  M.  Laurent 
voulut  donner  des  scènes  de  magnétisme.  Il  avait  pour 
somnambule  une  demoiselle  Constance  ou  Prudence ,  qu'il 
fit  magnétiser  par  sa  fille ,  parce  que  je  lui  avais  interdit 
toute  action  cérébrale  vive  et  soutenue.  —  Cette  demoi- 
selle Prudence  ,  dans  sa  vie  usuelle ,  n'était  ni  jolie  »  ni 
gracieuse ,  ni  habile  comme  comédienne.  Magnétisée , 
c'était  tout  autre  chose.  —  Un  jour,  en  ma  présence,  on 
remit  à  mademoiselle  Laurent,  qui  se  tenait  k  trois  pas 
derrière  elle ,  un  billet  ainsi  conçu  : 

«  /«  veukp  que  mademoiselle  Prudence  représente  Eve 
cueillant  lapomm^  et  V offrant  à  Adam.  Ses  regrets  ^  fioare- 
pentir.   » 

Agissant  par  derrière  et  de  façon  à  ne  point  être  vue 
par  mademoiselle  Prudence ,  la  fille  de  M.  Laurent  hit  le 
billet,  le  pUa,  le  mit  en  lieu  sûr  et  magnétisa  madeajoi- 
selle  Prudence.  Bientôt  celle-ci  parut  sortir  de  l'état  de 
stupeur  dans  lequel  elle  semblait  plongée;  elle  se  leva 
avec  grâce  pendant  que  sa  figure  se  transfigurait  ;  elle  se 
dirigea  sur  sa  gauche ,  et  sa  pantomine  représenta ,  de  la 
manière  la  plus  remarquable ,  cotte  grande  scène  d'Eve  et 
du  serpent,  après  laquelle  notre  première  mère  cueilht  le 
fruit  de  l'arbre  de  vie.   Ce  n'était  plus  là  mademoiselle 


BC  SIÈCLE.  551 

Prudence  assise  cinq  minutes  avant ,  immobile  et  insigni- 
fiante, devant  quarante  personnes  :  c'était  Talma,  made- 
moiselle Mars,  Halibran  ou  Marie  Dorval,  dans  les  plus 
beaux  moments  de  leurs  inspirations.  Le  fruit  cueilli,  elle 
s'avança  vers  Adam  et  lui  offrit  la  pomme  avec  un  sourire 
si  délicieux,  avec  tant  de  grâce,  que  tous  les  spectateurs 
en  furent  émus.  Le  geste  peut  atteindre  cette  hauteur, 
cette  pureté  d'expression,  ce  sentiment  vrai  et  délicat;  mais 
il  ne  saurait  le  dépasser.  Ce  n'était  pas  Gircé,  faisant 
d'un  ami  un  amant,  d'un  amai^t  un  pourceau  :  c'était  Eve 
enseignant  l'amour.  Et  cependant  ses  regrets  et  son  re- 
pentir vinrent  apprendre  aux  personnes  de  son  public  qui 
la  surent  comprendre,  que  l'idéal  de  l'amour,  c'est  de 
devenir  de  plus  en  plus  intellectuel  et  moral. 


DES  TABLES  TOURNiitTES  ET  FATIDIQUES. 


Le  magnétisme  animal,  connu  depuis  une  très-haute 
antiquité ,  exploité  à  la  fin  du  Moyen-Age  par  les  roses- 
croix,  dans  un  but  social  et  philantropique  d'émancipation, 
a  donné  lieu,  depuis  Mesmer,  à  de  véritables  épidémies 
de  mohomanie  extatique  souvent  contagieuse;  mais  les 
tables  tournantes  et  parlantes ,  les  tables  devineresses  ou 
fatidiques  l'ont  en  quelque  sorte  détrôné.  Au  fond,  les 
phénomènes  qui  se  passent  autour  des  tables  tournantes 
sont  de  même  ordre ,  et  les  anciens  paraissent  les  avoir 
connus. 

Nous  avons  assisté  à  de  nombreuses  expériences  faites 
aolour  des  tables  ;  mais  il  nous  a  été  constamment  impos- 
sible d'astreindre  les  personnes  qui  les  faisaient,  aux  sévères 
exigeantes  de  l'observation  scientifique  :  nous  en  avons 
surpris  qui  nous  voulaient  tromper;  nous  en  avons  vu 
d'autres  qui  se  trompaient  elles-mêmes  avec  une  adorable 
candeur,  et  nous  avons  aussi  été  témoin  de  phénomènes 
produits  par  des  personnes  d'une  inattaquable  bonne  foi. 
Malheureusement,  dans  ce  dernier  cas,  nrille  petites  cir- 


5â2  PHILOSOPHIE 

constances  ont  «ntravé  cet  examen  sévère  qui  seul  conduit 
à  la  certitude  philosophique.  Nous  so^imes  donc  encore 
dans  le  doute ,  quoique  nous  ayons  vu  ou  cru  voir  : 

1*  Des  tables  aller  au  Nord  et  au  Sud  et  tourner  à  droite 
et  à  gauche,  k  la  parole  ; 

2?  D'autres  tables ,  lever  un  pied  et  répondre  avec  ce 
pied  eomme  un  cheval  savant. 

Mais  ce  qui  nous  est  bien  prouvé ,  lé  voici  :  j 

Les  mains  appliquées  sur  les  tables  deviennent  brftr 
lantes; 

Beaucoup  de  personnes  prouvent  des  maux  de  tête  ; 

Beaucoup ,  des  fourmillements  dans  les  bra^  ; 

Des  attaques  de  catalepsie  ont  suivi  parfois  les  expé- 
riences des  tables  ; 

D'autres  fois  ces  attaqués  ont  été  jusqu'à  l'extase  ; 

Il  y  a  eu  aussi  des  paralysies  temporaires  des  poignets 
et  surtout  des  mains. 

Niear.  les  phénomènes  qui  se  passent  autour  des  tables, 
tournantes  et  parlantes  nous  parait  absurde;  en  faire  des 
phénomènes  psycologiques,  par  opposition  aux  phénomènes 
physiofoghiues,  ne  serait  pas  plus  sensé.  La  vérité,  c'est, 
queia  natutie  a  ses  lois  dont  ta  connaissance  est  fort  peu 
avepioée.  Avec  un  pert  de. réflex;îoh;. le  phénomène  ?i 
usuel  cl'i^  GOrps  qui  tombe  j^aralt;  tout  aussi  curieux,  tout 
aussi  QLtraordinaire  que  celui  d'un  corps  gui  ^ubit  Vaciion 
humiine-et  gravite  h  ^  manière  spùs  1  influence  dos  indW 
vidus  qui  l'entourent.  -  r 

■''     '"      '      '^  '  '    '.'  ...•       ,  /    ■  .  ..'/'       .  ■  •       '    •  :^'    ,    '■:    ^. 

Pourquoi';  n<his  dit  Héiclienbàch,  cërt4lnç^  persionnès 
préfèrent-elles  le  jaune  au  bleii  ;  d*autreè,  Tebl/ôu  au  jaune  t^ 
—  Poiirqu<^  eërlaîtreè' ^ferèonties  aimaht'-eUes  fort  peu  10 
miroir,  §îajfréai>le  à  tant  d*è^utrôs  7  T-^'Pôii^rôiipî  trouvons; 
nou^  des  gtdus  qui  préfèrent 'lesï.  coins  k  d*f utîes  plitees V  et' 
d'autcesj^étts  qui  ^ddfîiiéht^i^is  volontiers' d*uii  6ot^  qtfe^e 
l'autre  ?' ^'Ptodrqubi  "ce  "tiégàtft  que  d'auirës  éprouvent  à 


DU  SltCLB.  855 

manger  avec  des  fourchettes  et  des  cuillers  de  métaux 
composés  ?  —  Pourquoi  ce»  mille  appaieots  caprices  qu'il 
est  si  difficile  d'expliquer  ;  pourquoi  les  mille  antipathies 
et  sympathies  que  la  nature  noua  révèle  ? 

Parce  que,  nous  dit  Reichenbach,  tout  est  pdarisé 
dans  la  nature ,  et  parce  qu'il  y  a  des  êtres  dont  la  sensi- 
bilités péciale  descend  beaucouj)  au-dessous  de  ce  que  Ton 
pourrait  appeler  le  0  de  la  sensibilité  vulgaire.  ^ 

Dans  une  chambre  obscure,  les  sensibles  ou  sensitifs 
trouvent  : 

Que  les  extrémités  des  cristaux  font  éprouver  la  sensation 
d*un  souffle  frais ,  et  leur  base  une  sensation  de  ehavkl  : 
la  première  leur  est  agréable  ;  la  seconde  les  fatigue  et 
cont^arie.  —  Le  corps  du  cristal  parait  pénétré  d'une  fine 
lumière  ;  au-dessus  de  la  pointe  paratt  une  flamme  bleue  : 
elle  est  jaune  à  la  base ,  ou  rou^e^tre. 

Qu'un  fil  de  cuivre  exposé  à  la  lumière  d'un  côté ,  pé- 
nètre de  l'autre  dans  la  chambre  obscure  :  aussitM  les 
sensibles  voient,  à  cette  seconde  extrémité,  une  flamme  de 
la  longueur  d'un  doigt. 

Décomposez  la  lumière  avec  le  prisme ,  les  rayons  jaimes 
produiront,  sur  les  sensibleB,  un^  sensation  tiède,  nau- 
sëetlse,  désa^éable  ;  les  bleus,  une  sensation  de  frais  qui 
l^ur  fera  plaisir.  Remplacez  la  main  du  sensilôf  pa^  de 
Téau,  cette  eau  subira  d^^s  infl{ULences  telles  qu'il  poaiTa 
distinguer  au  goût ,  celle  qui  a  eu  le  contact  djBs  rayons 
jaimes  dé  celle  qui  a  eu  le  contact  des  bleus. 

Prenez  maintenant  un  barreau  aimanté,  placez-le  sur 
une  table ,  dans  la  chambre  obscure ,  dans  la  direction  de 
l'aiguille  aimantée:  les  sensitifs,.  en  sa  présence,  ont 
conscience  d'une  flamiiie'  avec  étincelles  bleues  au  p61e 
Nc»^  ;  avec  étincelles  jaunes  au  p61e  Sud. 

Modifie?  l'expérience  i  plwîjçf  Tj^jimapt  .d€itK)utv  pconiiie 
vfx  arbre ,  tet  là  flamme  grcilndit.  !.. 

fteicbenbach  n'a  pas  tirëd^  copcl^sion  de  ea  £ait^  ^ue 
j^^tais  voulu  reproduire  et  répéter.  ,^yec  diea  plantes,  afin 
dç  mJÈxpliqué^  leurs .pl^énom^n^?^  de i polarité  (je. n'ai  pas 
réussi);  m^Ss  il  a0irme  que  la^m^é  de  l'aimant  £e  oom- 
porté  asse?  sensiblement  conune'we  Aumme'usuelle: 


354  PHILOSOPHIE 

AU  bout  de  quelques  heures ,  dans  Tobscurité  mathéma- 
tique 9  les  sensiblq^  voient  des  êtres  vivants ,  des  oiseaux , 
des  chats  et  même  des  fleurs  :  l'être  humain  leur  parait 
phosphorescent  et  polarisé  ;  sa  droite  est  fraîche  et  bleue  , 
elle  correspond  au  pôle  Nord  de  l'aiguille ,  à  la  pointe  des 
cristaux. 

La  gauche  est  tiède ,  jaune ,  rouge&tre  et  correspond  au 
pôle  Sud  et  à  la  base  des  cristaux. 

Le  contact  des  parties  isonùmes  de  la  droite  à  la  dmie 
d'un  sensible,  lui  est  désagréable,  et  vice  versa.  Aussi  les 
sensitifs  sont-ils  désagréablement  aiïectés  par  les  personnes 
placées  presqu'au  contact ,  derrière  ou  devant  eux. 

Dans  les  passes  magnétiques ,  le  magnétiseur  est  placé 
en  face  du  magnétisé ,  pôle  Nord  contre  pôle  Sud  ^  et  vice 
versd.  —  Reichenbach  suppose  que  l'action  magnétique 
pourrait  aussi  bien  s'exercer  avec  des  cristaux  ou  des 
aimants  qu'avec  la  main,  et  il  croit  qu'elle  a  une  puissance 
médicale  très-grande,  encore  fort  ignorée. 

Dans  l'obscurité  mathématique ,  les  sensitifs  du  mâm« 
physicien  voient  toutes  les  réactions  chimiques  lumineuses. 
—  Le  gaz  qui  s'échappe  d'une  bouteille  d'eau  de  Seltz  ou 
de  Champagne  produit  une  g^rbe  de  lumière  qui  suit  les 
molécules  de  l'acide  carbonique.  Sur  les  tombes  fraîches, 
ils  voient  des  lueurs  abondantes  produites  par  les  miasmes 
gazeux  qui  sortent  des  cadavres. 

Le  son ,  le  frottement,  les  sources  doiment  lieu  à  des 
phénomènes  de  même  ordre  que  les  sensitifs  peuvent  per- 
cevoir. —  Faites  chauffer  un  fil  métallique  en  dehors  de  la 
chambre  obscure,  et  que  l'une  de  ses  extrémités  y  pénètre, 
elle  paraUra  lumineuse.  —  Le  voisinage  de  oovps  éloçirisés 
leur  lait  éprouver  du  frais;  ils  voient  le  cercle  voltaïque 
entouré  d'une  spirale  de  lumière,  —  Les,corps  qye  nous 
appelons  simples ,  ont  pour  eux  des  couleurs  spéciales  ;  ils 
peuvent  même ,  s'ils  sont  très-sensibles ,  les  ranger  d'après 
leur  caractère  plus  ou  moins  positif,  plus  ou  moins  négatif. 

La  dualité  est  un  fait  très-facile  à  reconnaître  pour  les 
sensitifs;  mais  elle  n'existe  que  pour  les  corps  «cristallisés 
ou  organisés  y.  nullement  pour  les  corps  saas  forme  ou 
amorphes  ;  ceuxrci  soi^  uaiypy51aires.  Les  alcaUs  et  aloa- 


DU   SIÈCLE..  555 

loîdes  correspondent  au  p61e  sud,  au  tiède ,  au  jaune.  Les 
acides  et  la  plupart  des  oiides  ont  un  caractère  opposé. 
La  base  est  toujours  positive,  la  pointe  négative. 

La  chaleur  et  le  son  produisent  des  phénomènes  à  lumière 
négatÎTe  ;  le  frottement  donne  des  résultats  positifs  ;  enfin 
il  est  possible,  avec  une  pile  et  une  sphère  métallique, 
d'imiter,  pour  les  sensitifs,  les  aurores  australe  et  boréale , 
et  de  les  manifester  toutes  les  deux  ensemble. 

Reichenbach  affirme  encore  : 

Que  la  tête  est  polarisée  par  rapport  aux  parties  sexuelles, 
et  qu'elle  est  négative. 

Que  les  très-sensitifs  se  trouvent  h  Taise  le  dos  tourné  au 
Nord  et  la  figure  vers  le  Sud  ;  qu'ils  souffrent  le  dos  tourné 
vers  rOuest  et  la  figure  vers  TÊst  :  de  là  leur  fausse  posi- 
tion dans  beaucoup  d'églises. 

Au  lit ,  les  sensitifs  ont  besoin  d'avoir  la  tète  au  Nord. 
Beaneoup  de  sensitifs  s'orientent  d'eux-mêmes  :  de  là,  la 
nécessité  de  placer  les  sièges  et  canapés  de  telle  sorte  que 
le  dos  des  personnes  assises  ne  soit  jamais  à  l'Ouest. 

Que  conclure  de  ce  qui  précède  ? 

Qu'il  faut  vérifier  les  assertions  du  chimiste  allemand , 
et  que,  si  elles  sont  vraies,  il  a  fait  l'une  des  plus  grandes 
découvertes  du  siècle. 

Cette  vérification,  nous  l'avons  tentée;  mais  nous 
n'avons  pas  agi  de  manière  à  pouvoir  tirer  des  conclusions 
sérieuses  de  quelques  résultats  négatifs. 


ESQUISSES  PHYSIOLOGIQUES  ET  PSTCOLOGIQUES 

StTB  L'eTTHÂIKË  KATtJRE  EK  SES  DlCTÉREirrS  AGES  ET  SELON 
LES  niFFÉRENCES  DES  TEMPÉEÀSTENTS  ET  DES  SEXES. 


Le  dernier  siècle  nous  a  donné,  surtout  par  Cabanis, 
de  tràs-bonms  étu^isurl'hointne;  mais  eomnien  le  savtmt 
auteur  des  rapportsidu  physique  et  du  mond,  n'a-4-il  pas 


556  PHILOSOPHIE 

erré  lui-même  en  suppléant ,  par  de  pures  hypothèses  ba- 
sées sur  des  pressentiments ,  à  la  science  encore  très-im- 
parfaite de  son  époque.  Plus  heureux,  par  suite  des 
modernes  découvertes,  nous  allons  pouvoir  compléter  ce 
que  nous  avons  écrit  aux  chapitres  qui  précèdent,  sans 
jamais  sortir  des  voies  du  positivisme. 

On  peut  diviser  la  vie  très-arbitrairement  en  diverses 
périodes.  Les  hommes  les  plus  éminents  de  Tantiquité  la 
partageaient  d'après  les  nombres  sacrés  :  Pythagore  admet- 
tait quatre  phases  de  deux  fois  dix  ans  ou  vingt  années  ; 
les  Etrusques ,  préoccupés  du  chiffre  douze  qui  a  joué  un 
si  grand  rôle,  comme  nous  le  dirons  en  son  lieu,  parta- 
geaient l'existence  en  douze  séries  ;  Solon ,  en  dix  de  sept 
années;  Hyppocrate  accordait  aussi  au  chiffre  sept  une 
grande  importance  dans  la  vie  humaine.  A  bien  dire,  toute 
vie  se  partage  en  trois  phases  :  l'une ,  d'accroissement  ;  la 
seconde,  de  titaiu  quo;  la  troisième,  de  décroissance.  — 
Toutefois,  il  est  dans  les  habitudes  de  notre  société  do 
considérer  la  vie  comme  une  série  de  cinq  périodes  qui 
sont  :  l'enfance,  la  jeunesse,  la  maturité,  la  vieillesse  et 
la  décrépitude. 

La  naissance  a  Ueu  dans  le  moment  où ,  pour  la  première 
fois,  l'enfant  entre  dh'ectement  en  communion  avec  le 
monde  extérieur,  par  le  contact  de  Tair  atmosphérique  ; 
mais  la  vie  ne  date  que  de  la  première  respiration.  —  A 
peine  sorti  du  sein  de  sa  mère,  l'association  d'organismes 
qui  forme  Tétre  humain  subit  l'impulsion  instinctive  de  sa 
nature  en  outrant  ses  pomnoiis  à  l'air  et  sa  bouche  à  la 
suedon.  II  tète  même  souvent  avant  d'être  tout  à  fait  né  , 
au  moment  où  il  passe  de  la  vie  utérine  à  la  vie  humaine. 
D'où  vient  celte  première  tendance,  direz- vous  ?  —  D'où 
vient,  vous  dematiderai-je  à  mon  tour,  cette  sympathie  qui 
fait  immédiatement  combiner  ensemble  de  l'oxigene  et  de 
l'hydrogène ,  sous  l'influence  d'une  flamme  ou  d'une  étin- 
celle électrique. 

Aux  premiers  jours  de  là  vie,  le  cerveau  est  propor- 
tionneileœent  trës-Yoluminetrx  ;  il  forme  alors  le  huitième 
en  poidsthi  corps  humain,  dont  H  ne  sera  plus  tatd  que 
le  trente-^cinquième  et  même  le  quarantième.     ^ 


DU    SIÈCLE.  S57 

Les  deots  à  la  a  issance  n'étaient  que  de  simples  ger- 
mes; elles  ne  tardent  .pas  à  se  développée;  elles  produisent 
par  suit  ;«  du  côté  de  la  tête,  une  fluxion  considérable  qui 
entraîne  souvent  de  nombreuses  maladies  des  yeux,  du 
cair  chevelu ,  et  toujours  une  grande  excitation  des  gen- 
cives ,  accompagnée  par  fois  d'inflammation  intestinale.  Il 
n'est  pas  rare  que  cette  dernière  complication  produise  des 
diarrhées  difiîciles  à  vaincre  et  souvent  k  mort.  Le  grand 
développement  pjroportionnel  du  cerveau,  dans  les  pre- 
mières années ,  conduit  à  penser  qu'il  est  sage  d'en  profiter 
pour  y  loger  le  plus.de  faits  possibles;  aussi  l'éducation  de 
cet  âge  doit'dle  avoir  essentiellement  pour  but  de  s'adres- 
ser aui^  diveirses  mémoires  de  notve  esprit.  —  On  divise 
souvent  la  période  d'accroissement  en  quatre  parties  :  la 
première  se. termine  du  neuvième  au  douzième  mois;  la 
seconde,  de  la  sejptième  à  la  huitième  aanée.  Celle-ci  cor- 
respond à  la  sortie  des  salles  d'enfance  \  la  quatrième,  plus 
précoce  chez  les  fiUrs ,  commence  à  l'âge  de  treize  ou  qua< 
torze  ans  ;  ;:nais  chez  les  garçons,  la  troisième  phase  se  pro- 
longe généralement  jusqu'à  quinze  ans  «et  même  souvent 
jusqua  dix-sept  et  dix-nuit.  La  jeunesse,  ou  développe- 
ment de  l'adolescence  «se  manifesta  alors  pour.se  terminer 
dQ  vingt-huit  k  trenlç-cinci  ans.  L'éducation,  k^-  tem- 
péraments et  surtoutt  les  cUmats  modifient  fréquenuoeul 
c^s  divisions».  7-  De  la  i)aissaj:)ce,  à  l'âige.de  huit. ans,  la 
flu^u.  vitale,  se,  prQduit  surtout,  vers  ila  tête  1  ailors  elle 
commence,  à. se  dévier  pour  sjb  porte»  à  la  poitrine,  sur  te- 
({ueOe  Ij^  orga^e^  d^.  la  générati^  exercent  la  plus  gn^ande 
infli^èîiç^.,  AT^poquèjde  la  .puberté ,  c^irte.  iûflwnce  wgr 
mex^e  enoorè.et.  se  .iÂ^i  .sentir  ^r  l'éoonoipie  toute  entière. 
Rop^eauf  liia^i^^qt  quei^u^..fiutfr€;s  pejiseivs  oqt  déarit, 
da^^es,p^gcs  é|^Mefit£!^,,,)iÇ?,  v4**W^tiiê^.!agitaliûBs,».les 
joios^.pieldOCQliquç^  cl€}|C^t.â^  ^leqaiil.liçfipiy^grèa.de  la 
civilisa^ inj^uep,i,.4jj)çquejpmr.  da^ift^age»!  Tant  qu'il- y  a 
chez  lui  un  excès  de  vitalité ,  tant  que  le  sy^t^iM  <ir^ériel 
l'empojpjLe  ^si^yr  Ji^.^y^nifl  y^^i^e^f  ,.^'hjDa^^f»€^t^in  d'uu- 
dac^  .^Ijl^'è^ergie.; .  )fiT,(îoJ4ie  ,ïft'^tpiBt,,queip^swgè;remwt 
son,^âipiii  jjjvp^t. .1  avenlf"  Wjfxîopqi^rjanl V'^Siitseérances 
faciles  ne  tiennent  pas  9s^eji  «om^e  des- oh^tAOles;^ mais 

3i 


558  PHILOSOPHIE 

aussitôt  que  le  système  veineux  vient  à  se  mettre  en  équi- 
libre avec  la  force  nutritive,  aussitôt  que  les  muscles  moins 
souples  offrent  à  la  volonté  la  résistance  de  leur  rigidité, 
la  circonspection  et  la  prudence  deviennent  instinctivement 
et  par  transition  ménagée,  les  conditions  d'un  âge  plus  sage 
en  sa  manière  d'être,  plus  prompt  à  faire  appel  à  la  puis- 
sance de  la  raison  qu'à  la  force  brutale.  Souvent  alors,  chez 
bien  des  hommes ,  les  embarras  de  la  veine-porte  et  des 
viscères  abdominaux  produisent  la  mélancolie ,  l'anxiété , 
les  noires  humeurs,  par  les  sensations  internes  dont  ils  sont 
Toccasion.  L'ftge  mûr,  dans  nos  races  et  dans  nos  contrées 
européennes,  se  teniiine  habituellement  de  quarante-huit 
à  soixante  ans.  L'égoïsme  est  le  fond  du  caractère,  à  cette 
époque  de  la  vie  :  guidé  par  la  raison  et  par  les  facultés 
humaines,  cet  égoïsme  est  la  source  des  vertus  ;  conduit  au 
contraire  par  les  facultés  animales ,  il  nie  l'humanité ,  com- 
prend mal  la  patrie ,  réduit  le  rôle  de  la  commune  et  crée 
l'asservissement  domestique  de  la  femme. 

Il  est  rare ,  surtout  chez  les  hommes  qui  ont  vécu ,  que 
l'âge  mûj:  se  passe  en  entier  sans  qu'il  se  manifeste  une 
certaine  altération  dans  les  humeurs.  C'est  alors  que  l'on 
commence  à  souffrir  de  la  goutte ,  de  la  pierre ,  des  rhuma- 
tismes, et  que  l'on  peut  redouter  déjà  les  affections  apo- 
plectiques. —  En  nos  climats,  chaque  année  a  d'habitude 
un  petit  été  de  la  Saint-Martin.  Quelquefois ,  au  déclin  de 
la  grande  virilité  humaine ,  il  se  ifait  un  retour  de  jeunesse  : 
l'âme  revient  à  l'amour,  à  la  poésie ,  aux  grandes  passions 
d'un  autre  âge.  On  peut  même  dire  qu'à  cette  époque 
les  hommes  se  divisent  en  deux  classes  :  les  uns  supérieurs 
et  instruits  par  les  années^  se  mettent  à  vivre  d'une  exis- 
tence toute  spirituelle  qui  a  de  grandes  lueurs,  de  brillantes 
clartés  :  témoins  Jean-Jacques,  qui  ne  commença  d'écrire 
qu'à  quarante-quatre  ans,  et  Voltaire  qui  n'est  devenu  un 
homme  de  génie  qu'après  cinquante.  D'autres  au  contraire 
s'éteignent  inteliectuellement ;  ils  sont  épuisés,  soil  qu'il 
n'y  eut  que  peu  d'huile  dans  la  lampe,  soit  qu'ils  «ient 
rapidement  consommé  celle  qui  leur  avait  été  départie. 
Chez  les  premiers,  le  cerveau  continue  son  développement, 
et  cet  organe  prend  un  accroissement  qui  se  fait  exclusi- 


BU  SIÈCLE.  559 

vement  dans  les  parties  qui  touchent  à  l'os  frontal  :  fait 
curieux  qu'il  est  facile  d'observer  et  qui  est  encore  une 
nouTelle  preuve  à  l'appui  de  la  perfectibilité  humaine. 
Avec  la  vieillesse  ,  arrive  la  difficulté  de  penser ,  de 
parler  et  d'agir  :  l'intelligence  et  les  sympathies  se  Fes- 
sèrent, le  moral  est  atrophié,  l'on  s'éteint  sans  peine; 
le  corps  y  est  encore,  mais  l'âme  du  passé,  l'âme  de  la 
jeunesse  et  de  l'âge  mûr  ne  l'anime  plus. 

Pourquoi,  dans  la  vieillesse,  la  mémoire  nous  abandonne- 
t-eile?  pourquoi  les  impressions  de  l'enfance,  les  souvenirs 
du  premier  âge  ,  si  doux  à  celte  époque ,  viennent-ils 
rafraîchir  le  cœur  et  l'esprit?  On  a  beaucoup  dit  sur  la 
vivacité  de  ces  premières  impressions;  on  a  fait  de  la 
poésie  â  côté  de  cette  question ,  quelquefois  une  subtile  et 
délicate  métaphysique;  mais  l'explication  de  ce  phénomène 
moral  est  encore  à  donner.  Toutefois  il  est  à  remarquer 
que ,  dans  la  vieillesse ,  la  faiblesse  du  cerveau  et  des  opé- 
rations auxquelles  il  peut  se  livrer  rend  à  ses  actes  la 
même  mobilité  versatile  que  l'on  remarque  dans  le  premier 
âge.  Les  extrêmes  se  touchent  dit  le  peuple ,  et  les  savants 
répètent  cet  adage  sans  rien  trouver  pour  interpréter  les 
faits. 

Les  impressions  qui  accompagnent  la  mort  sont  en 
rapport  direct  avec  l'éducation ,  c'est-à-dire  avec  les  senti- 
ments qui  dominent  au  moment  où  elle  arrive,  comme 
le  caractère  des  maladies  se  règle  habituellement  sur  celui 
des  âges. 

C'est  en  vain  que  l'on  a  cherché  à  expliquer  les  effets 
de  la  polarité  sur  le  moral  :  les  faits  sont  évidents  dans  les 
deux  sexes,  mais  ils  ne  sont  pas  interprétés. 

On  a  cru  à  tort  que  la  castration  produisait  toujours , 
chez  les  hommes,  la  faiblesse,  la  pusillanimité,  le  dégoût 
des  feïÉiities  :  il  n'est  pas  rare  de  voir  des  eunuques  très- 
ardents  dans  les  plaisirs,  lis  sont  impuissants;  mais 
Vorgane  cérébral  de  l'amour  physique  peut  avoir  persiste. 
Pourquoi  beaucoup  seraient-ils  libertins  s'il  n'en  était 
ainsi?  —  Est-ce  que  dans  les  dernières  années  de  la 
République  romaine,  les  grandes  dames  ne  faisaient  pas 
châtrer  de  jeunes  esclaves  dans  l'âge  même  de  la  virilité  , 


360  PHILOSOPHIE 

afin  de  se  livrer  avec  eux  à  tous  les  plaisirs  sensuels ,  sans 
courir  les  dangers  de  la  procréation,  sans  s'exposer  aux 
fatigues  de  la  grossesse  et  de  la  maternité  ? 

Ce  serait  ici  le  lieu  de  parler  de  l'amour  ;  mais  nous 
nous  en  occuperons  d'abord  en  parlant  de  la  femme ,  puis 
à  l'article  de  l'éducation. 

Qui  pourrait  nier  les  relations  qui  existent  entre  les 
formes  du  corps ,  les  prédispositions  maladives  et  morales 
et  les  prédispositions  à  certaines  habitudes,  à  certains 
penchants?  qui  pourrait  nier  encore  les  influences  de  cer- 
taines idées  et  de  certaines  habitudes  sur  notre  économit* , 
et  contester  au  système  nerveux  le  pouvoir  de  la  modeler 
en  quelque  sorte  selon  ses  influences  ? 

L'électricité  animale  demande  aussi  à  être  étudiée  selon 
les  âges  et  les  tempéraments.  Il  sera  fait,  dans  cette  direc- 
tion ,  des  découvertes  utiles. 

Les  anciens  ont  été  tron  loin  dans  leurs  conceptions  sur 
les  tempéraments  ;  cepenaant  il  faut  en  tenir  compte.  — 
Supposez  une  grande  absorption  d'oxigène  par  une  poi- 
trine volumineuse ,  un  cœur  musculeux  et  développé ,  un 
foie  volumineux  aussi,  un  cerveau  très-ordinaire,  et  vous 
comprendrez  aisément  les  sensations  internes  d*un  être 
ainsi  organisé.  S'il  s'adonne  à  des  travaux  musculaires , 
tout  ira  bien  ;  sinon  redoutez  l'action  d'une  active  calori- 
cité  sur  les  organes  abdominaux  et  les  organes  générateurs. 
S'il  était  doué  d'un  cerveau  puissant ,  il  pourrait  se  livrer  à 
toutes  les  œuvres  les  plus  ardues  de  la  pensée  et  travailler 
de  longues  heures  lorsque  d'autres  dormiraient  dès  le  pre- 
mier moment. 

Admettez  maintenant  un  cœur  peu  énergique,  un  foie 
sans  activité,  une  faible  action  nerveuse,  toujours  avec 
uQe  large  poitrine  ,  et  voqs  aurez  du  phlegme  dans  le 
caractère,  de  l'apathie,  moins  de  douceur  et  de  s^sîbilité 
que  d'indifi'érence ,  de  l'empâtement  dans  les  tissus ,  de  la 
torpeur  au  cerveau. 

Prenez  une  poitrine  étroite  avec  tout  ce  qui  accompagne 
d'ordinaire  un  large  poumon,  la  circulation  sera  pénible, 
embarrassée.  Il  y  aura,  chez  l'homme  qui  nous  occupe, 
plus  de  désirs  vénériens  que  de  puissance  pour  les  satis- 


BU   SIÈCLE.  561 

faire ,  plus  d'études  et  de  fatigues  cérébrales  que  de  force 
pour  y  résister  ;  un  anévrisme  du  cœur  droit  sera  quelque- 
fois la  suite  de  cette  organisation  qui  entraîne  si  souvent 
les  chimères,  les  folles  rêveries,  la  mélancolie,  les  cha- 
grins, même  sans  cause,  et  Tétat  d'extase.  C'est  ainsi 
qu'en  supposant  quatre  modifications  successives  dans 
l'organisation,  on  arrive  à  peu  près  aux  quatre  tempé- 
raments des  anciens,  qui  étaient  des  entités  métaphysiques 
plutôt  que  des  réalités. 

U  faudrait  aller  plus  loin  encore  pour  être  vrai  ;  il  fau- 
drait, pour  peindre  d'après  nature  les  diverses  variétés 
du  caractère  humain,  tenir  un  compte  tout  spécial  des 
variétés  cérébrales  ,  ce  qui  n'a  pas  été  assez  fait  jusqu'à  ce 
jour,  et  combiner  les  actions  des  gran'^.s  organismes  de 
notre  être ,  tels  que  le  cerveau ,  le  poumon ,  le  cœur,  le 
foie ,  l'estomac  et  les  organes  génitaux.  Cette  étude  n'est 
pas  ingrate  ;  elle  donne  à  ceux  qui  s'en  occupent ,  une 
immense  supériorité  dans  Tart  si  important  de  juger  les 
hommes. 

En  vertu  d  une  loi  bien  connue,  les  tempéraments  acquis 
se  transmettent  par  la  génération.  Il  est  donc  naturel  que 
dans  une  contrée  où  tous  les  hommes  sont  soumis  aux 
mêmes  conditions  d'existence,  tous  les  corps  soient  presque 
identiques  dans  leur  constitution,  toutes  les  intelligences 
frappées  en  quelque  sorte  au  même  coin.  Ne  voyons-nous 
pas  les  quatre  phases  de  Tannée  nous  impressionner  partout 
de  la  même  manière.  Au  printemps,  que  de  jeunesse  dans 
tous  les  êtres ,  que  de  fraîcheur  dans  leurs  idées  î  il  y  a 
des  primevères  dans  nos  esprits  comme  dans  nos  jardins: 
le  parfum  des  fleurs ,  le  chant  des  oiseaux,  la  renaissance 
des  beaux  jours  semblent  préparer  à  tous  une  vie  nouvelle. 
En  été,  les  passions  sont  plus  vives,  plus  ardentes,  en 
harmonie  avec  la  lumière  et  le  soleil  ;  c'est  alors  que  l'Espa- 
gnol frappe  de  son  couteau  pour  un  oui,  pour  un  non  ; 
que  le  Parisien  fait  ses  barricades  ;  que  les  grandes  colères 
succèdent  aux  grandes  souffrances  pour  les  hommes  et 
pour  leÉ  peuplies.  L'automne  nous  apporte ,  avec  ses  exha- 
laisons nuastûatiques,  les  fièvres  muqueuses,  dyssentériques, 
rémittentes ,  intermittentes  et  pernicieuses.  —  On  voit  qu'il 


562  PHILOSOPHIB 

succède  à  Tété,  qu'il  hérite  de  toutes  ses  causes  de 
souffrances  et  de  maladies.  Si  le  tempérament  lymphatique 
et  juvénile  correspond  au  printemps ,  si  le  tempérament 
sanguin  correspond  à  Tété,  on  peut  rapporter  à  Tautomne 
le  tempérament  bilieux  des  anciens ,  et  à  l'hiver  leur  tend- 
pérament  pituiteux  ;  car  c'est  alol^  surtout  le  règne  des 
toux»  des  coqueluches,  des  catharres  sous  toutes  les  formes 
possibles.  Si  l'année,  au  lieu  d'être  partagées  en  saisons 
régulières ,  possède  en  une  contrée  quelque  chose  de  spé- 
cial ,  comment  les  hommes  pourraient-ils  ne  pas  en  éprou- 
ver l'influence. 

Une  nourriture  abondante ,  en  un  pays  humide  et  bru- 
meux, produira  des  habitants  grands  et  mous,  généraleiDent 
lymphatiques. 

Si  les  saisons  sont  irrégulières ,  le  pays  dur  et  aride ,  la 
nature  sévère  de  la  contrée  se  r^échira  sur  les  mœurs 
agrestes  des  naturels.  Condamnés  à  de  rudes  travaux,  ils 
seront  aussi  très^rudes  en  leurs  manières;  mais  que  nous 
sommes  loin  d'accepter,  avec  Cabanis,  les  enseignements 
des  anciens!  Nous  croyons  à  l'homme  un  pouvoir  éner- 
gique de  réaction  sur  son  climat  et  sur  son  milieu.  Doué 
d'une  puissance  initiale ,  il  est  soumis  à  une  loi  de  perfec- 
tionnement, en  vertu  de  laquelle  il  doit  et  devra  die  plus  en 
plus  modifier  ses  éducateurs  et  par  ^ûite  sa  propre  naiture. 
Chez  lui,  les  attractions  de  la  matière  inerte  aequiàrent 
un  développement  qui  nous  tiendrait  en  une  admiration 
continuelle ,  si  nous  savions  les  bien  voir  et  les  bien  com- 
prendre :  elles  se  transforment  jusqu'à  devenir  la  sympathie 
sous  tous  ses  aspects,  sympathie  organique,  sympathie 
instinctive ,  sympathie  intellectuelle  et  morale.  JMLais  arri- 
vons à  quelque  chose  de  plus  spécial  et  de  plus  précis 
encore. 

Conduits  pas  à  pas  où  nous  en  sommes,  en  procédant 
toujours  par  les  moyens  scientifiques,  nous  n'avons  plus 
en  vérité  à  conclure  :  le  lecteur  l'a  fait  à  notre  place  et 
depuis  tongtemps.  Il  ne  nous  reste  que  quelques  coups  de 
pinceau  à  donner  pour  achever  l'humaine  portraiture. 
Quelle  différence  si  nous  avions  suivi  la  marche  de  nos 
ancien^  professeurs  de  philosophie  ! 


DU  SIBGLB.  563 

u  Connaître  l'homme  n'est  pas  pour  eux  chose  aisée  : 
aulcuns  s'imagment  fréquemment  avoir  de  Thumaine 
espèce  une  science  parfaite ,  qui  ne  se  doutent  même 
point  de  la  manière  dont  il  faut  Tétudier.  —  Descendez  en 
wn»-mêmey  ouvrez  une  petite  fenêtre  appelée  conscience  ^  et 
regardez  bien  auUmr  de  vous.  »  Ainsi  vous  dit  Tun  de  ces 
riches  et  brillants  sophistes  qui  ont  rempli  le  monde  de 
leurs  analyses ,  de  leurs  catéchismes ,  adorant  et  déifiant 
le  succès.  —  Enfant  que  tu  es ,  6  mon  maître  ;  tu  ne 
vois  donc  point  que ,  dans  l'homme ,  l'&me  ne  saurait  être 
séparée  de  son  corps ,  et  que  le  tout  doit  être  étudié , 
comme  nous  l'avons  fait,  avec  son  milieu,  avec  cette 
nature  dont  il  fait  partie ,  au  sein  de  laquelle  il  a  un  rOle , 
uoe  mission  ! 

D'autres,  trop  matérialistes  en  leur  manière,  laissant 
de  côté  les  questions  d'âme ,  de  conscience  et  tout  ce  qui 
concerne  Tesprit ,  se  prennent  à  décrire  et  énumérer  toutes 
les  parties  qui  sont  au  corps  humain.  Ils  vous  disent  ana- 
tomiqnement  les  os  de  la  tête ,  du  cc^ps  et  des  membres  ; 
les  muscles  qui  produisent  le  mouvement ,  leurs  blanches 
attaches ,  tendons  et  aponévroses  ;  les  artères  au  moyen 
desfaeUes  le  coeur  gauche  verse  à  toutes  les  parties  le  sang 
nutritif  ;  les  veines  et  vaisseaux  lymphatiques  qui  rappor-- 
teni  au  cœur  drtHt  le  sang  épuisé  par  la  nutrition ,  cette 
chimie  vivante  des  organes.  Ils  vous  disent  les  vaisseaux 
chylifères  qui  sont  comme  les  racines  de  cet  arbre  appelé 
corps  humain ,  eu  ce  qu'ils  puisent  aux  intestins  la  nourri- 
ture réparatrice,  Ils  vous  racontent  encore  les  fonctions 
diverses  de  nos  organes ,  selon  qu'ils  s'en  doutent  ou  qu'ils 
les  connaissent.  Et  quand  ils  ont  uni:  Voilà  l'homme, 
ajoutent-ils  avec  emi^ase. 

Le  Moyen-Age ,  qui  ne  savait  grand'chose ,  ne  s'occu- 
pait ni  de  cette  petite  fenêtre  interne  de  la  conscience ,  ni 
suffisamment  des  qualités  physiques  de  nos  organes  dont 
il  ne  connaissait ,  à  bien  dire,  que  la  superficie.  Ses  des- 
criptions de  l'homme  avaient  du  boiUant ,  mais  rien  de 
sérieux. 

Doué  de  voix  et  de  langue,  disaient  en  se  répétant  les  uns 
les  autres  les  auteurs  de  cette  époque,  créé  pour  marcher 


564  PHILOSOPHIE 

à  deux  et  non  à  quatre  pattes ,  Thomme  élève  au  ciel  des 
regards  dignes  de  l'interroger.  Sa  main  délicate  esc  une 
merveille  de  tact  et  de  forme.  Naturellement  nu ,  c'est-à- 
dire  créé  pour  porter  des  vêtements,  il  exprime  ses  sensa- 
tions de  joie  et  de  peine  par  le  rire  ou  par  les  larmes  ; 
sa  pudeur  ou  sa  honte ,  par  la  rougeur  de  son  visage. 
Tantôt  il  redresse  la  tête  avec  fierté  ;  tantôt  il  l'abaisse 
par  crainte  ou  par  réserve.  Que  ne  dirions-nous  pas 
si  nous  voulions  parler  avec  détail  de  la  perfection  de 
toutes  ses  parties,  de  son  geste  élégant  et  noble,  et 
surtout  de  la  santé  et  de  la  beauté  dont  les  anciens  sages , 
tels  que  Zoroastre ,  Orphée ,  Pythagore ,  Socrate ,  Platon , 
voire  même  Epicure  et  tant  d'autres,  se  préoocupaieet  à 
si  bon  droit  ?  N'est-ce  point  la  santé  qui  donne  la  beauté , 
la  force,  la  vigueur,  le  courage  physique,  et  ne  dépend- 
elle  point  de  deux  grands  facteurs  que  nous  retrouvons 
partout  quand  il  s'agit  des  êtres  organisés  :  la  nature  et 
l'éducation  ?  Quant  à  la  beauté  que  Charron  appelle  une 
pièce  de  grande  recommandation  au  commerce  des  bomines  , 
elle  est  souvent  un  moyen  de  conciliation  »  toujours  elle 
crée  des  sympathies  ;  probablement  qu'elle  a  été  pour 
notre  race ,  comme  elle  l'est  encore  aujourd'hui  chez  les 
jaunes  d'Otahïti  et  de  Nouka-Hiva,  la  cause  d'une  meilleure 

C^sition  des  femmes  que  dans  les  autres  races  hum$(iiies. 
es  anciens  avaient  pour  maxime  que  le  commandênàent 
appartient,  dans  les  deux  sexes ,  à  la  beauté;  ils  la  vou- 
laient aussi  grande  que  possible,  peut*  la  forme  du  co«ps 
et  la  bonne  grâce  des  manières  ;  et  quant  an  visage ,  cette 
montre  de  l'inlclligcnce  humaine  qui  habite  au  cerveau, 
que  -de  choses  à  dire  sur  ses  proportions,  $ursa  délica- 
tesse ,  sur  sa  diversité  chez  les  divers  individus,  jCh4m>n , 
dans  soti  naïf  langage  du  XVI*  siècle,  en. énomère  ainsi 
quelques-unes  des  qualités  : 

a  Dignité  et  honneur  en  sa  figure  ronde ,  en  sa  forme 
»  droite  et  haut  élevée,  nue  et  découverte,  sans  poi^ni 
»  plumes,  escaille  comme  auxbétes  vivant  au  cieL  Grâce, 
»  douceur,  venusté  plaisante  ,et  agréable  jusques  à  cro- 
»  cheter  les  cœurs  et  ravir  les  volontés,. —  Bref)  le  visage 
»  est  le  throsne  de  la  beauté  et  de  l'amour,  le  siège  du 


BtJ  SIÈCLE.  56â 

»  ris  et  du  baiser,  deux  choses  très-propres  à  Thomme  et 
»  très-agréables,  les  vrays  et  plus  exprès  symboles  d'amilio 
»  et  de  bonne  intelligence.  Finalement,  le  visage  est 
»  propre  à  tous  changements  ,  pour  déclarer  les  mouve- 
»  ments  internes  et  passions  de  Tâme,  joie,  tristesse, 
»  amitié,  hayne,  envie,  malice,  honte,  colère,  despit, 
»  jalousie  et  autres  ;  il  est  comme  Tair  qui  reçoit  toutes 
»  couleurs  et  changements  du  temps ,  monstre  quel  temps 
»  il  fait  :  aussi  dit-on  l'air  du  visage.  » 

Que  n'ajouterais-je  point  si  je  voulais  faire  intervenir  les 
penseurs  et  moralistes  modernes  qui  se  sont  imaginés  que 
l'on  pouvait  savoir  l'homme  sans  Tavoir  disséqué  et  réelle- 
ment anatomisé  par  le  scalpel  et  par  l'observation  de  ses 
organes  dans  ses  fonctions  diverses  ? 

Je  me  hâte  d'arriver  à  quelque  chose  de  plus  sérieux  en 
soi  et  de  plus  pratiquement  utile  :  parlons  de  la  femme. 
Lecteur,  je  vous  avoue  (ceci  c'est  confidentiel)  que  j'en  ai 
adoré  quelques-unes  qui  le  méritaient ,  et  que  je  les  aime 
toutes  aujourd'hui ,  car  toutes  ont  quelque  singulier  mérite 
qui  excite  notre  affection,  nos  sympathies,  et  à  défaut 
d'un  sentiment  plus  tendre ,  notre  affectueuse  pitié  pour 
des  souffi^ances  trop  souvent  créées  par  une  position  que 
l'homme  a  jugé  convenable  de  leur  imposer. 

L'homme  et  la  femme  ne  diffèrent  pas  seulement  par  les 
organes  de  la  reproduction,  mais  encore  sous  une  foule 
d'autres  rapports  qui  contribuent  à  caractériser  leur  mis- 
sion. 

Chez  la  femme,  la  figure  et  les  membres  sont  plus 
arrondis,  la  taille  généralement  moins  élevée  d'un  quin- 
zième; le  cou  est  plus  long,  le  tronc  l'est  aussi  davantage 
et  le  bassin  possède  une  capacité  plus  considérable ,  la  fille 
d'Eve  devant  porter  neuf  mofs  dans  son  sein  l'être  des- 
tiné à  reproduire  l'espèce,  l'enfant,  doux  fruit  de  son 
amour. 

Placée  dans  la  balance,  elle  pèse  en  moyenne  un  quart 
et  même  souvent  un  tiers  moins  que  l'homme  ;  ce  qu'il 
faut  attribuer  à  sa  moindre  taille,  à  des  os  moins  compacts 
et  moins  gros,  à  des  muscles  moins  développés;  et  puis, 
dans  tout  son  être,  on  trouve   de  la  mollesse,  partant 

84* 


566  PHILOSOPHIE 

moins  de  ténacité,  moins  de  résistance  que  dans  l'autre 
sexe. 

Le  sommeil  de  la  femme  est  moins  long  ;  il  a  besoin 
d'être  plus  souvent  renouvelé.  Il  est  moins  profond,  plus 
inquiet ,  plus  agité ,  plus  facilement  accompagné  de  rêves 
et  de  somnambulisme.  Son  estomac,  moins  volumineux, 
réclame  moins  d'aliments  :  une  nourriture  plus  végétale 
lui  va  mieux  qu'à  l'homme  ;  elle  supporte  plus  aisément  le 
jeûne  et  l'abstinence.  Ses  vaisseaux  blancs,  plus  déve- 
loppés, la  rendent  plus  lymphatique  et  par  suite  dispo- 
sée aux  scrofules,  au  rachitisme,  à  la  phtysie,  au  cancer. 
Son  poumon ,  plus  petit ,  correspond  à  une  nutrition  moins 
active,  à  mi  cœur  moins  volumineux.  Si  sa  grosse  artère 
(l'aorte)  est  très-développée  dans  l'abdomen,  cela  tient  à 
l'organe  de  la  conception  qui  domine  toute  son  économie , 
à  tel  point  que  les  anciens  l'appelaient  un  animal  vivant 
au  corps  de  la  femme.  Se  nourrissant  moins ,  oxigénant 
moins  de  sang ,  elle  a  des  urines  moins  chargées  de  sel , 
des  sueurs  moins  odorantes  que  l'homme ,  et  puis  chaque 
mois  le  même  phénomène  ramène  les  mêmes  causes  d'exci- 
tation ,  d'inquiétudes ,  d'embarras  qui  se  traduisent  au 
dehors  sur  la  figure  et  souvent  par  l'humeur.  Chez  elle 
plus  encore  que  chez  l'homme ,  la  réaction  du  physique 
sur  le  moral  est  immense. 

D'autres  faits  distinctifs  concomitent  souvent  avec  ceux 
que  nous  venons  d'énumérer.  Quoique  variable  selon  les 
races  humaines,  la  barbe  correspond  à  certains  signes 
caractéristiques  des  espèces  mâles,  tels  que  les  crinières , 
les  crêtes  et  diverses  variétés  du  plumage.  La  femme  en 
est  dépourvue.  Le  diamètre  antéro- postérieur  de  sa  tête  est 
généralement  plus  développé;  mais  le  crâne  est  propor- 
tionnellement plus  étroit  en  avant ,  quoiqu'aussi  large  que 
chez  l'homme  en  arrière ,  au-dessus  des  oreiUes.  Ces 
caractères  qui  varient  quelque  peu  selon  les  races  corres- 
pondent à  un  plus  grand  amour  de  la  fiimille ,  à  un  plus 
vif  besoin  d'approbation ,  à  une  circonspection  plus  grande, 
à  un  système  passionnel  plus  développé  relativement  aux 
facultés  intellectuelles. 

Les  fonctions  sont  en  harmonie  avec  pareille  divergence 


BU  SIÈCLE.  567 

dans  la  structure  anatomique.  —  Une  sensibilité  délicate 
et  même  exquise  caractérise  surtout  le  sexe  féminin.  Les 
organes  des  sens  sont  plus  facilement  impressionables. 
Généralement  inférieure,  en  apparence,  au  point  de  vue 
purement  intellectuel,  la  femme  ne  le  cède  pas  à  Thomme 
sus  le  rapport  moral,  et  ses  facultés  affectives  sont  bien 
autrement  développées  :  aussi  l'amour  ne  se  contente-t-il 
point  de  placer  des  épisodes  dans  sa  vie;  il  en  est,  à  bien 
dire,  Tunique  mobile.  Fille,  amante,  épouse  et  mère  ,  la 
femme  semble  créée  tout  exprès  pour  aimer  sous  une  forme 
ou  sous  l'autre.  —  Si  l'homme  a  le  génie  qui  invente ,  le 
bras  qui  exécute;  si  la  nature  lui  a  permis,  par  son  tra- 
vail, de  soumettre  à  son  action  les  éléments  du  globe,  la 
femme  possède  cette  douceur,  cette  patience,  cette  perspi- 
cacité, cette  tendresse  qui  la  rendent  le  charme  de  la 
famille,  ]a  reine  du  foyer  domestique.  C'est  par  son 
dévouement,  ses  soins,  sa  réserve  et  son  affectueuse 
obéissance  qu'en  se  rendant  indispensable ,  elle  asservit ,  à 
cette  heure,  l'être  qui  l'emporte  sur  elle  par  la  force  et 
par  l'énergie.  Gardons-nous  donc  de  croire  qu'elle  soit 
inférieure  à  l'homme ,  même  en  volonté  :  si  cette  volonté 
à  ses  éclipses,  c'est  qu'elle  se  fatigue  plus  vite;  mais  elle 
reparaît  aussitôt  qu'on  la  croit  vaincue  et  dominée.  Supé- 
rieure à  nous  pour  beaucoup  d œuvres  d'art,  la  femme 
n'est  que  rarement  propre  aux  sciences  et  à  la  philosophie 
tell^  qu'on  les  enseigne  aujourd'hui;  mais  ce  fait  qui 
tient  uniquement  à  ce  que ,  chez  l'homme ,  le  cerveau  est 
susceptible  d'une  action  plus  longue  et  plus  soutenue, 
disparaîtra  aussitôt  que  les  méthodes  naturelles  auront 
remplacé  nos  méthodes  factices ,  aussitôt  (|ue  notre  enfance 
aura  été  préparée  à  l'étude  du  vrai  savoir  par  la  vue  des 
principaux  faits  physiologiques  ;  elles  sont  même  destinée^, 
par  leur  adresse  naturelle ,  par  la  délicatesse  de  leurs 
mains ,  par  leur  extrême  sensibilité  aux  couleurs ,  aux 
odeurs,  aux  saveurs  et  aux  sons,  à  obtenir  de  grands 
succès  dans  l'étude  de  certaines  spécialités  de  la  chimie , 
de  la  botanique  et  de  la  zoologie. 

Les  femmes  sont  admirablement  organisées  pour  appren- 
dre et  pour  enseigner  les  sciences  élémentaires.  La  nature 


568  pniLOsoPHiB 

les  a  préparées  merveilleusement  pour  s'instruire  par  les 
sens,  c'est  à  dire  par  l'expérience  et  l'obsenration  ,  et  ponr 
enseigner  en  même  sorte,  selon  la  méthode  réellement 
scientifique.  Plus  douces,  plus  patientes  que  nous,  elles 
possèdent  au  plus  haut  degré  le  don  de  l'éducatioD. 
Aujourd'hui,  lorsqu'elles  sont  riches,  elles  se  déchar- 
gent trop  souvent  sur  des  nourrices,  du  soin  d'allaiter 
leurs  enfants  ;  elles  prendraient  volontiers ,  si  cela  se 
pouvait ,  des  femmes  de  peine  pour  les  mettre  au  monde. 
Elles  ne  sont  point  mères,  car  la  maternité  doit  surtout 
s'entendre  de  l'allaitement  intellectuel  et  moral  ;  mais 
elles  se  réforment  et  se  réformeront,  l'heure  des  pensées 
sérieuses  étant  arrivée. 

S'il  n'y  a  point  encore  de  système  métaphysique  qui 
soit  Tceuvre  d'une  femme.  Il  en  est  quelques-unes  qui  ont 
exposé,  développé,  amélioré  même  des  doctrines  inventées 
déjà ,  et  qui  l'ont  fait  avec  une  vigueur  de  style  tout-h-fait 
masculine.  Celles-ci,  belles  ou  laides,  aimaMes  ou  non 
dans  l'intimité ,  sont  en  général ,  au  sein  de  la  race  gallo- 
romaine,  dans  les  rappwts  des  sexes,  des  hommes  véri- 
tables. Rarement  elles  s'occupent  de  leurs  enfants  au 
berceau  :  comme  les  hommes,  elles  semblent  ne  les  ahner 
vivement  qu'à  une  époque  plus  avancée  de  la  vie. 

Il  y  a  là  un  grand  danger  qu'il  faut  éviter.  Donner  aux 
femmes  l'éducation  et  l'instruction  positive  qui  leur  man- 
quent aujourd'hui ,  tout  en  leur  conservant  leur  rôle  ,  leur 
caractère ,  leurs  attributions  de  femmes ,  voilà  le  but  qae 
l'avenir  devra  se  proposer.  Pour  éviter  d'en  faire  te 
qu  elles  sont  trop  souvent  à  cette  heure,  gardons^nous  de 
tomber  dans  l'excès  contraire.  Les  races  germaniques  pa- 
raissent avoir  résolu  ce  problème  :  il  n'est  pas  rare  de 
trouver,  chez  les  peuples  du  Nord  et  surtout  chez  les  Amé- 
ricaines des  Etats-Unis,  des  femmes  qui  unissent  toutes  les 
vertus  de  leur  sexe  au  savoir  le  plus  étendu. 

C'est  donc  mekis  dans  leur  organisation  que  dan^leur 
éducation  qu'il  faut  chercher  l^s  motifs  d'une  infériorité 
qui  est  actuellement  incontestable  en  France;  en  Espagne, 
en  Italie ,  mais  qui  pourrait  disparaître.  Etudiez  la  vie 
des  jeunes  personnes  ou  des  jeunes  femmes  du  monde  élé- 


BU  SIÈCLE.  569 

gant  ;  voyez  le  temps  qu'elles  consacrent  à  des  visites,  à  la 
toilette,  à  mille  petites  intrigues  ;  remac(|uez  combien  leur 
éducation  véritable  a  été  négligée ,  combien  od  a  laissé  de 
côté  le  développement  de  leurs  fofces  physiques  et  rensei- 
gnement des  études  naturelles  les  plus  élémentaires ,  et  il 
vous  prendra  envie  de  rire  quand  vous  verrez  de  pareilles 
femmelettes  vouloir  gouverner  du  fond  de  leurs  boudoirs 
le  monde  de  la  force  et  du  travail.  Ces  femmes  sont  faites 
uniquement  pour  exercer  cette  coquetterie  sur  laquelle, 
surtout  depuis  la  Renaissance,  on  a  écrit  des  volumes; 
elles  sont  la  femme  faussée  et  nullement  la  femme  vraie , 
la  femme  de  la  nature.  Voulez-vous  une  chose  :  leur  capri- 
cieuse faiblesse  ne  la  veut  déjà  plus.  Souvent  elles-mômes 
ne  peuvent  se  rendre  compte  de  leurs  boutades.  La  Roche- 
foucault ,  si  je  ne  me  trompe ,  a  écrit  quelque  part ,  qu'il 
leur  était  plus  difficile  de  vaincre  leur  coquetterie  que  de 
surmonter  leurs  passions,  et  il  a  eu  raison.  Un  amour 
profond ,  en  dirigeant  vecs  un  seul  être  toutes  leurs  facultés, 
pourrait  seul  diminuer  le  si  vif  désir  des  femmes  du  grand 
monde  d'être  approuvées  et  adorées  ;  car  la  vie  des  amants 
est  un  d  parie  continuel,  une  profonde  solitude  au  sein  do 
la  société.  Mais  cet  amour,  combien  peu  en  sont  suscepti- 
bles. ^*  Coquettes  sans  réflexion,  tant  l'habitude  est 
devenue -ehez  elles  une  seconde  nature,  la  plupart  préfé- 
reraient leur  parure  à  leur  amant  ;  elles  aimeraient  presque 
autant  mourir  que  d'être  ce  qu'elles  appellent  mal  vêtues. 
Leur  goàt  affadi  a  perdu  le  sentiment  de  l'art;  elles  ne 
comfttrennent  ni  la  valeur  d'un  vêtement  modeste  mais 
noblement  porté,  ni  la  grandeur  de  la  beauté  véritable. 

EseUaves  de  la  force  physique  de  l'homme ,  beaucoup 
s'amoindrissent  elles-mêmes  en  ne  voyant  pas  que  la  beauté 
morale^  dont  la  véritable  beauté  du  visage  est  toujours  le 
reflet V  est  ui3e  force  de  premier  ordre;  elles  ignorent,  ces 
enfants  gâtés,  la  puissance  et  la  grandeur  de  Tamour. 

Dans  leurs  petites  passions,  elles  tiesment  moins  à  être 
ardamment  aimées  que  préférées;  elles  ont  de  petits  ca- 
prices pair  calcul  d'amoui^^pre  et  pour  mesurer  leur 
pouvoir  >sur  leur»  amantô^  Devenues  mères  y  elles  pourront 
oublier  les  sages  conseils  à  donner  à  leurs  filles  ;  mais  elles 


570  PHILOSOPHIE 

n'oublieront  jamais  de  leur  dire  :  Tenez-vous  droites.  — 
Toujours  à  l'occasion  de  cette  damnée  de  coquetterie,  nous 
pouvons  rappeler  ce  mot  si  fin  de  La  Bruyère  :  «r  Les  hommes 
sont  cause  que  les  femmes  ne  s'aiment  point  ;  »  et  cet 
autre  de  Condorcet ,  que  l'on  pourrait  mettre  à  la  suite  : 
((  L'histoire  des  femmes,  si  elle  était  écrite,  serait  rhistoîre 
générale  du  monde.  »  Forcées  en  effet,  pour  plaire,  d'étu- 
dier les  hommes  et  de  les  juger,  les  femmes  ont ,  sans 
qu'on  y  prenne  garde,  une  grande  connaissance  pratique 
du  cœur  humain  :  telle  qui  ne  saurait  rendre  sa  pensée  sur 
un  homme ,  l'apprécie  cependant  à  la  première  vue.  — 
Oh  !  que  la  fille  élevée  selon  les  lois  de  la  nature  est  supé- 
rieure à  celles  qui  sortent  de  nos  couvents  et  de  nos  pen- 
sionnats ! 

Sophie  est  pauvre  et  simplement  vêtue ,  mais  toujours 
avec  élégance ,  avec  une  exquise  propreté.  Ses  membres 
exercés  au  travail ,  lui  permettent  ae  supporter  la  fatigue  ; 
elle  peut  marcher  longtemps  et  sait  nager. 

Son  père  lui  ayant  enseigné  les  éléments  des  sciences , 
d'elle-même  elle  a  continué  cette  étude  dans  le  but  d'aider 
sa  mère  à  élever  ses  frères  et  sœurs ,  et  aussi  parce  qu^elle 
désirait  se  renseigner  sur  les  grands  phénomènes  de  l'uni- 
vers. Douée  de  raison,  elle  voulait  se  faire  seule  son 
encyclopédie,  son  credo ,  sans  être  obgliée  de  demander 
à  des  tiers  ce  qu'il  faut  penser  et  cioire.  Sophie  n'a  point 
de  volonté  dans  les  petites  choses ,  mais  elle  n'hésite  ja- 
mais dans  les  grandes.  La  sagesse  de  ses  parents  a 
développé  chez  elle ,  dès  le  plus  bas  âge ,  le  sentiment  de 
l'art;  elle  a  appris  de  la  même  manière  et  en  même 
temps  à  écrire  et  à  dessiner  :  d'un  côté ,  avec  du  papier 
transparent,  elle  copiait  des  modèles  d'écriture  ;  de  l'autre, 
mille  dessins  à  la  plume.  Le  dessin  n'est  plus  pour  elle 
qu'une  écriture  souvent  indispensable  pour  rendre  sa 
pensée.  Elle  a  été  bercée  avec  des  chants  populaires  :  aussi 
elle  comprend  à  merveille  la  parole  musicale,  soit  qu'elle 
parle  accentuation,  soit  qu'elle  use  de  la  mélodie  00  de 
l'harmonie ,  soit  qu'elle  se  fasse  entendre  aussi  complète 
que  possible  pour  pénétrer  les  &mes.  Tous  les  soirs ,  chez 
elle^  on  chante  en  chœur  quelqu'œuvre  des  grands  mattres. 


DU  SIÈCLE.  571 

Ce  D*e$t  point  par  instinct  du  mystère ,  encore  moins  par 
coquetterie,  c'est  par  suite  d'une  sage  réserve  quelle  ne 
découvre  qu*à~demi ,  en  face  des  jeunes  gens  et  des  étran- 
gers, son  cœur,  ses  charmes  et  sa  pensée.  Vienne  cepen- 
dant un  de  ces  ignorants  qui  se  croient  le  droit  de  parler 
toigours,  un  de  ces  fats  qui  s'imaginent  conquérir  tous  les 
cœurs ,  un  de  ces  dévots  qui  voudraient  ré^er  toutes  les 
consciences  :  elle  aura,  si  on  l'importune,  quelques-unes 
de  ces  paroles  froides  et  sévères  qui  savent  imposer  silence 
et  faire  respecter  une  intelligence  aussi  sincère  qu'éclairée. 
—  Mise  depuis  longtemps  en  contact  avec  la  société,  elle 
en  connaît  le  fort  et  le  faible ,  les  extrêmes  richesses  et 
l'extrême  pauvreté,  les  misères  et  les  douleurs. 

Sophie  redoute  singulièrement  les  démocrates  d'esta- 
minet et  de  café,  et  tous  ces  niveleurs  qui  parlent  de 
supprimer  la  propriété  ;  elle  les  croit  dangereux  et  igno- 
rants. Mais  elle  voudrait  que  de  sages  lois  réglassent 
l'usage  de  la  propriété ,  qu'elle  ne  fut  plus  le  droit  absurde 
d'user  et  d'abuser,  et  que  les  jouissances  de  tous  fussent 
augmentées  par  des  avantages  communautaires.  Elle  croit 
aux  droits  de  la  famille  et  désire  cette  liberté  des  communes 

Ïui  ammènerait  bientôt  leur  organisation.  Sophie  a  besoin 
'être  aimée  :  elle  prendra  pour  époux  un  homme  hono  - 
rable  et  estimé  ;  elle  s'occupera  moins  de  savoir  s'il  est 
riche  que  de  savoir  s'il  est  digne  de  son  affection,  s'il  a  des 
habitudes  laborieuses  et  l'instruction  nécessaire,  pour  qu'elle 
se  trouve  heureuse  avec  lui  dans  l'accomplissement  de  ses 
devoirs.  En  tout  elle  désire  le  juste  et  le  vrai. 

La  nature  des  femmes  de  nos  salons ,  si  en  soi  elle 
était  vraiment  naturelle ,  serait  sentie  par  tous  et  de  prime 
abord ,  comme  les  beautés  du  monde  extérieur  ;.  itandis 
qu'il  faut  avoir  passé  par  la  rouille  des  préjugés  sociaux , 
par  les  épreuves  de  l'ige  et  des  ailaires  pour  arriver  à 
la  comprendre.  —  Eloignez-vous  des  sentiments  naturels , 
perdez  vos  illusions:  c'est  à  cette  condition  que  vous 
acquerrez  de  connaître  et  de  comprendre  notre  fausse 
société.  Plus  au  contraire  le  cœur  se  conserve  jeune,. mieux 
il  sent  et  apprécie  les  rapports  vrais  et  les  améliorations 


572  PHILOSOPHIE 

réclamées  par  l'état  actuel ,  en  un  mot ,  tout  ce  qui  est 
en  consonnaiice  avec  les  beautés  et  les  harmonies  de  la 
nature.  —  Tandis  que  l'univers  nous  parle  en  éloquent 
langage ,  de  l'ordre ,  du  temps ,  de  l'espace ,  de  Tamour  et 
de  la  vie,  la  société  absorbe  l'existence  des  gens  du  monde 
dans  des  futilités,  usant  en  niaiseries  leur  énergique  acti- 
vité ,  laissant  les  grandes  pensées  à  quelques  sages  appelés 
fous,  que  l'on  ne  croit  ni  assez  heureux,  ni  assez  habiles 
pour  jouir  des  voluptés  de  nos  salons. 

Mais  pourquoi  ces  réflexions  à  l'occasion  des  femmes  ? 
Parce  qu'il  ne  suffit  pas  de  les  peindre,  de  les  appeler  de 
mille  noms  charmants,  de  dire  d'elles  qu'un  salon  sans 
femmes  est  une  année  sans  printemps ,  un  printemps  sans 
roses  ;  qu'un  cœur  de  mère  est  le  chef-d'œuvre  de  la  na- 
ture ;  ou  de  s'écrier,  avec  cinq  points  d'exclamation  :  Oh  ! 
femme  !  quel  soufflfe  divin  épura  tes  traits ,  fit  éclore  ton 
sourire  et  plaça  sur  tes  lèvres  le  baume  qui  vivifie  et  le 
poison  qui  consume  !  !  !  !  !  Parce  que  les  fadeurs,  les  élé- 
gantes niaiseries,  les  riens  charmants  de  nos  salons  ne 
rappellent  ni  l'homme  ni  la  femme  aux  lois  de  la  nature , 
les  seules  qui  puissent  nous  rendre  heureux  en  nous  diri^ 
géant  vers  l'idéal. 


ESQUISSE  DU  DÉVELOPPEMENT  DE  rHUMANITÉ. 


INTROBUCTION. 

Nous  eussions  voulu  annexer  à  ce  livre  une  histoire 
suffisamment  développée  et  tout-à-fait  encyclopédique  des 
civilisations  ;  mais  ce  volume  est  déjà  trop  considérable. 
—  L'esquisse  extrêmement  rapide  qui  va  suivre  suffira 
pour  faire  comprendre  la  filiation  des  faits  et  la  manière 
dont  se  sont  évolvés  les  organismes  de  l'humanité. 

Il  y  a  pour  les  phénomènes  deux  formes  sur  lesquelles 


BU  SIÈCLE.  575 

la  physiologie  doit  insister  :  l'bspâgb  et  le  temps. —  Tantôt 
elle  étudie  les  séries  de  phénomènes  analogues  dans  un 
temps  donné ,  faisant  alors  de  la  cosmographie  dans  le  sens 
le  plus  étendu  accordé  à  ce  mot  ;  tantôt  elle  les  étudie  en 
un  lieu  donné  et  sous  leurs  formes  successives  qui  corres- 
pondent à  des  temps  successifs.  C'est  là  ce  qui  s'appelle  ou 
devrait  s'appeler  Vhistoire. 
Un  jour  l'histoire  universelle  se  composera  de  la  biogra- 

Ehie  du  système  solaire,  de  la  biographie  du  globe ,  de  la 
iographie  de  l'humanité.  Nous  l'avons  dit  au  début  de  ce 
livre,  et  nous  croyons  utile,  en  le  terminant,  de  nous 
répéter  de  nouveau ,  afin  de  bien  faire  comprendre  à  nos 
lecteur  que  l'histoire  de  l'humanité  est  une  des  branches  du 
grand  arbre  scientifique  et  qu'elle  ne  peut  être  autre  chose. 
Mais  cette  expression,  Bérie  de  phénomènes ,  ne  suppose-t-elle 
pas  des  rapports  de  succession ,  une  filiation  probable  et 
même  nécessaire  et  par  suite  des  lois  ?  L'étude  de  l'histoire 
conduit  donc  à  la  découverte  de  lois. 

L'homme  du  monde  élégant  et  l'homme  purement  litté- 
raire ne  pensent  ainsi  :  quand  ils  ont  dit ,  à  la  manière 
du  marquis  de  Saint-Simon  dans  ses  mémoires,  ou  de 
toute  autre  façon ,  les  petites  intrigues  des  cours ,  les  faits 
et  gestes  des  grands  personnages  ;  quand  ils  ont  peint  les 
reines ,  les  favorites ,  les  camarilla  et  quelques  grands  sei- 
gneurs, ils  croient  avoir  fait  de  l'histoire.  Hasard,  caprice, 
boutade,  voilà  pour  eux  les  lois  des  événements  humains. 
—  lia  confondeot  la  légende  et  la  chronique  avec  l'histoire 
véritable. 

Au  dessus  d'eux  se  place  une  école  encore  trop  littéraire 
aussi,  qui  a  singulièrement  abusé  de  la  métaphysique. 
Guizot  en  a  été ,  de  nos  jours ,  l'une  des  plus  éminentcs  per- 
sonnifications. Cette  école  était  en  grand  progrès  sur  les 
écrivains  de  cour  ;  mais  combien  n'a-l-elle  pas  laissé  dans 
l'ombre  des  plus  grands  faits  sociaux  r  la  science,  le  com- 
merce, les  industries  agricole,  minière  et  manufacturière, 
les  formes  diverses  du  mariage  et  par  suite  de  la  famille, 
c'est-à-dire  les  plus  grands  intérêts. 

Le  petit  neveu  dû  marquis  de  Saint-Simon  est  le  premier 
qui ,  dans  des  ouvrages  lus  du  public ,  ait  signalé  à  l'étude 


574  PHILOSOPHIE 

les  aspects  les  plus  sérieux  de  l'histoire ,  les  phénomènes 
sociaux  les  plus  importants  ;  il  est  le  premier  qui  ait  com- 
plètement aémontré  que  les  faits  d'ordre  intellectuel  et 
moral  sont  du  ressort  des  sciences  naturelles.  Imbu  de  sa 
pensée ,  nourri  de  ses  études  et  de  celles  de  ses  disciples , 
corrigé  dans  leurs  erreurs,  par  des  écoles  rivales,  nous 
voulons  le  continuer  :  nous  allons  dans  ce  but  tracer  à 
grands  traits  l'esquisse  de  la  charpente  d'une  véritable 
histoire  universelle  ;  d'autres  un  jour  achèveront  et  dé- 
coreront cet  édifice. 

Tout  être  organisé,  qu'il  soit  individuel  ou  collectif,  est 
le  produit  de  deux  facteurs  :  l'un  sa  nature  primordiale , 
l'autre  son  éducation. 

Ce  grand  théorème  que  nous  avons  démontré  pour 
l'homme ,  n*est  pas  moins  vrai  de  toute  famille  humame , 
de  toute  tribu ,  de  toute  agglomération ,  de  toute  associa- 
tion ,  que  ce  soit  une  commune ,  une  province  ou  un  état. 

Les  hautes  montagnes ,  les  sombres  forêts ,  les  déserts 
arides ,  les  grands  cours  d'eau ,  les  mers  intérieures  ou 
méditerranéennes  et  les  océans ,  en  opposant  des  barrières 
aux  premières  pérégrinations  des  hommes ,  ont  permis  à 
chaque  espèce  d'avoir ,  au  lieu  même  de  la  naissance ,  une 
sorte  de  foyer  d'incubation.  Ell«s  ont  accentué,  par  suite, 
les  traits  de  ces  personnalités  collectives,  nommées  tribut, 
peuples f  races,  espèces. 

Nous  devons  appeler  civilisation  toute  eiistonce  plus  ou 
moins  longue  d'une  ou  de  plusieurs  tribus,  d'un  ou  de 
plusieurs  peuples  de  même  espèce  et  de  même  rsce ,  ou 
d'espèces  et  do  races  mêlées  qui  se  manifeste  par  des  ha- 
bitudes et  des  croyances  communes. 

Une  civilisation  quelconque  suppose  une  même  éduca- 
tion des  êtres  humains  qui  la  composent  pour  les  classes 
diverses  dont  elle  est  formée.  De  là ,  les  rapports  géogra- 
phiques de  race ,  de  climat ,  de  fonction  des  familles  hu- 
maines qui  vivent  d'une  même  vie  intellectuelle  et  morale. 

Il  convient  d'appeler  révélation  cette  pensée  nouvelle 
présentée  à  tout  un  peuple  ou  à  ses  chefs ,  qui  est  assez 
grande  pour  toucher  à  ses  croyances  générales  et  pour  lui 
créer  un  idéal. 


BU  SIÈCLE.  575 

Toute  révélation,  acceptée  par  un  peuple  ou  par  ses  chefs, 
conduit  à  une  réyolution  nécessaire  qui  entraîne  les  familles 
humaines  qu'elle  concerne,  dans  un  ordre  de  faits  nou- 
veaux. 

Si  cet  ordre  de  faits  concorde  avec  les  aptitudes  natio- 
nales et  l'éducation  du  milieu,  rien  de  plus  légitime  que 
la  révolution  qui  les  a  produits.  Les  cataclysmes  sont  aussi 
logiques  dans  l'histoire  de  l'humanité  que  dans  l'histoire 
du  globe. 

Ces  cataclysmes  durent  toujours  fort  longtemps  si  on 
les  compare  à  la  vie  humaine.  Ils  portent ,  en  histoire ,  le 
nom  d'époques  critiques. 

Les  époques  organiques  leur  succèdent.  Celles-ci  ont 
surtout  pour  caractère  le  calme ,  la  paix ,  l'organisation , 
en  deux  mots  l'évolution  des  faits  révolutionnaires  amenés 
par  la  révélation ,  sous  la  direction  du  but  qu'elle  a  signalé. 
Chaque  civilisation  a  eu  sa  révélation ,  chaque  révélation 
son  idéal. 

Les  phases  parcourues  par  l'humanité  rudimentaire  ont 
des  analogies  assez  grandes  pour  les  transformations  aux- 
quelles elles  ont  donné  lieu  avec  les  transformations  subies 
par  les  espèces  animales.  Chacune  a  constitué  une  situation 
plus  ou  moins  progressive ,  dans  laquelle  la  liberté  indivi- 
duelle de  l'homme  et  de  la  femme,  le  mariage,  la  famille 
et  la  commune  ont  eu  des  formes  différentes.  Le  progrès 
à  venir  de  la  science  sociale  sera  de  se  rapprocher  aes  en* 
seignements  fournis  par  les  sciences  anatomiques  et  zoolo- 
giques. 

Les  idées  qui  précèdent ,  si  condensées  ici ,  voilà  la  base 
des  enseignements  à  venir  de  la  jeunesse  des  deux  sexes  et 
même  des  enfants ,  car  il  est  facile  de  les  exposer  sous  une 
forme  qui  parle  autant  aux  yeux  que  les  expériences  de 
physique  et  de  chimie. 

PÉRIODE  ANT^-HISTORIQUE. 

Entre  l'histoire  des  révolutions  du  globe  et  les  premiers 
événements  humains  racontés  par  la  tradition,  se  place 


â76  PHILOSOPHIB 

une  phase  anté-historique.  Cette  époqae  n'a  pas  été  suffi- 
samment étudiée.  Les  dates  relatives  de  Tapprofondisse- 
ment  des  mers  intérieures,  telles  que  la  Caspienne,  la  mer 
d'Aral ,  la  Celésyrie ,  les  lacs  amers ,  le  Sahara ,  celles  de 
Télévation  des  Cordillères  et  de  l'Hymalaya ,  ne  nous  sont 
pas  suffisamment  connues.  La  géologie ,  dans  ses  recherches 
sur  les  ossements  fossiles ,  n'a  pas  encore  étudié  comme  il 
conviendrait ,  les  premiers  jours  possibles  et  probables  des 
premières  tribus  humaines.  Ainsi  se  vérifie  la  loi  de  la  vie 
qui  entoure  d'obscurité  tant  d'origines. 

L'histoire  de  l'humanité  embryonaire  constitue  une 
grande  série  parallèle  à  la  série  géologique.  Une  nuit  pro- 
fonde enveloppe  ses  premiers  jours  :  les  traditions  qui 
eussent  pu  jeter  quelque  clarté  sur  le  crépuscule  des  civili- 
sations sont  égarées ,  détruites  ou  incomplètes. 

Combien  nos  pères  ont-ils  employé  de  siècles  à  dompter 
le  chien,  le  bœuf,  le  ohanmeau,  le  cheval,  l'âne  et  nos 
autres  animaux  domestiques  ?  combien  à  découvrir  le  cuivre 
et  le  fer?  combien  à  transformer  les  langues  monosylla- 
biques en  langues  polysîUabiques?  combien  à  créer  les 
règles  grammaticales  d'une  langue  aussi  savante  que  le 
sanscrit  7  combien  n'a-t-il  pas  fallu  de  milliers  d'années 
pour  inventer  les  signes  parlants,  puis  les  hiéroglyphes, 
puis  l'écriture  hiératique  ou  de  transition ,  puis  les  dpha- 
betset  surtout  des  alphabets  aussi  parfaits  que  celui  du 
ffeinscrit. 

Nous  allons  raconter,  tel  qu'il  ressort  des  chroniques  des 
peuples,  le  développement  à  travers  les  Ages,  des  tendanoes 
humaines  manifestées  par  les  actes  qu'elles  ont  produits , 
et  l'idéal  progressif  de  leur  imagination  ,  de  leurs  croyances, 
de  leur  charité  de  plus  en  plus  élevée,  de  leurs  formes 
social^  qui  tendent  sans  cesse  à  s'harmoniser  avec  les 
progrès  de  la  raison.  Nous  arriverons  ainsi  à  créer  une 
grande  oxquisse  d'un  arbre  généalogique  des  civilisations, 
sur  lequel  nous  pourrons  inscrire  la  loi  de  la  providence 
en  ses  caractères  physiologiques  et  réellemont  divins. 

L'Inde  semble  avoir  visé  à  tenir  cachée  la  première 
racine  des  civilisations.  «Les  Yédas  ne  nous  disent  rien  sur 
les  premiers  révélateurs  ;  mais  les  Naçkas  de  Zoroastre  sont 


BU  SIÈCLE.  577 

plus  explicites  :  nous  y  trouvons  la  preuve  d'un  souvenir 
confus  de  deux  des  premiers  civilisateurs  du  monde.  L'un , 
le  fJus  ancien ,  s'appelait  Hom  ;  il  donna  aux  hommes  les 
lois  du  ciel ,  et  leur  en  descendit  la  ceinture ,  signe  d'ini- 
tiation; l'autre  vint  ensuite,  il  s'appelait  Schir,  il  fut  le 
chef  des  bergers  et  des  troupeaux.  Le  premier  fut  un 
révélateur  véritable,  le  second  l'organisateur  de  la  révé- 
lation de  son  prédécesseur.  L'un  et  Tautre  sont  indiqués 
comme  habitant  au  pied  des  montagnes  de  la  haute  Asie. 


PiaiODB  AnTÉ-CHRâTIBNNE. 


Après  avoir  grandi  en  nombre  et  en  influence ,  les  pas- 
teurs civilisés  par  Hom  s'épanchèrent ,  dans  im  passé  très- 
obscur,  au  pied  de  l'Hymala^a ,  sur  les  fertiles  vallées  qui 
commencent  la  grande  alluvion  de  l'Inde ,  et  à  l'Ouest  du 
côté  de  la  haute  Asie.  —  Ils  parlaient  une  môme  langue 
qui  est  devenue  le  sanscrit  dans  l'Inde;  le  zend  dans  les 
montagnes  de  la  Bactriane  et  les  pays  circon voisins. 

Il  est  possible,  en  appliquant  en  quelque  sorte  à  l'histoire 
Tone  des  méthodes  des  géomètres ,  de  remonter  de  l'Inde 
et  de  la  Bactriane  à  leur  souche  primitive  ;  on  trouve  alors* 
que  les  premiers  civilisateurs  connus  croyaient  à  un  Dieu 
infini  et  tout-puissant ,  à  la  coétemité  de  la  substance ,  à 
des  esprits  intermédiaires  entre  l'homme  et  la  divinité. 
Nés  au  Nord ,  une  climature  froide  avait ,  chez  eux ,  pro- 
longé les  enfances,  retardé  la  puberté,  favorisé  les  ten- 
dances morales  vers  le  mariage  et  la  famille.  —  Aller  plus 
loin  dans  cette  direction ,  ce  serait  dépasser  le  pouvoir  de 
la  science  et  dévier  de  la  méthode  qui  fournit  des  pré- 
somptions rationnelles. 

Probablement  l'alluvion  indoue  s'échappa  la  première  du 
foyer  civilisateur.  Gênée  dans  son  expansion  par  les  peuples 
colorés  qu'f^le  devait  ou  XM^nvertir  ou  subjuguer,  elle 
s'étendit  vers  la  haute  Asie.  La  mythologie  indoue  nous 


578  PHILOSOPHIE 

indiqae  ce  fait ,  dont  elle  donne  une  date  légendaire  qui 
correspond  au  schisme  du  fils  de  Manou. 

L'antiquité  grecque ,  en  reportant  à  six  mille  ans  avant 
notre  ère  le  premier  des  Zoroastre,  qu'elle  fait  plus  ancieD 
que  Menés  ou  Ménaï ,  premier  roi  d'Egypte ,  nous  montre 
d'une  manière  plus  précise  combien  sont  relativement 
vieilles  les  révélations  des  Mages  de  l'Arianne  ou  disciples 
de  Zoroastre ,  et  celles  des  Brahmanes  qui  les  auraient  en 
quelque  sorte  précédés  au  pied  de  THymalaya. 

Les  éducateurs  de  la  jeunesse  ne  sauraient  oublier  dans 
l'avenir  les  rapports  qui  existent  entre  le  panthéisme  de 
l'Inde,  ses  poèmes  immenses,  sa  littérature  sacrée,  si  éten- 
due ,  si  riche  d'images  et  de  grandiose  ;  ses  drames  en  har- 
monie avec  ses  poèmes  et  les  vastes  alluvions  qui  s'étendent 
en  plaines  de  la  mer  à  l'Hymalaya.  Les  sages  qui  médi- 
taient sur  les  premiers  versants  de  cette  grande  montagne, 
et  qui  voyaient  les  vapeurs  arriver  de  la  mer  se  condenser 
sur  leurs  têtes  et  se  résoudre  à  leurs  pieds  en  sources  fé- 
condes, assistant  de  la  sorte  à  une  incessante  renaissance 
de  la  nature,  pouvaient-ils  écrire  et  penser  autrement  qu'ils 
ne  l'ont  fait  ?  Le  monde  indien  avec  ses  grands  herbages, 
sa  végétation  si  luxuriante  et  ses  animaux  les  plus  éton- 
nants, le  boa,  l'orang-outang,  l'éléphant,  le  tigre  et  mille 
autres  non  moins  curieux,  n'avait -il  pas  pour  l'àme  hu- 
maine des  enseignements  spéciaux  ?  Les  aspects  de  gran- 
deur et  d'éternité  de  la  nature  imprimèrent  aux  esprits  des 
croyances  analogues.  L'idée  de  la  vie  individuelle  du  moi  , 
l'idée  d'une  vie  plus  générale  du  monde  ou  cosmos ,  du 
non-moi ,  les  rapports  du  moi  avec  le  non-moi ,  de  l'homme 
avec  le  grand  univers,  furent  naturellement  les  premières 
pensées  religieuses  et  les  plus  vivaces  des  contemplateurs 
de  rinde.  Elles  donnèrent  ses  teintes  générales  à  ce  tableau 
sur  lequel  se  devaient  dessiner  ultérieurement  ses  croyances, 
—  Ce  fut  la  vie  qui  préoccupa,  sous  ses  divers  aspects,  les 

f)remiers  sages ,  et  ils  traduisirent  leur  pensée  sous  une 
orme  poétique,  en  expliquant  au  vulgaire  les  développe- 
ments de  Tœuf  du  monde,  en  lui  parlant  d'un  dieu  herma- 
phrodite, grand  symbole  de  l'unité  et  de  la  duaUté  univer- 
selle. Mais  le  moi,  le  non-moi  et  le  lien,  la  puissance. 


DU   SIÈCLE.  579 

l'action,  ramour,  le  passé,  l'avenir  et  le  présent,  offraient 
un  terme  de  plus  que  la  dualité;  de  là,  la  trinité.  Un,  deux, 
trois,  voilà  les  premiers  membres  sacrés;  cinq,  six  et  sept 
vinrent  ensuite  ;  puis  la  musique ,  la  peinture  et  la  sculp- 
ture ne  tardèrent  pas  à  s'harmoniser  avec  de  pareilles  mé- 
ditations. 

L'histoire  de  l'Inde  nous  est  complètement  inconnue  ; 
nous  ne  possédons  encore  à  cette  heure  qu'une  histoire 
en  vers  d'une  très-petite  contrée  de  ce  pays ,  la  vallée  de 
Kachmir.  Cette  chronique ,  écrite  en  1586 ,  remonte  à  l'an 
2248  avant  notre  ère. 

L'archéologie  a  jeté  un  jour  nouveau  sur  les  rapports 
de  rinde  avec  les  rois  grecs  de  la  Bactrianne,  qui  ont  gou- 
verné ce  pays  après  la  mort  d'Alexandre  ;  mais  elle  n'a 
nullement  éclairé  les  origines  primitives  de  la  conquête 
religieuse  des  Brahmanes  et  du  développement  de  leur  foi. 

Les  monuments  écrits  de  l'Inde  sont  les  Védas ,  livres 
révélés  sur  lesquels  nous  reviendrons,  et  les  lois  de  Manou. 
Ces  lois  religieuses,  révélées  aussi  et  tout-à-fait  analogues 
en  leur  genre  aux  lois  de  Moïse  et  aux  préceptes  de 
Zoroastre ,  paraissent  avoir  été  recueillies  en  un  corps  de 
doctrines,  environ  1400  ans  avant  notre  ère;  mais  elles  ne 
sont  évidemment  qu'une  compilation  de  coutumes  immé- 
moriales auxquelles  incessamment  elles  se  réfèrent.  Elles 
sont  divisées  en  douze  livres  ,  nombre  adopté  par  la  plu- 
part des  révélateurs  religieux  ;  il  correspond  peut-être  aux 
signes  du  Zodiaque. 

A  côté  des  livres  sacrés  se  placent,  en  sous-ordre,  les 
grands  épopées  de  l'Inde.  Le  Ramayan,  œuvre  de  Valmiki, 
se  présente  d'abord  ;  sa  date  précise  est  inconnue.  Il  ra- 
conte, à  la  manière  des  poètes,  la  conquête  de  l'Inde 
méridionale  parla  force  brahmanique.  Cette  grande  œuvre 
est  à  la  fois  une  illiade  et  une  odyssée  ;  elle  fait  connaître 
des  mœurs  vraies  des  actes  embellis  et  toute  une  mytho- 
logie qui  obscurcit  l'histoire  sans  profit  pour  la  légende. 
Le  Mahâbharat ,  la  plus  considérable  des  épopées  connues, 
nous  dit  à  sa  manière  La  lutte  des  Kourous  et  des  Pandous, 
deux  des  plus  anciennes  familles  royales  de  l'Inde  occi- 
dentale et  septentrionale. 


580  PHILOSOPHIE 

Près  de  1400  ans  avant  notre  ère  et  peut-être  plus  an- 
ciennement encore,  la  doctrine  religieuse  des  Brahmanes 
vit  s'élever  à  côté  d'elle  des  sectes  philosophiques.  Issu  de 
Tune  d'elles,  Bouddha,  dont  la  naissance  date  de  l'an  1027 
avant  le  Christ ,  Bouddha ,  la  neuvième  incamatiou  de  H 
seconde  personne  de  la  Trinité  hindoue ,  devint  le  fonda- 
teur d'un  schisme.  Mais  dans  l'Inde ,  le  pays  natal  du  céré- 
monial  et  des  rites ,  tout  est  solennel ,  tout  est  grand 
comme  les  grands  fleuves  et  les  grande  plaines  du  pavs. 
Aussi  la  lutte  du  protestantisme  indien  a-t-elle  duré  plus 
de  mille  ans.  Chassé  de  l'Inde,  le  bouddhisme  se  répandit 
au  loin  dans  toutes  les  contrées  de  l'Asie,  faisant  de  Ceylan 
et  du  Thibet  deux  grands  foyers  d'initiation  et  de  propa- 
gande. 

L'expulsion  du  bouddhisme  donna  lieu  à  un  phénomène 
d'ordre  moral  qui  s'est  reproduit  au  sein  du  christianisme. 
Pour  vaincre,  le  sévère  brahmanisme  fit  des  concessions 
et  s'humanisa.  Il  eut  ses  jésuites  qui  surent  allier  avec  le 
plus  grand  art ,  le  sensualisme  et  la  dévotion ,  le  mysti- 
cisme et  les  plaisirs  mondains. 

Entre  la  fin  de  la  lulte  avec  les  bouddhistes  et  l'invasion 
des  mahométans,  se  placent  les  siècles  littéraires  des  pays 
hindous.  Ils  produisirent  dans  cette  période ,  qui  ne  s'est 
terminée  qu'au  XIV'  siècle  de  notre  ère,  les  Puranas, 
œuvre  mythologique,  mais  d'une  mythologie  émanée  et 
secondaire.  Elles  ne  renferment  pas  moins  de  seize  cent 
mille  vers.  On  y  trouve  de  tout,  du  modçme  et  du  très- 
antique  ajusté  et  restauré  selon  le  goût  nouveau. 

Parmi  les  poèmes  plus  récents ,  nous  devons  citer  l'Inde 
vue  à  vol-d'oiseau,  par  un  nuage  voyageur  ;  un  poème  sur 
les  saisons  ;  une  refonte  du  Ramayan  ;  le  mariage  de  la 
fille  de  l'Hymalaya  avec  Siva,  allégorie  légendaire  em- 
pruntée aux  Puranas;  l'histoire  de  la  famille  Rama  et 
d'autres  œuvres  qui  annoncent  la  décroissance  de  l'art. 

Le  théâtre  Indien  nous  est  trop  peu  connu  pour  que 
nous  puissions  en  parler.  L'une  de  ses  pièces  les  plus  célè- 
bres a  pour  titre  :  Le  lever  de  la  lune  de  V intelligence.  Ce 
drame,  dans  lequel  les  systèmes  philosophiques  se  dis- 
putent la  possession  de  l'âme  humaine ,  correspond  à  cet 


DU   SIÈCIE.  581 

âge  d'une  civilisation  auquel  la  nôtre  n'est  pas  encore 
arrivée  :  c'est  à  peine  si  le  roman  français  a  essayé  quel- 
que chose  d'analogue. 

La  vie  scientifique  pourrait  seule  perpétuer  l'existence 
d  une  nation  qui  a  eu  ses  épopées,  ses  drames  et  son  apogée 
littéraire.  Ecartée  de  cette  voie  par  les  brahmanes,  l'Inde 
est  dans  la  vieillesse  de  sa  première  existence  et  devra 
mourir  avant  que  de  renaître  à  une  seconde  vie. 

Les  constructions  monumentales  que  l'Inde  avait  consa- 
crées à  la  religion  sont  en  pierres.  Quelques-unes  sont 
en  réalité  d'immenses  monolytes  accommodés  aux  besoins 
du  culte  ;  d'autres ,  des  grottes  creusées  dans  les  roches  les 
plus  dures  ,  dans  le  porphyre.  Les  unes  et  les  autres  sem- 
blent les  copies  de  constructions  en  bois  qui  les  auraient 
précédées.  Elles  font  supposer  que  l'architecture  religieuse 
aurait  eu  trois  phases.:  la  première,  où  ses  temples  étaient 
en  bois;  la  seconde,  qui  a  été  pour  l'Inde  ce  que  l'époque 
de  Périclès  et  les  siècles  qui  ont  précédé  notre  ère  étaient 
pour  la  Grèce ,  ce  que  le  Moyen-Age  a  été  pour  le  catholi- 
cisme ;  la  troisième ,  de  déchéance ,  représentée  par  les 
pagodes  actuelles. 

Les  Abyssins  et  les  Grecs  n'ont  exercé  aucune  influence 
sur  l'architecture  des  Indous  :  c'est  l'inverse  gui  a  eu 
lieu. 

Les  uns ,  avec  les  savants  du  pays ,  font  correspondre  la 
construction  des  temples  de  l'Inde  à  cette  époque  où  la . 
religion,  tout-à-fait  florissante,  recueillit  les  Védas,  ce  qui 
est  légitime.  D'autres  soutiennent  qu'ils  sont  postérieurs  à 
notre  ère.  Cette  dernière  version,  quel  que  soit  son  but, 
n'est  pas  vraisemblable. 

Comme  nos  cathédrales  pour  leur  construction ,  les  tem- 
ples de  l'Inde  ont  demandé  dés  siècles.  Ce  ne  sont  point 
des  unités  parfaites  en  leur  genre.  Les  opinions  domi- 
nantes se  sont  inscrites  sur  leurs  murs.  Siva  et  Vischnou 
d'abord ,  Christna  et  Bouddha ,  les  deux  dernières  incarna- 
tions de  Vischnou,  en  modifiant  les  croyances,  ont  dû 
modifier  leur  expression. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  il  est  un  fait  général  et 
caractéristique  :  c'est  que  les  arrêtes  et  les  formes  générales 


582  PHILOSOPHIE 

des  temples  indiens  sont  très-habilement  dissimulées  par 
des  sculptures  et  des  bas-reliefs  distribués  avec  une  profu- 
sion extraordinaire.  Les  colonnes  si  élancées  dans  Tarohi- 
tecturc  grecque  et  celle  du  Moyen-Age,  sont  ici  extrêmement 
courtes.  Elles  ressemblent  quelquefois  à  une  collection  de 
troncs  d'arbres  reliés  les  uns  aux  autres.  Leurs  çhapitaui 
nous  paraissent  bizarres ,  le  goût  qui  a  présidé  à  leur  orne- 
mentation ayant  eu  pour  modèle  une  nature  très-différente 
de  celle  de  TOccidcnt.  Elles  sont  surchargées  de  décorations 
qui  en  dissimulent  le  but. 

Les  plafonds  de  ces  temples  ont  évidemment  servi  de 
modèles  aux  plafonds  égyptiens  :  leurs  sculptures  et  leurs 
peintures  en  font  foi. 

L'esprit  reste  confondu  en  songeant  au  nombre  de  vies 
d'hommes  que  les  travaux  de  ces  temples  ont  dû  absorber, 
aux  douleurs  dont  ils  ont  été  l'occasion  nécessaire. 

Les  cavernes  d'Eléphanta,  d'Elora,  de  Salcèle  se  rappor- 
tent, dit-on,  au  culte  de  Siva  ;  mais  nous  ne  saurions 
accepter  complètement  cette  opinion.  —  Créées  pendant 
le  règne  du  culte  de  Siva ,  elles  ont  été  terminées  et  ornées 
surtout  à  une  époque  plus  récente.  D'autres  paraissent 
avoir  été  spécialement  consacrées  à  Bouddha.  Ces  divers 
monuments  sont  remplis  à  profusion  de  sculptures  qui , 
dans  beaucoup,  sont  de  porphyre. 

Quelques  temples  indiens  sont,  avons-nous  dit,  de 
véritables  monolythes  :  l'esprit  du  temps  s'est  emparé  de 
roches  gigantesques  pour  les  tailler  et  façonner  en  monu- 
ments religieux. 

H  existe  aussi  des  pagodes,  assez  récentes  et  nombreuses, 
bâties  à  l'instar  de  nos  monuments  modernes. 

Les  Indous  avaient  autrefois  et  ont  encore  aujourd'hui 
la  plus  vigoureuse  croyance  à  l'influence  des  hanmmies 
dans  les  constructions  diverses.  Ils  tiennent  pour  certain 
que  l'on  ne  peut  être  ni  bon,  ni  heureux  dans  une  maison 
qui  n'est  point  bâtie  selon  les  règles  de  l'architecture  expo- 
sée dans  les  livres  sacrés. 

Sans  aller  aussi  loin  /  nous  croyons  à  l'architecture  en 
général  et  surtout  à  l'architecture  civile  en  particulier,  une 
influence  sociale  qui  n'a  été  ni  suffisamment  comprise,  ni 


BU  SIÈCLE.  583 

suflSsamment  étudiée  :  constamment  elle  résume  et  repré- 
sente la  civilisation  d'une  époque. 

Les  architectes  de  Tlnde  se  divisaient  en  quatre  classes  : 
tous  étaient  issus  de  Viswacarma ,  l'architecte  du  ciel.  Les 
uns  étaient  charpentiers,  d'autres  géomètres ,  d'autres  me- 
nuisiers, omemenlistes ,  d'autres  architectes  proprement 
dits.  Ces  derniers  consacraient  leur  jeunesse  à  l'étude  du 
dessin,  de  la  sculpture,  des  sciences  mathématiques,  de 
l'astrologie  et  de  la  mythologie  ou  symbolique.  Aujourd'hui 
encore  ces  quatre  classes  n'ont  pas  disparu  et  sont  singu- 
lièrement respectées. 

Les  règles  de  l'architecture  indoue  ne  sont  pas  moins 
fixes  que  celles  des  architectures  grecques  et  chrétiennes. 
Les  nombres  sacrés  y  jouent  un  rôle  très-important. 

Les  Védas  ou  livres  sacrés  de  l'Inde  sont  écrits  dans  une 
langue  qui  n'est  plus  parlée  (le  sanscrit),  avec  des  carac- 
tères qui  ne  sont  plus  usités.  Les  sectateurs  de  Brahma  les 
tiennent  pour  révélés  par  Brahma  lui-même.  Cependant 
ils  admettent  que  des  inspirés  appelés  Richi ,  en  auraient 
donné  au  monde  les  divers  fragments  par  suite  d'une 
révélation  de  second  ordre.  Ils  admettent  encore  qu'un 
sage  surnommé  Véda-Vyasa  (le  compilateur  des  Védas),  les 
a  disposés  dans  leur  ordre  actuel  et  divisés  en  quatre  par- 
ties appelées:  rieh^  yadjouck,  $amdn  et  atharvant^a.  On 
trouve  dans  les  Védas  des  prières  appelées  mantras  et  des 
collections  de  préceptes  appelés  brahman'a.  Les  collections 
de  prières  portent  le  nom  de  sanhitas. 

L'antiquité  réelle  des  Védas  nous  est  absolument  in- 
connue. L'époque  de  leur  compilation  ne  l'est  pas  davan- 
tage; mais  la  forme  de  ces  quatre  livres  atteste  une 
civilisation  déjà  très-avancée  et  depuis  fort  longtemps  dans 
sa  voie. 

Avec  un  peu  d'étude  on  y  retrouve  : 

Un  Dieu  unique; 

Unetrinité; 

Brahma ,  la  puissance  productive  ; 

Vischnou,  le  verbe,  l'action,  Tesprit  qui  pénètre,  le 
conservateur  ; 


58  i  PHILOSOPHIE 

Siva,  la  rénovation. 

Cette  Irinilé  a  passé  de  l'Inde  en  Egypte  et  en  Grèce. 

Les  Yédas  sont  un  recueil  éminemment  spiritualiste  et 
panthéiste.  On  y  trouve  à  chaque  ligne  cette  pensée  qui 
résume  de  nos  jours  la  philosophie  de  notre  Lamenais  : 
Les  corps  ne  sont  que  des  ombres  au  sein  de  la  lumière  divine. 
On  y  parle  sans  cesse  de  la  grande  âme  (atraa)  de  la  nature, 
de  cette  âme  universelle  à  laquelle  les  âihes  individaellos 
font  retour  et  au  sein  de  laquelle  elles  vivent  et  s%igitent. 
On  y  ramène  aussi  sans  cesse  le  dogme  de  la  métempsy- 
cose. 

11  ressort  de  leur  étude  et  des  douze  livres  des  lois 
de  Manou  qui  en  sont  TappUcation,  que  le  régime  des 
castes  est  antérieur  à  la  révélation  des  Brahmanes ,  et  que 
cette  révélation  a  eu  pour  but  de  le  consacrer  religieuse- 
ment. 

11  n'est  pas  un  seul  grand  fait  intellectuel  ou  politique , 
chez  les  peuples  modernes  que  l'on  appelle  civilisés,  qui 
ne  découle  de  TArianne  (TArie  de  Zoroastre)  ou  de  l'Inde. 
—  Nos  sciences ,  nos  philosophies ,  nos  croyances  de  toute 
nature  nous  viennent  des  plaines  de  l'Inde  ou  de  la  haute 
Asie,  et  nos  plus  grands  novateurs  du  siècle  ne  font  que 
continuer  les  philosophes  de  l'Inde  et  les  disciples  de 
Zoroastre  ,  de  même  que  nos  conservateurs  voudraient  per- 
pétuer, au  sein  des  sociétés  modernes,  le  brahmanisme 
qui  eut  pour  but ,  dans  le  passé ,  de  consen  er  les  avan- 
tages d'une  conquête  guerrière  ou  religieuse ,  parfois  l'un 
et  l'autre, 

L'Inde  avait  sa  tradition  du  déluge,  sa  lutte  des  bons  et 
des  mauvais  anges,  sa  légende  d'Adam  et  Eve.  Elle  avait 
ses  nombres  sacrés  :  il  fallait  sept  générations  pour  effacer 
les  fautes  originelles.  Dans  la  religion,  dans  la  rituel,  dans 
les  sacrements,  elle  consacrait  incessamment  les  chiffres  1, 
2,  3,  4,  5,  6,  7,  9,  10  ou  deux  fois  5,  i2  ou  deux  fois  6, 
14  ou  deux  fois  7,  etc.,  etc.  ;  et  ces  chiffres  se  retrouvent 
dans  toutes  les  autres  religions  avec  des  significations  sem- 
blables ou  analogues. 

L'Inde  nous  a  donné  ses  nombres  décimaux,  ses  douze 
signes  du  Zodiaque ,  son  hypothèse  de  l'éther,  son  système 


DU   SIÈCLE..  585 

du  monde  reproduit  successivement  par  Pythagore ,  Aris- 
tarque  de  Samos  et  Copernic,  si  bien  démontré  par  Galilée, 
développé  depuis  par  nos  grands  géomètres  et  surtout  par 
La  Place. 

Les  grammaires  de  la  Grèce,  de  Rome  et  des  Slaves 
actuels  dérivent  de  la  grammaire  indoue.  Ecrit  avec  des 
caractères  grecs ,  le  sanscrit  se  rapproche  singulièrement  de 
la  langue  d'Aristote  et  de  Platon  dont  il  forme  le  fond.  Il 
se  retrouve  aussi  dans  les  principales  racines  de  Tallemand 
et  même  du  celtique.  Les  caractères  alphabétiques  de 
TAbyssinie ,  cette  mère  de  TEgypte ,  n'étaient  que  les  ca- 
ractères alphabétiiques  du  sanscrit  retournés  et  changés 
déposition,  comme  si  l'on  avait  voulu  dissimuler  le  plagiat. 

L'Inde  et  TArianne  ont  été  pour  le  christianisme  et 
l'islamisme  la  source  de  leurs  principales  hérésies.  Elles 
consacraient  Teau  et  le  feu,  l'Arianne  surtout,  à  peu  près 
comme  nous  le  faisons  pour  nos  cultes  modernes. 

Brahma,  disent  les  Védas,  a  fait  sortir  la -caste  sacerdo- 
tale de  sa  tête,  la  caste  guerrière  de  son  bras,  la  casto, 
laborieuse  de  ses  cuisses ,  les  esclaves  ou  soudras  de  ses 
pieds,  —  Les  douze  livres  des  lois  de  Manou  (car  toutes 
les  lois  religieuses  de  l'antiquité  avaient  douze  livres  :  eu 
Judée,  à  Athènes  et  à  Rome,  aussi  bien  que  dans  l'Inde) 
ont  eu  pour  but  de  consacrer  la  séparation  de  ces  quatre 
classes  que  nous  retrouvons  encore  aujourd'hui  sous  les 
noms  de  corps  sacerdotal ,  —  de  noblesse ,  —  de  bour- 
geoisie, —  de  prolétaires,  serfs  ou  esclaves. 

La  femme ,  disait  Manou ,  n'est  qu'un  champ  ou  l'époux 
sème  pour  obtenir  une  moisson,  c'est-à-dire  un  enfant 
mâle. 

Logique  en  ses  conséquences,  ce  législateur  religieux 
établissait  que  la  femme  ne  doit  jamais  avoir  de  volonté  ; 
qu'il  faut  la  marier  de  huit  à  douze  ans  à  un  homme  de 
vingt-quatre  à  trente  ;  qu'elle  doit  toujours  obéir,  fille  à 
son  père,  femme  à  son  époux,  veuve  à  son  fils  aîné; 
qu'elle  doit  toujours  considérer  son  mari  comme  un  Dieu , 
quand  ce  serait  le  plus  infâme  des  hommes  {sic). 

Une  pareille  doctrine  était  la  négation  de  la  famille  telle 
que  la  justice  la  veut ,  telle  que  la  raison  la  comprend. 


586  PHILOSOPHIE 

La  commune  indoue  se  composait  de  douze  ordres  de 
fonctionnaires  :  1**  le  juge  magistrat  ;  2"  le  régisseur  du 
roi,  percepteur  de  l'impôt;  5°  le  garde  urbain  et  cham- 
pêtre ;  4°  le  distributeur  d'eau ,  fonction  très-importante 
dans  un  pays  très-chaud  où  la  religion  employait  l'eau 
sans  cesse  dans  les  ablutions  et  les  sacrements  ;  5**  le  de- 
vin ou  astrologue  ;  6°  le  charron  ;  1"*  le  potier  ;  8*"  le  blan- 
chisseur, h  qui  les  lois  de  Manou  avaient  tracé  les  règles 
de  sa  profession;  9^  le  barbier;  10''  le  marchand  de  parure 
(l'argentier)  ;  li**  le  poète  ou  rapsode  ;  i2^  le  maître 
d'école.  —  Ces  douze  ordres,  placés  en  dehors  des  agri- 
culteurs, sont  devenus,  par  quelques-uns  d'entr'eux ,  la 
source  des  corporations  de  l'antiquité  et  du  Moyen-Age. 
Toutefois  il  convient  de  remarquer  que  les  architectes  et 
constructeurs  de  toute  nature  formaient ,  en  dehors  des 
communes,  une  très-grande  corporation  spéciale. 

Chaque  état  ou  nation  indoue,  chaque  grande  commune 
soumise  à  la  règle  religieuse  qui  embrassait  et  dominai 
la  règle  civile,  pouvait  être  représentée  par  la  série  de 
rouages  suivants  : 

Un  roi ,  ou  pivot  d'une  roue  centrale  représentant  son 
ministère. 

Ce  rouage  central  engrenait  avec  une  série  de  rouages 
de  second  ordre  ou  intendants  chargés  du  gouvernement 
des  villes  importantes. 

Ceux-ci  avec  les  chefs  de  mille  villages  ; 

Les  chefs  de  mille  villages  avec  les  chefs  de  cent  ; 

Les  chefs  de  cent  avec  les  chefs  de  vingt  ; 

Les  chefs  de  vingt  avec  les  chefs  de  dix  ; 

Les  chefs  de  dix  avec  les  chefs  de  village  ; 

Les  chefs  de  village  avec  chaque  habitant. 

Manou  voulait  que  les  familles  vécussent  juxta-posées  , 
mais  isolées;  que  les  petites  et  grandes  communes  nç 
fussent  que  des  juxta-positions,  nullement  des  associations 
ou  combinaisons  résultant  des  liens  de  parenté  et  des 
rapports  d'intérêts.  Son  système  religieux  et  politique 
pourrait  être  intitulé  :  Traité  de  V exploitation  humaine  par 
Pindividualisme  tnasculin.  La  femme  ne  faisait  que  très- 
accessoirement  partie  de  sa  société  politique  et  religieuse  : 


DU   SIËGIE.  587 

aussi  le  mari  sans  fils  pouvait-il  invoquer  le  secours  d'un 
proche  parent  qu'il  conduisait  à  son  épouse.  —  Le  père 
pouvait  faire  à  sa  fille  une  position  spéciale  pour  qu'un 
petit-fils  vint  reproduire  son  grand-père.  —  La  primogé- 
oiture  et  l'inégalité  des  partages  étaient  la  conséquence  de 
ee  système. 

En  s(Mnme ,  l'Inde  des  Brahmanes  avait  un  moyeu 
spécial  pour  combattre  chacune  des  tendances  progressives 
de  la  nature  humaine. 

Elle  s'opposait  à  la  liberté  individuelle  par  un  sys- 
tème d'espions,  par  ime  autorité  qui  n'accordait  aucune 
influence  dans  ses  conseils  aux  simples  citoyens,  par  dos 
tarifs  royaux  pour  la  vente  de  toutes  les  denrées ,  par  la 
série  des  obligations  civiles  et  religieuses  qui  emprisonnaient 
chaque  être. 

Le  cérémonial  le  plus  despotique  en  ses  minutieux  dé- 
tails enveloppait  de  ses  rites  la  spontanéité  :  c'était  une 
continuelle  entrave. 

Les  tendances  à  l'égalité  étaient  réprimées  par  le  régime 
des  castes ,  par  les  mœurs ,  par  la  position  des  femmes  et 
l'omnipotence  des  fils  aines. 

L'amour  moral  et  le  vrai  mariage  trouvaient  des  obstacles 
dans  le  mariage  trop  précoce  des  filles,  et  une  certaine  tolé- 
rance pour  la  polygamie  dans  l'asservissement  des  épouses 
et  des  veuves. 

L'absence  de  toute  consulte ,  de  tout  moyen  de  protes- 
tation de  la  part  des  opprimés ,  et  Tisolement  des  familles 
devaient  retarder  l'évolution  de  la  commune  civile. 

On  trouvait  en  ce  pays  le  toit  marital ,  rarement  le  toit 
conjugal.  Une  même  perception  de  l'impôt,  une  même 
menace  des  châtiments  royaux,  un  même  filet  de  pra- 
tiques absorbantes  et  superstitieuses  étaient  le  seul  lien  des 
peuples. 

CIVILISATION  DE  l'àRIE. 


Après  avoir  fait  comprendre  l'Inde  des  Brahmanes  par 
mille  développements  que  nous  ne  pouvons  domier  ici,  par 


588  PHILOSOPHIE 

de  nombreux  détails  appropriés  aux  différents  âges ,  l'édu- 
cation dé  Tavenir  mettra  en  parallèle  Tlnde  et  TArianue. 
Tout  d'abord  elle  fera  ressortir  la  différence  géographtqne 
de  ces  deux  contrées ,  sous  le  rapport  du  climat,  des  pro- 
ductions et  des  besoins  qu'elles  ciéent  à  leurs  habitants, 
sans  oublier  les  influences  que  leur  action  longtemps 
prolongée  pouvait  et  devait  produire  sur  les  constitutions 
physiques  et  cérébrales  des  peuples.  Ici,  dans  l'Arie,  une 
seule  et  même  racé  ;  là,  dans  Tlnde,  les  blancs- des  mon- 
tagnes, les  fils  de  Schir,  puis  des  jaunes,  des» noirs  et  de 
nombreux  métis  à  des  degrés  divers  de  mélange  pour  le 
sang  et  les  transmissions  héréditaires.  Les  fils  de  Dieu,  les 
initiés ,  les  premiers  civilisés ,  trouvent  que  les  femmes 
des  jaunes  sont  belles  et  les  épousent.  Vainqueurs  par  la 
raison,  peut-être  par  les  armes,  ils  sont  vaincus  à  leur 
tour  par  le  sensualisme  du  cUmat  et  de  la  population. 

Ici ,  le  travail  est  obligatoire  ;  les  étés  sont  brûlants,  mais 
les  hivers  sont  affreux,  surtout  aux  environs  de3  mers 
Caspienne  et  d'Aral,  au  pied  des  montagnes  et  sur  la 
lisière  des  steppes.  —  Là  au  contraire,  Thomme  est  en 
quelque  sorte  logé,  nourri,  vêtu  par  le  climat. 

Ici ,  dans  TArie ,  la  femme  n'est  plus  une  servante ,  mais 
la  directrice  du  ménage  ;  égale  de  l'horamô ,  elle  peut 
aspirer  au  sacerdoce.  Plus  de  castes  privilégiées ,  plus  de 
soudras  ou  esclaves  :  le  travail  est  considéré  comme  une 
prière ,  et  le  travail  agricole  comme  la  plus  agréable  à  Dieu 
de  toutes  les  prières. 

Unis  aux  saints,  aux  anges  et  à  Dieu,  les  hommes  sont 
appelés  à  chasser  le  mal  de  la  surface  de  la  terre  et  à  la 
transformer  en  un  paradis  véritable,  c'est-à-dire,  selon  la 
langue  du  pays ,  en  un  parc  magnifique.  —  On  peut  re- 
trouver, dans  tel  passage  des  livres  canoniques  de  Tlnde , 
un  enfer  pareil  à  celui  de  notre  Moyen- Age  ;  mais  l'Arie 
croyait  seulement  à  un  purgatoire.  Le  Dieu  des  Mages  était 
infiniment  miséricordieux  :  les  démons  eux-mêmes  de- 
vaient se  repentir  et  obtenir  leur  pardon. 

L'Inde,  par  ses  inspirés,  ses  richis,  ses  saniosîs,  vrais 
pores  du  désert ,  aspirait  à  l'union  en  Dieu.  L'Arie  fit  plus 
et  mieux  :  elle  enseigna  que,  consacré  au  nom  de  Dieu 


DU  SIÈGLB.  689 

par  le  prêtre ,  le  jus  de  Hom  devenait  Dieu  lui-même,  se 
donnant  à  nous  en  une  sublime  incarnation.  Les  autres 
sacrements  de  TArie  procuraient  la  grâce ,  mais  celui-ci 
donnait  la  vie.  —  L'éducation  de  l'avenir  ne  saurait  oublier 
le  culte  religieux  des  Mages  ou  prêtres  de  Zoroastre  pour 
les  trépassés,  ni  leur  croyance  aux  anges  gardiens.  — 
L'Inde  et  l'Egypte  ont  fait  couler  les  sueurs  et  les  larmes 
des  peuples  pour  faire  de  l'art  politique  et  religieux.  Les 
Mages  croyaient  surtout  à  l'art  agricole  et  au  bonheur  des 
travailleurs. 

En  résumé,  l'Inde  brahmanique  et  l'Arie  nous  appa- 
raissent y  au  début  des  civilisations ,  comme  les  deux  anges 
gardiens  de  l'humanité  :  le  premier  lui  enseigne  l'égoïsme 
sous  toutes  ses  formes  d'orgueil,  d'individualisme,  de 
mépris  du  travail  et  de  la  femme,  de  haine  de  l'associa- 
tion ;  le  second,  l'Arie,  est  le  bon  ange  :  elle  crée  le  toit 
conjugal ,  encourage  la  moralité ,  développe  les  industries 
agricoles ,  propage  la  culture  du  froment ,  recommande  les 
rapports  bienveillants  même  avec  les  animaux.  Elle  veut 
le  bonheur  des  peuples  :  aussi  a-t-elle  dans  la  bouche  cette 
grande  parole  du  Christ ,  qu'elle  répète  en  cent  manières  : 
a  Tu  aimeras  ton  prochain  comme  toi-même.  »  Plus  tard, 
ses  enseignements  fusionneront  avec  ceux  des  bouddhistes 
et  des  philosophes  de  l'Inde.  —  Travailleurs  indépendants, 
libres  penseurs,  hommes  éclairés  de  tous  les  pays,  Zo- 
roastre, Bouddha  et  les  philosophes  de  l'Inde,  voilà  vos 
premiers  parents. 


EGYPTE. 


Nous  voici  à  I'Eoypte  ,  cette  troisième  manifestation  de 
l'humanité  en  voie  de  civilisation.  —  L'Egypte  est  le  seul 
pays  d'Occident  qui  nous  offre ,  dans  la  chronologie  de  son 
prêtre  Manéthon ,  une  échelle  positive  des  temps  qui  nous 
puisse  guider  dans  le  dédale  du  passé.  Les  Papyrus  lus  par 
Champollion  et  l'Allemagne  savante ,  la  table  de  Kamac , 

25* 


590  PHILOSOPHIE 

(le  nombreux  monuments,  les  témoignages  de  Platon  et 
d'Hérodote,  tout  concourt  à  démontrer  son  exactitude. 
Elle  est  absolue  pour  les  deux  mille  ans  qui  ont  précédé 
notre  ère  et  ne  laisse  guère  de  doute  dans  Tesprit  pour  les 
5,1B67  années  antérieures  à  ces  deux  mille. 

De  Menés  ou  Menai,  qui  enleva  aux  prêtres  le  gou- 
vernement, en  5,867,  Jusqu'à  notre  ère,  qui  pourrait 
affirmer  les  formes  sociales  de  cette  contrée  ?  L  Egj^pte 
était  la  fille  de  l'Inde.  Ses  chefs  étaient  loin  d'appartenir, 
pour  la  race,  aux  castes  inférieures.  Transplantée  de  l'Inde 
en  Abyssinie ,  sa  civilisation  descendit  le  Nil ,  comme  celle 
de  l'IiKle  avait  descendu  le  long  de  l'Indus  et  du  Gange. 

Que  de  choses  à  dire  sur  ce  lieu  géographique  ! 

Le  second  roi  de  la  seconde  dynastie  régla  le  culte  des 
animaux  et  matérialisa ,  pour  le  peuple  ,  le  panthéisme 
indien  qui  resta  pur  dans  les  sanctuaires.  De  là  deux  reli- 
gions :  l'une  scientifique ,  pour  les  prêtres  ;  l'autre  très- 
brutale  en  son  genre ,  destinée  au  vulgaire. 

Environ  5,121  ans  avant  notre  ère,  l'Egypte  achevait 
ses  premières  pyramides  de  Sackarah  et  de  Dashchour  :  elle 
en  était  alors  à  sa  troisième  dynastie. 

Elle  éleva  les  pyramides  de  Ghyzé,  sous  sa  quatrième 
dynastie. 

Que  ces  deux  faits  sont  gros  de  réflexions,  surtout  quand 
on  songe  que  la  grande  pyramide  résumait  la  géométrie 
et  les  sciences  positives  du  temps  par  la  grandeur  relative 
et  la  disposition  de  ses  lignes  et  par  sa  direction  dans 
l'axe  du  globe  ! 

La  sixième  dynastie  monta  sur  le  trône  4,425  ans  avant 
notre  ère.  La  reine  Nytocris  la  termina  ;  les  roses  de  son 
teint ,  conservées  en  souvenir  par  l'histoire  ,  témoignent  de 
sa  race  :  ce  n'était  pas  une  fille  d' Abyssinie. 

Les  recherches  de  nos  savants  modernes  font  remonter 
le  calendrier  officiel  des  Egyptiens  à  5,500  ans  avant  le 
Christ. 

Les  septième,  huitième,  neuvième,  <fixième  et  onzième 
dynasties  font  supposer  de  fréquentes  ré tdhitia!»  par  la 
courte  durée  de  leurs  règnes. 

Osymandias,  ce  roi  savant  et  guerrier  qui  porta  ses 


BU  SIÈCLB  591 

armes  en  Bactrianne  et  fit  communier  TEgypte  et  l'Ârie , 
appartenait  à  la  quinzième  dynastie. 

La  seizième  monta  sur  le  trône  2,520  ans  avant  notre 
ère.  Sous  son  règne ,  Abraham  vint  sur  les  bords  du  Nil. 

En  3,083,  un  peuple  pasteur  (les  Hycsos)  aux  cheveux 
blonds  et  rouges,  aux  yeux  bleus,  adorateur  du  Dieu  un^ 
entra  en  Egypte  par  Tisthme  de  Suez  et  s'appliqua  avec  une 
incroyable  ardeur  à  détruire  l'idolâtrie.  Il  quitta  la  vallée 
du  Kil,  en  1833,  par  suite  d'un  traité. 

l.a  colonie  d'Ynachus,  qui  d'Egypte  fit  voile  vers  la 
Grèce,  est  de  1906.  Cette  date  est  peu  certaine  :  quelques 
savants  archéologues  là  font  de  deux  ans  postérieure  à  la 
sortie  des  Juifs. 

La  table  de  Kamac,  sur  laquelle  sont  inscrits  les  noms 
des  rois  d'Egypte  et  qui  existe  encore ,  est  de  1723. 

Le  règne  de  Sésostris ,  qui  conduisit  ses  armées  sur  les 
bcmls  de  l'Indus ,  dans  la  Bactrianne ,  et  sur  la  rive  Nord 
de  la  mer  Noire,  commença  en  1571.  —  Evidemment 
avant  ce  prince  l'idée  d'un  empire  universel  avait  déjà 
troublé  plus  d'un  cerveau  royal.  De  lui  date  cotte  longue 
lutte  de  la  vallée  du  Nil  et  des  vallées  du  Tigre  et  de  TEu- 
phrate,  que  l'Assyrie  a  continuée  sous  des  races  diffé- 
rentes. 

Jérusalem ,  dans  ces  guerres ,  a  été  le  poste  avancé  de 
l'Egypte. 

Eo  533,  sous  la  conduite  d'Alexandre,  la  Grèce  repre- 
nait, pour  son  compte,  cette  idée  d'un  immense  empire  ; 
elle  s'emparait  de  l'Egypte,  de  la  Perse,  de  la  haute 
Asie  et  pénétrait  dans  Tlnde.  Elle  mariait  les  sciences 
de  ces  diverses  contrées,  éclairait  leurs  philosophies  les 
unes  par  les  autres,  et  créait  de  grandes  eommanications 
commerciales  entre  l'Inde  et  l'Europe.  Alexandrie  devint 
alors  relativement  plus  et  mieux  que  n'ont  été  Athènes  et 
Rome, 

Tyr  et  Sidon  étaient ,  avant  la  fondation  d'Alexandrie , 
reQtrep6t  des  échanges  de  l'Orient  et  de  l'OcciJent.  Peu- 
plées de  Sémitiques,  ces  villes  très-commerçantes  ont  eu 
des  relations  suivies  avec  la  côte  orientale  d'Afrique,  l'Inde 
et  peut-être  la  Chine  elle-même.  Partie  de  la  mer  Rouge , 


592  HILOSOPHIE 

une  flotte  égypto-phénicienne  avait  doublé  le  Cap  de 
Bonne-Espérance  :  son  voyage  de  circum-navigation  afri- 
caine avait  duré  trois  ans.  Au  premier  siècle  avant  notre 
ère,  le  territoire  de  ces  villes  possédait  plusieurs  écoles  de 
philosophie  qui  établissaient  des  rapports  entre  la  Grèce  et 
la  Judée,  préparant  ainsi  cette  grande  communion  des  doc- 
trines qui  devait  avoir  lieu  au  premier  siècle  chrétien. 

Douze  ans  avant  notre  ère ,  TEgypte ,  alors  foyer  du 
savoir  et  entrepôt  commercial  du  monde  civilisé,  subissait 
la  puissance  romaine.  Le  bouddhisme,  Tessénianisme ,  le 
mazdéisme  ou  doctrine  des  Mages ,  la  Judée ,  la  Grèce  y 
fusionnèrent  leurs  philosophies. 

On  pense  assez  généralement  que  TEgypte  avait  un  sys- 
tème des  castes  parallèle  à  celui  de  llnde,  mais  beaucoup 
moins  dur  en  ses  prescriptions  religieuses  et  politiques.  Ses 
rappotts  maritimes  avec  Tlnde;  les  rapports  de  TArabie, 
sa  sœur,  par  caravanes ,  avec  la  haute  Asie  et  les  contrées 
situées  au  pied  de  THymalaya  ;  les  guerres  d'Osimandias  et 
de  Sésostris,  nous  expliquent  comment  la  reUgion  des  initiés 
des  sanctuaires  était  à  peu  près  la  même,  pour  le  fond, 
dans  tout  Tancien  monde. 

L'Egypte  croyait  à  un  Dieuu»,  mystère  impénétrable, 
et  à  des  esprits  intermédiaires  ou  divinités  de  second 
ordre.  Elle  avait,  comme  TArie,  son  jugement  des  morts 
et  sa  pesée  des  âmes  ;  comme  llnde ,  elle  croyait  à  des 
vies  successives  et  des  transformations.  Au  temple  de 
Médinet-Abou ,  à  Thèbes ,  on  voyait  Eve  offrant  la  pomme 
à  Adam.  Ce  mythe  commun,  en  Orient,  à  tous  les  sanc- 
tuaires de  l'antiquité,  d'où  venait -il  ?  Que  de  choses  encore 
mystérieuses  dont  une  recherche  habile  en  sa  critique  peut 
sonder  les  profondes  obscurités  f 

Convaincue  de  l'universalité  de  la  vie,  elle  avait  voulu 
transporter  ses  études  scientifiques  sur  le  ciel  dans  le  do- 
maine moral  et  intellectuel  des  existences  humaines ,  ôpF' 
lant  la  géométrie  et  les  sciences  à  régulariser  tous  les 
rapports  sociaux.  Loin  de  fermer  ses  sanctuaires  aux 
hommes  d'étude,  elle  les  leur  ouvrait  ;  mais  elle  avait  cette 
croyance,  qu'il  faut,  pour  recevoir  la  science,  une  aptitude 
et  une  préparation  préalable.  De  là  ses  initiations,  —  ^^ 


DU   SIÈCLE.  595 

relativement  il  n'y  avait  pas  plus  de  différence  entre  les 
philosophies  des  prêtres  les  plus  éminents  de  l'antiquité  « 
mille  à  douze  cents  ans,  par  eiemple,  avant  notre  ère,  qu'il 
n'en  existe  aujourd'hui  entre  les  croyances  diverses  des 
chréti^is  les  plus  éclairés  des  diverses  communions.  Ce 
qui  caractérise  des  temps  que  séparent  trente  siècles, 
c'est  qu'autrefois  la  masse  des  réprouvés  était  immense; 
qu'il  n'existait  dans  le  monde  que  quelques  lumières  réser- 
vées aux  initiés  ;  tandis  qu'aujourd'hui  le  vrai  savoir  tend 
chaque  jour  davantage  à  conquérir  le  monde  en  s'asseyant 
au  foyer  domestique  ,  soUs  la  forme  de  la  mère  de  famille 
devenue  capable,  par  suite  d'un  peu  plus  de  loisir  dans 
les  classes  laborieuses  et  d'une  éducation  plus  scientifique 
dans  toutes,  d'être  désormais  la  première  institutrice  de  ses 
enfauts. 


BÀBVLOIHE. 


Bàbtlokb  dut  sa  première  éducation  à  des  hommes  ve- 
nus par  mer.  1800  ans  avant  Alexandre ,  plus  de  2,000 
ans  avant  notre  ère ,  cette  ville  s'occupait  déjà  de  l'étude 
des  sciences  et  de  Tastronomie.  Ses  plus  anciennes  tradi- 
tions annoncent  un  enseignement  indou-égyptien  que 
Diodore  affirme.  —  Sa  cosmogonie  vient  h  l'appui  de  cette 
appréciation;  elle  nous  rappelle  un  œuf  du  monde,  un 
déluge,  une  grande  arche  qui  s'arrêta  sur  les  montagnes 
d'Arménie,  et  d'autres  faits  qui  appartiennent,  avec  des 
variantes ,  aux  cosmogonies  de  l'Inde ,  de  l'Egypte  et  de 
l'Arie. 

EBe  eut  d'abord,  nous  disent  des  chroniques  incom- 
plètes, sept  rois  chaldéens  auxquels  succédèrent  six  rois 
arabes.  Le  dernier,  Nabonnabos ,  fut  vaincu  par  les  tzars 
d'Assyrie  qui  régnèrent  à  Babylone  au  nombre  de  quarante- 
cinq.  Les  trois  premiers  furent  :  Bélos,  Ninus  et  la  fameuse 
Sémiramis;  le  dernier,  Sardanapale.  Sous  ces  princes, 
Babylone  fut  célèbre  par  une  tour  extrêmement  élevée,  par 


594  PHILOSOPHIE 

des  jardins  féeriques  et ,  ce  qui  valait  mieux  pour  les 
peuples ,  par  des  travaux  agricoles  et  d'importantes  rela- 
tions commerciales.  —  Leurs  règnes  nous  conduisent  à 
Tan  719  avant  notre  ère.  —  A  Tempire  assyrien  succède 
Tempire  des  Mèdes,  qui  font  une  satrapie  des  pays  Chal- 
déens.  —  Les  Scythes  apparaissent ,  et  les  Babyloniens 
profitent  de  leur  lutte  avec  les  Mèdes  pour  s'atïranchir; 
mais  leurs  nouveaux  rois ,  après  quelques  règnes  glorieux , 
furent  vaincus  par  Cyrus,  en  538.  Ce  prince,  déjà  maître 
de  la  Médie  et  de  la  Lydie,  fonda  Tempire  persan  qui 
soumit  les  Sémitiques  au  gouvernement  de  guerriers  et 
de  prêtres  issus  de  î'Arie  et  parlant  le  zend. 

Les  Grecs  vinrent  ensuite ,  sous  la  conduite  d'Alexandre, 
et  firent  succéder  leur  influence  à  celle  des  Persans. 

Outre  les  grands  événements  qui  se  rattachent  aux 
luttes  politiques  des  Chaldéens  et  de  leurs  chefs ,  Babylone 
nous  rappelle  encore  le  culte  du  dieu  Bel  ou  Belus,  traus^ 
porté  avec  ses  sacrifices  humains  jusques  dans  TOuest  de 
l'Europe.  Il  n'est  ni  impossible ,  ni  improbable  que  ses 
prêtres  se  soient  quelquefois  régalés  d'enfants  grillés  sur 
les  autels.  Ce  culte  fut  généralement  remplacé  par  celui 
d'iou,  le  père  des  dieux,  le  Joupiter  des  Latins  et  des 
Grecs,  la  puiss^ince  infinie  de  la  trinité  du  polythéisme 
occidental.  —  Babylone  eut  aussi,  dès  Sémiramis,  le  culte 
du  Saint-Esprit  qu'elle  adorait  sous  la  figure  d'une  colombe. 
Les  Samaritains,  qui  ont  remplacé  les  dix  tribus  d'Israël, 
le  transplanteront  en  Judée. 

L'histoire  biblique  de  la  diffusion  des  langues  lors  de 
la  construction  de  la  tour  de  Babel,  a  longtemps  occupé 
les  savants  et  les  linguistes.  Un  habile  hébraïsan ,  M.  La- 
cour,  de  Bordeaux,  a  supprimé  cette  difficulté  par  une 
explication  nouvelle  :  il  en  résulte  que  les  Chaldéens  en 
étaient  encore  à  la  monosyllabie  lorsque  leurs  civilisateurs 
introduisire4it  parmi  eux  l'usage  des  mots  polysillabiques. 

Voici  comment  on  peut  rétabhr  la  traduction  de  la 
Bible ,  en  s'aidant  de  ses  études  : 

11  n'y  avait  dans  ce  pays  (la  Chaldée)  qu'une  langue  de 
mots  monosyllabiques. 

Lorsque  des  émigrants  y  vinrent ,  en  des  temps  très- 


DU  SIÈCLE.  595 

reculés,  ils  trouvèreflt  une  place  libre  et  se  fixèrent  sur 
remplacement  de  Shinor  (la  ville  double  ou  autrement 
Babylone). 

Les  hommes  de  la  caste  supérieure  dirent  alors  à  leurs 
compagnons  :  (c  Faisons  cuire  des  briques.  »  Et  ils  eurent 
pour  leurs  constructions  ces  briques  au  lieu  de  pierres ,  et 
du  bitume  limoneux  pour  mortier. 

Us  construisirent  une  enceinte  et  une  tour  astronomique 
destinée  aussi  à  servir  de  signal  pour  les  émigrants  dispersés 
sur  le  territoire  babylonien. 

Le  chef  suprême  vint  et  inspecta  lesjravaux  que  les 
hommes  de  la  caste  inférieure  avaient  construits. 

«  Voici ,  dit-il ,  un  peuple  dont  la  langue  est  pauvre  et 
inférieure  :  il  ne  leur  faut  point  cacher  ce  qui  est  utile  pour 
exécuter  leurs  pensées. 

»  Agissons,  et  que  selon  ma  volonté  le  langage  assyrien 
soit  développé  ;  que  les  hommes  de  la  caste  supérieure  ne 
parlent  point  le  langage  monosyllabique  de  leurs  inférieurs.  » 

Le  chef  suprême  les  dispersa  ensuite  sur  la  surface  de 
la  Babylonie,  parce  qu'ils  avaient  achevé  la  construction 
de  l'enceinte  murée. 

De  là  est  venu  à  cette  construction ,  le  nom  de  Babel 
(œil  de  Bel ,  de  celui  qui  étend ,  qui  marie ,  qui  mélange) , 
parce  que  c'est  en  ce  heu  que  le  chef  avait  étendu  le 
langage  avant  de  disperser  son  monde  sur  la  surface  du 
pays,  à  partir  de  Shhior. 

Que  ce  récit  soit  de  Moïse  ou  qu'il  ait  été  interpelé  par 
Esdras ,  comme  le  suppose  M.  Lacour,  il  n'en  jette  pas 
moins  une  vive  lumière  sur  les  premier^  joius  de  la  civili- 
sation d'Assyrie  ;  il  nous  apprend  que  là  aussi  on  appelait 
fils  des  hommes  le  menu  peuple ,  les  gens  de  la  caste 
inférieure ,  par  opposition  aux  autres.  —  Le  texte  hébreu 
distingue  remarquablement  entre  la  parole  et  la  syllabe, 
La  traduction  latine  a  conservé  cette  distinction  dans  les 
Jûots  labium  et  verbum. 

Babylone  ne  sut  point  respecter  les  femmes.  Elle  viola  les 
règles  de  la  pudeur  en  offrant  aux  étrangers  la  virginité  de 
ses  filles,  et  en  créant,  à  l'imitation  de  l'Inde,  un  corps 
de  courtisanes  :  déplorable  institution  que  Solon,  plus  tard, 


596  PHILOSOPHIE 

transporta  dans  la  Grèce ,  et  que  les  Européens  ont  imitée 
en  régularisant  la  prostitution.  —  Les  peuples  qui  ont  su 
consacrer  les  bonnes  mœurs ,  en  étant  justes  dans  leurs 
institutions  vis-à-vis  de  Tépouse  et  de  la  mère  de  famille , 
n'ont  pas  eu  besoin  de  recourir,  sous  ce  rapport ,  à  des 
exutoires  de  cette  nature ,  qui  témoignent  d  une  infériorité 
civile  et  religieuse  entre  les  deux  sexes.  La  morale  scienti- 
fique en  veut  la  suppression  progressive,  mais  complète; 
et  nous  croyons  savoir  que  le  gouvernement  fraBçais  y 
songe  sérieusement. 


PHILOSOPHIE   DE   L  II^DE  ET  BOUBBHISBIB. 


^  Les  lois  de  Manou  témoignent  de  Ce  fait ,  qu'à  l'époque 
à  laquelle  elles  ont  été  recueillies  le  philosophisme  avait 
ses  Uvres  et  ses  prédications.  Orthodoxes  et  philosophes 
étaient  assez  d'accord  à  admettre  que  les  âmes  des  hommes 
sont  de  seconde  classe ,  libres  de  leur  nature ,  susceptibles 
de  mérites  et  de  démérites.  Elles  sont  envoyées  dans  les 
corps ,  disaient-ils ,  pour  subir  une  épreuve  ou  s'y  purifier 
de  souillures  antérieures.  Cette  seconde  position  constituait 
un  état  originel  de  péché,  mais  très-différent  de  celui 
du  catholicisme.  L'âme  humaine  est  une  émanation  ( 
cette  émanation  étant  l'effet  d'une  cause  éternelle,  est 
nécessairement  antérieure  aux  temps.  Il  n'y  a  pas,  ajou- 
taient les  mêmes  philosophes,  de  différence  entre  les  Ames  : 
ce  qui  les  distingue ,  ce  sont  les  corps  ou  instruments  de 
leurs  manifestations. 

Les  enfants  ont  une  âme  comme  les  adultes ,  et  cepen- 
dant la  faiblesse  et  l'imperfection  de  leurs  organes  tes 
empêchent  de  manifester  les  qualités  qui  en  sont  les 
attributs  ;  car  il  fen  est  des  intelligences  et  des  organes  qui 
les  servent ,  disaient-ils  eniore ,  comme  de  corps  identiques 
réfléchis  dans  des  miroirs  différents  ;  comme  de  la  lumière, 
ajoutaient-ils,    qui  est  la  même  dans  tout  l'univers  et 

qui  ne  laisse  point  de  paraître  de  cent  façons ,  selon  la 


BU  SIÈCLE.  S97 

diversité  des  objets  qui  la  réfléchissent,  ou  selon  les  diverses 
figures  et  les  couleurs  des  verres  quelle  traverse  {sic),  —  Il 
T  a  même  eu  des  philosophes  indiens  qui  ont  pensé  que 
certaines  brutes  ont  une  religion  inférieure  el  qu'elles 
peuvent  parvenir,  par  leurs  œuvres,  à  la  félicité. 

Beaucoup  d'anciens  d'Occident,  et  c'était  la  croyance 
des  contemplatifs  de  l'Inde ,  admettaient ,  comme  Macrobe 
nous  renseigne,  que  l'âme,  avant  de  descendre  dans 
les  corps,  parcourait  les  sept  planètes  et  s'infusait  dans 
chacune  des  qualités  qu'elle  devait  ultérieurement  mani- 
fester. 

Ils  reconnaissaient  aussi  à  l'âme  trois  manières  d'être 
caractérisées  par  la  sensation,  le  sentiment  vague  et  la 
connaissance  ;  ce  que  les  Grecs  ont  traduit  par  cette  trinilé  : 
eidolon,  image  ou  physis,  nature;  thumos,  âme,  sensi- 
tive  ;  phren ,  esprit. 

Orthodoxes  et  philosophes  s'accordaient ,  dans  l'Inde ,  à 
considérer  les  astres  comme  des  êtres  animés.  Cette 
croyance ,  ils  l'ont  transmise  aux  Chaldéens,  aux  Mazdéens 
ou  disciples  de  Zoroastre,  à  la  Grèce,  à  l'Egypte.  —  Cette 
opinion  a  été  celle  des  juifs  les  plus  éclaires,  de  Platon  et 
d'un  grand  nombre  de  chrétiens.  Mais  il  était  d'autres 
sujets  bien  plus  graves  aux  yeux  du  clergé  indou,  sur  les- 
quels les  philosophes  et  les  croyants  ne  s'accordaient  pas  : 
c'étaient  surtout  les  faits  de  la  vie  usuelle.  Loin  d'accepter 
les  lois  de  Manou,  les  philosophes  qui  la  plupart  habi- 
taient vers  les  montagnes  et  que  le  sensualisme  n'avait 
pas  démoralisés ,  supprimaient  une  partie  du  cérémonial , 
relevaient  la  femme  de  son  indignité,  adoucissaient  les 
transitions  entre  les  castes,  supprimaient  le  prêt  à  intérêt 
et  modifiaient  les  idées  reçues  sur  la  propriété  ;  car  c'est 
un  fait  digne  de  remarque  que  près  de  1400  ans  avant 
notre  ère,  les  questions  agitées  par  le  socialisme  européen 
depuis  trente  ans,  étaient  déjà  vieilles  dans  l'Inde  qui  les 
discutait  depuis  un  temps  immémorial. 

Sept  fois  déjà  la  seconde  personne  de  la  trinité  indouc 
était  venue  sur  la  terre  pour  améliorer  les  cœurs  endurcis 
par  des  enseignements  directs  ;  elle  reparut  une  huitième , 
sous  le  nom  et  la  forme  de  Christua  ou  Christnen.  — 


598  PHILOSOPHIE 

Christna  naquit  pendant  la  nuit,  dans  une  grotte  où  se 
trouvait  une  ânesse.  Sa  mère  était  une  vierge,  et  aussitôt 
sa  naissance  il  fut  adoré  par  des  esprits  célestes  et  par  les 
bergers  du  voisinage.  Le  roi  du  pays  qui  voulait  le  faire 
mourir,  le  chercha  de  tous  côtés  ;  mais  le  père  et  la  mère 
de  Christna  surent  le  dérober  à  ses  violences  en  prenant 
la  fuite.  Les  Indous  actuels  célèbrent  encore  sa  fête  avec 
un  grand  soin ,  et  la  font  précéder  d'un  jeûne.  —  QueUes 
furent  lies  doctrines  de  Christna  ?  Nous  l'ignorons  ;  mais  il 
nous  est  connu  que  la  philosophie  continua  ses  progrès 
tantôt  sous  une  forme  d'enseignements  directs,  tantôt  en 
faisant  donner  aux  hommes  des  leçons  de  sagesse  par  les 
animaux  qu'elle  faisait  parler  dans  ses  fables.  —  S'unifier 
à  l'Etre  suprême,  telle  était  l'incessante  pensée  de  cette 
philosophie  si  décriée  aui  lois  de  Manou. 

On  s  unifiait  à  lui  par  l'esprit  et  par  les  œuvres  :  par 
l'esprit ,  en  arrivant  à  l'intelligence  de  l'univers  ;  par  les 
œuvres,  en  pratiquant  sa  volonté.  Ecoutez  plutôt  le  lan- 
gage même  des  docteurs  de  ce  protestantisme  oriental. 

Il  y  a  huit  devoirs,  nous  disent-ils;  heureux  ceux  qui 
les  pratiquent  : 

En  étudiant  la  loi  religieuse  ; 

En  étant  charitables  ; 

En  mortifiant  leur  corps  ; 

En  comprenant  les  sacrifices  ; 

En  faisant  preuve  de  fermeté  ; 

En  pardonnant  les  injures  ; 

En  ayant  le  cœur  droit  ; 

En  étant  humbles  ; 

Car  ils  sont  dans  la  véritable  voie  du  salut. 

Ne  croyez  pas  que  les  sages  de  l'Inde  acceptassent  la  loi 
du  talion  ni  les  autres  duretés  des  lois  de  Manou,  des  Juife, 
des  Grecs  et  des  Romams.  Ils  enseignaient  déjà,  comme 
plus  tard  le  fera  Jésus  dans  ses  paraboles ,  la  charité  la 
plus  dévouée  et  la  fraternité  de  tous  les  hommes. 

«  Sois  hospitaUer  pour  ton  ennemi ,  s'il  vient  chez  toi, 
»  nous  disent-ils.  Les  arbres  ne  refusent  leur  ombre  à 
»  personne ,  pas  même  à  l'impitoyable  bûcheron. 

»  Les  bons  étendent  leur  pitié  jusque  sur  les  animaux 


DU  SIÈCLE.  599 

»  les  plus  méprisables.  La  lune  ne  retire  pas  sa  lumière  à 
»  là  cabane  d'un  chandala. 

»  Un  homme  sage  abandonnera,  pour  son  prochain,  ses 
»  richesses  et  sa  vie  ;  tout  doit  être  sacrifié  pour  arracher 
»  un  juste  au  danger. 

j»  Celui-ci  est-il  un  de  nous  ou  est-il  étranger?  ainsi 
»  demandent  les  égoïstes  ;  mais  pour  l'homme  généreux  le 
»  monde  entier  n'est  qu'une  famille.  » 

Les  sages  de  l'Inde  parlent  des  richesses  et  des  voluptés 
avec  le  même  dédain  qu'en  parleront  plus  tard  tous  les 
sages  de  l'Occident. 

«  Sans  posséder  une  mine  d'or,  on  peut  trouver  en  soi- 
»  même  cette  noble  ardeur  qui  a  pour  objet  l'accomplisse- 
»  ment  de  toutes  les  vertus.  On  peut  être  ainsi  le  fils 
»  glorieux  de  ses  propres  œuvres. 

1»  L'ombre  d'un  nuage  d'été  et  la  faveur  du  vulgaire 
»  sont  de  même  durée.  La  jeunesse,  le  sourire  des  femmes, 
»  la  foUe  ivresse  des  sens  et  la  fleur  du  blé  n'ont  qu'un 
»  jour.  » 
Ils  appdlent  richesse  : 

«  Ce  qui  est  donné  à  celui  qui  le  mérite ,  et  jour  par 
»  Jour  ecûployé.  Le  surplus  est  une  réserve  pour  on  ne  sait 
»  qui. 

»  Ce  sujet,  ajoutent-ils,  est  vieux  et  usd:  on  le  re- 
»  connaît  du  reste  à  cette  observation  d'un  sens  profond 
»  et  prophétique. 

»  Là  où  la  convoitise  du  gain  aurait  entièrement  cessé , 

»  qui  serait  pauvre,  qui  serait  riche  ? 

»  Si  cela  avait  lieu  ,  l'esclavage  serait  détruit.  » 

Voici  encore  quelques  autres  maximes  sur  les  richesses 

et  le  souci  du  lendemain  qui  rappellent ,  les  unes  la  Grèce, 

les  autres  les  enseignements  évangéliques  : 

«  L'homme  ne  devrait  jamais  être  inquiet  sur  sa  sub- 
»  sistance  :  le  Créateur  y  a  pourvu.  A  peine  une  femme 
»  a-t-elle  donné  le  jour  à  un  enfant  que  deux  sources  de 
»  lait  coulent  du  sein  maternel. 

»  Comment  les  richesses  seraient-elles  pour  l'espèce 
»  humaine  un  moyen  de  bonheur?  leur  acquisition  en- 
»  gendre  toutes  sortes  de  troubles  ;  leur  perte  occasionne 


600  PHILOSOPHIE 

»  toute  espèce  de  chagrin ,  et  elles  soût  une  cause  de  divi- 
»  sions  éternelles  dans  les  familles. 

»  Vous  perdez  la  vertu  pour  atteindre  la  richesse,  et  la 
»  richesse ,  quelque  grande  qu'elle  soit ,  n'est  jamais  que 
)>  la  pauvreté.  Ne  vaut-il  pas  mieux  s'éloigner  d'un  tas  de 
»  boue  que  de  se  salir  en  rapprochant  ? 

))  Voyez  les  oiseaux  du  Ciel  :  manquent-ils  de  nourri- 
»  ture  ?  Voyez  si  Therbe  manque  aux  animaux  des  champs 
»  et  si  les  poissons  ne  trouvent  pas  dans  Teau  ce  qu'il  faut 
»  pour  vivre  :  partout  Dieu  a  mis  l'abondance. 

j)  Celui  qui  a  donné  aux  cignes  un  plumage  blanc ,  un 
»  plumage  vert  aux  perroquets,  pourvoira  toujours  à  la 
»  subsistance  des  enfants. 

i\  Quiconque  amasse  des  richesses  commence  à  craindre 
»  le  magistrat ,  le  feu ,  l'eau ,  les  voleurs  et  môme  ses  pro- 
))  ches ,  comme  tout  être  enchaîné  à  la  nécessité  de  vivre 
»  craint  la  mort.'  » 

Nous  trouvons  encore  dans  l'Inde  des  philosophes ,  des 
pages  sur  l'amitié  d'une  éloquence  aussi  élevée  que  per- 
suasive, pouvant  supporter  la  comparaison  avec  ce  que 
l'antiquité  et  les  modernes  ont  écrit  de  mieux  sur  ce 
sujet. 

Nous  trouvons  aussi  chez  les  mêmes  philosophes ,  des 
conseils  tout-à-fait  opposés  à  cette  règle  de  Manou  qui 
prescrivait  l'isolement  des  familles,  et  à  toutes  les  despoti- 
ques absurdités  sur  la  royauté ,  que  son  code  tend  à  faire 
prévaloir. 

Ajoutons  que  tous  dans  l'Inde,  orthodoxes  et  philosophes, 
commençaient  leurs  prières  par  l'invocation  a-u-m  ou 
a-ou^me^  que  l'on  devait  prononcer  en  trois  temps  (parce 
qu'elle  représentait  la  trinité)  en  s'attachant  à  donner  aux 
intonations  quelque  chose  d'agréable  et  de  mélodieux.  — 
Grotius  a  pensé  que  l'expression  amen,  introduite  dans 
les  écritures  juives  par  Isaïe,  n'est  autre  que  Va-cufn 
indou  défiguré;  et  cette  opinion,  qui  demanderait  uiie 
longue  dissertation ,  a  été  soutenue  depuis  avec  talent  par 
Pierre  Leroux. 

Ces  enseignements  philosophiques  nous  amènent  à  Tan 
1027,  date  de  la  naisssance  de  Bouddha. 


BU  SIÈGLB.  601 

Dans  quel  but  Brahma  voulut-il  donner  aux  hommes  une 
neuvième  éducation  ?  Nous  l'ignorons  et  ne  pouvons  que 
réproduire  ici  le  résumé  des  traditions,  tout  en  rappelant 
que  le  bouddhisme  se  développa  d'abord  au  Nord  de 
llnde. 

Bouddha ,  nous  dit  la  légende ,  descendit  des  régions  cé- 
lestes dans  le  sein  de  Mahamaya,  fille  du  plus  noble  sang 
royal,  qui  était  mariée  au  roi  Southananna.  11  fut  conçu 
sans  péché  et  mis  au  monde  sans  douleur.  Né  au  pied  d'un 
arbre,  il  ne  toucha  point  la  terre.  Les  savants  et  les  rois  du 
pays,  connaissant  ses  glorieuses  destinées,  s'empressèrent 
de  saluer  son  berceau.  Aussitôt  après  sa  naissance,  il  fut 
surnommé  dieu  des  dieux.  Son  enfance  fut  admirable  ;  les 
récils  qui  nous  la  font  connaître  ressemblent  singulièrement, 
en  leur  genre,  aux  récits  de  l'évangile  de  l'enfance  de  Jé- 
sus, que  l'églîse  chrétienne  tient  pour  apocryphes.  Quit- 
tant les  grandeurs  paternelles,  uniquement  touché  des  dou- 
leurs de  ses  frères,  Brouddha  alla  au  désert  se  préparer  à 
sa  divine  mission  par  le  jeûne  et  la  prière.  Sa  préparation 
achevée,  il  rentra  dans  le  monde,  se  lit  prêtre  et  prêcha  sa 
doctrine.  Il  combattit  le  mazdéisme  qui  voulait  alors  enva- 
hir l'Inde,  et  en  triompha.  Ses  disciples  ne  tardèrent  point 
à  faire  schisme  :  un  pape,  une  hiérarchie  de  fonctionnaires 
religieux  et  des  couvents  manifestèrent  leurs  tendances. 
Leurs  anachorètes  prirent  le  nom  de  purifiés  ou  sémanéens. 
Klaproth  rend  au  bouddhisme  le  témoignage    qu'il  a 
transfonné  en  peuples  doiix  et  sociables  les  farouches  no- 
mades de  l'Asie.  Ses  dogmes  spirituels  étaient  à  très-peu 
près  ceux  du  brahmanisme,  mais  il  admettait  l'égalité  hu- 
maine et  ces  mêmes  positions  respectives  de  l'homme  et  de 
la  femme  que  le  christianisme  a  consacrées.  Quelques-unes 
des  légendes  bouddhistes  sont  délicieuses  pour  la  pureté 
des  sentiments  qu'elles  recèlent  :  un  doux  parfum  d'aoïour 
s'en  exhale  à  chaque  ligne. 

La  Chine  ,  —  nous  ne  saurions  l'oublier,  encore  qu'elle 
promette  à  peine  de  s'ouvrir  aux  Européens  et  que  son 


602  PHILOSOPHIE 

mouvement  social  soit  resté  presqu'entîèrement  étranger  au 
mouvement  d'Occident.  La  description  du  lieu  géographi- 
que qu'elle  occupe,  de  ses  montagnes,  de  ses  fleuves,  de 
ses  prairies,  de  ses  côtes,  des  ressources  agricoles  et  in- 
dustrielles que  lui  offre  un  sol  fertile  soumis  à  des  ciima- 
tures  variées,  appartenant  à  des  formations  géologiques 
très-différentes,  mériterait  un  chapitre  spécial  dans  une 
histoire  complète  de  l'humanité.  Nous  en  avons  esquissé 
çà  et  là  quelques-uns  des  grands  traits  (article  Races  hu- 
maines). — ^^Nous  nous  bornerons  à  rappeler  qu'elle  a,  pour 
sa  surface  cultivable  et  pour  le  chiffre  de  sa  population, 
une  importance  plus  grande  que  notre  Europe.  Sa  civilisa- 
tion était  déjà  nettement  dessinée  2600  ans  avant  notre  ère. 

Longtemps  avant  Pylhagore,  elle  possédait  les  douze 
tons  et  demi-tons  de  l'octave  musical.  Elle  a  précédé  FEu- 
rope  dans  la  connaissance  d'une  foule  de  choses  utiles, 
telles  que  la  poudre  à  canon,  l'imprimerie  et  divers  pro- 
cédé^ des  arts  industriels.  Sa  civilisation  véritable  nous  est 
encore  très-peu  connue,  malgré  les  publications  récentes. 

Toutefois  la  Chine  et  l'Egypte  en  étaient  encore  à  la 
troisième  phase  de  l'écriture,  que  déjà  l'Arie  et  ITnde 
avaient  des  voyelles  pour  représenter  les  sons  et  des  con- 
sonnes pour  les  trancher.  —  Les  lois  de  Manou  font  men- 
tion de  la  Chine,  qu'elles  considéraient  comme  un  pays 
protestant.  Depuis  Confucius,  qui  vivait  600  ans  avant 
notre  ère ,  cette  contrée  a  toujours  eu  pour  principe  gou- 
vernemental qu'il  faut  étudier  les  lois  de  la*  nature  et  les 
appliquer  aux  hommes,  —  Emanée  de  l'Inde ,  sa  civilisation 
n'en  a  retenu  qu'une  chose  :  l'importance  du  cérémonial. 
La  Chine  possède  encore  à  cette  heure  un  grand  tribunal 
des  rites  et  cérémonies.  Le  code  très-oppressif  de  la  civilité 
chinoise  prend  l'homme  au  berceau  et  ne  le  quitte  qu'à  la 
mort,  pour  en  faire,  pendant  sa  vie,  l'un  des  rouages 
plus  ou  moins  élevé  du  Céleste-Empire.  Ce  code  et  l'im- 
perfection de  l'alphabet,  voilà  les  sources  de  l'arrêt  de 
développement  de  la  civilisation  chinoise.  Ces  deux  faits 
ont  permis  à  la  littérature  et  à  une  philosophie  métaphysique 
de  se  développer  ;  mais  ils  ont  empêché  tout  pro^s  de  la 
science.   Toute  civilisation  qui  n'a  pas  la   science  pour 


DU  SIÈCLB.  603 

appui  en  philosophie ,  en  religion ,  en  littérature ,  est  une 
civilisation  arrêtée  dans  son  évolution,  destinée  à  vieillir 
dans  son  impuissance  et  à  mourir  :  c'est  une  souche 
sur  laquelle  il  faut  poser  une  greffe.  La  presse  et  Téduca- 
tion ,  voilà  les  moyens  de  greffer.  Le  savoir  positif  est  ce 
germe  nouveau  qui  permet  à  la  vieille  souche  de  donner 
des  fleurs  et  des  fruits. 

Les  grandes  époques  de  l'histoire  de  la  Chine  sont  la 
soixante^unième  année  du  règne  de  l'empereur  jaune  ^  en 
2,637  avant  notre  ère. 

1783,  date  de  la  dynastie  des  Chang. 

1134,  date  de  la  dynastie  des  Tcheou. 

233,  date  de  la  dynastie  des  Thsin. 

302,  date  de  la  dynastie  des  Han. 

26Ô,  ère  vulgaire,  dynastie  des  Tsin. 

Viennent  ensuite  quatre  grandes  dynasties ,  puis  les  cinq 
petites  : 

En  960  commence  la  dynastie  des  Soung. 

En  1123,  celle  des  Kin. 

En  1260. commence  la  dynastie  Mongole. 

En  1368  ,  celle  des  Ming. 

En  1616,  celle  des  Taï-Thsing,  dont  le  dernier  empe- 
reur est  actuellement  ea  guerre  avec  les  révoltés. 

Quoi  qu'il  arrive,  il  est  probable  qbe  la  Chine  ne  se 
laissera*  point  conquérir  même  par  la  Russie;  qu'elle  vi- 
vra et  deviendra ,  avec  l'Amérique  du  Nord  et  la  Confé- 
dération desftats  européens,  l'une  des  trois  puissances 
qui  présideront  à  révolution  de  plus  en  plus  rapide  de 
rhumânité.  Peut-être,  nous  le  voudrions,  sera-t-elle  en 
concurrence  avec  l'Australie  pour  le  sceptre  du  monde 
oriental. 


ÉTRUSQUES. 


La  civilisation  des  Ethusqubs  nous  prouve  que  le  pro- 
grès a  subi  de  très-grandes  oscillations  avant  la  découverte 
de  Timprimerie. 


604  PHILOSOPHIE 

Ce  peuple  apparaît  en  Italie,  au  dire  de  récits  légendaires, 
vers  le  milieu  du  XVIP  siècle  anté- chrétien.  On  ignore  >a 
véritable  origine  ;  toutefois  des  faits  importants  le  ratta- 
chent aux  plus  anciennes  civilisations  connues. 

Sa  langue  dérivait  des  langues  asiatiques.  Constitué  en 
république  fédérative,  deux  fois  il  voulut  que  cette  conf  - 
dération  fût  représentée,  comme  chez  les  Athéniens,  les  k- 
niens  de  TAsie-Mineure,  les  Hébreux  et  d'autres  peuple? 
originaires  d'Asie,  par  douze  tribus.  Chacune  d'elle  iorm,ii: 
une  cité  analogue  à  celles  que  plus  tard  nous  retrouveroib 
dans  Tempire  Romain,  puis  en  France  où  elles  ont  été  re- 
constituées sous  le  nom  d'institutions  départementales. 

L'architecture  indoue,  l'architecture  égj'ptieone  et  Tar- 
chitecture  cyclopéenne  ont  inspiré  les  architectes  étrusques. 
Comme  dans  Tlnde,  ils  ont  peut-être  bâti  d'abord  de^ 
temples  de  bois.  On  peut  affirmer  qu'ils  ont  eu  des  cons 
tructions  religieuses  dans  lesq-uclles  le  bois  jouait  un  très- 
grand  rôle  et  se  trouvait  combiné  avec  les  matériaux  (K- 
Tordre  minéral.  Leurs  monuments  brillaient  cependant 
beaucoup  plus  par  les  décorations  intérieures  que  par  l'as- 
pect extérieur. 

On  trouve  dans  leurs  débris,  des  plafonds  en  pierre  qui 
rappelaient  évidemment  des  constructions  plus  anciennes  eu 
bois. 

Leur  dessin  avait  de  la  pureté  et  plus  de  naïveté  que  ce- 
lui des  Grecs.  Dans  quelques-uns  de  leurs  tombeaux  Ton 
voit  des  costumes  singulièrement  indous.  l^urs  peintures 
sont  fort  curieuses  et  faites  avec  peu  de  chose.  On  y  re- 
marque des  chevaux  dont  le  type  est  arable  :  la  couleur  en 
est  plutôt  asiatique  qu'égyptienne.  Les  types  des  figuçps  an- 
noncent un  grand  développement  des  facultés  perceptives: 
ils  nous  ont  rappelé,  au  premier  aspect,  ces  blancs  de  race 
mélangée  dans  lesquels  le  sang  blanc  prédomine  de  beau- 
coup sur  le  sang  jaune. 

Les  tigres,  les  lions  et  les  oiseaux  véritables  ou  symbo- 
liques de  leurs  peintures  et  de  leurs  monuments  funéraire^^ 
sont  encore  un  souvenir  des  pays  rapprochés  de  l'équateur. 
de  rinde  et  de  TEgypte. 

Leurs  sculptures  sont  remarquables,  mais  c'est  surtout 


DU   SIÈCLE.  '       605 

dans  l'art  de  la  céramique  qu'ils  ont  été  supérieurs.  Leurs 
vases  ont  un  caractère  spécial  :  aussi  les  désigne-t-on  sous 
le  nom  de  vases  étrusques  ;  ils  attestent  moins,  au  point  de 
vue  de  leur  fabrication,  de  grandes  connaissances  en  chimie, 
([u*une  longue  habitude  des  manipulations  qui  constituent 
le  métier. 

Quelle  part  accordaient-ils  aux  femmes  au  foyer  domes- 
tique? Nous  l'ignorons.  Quel  était  leur  mariage?  Nous  l'i- 
gnorons aussi.  Nous  savons  du  reste  qu'ils  avaient  une  aris- 
tocratie sacerdotale  et  nobiliaire,  et  que  cette  aristocratie 
possédait  des  collèges  consacrés  à  l'éducation  de  la  jeunesse 
dans  lesquels,  aux  premiers  siècles  de  sa  fondation,  Rome 
envoyait  les  fils  de  ses  plus  riches  citoyens. 

Les    Etrusques    avaient    un    grand    dieu  Véjové ,    le 
brahma   de  l'Inde,  le  Jupiter    des  Grecs,   qui  ^rappelle 
encore  leur   origine.    Nous    avons    remarqué    sur   quel- 
ques-unes de  leurs  peintures,  la  ceinture  sacrée,  signe  de 
l'initiation  dans  l'Inde  :  cette  ceinture  que  le  premier  civi- 
lisateur Hom:  avait  descendue  du  ciel  et  que  Zoroaste  permit 
à  tous  de  porter.  Quelques  familles  privilégiées  possédaient 
le  monopole  du  sacerdoce  et  des  manipulations  extatiques. 
Leur  pape  ou  grand  prêtre  était  élu  par  les  douze  cités.  On 
croit  que  pendant  longtemps  ce  pape  fut  à  la  fois  chef  poli- 
tique et  religieux.  Ils  avaient  aussi,  comme  l'Inde  et  l'Arie, 
des  esprits  ou  dieux  de  second  ordre.  L'Etrurie  eut  encore 
deux  calendriers,  l'un  de  dix  mois,  l'autre  de  douze.  Ce 
dernier,  évidemment  postérieur,  donnait  à  l'année  565  jours, 
S  heures^  40  minutes,  22  secondes,  ce  qui  différait  très- 
peu  de  la  vérité.  Le  second  calendrier  servit  à  réformer 
l'autre  sans  le  faire  disparaître.  Ce  fait  intéressant  nous  rap- 
pelle que  les  Grecs  et  les  Etrusques  n'ont  pas  toujours 
connu  les  doi^e  signes  du  zodiaque.  Comme  l'Inde,  l'Etrurie 
avait  son  jour,  sa  semaine,  son  année  du  monde  ou  de 
l'univeri'diiu.  Elle  aussi  elle  croyait  à  une  grande  ftme 
animant  tout  dans  la  nature  ;  car  c'est  ainsi  qu'à  la  même 
époqne  et  à  de  très-grandes  distances,  les  clergés  de  tous 
tes  sanctuaires  acceptaient,  à  très-peu  près,  une  même  me- 
sure de  l'année,  une  même  croyance  à  un  dieu  universel, 
âme  et  vie  du  monde,  à  des  dieux  ou  esprits  secondaires, 

26 


606  PHILOSOPHIE 

à  un  panthéisme  spiritualiste  que  Ton  présentait  au  peuple 
sous  une  forj^O'girossièire  et  toute  iBatérielle. 

Les  administrateurs  étrusques  ont  favorisé  singulièrement 
l'agriculture.  Les  eaux  du  Tessin  et  de  TAdda  leur  serraient 
à  féconder  lç^rs  plaines.  Us  creusèrent  un  canal  artificiel  à 
TAmo,  et  projetèrent  un  pareil  travail  pour  le  Pô. 

Commerçants  )  ils  ont  colonisé  la  Corse  et  la  Sardaigne. 
Leur  patrie  étjait  un  grand  marché  pour  l'Espagne,  tes  Gau- 
les ,  la  Grèce  et  i'Italie. 

Quatre  siècles  avant  la  fondation  de  Rome,  ils  dominaient 
sur  ritalie  centrale. 

Servius  TulUus  passe  aux  yeux  de  certains  historiens  pour 
un  prince  étrusque.  Porsenna,  Fallié  des  Tarquins,  apparte- 
nait à  cette  nation.  Six  siècles  avant  notre  ère  ils  étaient 
déjà  refoulés  par  les  Gaulois  au-delà  des  Appenios.  En  39S, 
Véies,  la  ville  de  Porsenna,  était  vaincue  par  Rome.  Plus  tard 
Fabius  défit  encore  les  Etrusques.  285  ans  avant  notre  ère, 
Rome  le$  soumit  en  leur  laissant  leur  nationalité.  Grotmie, 
Li  ville  où  s'illustra  Pythagore  était  alors  uûe  de  leurs  cités. 
Vaincus  de  nouveau  par  Sylla,  dans  la  guerre  des  esclaves 
iltf  furent  rayés  du  nombre  des  peuples. 


CIVILISATION   DES  GA.ULOIS. 


Les  PbopiiBS  Gaulois  ont  joué  un  rôle  très-légendaire. 
La  Rome  des  Césars  commença  la  destruction  des  souvenirs 
historiques  de  nos  pères ,  et  la  Rome  catholique  Va  achevée. 

Née  en  Asie,  au  voisinage  de  ce  pays  que  la  langue  cel- 
tique  appelle  la  montagne  par  excellence ,  àrmm  (Armé- 
nie), la  civilisation  gauloise  présente  des  caractères  diffé- 
rents, selon  qu'on  Tétudie  chez  les  Ibères,  les  Gaulois  de  la 
petite  race,  les  grands  Gaulois  et  les  Kimry. 

Les  Ibères  vivaient  en  tribus  et  formaient  ce  que  nous 
pouvons  appeler  des  clans.  Ils  étaient  les  plus  discrets,  les 
plus  réservés,  les  moins  bouillants  en  leurs  colères,  les  plus 
persévérants  dans  leurs  haines  et  dans  leurs  affections.  Ils 


DU  8IÈGLB.  607 

avaient  h  un  degré  ioférieur  le  sentiment  de  Tart,  le  be- 
soin de  la  parole,  le  goût  de  la  couleur  et  de  l'harmonie, 
Tespril  de  sociabilité* 

Les  vrais  Gaulois,  au  contraire,  étaient  de  grands  en- 
fants. GeuK  de  la  grande ,  comme  ceux  de  la  petite  race , 
dévoraient  les  nouvelles.  Familiers  dès  le  premier  moment 
avec  les  inconnus,  ils  arrêtaient  les  voyageurs  pour  causer 
avec  «ux;  ils  les  eussent  enlevés,  ils  les  enlevaient  au  be- 
soin dans  ce  seul  but;  ils  ne  Savaient  se  fixer  à  rien, 
incessaininent  tourmentés  qu'ils  étaient  par  un  irrésistible 
besoin  d'apprendre  et  de  connaître.  A  ces  défauts  sérieux, 
exagération  naturelle  des  qualités  les  plus  louables,  les 
Gaulois  joignaient  un  remarquable  esprit  de  sociabilité, 
un  courage  admirable,  que  leur  forfanterie  seule  pouvait 
égaler*  Leur  vanité,  des  qualités  vraiment  humaines,  le  be- 
soin du  changement  qui  est  devenu  le  besoin  du  progrès, 
une  intarissable  faconde,  Fesprit  d'imitation  poussé  à  l'ex- 
trême :^  voilà  les  traits  saillants  de  nos  pères,  qui  voulaient 
toujours  imnoédiatement  accomplir  ce  qu'ils  venaient  <]e 
décider,  de  penser  et  de  désirer. 

Les  Kimry,  avec  d'autres  habitudes  et  une  nature  très- 
différente  en  apparence,  étaient  aussi  de  vrajs  Gaulois; 
mais  chez  eux  1  esprit  de  l'Asie  avait  consacré  les  rites  et  le 
cérémonial,  entraves  trop  puissantes  dans  l'Asie  orientale, 
•entraves  utiles  peut-être  chez  des  peuples  aux  modes  inces- 
samment changeantes,  aussitôt  dégoûtés  que  satisfaits  dans 
leurs  désirs. 

Il  y  avait  trois  langues  dans  les  Gaules  :  elles  différaient 
pour  les  désinences,  la  grammaire  et  l'accent  ;  elles  de- 
vaient être  très-rapprochées  pour  les  racines.  Ne  savons- 
uous  pas  que  les  peiïples  de  1  Asie-Mineure,  que  les  Grecs 
appelaient  Omologlossoï  (de  même  langage),  formaient  une 
chaîne  dont  les  tribus  éloignées  ne  se  comprenaient  plus 
quoique  séparées  par  des  tribus  qui  s'entendaient? 
L'étude  des  dialectes  celtiques  et  leur  comparaison  avec 
,  le  latin,  le  grec,  l'hébreu,  le  sanscrit,  établit  que  les  prin- 
cipales racines  de  ces  langues  sont  les  mêmes;  mais  tandis 
qu'au  premier  siècle  de  notre  ère,  les  Grecs  et  les  Latins 
disaient.:  «  MaiÂduco  paneoi,  je  mange  du  pain  y  »  parei 


608  PHILOSOPHIE 

au  nègre  de  nos  colonies ,  le  Kimry  parlait  ainsi  :  «  IStrt 
mai  mangeant  pain ,   »  ou  :  a  Moi  manger  pain,  a 

11  possédait  même  deux  autres  manières  aussi  enfantines 
de  rendre  cette  pensée. 

La  religion  des  Gaulois  était  le  druidisme,  ou  plutôt  î!s 
avaient  deux  religions  :  Tune  pour  le  peuple,  l'autre  pour 
les  initiés  et  Taristocratie.  Ceux-ci  reconnaissaient  une 
puisssance  suprême,  âme  et  vie  de  la  nature,  puis  des  es- 
prits intermédiaires  :  l'essence  spirituelle  de  1  intôllîgehce 
et  la  migration  des  âmes  complétaient  leurs  dogmes.  Ils  ne 
voyaient  dans  la  vie  humaine  que  l'une  des  phases  d'une 
existenceétemelle,  et  dans  la  mort  que  l'annonce  d'une  trans- 
formatiou  :  mourir,  pour  eux,  ce  n'était  pas  cesser  de  vivre, 
mais  quitter  une  forme  pour  en  prendre  une  autre.  D^aîs  la 
Thrace  jusqu'en  Ecosse,  jusqu'en  Irlande,  jusqu*au  fond  Je 
l'Espagne,  les  druides  ont  enseigné  cet  être  supérieur  que 
la  métaphysique  seule  nous  permet  de  comprendre.  Us  lui 
consacraient  des  bois  et  même  des  forêts  entières,  presque 
toujours  des  bois  et  des  forêts  de  chênes.  Ouvrez  la  biJbIc 
et  vous  serez  frappé  par  mille  similitudes  :  ici  les  chênes 
de  Mamré,  ou  Mambré  en  hébron,  et  de  Ber-Sceba.  Abra- 
ham les  avait  plantés  :  Josué  s'assit  sous  l'un  d'eux,  Iprs- 
qu'avajit  de  mourir  il  assembla  les  Hébreux,  et  pltis  tard 
ils  furent  souvent  les  muets  témoins  de  cérémonies  et  de 
concours  patriotiques.  Autour  d'eux  se  réunissaient  non-* 
seulement  les  Juifs  mais  encore  toutes  les  tribus  abrahami- 
ques  ou  qui  se  croyaient  telles.  Souvent  au  pied  des  chênes 
consacrés,  les  Druides  établissaient  un  autel,  une  pierre  du 
témoignage,  roche  abrupte  que  le  marteau  n'avait  pas 
élaborée  ;  de  même  aussi ,  dans  la  tradition  juive ,  nous 
voyons  au  pied  du  chêne  d'Abraham*,  un  dolmen  druidi- 
que. Ce  fut  encore  sur  un  dolmen ,  nous  dit  la  Bible ,  que 
le  prophète  Samuel,  le  voyant,  immola  le  roi  Agag,  que 
Saiil  avait  épargné. 

Nous  ne  saurions  en  fournir  la  preuve ,  mais  il  est  pro- 
bable que  le  culCe  cruel  des  Chaldéens,  qui  sacrifiaient  à 
leur  dieu  Bel  en  Baal  des  victimes  humaines ,  culte  qui  a 
régné  sur  tout  l'Occident  civilisé,  ou  censé  tel  en  des 
temps  très-reculés ,  a  dû  sul^r  quelques  échecs  chez  les 


DU   SIÈCLE.   •  609 

Gaulois  par  le  perfectionnement  de  leurs  doctrines  reli- 
gieuses. 

La  croyance  à  notre  système  astronomique .  la  foi  aux 
pérégrinations  des  âmes,  de  planète  en  planète  ,  qui  s'y 
liait  essentiellement,  et  les  autres  doctrines  religieuses  qui 
se  rattachent  à  ces  dogmes,  ont  constitué  pour  TOrient  une 
seconde  phase,  postérieure  à  celle  du  culte  de  Baal  et  de 
Moloch. 

Les. disciples  des  sanctuaires  d'Egypte,  tous  ces  hommes 
éminents  que  la  science  y  avait  formés,  croyaient,  comme 
les  3ag€5  de  Tlnde,  à  un  dieu  suprême  et  à  des  dieux  se- 
coadaîres,  que  les  peuples  ont  appelés  de  noms  très-diffé- 
rents. Leurs  efforts  ont  eu  pour  résultat  de  substituer  le 
culte  pitts  doux  et  plus  grand  de  l'Eternel,  au  molochismo, 
au  culte  de  Saturne,  à  cette  forme  religieuse  qui  deman- 
dait au  prêtre  (en  kîmery  belec)  de  sacrifier  des  victimes 
hum^ines. 

Point  de  changement  sans  transition,  sans  adultère  mé- 
lange :  rOrîent  avait  terminé  sa  révolution  religieuse,  que 
rOccident^  plus  arriéré,  sacrifiait  encore  des  hommes  au 
temps  de  César.  Le  fait  est  constant  :  le  nom  du  dieu  est 
peii  de  chose  en  si  grande  affaire. 

II  faut  cependant  reconnaître  que  le  clergé  gaulois  était 
extrêmement  capable.  L'échelle  des  êtres  et  la  doctrine  des 
transformations  se  trouvent  à  l'état  rudimentaire  dans  les 
fragments  qui  nous  restent  de  ses  poésies  :  w  J'ai  été  marqué 
»  par  le  sage  des  sages  dans  le  monde  primitif,  nous  dit 

»  l'un  de  leurs  druides J'ai  joué  dans  la  nuit J'ai 

»  dormi  dans  l'aurore J'étais  dans  la  barque  au  moment 

»  des  grands  cataclysmes,  lorsque  pareilles  à  des  lances  en- 
»  nemies,  les  eaux  tombaient  du  ciel  dans  l'abîme.  J'ai 
»  été  vipère  dans  le  lac,  serpent  tacheté  sur  la  montagne  ; 
>y  j'ai  été  étoile  chez  les  chefs  supérieurs.  —  Dispensateur 
*>  des  gouttes  ,  j'ai  tenu  la  coupe  et  revêtu  les  habits  sacer- 

M  dotaux Il  s'est    passé  bien  du  temps  depuis   que 

»  j'étais  pasteur J'ai  erré  sur  la  terre  avant  de  devenir 

»  habile  dans  la  science,  et  je  me  suis  agité  dans  cent 
»  cercles.  » 

Leur  conception  sur  la  suprême  justice ,  sur  les  récom- 


GIO  PHILOSOPHIE 

penses  et  les  peines ,  était  plus  remarquable  encore.  Il  y 
avait  trois  cercles  pour  les  âmes. 

Le  plus  élevé  était  consacré  à  rÉlemel. 

Le  second  était  le  cercle  du  bonheur. 

Le  troisième  celui  des  pérégrinations  et  des  transforma- 
tions, épreutes  directes  que  Tâme  devait  subir.  Plus  elle 
s'élevait  par  ses  actes,  plus  elle  se  rapprochait  du  cercle  du 
bonheur.  A  chaque  faute  il  y  avait  déchéance,  —  c'est-à- 
dire  que  les  druides  n'admettaient  pour  l'homme  bî  l'ab- 
solu de  la  perfection,  ni  Tinfinide  la  récompense,  ni  l'absolu 
de  la  déchéance ,  ni  par  suite  l'infini  de  la  peine.  —  Cette 
croyance  était  indou-égyptienne  d'origine,  mais  elle  cons- 
tatait un  progrès  assez  notable. 

Chez  les  Gaulois,  la  femme  avait  la  direction  du  foyer 
domestique.  Le  mariage,  selon  l'habitude  sémitique,  se 
pratiquait  à  douze  ans.  Toute  lille  de  cet  âge  pouvait  de- 
mander un  époux  à  son  père  ou  en  prendre  un  si  son  père 
la  refusait.  Mais  les  femmes  ne  sont  nubiles  en  apparence, 
en  Angleterre  eft  en  France ,  qu'à  l'âge  de  treize  à  quatorze 
ans ,  et  elles  n'atteignent  qu'à  ringt-deui  leur  complet 
développement  :  de  là  une  détérioration  nécessaire  de  la 
race. 

•  Les  grands  colonisateurs  de  Tantiquité,  les  Phéniciens  et 
les  Grecs  d'Asie,  ne  voulaient  point  coloniser  par  la  con- 
quête,  mais  par  la  persuasion  :  ainsi  pensait  Hugardan , 
le  civilisateur  de  la  Grande-Bretagne  ,  le  Schir  de  cette 
partie  de  la  Celtique.  Après  avoir  quitté  les  environs  de 
Constantinople  à  une  époque  inconnue ,  il  pénétra  dans 
l'île  anglaise  où  il  devint ,  par  suite  de  transactions  avec 
les  naturels ,  le  chef  de  trois  tribus  Kimriques,  qu'il  réunit 
sous  sa  direction.  Ce  Hugardan  n'était  point  un  prêtre  à  la 
manière  des  nôtres ,  mais  un  Codrus ,  un  Abraham  à  la  fois 
chef  politique  et  religieux.  —  A  la  façon  des  initiés  des 
sanctuaires ,  il  laissa  ses  préceptes  en  vers. 

Des  traditions  confuses  nous  rappellent  qu'au  IX'  siècle 
la  Gaule  était  belge  au  Nord  ou  gallo-germanique,  plus  Cel- 
tique au  Centre,  Cello-kimrique  à  l'Ouest  ou  armoricaine , 
et  cellibérienne  où  aquitaine  au  Sud. 
En  625 ,  les  Gaulois  pénètrent  en  Italie  pour  la  première 


BU   SIÈCLE.  611 

fois.  En  529,  les  Boïes,  peuple  de  leur  race ,  s'emparent 
de  la  Bohème ,  dont  ils  ont  été  chassés  plus  tard  par  les 
Marcomans.  Vers  590  et  564 ,  nous  retrouvons  les  Gaulois 
en  Italie  et  en  Thrace.  Vers  500,  les  Belges  s'établissent 
en  Ajagleterre.  En  279 ,  les  Gaulois  paraissent  en  Macé- 
doine. Leurs  luttes  avec  les  Étrusques  et  les  Romains  ont 
été  IcMagues  et  sérieuses,  souvent  elles  ont  mis  Rome  à  deux 
doigts  de  sa  ruine.  En  130,  les  Cimbres  et  les  Teutons  ap- 
paraissent dans  les  Gaules,  où  la  savante  discipline  de  Marins 
les  sut  apéantir. 

■Esclaves  de  Rome,  les  débris  des  armées  cimbres  et 
gauloises  se  lèvent  à  la  voix  de  Spartacus  et  s'unissent  à 
leurs  anciens  adversaires ,  les  Étrusques ,  pour  être  vaincus 
de  nouveau  par  Sylla.  Leurs  frères,  établis  en  Asie  depuis 
un  siècle,  sous  le  nom  de  Galates ,  n'étaient  pas  plus  heu- 
reux :  le  prêteur  Manlius  les  forçait  à  subir  l  alliance  de  la 
grande  cité. 

César,  lorsque  il  entreprit  la  conquête  des  Gaules ,  eût 
à  lutter  avec  la  civilisation  très-imparfaite  de  clans  hiérar- 
chisés, dont  les  principaux  chefs  étaient  rivaux  et  ennemis 
secrets  les  uns  des  autres ,  ce  dont  il  sut  profiter.  Le  drui- 
disme  avait  si  peu  fait  son  œuvre  qu'il  s'était  à  peine  unifié 
lui-même.  Cependant  il  avait  constitué  un  papisme  et  créé 
des  villes,  espèces  de  cités,  dans  lesquelles  une  population 
libre  se  dérobait  à  la  servitude  imposée  partout  ailleurs  par 
les  chefs. 

Le  nombre  des  petites'cours  des  chef  des  clans  ou  brenins 
était  irès-cx)nsidérable.  Chaque  brenn  avait  sa  société  civile 
et  mihlaire  instituée  sous  une  forme  qui  est  devenue  quel- 
ques siècles  plus  tard  la  règle  des  châteaux.  Loin  de  regarder 
la  féodahté  comme  d*institution  germanique  et  importée  par 
les  peuples  du  Nord ,  c'est  chez  les  Romains  et  les  Gaulois 
qu'il  convient  d'en  rechercher  les  racines. 

Les  Helvètes  ,  organisés  selon  le  système  des  nombres 
mystiques,  avaient  détruit  leurs  douze  villes,  et  quittaient 
leurs  montagnes  pour  s'établir  dans  les  plaines  des  Gaules, 
lorsque  César  les  attaqua  et  les  vainquit.  Bientôt  il  triomphe 
des  Suèves,  tribu  germanique  qui,  depuis  quatorze  ans , 
n'avait  pas  couché  sous  un  toit.  11  ne  tarde  pas  à  se  faire 


612  PHILOSOPHIE 

appeler  au  Nord  par  les  hommes  des  villes  et  le$  Rhèmes 
dont  la  tribu  était  suzeraine  de  pays  druidiques.  En  appa- 
rence il  était  le  bras  du  clergé ,  en  réalité  il  ne  voulait  que 
la  conquête.  —  L'Amorique  fut  attaquée  et  vaincue.  Le 
courage  de  ses  marins  ne  sut  résister  à  la  tactique  romaine. 
Les  Germains  furent  de  nouveau  battus  et  détruits  dans  les 
Gaules  et  défaits  jusqu'au  delà  du  Rhin.  César  pénétra  dans 
la  Grande-Bretagne,  et  la  fortune,  c'est-à-dire  la  discipline 
et  la  supériorité  de  l'armement  des  légions  Vy  suivirppt. — 
Le  besoin  d'acheter  des  partisans  à  Rome  et  de  paj-^r'des 
clients  le  contraignit  à  piller  les  lieux  sacrés  et  même  les 
villes;  partout  aussi  il  remplaçait  les  chefs  au  cœur  gaulois 
par  des  créatures  à  lui  :  les  Gaules  s'en  émurent ,  s'insur- 
gèrent et  furent  vaincues.  César  fut  plus  que  sévère  :  ses 
cruautés  rallièrent  en  un  seul  parti  les  druides  et  les  chefe 
les  plus  aristocratiques  des  vieux  clans  ;  mais  le  courage  de 
vingt  villes  qui  se  brûlèrent  pour  affamer  Tarmée  comaine 
ne  put  suffire  à  la  résistance.  Le  jour  arriva  où  le  chef 
héroïque  des  Gaulois  ,  Vercîngétorix  ,  jeta  ses.  armes  aux 
pieds  du  vainqueur,  assumant  sur  lui  toute  la  responsabilité 
de  la  guerre. 

Quelques  tribus  continuèrent  la  lutte:  ce  fut  inutilement. 
Le  Romain ,  en  vrai  soldat ,  les  frappe  de  terreur  en  faisant 
couper  la  main  droite  à  ses  prisonniers.,..  Mais  de  ce  jour 
il  change  de  politique  ;  il  n'est  plus  l'ennemi ,  il  est  le  père 
des  Gaulois  ;  il  leur  promet  beaucoup  et  leur  fait  espérer 
davantage  :  les  Gaules  seront  pays  romain ,  et  pour  preuve 
l'impôt  diminue,  il  s'efface  même  et  change  de  nom.  Les 
jeunes  gens  les  plus  braves  sont  incorporés  dans  les  légions; 
il  les  ailopte  et  les  fascine. 

Alexandre  avait  traité  les  vaincus  à  l'égal  des  vainqueurs. 
César  suivit  celte  grande  politique;  mais  ses  successeurs,  en 
cela  plus  habiles  que  Charlemagne  et  Napoléon ,  crurent 
dangereux  de  laisser  un  souverain  spirituel ,  un  chef  des 
druides  au  sein  de  cités  romaines  ou  qui  se  romanisaieut  ; 
ils  supprimèrent  le  pape  des  Gaulois  :  c'était  sage,  mais 
la  science  demandait  le  respect  de  leurs  livres.  —  De  ce 
jour  la  civihsation  gauloise,  déjà  confondue  avec  celle  de 
Rome,  disparut  pour  un  temps.  Nous  la  verrons  renaître  et 


DU  SIBCtE.  615 

disparaîlre  avec  les  Francs,  pour  renaître  encore  «t  devenir 
la  lumière  du  monde .  .       .         .   • 


CÏVIUSÀTIOTi  JUIVE. 


L'ftiSTOiRE  Juive  se  divise  naturellement  en  sept  pério- 
des. Dans  la  première  on  voit  des  chefs  de  tribus  sémiti- 
ques se  dessiner  avec  leurs  mœurs  et  leurs  habitudes  pasto- 
rales. "Ils  sont  polygames  ,  font  une  distinction  entre  leurs 
épouses  et  leurs  concubines  ;  ils  sacrifient  sur  les  hauteurs, 
mais  ils  abandonnent  les  sacrifices  humains  pour  n'offrir  à 
Dieu  que  des  victimes  prises  dans  leurs  troupeaux.  Leurs 
esclaves  sont  nombreux,  ce  sont  de  simples  domesti- 
ques. Bientôt  ils  se  diviseront  en  douze  tribus ,  comme 
les  Arabes,  les  Athéniens,  les  Ioniens,  les  Etrusques,  et  ces 
tribus  marcheront  sous  quatre  étendards»  Leurs  pierres  sa- 
crées seront  celles  des  Celtes. 

Nous  voici  à  la  captivité  d'Egypte  :  ses  dates  précises 
sont  inconnues.  D'après  le  savant  Siffart,  professeur  d'ar- 
chéologie à  Leipsick,  des  inscriptions  égyptiennes  établi- 
raient que  les  Hébreux  avaient  quitté  l'Egypte  en  1908, 
vei-s  l'époque  à  laquelle  Inachus  se  dirigeait  sur  le  Pélopo- 
nèse.  Sparte,  dit  l'historien  Joseph,  se  croyait  sœur  de  Jé- 
rusalem et  lui  envoya  une  ambassade.  Les  Juifs  rentrèrent 
donc  en  Arabie  à  cette  époque  ou  toutes  les  tribus  issues 
d'Abraham  y  prenaient  leur  position. 

Moïse  occupera  troisième  période  de  l'histoire  juive. 
Faut-il,  avec  quelques  critiques  allemands,  regarder  ses  li- 
vres comme  fabriqués  par  Hilkia,  qui  les  trouva  au  fond 
d'un  vieux  bahut  du  temple ,  ou  par  Esdras,  qui  peut-être 
y  retoucha,  et  à  qui  l'un  de  nos  savents  hébraïsants,  M. 
Lacour,  de  Bordeaux,  attribue  l'épisode  de  la  tour  de 
Babel.  Son  nom  ne  signifie-t-il  pas  duc,  chef,  sauveur, 
initié ,  et  nullement  sauvé  ?  Pourquoi  sa  vie  débarassée  de 
tout  merveilleux  se  trouve-t-elle  aux  livres  de  l'Inde?  pour- 
quoi n'est-il  nullement  question  de  lui  dans  la  chronique 

26* 


614  PHILOSOPHIE 

juive,  depuis  David  et  Salomon  jusqu'au  roi  losias,  et  au 
grand-prêtre  Kilkia? 

Toutes  ces  questions  sont  graves,  mais  après  avoir  relu 
le  Pentateuque,  nous  sommes  resté  convaincu,  avec  Salva- 
dor, que  Moïse  et  ce  livre  sont  inséparables  comme  Homère 
et  les  poèmes  dont  la  critique  lui  conteste  l'invention. 
D'Olivet  nous  semble  avoir  mieux  compris  que  l'Allemagne 
la  route  à  suivre  ;  et  Lacour,  de  Bordeaux,  souvent  trop  sys- 
tématique en  sa  traduction,  nous  paraît  avoir  alleint  par- 
fois de  grands  enseignements,  des  vérités  întéresisanles  et 
nouvelles, 

Par  Moïse,  Dieu  donne  aux  Juifs  dix  commandements.  Ils 
sont  sensiblement  les  mêmes  que  ceux  de  Bouddha  :  an- 
térieurs, si  le  Pentateuque  n'a  point  reçu  d'interpolation 
sous  Josias,  et  peut-être  postérieurs  dans  le  cas  contraire. 

Quand  il  parle  au  nom  de  Dieu,  Moïse  ordonne;  mais 
pour  les  lois  purement  civiles ,  il  veut  l'acceptation  de  ses 
concitoyens  :  grand  enseignement  qui  nous  dit  que  la  loi 
ne  doit  pas  être  uniquement  dictée ,  mais  encore  acceptée 
et  consentie. 

Le  rapprochement  des  Genèses  de  TArie,  de  l'Inde,  de 
Babylone,  de  la  Judée,  est  curieux.  Le  rapprochement  des 
lois  de  Manou  et  des  lois  de  Moïse  ne  l'est  pas  moins.  On 
sent  la  parenté  ;  mais  où  les  institutions  hébraïques  sVlè- 
vent  au-dp>ssus  de  toutes  celles  d'Orient,  c'est  dans  la  cons- 
titution de  cette  commune  rurale ,  de  ce  fragment  de  la 
grande  commune  juive  appelée  synagogue.  Aux  carrefours, 
avant  la  captivité,  dans  des  constructions  spéciales  après 
cette  époque,  se  réunissaient  au  jour  du  sabbat,  les  hommes, 
les  femmes  et  les  enfants  d'une  même  circonscription  terri- 
toriale ;  ils  discutaient  alors  en  commun  tous  leurs  intérêts 
religieux,  politiques,  agricoles  et  autres.  Les  enfants  au- 
dessous  de  quatorze  ans  ne  pouvaient  prendre  la  parole. 
Quelle  admirable  institution  !  et  que  Salvador  a  raison  de 
l'exalter. 

Les  prophètes  jouaient,  chez  Juifs,  le  rôle  de  nospubli- 
cistes  :  nous  en  reparlerons.  Les  voyants  et  voyantes 
étaient  aussi  fréquemment  consultés  que,  de  nos  jours , 
les  devineresses,  les  tireuses  de  cartes,  les  somnambules  et 


BU   SIÈCLE.  61^ 

les  tables  tournantes.  L'aristocratie  du  pays  ne  se  privait 
point  de  leurs  conseils  :  Saûl,  David  et  losias  en  sont  la 
preuve. 

Les  Juges  occupent  la  quatrième  période  de  Thistoire 
juive.  La  nation  Israélite  était  bien  peu  de  chose  sous  Sa- 
muel,  puisqu'elle  n'avait  point  de  forgerons,  et  que  les 
Hébreux  devaient  descendre  chez  les  Philistins  pour  leurs 
faux  et  leurs  socs  de  charrue.  Elle  possédait  alors  des  dol- 
mens ,  des  voyants ,  des  hauteurs  consacrées  et  des  arbres 
toutlus  rattachés  à  son  culte.  Sa  faiblesse  lui  fit  désirer 
un  roi. 

Saûl,  David,  Salomon,  remplissent  une  cinquième  pé- 
riode. Ils  ont  eu  pour  contemporains  Zoroastre  II,  prophète 
de.riran;  les  rénovateurs  du  pacte  des  douze  villes  d'ionie; 
Codrus,  qui  était  roi-pontife  et  législateur  d'Athènes  ;  les 
fondateurs  de  la  ligue  achéenne  ;  Lockman,  le  traducteur 
égyptien  des  fables  du  livre  indien  THytoupadésa,  fables 
attribuées  plus  tard,  en  Perse,  à  Pilpaï;  Sanchoniaton,  le 
chroniqueur  phénicien.  Cette  époque  est  aussi  celle  où 
grand  nombre  d*oracles  devinrent  célèbres,  où  les  Sybilles 
apparurent  dans  la  Grèce  asiatique ,  où  le  grec  Lamyntas 
répandait  ses  poésies  et  inventait  le  chant  dorien,  où  le 
philosophe  Zamalxis  faisait  connaître  aux  Thraces,  aux  Gè- 
tes,  aux  peuples  riverains  du  Danube  (c'est-à-dire  h  leurs 
chefs),  les  enseignements  des  sanctuaires  d'Egypte.  Il  faut 
encore  rapporter  à  ce  temps  le  beau-père  du  poète  Ho- 
mère, le  fameux  Hiram,  constructeur  du  temple  de  Salo- 
mon  ;  et  peut-être  Hannon,  cet  amiral  carthaginois  qui  fit 
de  si  grandes  découvertes  sur  la  côte  d'Afrique. 

La  sagesse  sous  forme  d'apoUogues,  des  initiations  pour 
les  diverses  classes,  des  enseignements  réservés  pour  les 
chefs,  des  sanctuaires  lieux  d'études  supérieures,  quel- 
ques grandes  innovations,  divers  peuples  naissant  à  la  vie 
sociale  sous  des  constitutions  données  par  des  chefs  pon- 
tifes et  rois  :  voilà  les  grands  faits  de  cette  époque ,  dans 
laquelle  l'Egypte  fut,  en  Occident,  le  foyer  du  savoir  le  plus 
élevé.  Hais  les  flottes  de  la  mer  Rouge  communiquaient 
avec  rinde  et  nous  ne  tarderons  pas  à  voir  arriver  le 
jour  auquel   Pline  reporte  l'origine  des   esséniens   qui 


616  PHILOSOPHIE 

n'étaient  que  des  sanyasis  ou  des  samanéens  bu  sein  de  la 
Judée. 

Saûl  eommence  raiïranohissement  des  Israélites.  Dacrid-, 
dont  la  chronique  hébraïque  rapporte  diversement  la  vie , 
apparaît  sur  la  scène  en  chef  de  bande ,  comme  b6a4ic($up 
de  fondateurs  d  empire,  et  ânit  par  donner  aux  Juifs  Jéru- 
salem ,  leur  ville  sainte.  Son  royaume  pouvait  représenter, 
en  surface ,  deux  à  trois  départements  de  fiance.  Salomon, 
le  gendre  du  roi  d'Egypte,  se  pose  tout^^fait  en  sultan 
oriental.  À  la  dédieace  du  temple,  construction  IllôiDsâllipo^ 
tante  qu'une  de  nos  cathédrales  de  troisième  ordre,  <* 
prince  jette  dans  le  monde  l'idée. de  Tunité  r€iligieiusB,'(f  un 
empire  spirituel  des  ômes. 

Si  les  premiers  rois  de  Judée  correspondent  à  im  mou- 
vement très-dessiné,  en  Occident,  par  les  noms  et  les 
quaUtés  de  leurs  contemporains ,  l'œuvre  des  prophètes  a 
été  aussi  elle  complètement  liée  au  inilieu  social ,  au  sein 
duquel  elle  s'effectuait.  Le  contraire ,  accepté  jusqu'à  ce 
jour  par  beaucoup  d'écrivains,  est  une  erreur  historique. 

Isaïe  parlait  en  essénieu  véritable;  en  bouddhiste  sama- 
néen.  Il  veut  que  l'on  adore  Dieu  en  esprit  et  en  vérité. 
Contrairement  à  la  loi  de  Moïse ,  il  demande  la  suppression 
des  sacrifices  d'animaux. 

Les  prophètes  de  la  captivité  sont  évidemment  les  intro- 
ducteurs de  la  doctrine  pharisienne,  si  singulièrement  rap- 
prochée de  celle  des  Mages.  Ne  trouvons*-nous  pas  dans  Tun 
d'eux,  dans  Ezéchiel,  l'explication  de  la  disparition  de 
tous  les  livres  des  prophètes  opposés  à  la  réforme  du 
culte  ? 

Esdras  et  Néhémie,  les  restaurateurs  de  la  nationalité 
juive,  nous  amènent  à  cette  période  pendant  laquelle  la 
secte  des  pharisiens  devint  prépondérante.  Mais  quel- 
qu'adroit  qu'ait  été  le  sanctuaire  de  Jérusalem  à  dissimuler 
le  mouvement  philosophique  circonvoisin ,  celui  même  qui 
le  débordait  chez  les  Juifs  d'Egypte  et  de  Judée,  partout 
on  en  trouve  la  trace.  Au  siècle  qui  précéda  notre  ère ,  les 
esséniens  avaient  un  prophète  ;  les  masbothéens  apparais- 
saient ,  et  Simon  le  magicien  devait  donner  à  leur  secte 
de  la  célébrité.  Les  samaritains  revenaient  au  culte  du 


S0  SIÈCLE.  617 

Saint-Esprit  et  des  divinités  secondaires  du  patriarche 
Laban;,  puis  le  médecin  Philon,  l'auteur  de  l'histoire  de 
H(ttse>4  mariait  enseonble  le  judaïsme  et  le  plaficnncisme,  de 
telle  sorte  qu'on  le  prendrait,  en  le  lisant,  pour  uli  chrétien 
d'Alexandrie. 

Lâs  JuiCs  ont  été  d*habile5  laboureurs  :  aussi  les  princes 
Peisans  cpnservèrent-ilsles  dix  itribus.  Il  parait  encore  qu'ils 
ont  porté  à  Babylone  une  industrie  *  perfectionnée  pour 
tous  les  ouvrages  délieats  de  Serrurerie,  d'ébénisterie , 
d'oniemeatètion  des  palais.  Au  premier  sièck'de  notre 
ère,  leurs  marchands  étaient  déjà  répandus  dans  le  monde 
entisr,  depuis,  les  Gaules  jusqu'à  la  Chine;  mais  nous 
n'avons  aucune  preuve  de  leur  savoir  scientillque. 


CIVILISATION   GRECÛUK- 


hk  civiLlsATioif  GRBGQX7E  a  cu  pour  Ueu  'géographique 
les  Iles  de  l'Archipel,  l'ancienne  Grèce,  une  partie  de 
l'Asie  Mineure ,  une  autre  de  l'Italie  el  plus  tard  Alexan- 
drie. Elle  a  manqué  d'unité  dans  le  temps  et  dans  l'espace. 
Ses  croyances  religieuses ,  philosophiques  et  scientifiques 
ont  autant  varié  que  les  dialectes  de  sa  langue.  Fille  de 
rinde,  elle  a  souvent  puisé  soit  à  la  source  primitive,  soit 
en  Egypte,  à  la  source  dérivée  de  ses  connaissances.  Quel- 
ques pages  suffisent  à  raconter  les  grands  événements  de 
sa  vie  et  à  faire  sentir  leur  tendance  si  éminemment  ppo- 


Avant  1760,  les  Pélasges,  cette  base  des  populations 
grecques,  ne  se  manifestent  que  par  des  souvenirs  théolo- 
giques. A  cette  époque ,  ils  pénètrent  en  Italie  et  poussent 
devant  eux  les  Sicules.  Plus  tard,  vers  1622,  leur  besoin  de 
s'unir  en  corps  de  nation  donna  naissance  à  la  réunion  des 
amphyctions,  et  fit  de  leurs  cités  une  fédération  quelque 
peu  analogue  à  nos  cantons  suisses.- 

Les  colonies  égypto-syriennes  daCécrops  à  Athènes,  de 
Cadfflus  à  Thèbes,  de  Danaiis  à  Argos  datent,  la  pre- 


618  PHILOSOPHIB 

mière  de  1582,  la  seconde  de.  1519,  la  troisième  de  1510. 
Les  Jeux  d'Olympie,  cette  grande  réunion  qui  devait 
servir  à  donner  le  ton  aux  fêtes  publiques  et  à  consiiluer 
l'unité ,  datent  de  1435. 

La  lin  de  ce  siècle  était  célèbre  dans  les  annales  des 
Grecs  pour  ses  progrès  agricoles,  rétablissement  de  forges 
sur  le  mont  Ida,  1^  première  culture  de  la  vigne.  >et  l'ensei- 
gnement des  sciences  par  le  centaure  Ghiron. 

En  1330,  un  Thrace,  du  nom  d'Orphée,  se  fit  initier 
dans  les  sanctuaires  d'Egypte,  au  savoir  le  pkis  élevé  de 
son  siècle.  De  retour  dans  sa  patrie ,  il  resserrai  le  pacte 
des  amphyctions  et  supprima  les  sacrifices  humains,  il 
professait  l'hermaphrodisme  divin  ou  dualisme  universel. 
Jupiter  est  V époux  et  V épouse  immortelle  ^  disaiL-ji  en  ses 
enseignements.  —  Ses  opinions  sur  le  verbe  et.  la  trinité 
étaient  assez  rapprochées  de  celles  de  Platon  fit  des  pre- 
miers chrétiens.  Le  système  du  monde  qu'il  enseignait  Ta 
été  depuis  par  Pythagore,  et  Gopernic  l'a  fait  revivre.  Ses 
écrits  ne  nous  sont  point  parvenus  ;  mais  son  savoir  a 
laissé  après  lui  une  longue  traînée  de  lumière.  . 

Les  dernières  années  du  siècle  d'OrpIpiée  et  les  cinquante 
premières  du  suivant  nous  rappellent  Esculape  et  les  pro- 
grès de  la  médecine  grecque;  puis  l'importation  des  arts 
industriels  de  l'Egypte.  C'était  un  ex-cellent  esprit  que 
celui  qui  consacrait  le  souvenir  de  l'introduction  du  niveau, 
du  villebrequin ,  de  la  scie ,  de  la  tarrière.  L'introdoctiou 
des  voiles  de  navire  eut  lieu  dans  le  mêm^  temps ,  et  la 
Grèce  eh  fit  usage  dans  son  voyage  des  Argonautes-  Celte 
navigation,  bien  longue  pour  l'époque,  lui  fit  connaître 
une  partie  de  cette  mer  méditerranéenne  qui  baignait  ses 
côtes  et  ses  îles. 

On  peut  considérer  l'année  1309  comme  la  date  de  la 
prise  de  Troie  ;  mais  cette  date  si  souvent  discutée  est 
assez  incertaine. 

A  l'imitation  d'Orphée,  Zamakis,  en  1110,  se  fil  initier 
au  savoir  des  sanctuaires  d'Egypte  et  revint  faire  l'éduca- 
tion des  chefs  des  Thraces  et  des  Gétes  ;  mais  Hésiode  et 
Homère,  dont  les  œuvres  se  répandirent  de  944  à  900, 
remplacèrent  la  science  religieuse  importée  des  sanctuaires 


DU  SIÈGLC.  619 

de  Thèbes  par  des  contes  poétiques  appropriés  à  l'enfance 
des  peuples.  Le  Dieu  invisible  et  ses  sublimes  grandeurs 
firent  place  à  des  dieux  trop  humains  en  leurs  passions. 
Le  ciel  et  l'idéal  s'abaissèrent  jusqu^aux  vices  des  hommes, 
et  leurs  légendes,  partout  acceptées,  partout  chantées, 
devinrent  l'enseignement  des  temples. 

Veri  885,  Lycurgue  fonda  la  cité  communiste  de  Sparte  : 
ce  fut  un  couvent  de  soldats  que  faisaient  vivre  des  esclaves 
chargés  des  travaux  agricoles. 

L'année  639  nous  rappelle  la  naissance  de  Solon  et  de 
Thaïes.  Le  premier  devint  le  législateur  d'Athènes;  le 
second  Studia  les  sciences  aux  temples  d'Egypte  et  revint 
les  enseigner  dans  sa  patrie  ;  il  fut,  dît-on,  le  père  intel- 
lectuel de  Pythagore. 

Celui-ci,  le  plus  grand  des  philosophes  grecs,  avait 
quarante  ans  lorsqu'il  revint,  en  545,  dans  sa  patrie.  11 
s'établit  à  Crotone,  où  il  fonda  la  plus  grande  école  de 
niorale  et  de  savoir  qu'ait  eue  l'antiquité.  Ses  enseigne- 
ments religieux,  dans  les  temples  de  cette  ville,  eurent 
pour  but  de  prolonger  les  enfances,  de  retarder  les  ma- 
riages ,  de  ramener  au  vrai  celte  institution,  et  de  l'huma- 
niser autant  que  possible,  en  lui  donnant  un  caractère 
intellectuel  et  moral.  II  réforma  les  mœurs  et  traça,  en 
physiologiste  profond,  la  voie  à  suivre  pour  le  perfec- 
tionnement de  l'espèce  humaine.  Comme  savant,  il  im- 
porta les  chiffres  indous  et  le  système  du  monde  des 
Brahmanes,  qui  plaçaient  le  soleil  au  centre  du  système 
solaire  et  n'en  faisaient  qu'une  simple  étoile.  Le  théorème 
de  la  valeur  du  carré,  fait  sur  l'hypothénuse  du  triangle 
rectan^e ,  lui  est  attribué  ;  il  fit  aussi  des  découvertes  en 
musique.  —  11  avait  pour  projet  de  placer  à  côté  de  tous 
les  gouvernements,  des  hommt^  formés  par  sa  règle  de  vie. 
Un  instant  le  monde  civiKsë  put  croire  qu'il  avait  superposé 
à  la  violence  des  pouvoirs  de  son  temps  l'influence  d'une 
raison  éclairée  par  la  science  ;  mais  l'imprimerie  lui  fit 
défaut.  Victime  des  mauvaises  passions  de  son  siècle ,  il 
périt,  dit-on,  avec  presque  tous  ses  disciples,  dans  un 
horrible  incendie.  Sa  mort  fil  baisser  la  civilisation. 

Que  de  choses  à  dire  à  la  jeunesse  sur  les  théories  de  ce 


630  PHILOSOPHIE 

grand  homme  et  sur  les  dix-neuf  siècles  d'épreuves  craelles 
pendant  lesquelles  l'humanité  s'est  efforcée  de  piopularîser 
sa  morale  sans  pouvoir  retrouver  les  scientifiques  ehséigae- 
ments  auxquels  elle  était  si  étroitement  unie  ! 

Nous  laisserons  de  côté  la  lutte  des  Persans  et  des  Grecs!, 
pendant  laquelle  le  savoir  philosophique  Taiblît  générale- 
ment, pour  ne  nous  occuper  que  des  faits  d'un  autre 
ordre.  —  De  545  à  400,  cette  date  funèbre  de  Va'tnort  de 
Socrate  et  du  déclin  politique  d'Athènes ,  la  ^Grèce ,  mor- 
celée par  des  cités  ou  communes  puissantes  très-diverse- 
ment constituées,  n'eut  d'autre  unité  que  celle  de  ses  jèùx 
publics  et  de  ses  guerres  contre  les  Asiatiques.  Mais  par- 
tout rindividualilé  humaine ,  si  puissante  en  ses  investiga- 
tions quand  elle  n'est  pas  comprimée,  s'agitait  en  mille 
manières  dans  la  voie  des  améliorations.  —  En  SS4, 
Thespis  jouait  les  premières  tragédies  grecques.  Quatorze 
ans  plus  tard,  Aristagore  de  Milet  gravait  sur  cuivre  la  carte 
du  Péloponèse.  Déroocrite ,  en  490 ,  professait  la  philoso- 
phie atomique,  cette  première  lueur  d'une  grande  science. 
En  486,  le  grand  poète  Eschyle  était  couronné  pour  ^es  tra- 
gédies. Deux  ans  plus  tard,  Anaxagore  enseignait  à  Athènes 
la  philosophie.  En  470,  Sophocle  était  couronné  à  son 
tour  pour  ses  œuvres  tragiques. 

Nous  voici  à  la  moitié  du  siècle ,  en  580 ,  à  cette  époque 
où  Athèties  était  la  première  ville  du  monde.  Périclès  y 
régnait  par  la  puissance  de  la  parole  ;  Aspasie ,  son  asso^ 
ciée,  trônait  en  un  salon  où  se  réunissait  l'élite  de  l'Occî- 
dent.  Socrate ,  encore  jeune ,  abandonnait  la  sculpture  poar 
la  propagande  philosophique.  Bientôt  il  ira  d'échoppe  en 
échoppe ,  d'atelier  en  atelier,  causer  avec  les  cordonniers , 
les  portefaix,  les  tanneurs  et  autres  ouvriers  d'Athènes  ; 
ou  bien  il  s'adressera  aux  courtisanes.  A  tous  il  enseignera 
une  philosophie  très-élevée ,  mais  bien  inférieure  à  celle 
de  Pythagope;  car.il  laissera  de  côté  la  triple  question  des 
esclaves,  des  femmes  et  de  l'unité  du  savoir  humain. 
Quelquefois  aussi ,  vrai  monomane ,  il  écoutera  son  démon 
familier,  c'est-à-dire  les  facultés  humaines  de  son  piano 
célébrai,  facultés  très-despotiques  en  leur  genre,  qui  fai- 
saient de  sa  nature  une  subUme  nature,  et  de  sa  folie  la 


BU  SIÈCU.  631 

sublime  folie  du  jaste  et  da  vrai.  —  A  côté  de  lai  brille- 
ront Hyppocrate ,  le  père  de  la  médecine ,  rhoaime  qui  ne 
croyait  qu'aux  résultats  de  Texpérience  et  de  1  observation  ; 
Euripide,  qui  transporta  la  philosophie  sur  la  scèoe  pour 
démolir  les  faux  dieux  d'Hésiode  et  d'Homère  ;  Ârchésilaûs  . 
de  Paros,  qui  inventa  la  peinture  en  cire  et  les  émaux. 
Socrate  eut  pour  disciples  Xénophon ,  Thomme  aux  savantes 
disciplines  de  guerre  et  d'éducation,  le  chef  de  la  fameuse 
retraite  des  dix  mille,  Fauteur  du  roman  philosophique 
de  Cyrus;  et  Platon.  Celui-ci  éclipsa  tous  les  autres.  Il  est 
admirable  quand  il  idéalise  Socrate ,  car  Platon  est  avant 
tout  le  poète  de  Tidéal  ;  mais  rien  de  plus  faible  que  beau^ 
coup  de  ses  œuvres  et  que  son  livre  intitulé  La^  Bépublxqw. 
Cet  ouvrage  préconise  un  mauvais  communisme  et  l'exploi- 
tation des  femmes,  supprime  la  liberté  individuelle ,  re- 
constitue les  castes,  proscrit  le  commerce  et  Tindustrio 
manufacturière.  Platon,  dans  ce  livre,  n'a  pas  su  s'é- 
lever à  ridée  HuaciUviTÈ  et  n'a  résolu  aucune  des  diffi- 
cultés sociales  de  son  temps.  Il  n'avait  évidemment  com- 
pris ni  la  famille ,  base  de  la  commune ,  ni  la  commune , 
élément  social  de  l'humanité.  Dans  les  sciences,  il  remplaça 
les  tendances  physiologiques  de  Pythagore  par  une  mau* 
vaise  métaphysique ,  et  contribua  à  faire  abandonner  notre 
système  actuel  de  l'univers.  11  préconisa  singulièrement  la 
dialectique  au  détriment  de  l'observation  et  de  l'expérience. 

Platon  peut  être  jugé  très -diversement  :  savant,  il 
est  faible ,  quoiqu'il  soit  l'un  des  fondateurs  de  la  haute 
géométrie  grecque  ;  écrivain ,  il  eut  un  style  lamarti- 
nien„  plein  de  musique  et  d'entraînement;  philosophe, 
il  rachète  bien  des  fautes  par  son  noble  amour  du  juste 
et  de  l'idéal. 

Nous  ne  saurions  oublier  Hérodote.  Ce  grand  écrivain 
sut  distinguer  entre  l'histoire  et  la  légende.  Il  est  historien 
chaque  fois  qu'il  dit  :  Toi  vu  ;  mais  il  ne  croyait  pas  que 
l'on  pût  passer  sous  silence  les  contes  populaires ,  toutes 
ces  fables  souvent  si  utiles  pour  caractériser  le  génie  des 
peuples. 

Après  Platon,  Aristote  prit  le  sceptre  de  la  pensée  et 
domina  la  Grèce  intellectuelle.  —  Il  fut  presque  toujours 


622  PHILOSOPHIB 

faible  en  métaphysique»  en  politiqne,  en  morale.  —  Na- 
turaliste ,  il  a  créé  l'anatomie  comparée  et  fait  une  foule 
de  découvertes  sur  la  structure  des  organes  ;  physicien  ,  il 
a  combattu  le  véritable  système  du  monde  par  de  puérils 
arguments ,  et  souvent  dénaturé ,  pour  la  réfuter ,  la  pen- 
sée de  ses  adversaires.  Aristote  avait  beaucoup  emprunté 
à  l'Egypte  et  à  l'Inde,  qu  il  ne  cite  jamais.  — Son  élève 
Théophraste  découvrit  les  principaux  faits  de  la  physiologie 
végétale  et  se  plaça  dans  la  voie  philosophique  de  notre 
siècle. 

Alexandre ,  le  fils  intellectuel  d'Aristote ,  le  petit-fils  de 
Platon,  nous  rappelle  Torganisation  de  la  cavalerie  sur  des 
bases  très-rapprochées  de  notre  système  actuel,  et  des 
conquêtes  qui  servirent  la  cause  de  la  civilisation.  Son 
état-major  se  composait  des  savants  les  plus  éminents  de 
répoque.  L'unité,  cette  mère  des  grandes  choses,  fut  son 
rêve  ;  le  besoin  de  l'appliquer,  l'occupation  de  sa  vie.  — 
Le  De  Humbold  du  temps  lui  avait  infusé  la  poésie 
des  souvenirs  qui  est  aussi  celle  des  espérances,  l'intelli- 
gence du  passé ,  ce  grand  moyen  de  comprendre  l'arenir. 
— En  trois  ans,  il  sut  conquérir  les  côtes  de  l'Asie  Mineure 
et  l'Egypte.  Victorieux  à  Arbelles,  il  s'empara  de  la  haute 
Asie  et  consacra  trois  autres  années  à  l'unification  de  ses 
conquêtes.  Il  ne  voulait  détrôner  que  le  despotisme  et 
l'ignorance  ,  aussi  traita-t-il  également  vainqueurs  et  vain- 
cus, plaçant  sur  la  même  ligne  les  pouvoirs  militaires, 
administratifs  et  financiers.  —  Ayant  repris  le  cours  de  ses 
pérégrinations  militaires,  il  pénétra  dans.  l'Inde  et  revint 
à  Babylone  en  suivant  le  littoral  de  la  mer*  Il  ouvrit  de 
nouvelles  routes  au  commerce  et  mit  en  relations  suivies 
l'Orient  et  l'Occident.  Mais  le  temps  de  l'unité  vraie  »  qui 
n'est  pas  venu  encore,  ne  pouvait  arriver  si  vite.  L'unité 
c'est  la  philosophie  élevant  la  science  à  l'état  de  religion  et 
résolvant  tous  les  problêmes  économiques  et  sociaux  par 
ses  télégraphes  électriques ,  ses  vapeurs ,  ses  chemins  de 
fer,  par  l'organisation  de  la  famille  et  de  la  commune ,  par 
mille  découvertes  que  nous  pressentons  à  peine. 

L'école  de  Platon  s'était  vivement  occupée  de  géométrie 
à  l'occasion  de  la  dupUcation  du  cube  et  de  la  trisection 


DU  SIÊCtE.  625 

de  l'angle.  Entrée  dans  cette  voie ,  elle  découvrit  les  prin- 
cipales propriétés  des  sections  coniques  et  des  courbes 
nouvelles.  Elle  étudia  aussi  les  lient  géométriques  ;  mais  a 
l'exception   d'Archimède ,   presque    tous  les  savants    de 
répoque  habitèrent  Alexandrie ,  au  moins  temporairement. 
Une  magnifique  bibliothèque,  des  amphithéâtres  ouverts  à 
Tétude  et  à  l'enseignement,  un  observatoire  et  tous  les 
annexes  nécessaires,  y  attiraient  les  savants.  Nous  citerons 
Euclide,  si  connu  par  ses  études  en  géométrie  ;  Àristille  et 
Uémocharis,  les  premiers  qui  aient  fine  les  étoiles  par  leur 
longitude  et  leur  latitude  ;  Erathostène  ,  orateur,  poète , 
antiquaire  et  philosophe ,  dont  le  nom  se  rattache  à  de 
grandes  études  sur  le  méridien  terrestre ,  sur  l'obliquité  de 
récliptique  et  la  science  des  nombres.  —  Dans  le  grand 
mouvement  des  sciences  mathématiques  qui  suivit  le  règne 
d'Alexandre,  nous  ne  saurions  oublier  Aristarque  de  Samos 
qui  défendit  si  habilement  le  véritable  système  du  monde, 
ni  Archimède  qui  éclipsait  tous  les  autres  par  des  décou- 
vertes éminemment  pratiques.  Donnons  encore  un  souvenir 
à  Hipparque ,  le  parfait  observateur,  l'astronome  si  labo- 
rieux, l'inventeur  de  la  trigonométrie  ;  à  Géninus  le  rho- 
dien,  l'auteur  d'une  histoire  delà  géométrie;  au  physicien 
Héron  ;  à  Possidonius ,  qui  découvrit  en  partie  la  loi  des 
marées  ;  et   passons   aux  physiologistes.  —  Voici  venir 
Hérophyle  qui  fit  au  cerveau  de  grandes  découvertes ,  dé- 
crivit la  choroïde ,  les  veines  pulmonaires  et  les  principaux 
viscères  d'une  manière  très-satisfaisante.  11  étudia  le  pouls 
et  chercha,  dans  les  humeurs,  la  cause  des  maladies.  — 
Erasystrate,  son  rival,   reconnut  les  rapports  des  nerfs 
avec  le  cerveau,  découvrit  les  valvulves  de  la  veine  cave, 
et  fit  de  l'aérificalion  du  sang  la  source  de  la  vie  :  c'était 
se   placer  bien  près  de  l'oxigénation.  11  considérait  les 
glandes  sécrétoires  comme  des  cribles  spéciaux.  11  expli- 
qua tant  bien  que  mal  la   nutrition,   et  pratiqua  avec 
talent  la  grande  chirurgie.  Rappelons,  pour  indiquer  la 
science  d'Alexandrie,  que  la  pharmacie  y  fut  très-cultivée, 
que  l'oculislique  y  pratiqua  l'opération  de  la  cataracte ,  et 
qu'Ammonius  broya  la  pierre  dans  la  vessie ,   après  une 
opération  préalable. 


624  ^  PHILOSOPHIE 

Le  coEQmeroe  suivait  les  progrès  de  la  géogcaiphie  :  aux 
découvertes  d'Alexandre  avaient  succédé  celles  de  Mégas> 
thènes ,  qui  séjoama  plusieurs  années  à  -  Palibothra  ^  au 
oonfluent  du  Gange  et  de  la  Jumma.  Un  canal  s'ouvrait 
entre  le  Nil  et  la  mer  Rouge  ;  la  taille  de  Borénioe  s'élevait 
par  enchantement,  et  de  grandes  hôtelleries  à  l'orientale 
facilitaient  la  traverse  du  désert.  La  soie,  les  épices,  les 
aromates,  les  perles  et  les  pierres  précieuses  étaient  la  biso 
du  commerce  oriental ,  dans  lequel  ne  iiguraiecit  ni  les 
tissus  de  coton ,  ni  les  tissus  de  cachemire. 

La  philosophie  ne  restait  pas  en  arrière  :  300  ans  avant 
notre  ère ,  Zenon  fondait  le  stoïcisme  ,  doctrine  câièbre  qui 
avait  les  plus  grandes  tendances  vers  Tessémanisme^  k 
bouddhisme  et  la  doctrine  de  Pythagore  :  c'était  même, 
à  bien  dire,  un  mélange  de  pythagoricisme  et  de. cynisme. 
Le  cynisme  n'était  lui-même  qu'une  des  formes  de  la  doc- 
trine indoue,  transplantée  d'Asie  et  d'Egypte  au  sein  de 
la  Grèce. 

Zenon  définissait  la  sagesse  :  la  science  des  choses  divities 
et  humaines.  La  vertu  en  était  la  conséquence. 

Le  philosophe ,  disait^il ,  observe  la  nature ,  améliore  les 
mœurs  ou  perfectionne  son  entendement. 

.  Il  s'occupe  du  monde,  des  hommes  et  de  lui-^mème  :  i^ 
là  un  aspect  scientifique  de  la  philosophie,  un  aspect  iDoral 
un  aspect  individuel. 

La  vie  a  un  but ,  une  destinée ,  disait-il  encore. 

Ce  but  a  trois  aspects  :  l'objet,  les  moyoBS^  le  terme. 

La  nature  a  des  lois  auxquelles  l'homme ,  particule  de 
cette  nature,  doit  se  soumettre. 

Nous  devons  nous  considérer,  ajoutait-il  aussi,  comme 
une  partie  du  grand  tout ,  et  vouloir  contribuer  à  son  har- 
monie. 

Les  lois  de  la  nature,  voilà  la  règle  par  excellence. 

Suivre  les  lois  de  la  nature ,  obéir  à  Dieu  en.  le  prenant 
pour  guide,  vouloir  conformer  sa  vie  â  l'ordre  général, 
c'est  toujours  la  même  chose  sous  des  dénominations  Mi- 
rentes. 

La  nature  est  bonne  et  belle,  la  vertu  est  bonne  et  belle, 
et  la  vie  doit  être  bonne  et  belle  pour  conduire  au  bonheur. 


DU  srÈOBE.  625 

L*âine  hamaîne  ^st  une- particule ^e  l'Ame  universelle , 
range,    l'esprit  qui  anime  un  oorps:  donc  elle  aime  le 
bon  et  le  beau  et  nous  y  pousse.  C'est  sagesse  de  l'écouter. 
L'utilité  dépend  à  la  fois  du  bon  et  de  l'honnête  ;  ^le 
est  relative  aux  êtres  en  tant  qu'individus  et  que  parties 
solidaires  d'un  grand  tout. 
L'honnêto  ne  concerne  que  l'Ame. 
Le  corps,  les  jouissances,  la  gloire,  les  dignités  sont 
choses  hors  de  notre  puissance  ;  s'y  attacher,  c'est  nuire  à 
son  bonheur. 

Cette  philosophie  renfermait  de  grands  préceptes,  de 
grandes  croyances  et  quelques  erreurs;  elle  fmsait  dériver 
le  mal  de  notre  nature  ,  mais  sans  savoir  encore  l'expliquer. 
Très -^supérieure  au  platonicisme ,  elle  faisait  l'homme 
.partie  ou'  fonction  de  Têtre  universel,  et  pouvait  rendre 
compte  de  l'unité  et  de  la  variété. 

Epicure  parut  dans  le  monde  environ  39S  ans  avant 
notre  ère. 
.Voici  les  points  principaux  de  sa  philosophie  : 
Le  monde  est  éternel  ;  mais  ses  parties  se  modifient  et 
se  transforment  en  lui.  —  11  est  composé  d'atomes  séparés 
par  des  vides,  par  des  pores. 

Les  atomes  possèdent  une  force  de  mouvement  inhérente 
à  leur  être. 

Les  combinaisons  des  atomes  produisent  tout  ce  qui 
existe ,  même  les  corps  sensibles.  Elles  sont  la  source  du 
son ,  des  odeurs ,  des  couleurs. 

Le  concours  des  éléments  naturels  produit  tout ,  et  leur 
séparation  détruit  tout. 

Epicure  attribue  le  monde  au  hasard  ;  mais  par  hasard , 
il  semble  entendre  la  simple  action  moléculaire  des  atomes 
les  uns  sur  les  autres. 

Il  admet  des  dieux  ;  mais  il  ne  les  croit  nullement  né- 
cessaires au  gouvernement  de  l'univers,  que  dirigent  les 
tendances  des  atomes,  ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui 
les  attractions. 

Le  monde  a  commencé ,  dit-il  ;  il  finira ,  sera  détruit  et 
fera  place  à  un  autre  qui  jialtra  de  ses  débris. 
11  croyait  à  l'homme  deux  âmes  :  l'une  sensitive ,  l'autre 


626  PHILOSOPHIB 

intellectuelle.  La  première ,  répandue  dans  tout  le  corps  ; 
la  seconde  ayant  sa  place.au  cceur. 

Les  léiçislateurs,  jK)tts  dit  EiMCure,  retiennent  les  bîoncitnes 
par  les  liens, religieux;  tans  cela  les  uclaves  pourraieni  se 
rappeler  quih  sqrU  nés  libres.  Mais  le  sage  n'a  nul  besoin 
de  pareils  motifs  pour  faire  le  bien  ;  il  pratique  la  justice , 
c'est-à-dire  qu'il  ne  fait  point  aux  autres  ce  qu'il  ne  veut 
pas  qu'op  lui  fassq.  En  apparence,  il  observe  les  loîs^  il 
est  sect,ateur  de  la  religion  de  ses  concitoyens  ;  ^ mais  il  a 
étudié  le  monde  et  les  institutions  humaines,  et  il  sait  à 
quoi  s'en  tenir  sur  leur  valeur. 

Cette  doctrine ,  comme  le  stoïcisme,  fut  bientôt  connue 
dans  Alexandrie,  ce 'grand  foyer  des  intelligences  du 
temps.  Elle  y  exerça  quelqu'inOuence  sur  les  sciences  et 
spécialement  sur  la  médecine;  elle  atteignit  rapidement 
Rome  elle-même,  où  elle  fut  écrite  en  beaux  vers  par  le 
poète  Lucrèce.  Le  médecin  Asclépiade  la  propagea.  Acceptée 
par  Âtticus,  elle  le  fut  aussi  par  Cicéron  et  par  les  autres 
notabilités  du  dernier  siècle  avant  notre  ère. 


CIVILISATION   ROMAINE. 


Rome  parait  avoir  été  fondée  par  ime  colonie  de 
Grecs  d'Asie ,  vers  765.  Ses  premiers  jours  sont  inconnus. 
La  légende  historique  qui  les  concerne  passe  pour  avoir 
été  composée  avec  des  lambeaux  de  légendes  grecques, 
dans  le  but  de  créer  la  religion  du  patriotisme.  Sa  loi  des 
douze  tables  lui  venait  d'Athènes.  Ses  rois  Tarquins  étaient 
originaires  de  Corinthe,  et  l'Etrurie  eut  la  plus  grande 
influence  sur  ses  jeunes  années. 

A  l'exception  de  Numa  et  des  Gracques,  qui  essayèrent 
de  développer  chez  les  Romains  une  civilisation  morale , 
presque  tous  leurs  chefs  leur  ont  conseillé  le  pillage  à  main 
armée  et  la  perAdie  dans  les  traités,  comme  moyens  légi- 
times d'agrandissement.  De  là  ce  caractère  de  positivisme 
qui,  de  la  politique,  a  passé  sur  les  figures  des  citoyens 


DU  SIÈGLB.  627 

de  Rome,  élargissant  le  front,  développant  la  nuque  et 
applatissant  le  somcaet  de  la  tète. 

L'idéal  de  la  politique  romaine ,  c'était  la  grandeur  ma- 
tériefle.  Les  arts,  la  poésie,  la  religion,  la  philosophie ,  la 
sociabilité  devinrent  par  suite  des  accessoires  ou  des  hors- 
d'œuvres. 

L'archilecture  de  Rome  a  eu  trois  phases  :  dans  la  pre- 
mière, c'est  une  ville  champêtre ,  elle  peut  recevoir  des 
moissons  et  des  troupeaux  ;  dans  la  seconde ,  elle  aligne 
ses  maisons  de  briques  et  crée  de  remarquables  monuments; 
dans  la  troisième ,  elle  substitue  le  marbre  à  la  brique. 

Peu  soucieuse  des  arts  et  des  lettres,  elle  ne  négligea  point 
d'empronter  aux  étrangers  leurs  machines ,  leurs  engins  !• 
leurs    procédés  industriels   et  surtout  leurs  hommes   de 
guerre. 

Les  formes  et  les  agences  monocratiques  assurent  le 
succès  des  conquérants.  Rome  n'eut  qne  des  agences  sim- 
ples, appelées  édiles,  intendants,  prêteurs  et  consuls. 
Mais  Tinstrument  qui  peut  conquérir  n'est  pas  plus  celui 
qui  civilise  que  l'organe  cérébro-physique  de  la  lutte  n'est 
identique  avec  l'organe  cérébro-moral  de  la  sociabilité.  — 
Comme  de  nos  jours  la  Russie ,  Rome  fut  un  grand  fos- 
soyeur ;  elle  tua  les  peuples  et  les  nationalités  au  lieu  de 
les  assimiler  à  son  empire  par  une  association  d'intérêts. 

Si  elle  avait  su  ou  voulu  affranchir  les  pays  conquis , 
en  faire  des  associés  véritables  au  lieu  de  les  livrer  à  toutes 
les  spoliations  proconsulaires,  ses  mécanismes  administratifs 
et  industriels  si  parfaits  fussent  devenus  les  éléments  de 
bonheur  d'une  grande  fédération  des  vaincus ,  et  sous  son 
patronage ,  elle  eut  créé  la  République  universelle. 
Alexandre ,  sous  ce  rapport ,  a  été  plus  habile  politique 
-  que  le  sénat  romain  ;  mais  c'était  un  simple  individu,  un 
seul  homme  :  il  n'avait  en  lui  cette  perpétuité  d'existence 
du  sénat  romain  qui  seule  permet  de  concevoir,  de  pré- 
parer, d'accomplir  et  de  conduire  à  bien  les  plus  grandes 
entreprises. 

Toutes  les  institutions  des  anciens  États  avaient  pour 
base  l'esclavage  :  la  Hberté  était  un  privilège  de  famille  ou 
de  cité.  L'industrie  n'existait  pas  :  agricole  où  manufactu- 


628  PHILOSOPHIE 

rière ,  elle  se  réduisait  à  ce  travail  que  le  besoin  prescrit  et 
que  la  violence  impose.  Tous  ces  intérêts  de  commerte, 
d'agriculture,  d'industrie  ouvrière  et  surtout  manufactu- 
rière qui ,  dans  nos  sociétés  modernes ,  réclament  tant  de 
ménagements,  qui  composent  ou  devraient  composer  le 
gouvernement,  étaient  nuls  ou  non  avenus.  Chez  les 
Romains,  entretenir  la  paix  quand  elle  était  utile;  faire  la 
guerre ,  non  pas  si  la  justice ,  mais  si  l'intérêt  de  Rome 
pouvait  le  demander;  juger  des  procès,  punir  des  crimes: 
telles  étaient  les  occupations  des  chefs.  De  là  les  droits 
indéfinis  qu'ils  s'arrogèrent  sur  les  choses  et  les  personnes. 

Rome,  dès  ses  premiers  jours,  mit  une  très-grande 
Miscipline  dans  sa  manière  de  piller  les  vaincus  et  de 
partager  le  butin.  Cette  discipline,  jointe  aux  causes  déjà 
signalées ,  voilà  la  véritable  source  de  ce  que  Ton  appelle 
sa  gloire  :  le  mot  puissance  serait  singulièrement  mieux 
approprié. 

Examinée  aux  point  de  vue  d'une  critique  élevée,  la 
civilisation  romaine  présente  une  série  de  cinq  périodes, 
dont  deux  appartiennent  à  l'époque  chrétienne. 

Dans  la  première,  qui  dure  environ  cinq  siècles,  Rome 
crée  sa  puissance  au  sein  de  l'Italie  :  tantôt  elle  subjugue 
les  autres  peuples ,  plus  rarement  elle  se  les  assimile.  Au 
dedans  d'elle-même,  elle  organise  la  cité  :  les  esclares 
sont  des  choses,  la  femme  est  complètement  subordonnée; 
le  travailleur  forme  une  caste  inférieure,  il  est  classé  par 
corps  d'états ,  et  la  cité  se  constitue  en  une  commune  très- 
aristocratique. 

Ce  n'était  point  la  démagogique  Athènes  ;  elle  n'avait 
rien*de  la  luxueuse  Corinthe,  ni  de  Thèbes  la  pacifique, 
ni  de  Sparte ,  la  ville  du  communisme  absolu  ;  mais  elle 
possédait  des  patriciens  avides  et  des  plébéiens  ruinés: 
les  premiers,  réellement  insatiables  et  brigands  véritables; 
les  seconds,  pressurés  par  des  prêts  usuraires,  belliqueux 

i)ar  suite  de  leur  éducation ,  braves  par  habitude  et  indif- 
érents  à  la  vie  comme  gens  endettés  et  malheureux.  Sé- 
nateurs, chevaliers,  ouvriers  et  laboureurs,  tous  furent 
enrégimentés  civilement  dans  cetle  vaste  commune,  vrai 
camp  retranché ,  où  la  discipline  [militaire  était  la  règle 


DU  6IÈGLB.  629 

usuelle,  une  sorte  d'état  de  siège ,  l'habitude  ;  la  dictature, 
un  fait  ordinaire. 

Un  siècle  fut  presque  suffisant  aux  Romains  pour  vaincre 
Carthage,  la  Grèce,  et  se  substituer  à  rinfluence  de  ces 
deux  puissances. 

La  troisième  période ,  qui  commence  peu  après  la  ruine 
de  Carthage,  nous  conduit  presque  jusqu'à  notre  ère.  Elle 
présente  quatre  groupes  de  faits  importants  que  l'on  peut 
dénommer  :  la  conspiration  du  Sénat  contre  les  Gracques , 
les  luttes  de  Marins  et  de  Sylla ,  la  conspiration  de  Catilina, 
ravèuement  des  Césars. 

Dans  la  quatrième  période  de  son  existence,  l'empire 
romain  crée  de  nombreuses  cités  et  s'entoure  d'une  cein-^ 
ture  d'alliés,  refoulant  au  loin  les  peuples  que  l'on  appelait 
barbares.  Cette  période  se  divise  en  deux  :  dans  la  première, 
qui  dure  près  d'un  siècle ,  les  Césars  abaissent  sans  cesse 
la  puissance  du  sénat  au  profit  de  la  hiérarchie  adminis- 
trative. —  Dans  la  seconde,  ils  régnent  despotiquement 
au  sein  d'un  empire  dont  beaucoup  de  petites  provinces 
portent  le  nom  de  cités  et  possèdent  une  curie,  institution 
analogue  à  nos  conseils  généraux  des  départements  fran- 
çais ,  simple  consulte  chargée ,  presqu'uniquement  de  la 
répartition  de  rimp6t. 

La  cinquième  pnase  de  Rome  commence  avec  le  troi- 
sième siècle,  pour  finir  à  cette  date  assez  vague  et  indécise 
où  l'empire  s  est  affaissé  lentement  sur  lui-même ,  comme 
un  vieux  chêne  au  tronc  pourri. 

Reprenons  la  troisième  période ,  celle  qui  nous  conduit  à 
l'époque  chrétienne. 

Le  luxe  des  enrichis,  la  plupart  sénateurs,  était  in- 
supportable ;  leur  influence  tendait  à  morceler  le  pouvoir, 
à  devenir  féodale. 

Tibérius  Gracchus  fut  le  représentant  de  ces  bons  citoyens 
qui  espéraient,  en  améhorant  ses  institutions,  sauver  la 
République. 
Il  voulait  : 

Une  seule  classe  d'hommes  plus  ou  moins  aisés;  mais 
dont  aucun  n'eut  été  assez  riche  pour  acheter  et  corrompre 
le  peuple  ; 

97 


630  PHILOSOPHIB 

La  prédominaDce  des  laboureurs  ou  chefs  de  ferme  dans 
le  gouvernement  ; 

La  possibilité  pour  toutes  les  familles  d'arriver  à  la  liberté 
par  le  travail  ; 

L'amoindrissement  de  l'esclavage,  cette  plaie  de  la 
République,  par  la  multiplication  des  travailleurs  libres. 

L'élévation  successive  au  rang  de  citoyens  romains  de 
tous  les  habitants  des  villes  conquises  ; 

L'établissement ,  en  Afrique  et  en  Asie ,  de  colonies  ro- 
maines qui  eussent  servi  â  universaliser  la  République,  en 
montrant  à  tous  les  peuples  les  avantages  de  sa  civiÛsatioD 
et  de  son  gouvernement  ; 
^  De  magnifiques  propriétés  communes  et  sociales  appar- 
tenant en  propre  à  l'Etat. 

Décidé  à  mettre  ses  projets  à  exécution ,  il  sollicita  le 
tribunat.  Cette  fonction  donnait  le  droit  d'assembler  les 
comices,  d'arrêter  les  délibérations  du  sénat,  d'opposer  un 
veto  à  ses  décisions,  d'accuser  devant  le  peuple  tous  les 
magistrats  de  la  République.  Les  tribuns  étaient  inviolables 
et  safcrés  ;  conime  les  consuls ,  ils  marchaient  précédés  de 
haches ,  de  faisceaux ,  de  licteurs ,  de  cette  pompe  qui  en 
impose ,  de  cet  entourage  arm4  qui  protège. 

Tibérius  Gracchus  appartenait  à  la  famille  des  Sempro- 
nia ,  Tune  des  .plus  honorées  de  Rome.  Sa  mèro^  la  fille  du 
premier  Scipion ,  n'était  rien  moins  que  la  grande  et  Ye^ 
tueuse  Cornélic.  Elle-même  avait  fait  l'éducation  de  ses 
fils ,  et  cependant  telle  était  la  valeur  personnelle  de  Tibé- 
rius qu'il  faisait  oublier  tous  ces  avantages.  Généreux  et 
beau,  d'une  grande  fermeté ,  juste  entre  tous,  sachant 
obéir  comme  il  savait  commander,  il  passait  pour  un  homme 
accompli,  n'ayant  ri^n  à  demander  ni  h  Véducation,  ni 
aux  hasards  de  la  naissance. 

A.  peine  tribun,  il  revint  à  la  loi  Licinia,  qui  défendait 
de  posséder  plus  (Je  cinq  cents  larpenis  ;  mais  on  homme 
habile,  il  sut'  ménager  les  transitions  en  enlevant  à  cette 
loi,  par  des  mesures  réeUement  politiques,  tout,  ce  qu'elle 
pouvait  avoir  de  dur.  —  il  proposa  d'abord  de  rembourser 
en  areent  tous  les  pr^priétair^es  qui  se  verraient  amoindris 
dans  leurs  domaines.  II  alla  plus  loin  ;  il  ne  demanda  le 


BU   SIÈCLE.  651 

partage  des  terres  couquises  que  pour  Tavenir,  laissant  à 
chacun  sa  position  présente  ;  mais  Taristocratie  ne  voulut 
entendre  à  aucun  accommodement.  Tandis  que  ses  adver- 
saires descendaient  aux  personnalités ,  Tibérius  Gracchus 
se  distinguait  par  Télévation  du  langage  ;  mais  que  ses  argu- 
ments étaient  pénétrants  ! 

«  Citoyens,  disait-il,  les  bétes  les  plus  sauvages  ont 
leurs  tannières ,  et  les  plus  vaillants  hommes  du  monde  , 
les  soldats  romains  sont  réduits  à  errer  sous  le  ciel  avec 
leurs  familles ,  sans  savoir  où  se  retirer ,  où  poser  leur  tête. 
A* quoi  bon  tant  de  périls  et  de  fatigues  pour  tous,  si 
quelques-uns  seulemeht  doivent  en  profiter?  Vos  géné- 
raux vous  disent  souvent ,  en  vous  exhortant  à  vaincre , 
que  vous  allez  combattre  pour  la  conservation  de  vos  dieux 
domestiques,  pour  la  sépulture  de  vos  ancêtres  (pro  arts  et 
/octi),  pour  vos  foyers  et  vos  pénates.  Etrange  illusion  ! 
figures  de  rhétoriques  que  ces  discours  !  le  soldat  romain 
n'a  ni  feu  ni  lieu.  On  vous  appelle  les  maîtres  de  la  terre , 
et  vous  n'en  avez  pas  un  pouce ,  pas  assez  pour  y  cons- 
truire une  hutte  ;  tandis  que  d'autres ,  à  1  encontre  des 
lois,  jouissent  d'un  bien-être  qu'ils  n'ont  mérité  ni  par 
leur  travail ,  ni  par  leurs  dangers  dans  les  combats ,  ni  par 
des  services  rendus  à  la  patrie.  Est-ce  donc  là  cette  Répu- 
blique pour  laquelle  nos  pères  ont  détruit  la  monarchie  ? 
est-ce  donc  pour  se  débarrasser  du  nom  de  roi  qu'ils  ont 
combattu ,  et  n'est-ce  pas  plutôt  pour  chasser  cette  aristo- 
cratique inégalité  qui  était  la  conséquence  des  faveurs  du 
prince? » 

Le  sâuat ,  vaincu ,  suscita  un  obstacle  à  Gracchus  dans' 
la  personne  d'un  de  ses  collègues.  —  Ce  fut  pour  le  fils  de 
Cornélie  une  source  d'embarras  nombreux  et  difiiciles; 
mais  il  en  vint  à  bout»  et  trois  commissaires  furent  nommés 
pour  veiller  à  Texéculion  de  ses  mesures.  —  Son  pouvoir 
était  grand  :  on  l'accusa  de  vouloir  arriver  à  la  royauté. 
La  cal6mnie  fut  très-habilement  employée.  Le.  peuplé  était 
mobile  et  défiant  ;  l'aiistocratie  tenace  et  perfide,  ne  recu- 
lant devant  rien. 

Gracchus  devait  succomber.  La  dictature  était  le  seul 
moyen,  pour  la  plèbe,  d'avoir  raison  d'un  petit  nombre  de 


633  PHILOSOPHIE 

de  citoyens  très-riches.  L'assassinat  fut  la  ressource  des  sé- 
nateurs ;  ils  y  recoururent  :  Scipion  Nasica  se  mit  à  leur 
tête  ;  leurs  esclaves  et  leurs  clients  les  suivirent.  Le  peuple 
abandonna  son  chef,  et  Gracchus  fut  tué  au  Capitole,  à 
coups  de  bâtons.  Il  mourut  courageusement ,  sans  proférer 
une  seule  plainte. 

Que  d'enseignements  dans  ce  fait  !  Nous  y  voyons  le 
prunier  morcellement  du  pouvoir  ;  l'aristocratie  substitue 
des  intérêts  aux  lois.  Nons  y  voyons  encore  le  peuple  se 
conduire,  ignorantxju'il  est,  comme  il  le  fit  à  Athènes,  en 
proscrivant  Aristide,  en  faisant  boire  à  Socrate  la  coupe 
empoisonnée.  Plus  tard,  à  Jérusalem*,  il  demandera  le  sang 
du  Christ  ;  plus  tard,  il  voudra  lapider  Abeilard;  et  Dieu 
sait  comment  il  s'est  conduit  depuis  vis-à-vis  de  ses  jrfus 
généreux  défenseurs.  Mais  ce  n'est  point  le  peuple  iguorant 
qu'il  faut  défendre,  c'est  la  justice  outragée  par  celte 
ignorance  môme. 

La  plèbe  romaine  ne  tarda  pas  à  ouvrir  les  yeux.  Il 
était  trop  tard  :  le  Capitole  avait  été  violé ,  et  son  chef  y 
était  tombé  sous  les  coups  d'assassins,  dans  l'exercice  au- 
guste de  ses  fonctions. 

Çaïus  Gracchus  avait  alors  vingt-un  ans  ;  il  quitta  Rome, 
alla  servir  en  Sardaigne ,  où  il  se  distingua  par  ses  grandes 
qualités.  U  revint  au  bout  de  dix  ans  et  postula  le  tribu- 
nat.  Non  moins  beaa*  que  son  frère ,  plus  sévère  dans  son 
éloquence ,  de  mœurs  .  irréprochables  ,  sans  indulgence 
pour  lui-même ,  mais  moins  facile  que  Tibérius  pour  les 
défauts  d'autrui;  d'une  activité  sans  pareille,  faisant  en  un 
jojur  ce  que  d'autres  ne  pouvaient  faire  en  huit  ou  dix , 
Caïus  Gracchus  était  évidemment,  à  quelqae  point  de  vue 
qulon  l'examinât,  l'un  des  plus  éminenls  citoyens  de  U 
République.  Peut-être  même  était-il ,  sous  tous  les  rap- 
points,  le  Romain  le  plus  accompli.  Bientôt  il  eut  changé 
la  face  des  affaires  :  son  administration  fut  aussi  habile  que 
brillante.  l\  fit  repeupler  plusieurs  villes  ;  il  étendit  le  droit 
de  €;iié  à  tous  les  habitants  de  l'Italie,  jnsqu aux  Alpes; 
diminua  le  prix  des  blés ,  créa  des  greniers  publics  et  fit 
rendre  aux  Espagnols  spoliés  par  le  préteur  Fabius ,  tontes 
les  valeurs  qu'il  avait  extorquées.  —  U  adjoignit  aux  séna- 


BU  SIÈCLE  653 

leurs  autant  de  chevaliers  pour  faire  contrepoids  dans  le 
jugement  des  affaires,  et  transforma  les  chemins  en  voies 
magnifiques.  —  Partout  il  se  fil  remarquer  par  son  désin- 
téressement, par  son  habileté  pratique  d'exécution;  de 
telle  sorte  que  la  calomnie  n'avait  sur  lui  la  moindre  prise. 
Le  sénat ,  désespéré ,  eut  alors  recours  à  une  ruse  qui  a 
souvent  réussi  à  l'aristocratie  :  ce  fut  de  faire  nommer  un 
de  ses  partisans  tribun  du  peuple ,  et  de  le  charger  des 
missions  et  des  motions  les  plus  populaires,  de  tout  ce  qui 
flattait  davantage  les  passions  des  masses  ignorantes.  Sur 
ces  entrefaites ,  Caïus  Gracchus  quitta  Rome  pour  repeu- 
pler et  rétablir  Carthage ,  sage  mesure  toute  dans  Tintérôt 
de  la  République  ;  mais  pendant  son  absence ,  ses  amis  et 
sa  popularité  furent  vivement  attaqués.  Le  peuple  oublia 
vite  ses  bienfaits  pour  ne  se  rappeler  que  ses  luttes  avec 
le  sénat,  sans  comprendre  qu'elles  en  étaient  la  source. 

Scipion  avait  été  trouvé  étranglé  dans  son  lit:  on  en 
accusa  le  parti  de  Caïus.  —  Des  élections  eurent  lieu ,  et 
le  sénat  s'y  prit  si  adroitement  dans  le  recensement  des 
voles,  qu'U  ne  fut  point  réélu.  Pour  comble  de  disgrâces  , 
Opimius,  son  mortel  ennemi,  fut  nommé  consul.  Partout 
il  attaqua  et  molesta  Caïus,  faisant  réformer  les  lois  qu'il 
avait  fait  passer  pendant  qu'il  était  au  pouvoir.  Une  luttn 
devait  s'en  suivre  :  elle  eut  lieu.  D'un  côté,  se  trouvait  le 
pouvoir  régulier;  de  l'autre,  quelques  hommes  abandonnés 
par  ceux  aux  intérêts  desquels  ils  s'étaient  sacrifiés.  Caïus , 
vaincu,  se  fil  tuer  par  un  esclave. 

Oue  n'osa-t-il  mourir  comme  Socrate ,  risquer  et  subir 
une  condamnation.  Prononcés  par  le  sénat ,  son  exil  et  sur- 
tout sa  mort  judiciaire  eussent  à  jamais  consacré  les  ré- 
formes sociales  pour  lesquelles  il  avait  si  habilemnt  com- 
battu. Sa  fin-,  dans  des  circonstances  de  lutte  et  de 
quasi-révotle  contre  le  droit ,  ne  pouvait  que  nuire  à  son 
parti  :  après  lui ,  plus  de  République  romaine. 

La  lutte  de  Marins  et  de  Sylla  mit  aux  prises  des  pas- 
sions démocratiques  et  des  passions  aristocratiques  ;  mais 
les  principes  furent  effacés  par  les  hodimes  et  dominés  par 
de  grandes  personnalités ,  par  des  violences  inouïes  dans 
lesquelles  1  aristocratie  ût  pencher  de  son  côté  la  balance  , 


654  PHILOSOPHIE 

en  opposant  les  cruantés  de  Sylla ,  qui  fit  périr  cent  mille 
citoyens  romains,  aux  actes  de  son  adversaire.  Celiii-ci, 
parfois ,  «'était  montré  généreux. 

Jules  César,  alors  très-ieune,  tenait  pour  le  parti  de 
Marius.  Peu  s'en  fallut  qu  il  ne  fût  au  nombre  des  victimes 
de  Tune  des  plus  épouvantables  réactions  dont  l'humanité 
ait  à  rougir. 

Après  la  lutte  de  Marius  et  de  Sylla,  la  guenne  des 
esclaves ,  ce  fait  fatal  que  les  Gracques  voulaient  prévenir. 
Spartacus  la  commença  avec  quelques  hommes,  et  se  vit 
un  jour  à  la  tête  de  cent  mille. 

La  consph*ation  de  Gatilina  vint  ensuite.  Cicéron  et 
Salluste  ne  nous  en  ont  donné  bien  évidemment  que  les 
motifs  secondaires. 

Nous  estimons  que  Gatilina,  homme  de  vieille  noblesse, 
était  un  esprit  supérieur  ;  qu'ayant  participé  aux  réactions 
de  Sylla ,  vu  de  près  les  distributions  de  terres  qu'il  avait 
faites  à  ses  vétérans  et  leurs  tristes  résultats  économiques; 
qu'ayant  étudié  Rome  dans  ses  diverses  classes ,  l'empire 
républicain  dans  ses  divers  éléments ,  il  lui  vint  à  la  pensée 
de  reprendre  en  sous-œuvre  la  politique  d4»s  Gracques , 
mais  en  s'appuyant  surtout  sur  les  villes  d'Italie  qui  avaient 
besoin  de  s'émanciper,  de  s'identifier  plus  intimement  avec 
Rome ,  et  sur  ceux  des  riches,  et  des  hommes  de  classe 
moyenne  qui  pouvaient  comprendre  ses  vues  élevées  ;  car 
il  ne  pouvait  lui  convenir  de  s'adresser  à  la  plèbe  qui  avait 
si  lâchement  abandonné  les  Gracques,  par  mobilité  d'abord, 
puis  par  défaut  décourage,  quand  il  avait  fallu  lutter  con- 
tre l'aristocratie  les  armes  à  la  main. 

En  vain  Gicéron  essaie-t-il  de  l'amoindrir  dans  le  por- 
trait qu'il  nous  en  a  laissé. 

«r  Gatilina ,  dit-il,  sans  avoir  de  grandes  qualités,  savait 
»  en  présenter  l'apparence.  »  Mais  ce  jeu  de  mots  est  un 
aveu  de  la  supériorité  de  son  adversaire.  —  «  Il  se  don- 
s  naît  pour  tout  dévoué  aux  gens  de  bien ,  malgré  ses  liai- 
te  sons  publiques  avec  une  foule  de  scélérats.  »  Qu'était-ce 
que  les  gens- de  bien  du  citoyen  GicJéron?  lui-même, 
qu'étaît-il?  N'est-ee  pas  en  ayant  toujours  à  la  bouche 
réloge  de  Marius  qu'il  fit  croire  à  la  plèbe  qu'il  serait  son 


DU  SIÈCLE.  635 

soutien  ?  ArriTé  à  quelqu'inQuence,  devenu  un  enriclû,  un 
parvenu ,  ne  se  fit-il  pas  rbomme  du  sénat  en  combattant 
la  loi  du  tribun  Ruffus,  au  détriment  de  cette  j)lèbe  qui 
avait  eu  la  naïveté  de  croire  à  sa  droiture  ?  Mais  conti- 
nuons :  «  Son  penchant  le  portait  aux  plaisirs ,  son  indo- 
«r  lence  au  repos,  son  intérêt  aux  affaires.  Il  était  plus 
»  hardi  qu'habile ,  plus  ambitieux  que  politique,  plus  ca- 
»  pable  de  former  de  pernicieux  desseins  que  de  les  con- 
»  duire.  »  Comme  style,  ce  jugement  est  remarquable  ; 
mais  oe  qui  suit  va  venir  à  rencontre.  «  Quelque  chose 
»  d'étonnant,  c'çst  le  talent  qu'il  avait  de  se  faire  des 

*  amis  et  de  les  cultiver.  En  toutes  rencontres,  on  le 
»  voyait  prêt  à  partager  avec  eux  soa  crédit ,  son  argent , 
»  ses  jomssances  et  les  fruits  de  ses  crimes.  »  Les  chefs  de 
l'Etat,  Cicéron  comme  les  autres,  n'étaient-ils  pas  trois 
fois  coupables,  si  Catilina  commettait  des  crimes,  de  le 
laisser  Jouir  en  paix  de  leur  résulat?  Evidemment,  le  grand 
phraseur  fait  ici  de  la  réthorique,  selon  son  habitude, 
ff  Accoutumé,  ajoute  Cicéron,  à  se  plier  aux  circonstances, 
»  il  se  montrait  réservé  avec  les  gens  sérieux ,  gai  avec  les 

*  enjoués,  grave  avec  les  vieillards,  complaisant  avec  la 
»  ieunesse,  hardi  avec  les  scélérats,  débauché  avec  les 
»  libertins.  Un  caractère  qui  se  développait  sous  tant  de 
»  faces  différentes  devait  séduire  ,  non -seulement  les 
»  hommes  pervers,  mais  quelques  honnêtes  gens,  éblouis 
«*par  de  faux  dehors.  » 

En  faisant  de  Catilina  un  Alcibiade.,  Cicéron  eut  dd  voir 
qu'il  en  faisait  un  homme  supérieur.  Au  surplus ,  ÇatiUna 
sut  ralUer  la  plus  brillante  jeunesse  de  Rome ,  et  il  eut 
l'audace  inouïe ,  pour  son  époque ,  de  soulever  la  question 
des  femmes,  chez  lesquelles  il  trouva  un  grand  appui. 
Sempronie,  douée  d'une  voix  délicieuse  et  d'une  ravissante 
beauté,  Sempronie-,  l'épouse  de  Junius  Brutus,  fit  pour 
lui  une  active  propagande ,  mettant  à  son  service  Tintelli- 
gence  la  plus  remarquable  et  la  mieux  cultivée.  Appuyé 
par  le  peuple  et  par  une  aristocratie  jeune,  et  intelligente , 
Catilina  demanda  le  consulat.  Les  vieux  conservateurs, 
ceux  qui  devaient  perdre  Rome,  lui  opposèrent  Cicéron, 
que  Ibmtesquieu  a  si  bien  jugé,  en  (Usant  de  lui,  qu*il 


656  PHILOSOPHIE 

avait  des  parties  admirables  pour  un  second  rôle  y  mais 
qu'il  était  incapable  d'un  premier;  qu^il  avait  un  beau 
génie  y  mais  une  âme  commune  ;  que  la  vertu  était  chez  lui 
raecessoirCy  et  qu'il  ne  voulait  sauver  la  République  que 
pour  s'en  vanter. 

Cicéron  remporta,  et  Catilina  dut  songer  à  une  autre 
voie  que  la  voie  légale  et  régulière. 

Quel  était  son  but  ?  L'histoire  se  tait  à  cet  égard  ;  mais 
s'il  est  impossible  de  croire  au  projet  qu'on  lui  a  prêté ,  de 
vouloir  incendier  Rome  pour  régner  ensuite  sur  des  ruines, 
il  n'est  pas  difficile  de  comprendre  que  cet  homme ,  repré- 
senté comme  vicieux  et  intelligent,  avait  dû  précisément, 
par  suite  des  écarts  de  sa  jeunesse,  toucher  à  toutes  les 
difficultés  sociales  du  temps.  Jugeons-le  donc  par  ses  actes. 
S'il  entretenait  des  liaisons  avec  les  paysans  errants  et 
malheureux  de  TElrurie,  comment  croire  qu'il  ne  leur 
avait  point  promis  des  terres  à  labourer  ? 

S'il  était  en  rapport  avec  les  propriétaires  italiens  dé- 
possédés par  Sylla ,  n'était-ce  pas  une  preuve  qu'il  devait 
tendre  à  leur  restituer  leurs  patrimoines  en  tout  ou  eu 
partie  ? 

S'il  cherchait  à  s'appuyer  sur  les  villes  d'Italie  qui  ne 
jouissaient  pas  encore  du  droit  de  cité ,  c'est  qu'évidem- 
ment il  voulait  se  faire  le  représentant  do  leurs  intérêts  et 
de  leurs  besoins. 

.     Eût-il  eu  pour  lui  les  colonies  romaines  d'Italie,  sans 
des  inotifs  semblables  ? 

La  plèbe  de  Rome,  si  cette  plèbe  n'avait  compté  sur 
quelque  chose  d'analogue  à  la  loi  Licinia  et  sur  des  travaux 
publics  ? 

Les  femmes  du  monde  élégant ,  s'il  n'avait  eu  pour  but 
de  briser  la  puissance  trop  absolue  des  pères  et  des  époux 
telle  qu'elle  était  alors  constituée  ? 

Les  jeunes  gens  de  l'aristocratie,  s'il  n'avait  flatté  leur 
ambition  par  la  possibilité  de  jouer  un  rôle  à  Rome  et 
dans  toutes  les  cités  qu'il  se  proposait  de  créer,  et  s'il  ne 
leur  avait  fait  comprendre  les  dangers  de  l'avenir  ? 

Tous  nos  lecteurs  connaissent  la  fin  de  celle  histoire  : 
Cicéron  eut  l'habileté  de  faire  éclater  une  conspiration  qui 


BU  SIÈCLE.  6S7 

était  dans  Tesprit  de  la  masse ,  mais  dénuée  d'(^ganisation. 
Catilina,  forcé  de  quitter  Rome,  dat  prendre  les  armes  et 
sut  mourir  courageusement. 

César  avait  trente-sept  ans  quand  il  se  résolut  à  tenter 
la  fortune.  Politique,  adresse,  discrétion,  piudenee,  con- 
naissance des  hommes,  force  physique,  talent  oratoire, 
génie  militaire ,  rien  ne  lui  faisait  faute  :  c'était  un  homme 
accompli.  Une  générosité  fabuleuse ,  un  grand  dévouement 
à  ses  amis,  un  courage  à  toute  épreuve  faisaient  oublier 
ses  mauvaises  mœurs.  Gendre  de  Ginna ,  Tancien  coadju- 
teur  de  Marius,  il  connaissait  parfaitement  les  grandes 
questions  sociales  qui  avaient  agité  Rome.  Au  lieu  de  se 
proposer  leur  solution  pour  but,  il  n'y  vit  qu'un  moyen 
d'assurer  sa  fortune  ,  plus  disposé  à  vivre  au  jour  le  jour, 
en  faisant  le  nécessaire  sous  ce  rapport,  qu'en  risquant  son 
avenir  pour  réaliser  les  réformes  qui  pouvaient  sauver  la 
République.  11  est  vrai  de  dire  de  lui  qu'il  eut  moins  de 
souci  de  faire  régner  la  justice  que  d'assurer  sa  puissance , 
et  qu'il  fut  d'une  intelligence  assez  élevée  pour  faire ,  par 
égoïsme,  le  bien  des  peuples.  C'était, d'ailleurs  un  esprit 
libéral  chez  lequel  ime  éducation  laborieuse  avait  cultivé 
avec  grand  soin  les  plus  rares  facultés  naturelles,  ilfoins 
juste  et  moins  vertueux  que  les  Grecques,  il  possédait  par 
ailleurs  toutes  leurs  qualités  ;  aussi  a-t-il  continué  leur 
œuvre  en  la  rétrécissant  selon  la  mesure  de  ses  intérêts 
personnels  et  d'une  prudence  qui  savait  mieux  attendre  et 
dissimuler.  On  a  dit  de  lui  qu'il  était  sorti  vainqueur  d'une 
révolution  où  de  grandes  choses  avaient  péri  :.  c'est  une 
erreur.  Depuis  la  mort  des  Gracques ,  la  République  «'exis- 
tait plus  que  de  nom  :  César  n'a  vaincu  que  l'aristocratie  à 
laquelle  il  s'est  substitué.  Sa  faute  n'est  point  de  s'être  fait 
dictateur,  mais  de  n'aVoir  pas  tiré  de  sa  dictature  tout  le 
bien  possible  en  relevant  partout  les  vaincus ,  en  suppri- 
mant les  castes  qui  persistèrent  dans  les  cil^  gauloises, 
en  organisant  démocratiquement  les  pagus  ou  cantons 
ruraux ,  en  peuplant  les  campagnes  de  citoyens  libres  ,  en 
réduisant  l'esclavage  à  une  simple  domesticité  ;' sa  faitte, 
c'est  de,  n'avoir  point  assuré  Rome  à  tout  jamais  contre  les 
dangers  de  l'oisiveté ,  si  nuisible  aux  riches  et  à  la  plèbe  ; 

27* 


638  PHILOSOPHIE 

et  cependant  que  de  choses  en  germe  dans  ses  premiers 

actes! Aussi  a-t-il  été  assassiné  parles  successeurs 

politiques  de  ceux  qui  avaient  fait  périr  les  Gracques. 

Crassus  et  Pompée  se  préparaient  à  lui  fermer  la  route  : 
il  eut  le  talent  de  les  réconcilier  et  de  s'unir  à  eux  pour 
partager  le  pouvoir.  —  Â  peine  consul ,  il  proposa  de  divi- 
ser des  terres  de  Campanie  entre  vingt  mille  familles  pau- 
vres. Galon  et  la  plupart  des  sénateurs  furent  assez  égoïstes 
et  assez  maladroits  pour  s*opposer  à  cette  mesure ,  qui  était 
toute  dans  l'intérât  des  riches  eux-mêmes.  César  ne  pou- 
vait désirer  mieux  :  ses  ennemis  lui  firent  un  piédestal,  et 
le  peuple  le  considéra  comme  son  sauveur.  En  lui ,  disait- 
on  ,  revivaient  les  Gracques  et  Marins.  —  Pompée  pouvait 
lui  échapper  :  il  le  retint  en  lui  donnant  sa  fille  en  mariage. 
Désireux  de  se  débarrasser  de  Gicéron,  homme  mordant 
et  satyrique ,  plus  dangereux  peut-être  par  ses  épigrammes 
que  par  ses  discours,  il  lui  opposa  Glodius,  qui  fit  exiler 
le  célèbre  orateur;  puis  il  se  nt  donner  pour  cinq  ans  le 
gouvernement  des  Gaules  cisalpine  et  transalpine  »  avec 
quatre  légions,  dans  le  but  évident  de  se  créer  une  force 
militaire  qui  put  le  conduire  à  l'accomplissement  de  ses 
desseins.  Caton  le  devina,  le  dit  et  ne  fut  ni  cru  ni  écouté. 
Caton  du  reste  était  un  rêveur  pour  son  temps  ;  il  s'était 
fait  de  la  vieille  République  une  utopie  irréalisable.  Son 
esprit  étroit  et  sévère  avait  compris  certaines  choses  du 
stoïcisme  ;  mais  il  ne  s'était  pas  élevé  à  la  conception  si 
simple  et  si  remarquable  de  l'idéal  politique  des  Gracques, 
d'une  république  presqu'entièrement  composée  de  labou- 
reurs dont  tous  les  membres  travaillant  pour  vivre,  eussent 
été  préservés ,  par  leurs  occupations,  des  vices  de  la  Rome 
du  dernier  siècle. 

Pompée,  César  et  Crassus  avaient  besoin  les  uns  des 
autres  :  ils  s'unirent  pour  cinq  années ,  pendent  lesquelles 
César  fut  continué  dans  dans  son  commandement. 

Crassus  ne  tarda  point  à  périr  dans  une  guerre  contre 
les  Parthes ,  et  Pompée  devint  le  maître  de  Rome.  César, 
en  moins  Ue  dix  ans,  s'était  formé  une  armée  très  aguerrie  ; 
il  avait  dompté  les  Helvètes,  vaincu  Ârioviste  et  ses  Ger- 
mains, subjugué  les  Armoricains  et  les  Belges.  Deux  fois 


BU  SIÈCLE.  639 

il  avait  passé  le  Rhin  ;  deux  fois  il  s'était  montré  en  Crande- 
Bretagne.  Il  avait  pris  et  repris  huit  cents  places,  asservi 
trois  cents  cités  et  combattu  successivement  contre  trois 
millions  d'hommes.  Il  répandait  à  Rome  Tor  à  pleines 
mains,  savait  se  rappeler  au  peuple  dont  il  était  Tespé- 
rance  ;  tandis  qu'il  achetait  les  sénateurs  et  les  fonction- 
naires. Pompée ,  dont  la  femme  était  morte ,  eut  voulu  le 
forcer  à  rentrer  dans  la  vie  privée  ;  mais  César  avait  pour 
lui  le  tribun  Curion,  qui  proposa  de  continuer  ces  deux  gé- 
néraux dans  leurs  gouvernements  ou  de  les  révoquer  l'un 
et  l'antre.  Pompée ,  qui  disposait  dés  hauts  fonctionnaires 
et  du  sénat,  crut  que  l'armée  de  César  tournerait  en 
sa  faveur  el  ne  voulut  entendre  à  aucun  accommodement. 
Cdoi*ci  passa  le  Rubicon ,  et  Ton  sait  le  reste. 

Vainqueur  en  Italie ,  puis  en  Espagne ,  où  il  se  pressa 
d'anéantir  les  ressources  de  ses  adversaires,  il  défit  Pompée 
à  Pharsale  et  le  poursuivit  en  Egypte  où  ses  amours  avec 
Cléopatre  mirent  en  danger  sa  fortune.  Ce  fut  dans  cette 
guerre  que  fut  brtllée  la  première  bibliothèque  d'Alexandrie. 
Ayant  établi  Cléopatre  sur  le  trône.  César  attaqua  Pharnace, 
roi  de  Pont.  La  victoire  ne  se  fit  pas  attendre  :  «  Je  suis 
venu,  j'ai  vu,  j'ai  vaincu,  »  écrivait-il  à  cette  occasion  à  ses 
amis  de  Rome.  —  A  son  retour  dans  cette  ville ,  ce  grand 
homme,  qui  avait  eu  la  générosité  de  brûler  les  papiers 
de  Pompée,  qui  eussent  compromis  tant  de  sénateurs ,  se 
signala  par  la  modération  la  plus  exquise  :  quelques-uns. 
même  de  ses  ennemis  eurent  part  à  ses  faveurs.  Il  sut 
obtenir  par  l'humanité  et  la  grandeur  de  son  caractère, 
cette  soumission  que  Marins  el  Sylla  n*avaient  trouvée  qu'en 
VCTsant  des  flots  de  sang.  Rappelé  en  Afrique  et  en  Espagne, 
par  la  guerre  civile,  il  revint  à  Rome  aussi  généreux  que 
par  1«  passé.  Il  fut  assassiné  à  Tâge  de  cinquante-six  ans , 
peu  après  avoiï*  fait  la  conquête  du  monde.  —  Ses  préten- 
tions étaient  d'abord  assez  bornées:  il  ressort  de  sa  yie 
qu'il  tt'aspii^  au  pouvoir  impérial  qu'après  la  victoire  de 
Pharsale.  &>ii  ambition  augmenta  naturellement  avec  ses 
succès. 

Le  caractère  le  phis  saillant  de  s^a  politique,  ce^ut'l''appui 
qu'il  donna  aur  vaincus.  S'eûtourer  d'Espagnols,  de  Gau- 


640  PHILOSOPHIE 

lois,  d*hommes  de  toutes  les  parties  du  monde,  c'était 
assez  dire  que  l'empire  romain  allait  devenir  pour  lui 
l'empire  universel,  et  que  Rome  s'appuierait  à  l'avenir 
bien  moins  sur  la  force  du  sabre  que  sur  la  combinaison 
des  grands  intérêts  des  Espagnes,  des  Gaules,  de  la  Grèce 
et  de  l'Asie ,  désormais  associées  à  l'Italie.  La  mort  qui  le 
surprit  a  peut-être  singulièrement  retardé  la  fédération  des 
anciens  peuples  romains. 

Octave ,  son  petit  neveu ,  lui  succéda  sans  le  remplacer. 
Les  moyens  d'une  politique  mesquine  furent  ceux  qu'il 
employa  pour  suppléer  au  génie  de  César  et  parvenir  à 
Tempiro ,  dont  il  ne  fut  maître  que  dans  la  vingt-neuvième 
année  avant  notre  ère.  Ainsi  fut  unifié  ce  monde  au  sein 
duquel  l'empire  spirituel  du  christianisme  allait  se  mani- 
fester. Octave,  laissant  de  côté  les  grandes  pensées  de  son 
oncle ,  se  montra  l'ennemi  de  tout  aiîranchissemenl.  Pour 
vaincre  Antoine,  qui  voulait  continuer  la  politique  césa- 
rienne et  paraissait  disposé  à  transporter  le  siège  de  Tem- 
pire  à  Alexandrie ,  il  convenait  peut-ôtre  da  faire  appel  aux 
jalousies  patriotiques  de  la  vieille  Rome  :  il  le  fit  et  sut 
exploiter  les  passions  et  les  préjugés.  Il  fonda  dans  les 
Gaules  de  nombreuses  cités  :  c'était  bien ,  sans  doute  ; 
mais  sa  politique  eut  été  plus  sage  si  elle  avait  été  plus 
élevée.  —  Le  bien-être  des  conquis  demandait  un  aflran- 
chissement  général  qui  l'eut  dispensé  de  se  soumettre  au 
joug  du  militarisme. 


DES  GBRMÂIIfS. 


Il  nous  reste  à  faire  connaître  les  peuples  qui  devaient, 
en  se  mélangeant  aux  Gallo-Romains ,  prendre  avec  eux 
la  plus  grande  part  au  développement  des  civilisations  chré- 
tienne et  scientifique.  Nous  avons  aussi  à  relever  une 
erreur  très-grave  et  peut-être  volontaire  de  GuÎ2ot>  qui, 
copiant  çà  et  là  des  fragments  du  livre  des  mœurs  des 
Germains  par  Tacite,  et  laissant  de  côté  les  faits  les  plus 
saillants  de  ce  tableau  de  maître ,  a  comparé  très  à  tort  les 


BU  SIECLE.  641 

vainqueurs  de  Rome  aux  peaux*rouges  et  aux  sauvages  de 
notre  siècle. 

Tacite  décrit  ainsi  le  lieu  géographique  de  ces  peuples, 
si  connus  sous  les  noms  spéciaux  de  Bourguignons,  d'Alle- 
mands ,  de  Suèves ,  de  Gotbs ,  Visigoths ,  Alains  et  Van- 
dales ,  de  Saxons  et  de  Francs. 

L'aïu^ienue  Germanie  était  séparée  des  Gaules,  de  la 
Rhétie  et  de  la  Pannonie  par  le  Rhin  et  le  Danube  ;  à 
rOrient ,  des  Daces  et  des  Sarmates,  par  une  crainte  mu- 
tuelle et  des  montagnes;  au  Nord,  elle  était  bordée  par 
une  mer  formant  des  lies  et  de  larges  golfes.  —  Ce  pays 
est  triste,  froid,  humide,  mal  cultivé,  peu  délectable 
pour  des  yeux  habitués  aux  paysages  d'Italie ,  d'Afrique  et 
d'Asie. 

Les  Germains  ont  pour  annales  d'andeiines  poésies  qui 
attribuent  l'origine  de  leur  nation  au  dieu  Thuiston  et  à 
Manou,  son  fils. 

Us  ont  des  chants  de  guerre  composés  par  leurs  bardes  , 
qu'ils  entonnenfcen  ttardiant  au  combat.  Us  tiennent  pour 
assuré  que  la  manière  dont  ils  les  entorment  est  prophé- 
tique ;  que  le  chaut  les  intimide ,  ou  effraie  l'ennemi , 
selon  ce  qui  doit  arriver  ;  aussi  ce  chant  est-il  moins  un 
accord  de  voix  que  l'expression  de  la  vertu  commune  de 
tous.  Antique  et  singulier  témoignage  de  cet  esprit  huma- 
nitaire qui  nous  fait,  eu  certains  cas,  penser  et  sentir 
comme  un  seul  être,  comme  les  membres  d'un  être  collectif 
dont  nous  n'avons  encore  que  le  pressentiment  ! 

Les  Germains ,  ajoute  Tacite ,  forment  une  nation  pure 
et  vierge  d'unions  avec  .les  autres  peuples  ;  ils  ne  ressem- 
blent qu'à  eux-mêmes.  Tous  pareils  de  figures  et  de  formes, 
ils  ont  les  cheveux  blonds ,  les  yeux  verdis  et  pleins  de 
fierté;  le  corps  grand,  mais  mou  à  la  fatigue;  ils  ne  durent 
ûi  à  la  peine,  ni  à  des  travaux  persévérants,  ni  au  chaud, 
ni  à  la  soif.  Leur  ciel  et  la  pauvreté  de  leur  sol  les  ont 
habitués  au  froid  et  à  la  misère.  Leur  contrée  renferme 
d'immenses  forêts  et  de  grands  marécages  ;  les  arbres  frui- 
tiers n'y  réussissent  pas.  .Leur  bétail  est  abondant,  mais 
chétif.  S'ils  O0t  des  mines  d'or  et  d'argent,  ils  ne  les 
exploitent  pas,  j 


643  PffiLosopfliE 

Passons  maintenant  aux  faits  principaox,  à  ceux  qui 
constituent  une  civilisation  véritable.  Que  nous  dit  Ta- 
cite? 

Les  Germains  ont  une  môme  langue. 

Leur  clergé,  très -influent,  commande  au  nom  des 
dieux. 

'  Leur  culte  est ,  à  peu  de  chose  près ,  celui  des  druides. 
Les  prêtres  président  aux  assemblées  dont  ils  ont  la  direc- 
tion entière  (nouveau  trait  de  ressemblance  avec  le  clergé 
gaulois). 

Les  femmes  sont  singulièrement  respectées  ;  les  Ger- 
mains pensent  qu'elles  ont  le  don  d'inspiration  et  de  pro- 
phétie. Chez  ce  grand  peuple ,  on  ne  rit  pas  de  l'adultère , 
on  ne  plaisante  pas  du  vice.  Le  femme  .coupable  ne  trouve- 
rait jamais  un  mari  ;  sa  punition  est  immédiate  :  on  lui 
coupe  les  cheveux  et  on  la  chasse  du  foyer  conjugal.  Il  y 
y  a  des  communes  où  les  femmes  ne  se  marient  qu'une 
fois.  Comme  elles  n'ont  qu'un  corps ,  qu'une  vie  ,  elles 
n'ont  aussi  qu'une  pensée ,  qu'un  amibr.  m 

Chaque  mère^nourrit  ses  enfants. 

Les  pères  et  mères  ne  distinguent  pas  entre  leurs  neveux 
et  leurs  propres  enfants  :  ce  qui  est  un  lien  de  plus  dans 
les  familles.  —  Tacite  eut  pu  ajouter  :  «  Ce  qui  contribue  à 
faire  de  la  commune  une  famille  véritable.  » 

On  s'attache  à  prolonger  les  enfances  et  à  retarder  les 
mariages,  dans  le  but  d'aroir  une  race  plus  morale  et  plus 
vigoureuse. 

La  terre  est  commune  entre  les  hommes  libres  :  chacun 
en  prend  ce  qu'il  faut  à  ses  besoins. 

Les  esclaves  sont  libres ,  une  fois  leur  redevance  payée  : 
ce  sont  de  simples  fermiers.  Aussi  les  affranchis  sont-ils 
sans  importance. 

L^s  enfants  de  ces  fermiers  sont  élevés  avec  les  enfants 
des  homfties  libres. 

Tout  citoyen  est  membre  de  la  commune  ;  il  doit  porter 
les  armes ,  et  participe  aux  délibérations  de  la  circonserip- 
tion  territoriale  dont  il  fait  partie. 

Les  Gemuiins  jouissaient  donc,  au  premier  siècle  de 
notre  ère ,  de  la  véritable  institution  du  mariage.  Leurs 


DU  SIÈCtE.  645 

fermiers  ou  travaiUeurs  étaient  plus  heureux  que  chez  les 
autres  peuples,  et  leur  commune,  moins  parfaite,  sous 
un  rapport,  que  la  synagogue  juive,  qui  recevait  en  son 
sein  Itss  femmes  et  les  enfants,  était  politiquement  plus 
avancée,  puisqu'elle  formait  une  fraction  déterminée  de 
Tétat  ou  grande  commune  sociale. 

Voilà  des  faits  que  Guizoi  a  passé  sous  silence  ou  qu'il  a 
sciemment  dénatura.  Ils  nous  montrent,  dans  les  Ger- 
mains, le  plus  grand  des  peuples  de  ce  temps. 


TROISIEME  PÉRIODE. 

CIVIilSÀTION     GHBÉTIBICNB. 


La  science  grecque  d'Alexandrie  et  sa  philosophie  ;  la 
religieuse  pensée  des  Juifs  et  surtout,  des  Juifs  esséniens , 
d'un  empire  universel  et  spirituel  des  Ames;  la  famille  ger- 
manique ;  la  situation  des  serfs  germains ,  qui  étaient  de 
véritables  fermiers  ;  la  synagogue  juive  ;  la  commune  ger- 
manique el  la  cité  romaine  ou  département  ;  la  circulation 
romaine  représentée  par  la  navigation  méditerranéenne  ;  les 
routes,  les  postes  et  les  rouages  administratifs  de  l'em* 
pire  :  voUà ,  au  premier  siècle ,  les  éléments  de  progrès 
du  QKmde  occidental.  —  Kous  essaierons  de  faire  com- 
prendre comment  ils  se  sont  mélangés,  combinés,  per- 
fectionnés ou  détériorés. 

Au  milieu  de  cette  société  formée  d'éléments  si  dispa- 
rates, le  sentiment  d'une  rénovation  prochaine  et  né- 
cessaire préoccupait  les  esprits.  —  Les  uns  espéraient 
qu'une  réforme  philosophique  unifierait  et  rajeunirait 
les  vieux  cultes  en  les  retrempant  dans  les  souvenirs  de 
leur  passé;  d'autres  comptaient  davantage  sur  Tmconnu. 
Les  nches  se  livraient  à  toutes  les  orgies  de  gens  blasés  et 
corrompus  :  toute  servilité  leur  allait ,  pourvu  qu'elle  assu- 
rât leur  puissance  et  leurs  jouissances.  Habitués  à  courber 


644  FHILOSÛPHIB 

la  tâte  comme  des  roseaux  au  moindre  soufEie  de  la  volonté 
des  césars  ou  de  leurs  proconsuls,  ils  étaient  impuissants 
à  rien  entreprendre.  Les  savants  eux-mêmes  semblaient 
partager  les  prévisions  populaires. 

A  chaque  instant ,  des  nommes  nouveaux  sortaient  de  la 
foule.  Apôtres  de  l'avenir,  chacun  avait  son  secret  pour 
sauver  le  genre  humain.  Ces  Zoroastre,  ces  Orphée,  ces 
Moïse  méconnus  apportaient  tous  une  bonne  nouvelle  pour 
les  malheureux  et  les  opprimés.  Us  devinrent  excessive- 
ment communs,  assez  pour  inonder  l'empire  de  leurs  bibles. 
L'Egypte ,  la  Syrie ,  la  Chaldée ,  possédaient  le  privilège 
d'approvisionner  l'Orient ,  la  Grèce ,  l'Italie ,  Rome  surtout, 
de  rénovateurs  aussitôt  oubliés  que  connus. 

Au-dessus  des  voix  secondaires,  s'élevèrent  de  l'Asie 
deux  grandes  paroles  :  l'une  explicative  du  passé ,  l'autre 
mère  de  l'avenir.  La- première,  pleine  de  science,  avait 
nom  Appollonius  de  Thyane;  sa  légende  mérite  d'être 
rappelée.  Ce  philosophe  pythagoricien  parcourut  le  monde, 
allant  de  temple  en  temple ,  pour  expliquer  aux  prêtres  du 
polythéisme  l'unité  de  leur  religion.  Partout  il  fit,  dans  le 
culte,  les  plus  grandes  réformes.  La  sainteté  de  sa  vie,  la 
pureté  de  ses  mœurs,  son  régime  tout  végétal,  son  costume 
qui  était  une  simple  tunique  blanche  de  lin  ou  de  coton, 
en  imposaient  singulièrement;  et  puis,  nous  dit  son  histo- 
rien, les  dieux,  en  raison  de  sa  vertu,  lui  accordaient  le 
don  des  miracles. 

A'Ephèse,  il  expliquait  au  peuple  les  mœurs  des  oi- 
seaux :  a  Ceux-ci,  dit-il,  ne  sont  point  en  guerre  comme 
les  hommes;  ils  sont  frères.  Ecoutez  ce  moineau  :  il 
annonce  à  ses  camarades  qu'un  sac  de  grain  vient  de  se 
délier  près,  du  marché,  que  le  blé  est  resté  sur  la  place; 
entendez-vOus  qu'il  les  invite  à  en  prendre  leur  part  ?  » 
Aussitôt  le  peuple  d'Ephèse  d'y  courir.  Le  fait  était  vrai, 
aussi  revint-il  en  foule,  ravi  d'admiration,  écouler  la  sainte 
parole  du  disciple  de  Pythagore  et  des  Brahmanes.  Une 
autre  fois ,  à  Rome ,  une  jeune  mariée  venait  de  mourir  ; 
oh'  la  portait  à  sa  demeure  dernière  :  il  s'approche  et  lui 
prend  la  main.  0  merveille  !  elle  se  lève  et  revient  au  toit 
conjugal  avec  son  époux.  Le  père  accable  Appollonius  de 


BU  SIÈCLE.  645 

présents  ;  mais  rhomme  des  dieux  ne  jpeut  les  accepter  :  il 
les  remet  à  la  mariée.  —  Eu  Egypte  ,  il  prédit  leur  gran- 
deur à  Vespasien,  puis  à  Titus.  —  Plus  tard,  il. écrit  à  ce 
dernier  une  lettre  sévère,  àToccasion  des  libertés  grecques, 
qu'il  avait  restreintes.  —  Athènes  l'entendit  prêcher  contre 
le  luxe  et  les  débauchés.  —  Sparte  fut  rappelée  par  lui  à 
son  antique  vertu  et  accepta  ses  conseils.  —  Â  Babylone, 
il  fut  l'ami  des  images  et  du  roi.  —  Dans  Tlnde,  le  roi 
Taxile  le  traita  avec  les  plus  grands  égards ,  et  lui  fournit 
des  guides  et  des  moyens  de  transport  pour  se  rendre  chez 
les  Brahmanes.  Ceux-ci  le  reçurent  comme  un  égal.  Des  faits 
merveilleux  manifestèrent  sa  présence  et  il  s*instruisit  de 
lopinioa  des  sages  les  plus  vénérés.  Archias,  leur  chef, 
lui  répéta  que  les  lois  de  la  nature  gouvernent  le  monde 
moral  ;  que  la  prophétie  n*est,  comme  l'art  de  la  médecine, 
qu'une  prévision  scientifique.  —  En  Egypte ,  il  rappela  les 
gymnosophistes  au  respect  qu'ils  devaient  à  leurs  aînés, 
les  Brahmanes.  Il  avait  rempÛ  le  monde  romain  de  la  re- 
nommée de  sa  sagesse,  lorsque  Domitien  le  fit  venir  devant 
lui. 
Quatre  interrogations  lui  furent  faites  : 

—  Pourquoi ,  lui  dit  l'accusateur,  ètes-vous  si  étrange-- 
ment  .v$tu  ? 

—  Parce  que ,  répondit  Appollonius ,  la  terre  qui  me. 
porte  et  me  nourrit  peut  aussi  me  fournir  le  vêtement. 

—  Pourquoi  souffrez-vous  que  Ton  vous  appelle  Dieu  ? 

—  Parce  que,  répondit  le  philosophe  de  Thyane,  c'est 
une  coutun)^ ,  chez  les  sages ,  d'appeler  divins  ou  enfants 
de  Dieu ,  les  gens  de  bien. 

—  Comment  avez-vous  prédit  une  peste  à  Ephèse  ? 

—  Je  vis,  répondit  le  pythagoricien ,  en  me  conformant 
à  une  règle  étroite  et  sévère,  et  je  lui  dois  cette  prévoyance 
qui  m'a  permis  de  reconnaître  l'infection  graduelle  de 
l'air.  Je  pourrai,  6  empereur,  si  cela  vous  agrée,  vous  faire 
connaître  les  sources  de  mes  pressentiments. 

'—  Ce  sera  pour  une  autre  fois,  lui  dit  Domitien  qui 
craignait  qu'il  n^attribuât  cette  peste  aux  iniquités  de  son 
règne. 
Après  avoir.fait  une  longue  pause  ;  —  Dites-moi,  Appol- 


646  PHILOSOPHIE 

loniuSf  reprit  raccusateur  d'un  ton  plus  doul,  quand  êtes- 
vous  sorti  de  nuit  de  chez  tous  ,  pour  immoler  un  jeune 
homme ,  et  dans  quel  but  ? 

—  Prenez  garde ,  répondit  le  Thyanien ,  que  si  je  suis 
accusé  d'ôtre  sorti  de  chez  moi  pour  un  sacrifice  de  cette 
nature,  il  faut  que  ce  fait  me  soit  imputé  par  des  ^ens 
honorables. 

Il  prononça  ces  paroles  en  mattre  qui  reprend  un  enfant, 
et  tous  les  assistants  parurent  lui  applaudir.  L'influence  ée 
cette  commune  opinion  réagit  sur  l'empereur.  —  Je  tous 
absous ,  dit-il  à  AppoUonios  ;  mais  tous  resterez  quelque 
temps  ici ,  car  j'ai  besoin  de  tous  parier. 

—  Je  TOUS  remercie  très  humblement ,  répondît  le  sage  ; 
mais  TOUS  saurez  que  nos  Tilles  sont  ruinées  par  les  domi- 
nateurs ;  que  nos  lies  regorgent  de  bannis  ;  que  les  grandes 
terres  sont  remplies  d*ennuis  et  de  tristesse  ;  que  les  ar- 
mées sont  pleines  de  doutes ,  le  sénat  de  défiances.  Aasi- 
gnez-moi  donc  quelque  lieu  où  je  puisse  déposer  mm 
corps.  Quant  à  mon  ftme,  tous  n'aTez  la  puissance  de 
l'arrêter,  et  mon  corps  lui-même ,  6  empereur,  peut  tous 
échapper.  —  A  ces  mots ,  il  disparut  à  tous  les  yeux,  prou- 
Tant  ainsi  sa  puissance. 

Il  reparut  depuis  ;  se  montra  à  ses  disciples  qui  le  pri- 
rent pour  un  fantôme  ;  déposa  le  Uttc  de  sa  doctrine  dans 
la  Tille  d'Antium  ;  annonça  la  mort  de  Domitien  et  l'élôfa- 
tion 'de  Nerya  ;  écririt  au  nouTel  empereur,  son  ami,  en 
lui  prédisant  la  courte  durée  >  de  son  règne ,  et  disparut  ; 

{mis  il  reparut  encore  pour  enseigner  à  un  jeune  homme 
'immortalité  de  l'flme.  Nul  ne  sait,  ajoute  sa  légende ^  où 
sont  déposés  ses  restes,  et  les  empereurs  ont  tcmiIu  qn*on 
hii  rendit  les  mêmes  honneurs  qu'il  est  selon  la  coutume 
de  leur  accorder. 

Cette  histoire  si  curieuse  a  été  recueillie  par  le  rhétear 
Philostrate,  l'ami  de  la  belle  Julie,  cette  femme  distinguée 
dont  l'époux,  Septime  SéTèro,  arait  sur  ses  tablettes, 
les  bustes  de  Socrate,  de  Platon,  d'Appollonius  et  du 
Christ 

ATant  de  parler  de  la  seconde  Toix ,  de  la  Toix  d'aTenir 
qui  s'éleTa  au  premier  siècle  de  l'Orient,  analysons,  en 


DU  SIÈCLE.  647 

quelques  lignes,  Tétai  des  esprit  personoifié  par  les  plus 
grandes  célébrités  du  temps  :  Dosithée,  Simon  le  magicien, 
Quintus  Sextus,  Philon  le  juif,  Séoàque  et  les  essé- 
niens.  ' 

DosiTHÉB  pratiquait  les  règles  de  vie  des  saniasis  et  des 
samanéens  de  Tlnde  ;  il  eut  beaucoup  de  partisans  à  Sa- 
niarie.  Ses  croyances  étaient  au  fond  les  mêmes  que  celles 
d'Appollonius  le  pythagoricien,  mais  greffées  sur  le  ju- 
daïsme : 

La  circoncision  et  la  pratique  du  sabbat; 

Le  jeûne  et  la  diète  végétale  ; 

La  sapériorité  da  célibat  ; 

La  résurrection  et  le  jugement  des  Ames  : 

Toilà  les  points  fondamentaux  de  sa  doctrine. 

SiMOif  LE  KioiGiBn,  son  disciple,  alla  plus  loin. 

n  se  disait  la  parole  divine  :  aussi  promettait*il  une  se- 
conde vie  et  le  salut  par  la  grâce  de  ses  mérites.  Pour  être 
sauvé ,  il  fallait  croire  en  lui. 

Comme  Platon  et  TEgypte,  il  ensei^ait  un  Dieu  créateur 
de  puissances  secondaires,  desquelles  dérivaient  les  imper- 
fections des  choses  créées. 

Parmi  ces  puissances,  il  avait  le  rôle  principale  II  accor- 
dait aux  hommes  un  cettain  temps  pour  faire  pénitence  ; 
après  quoi  le  monde  serait  détruit ,  sans  qu'il  y  eut  de  sa- 
lut pour  d  autres  que  les  croyants. 

Philon,  juif  de  naissance,  habitait  Alexandrie.  »0n  le 
surnomma  le  second  Platon. 

n  enseignait  la  doctrine  du  verbe  et  de  la  trinité. 

Il  ne  voulait  pas  que  les  masses  fussent  initiées  à  une 
philosophie  supérieure  à  leur  entendement. 

.  Il  accordait  aux  écritures  un  sens  apparent  et  un  sens 
caché,  mais  très-réel. 

Sa  morale ,  quoîqu'antérieure ,  ne  diffère .  en  rien  de  la 
moraie  du  Christ. 

Qomrus  Sextus  vivait  vers  le  même  temps  ;  il  était 
stoïco-pythagoricien.  Il  précéda  Appollonius  et  le  Christ. 

U  prêchait  la  diète  végétale,  par  réaction  contre  les  jeux 
du  cirque  et  la  cruauté  romaine  ; 

La  suppression  des  sacrifices  d'aniniaux  ; 


Ç48  PHILOSOPHIB 

L'examea  de  conscience  pour  chaque  jour  de  la  yie ,  à 
la  manière  de  Pythagore  ; 

I^es  mortifications  dt?  la  chair  ; 

La  trinité  ;  ^ 

L'immortalité  de  TAme  et  la  résurrection  ; 

Les  peines  ou  récompenses  d'une  autre  vie. 

L'austérité  de  ses  mœurs  et  ses  enseignements  lui  valu- 
rent d'être  persécuté  à  Rome. 

Séjhèque  enseignait  sur  la  vie  universelle  «  sur  le  sys- 
tème du  monde  «  sur  les  pli^  hautes  questions  de  philoso- 
phie, les  doctrines  de  Pythagore,  rudiments  de  celles  de 
notre  siècle.  Néron  le  fit  mourir.  Ses  livres  sont  postérieurs 
aux  prédications  du  Chiist. 

Les  esséi^ibns  pratiquaient  : 

La  chasteté ,  la  réserve  dans  le  langage ,  la  pureté  phy- 
sique et  morale. 

Us  mangeaient  assez  exclusivement  des  produits  du 
règne  végétal. 

Us  voulaient  l'adoration  d'un  Dieu, 'Ame  du  monde,  esprit 
et  vérité.  —  Tous,  ou  presque  tous,  renonçaient  au  mariage. 

Us  se  réunissaient  en  des  banquets  mystiques,  véritaMes 
orgies  spirituelles  consacrées  au  bien ,  à  l'idéal.         * 

Ceux  des  villes  vivaient  en  commun ,  s'interdisaient  le 
commerce ,  qu'ils  considéraient  comme  un  parasitisme ,  et 
se  livraient  à  une  foule  de  pratiques  mystiques  qui  les 
conduisaient  fréquemment  à  l'extase. 

Au  milieu  de  ces  doctrines,  d^à  si  convergentes  et  au 
fond  si  chrétiennes,  cinq  ans  avant  la  date  assignée  par 
erreur  à  notre  ère ,  Jésus  naquit  à  Bethléem. 

Notre  philosophie,  d'accord  en  cela  avec  Vôs  croyances  de 
notre  pays,  laissera  de  côté  l'ensemble  de  sa  vie,  pour  en 
exalter,  oomme  il  convient ,  les  plus  saintes  pages  et  rappe* 
1er  avec  respect  les  enseignements  qui  ont  déterminé,  -dafis. 
le  monde  moral  et  intellectuel,  cette  révolution  appelée 
le  développement  du  christianisme. 

S'il  y  a  iamaîsieu.un  acte  de  grandeur  et  d'audace,  de 
religieux  dévouement  et  d'abnégation  poussée  jusqu'au 
plus  divin  héroïsme  ^  c'est  celui  de  Jésus  consacrwt  près 


BU  SIÈCLS.  649 

de  trois  aimées  à  disséminer,  siir  tous  les  points  de  la  Ju- 
dée, la  prédication  et  l'enseignement  de  sa  doctrine. 
Laissant  la  voie  des  Orphée ,  des  Pythagore  et  des  sages 
de  l'Egypte  et  de  Tlnde ,  qiii  exigeaient  le  choit  des  disci- 
ples et  de  longues  préparations ,  il  s'adresse  de  suite  aux 
plus  humbles  des  ouvriers,  en  versant  sur  les  déshérités 
de  la  science  et  de  la  fortune ,  les  trésors  de  son  amour. 

Il  parcourait  les  synagogues  de  Galilée ,  annonçant  la 
b(»)ne  nouvelle  de  la  venue  du  règne  de  Dieu.  Il  guérissait 
les  maladies  de  langueur,  les  paralytiques,  les  hypocon- 
driaques, les  lunatiques  et  beaucoup  de  ces  extatiques  qui 
se  croient  possédés  du  démon.  Ces  guérisons  produisaient 
sur  le  peuple  une  impression  merveilleuse  :  aussi  lui  venait- 
on  de  Jérusalem,  de  Galilée,  de  Judée.  Sa  réputation  était 
grande  même  en  Syrie. 

En  retournant  de  Judée  en  Galilée,  Jésus  passa  par  le 
pays  de  Samarie  et  s'assit  près  du  puits  de  Jacob.  Une 
Samaritaine  étant  venue  puiser  de  Teau ,  il  lui  demanda  h 
boire.  Son  observation  qu*elle  était  Samaritaine  ou  excom- 
muniée ne  l'arrêta  point ,  et  il  entreprit  sa  confversion ,  lui 
enseignant  qu'il  faut  adorer  Dieu  en  esprit  et  en  vérité , 
parce  que  Dieu  at  esprit.  Cette  femme  fut  très-frappée 
de  ce  discours,  et  en  rentrant  à  la  ville,  elle  en  parla. 
Plusieurs  Samaritains  sortirent,  vinrent  à  Jésus  et  l'enga- 
gèrent à  pas3er  quelques  jours  avec  eux ,  ce  qu'il  accepta. 
A  son  départ,  beaucoup  se  trouvaient  convertis  à  la 'nou- 
velle religion  et  crurent  qu'il  était  le  Christ  annoncé  par 
les  prophètes.  Lui-même,  nous  dit  l'Evangile,  le  déclara 
hautement  et  fit  connaître  sa  mission. 

Ce  fut  dans  la  deuxième  année  de  ses  prédications  qu'il 
prononça  le  sermon  sur  la  montagne,  qui  ne  se  trouve 
bien  complet  que  dans  l'Evangile  syriaque.  Le  Christ,  dans 
cet  admirable  discours,  si  neuf  de  morale  pour  la  masse 
des  Juifs ,  promet  à  tous  les  bons  cœurs ,  le  bonheur  en 
Dieu  :  malheureux  en  cette  vie,  ils  auront,  après  la  mort, 
un  ample  dédommagement. 

Il  défend  de  venir  faire  offrande  à  l'être  suprême,  si  préa- 
lablement on  ne  s-est  réconcilié  avec  son  frère. 
Il  attaque  vivement  l'adultère;  il  ne  veut  pas  que  l'on 


650  PHILOSOPHIE 

regarde  arec  convoitise  la  femme  de  son  voisin.  Il  attaque 
et  proscrit  le  divorce,  traitant  d'adaltère  lliomme  qui 
épouse  une  femme  divorcée.  Cet  admirable  chapitre  se  ter- 
mine par  cette  prescription  :  «  Aimez  vos  ennemis,  bé- 
nissez ceux  qui  vous  maudissent ,  faites  du  bien  à  ceux  qui 
vous  haïssent,  priez  pour  ceux  qui  vous  outragent  et  vous 
persécutent,  soyez  parfaits  comme  est  parfait  votre  père 
qui  est  aux  cieux.  »  —  Ce  dernier  paragraphe  était  à  lui 
seul  la  négation  de  toutes  les  traditions  mosiaques^  Taboli- 
tion  virtuelle  de  toutes  les  religions  connues  du  vulgaire 
dans  les  pays  occidentaux.  Avec  une  pareille  doctrine,  plus 
de  guerre  possible,  plus  d'exploitation  de  rhomme  par 
rhomme ,  plus  de  persécutions ,  plus  de  réactions. 

En  1769,  on  a  publié,  à  Lonares,  im  volume  de  deux 
cent  quarante  pages,  contenant  une  collection  d'anciens 
évangiles  extraits  de  Grabius  «t  autres  savants  des  premiers 
siècles.  Nous  eussions  pu ,  laissant  de  côté  les  documents 
acceptés  comme  orthodoxes,  puiser  aussi  dans  ceux-ci, 
pour  raconter  la  vie  du  Christ  ;  mais  il  nous  a  semblé  que 
cette  manière  d*agir  ne  conviendrait  ni  à  la  dignité  de  nos 
lecteurs ,  ni  à  là  gravité  de  notre  caractère.  Notre  rôle  n'est 
nullement  de  mettre  en  doute  l'existence  du  fils  de  Marie, 
ni  de  chercher  à  amoindrir  sa  mission,  la  {lus  grande 
qu'ait  jamais  accomplie  sur  cette  terre  le  dévouement  et  la 
vertu.  Nous  avons  pour  devoir  d'apprécier  son  œuvre,  en 
dehors  de  ce  qui  touche  au  surnaturel  ;  et  nous  le  faisons 
selon  notre  croyance ,  en  mettant  de  côté  la  divinité  de  sa 
personne,  mais.bien  convaincu  de  la  divinité  de  sa  mission 
si  providentielle  ;  évitant  avec  soin  de  déprécier  ni  la  gran- 
deur de  son  caractère,  ni  la  sainteté  de  sa  vie,  ni  ce  qu'il 
y  a  de  pur  et  de  céleste  dans  ses  enseignements.  —  Quant 
i  ceux  qui  ne  voient  qu'une  faWe  dans  l'histoire  du  Christ, 
ils  devraient  comprendre  que,  même  en  tenant  leur  opi- 
nion pour  vraie ,  cette  fable  aurait  exercé  sur  les  peuples  la 
^mj|g)dMa£ki«nfiQ^m^  si  elle  avait  été  le  récit  de  faits  authen- 
^"""TKiques  ;  qu'elle  agirait  par  suite,  à  peu  de  chose  près,  la 
même  valeur  historique  et  philosophique  pour  les  chefs 
des  nations  et  pour  leurs  administrés.  -^  Ces  motifo  nous 
ont  empèdié  de  comparer  entre  eux  les  quatre  Evangiles, 


DU  6IBCLB.  651 

pour  discuter  leur  autorité  relative  et  régler  leur  ooncor- 
dance.  A  quoi  bon  ce  travail ,  où  l'esprit  de  parti  eut  pu 
Yoir  de  la  malveillance  lorsqu'il  s'agissait  uniquement,  à 
nos  yeux,  d'en  faire  comprendre  les  enseignements  et  de 
mettre  uos  lecteurs  en  position  de  bien  juger  l'influence 
qu'ils  ont  dû  exercer  sur  le  développement  de  nos  sociétés 
modernes. 

Le  point  de  départ  de  la  troisième  année  de  la  prédica- 
tion du  Christ  ne  se  trouve  nulle  part  clairement  indiqué. 
Les  principaux  événements  qui  la  concernent  sont  une  série 
de  guérisons  miraculeuses,  l  abandon  de  quelques-uns  de 
ses  partisans ,  ses  prédications  dans  le  temple  «  sa  fuite ,  le 
choix  qu'il  fit  de  soixante-douze  disciples  et  son  retour  à 
Jérusalem. 

11  n'est  besoin  de  reproduire  ici  la  grande  scène  de  la 
femme  adultère ,  ni  l'admirable  parabole  du  Samaritain. 
—  Ces  deux  grands  souvenirs  vivent  à  bon  droit  dans  tous 
les  esprits  et  dans  tous  les  cœurs;  ils  sont  le  plus  expressif 
enseignement  de  la  doctrine  chrétienne.  L  un,  c'est  le 
pardon  de  la  loi  nouvelle  dans  toute  sa  plénitude.  L'étroite 
et  brutale  justice  des  Juifs  admettait  la  vengeance  et  Vex- 
piatiou  par  la  peine  ;  mais  elle  ne  comprenait  rien  à  la 
réhabilitation  des  Ames  repentantes  que  la  conscience  et  le 
regret  d'une  faute  peuvent  relever  soudain  presque  à  la 
hauteur  de  l'innocence  même  ;  et  quant  au  Samaritain , 
cette  parabole  complète  l'enseignement  dogmatique^,  du 
Christ.  —  Il  avait  brisé  les  vieux  sanctuaires,  il  achève,  son 
œuvre  et  détruit  les  vieux  sacerdoces.  Quelle  valeur  restait 
à  tous  les  rites  des  anciens  cultes,  en  face  de  cette  parole  : 
«  Adorez  Dieu  en  esprit  et  en  vérité  1  la  religion ,  c'est  la 
charité!  »  Et  voici  que,  comme  applicatioa  et  comme 
exemple ,  Jésus  pose  en  présence  un  sacrificateur,  un  lévite 
et  un  samaritain;  c'est-àdire,  selon  l'ancienne  loi,  deux 
prêtres  et  un  excommunié.  £h  bien  »  cet  excommunié  fait 
œuvre  de  charité,  et  le  Christ  le  déclare^  c'est  celui-là  qui 
est  le  ministre  de  Dieu ,  qui  est  investi  du  vrai. sacerdoce. 

Nous  ne  redirons  ni  cette  scène  si  touchante  dans  la^ 
quelle  le  Christ.lava  les  pi^  de  ses  apûtres  eâ  leur  ensei- 
gna l'humilité ,  ni  cette  autre,  plus. .caractéristique  encore , 


653  PHILOBOPHIB 

dans  laquelle  il  leur  préseata  le  pain  et  le  vin  qu'il  Tenait 
de  consacrer  ;  mais  nous  rappellerons  renseigûement  qui 
suivit  la  première ,  et  les  faits  qui  succédèreot  à  la  seeoiKle. 
—  Ce  fut  après  avoir  lavé  les  pieds  de  ses  disciples  qu'il 
leur  adressa  ces  tpuchantes  paroles  :  a  Aimet-voui  Us  km 
U$  autres  comme  je  vous  ai  aimés ,  a  et  qu'il  leur  reparla 
longuement  de  Tunité  de  Dieu  et  de  son  verbe. 

On  a  souvent  mal  compris ,  à  notre  sens ,  la  résurrection 
chrétienne.  Jésus  n'a  point  enseigné  que  nous  devons 
ressusciter  en  corps  charnels  et  en  âme  ;  mais  bien  que  nos 
corps  seront  transfigurés  et  que  les  hommes  seront  alors 
wnme  Us  anges  de  Dieu.  Le  Jour  où  il  enseigna  cette  doc- 
trine «  il  dit  aussi  :  «  Voici  le  premier  commandement: 
ji  Tu  aimeras  le  Seigneur  ton  Dieu  de  tout  ton  coBor,  de 
»  toute  ton  âme ,  de  tout  ton  esprit  ;  »  et  il  ajouta  : 

c(  Voici  le  second  commandement ,  qui  est  semblable  au 
»  premier  :  Tu  aimeras  ton  prochain  comme  toiHoaèine. 
»  Ces  deux  commandements  résument  la  loi  et  les  pro- 
n  phètes.  » 

D'où  cette  conséquence  : 

On  sert  Dieu  par  la  fraternité  ;  on  remplit  la  loi  et  les 
prophètes  par  la  (raternité;  on  est  assuré  de  tout  sur  cette 
terre,  nourriture,  abri,  vêtement,  par  la  fraternité  qui 
nous  oblige  tous  au  travail.  On  obtient,  par  la  frateroilé, 
le  règne  de  Dieu  dans  ce  monde,  et  la  vie  des  bienheiiHeia 
dans  une  seconde  existence. 

Ne  voulant  laisser  aucun. doute  à  ses  apôtres  sur  ce  point 
de  sa  doctrine,  il  revint  sur  ce  sujet  peu  de  temps  avant 
sa  mort,  à  l'occasion  dp  jugement  dernier.  «  Aee  jonr, 
Dieu ,  dit^il ,  dira  i  ses  élus  :  »  J'ai  eu  faim ,  et  vous 
»  m'avez  donné  à  manger-,  j'ai  eu  soif,  et  vous  m'avez 
»  donné  h  boire  ;  j'étais  étranger,  et  vous  m'avez  recueilli; 
»  j'étais  nu,  et  vous  m'avez  vêtu;  j^étaiç  malade,  et  vous 
»  m'êtes  venu  voir;  j'étais  prisonnier,  et  vous  m'avez  vir 
M.  site,  n  Alors  les  j^u^tes  diront  :  «  Quant  est-ce,  Seigneur, 
»  que  nous  vous  avons,  vu  souffrir  de  toutes  ces  misères  ?  » 
Et  le  roi  des  cieux  répondant,  leur  dira  :  «  Lorsque  vous 
»  avez  fait  ees  choses  à  Vun  des  plus  petits  devos ficères, 
»  vous  me  .les  avez  faites  à  moi-Baème«  » 


BU  SIÈCLE.  653 

Aussitôt  après  la  PAque ,  le  Christ  s'empresse  de  nier  la 
mort  absolue  en  parlant  de  la  résurrection,  a  Je  ne  rae 
verserai  plus  de  ce  fruit  de  la  vigne ,  ajoute-t-il ,  jusqu'à 
ce  jour  dans  lequel  j'en  boirai  avec  vous  de  nouveau  dans 
le  royaume  de  Dieu,  mon  Père.  »  Ils  chantèrent  ensuite 
le  cantique,  et  sortirent  pour  aller  à  la  montagne  des  Oli- 
viers. Ayant  pris  avec  lui  Pierre  et  les  deux  fils  de  Zébédée, 
il  tomba  dans  une  profonde  mélancolie  et  parut  accablé  de 
douleur.  «  Mon  âme  est  triste  jusqu'à  la  mort ,  leur  dit-il  ; 
demeurez  ici  et  veillez  avec  moi.  »  S'étant  avancé  de  quel- 
ques pas,  il  se  jeta  le  visage  contre  terre,  priant  et  disant  : 
«  0  mon  Père ,  que  cette  coupe  passe  loin  de  moi  s'il  est 
possible;  toutefois,  si  c'est  nécessaire,  que  votre  volonté 
soit  faîte  et  non  la  mienne.  »  Pendant  que  ce  drame  si 
déchirant  se  passait  dans  son  Ame ,  pendant  que  Jésus , 
dans  les  angoisses  de  la  douleur,  entouré  de  disciples  qui 
le  comprenaient  à  peine ,  plongeait  son  regard  profond  sur 
les  races  futures ,  disposé  à  faire  le  sacrifice  de  tout  ce  qui 
lui  était  cher  au  monde  pour  racheter  l'humanité ,  le  calme 
régnait  autour  de  lui  :  Jérusalem  avait  vu  s'éteindre  ses 
lumières,  et  ses  disciples  se  laissaient  aller  au  sommeil.  Il 
revint  à  eux  ;  mais  ils  dormaient,  «  Comment,  leur  dit-il, 
vous  n'avez  pu  veiller  une  seule  heure  avec  moi.  »  Mais 
ceui-ci  ne  comprenaient  pas  encore  que  la  vie  entière  de 
rhumanité  battait  en  ce  moment  au  cœur  de  leur  maître. 
Leur  âme  n'était  pas  à  l'unisson  de  la  sieYine ,  où  se  dérou- 
lait une  série  d'idées  si  déchirantes  en  leur  générosité 
sublime.  Ils  n'avaient  alors  ni  assez  d'intelligence,  ni 
assez  d'amour  pour  souffrir  de  sa  peine.  —  One  seconde 
fois,  Jésus  se  remit  à  prier  :  «  0  mon  père,  s'il  n'est  pas 
possible  que  cette  coupe  passe  loin  de  moi  saifs  qu'elle 
m'abreuve  de. ses  amertumes,  que  ta  volonté  soit  faite.  » 
Une  seconde  fois  il  revint  à  ses  disciples  ;  mais  leurs 
yeux  étaient  appesantis  et  ils  dormaient.  —  Le  cœur  de 
Jésus  était  en  grande  souffrance  ;  cependant  une  troisième 
fois  il  se  remit  en  prière ,  adressant  toujours  à  Dieu  les 
mêmes  paroles.  — '  Rien  ne  saurait  «exprimer  combien  son 
âme  était  navrée,  ni  combien  elle  souffrait  de  la  victoire 
obtenue  par  sa  charité  sur  tous  ces  souvenirs  de  tendresse 

98 


654  PHILOSOPHIE 

et  d'affections  humaines  qui  s'agitaient  en  lui.  De  retour 
une  troisième  fois  près  de  ses  disciples  :  a  Vous  donnez 
encore,  leur  dit-il,  et  cependant  le  Fils  de  l'Homme  va 
être  livré  aux  bourreaux.  »  Il  avait  à  peine  achevé  ces  pa- 
roles lorsqu'une  troupe  d'hommes  armés  d'épées  et  de  bâ- 
tons ,  envoyée  par  les  sénateurs  et  les  prêtres  du  temple , 
s'empara  de  sa  personne,  sous  la  conduite  de  l'apôtre 
Judas.  i(  Eh  quoi  !  leur  dit  le  fils  de  Marie,  vous  êtes 
venus  vers  moi  avec  des  armes,  comme  si  j'étais  un  bri- 
gand. Pourquoi  ne  m'avez-vous  pas  saisi  dans  le  temple  où 
j'étais  assis  au  milieu  de  vous  tous  les  jours  ?  Tout  ceci  est 
arrivé ,  ajouta-t-il ,  afin  que  la  prédiction  des  prophètes 
fut  accomplie.  »  —  Ses  disciples  l'abandonnèrent  et  s'enfui- 
rent; mais  les  gardiens  le  conduisirent  chez  le  grand-prêtre 
Caïphe ,  où  les  scribes  et  les  pharisiens  étaient  assemblés. 

La  doctrine  religieuse  des  Evangiles  étant  assez  complè- 
tement représentée  par  les  paragraphes  que  nous  venons 
de  lui  consacrer,  nous  passons  à  l'œuvre  des  Apôtres. 

Après  le  suicide  de  Judas  Iscariote ,  les  premiers  disciples 
se  trouvaient  réunis  au  nombre  de  cent  quarante.  Pierre 
proposa  de  remplacer  l'apôtre  qui  avait  trahi  son  maître. 

Deux  candidats  furent  présentés  :  on  lira  au  sort ,  et 
Mathias,  désigné  de  la  sorte,  devint  l'un  des  douze. 
Cette  réunion  est  ce  que  l'on  appelle  habituellement  le 
premier  concile. 

Le  second  concile  ou  deuxième  assemblée ,  eut  exclusi- 
vement pour  but  de  créer  sept  diacres  ou  ministres  préposés 
à  la  distribution  des  secours  que  le^  chrétiens  accordaient 
aux  veuves  qui  faisaient  partie  de  leur  communauté.  Ce 
nombre  de  sept ,  qui  se  retrouve  à  chaque  instant  dans  les 
rehgioîis  anciennes  et  souvent  aussi  dans  la  religion  chré- 
tienne ,  a  été  longtemps  maintenu  :  un  concile  défendit 
même  ultérieurement  de  le  jamais  dépasser,  quelque  grande 
que  fût  la  ville  où  les  diacres  pourraient  exercer  leur  mi- 
nistère. Et  de  fait,  en  250,  l'évêque  de  Rome,  Corneille, 
n'en  avait  point  davantaige.  —  Il  saute  aux  yeux  aue  les 
attributions  de  ces  diacres  n'étaient  nullement  celles  des 
nôtres. 


DU  SIÈCLE.  655 

Le  troisième  concile  paraît  avoir  eu  pour  date  Tan  50  ou 
51  de  notre  ère  ;  il  se  tint  à  Jérusalem ,  et  Ton  y  discuta 
cette  question,  alors  si  importante ,  de  savoir  si  les  chré- 
tiens devaient  être  soumis  à  la  loi  juive  ou  si  l'on  pouvait 
les  aflBranchir  du  joug  de  toute  religion  autre  que  celle  du 
Christ.  Cette  dernière  opinion  devait  prévaloir. 

L'apôtre  Jacques ,  évêque  de  Jérusalem ,  fut  en  quelque 
sorte  le  président  de  cette  troisième  assemblée,  qui  envoya 
Paul,  Barnabe  et  deux  autres  chrétiens,  porter  aux  autres 
églises  la  décision  de  celle  de  Jérusalem.  Saint  Pierre  qui , 
dans  le  principe ,  voulait  soumettre  à  la  loi  judaïque  tous 
les  nouveaux  fidèles ,  fut  fortement  blâmé  à  cette  occasion 
par  saint  Paul.  Il  a  été,  sans  le  vouloir.  Fauteur  de  la 
secte  des  nazaréens ,  qui  se  faisaient  circoncire  en  l'honneur 
de  Ho'ise  et  recevaient  ensuite  le  baptême  de  Jésus.  Cette 
secte  existait  encore  au  cinquième  siècle. 

Nous  devons  remarquer,  à  l'occasion  de  ces  trois  conciles, 
qu'aucun  chrétien  ne  fut  obligé,  pour  y  prendre  part,  de 
décliner  ses  titres  et  qualités ,  parce  qu'ils  avaient  en  réalité 
un  gouvernement  direct.  Pierre  n'y  reçut  aucim  honneur, 
et  il  ne  lui  fut  accordé  aucune  suprématie. 

Le  dogme  chrétien  n'était  pas  encore  nettement  formulé. 
Ceux  d'entre  les  disciples  du  Christ  qui  exerçaient  la 
mission  apostolique  enseignaient  :  -  . 

'  L'unité  de  Dieu  ; 

La  résurrection ,  avec  peines  et  récompenses  dans  une 
autre  vie  ; 

La  DMSsion  divine  de  Jésus  en  qui  le  verbe  de  Dieu 
s'était  incarné ,  proposition  susceptible  de  deux  interpréta- 
tions :  l'une  suivie  par  les  catholiques,  l'autre  par  les  ariens 
ou  disciples  d'Arius ,  et  depuis  par  des  musulmans  et  quel- 
ques protestants; 

La  coïncidence  de  cette  mission  avec  les  prophéties  ; 

La  liberté  évangélique  créée  par  la  mort  du  Sauveur, 
dont  la  résurrection  est  le  symbole  de  la  résurrection  de 
l'humanité  ; 

La  puissance  du  sacerdpce  sur  les  extatiques  appelés 
démoniaques. 

Saint  Jean,  saint  Marc  et  saint  Paul  devinrent ,  après  la 


656  .   PHiLOSOPniB 

séparation  des  apôtres ,  les  chefs  de  trois  grands  enseigne- 
ments. —  De  saint  Jean  provinrent  les  joannites.  Les 
templiers  possédaient  un  évangile  spécial  qu'ils  disaient 
emprunté  à  cette  secte  ;  son  interprétation  se  trouve  dans 
un  rituel  qui  a  été  traduit,  en  Angleterre,  sous  la  Restau- 
ration. Nous  en  possédons  une  copie ,  et  nous  n*y  avons 
rien  vu  que  la  science  la  plus  sévère  ne  puisse  accepter. 

Saint  Marc  s'établit  à  Alexandrie.  Le  christianisme  se 
posa  dans  cette  ville  pour  ce  qu'il  était  en  effet.  li  s'aflBrraa 
comme  le  résumé  le  plus  élevé  de  la  science ,  de  1«  morale 
et  de  la  philosophie  des  civilisations  passées.  Cet  apôtre 
eut  pour  successeurs  Pantœnus ,  saint  Clément  et  le  célèbre 
Origcne. 

Saint  Paul  s'occupa  de  dogme  et  d'organisation  pratique. 
Il  rattacha  les  croyances  chrétiennes  aux  croyances  juives 
par  un  lien  subtil,  mais  vigoureux,  en  établissant  les 
rapports  du  Christ  avec  la  promesse  d'Abraham .  Il  expli- 
qua comment  il  faut  comprendre  la  charité  qu'il  représente 
comme  l'ensemble  des  qualités  morales  qui  fomofent  la 
sociabilité.  Il  y  a  trois  vertus ,  dit-il  aux  Corinthiens  en 
son  treizième  chapitre,  à  savoir  :  la  foi,  l'espérance  et  la 
charité  ;  mais  des  trois ,  la  plus  grande  c'est  la  charité. 

Ailleurs  il  dit  encore  : 

«  Quand  même  je  parlerais  la  langue  des  anges,  si  je 
»  n'ai  point  la  charité,  je  ije  suis  que  comme  Tairaîn  qui 
n  raisonne,  ou  comme  une  cymbale  qui  retentît.' 

»  Et  quand  même  j'aurais  le  don  de  prophétie»  et  que 
».  je  connaîtrais  tous  les  mystères  et  la  science  de  toutes 
i)  choses,  et  quand  même  j'aurais  toute  la  foi,  jusqu'à 
»  transporter  les  montagnes,  si  je  n'ai  poin^  la  charité,  je 
»  ne  suis  rien. 

))  Et  quand  même  je  distribuerais  tout  mon  bien  pour 
>i  la  nourriture  des  pauvres,  et  que  même  je  donnerais 
»  mon  corps  pour  être  brûlé,  si  je  n'ai  point  la  cbarité, 
j^  cela  ne  me  sert  de  rien. 

))  La  charité  est  patiente  ;  elle  est  pleine  de  bonté.  La 
» .  charité  n'est  point  envieuse  ;  là  charité  n'est  pomf  inso- 
»  lente  ;  elle  ne  s'enfle  point  d'orgueil. 

»  Elle  n'est  point  malhonnête ,  elle  ne  cherche  point 


BU  SIÈCLE.  657 

»  son  intérêt ,  elle  ne  s'aigrit  point ,  elle  ne  soupçonne 
I»  point  le  mal. 

»  Elle  ne  se  réjouit  point  de  l'injustice  ;  mais  elle  se  ré- 
»  jouit  de  la  vérité. 

»  EUe  excuse  tout,  elle  croit  tout,  elle  espère  tout,  elle 
»  S(]y[>porte  tout.  » 

La  première  épitre  de  saint  Paul  aux-  Corinthiens  nous 
donne  de  curieux  renseignements  sur  les  premiers  chré- 
tiens. Il  y  avait  alors  parmi  eux  beaucoup  d'hommes  et  de 
femmes  ayant  abusé  des  jouissances  et  faisant  un  retour 
en  Jésus--Christ  aux  espérances  d'une  vie  nouvelle ,  après 
les  fatigues  et  les  dérèglements  d'une  existence  agitée  ; 
c'était  surtout  le  prolétariat  de  l'époque  qui  se  donnait  k 
Jésus^Christpdans  la  personne  des  employés  les  plus  subal- 
ternes, des  ouvriers  des  corps  de  métiers  et  des  esclaves. 
Àus^  le  grand  apôtre  disait-il  :  (c  Dieu  a  choisi  les  fous  et 
les  faibles  pour  confondre  les  sages  et  les  forts.  »  —  Aux 
conseils  quil  adresse  aux  veuves,  il  est  permis  de  croire 
qu'un  grand  nombre  se  livraient  au  libertinage,  surtout 
dans  les.  classes  inférieures,  cherchant  alors,  comme  do 
nos  jours,  par  une  prostitution  clandestine,  à  se  dérober 
aux. obligations  du  travail  dicté  par  les  exigeances  de  la 
vie.  —  Aux  conseils  qu'il  donne  aux  évêques ,  il  est  na- 
turel de  penser  que  les  mauvaises  mœurs  et  l'ivrognerie 
étaient  alors  chose  plus  commune  que  de  nos  jours.  Leur 
eul-il  si  fort  recommandé  d'être  les  époux  aune  *seule5 
épouse,,  si  la  polygamie  tacite,  celle  qui  ne  s'écrit  pas  dans 
la  loi,  ioai|tqui  se  pratique  trop  souvent  au  grand  jour, 
n'avait  été  Tusagc  habituel  d'un  bon  nombre  des  habitants 
des  villes  jde  l'empire  romain.  C'est  donc  au  milieu  d'une 
société  profondément  divisée ,  religieusement  réglée  par  un 
polythéisme  stupide ,  soumise  à  des  divinités  méprisables  ; 
ftu  milieu  d'un  monde  spirituellement  travaillé  par  les  phi- 
lofiophos  et  les  sages ,  matériellement  livré  aux  débauches 
les  plus- dégoûtantes,  à  des  vices  contre  nature,  à  ces  hi- 
deuses et  crimineUes  orgies  que  décrit  avec  tant  de  com- 
plaisance le  roman  de  Pétrone  ;  c'était  dans  une  société  à 
esclaves  et  à  prolétaires  de  toutes  les  sortes  et  de  tous  les 
degrés,  que  les  apôtres  devaient  travailler  à  la  vigne  du 


658  PHILOSOPHIB 

Seigneur.  II  y  avait,  on  ne  peut  se  le  dissimuler,  de  grands 
éléments  de  succè$,  pour  des  hommes  chargés  de  déposer 
dans  cette  terre ,  dans  cet  humus  formé  des  débris  de  tant 
de  peuples  et  de  civilisations  passées,  Tidée  de  l'unité 
sous  toutes  les  formes  et  sous  tous  les  aspects  :  unité  de 
Dieu ,  unité  de  salut  ;  unité  de  baptême  ou  de  rachat  en 
Jésus-Christ  des  fautes  passées,  unité  de  croyances ,  unité 
d'espérances ,  unité  de  sympathies  et  de  charité ,  unité  de 
morale,  unité  des  petits  et  des  grands,  tous  égaux  devant 
Dieu,  unité  des  peuples  de  la  terre  transformés  en  une 
seule  famille  humaine ,  communiant  en  Jésus-Christ- 
La  pratique  sociale  des  premiers  chrétiens  nous  est  par- 
faitement connue ,  même  on  ce  qui  concerne  le  temps  des 
apôtres.  « 

Tous  ceux,  disent  les  actes,  qui  croyaient  en  Jésus-Christ 
vivaient  ensemble  dans  un  même  heu,  ayant  toutes  choses 
communes. 

Ils  vendaient  leurs  propriétés  et  leurs  biens  de  toate 
nature  et  les  distribuaient  à  tous,  selon  les  besoins  de  cha- 
cun. 

Tous  les  jours  ils  allaient  au  temple  où  ils  étaieot  en 
mutuel  accord,  rompant  lo  pain  de  maison  en  maison, 
prenant  leur  repas  avec  joie  et  simplicité  de  cœur. 

Louant  Dieu  et  étant  agréables  à  tout  le  peuple.  Axisst 
le  Seigneur  ajoufait-il  tous  les  jours  à  l'Eglise  de  nouveaux 
prosélytes  pour  le  salut. 

Ainsi  se  termine  le  deuxième  acte  des  apfttres,  et  de 
nombreuses  citations  viendraient  appuyer  au  hl^oin  ce  qui 
précède ,  l'expliquer  même  et  le  commenter  si  toutefois  un 
texte  aussi  clair  avait  besoin  le  moins  du  monde  d'interpiré- 
tation. 

Ce  socialisme  accordait  trop  à  la  communauté  pour  pou- 
voir durer  de  la  sorte  :  aussi  cessa-t-il  bientôt  d'être  en 
usage.  Mieux  réglementé,  il  fut  devenu  pour  toujours  la 
pratique  des  disciples  du  Christ  et  de  leurs  succtîssetirs  ; 
mais  la  science  n'avait  pas  encore  posé  le  coaiunmJLLissfB 
comme  moyen  de  résoudre  les  difficultés  soci'ales,  en  accor- 
dant au  communisme  et  à  l'individualisme  leurs  droits  lé- 
gitimes. 


nv  SIÈCLE.  6o9 

Les  apôtres  et  leurs  disciples  se  bornèrent ,  et  nous  de- 
Yoas  insister  avec  force  sur  ce  point ,  à  copier,  sans  y  rien 
changer,  les  formes  juives.  Ils  eurent  une  église  composée 
de  tous  les  chrétiens,  qui  correspondait  à  la  grande  commu- 
nauté des  juife ,  et  des  églises  partielles  qui  correspondaient 
à  leurs  synagogues.  Nous  pouvons  donc  affirmer  que  la  pa- 
roisse chrétienne  n'est  autre  chose  qu'une  dérivation  de  la 
synagogue  juive,  qu'une  appropriation  d'un  élément  anté- 
rieur que  le  christianisme  a  modilié  selon  son  esprit ,  beau- 
coup plus  spiritualiste  que  celui  des  juifs. 

Gardons-nous  de  croire  que  les  développements  de  la 
religion  nouvelle  aient  eu  lieu  aux  deux  premiers  siècles 
sans  de  vives  discussions.  —  Nous  trouvons ,  au  second 
siècle,  la  secte  des  nazaréens  qui  ne  considère  Jésus  que 
comme  un  homme  aux  enseignements  divins  ;  —  des  fan- 
tastiques, qui  disent  qu'il  n'y  a  eu  que  l'apparence  d'une 
incarnation; —  des  cérinthiens,  qui  regardent  le  Christ 
comme  un  prophète  et  non  comme  un  Dieu  ;  —  des  gnos- 
tiques,  qui  varient,  mais  dont  beaucoup  mélangent  ensem- 
ble les  doctrines  de  Platon ,  de  Pythagore  ,  de  Zoroastre 
et  de  Jésus  ;  —  d'autres,  comme  Saturnin,  condamnaient 
le  mariage.  —  Les  anti-trinitaires  accusaient  les  chrétiens 
de  s'être  emparés  des  croyances  de  Platon  et  de  son  dogme 
de  la  trinité.  —  La  cabale  mélangeait  les  doctrines  des 
ess^iens  aux  initiations  des  anciens  sanctuaires  d'Egypte  ; 
elle  avait  un  alphabet  astronomique  et  prétendait  expliquer 
le  sens  vrai  des  Ecritures.  Le  monde  se  remplissait  d'évan- 
giles :  cha^pe  sectaire  écrivait  le  sien.  Il  n'y  en  avait  pas 
moins  de  quarante  qui  eussent  cours.  Rappelons  encore  les 
caïnistes,  qui  donnaient  à  la  Bible  une  toute  autre  inter- 
prétation que  nous,  et  regardaient  Gain  comme  un  second 
Adam ,  œuvre  du  principe  supérieur.  Les  sethiens  disaient 
que  le  Christ  et  Seth  c'était  tout  un.  Les  quatuor-décimans 
célébraient  la  Pâque  le  même  jour  que  les  juifs.  Les  fa- 
tianites    traitai^t   le  mariage   de    débauche.   Rappelons 
aussi  la  Misna,  ou  recueil  des  constitutions  juives,-  publiée 
à  cette  époque  ;  les  hermiens ,  qui  soutenaient  que  Christ 
n'est  pas  ressuscité,  que  le  monde  est  étemel,  que  la  ré- 
surrection c'est  la  génération  ;  puis  les  philosophes  Epictète, 


660  PHILOSOPHIE 

Marc-Aurèle,  Apulée,  Tertuliea,  et  nous  aurons  indiqué 
sommairement  la  tendance  des  esprits  ;  toutefois,  mal^ 
ses  divisions,  le  christianisme  se  développait  et  teadait 
incessamment  à  s'universaliser,  à  devenir  une  catholicité. 

Deux  mouvements  analogues  se  faisaient  alors  dans  le 
monde  :  Tun  oriental,  le  boudhisme ,  très -passionné 
malgré  ses  formes  graves  et  son  calme  apparent;  raulre 
occidental ,  beaucoup  plus  mélangé  •  d'hérésies  et  de  phi- 
losophies  diverses.  Ici ,  toutes  les  opinions  se  touohaieot, 
se  coudoyaient  incessamment.  Ces  deux  mouvements^  $i  peu 
comparés  par  Thistoire ,  malgré  leurs  similitudes ,  ont  eu 
des  résultats  identiques  :  un  papisme  de  plus  en  plus  puis- 
sant ,  puis  subolternisé ,  en  Orient  et  en  Occident  ^  aux 
grands  pouvoirs  civils.  —  Que  d'enseigne^ments  dans  cette 
étude ,  si  elle  était  largemeat  présentée  ! 

L'organisation  catholique  était  et  a  été  longtemps  bien 
diiTcrente  de  ce  que  nous,  la  voyons.  Il  n'y  avait -d'abord 
aucune  distinction  entre  les  évêchés  et  ce  que  noas- appe- 
lons les  paroisses.  L'évèque  seul  disait  la  messe  :  c'était 
lui  qui  baptisait ,  qui  confirmait ,  qui  imposait  les  péoi- 
tences  publiques  ;  quant  aux  péoitenees  privées ,  ri^i  ne 
prouve  que  la  confession  telle  que  nous  la  pratiquons  &t 
4ors  en  usage.  Les  prêtres  se  avariaient.  Le  difflancfae, 
ainsi  que  tous  les  fidèles,  ils  assistaient  à  la  messe  parois- 
siale de  révoque.  La  dignité  d'archidiacre  était  trè^-élevée; 
ce  n'était  point  par  rang  d'ancienneté,  mais  par  droit  de 
capacité  que  l'on  y  parvenait.  L'archidiacre  était  le  vicaire 
général  de  Tévêque,  son  véritable  coadjuteur.  Sl||nt  Ignace, 
saint  Justin,  les  canons  apostoliques  et  Eusèbe  viennent, 
par  leurs  écrits^  à  l'appui  de  ce. qui  précède  ;  ils  établissent 
que  les  premières  églises  de  la  /chrétienté  furent  instituées 
à  l'instar  de  celle  de  Jérusalem ,  et  consacrées  à  des  peu- 
ples. Plus  tard,  on  sentit  le  besoin  de  les  multiplier  et 
d'accorder  aux  évQchés  des  circonscriptions  territoriakes 
beaucoup  plus  restreintes.  Au.  temps  du  pape  ComôHe, 
le  clergé  de  Rome  se  composait  de  quarante-quatre  prêtres, 
sept  diacres ,  au,tant  de  sous^iacres  et  de  mincstrea  infé- 
rieurs. La  communauté  des  fidèles  de  Rome  avait  alors  à 
sa  charge  ses  veuves  et  ses  malades  qu'elle  nourrissait.  Il 


tV  SIÈCLE.  661 

ne  parait  pas  que  Toiii^it  dit  la  messe  dans  les  églises  secon- 
daires de  la  ville  de  Rome  avant  le  cinquièma  siècle  : 
les  campagnes  de  la  banlieae  en  étaient  dépourvues.  La 
lecture,  la  prière,  le  travail  manuel,  la  prédiôaHon,  les 
instructions  familières,  telles  étaient  alors  les  fonctions 
des  curés.  L'élection  des  évoques,  entièrement  démocra- 
tique, était  faite  par  tous  les  prêtres,  les  diacres  et  les 
chrétiens  du  diocèse.  —  C'est  ainsi  que  de  grandes  com- 
munes spirituelles  se  fondaient  à  petit  bruit  dans  le  monde, 
sous  le  régime  d'une  communauté  matérielle  et  spirituelle 
pmsqu'absolue  entre  les  premiers  chrétiens. 

Quelques  faits  manquent  à  cette  esquisse  ;  les  voici  : 

Les  philosophies  stoïque,  pythagoricienne  et  platoni- 
cienne se  réunirent  un  jour  au  christianisme,  dans  la  per- 
sonne de  saint  Justin,  qui  publia  une  apologie  de  la 
religion  nouvelle  sans  déserter  des  doctrines  qu'il  croyait 
pouvoir  allier  à  ses  croyances  religieuses. 

Les  grandes  assemblées  chrétiennes  de  ce  temps  s'occu- 
paient surtout  du  cérémonial. 

Saturnin,  Basilide  et  Carpocrate,  disciple  de  Simon  le 
magicien,  furent  séparés  de  l'Eglise  sous  le  règne  d'Adrien  ; 
Harcion  et  Valentin ,  sous  celui  d'Antonin  le  pieui  ;  Mon- 
tanns,  Prisoilla  et  Maximilla,  sous  Commode,  sans  qu'au 
Gun  eoncile  ait  été  formé  pour  juger  et  condamner  leurs 
opinions.  On  peut  affirmer  qu'avant  le  concile  de  Nicée ,  il 
n'en  est  qu'un  seul  qui  ait  eu  le  dogme  pour  but. 


ÂGEIGULTUREf   mDUSTRIES ,   COXHBRCE  ET  SCIBIfCES 
AUi:  BBtJX   PREMIERS  SIÈCLES. 


L'agriculture  était  alors  plus  avancée  qu'au  déclin  du 
Bfoyen-Age  ;  elle  avait  étudié  avec  soin^les  animaux  domes- 
tiques et  cultivait  les  chevaux,  les  moutons  et  le  gros  bétail 
dans  les  centrées  les  mieux  appropriées.  L'arboriculture  était 
très-habile  ,  ainsi  que  l'exploitation  des  bois.  Los  récoltes 
étaient  alternées.  Les  plantes  fouragères  (ce  que  nous 

28» 


662  PHILOSOPHIE 

appelons  les  verds)  avaient  toute  rim§ortauce  actuelle  dans 
les  assolements.  La  charrue  offrait  un  versoir  convenable  ; 
les  autres  instruments  agricoles  étaient  à  l'avenant.  L'art 
des  irrigations,  importé  d'Orient,  se  répandait  partout  et 
faisait  des  merveilles  que  nous  n'avons  pas  suffisamment 
imitées  et  multipliées.  La  fabrication  des  engr^iis  était  déjà 
ce  qu'elle  est  encore  en  beaucoup  de  nos  contrées  euro- 
péennes, ce  qu'elle  était  généralement  vers  le  commence- 
ment de  notre  siècle.  La  fiente  des  pigeons  et  les  poudrettes 
fabriquées  avec  soin  étaient  aussi  estimées  que  de  nos 
jours.  Ces  engrais  s'employaient  sous  forme  pulvérulente. 
—  Les  Romains  avaient  fait  de  la  panification  un  art  culi- 
naire. Ils  connaissaient  plus  de  soixante  espèces  de  vins. 
Toutes  les  finesses,  toutes  les  habiletés  de  notre  commerce 
actuel  étaient  déjà  répandues ,  et  Cette  savait  imiter  à  s'y 
méprendre  les  produits  des  meilleurs  crus.  Les  livrer 
d'agronomie  des  Romains  nous  parlent  aussi  de  leurs 
vinaigres,  du  sucre  des  roseaux  d'Arabie,  des  miek,  des 
cires,  des  cidres,  des  hydromels  et  d'une  foule  de  pro- 
duits. 

Le  commerce  méditerranéen  était  immense.  Le  commerce 
oriental  se  faisait  par  le  Nord  de  la  Perse  et  par  mer,  en 
suivant  la  voie  d'Alexandrie.  Marc-Aurèle  le  développa  en 
créant  des  relations  avec  la  Chine ,  principalement  pour 
l'importation  des  tissus  de  soie. 

La  chimie  avait  alors  deux  formes  :  l'une  secrète  ,  l'autre 
pratique  et  industrielle.  Celle-ci  savait  préparer  la  potasse 
à  la  chaux,  utiliser  les  lies  de  vin,  fabriquer  le  verre, 
séparer  l'or,  l'argent  et  le  cuivre  de  leurs  minerais.  Elle 
distinguait  trois  oxides'de  fer,  le  zinc,  son  oxide,  ses 
alliages  ;  elle  connaissait  le  plomb ,  le  miiiium ,  la  céruse. 
Le  vol  par  les  sophistications  était  déjà  usuel.  Le  mercure 
et  son  sulfure  rpuge  avaient  emploi  ainsi  que  l'arsenic  et 
ses  préparations.  Beaucoup  de  propriétés  de  Tarsenic  el 
de  divers  sulfures,  que  nous  croyons  assez  nouvelles, 
étaient  déjà  connues. 

La  science  des  poisons  (toxicologie),  cette  branche  de  la 
médecine,  était  assez  avancée,  et  le  grand  monde  de  Rome 
y  recourait  souvent.  Discoride  et  Pline  nous  apprennent 


BU  SIÈCLE.  663 

que  Ton  employait  tifts  préparations  arsenicales  ;  le  sul- 
fure de  mercure,  les  sels  de  cuivre.  L'action  spéciale 
des  préparations  de  plomb  était  connu.  Les  narcotiques 
étaient  la  fameuse  mandragore,  les  euphorbiacoes ,  la 
cigiié,  Tellébore  blanc,  les  champignons  vénéneux,  Teau 
distillée  de  fleurs  de  pêcher.  Le  venin  dés  serpents  et  les 
produits  de  la  putréfaciion,  voilà  les  poisons  connus  du 
règne  animal. 

Les  industries  manufacturière  et  minière  s'occupaient  de 
la  fabrication  des  savons ,  de  celle  du  verre ,  des  émaux , 
des  pierres  précieuses  factices  et  de  l'exploitation  des  raines, 
qui  était  excessivement  cruelle  pour  les  ouvriers  que  l'on 
faisait  toujours  marcher,  vieillards,  femmes,  enfants,  le 
fouet  à  la  main. 

Au  premier  siècle ,  Alexandrie  était  la  ville  des  sciences 
exactes.  Au  second,  Ptolémée  y  trônait  :  il  fit  malheu- 
reusement admettre  que  la  terre  est  au  centre  du  monde. 
Viemient  ensuite ,  en  son  système ,  la  Lune ,  Mercure , 
Vénus,  le  Soleil,  Mars,  Jupiter,  Saturne  et  les  étoiles  fixes  ; 
c'est-à-dire  qu'il  faussa  le  système  vrai  découvert  avant  lui. 
Il  étudia  le  mouvement  des  fixes ,  et  se  trompa  de  vingt- 
huit  ans  sur  sa  durée.  11  en  fit  un  catalogue ,  œuvre  admi- 
rable de  patience  et  de  calcul,  puisqu'il  releva  les  longitudes 
et  latitudes  de  mille  vingt-deux  étoiles.  Il  a  écrit  huit  livres 
sur  la  gréographie ,  où  l'on  troiwe  quelques  positions  dé- 
terminées scientifiquement.  OrrKii  attriJbue  des  rêveries 
astrologiques  et  un  ouvrage  sur  la  musique  qui  fournit 
des  données  sur  l'état  de  ce  grand  art  à  cette  époque. 

Celse ,  dont  nous  ne  possédons  pas  tous  les  ouvrages , 
est  le  médecin  le  plus  autorisé  du  premier  siècle.  Ses  livres 
de  médecine  vétérinaire  et  d'agriculture  sont  perdus.  Ses 
connaissances  ànatomiques  sont  inférieures  à  celles  des 
Alexazidrins.  Ses  préceptes  médicaux  sont  dictés  par  une 
eiptétimentation  selon  la  physiologie  et  les  faits  alors 
connus.  Sa  chirurgie  est  la  base  de  notre  chirurgie  actuelle  ; 
il  a  eu  le  grand  mérite  d'introduire  dgns  l'étude  des  mala- 
dies-, l'idée  de  l'importance  spéciale  des  organes,  en  divisant 
le  corps  et  les  affections  selon  les  régions.  Il  a  jeté  le  pre- 


664  PHiLosopjaiE 

mier  une  grande  lueur  dans  cette  érection ,  où  l'école  de 
Paris  devait  se  signaler  de  1815  à  1860. 

Archigène  d'Âpamée  fut ,  vers  ce  temps,  le  prédécesseur 
de  ces  hommes  médiocres  qui  croient  avoir  fait  de  la  sdenee 
en  changeant  ou  créant  des  mots*  Toutefois,  il  s'est  montré 
habile  observateur  en  ce  qui  concerne  la  catalepsie  et  les 
fièvres  intermittentes, 

Arétée  de  Cappadoce  est  le  premier  qui  ait  placé  en  tête 
de  l'histoire  de  chaque  maladie  la  description  de  son  lieu 
anatomique. 

Citons  encore  Philagrius ,  qui  pratiquait  l'opération  de 
la  pierre  par  le  haut  appareil  ;  Léonidas ,  qui  observa  le 
dragonneau,  étudia  les  hernies,  opéra  des  cancers  par 
ablation  chirurgicale  et  sut  guérir  la  fistule  à  Tamis  par  le 
procédé  que  Pott  a  fait  revivre.  Sa  description  des  ulcères 
et  autres  maladies  des  parties  génitales ,  prouve  que  la 
syphilis  n'existait  pas. 

Galiën  domine  tout  le  deuxième  siècle.  — Il  a  fait  des 
erreurs  anatomiques,  parce  qu'il  disséquait  peu  d'hommes 
et  beaucoup  d'animaux  ;  mais  à  côté  il  a  placé  drailles 
découvertes. 

Il  croyait  que  les  veines  naissent  du  foie  et  les  artères 
du  cœur  ;  mais  il  connaissait  les  anastomoses  des  artères  et 
des  veines.  L'anastomose  des  vaisseaux  du  sein  avec  eeiii 
de  l'abdomen  lui  servait  à  expliquer  les  sympathies  de  c^ 
organe  et  de  la  matrice.   ^' 

GaUen  faisait  dériver  dutt^rveau  leis  nerfs  des  seasalions, 
de  la  moelle  épinière  ceux  du  mouvement.  Il  plaçait  au 
cerveau  l'âme  raisonnable  de  Platoq  ;  dans  le  ccdur,  le  6ou- 
rage  et  la  colère.  Il  attribuait  les  désirs  au  fde  :  c'était  une 
erreur ,  mais  cette  erreur  devait  conduire  à  bien  apprécier 
un  jour  toutes  ces  informations  intimes  que  les  sens  internes 
fournissent  à  rètre  humain.  Il  ne  connaissait  que  deux  des 
branches  du  nerf  trijumeau  ;  il  a  décrit  assez  bien  le  nerf 
vague  et  ses  relations  avec  le  grand  sympathique  ^  mais  il 
faisait  dériver  ce  dernier  de  la  huitième  paire. 

Galien  fit  quelques  expérimentations  cuirieuses  :  la  seetion 
de  la  branche  cervicale  qui  se  rend, à  Tomoplate  lui  servit 
à  prouver  l'action  des  nerfs  sur  les  muselés  sus  et  sous- 


BU  SIÈCLE.  663 

épineux.  Il  privait  leflh  animaux  de  la  voix  en  coupant  les 
muscles  intercostaux,  ou  en  liaut  le  nerf  récurrent ,  ou 
encore  en  attaquant  la  moelle  épinière. 

Il  distinguait  trois  forces  dans  le  corps  :  les  vitales ,  pro* 
venant  du  cœur  ;  les  animales ,  liées  au  cerveau  ;  les  na- 
turelles ,  placées  sous  la  dépendance  du  foie. 

Le  pneuma  ou  esprit  donnait ,  selon  lui ,  au  cœur  et  aux 
vaisseaux  leur  impulsion  :  de  là  le  pouls.  11  croyait  à  tort 
que  l'air  respiré  s'échappe  en  partie  et  se  glisse  entre  le 
plèvre  et  les  poumons.  Il  savait  que  la'  respiration  s'exécute 
au  moyen  du  diaphragme  et  des  muscles  de  la  poitrine  ; 
il  la  croyait  destinée  à  rafraîchir  le  sang,  à  introduire  dans 
le  corps  une  nouvelle  quantité  de  force  vitale  et  de  plus  à 
purifier  le  pneuma  de  ses  parties  nuisibles  à  l'écono- 
mie. 

Ce  pneuma  (cet  être  platonicien)  était  encore  pour  lui 
la  source  des  forces  de  l'âme.  Porté  au  cerveau  avec  le 
sang ,  il  subissait  préalablement  Les  réactions  de  l'écono- 
mie: de  là,  selon  Galien,  l'influence  du  physique  sur  le 
moral.  • 

Toutefois  ne  soyons  point  si  sévère  qu'on  l'a  été  jusqu'à 
ce  jour  pour  le  pneuma  de  cet  homme  célèbre.  Evidemment 
c'âait  un  pressentiment  de  l'oxigène. 

GaUen  a  partagé  les  idées  erronées  de  son  siècle  >9ur  la 
génération  ;  il  admettait  que  le  testicule  droit  produit  les 
mâles,  le  gauche  les  femelles.  U  faisait  jouer  aussi  un 
çrand  rôle  aux  quatre  éléments^  et  aux  quatre  humeurs  de 
récononaie. 

Les  maladies  étaient  pour  lui  des  états  contre  nature 
des  parties  simjJies  et  similaires,  ou  des  organes  eux- 
mâmes  ;  de  là  des  maladies  générales  et  des  affections  lo- 
<Niles.  Il  admettait  huit  sources  de  variations  anormales 
poor  les  parties  simples  ;  quant  aux  maladies  locales,  éUes 
étdent  réglées  par  la  forme ,  la  structure ,  l'importance  et 
le  nombre  des  oif^anes  lézés.  il  définissait 'le  symptôme  un 
dérangement  de  fonctions,  un  (diangement  des  qualités 
apparentes  ou  mae  variation  de  aej^rétion.  Il  reconnaissait 
des ' causes  éloignées,  des  causes  pirochaises,  des'  causes 
u^eriies,  des  causes  estcvnes.  En  le  Usant,. il  faut  toujours 


666  PHILOSOPHIB 

tenir  compte  de  ce  qu'il  appelle  putridité  tout  changement 
de  nature  des  humeurs  quel  qu'il  soit. 

Galien  regardait  cette  putridité  comme  la  source  de  la 
fièvre  ;  mais  il  distinguait  entre  la  cause  primitive  et  ses 
effets  consécutifs ,  qui  ajoutent  à  la  fièvre  par  leur  réac- 
tion sur  le  cœur  et  sur  toute  l'économie.  Il  professait  une 
singulière  doctrine  sur  les  intermittentes  :  la  pituite  pro- 
duisait la  fièvre  quotidienne;  la  bile,  la  fièvre  tierce; 
l'atrabile ,  la  fièvre  quarte. 

Cette  dernière  humeur  étant  plus  difficile  à  mettre  en 
mouvement,  exigeait  plus  de  temps  pour  provoquer  ses 
accès. 

L'introduction  du  sang  dans  une  partie  qui  en  est  dé- 
pourvue, voilà,  selon  Galien,  la  source  de  rinflammation. 
Sa  manière  de  considérer  les  hémorrhagies  est  encore  en 
vigueur. 

Il  pratiqua,  dit-on,  la  chirurgie  avec  succès;  mais 
en  s'abstenant  des  opérations,  ce  qui  était  un  véritable 
non-sens.  Il  mourut  laissant  la  réputation  la  plus  bril- 
•  lante. 

Impossible  de  passer  outre  sans  parler  de  Pline.  Cet 
écrivain  nous  a  laissé  une  encyclopédie  un  peu  sans  ordre, 
en  trente-sept  livres  :  c'est  une  véritable  causerie  d'homme 
d'esprit  et  de  savoir,  très-verbeux  en  son  genre ,  qui  tient 
à  tout  dire  et  beaucoup ,  à  dire  quand  même ,  encore  qu'il 
n'ait  pesé  la  portée  de  ses  paroles.  —  Quelquefois  c'est 
Rabelais,  plus  souvent  c'est  Montaigne  ;  il  rappelle  aussi 
Aristote.  D'autres  fois  on  dirait  une  vieille  femme  crédule , 
mais  habile  à  narrer;  puis  il  redevient  lui,  penseur  pro- 
fond, philosophe  aux  grands  apeiçus.  Son  second  livre 
est  à  lui  seul  un  cosmos.  Il  y  parle  de  Dieu  en  noble  lan- 
gage. Ouvrez  un  de  ses  livres,  n'importe  lequel,  et  bientôt 
vous  le  connaîtrez.  Voici  le  septième  :  l'auteur  y  traite  des 
singuliers  aspects  de  quelques  espèces  humaines ,  —  de 
la  génération ,  —  des  ressemblances ,  —  de  la  grossesse , 
—  des  supériorités  diverses  sous  le  rapport  des  sens  et 
des  facultés  intellectuelles ,  —  des  colons  et  des  esclaves , 
question  qu'il  ne  savait  nullement^  ^—  des  signes  de  mort 


L 


DU   SIECLE.  667 

des  morts  apparentes ,  —  de  Tâme  et  des  esprits ,  —  des 
premiers  inventeurs  de  plusieurs  choses ,  —  des  premiers 
baibiers  de  Rome  et  des  premiers  inventeurs  d'horloges. 
—  Les  autres  livres  vont  ainsi  du  coq  à  Tâne. 

Passons  aux  travaux  pubUcs. 

A  côté  des  palais  si  vantés  de  cette  époque ,  dont  on 
admire  encore  les  vestiges,  nous  devons  citer,  comme 
ayant  une  toute  autre  importance,  les  égoûts  de  la  ville,  les 
aqueducs  et  les  grandes  routes  de  Tempire.  Sous  toutes  les 
rues  de  Rome  Ton  pouvait  aller  en  bateau  dans  les  égoûts. 
La  hauteur  de  ces  souterrains  était  suffisante  pour  laisser 
passer  des  charriots  chargés  de  foin.  Le  gendre  d'Auguste, 
Agrippa  y  fit  parvenir  sept  conduites  d'eau  très -abondan- 
tes, véritables  torrents  entraînant  tout  sur  leur  passage. 
Les  auteurs  qui  ont  décrit  ces  voies  souterraines  ne  peu- 
vent taire  leur  étonnement  et  n'en  parlent  qu'avec  un  mé- 
lange de  surprise  et  d'admiration.  Les  aqueducs,  et  sur- 
tout ceux  de  Rome,  nous  donnent  une  juste  idée  de  cette 
profusion  avec  laquelle  on  distribuait  les  eaux  dans  les 
grandes  villes  de  l'empire ,  et  des  obstacles  qu'on  savait 
vaincre  pour  leur  en  procurer  :  montagnes  à  percer,  collines 
à  aplanir,  arcades  gigantesques  à  jeter  sur  les  vallées,  tout 
dans  ces  ouvrages  hydrauliques  avait  quelque  chose  d'assez 
grand  pour  captiver  les  imaginations,  d'assez  vaste  pour 
employer  une  immense  quantité  de  main-d'œuvre.  Rome  a 
possédé  jusqu'à  quatorze  aqueducs  ;  leurs  voûtes  étaient 
si  élevées  qu'un  homme  pouvait  s'y  tenir  à  cheval,  et 
quelquefois  des  ponts  merveilleux  qui  joignaient  deux 
montagnes,  suspendaient  les  eaui  à  plus  de  cent  pieds 
d'élévation.  Quant  aux  routes,  elles  méritent  qu'on  s'arrête 
un  peu  plus  longuement  à  leur  description. 

Ici,  comme  pour  les  aqueducs ,  c'étaient  encore  les  ponts 
qui  formaient  la  partie  la  plus  saillante.  Les  auteurs  latins 
citent  surtout,  en  Italie ,  le  pont  de  Narni ,  situé  sur  la 
voie  flaminienne  ;  le  pont  de  Tévéron ,  ruiné  par  les  Goths 
et  rétabli  par  Narsès,  lieutenant  de  Justinien;  le  pont 
d'Auguste,  à  Rimini.  Ce  dernier  joignait  cette  ville  h  la 
voie  flaminienne.  Genève ,  Lyon ,  Vienne  »  Avignon ,  dans 


668  .  PHILOSOPHIE 

les  Gaules ,  possédaient  des  ponts  magnifiques  dus  aux  tra- 
vaux des  armées  romaines.  En  Espagne ,  le  pont  du  Gua- 
dalquivir;  celui  de  Trajan,  près  Salamanqae,  dont  les 
voûtes,  au  nombre  de  vingt-six,  avaient  soixante-douze 
pieds  d'ouverture  ;  celui  d'Alcantara ,  sur  le  Tage ,  qui 
offrait  six  arcades  de  quatre-vingt-^quatre  pieds  chacune  et 
une  élévation  de  deux  cents  pieds  au-dessus  du  fleuve , 
excitaient  au  plus  haut  degré  l'admiration.  Nous  savons 
aussi  qu'il  existait  des  constructions  de  ce  genre ,  extrême- 
ment remarquables ,  en  Afrique  et  en  Asie  ;  enfin  l'histoire 
nous  a  conservé  le  souvenir  du  pont  que  Traian  avait  établi 
sur  le  Danube  ;  il  se  composait  de  vingt  piles  de  soixante 
pieds  de  largeur,  et  ses  arcades  étaient  de  cent  soixante-dix 
pieds. 

Le  lo&g  des  voies  romaines,  on  trouvait  des  pierres  pour 
s'asseoir,  d'autres  pour  servir  à  monter  à  cheval.  De  dis- 
tance en  distance,  des  colones  miliaires  indiquaient  le 
chemin  parcouru*  D'une  ville  à  l'autre ,  il  y  avait  des  au- 
berges et  des  relais  fixés  par  ordonnance.  Dans  chaque 
relai ,  le  maître  de  posté  devait  avoir  vingt  chevaux  et  qua- 
rante dans  les  auberges.  La  rapidité  des  voyages  était 
extrême  sur  ces  chemins,  dont  toutes  les  pentes  étaient 
adoucies  et  la  surface  unie  et  parfaitement  dure.  Au  dire 
de  Pline,  l'empereur  Tibère ,  allant  de  Lyon  en  Allemagne, 
aurait  parcouru  cent  heues  en  vingt-quatre  heures,  en 
changeant  trois  fois  de  char.  Nous  savons ,  du  reste  ,  que 
les  Romains  avaient  vingt  à  vingt^cinq  routes  principales 
qui  conduisaient  aux  extrémités  de  l'empire ,  que  toutes 
étaient  construites  avec  une  incomparable  solidité.  Partout 
des  ports  servaient  à  lier  ces  voies  aux  îles  voisines.  L*An- 
gleterre,  bien  que  située  à  une  immense  distance  de  RfHoe, 
comptait  onze  cents  Ifeues  de  chemins  pavés  ;  la  Sicile,  six 
cents  ;  l'Asie  et  l'Afrique ,  chacune  près  de  cinq  mille,  qui 
traversaient  des  contrées  aujourd'hui  barbares  ou  désertes. 
Lyon  était  le  centre  de  la  distribution  des  chemins  dans 
notre  patrie ,  que  parcouraient  quatre  routes  principales  : 
l'une  allant  de  Lyon  en  Aquitaine ,  la  seconde  se  dingeant 
vers  l'emboiuchure  de  la  Meuse ,  la  troisième  traversant  la 
Bourgogne  ^  la  Champagne ,  la  Picardie  ;  la  quatrième  ser- 


DU  SIBCLB.  669 

vant  à  lier  Lyon  à  Marseille.  D*autr6$  chemins  secondaires 
se  réunissaient  à  ceux-ci. 

Il  est  inutile  d'insister  snr  remploi  que  Toa  faisait  à 
Rome  des  troupes  soldées  pour  protéger  l'empire  j  et  des 
moyens  mis  en  usage  pour  occuper  les  prolétaires  ;  mais  il 
convient  de  rappeler  que  des  chefs  d'armée  avaient  entre- 
pris, sous  Néron,  de  faire  communiquer  la  Méditerranée  et 
la  mer  d'Allemagne  par  un  c^nal  de  la  Saône  à  la  Moselle  ; 
que  d'autres  avaient  voiUu  couper  l'isthme  de  Corinthe  ; 
que  Orusus  et  Corbulon  avaient  fait  construire  par  leurs 
légions,  sur  les  bords  du  Rhin,  d'immenses  tranchées  con- 
sacrée«s  à  la  navigation,  dont  Tacite  lui-même  a  conservé 
le  souvenir,  et  que ,  par  suite  des  travaux  publics  qoi  la 
mettaient  en  relation  avec  le  monde  entier,  Rome  était 
devenue  le  centre  de  l'univers. 


LITTÉRATURE,  BEAUX-ARTS,   EDUCATION. 


Les  arts  et  la  littérature  des  deux  premiers  siècles  de 
l'empire  présentent  les  variations  les  plus  grandes  et  une 
absence  complète  d'unité. 

La  véritable  pensée  romaine  se  continue  par  de  belles 
œuvres  d'architecture.  Caïus  Posthumius  et  Luccius  Côccius 
Auctor  rasèrent  une  partie  de  La  vieille  ville  et  rempla- 
cèrent, par  de  magnifiques' palais  de. marbre,  de  simples 
maisons  de  briques.  La  sculpture  vint  en.  aide  à  l'architec- 
ture. Sous  Tibère,  le  sculpteur  Diogène  décora  le  panthéon  ; 
le  gaulois  Zénodore ,  le  premier  graveur  du  temps ,  lutta 
contre  les  Grecs  par  ses  statues  colossales  de  Mercure  et  de 
Néron  ;  les  rhodiens  Agésandre ,  Pdydore  et  Athénodore 
sculptèrent  ce  Laocoon  que  Toa  a  trouvé  depuis  dans  le 
palais  de  Vespasien-;  Frontin  écrivait  sur  les  aqueducs; 
Pompoi^dus  Mêla  pubUait  sa  géo(9^aphie  ;  Denis  le  Périgète 
s'occupait  d'une  statistique  de  l'/empir^ ,  et.de  tous  les  côtés 
les  hommes  habiles  se  rendaient  à  Rome ,  pour  y  vivre 
selon  la  spécialité  de  leur  talent. 


670  PHILOSOPHIE 

La  décoration  des  intérieurs  des  palais  occupait  un  nom- 
bre infini  d'artistes  pour  Tornement,  la  sculpture  et  la 
Î)einture.  Néron  voulant  encourager  ce  dernier  art,  se  fit 
aire  un  portrait  sur  toile  de  cent  vingt  pieds.  La  taille  des 
pierres  fines  et  la  gravure  sur  métaux  étaient  poussées  très- 
loin.  Les  camées  étaient  fort  à  la  mode  et  très-prises  :  les 
Grecs  en  avaient  en  quelque  sorte  le  monopole.  11  n'y  avait 
de  bien  porté  et  de  réellement  beau  que  les  camées  de 
Solon,  de  Polychrète,  de  Cronius,  d'AppoIonides.  Le  ro- 
main Ludius  était  le  peintre  par  excellence  et  sans  rival. 

Nous  citerons  parmi  les  écrivains ,  car  il  ne  s'agit  ici 
que  de  notes  bibliographiques ,  Tite-Live  de  Padoue  :  il 
avait  composé,  sur  Thistoire  romaine,  cent  quarante  livres, 
dont  quarante-cinq  sont  perdus  ;  —  Phèdre,  esclave  affran- 
chi :  ses  fables  sont  bien  inférieures  à  celles  de  l'Hitoupa- 
desa  pour  la  pensée,  à  celles  de  Lafontaine  pour  la  forme. 

—  Valère  Maxime  a  écrit  neuf  livres  de  faits  mémorables. 

—  Strabon  a  laissé  un  travail  sur  la  géographie  :  c'était  un 
bon  esprit.  —  Sénèque  était  un  penseur  justement  estimé. 
On  l'accuse  de  n'avoir  pas  été ,  dans  la  pratique ,  l'homme  de 
ses  doctrines.  — Son  neveu  Lucain ,  poète  espagnol ,  est  l'au- 
teur d'une  sorte  d'épopée,  la  Pharsale  ;  elle  est  écrite  au  point 
de  vue  d'un  républicanisme  aristocratique.  —  On  attribue  à 
Pétrone,  de  Marseille,  l'un  des  familiers  de  Néron,  un 
roman  partie  en  prose ,  partie  en  vers  :  c'est  une  peinture 
des  mœurs  si  dégoûtantes  de  ce  temps.  —  Perse  et  Juvé- 
nal  sont  des  poètes  satiriques  d'une  traduction  très-difR- 
cile  :  tous  deux  ont  flagellé  la  pourriture  romaine,  — 
Flavius  Joseph,  après  avoir  été  grand-prêtre  juif,  écrivit 
l'histoire  de  son  pays  et  ses  guerres  avec  Rome.  Excellent 
patriote,  il  est  souvent  peu  judicieux  dans  le  récit  des 
faits  qu'il  raconte  au  lecteur.  Il  no  néglige  rien  pour  relever 
sa  nation,  et  très-évidemment  il  le  fait  maintes  fois  aux 
dépens  de  la  vérité.  —  Siméon  Schétachides  a  été  le  res- 
taurateur de  la  cabale ,  singulier  mélange  de  religion ,  de 
littérature  et  de  philosophie,  où  beaucoup  de  bonnes  choses 
sont  enfouies  sous  du  fatras.  —  Valérius  Flacchus  nous  a 
laissé  le  poème  des  Argonautes.  -:-  Le  rhéteur  Quintilien  de 
Caliahorra  a  composé  douze  livres  sur  l'art  de  la  rhétorique  : 


BU   SIÈCLE.  671 

les  pédants  de  nos  collèges  en  estimaient,  il  y  a  trente 
ans,  Tétude  indispensable  si  Ton  voulait  apprendre  k 
écrire.  Probablement  que  Shakespeare,  M"*  Sand  et  Dé- 
ranger ne  l'ont  jamais  lu.  —  Voici  venir  maintenant,  pour 
clore  cette  galerie,  Tacite,  le  plus  grand  historien  de 
Rome.  Citoyen,  il  mit  sa  plume  au  service  de  ses  opi- 
nions; il  faisait  admirablement  des  esquisses  en  traits 
saillants  avec  quelques  lignes.  La  République  aristocratique 
de  l'ancienne  Rome,  voilà  son  idéal.  C'était,  en  son 
genre,  un  légitimiste  vis-à-vis  de  la  vieille  République; 
par  ailleurs,  homme  de  grand  sens  et  de  vertu.  11  s'oc- 
cupa peu  des  masses  :  son  âme  élevée  avait  bien  de  larges 
sympathies,  mais  il  n'était  ni  dans  les  habitudes  de  son 
esprit ,  ni  dans  les  besoins  de  son  cœur  de  songer  à  leur 
bien-être.  Son  système  s'opposait  à  leur  élévation.  Quatre 
maux  dévoraient  alors  l'empire  :  la  débauche,  le  milita- 
risme, le  fonclionarisme  et  les  diverses  servitudes.  Il  n'a 
vu  et  combattu  que  les  deux  premiers  ;  le  troisième  nais- 
sait à  peine,  et  du  quatrième. il  a  peu  dit ,  encore  qu'il 
lui  fut  si  facile  d'adapter  au  jugement  de  la  politique 
romaine  les  faits  signalés  dans  son  livre  sur  les  mœuEs  des 
Germains. 

A  côté  du  souvenir  de  tant  d'hommes  célèbres,  les  insti- 
tuteurs des  hautes  classes  et  des  lettrés ,  rappelons  l'édu- 
cation da  pvîuple.  Tacite  Ta  résumée  en  deux  mots  :  Pane  m 
et  ctrcetwM,  —  du  pain,  les  jeux  du  cirque. 

Ce  peuple  !....  on  le  démoralisait  en  lui  donnant  du 
pain  qu'il  n'avait  point  gagné  par  son  travail ,  et  l'immoral 
spectacle  de  combats  sanguinaires  dans  lesquels  des  hom- 
mes étaient  sacrifiés  pour  ses  plaisirs.  A  cette  double  école 
il  se  transforma  et  devint  promptement  une  vile  multi- 
tude. 

Les  jeux  du  cirque  firent  dépeupler  de  bêtes  fauves 
l'Afrique  et  l'Asie  :  sous  ce  rapport ,  ils  eurent  une  utihté 
réelle. 

Voici  quelques  faits  incroyables ,  quoiqu'ils  passent  pour 
vrais  : 

Auguste ,  à  la  dédicace  du  temple  de  Marcellus ,  fit  pa- 


672  PHILOSOPHIB 

raltre  six  cenls  panthères  et  tuer  deux  cent  soixante-huit 
lions. 

Çaligula,  pour  l'anniversaire  de  sa  naissance,  fit  tuer 
quatre  cents  Uons  et  quatre  cents  ours. 

Claude  fit  battre  trois  cents  ours ,  trois  cents  lions  et 
panthères. 

Néron,  voulant  exercer  la  cavalerie  de  sa  garde,  lui 
livra;  dit-on,  quatre  cents  ours  et  trois  cents  lions. 

Sous  Titus  et  Domitien ,  neuf  mille  animaux  sauvages  de 
toute  espèce  furent  mis  à  mort. 

Sous  Trajan ,  les  jeux  du  cirque  durèrent  cent  vingt-trois 
jours  et  consommèrent  onze  mille  bêtes  sauvages  et  do- 
mestiques ;  dix  mille  gladiateurs  y  périrent ,  et  cependaut 
Trajan  est  Tun  des  meilleurs  empereurs  de  Rome. 

Adrien  fit  paraître  mille  lions  à  l'anniversaire  de  sa 
naissance  et  fit  tuereent  libns  et  cent  tigres. 

Maro-Âurèle  laissa  les  spectateurs  tuer  cent  Uons  à  coups 
de  flèches. 

L'empereur  Commode ,  assure-t-on,  tua  cent  ours  eo 
un  seul  jour  ;  fait  incroyable  quoique  historique ,  puisque 
cela  demandait  au  moins  seize  heures  et  demi ,  à  dix  mi- 
nutes par  animal.  Une  autre  fois,  il  tua  cent  autrudies, 
sans  en  manquer  une  seule,  en  leur  coupant  le  ooa  avec 
des  flèches  dont  le  fer  avait  la  forme  d'un  croissant.  L'igno- 
rance prise  singalièrement  la  force  physique  et  l'adresse , 
aussi^fut-il  le  héros  de  la  canaille. 

Le  deuxième  siècle  nous  rappelle  la  fondation  de  biblio- 
thèques par  Trajan;  ses  magnifiques  travaux  et  ceux 
d'Adrien  sur  toute  la  surface  de  l'empire;  la  protection 
qu'ils  accordèrent  aux  sciences  et  aux  lettres;  la  descrip- 
tion des  monuments  de  la  Grèce,  par  Pausanias;  les 
écrits  de  Plutarque ,  historien  et  philosophe  ;  l'abrégé  de 
riûstoire  romaine  de  Florus  ;  Philon  de  Biblos ,  que  Ton 
accusait  d'avoir  fabriqué  la  chronique  de  Sanchoniaton  sur 
la  Syrie  ;  Maxalas ,  habile  graveur,  4igne  d'être  placé  à 
c6té  de  ceux  du  siècle  précédent  ;  Aulu^Gèle ,  compilateur 
qui  nous  a  qonservé  beaucoup  de  fragments  précieux  d'au- 
teurs célèbres  perdus  ;  l'empereur  Marc-Aurèle,  à  qui  nous 
devons  douze  livres  de  méditatious  philosophiques  ;  Apulée, 


•  mj  siÈGUi.  673 

auteur  de  VÀne  d^Or\  Lucien  de  Samosate,  en  Syrte  : 
c'était  un  épicurien  ;  Diogène  de  Laërce ,  auteur  de  la  vie 
des  philosophes  ;  Solin  le  grammairien  :  son  livre  des  choses 
mémorables  a  pour  titre  Poly-Hiêtor;  Julie,  femme  de 
M arc-Aurèle  et  de  Sévère  t  aussi  renommée  pour  son  esprit 
que  pour  sa  beauté.  Nous  ne  saurions  oublier  Tertulien  : 
il  fut  Tun  des  plus  grands  écrivains  du  christianisme  ;  mais 
beaucoup  de  ses  opinions  religieuses  ne  sont  plus  acceptées 
aujourd'hui. 


iCCROISSBMBKT  ET  BÉCADBnGE  BE  l'eKPIAB  ROKAIIV. 


Il  n'y  a  que  deuï  moyens  pour  gouverner  les  hommes  : 
la  contrainte  et  la  confiance.  La  contrainte,  conséquence 
du  pouvoir  matériel  ;  la  confiance ,  résultat  de  l'autorité 
ou  pouvoir  moral.  —  Le  pouvoir  matériel  dispose  des 
corpfe  et  des  volontés  apparentes  ;  Tautorité  ou  pouvoir  mo- 
ral s'adresse  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  intime  en  nous ,  à  l'in- 
t^gence  et  au  coeur.  Tand^  que  le  pouvoir  matériel 
réclame  une  obéissance  passive,  l'autorité  puise  toute  sa 
force  dans  l'assentiment  qu'elle  inspire  k  ceui  qu'elle  di- 
rige. —  Le  pouvoir  matériel  suflSt  à  une  société  de  bar- 
bares ;  mais  il  doit  se  transformer  chaque  jour  davantage 
en  autorité ,  au  fur  et  à  mesure  des  progrès  de  la  raison 
et  de  la  moralité  humaine.  Cette  distmction  que  nous  ve- 
nons d'établir  entre  le  pouvoir  matériel  et  l'autorité ,  est 
élémentaire  ,  et  cependant  elle  renferme  en  elle  la  véritable 
science  du  gouvernement.  —  Plus  les  intérêts  des  diverses 
classes  grandissent  dans  une  société ,  plus  il  est  habile  et 
réellement  publique  d'en  tenir  compte.  Il  est  impossible  de 
gouverner  Lngtemps  aveo  des  fonctionnaires  seulement , 
sans  s'appuyer  sur  de  grands  intérêts. 

L'empire  romain  se  divisait ,  à  son  (origine ,  en  provinces, 
en  cités  ^  en  pagus.  Les  provinces  eurent  pour  chefs  des 
délégués  de  l'empereur,  des  préfets.  Il  importait  de  les 
faire  d'une  médiocre  étendue  pour  qu'aucun  de  ces  chefs 


674  PHILOSOPHIE  • 

ue  put  devenir  puissant ,  et  viser  à  la  pourpre  des  Césars  : 
cette  précaution  utile  fut  oubliée. 

La  cité  représentait  une  circonscription  territoriale  à  peu 
près  égale  à  celle  d'un  département  français  ;  elle  consti- 
tuait un  élément  aristociatique.  Pour  avoir  droit  de  cité, 
il  fallait  posséder  trois  cents  sous  d'or,  sous  Trajan;  quatre 
fois  moins,  un  siècle  plus  tard;  sous  Théodose,  il  fallait 
être  propriétaire  de  vingt-trois  jugères  ou  arpents.  —  Les 
avantages  des  cités  étaient  si  grands,  si  recherchés  que 
Rome  avait  tout  intérêt  à  multiplier  ces  miniatures  de  son 
ancienne  position.  Aucune  ne  pouvait  devenir  assez  puis- 
sante pour  lui  porter  ombrage  ;  toutes  d'ailleurs  étaient  en 
rivalité,  toutes  aussi  respectaient  une  souveraineté  consa- 
crée par  la  tradition ,  les  siècles ,  la  conquête,  par  une 
immense  population  et  le  séjour  des  empereurs.  Rome, 
couronnée  de  sa  gloire  et  de  sa  réputation,  était  un  centre 
indispensable. 

Chacune  des  cités  de  l'empire  s'administrait  elle-même 
sous  la  surveillance  d'un  mandataire  de  l'empereur  :  aussi 
chacune  possédait-elle  une  curie  ou  sénat  départemental, 
dont  les  fonctions  étaient  sensiblement  les  mêmes  que 
cell|3s  des  conseils  des  départements  de  la  France  de  notre 
époque. 

Le  pagus  ou  canton  représentait  passablement,  dans  les 
Gaules ,  le  canton  actuel  de  France ,  cet  élément  dont  les 
novateurs  voudraient  faire  la  commune^  la  base  sociale  des 
empires  et  de  l'humanité.  C'était  une  institution  essen- 
tiellement démocratique  :  là  se  trouvaient  des  esclaves  de- 
venus depuis  serfs  de  main-morte,  des  esclaves  ruraui 
appelés  colons  et  plus  tard  serfs,  puis  des  plébéiens ,  c'est- 
à  -  dire  tous  ceux  marchands ,  fabricants  et  ouvriers  qui 
ne  possédaient  pas  le  cens  nécessaire  pour  faire  partie  de 
la  noblesse  des  cités  et  devenir  réellement  citoyens. 

Le  canton  ou  pagus  avait  pour  chef  un  fonctionnaire 
appelé  maître,  magister,  ou  prévôt,  prépositus  ;  mais  ce 
chef  dont  les  fonctions  équivalaient  à  celles  de  nos  gardes- 
champêtres  et  de  nos  brigadiers  de  gendarmerie,  était 
nomiQé^  par  les  nobles  ou  curions,  qui  faisaient  partie  du 
sénat  de  la  cité. 


BU   SIÈCLE.  675 

L'faitërét  des  empereurs ,  c'était  évidemment  de  rendre 
les  pagus  indépendants  des  cités,  et  de  se  créer  une  grande 
puissance  en  formai^t  une  commune  de  chaque  pagus  par 
radoucissement  de  Tesclavage  et  Téoiancipation  de  plus  en 
plus  complète  des  colons  et  des  plébéiens.  La  Germanie  ne 
devait-elle  pas  sa  force  intérieure  à  son  communàushb  et  à 
la  position  de  ses  colons  qui  étaient  de  véritables  fermiers  ? 

Après  dix  ans  de  combats ,  Jules  César  laissa  à  l'empire 
la  mer  et  le  Rhin  pour  limites.  Il  débuta  par  faire  du  pou- 
voir, et  paraissait  tendre  vers  remploi  d'une  autorité  véri- 
table lorsqu'il  fut  assassiné  par  de  prétendus  républicains 
qui  n'avaient  point  pour  but  l'universel  bien-être.  Porté  à 
l'empire  par  la  force  militaire,  il  en  connaissait  les  dangers. 
Nous  avons  dit  déjà  ses  projets  d'émancipation  pour  les 
vaincus  ;  ils  étaient  habiles  :  ils  eussent  assuré  à  l'empire 
la  plus  longue  existence  en  le  débarrassant  du  militarisme 
et  de  cette  armée  de  fonctionnaires  qui  devait  toujours 
aller  grossissant.  —  Us  rendaient  inutiles  les  barbares  ; 
leur  exécution  eut  peut-être  supprimée  dix  siècles  et  plus 
de  transitions  douloureuses. 

Auguste  suivit  une  autre  voie  :  sa  nature  déliante  redou- 
tait tout  affranchissement.  Il  ne  comprit  pas  l'intérêt  que 
des  pagus  plus  libres  pourraient  avoir  à  se  défendre  eux* 
mêmes  contre  les  barbares  ;  la  sûreté  de  frontières  peu- 
plées d'hommes  heureux  et  rattachés  à  l'empire  par  des 
droits,  par  des  propriétés.  Il  ne  comprit  pas  davantage 
le  fractionnement  de  l'empire  en  cités  indépendantes  entre 
elles,  mais  toutes  reliées  à  Rome,  et  l'impossibilité  de  lemrs 
sénats  et  de  leurs  chefs  de  se  poser  en  prétendants  à  côté 
des  empereurs. 

Arrivé  au  pouvoir  par  la  force  armée,  il  l'accrut  encore. 
S'il  réduisit  la  puissance  du  sénat ,  ce  ne  fut  pas  au  profit 
des  peuples  àoaX  il  était  le  représentant,  mais  au  profit  de 
l'administration  impériale.  Il  consacra  dix  années  à  sou- 
mettre la  Thrace ,  l'JJlyrie ,  la  Pannonnie.  Il  voulut,  et  en 
cela  il  avait  raison,  que  tes  deux  versants  des  Alpes  fussent 
libres  et  purgés  (Tennemis.  C'est  ainsi  qu'il  arriva  à  resserrer 
les  Germains  entre  le  Rhin  et  le  Daûube ,  qui  devinrent  des 
limites  naturelles. 


676  PHILOSOPHIE 

Le  trop  petit  nombre  de  cités  frontières  et  le  peu  d'inté- 
rêt qu'avaient  les  hommes  des  pagus  à  lier  leur  sort  à  celoi 
de  Rome ,  forcèrent  d'établir  des  postes  sur  des  lignes  de 
défense  que  l'on  appelait  marches  et  souvent  marches  sé- 
parantes. iPy  en  avait  déjà  neuf  du  temps  d'Auguste. 
Sous  l'empereur  Alexandre ,  il  en  existait  treize;  sous 
Honorius ,  un  seul  des  deux  empires  en  comptait  quinze. 
Ce  fut  pour  la  sûreté  de  ces  marches  que  Rome  eut  recours 
aux  barbares  au  lieu  de  la  confier  à  des  populations  inté- 
ressées à  les  maintenir  dans  leurs  forêts. 

A  cette  époque  où  la  politique  de  l'empire  n'était  pas 
encore  bien  fixée ,  Drusus  porta  les  aigles  romaines  jusque 
sur  les  bords  de  l'Elbe,  espérant  que  les  provinces  qu'il 
venait  de  traverser  deviendraient  »  comme  les  Gaules ,  des 
annexes  des  anciennes  conquêtes. 

Tibère  alla  plus  loin  :  sous  sa  conduite ,  l'armée  romaine 
occupa  la  rive  droite  de  l'Elbe.  Cette  extension  donnée  aui 
conquêtes  de  Rome  pendant  la  vieillesse  d'Auguste,  était 
plus  qu'imprudente  ;  il  eut  été  beaucoup  plus  sage  de  con- 
server le  Rhin  et  le  Danube  pour  limites. 

Tibère ,  et  ce  fut  une  nouvelle  faute ,  ramena  avec  lui 
quarante  mille  Suèves  et  Sicambres  qu'il  établit  dans  les 
Gaules.  Drusus  et  lui,  dans  leurs  campagnes,  atteignirent 
les  Sicambres,  les  Usipètes,  les  Frisons,  les  Chérusques, 
les  Cattes,  les  Chauques,  les  Canninefates ,  les  Actuaires, 
les  Rructères  et  les  Vandales.  Mais  pendant  ces  succès, 
Maroboduus,  à  la-  tête  des  Harcomans,  conquérait  la 
Bohême  dont  il  chassait  le  peuple  celte,  les  Boï,  tandis 
que  des  Germains  s'emparaient  des  pays  qu'il  avait  aban- 
donnés. 

En  peu  de  temps,  des  routes,  des  villes  nouvelles,  de 
grandes  fortifications,  une  armée  organisée  à  la  romaine, 
avaient  fait  de  Maroboduus  un  chef  redoutable ,  et  Tibère 
s'apprêtait  à  l'attaquer  quand  le  soulèvement  des  provinces 
conquises  par  Auguste  mit  l'empire  en  danger.  Ce  fut  alors 
une  grande  pitié  que  de  voirtrembler  l'empereur  pendant  que 
Rome  s'inquiétait  au  seul  nom  des  barbares.  Une  levée  en 
masse  eut  lieu  ;  mais  bientôt  les  victoires  de  Tibère  vinrent 
calmer  toutes  les  inquiétudes.  Le,  bonté  n'était  pas  scn 


\ 


DU  SIÈCLE.  677 

faible^  et  deux  aimées  de  massacre  apprirent  aux  Celtes 
de  la  rive  droite  du  Danube ,  que  la  force  a,  non  pas  sa  lé- 
gitimité ,  mais  son  pouvoir  contre  lequel  la  conscience 
humaine  peut  se  révolter:  pouvoir  brutal  qu'il  faut  sou- 
vent accepter  dans  les  actes  les  plus  injustes  et  les  plus 
oppressifs  sous  peine  d'extermination. 

Le  triomphe  de  Tibère  se  terminait  lo^ue  Rome  apprit 
le  massacre  des  légions  de  Varus.  —  Germanicus  le  vengea, 
et  Àrminius  fut  vaincu.  Le  fils  de  Drusus  revint  dans  la 
grande  cité«recevoir,  en  un  magnifique  triomphe,  le  prix  de 
la  victoire,  et,  delà  main  d'une  protégée  de  Tibère,  le  poison 
qui  devait  terminer  sa  vie.  Le  moment  était  favorable  pour 
créer  l'empire  universel  ;  mais  les  empereurs  n'avaient  nul 
souci  du  bonheur  ni  de  la  liberté  de  leurs  peuples  :  ce 
qu'ils  enlevaient  de  force  et  de  pouvoir  au  sénat  et  à 
1  aristocratie ,  ils  se  gardèrent  bien  de  le  donner  en  libertés 
à  la  démocratie  dont  ils  étaient  cependant  la  très-réelle 

|)ersonnification.  L'empire  devint  un  peuple  d'esclaves  sous 
a  verge  de  fonctionnaires  publics.  Arminius  vaincu  par 
Germanicus,  n'étant  pas  tombé  aux  mains  du  vainqueur, 
reprit  les  armes.  Bientôt  il  attaqua  le  chef  des  Marcomans 
de  la  Bohême  -,  qu'il  défit  dans  une  grande  bataille.  Rejeté 
$ur  le  territoire  romain  ,  Maroboduus  vint  mourir  honteu- 
sement à  Ravennes,  méprisé  de  Rome  et  de  la  Germanie. 
Arminius  ne  fut  guères  plus  heureux;  il  porta  ombrage 
aux  Germains  si  soucieux  de  leur  liberté,  et  fut  mis  à  mort 
par  ses  proches.  C'est  de  lui  dont  Tacite  disait,  le  cœur 
gros  de  pressentiments  : 

a  On  doit  le  regarder  comme  le  libérateur  de  la  Germa- 
»  nié.  Comme  beaucoup  d'autres ,  il  n'eut  pas  à  lutter 
»  contre  Rome  encore  faible  et  à  son  berceau,  mais  il  l'at- 
»  taqua  dans  sa  plus  grande  virilité  sans  que  la  victoire  de 
»  Rome  fut  jamais  complète  ;  il  ne  vécut  que  trente-sept 
»  années  ,  dont  douze  consacrées  à  la  vie  active  du  pou- 
»  voir.  Les  Grecs  qui  n'admirent  d'autre  histoire  que  la 
»  leur,  ne  savent  point  son  nom.  Les  Romains,  sans 
»  souci  du  présent ,  n'ont  d'estime  que  pour  l'antiquité  , 
»  mais  ce  nom  retentit  encore  dans  les  chants  des  peuples 
»  barbares.  » 

29 


C78  PHILOSOPHIE 

Auguste  et  Tibère  avaient  été  des  Romaias  d'un  patrio- 
tisme inintelligent  et  rétréci.  Caligula,  Claude  et  Néron 
suivirent  une  toute  autre  voie.  Jamais  homme  ne  montra , 
ni  pour  la  nature  humaine,  ni  poyr  Rome,  plus  de  mépris 
que  Càligula  :  sa  vie  fut  une  ironie  amère  et  la  satire  la 
plus  violente  de  la  société  de  son  temps.  Il  épousa  sa  sœur 
et  se  fit  adorer  de*son  vivant  comme  un  Dieu.  Les  Romains 
ont  oublié  beaucoup  des  choses  utiles  qu'il  fit  faire  ;  leur 
haine  trouva  dans  ses  folles  excentricités  matière  à  médi- 
sance et  à  calomnie.  Ils  n*ont  pas  été  plus  justes  pour 
Claude,  mais  la  postérité  aura  plu^  d'équité  :  dans  le  Ulté- 
rateur  habile,  elle  verra  Thislorien  des  Etrusques,  des 
Ty riens,  des  Carthaginois,  de  grands  peuples  anéantis  par 
leurs  adversaires  ;  dans  Tempereur,  le  protecteur  de  tous 
les  opprimés  et  surtout  des  esclaves  et  des  nations  con- 
quises. 

D  utiles  travaux ,  de  grandes  victoires  suivies  d'une  clé- 
mence magnanime,  des  réformes  administratives,  la  desti- 
tution de  proconsuls  aristocratiques,  la  réintégration  des 
sénateurs  gaulois  expulsés  par  Auguste,  et  la  plus  vive 
sollicitude  pour  les  déshérités  de  la  naissance  et  de  la  for- 
lune,  voilà  les  faits  qui  signalèrent  son  règne.  On  lui  re- 
proche d'avoir  livré  le  gouvernement  à  des  affranchis; 
mais  reste  à  savoir  si  les  grands  de  Rome  eussent  fait 
mieux.  Certainement  ils  eussent  fait  moins  bien. 

Claude,  ce  vrai  continuateur  de  Jules  César,  ne  vécut 
pas  assez  pour  enlever  tout  motif  aux  guerres  civiles,  en 
mettant  à  exécution  son  projet  d'accorder  le  droit  de  cité 
à  toute  l'Europe  conquise.  Néron  lui  succéda.  Cruel,  à 
Rome,  pour  les  grands,  et  d'une  dégoûtante  dépravation, 
ce  prince  sut  cependant  adopter  une  politique  habile  vis-à- 
vis  des  villes  grecques  et  gauloises.  —  Comme  Claude ,  il 
suivit  la  pensée  du  chef  de  sa  dynastie  ;  mais  les  actes 
d'Auguste  devaient  porter  leur  fruit  :  les  provinces  étaient 
étendues,  et  le  militarisme  déborda.  Galba,  Vitellius,  Othon 
se  succédèrent  h  l'empire  sans  améliorer  l'état  des  choses, 
et  quand  Ye^sien  monta  sur  le  trône ,  les  embarras  des 
affaires  étaient  trop  grands  pour  qu'il  fût  facile  de  revenir  à 
la  poUtique  de  Jules  César.  Ses  successeurs,  quelques-uns 


DU  SIÈCLE.  679 

du  moins,  furent  de  grands  hommes,  mais  la  voie  était  telle- 
ment tracée  par  les  actes  antérieurs,  qu'il  devenait  impossible 
de  faire  autre  chose  que  de  pallier  les  abus  et  de  poser  des 
exutojres  sur  un  corps  social  qu'il  était ,  dans  le  principe , 
si  facile  d'amener  à  une  grande  vie. 

La  justice ,  l'économie  et  cette  haute  politique  qui  com- 
prend combien  il  est  dangereux  de  paralyser  une  partie  des 
forces  d'un  empire  ou  de*les  mal  employer,  ne  furent  donc 
écoutées  ni  pour  ce  qui  concernait  les  intérêts  démocra- 
tiques des  pagus ,  ni  pour  ce  qui  regardait  les  intérêts  plus 
aristocratiques  des  cités.  Ces  intérêts,  les  uns  populaires, 
les  autres  censitaires  et  représentant  ce  que  nous  appelons 
actuellement ,  en  France ,  la  bourgeoisie ,  produisirent ,  en 
s'amoindrissant  et  en  se  détachant  de  Rome ,  la  ruine  de 
l'empire  :  ainsi  sera  toujours  punie  la  violation  des  règles 
étemelles  de  la  raison. 

Sous  les  successeurs  de  Tibère ,  les  tribus  germaines  de 
la  rive  droite  du  Rhin  furent  chargées  de  contenir  leurs 
frères  du  Nord  et  de  protéger  Rome.  Le  système,  déjà 
vieux,  d'introduire  dans  l'empire  les  peuples  asservis  sans 
les  faire  participer  aux  droits  et  aux  avantages  de  la 
cité,  fut  pratiqué  imprudemment  et  sur  une  grande  échelle. 

La  Germanie  fournit  alors  aux  armées  de  nombreuses 
recrues ,  que  des  gardes  civiques  ou  nationales,  organisées 
dans  les  pagus  et  dans  les  cités ,  eussent  rendues  inutiles. 
Entrés  sur  le  territoire  de  l'empire,  ces  Germains  conser- 
vèrent leur  nationalité.  Heureusement  pour  Rome  qu'ils 
appartenaient  à  des  tribus  rivales. 

La  politique  des  empereurs,  toute  de  bascule,  fut 
d'opposer  les  barbares  les  uns  aux  autres,  pour  qu'aucun 
de  leurs  peuples  ne  put  devenir  prépondérant  et  substituer 
à  la  leur  sa  propre  autorité.  Ils  ont  longtemps  formé  trois 
classes  au  sein  de  cet  empire  qu'ils  devaient  finir  par 
absorber.  Les  uns  étaient  simplement  auxiliaires,  et  compo- 
saient des  corps  soldés.  —  Les  lètes  formaient  des  peu- 
plades plus  ou  moins  nombreuses,  astreintes  au  service 
militaire.  On  leur  confiait  (expression  d'Honorius)  l'admi- 
nistration de  terres  considérables.  On  trouvait  chez  eux 
trois  ccmditions  sociales  :  ils  étaient  nobles ,  plébéiens  ou 


680  PHIIOSOPHIE 

colons  ;  mais  habituellement  ils  se  imposaient  de  nobles 
et  de.  noturiers  seulement,  et  se  ^considéraient  comme  les 

Erotecteurs  armés  des  colons.  —  Les  Ripuaires  formaient 
L. troisième  classe  :  ils. étaient  cantonnés  sur  les  bords  des 
grands  fleuves. 

Tandis  que  .ces  hommes,  peu  exigeants  de  leur  nature 
et  encore  neufs,  traitaient  en  égaux  les  plébéiens,  en 
fermiers  les  colons,  mettant  d^s «ménagements  diaas  leurs 
e]i:igen€es^  toujours  disposés  à  laisser  au  laboureur,  au 
contact.  dMquetils  vivaient,  des  blés  en  suffisaoee  pour  sa 
nourriture  et  ses  semailles  ;  plutôt  prêts  à  Tencourager  pour. 
son<aggrandissement  et  ses  améliorations  pour  tout  ce  qui 
concernait  les  défrichements ^  le  bétail,  les  arbres  frui- 
tiers et  les  vignes ,  car  ils  étaient  tous  assez  enclins 
à  riyrognerie:  les  empereurs,  Dioolétien  surtout ^  s^imagi- 
nèront  de  combler  la  distance  qui  les  séparait  du  peuple 
par  une  multitude  de  fonctionnaires ,  espèce  toujours  rui- 
neuse pour  les  Etats,  confondant  ainsi  les. rouages  du  gou- 
vernement avec  le  gouvernement  lui-môme,  et  ne  tenant 
nul  compte  des  intérêts  plébéiens  des  cantons  ou  pagus, 
des  intérêts  nobiliaires  des  cités.  Bientôt ,  par  suite  d^exac- 
tions  chaque  jour  de  plus  en  plus  nombreuses ,  toutes  les 

Eropçiétés  s'accumulèrent  entre  les  mains  de  la  cour  et  des 
auts. dignitaires,  à  ce  point  que  le  cens  ayant  été  rédail 
des  trois-quarts ,  les  nobles  étaient  encore  bien  moins 
nombreux  au  IV'  siècle  qu'à  la  fin  du  second.  Les  plébéiens 
et  les  petits  propriétaires  de  la  noblesse  se  prirent  alors,  les 
uns  et  les  autres ,  à  rechercher  un  appui  dans  de  plus  puis- 
sants qu'eux;  de  là  le  développement  de  ce  protectorat 
féodal  qui  existait  déjà  sous  la  République.  Les  empereurs 
voulurent  s'y  opposer  ;  mais  Dioclétien  luinnême  favorisa 
cet  abus  en  accordant  des  immunités  d'impôts  à  une  foule 
d'agents  de  toutes  sortes.  Tandis  que  de  nombreuses  séries 
de  fonctionnaires  jouissaient  de  ruineux  privilèges,  la  ma- 
tière imposable  était  sévèrement  et  même  cruellement 
traitée  :  xm  entassait  les  contribuables  en  retard  dans  des 
prisons  où  ils  se  donnaient  souvent  la  mort  pour  échapper 
aux  tortures.  Peu  à  peu  le  nombre  en  diminuait,  et  l'on 
ne  trouvait  plus,  dans  des  provinces  entières,  que  des 


W  BIÈGIE.  681 

armées  de  soldais  et  des  armées  de  fonctîonnaifes ,  en  face 
de  terres  apauvri^s ,  cultivées  par  un  cheptel'  ■  humain 
qu'aucune  instittitiôn  ne  protég'ôait  contre  Tabsoliiitiânaè  et 
la  rapacité  des  collecteurs.  11  y  avait,  au  IV'  siècle ,  tel 
pays,  l'Egypte  par  exemple,  où  tous  les  contribuables 
portaient  sur  le  corps  la  trace  du  fouet  du  percepteur  des 
contributions. 

Lactance  et  Salvien  nous  ont  laissé  d'éloquentes  pages  à 
l'appin  de  cette  assertion  :  on  y  trouve  d'affreuses  révéla- 
tions et  le  premier  germe  de  celte  politique  d'humanité  des 
prêtres  chrétiens,  à  laquelle  une  politique  d'égoisme  clé- 
rical et  d'intolérance  religieuse  devait  se  substitiïer  par  la 
création  d'institutions  administra tiyes  d'une  haute  impor- 
tance. 

Le  nombre  des  fonctionnaires  publics,  nous  dit  Lac- 
lanoe,  était  devenu  tellement  considérable  sous  Dioclétien, 

1)roportionnellement  à  celui  des  contribuables,  que  les 
aboureurs,  écrasés  par  Ténormité  des  Charges ,  abandon- 
naient leurs  terres  dont  les  cultures  se  changeaient  en 
forêts.  La  terreur  existait  partout,  chaque  contrée,  chaque 
ville  voyait  s'abattre  sur  son  territoire  des  nuées  de  gou- 
verneurs et  d'officiers  subalternes.  On  ne  rencontrait  par- 
tout que  procureurs  du  fisc,  que  maîtres  des  finances, 
que  vicaires  des  préfets ,  gens  à  qui  la  modération  d'un 
gouvernement  juste  était  inconnue  et  qui  ne  savaient  que 
condamner  et  proscrire. 

Mais  il  faut  entrer  entièrement  dans  la  situation  pour  la 
bien  connaître ,  écoutons-le  de  nouveau. 
;:  <r  Les  champs  étaient  mesurés  jusqu'à  la  dernière  motte; 
f»  les  cepts  de  vigne  et  les  pieds  d'arbres  étaient  comptés  ; 
»  les  animaux  de  toute  espèce  étaient  inscrits;  chaque 
»  tète  d'homme  était  marquée.  Le  pauvre  peuple  -des 
»  villes  et  des  campagnes  était  rassemblé  dans  les  villes  , 
»  pendant  qu'au-dehors  se  pressaient  d'innombrables 
»  troupeaux  d'esclaves.  Chaque  propriétaire  était  là  avec 
39  ses  hommes  libres  et  ses  serfe  ;  la  torture  et  le  fouet 
n  retentissaient  de  tous  côtés.  Les  fils ,  appelés  à  déposer 
»  contre  leurs  pères,  étaient  appliqués  au  chevalet;  les 
»  esclaves  les  plus  fidèles  étaient  contraints  par  les  tour- 


682  PHILOSOPHIE 

»  ments  de  témoigner  contre  leurs  maîtres ,  les  femmes 
»  îîontre  leurs  maris.  S'ils  n'avaient  ni  esclaves  ni  proches , 
»  ils  étaient  eux-mêmes  torturés  contre  eux-mêmes;  et 
»  lorsqu'ils  étaient  enfin  vaincus  par  la  douleur,  on  les 
»  inscrivait  pour  des  biens  qu'ils  ne  possédaient  pas.  Nulle 
»  excuse  pour  l'âge ,  nulle  pour  les  infirmités.  Les  malades 
»  et  les  infirmes  n'en  étaient  pas  moins  portés  sur  les 
»  registres.  L'&ge  de  chacun  était  soigneusement  supputé  ; 
))  on  ajoutait  des  années  à  celui  des  petits  enfants ,  on  eu 
»  était  aux  vieillards.  Tout  était  plein  de  deuil  et  de  tris- 
))  tesse.  Ce  que  les  anciens  faisaient  autrefois  à  l'égard  de 
»  ceux  que  la  guerre  avaient  livrés  entre  leurs  mains,  le 
»  tyran  Galère  se  l'est  permis  à  l'égard  des  Romains  et  des 
»  sujets  des  Romains;  sans  doute  parce  que  ses  aïeux 
»  avaient  été  soumis  autrefois  au  tribut  que  Trajan  vain- 
»  queur  imposa  jadis  aux  Daces  poul^' les.  punir  de  leurs 
»  continuelles  révoltes. 

»  Et  pourtant  'o»  n'avait  pas  foi  entière  dans  les  pre- 
))^  miers  opérateurs  (censitoribus)  ;  mais  on  en  faisait  partir 
»  d'autres  après  ceux-là,  pour  tâcher  de  trouver  plus  de 
))  matière  imposable.  Et  chaque  fois  l'impôt  était  aag- 
))  mente ,  non  parce  qu'on  avait  trouvé  quelque  chose  qui 
))  n'eût  pas  été  imposé ,  mais  parce  que  les  nouveaux 
»  envoyés  ajoutaient  toujours,  pour  qu'on  ne  pût  pas  dire 
»  qu'on  les  avait  envoyés  inutilement.  Cependant  les  ani- 
»  maux  diminuaient,  les  hommes  venaient  à  mourir; 
»  mais  on  n'en  payait  pas  moins  le.  tribut  pour  les  morts, 
.)  de  telle  sorte  que  l'on  ne  pouvait  plus  ni  vivre  ni  mourir 
»  sans  payer.  Il  n'y  avait  plus  que  les  mendiants  dont  on 
»  ne  pouvait  rien  exiger,  parce  que  leur  misère  et  leur 
»  dénuement  les  mettaient  à  l'abri  de  toute  injure.  Ah! 
»  l'homme  sans  pitié  (le  tyran  Galère)  eut  pitié  de  leur 
)>  détresse ,  et  ne  voulut  pas  qu'ils  fuss^t  malheureux 
»  plus  longtemps.  Il  donna  l'ordre  de  les  rassembler  tous, 
»  de  les  entasser  sur  des  navires  et  de  les  précipiter  au 
»  fond  de  la  mer.  Ame  compatissante  !  il  n'a  pas  voulu 
»  qu'il  y  eût  un  seul  misérable  sous  son  gouvernement.  » 

Doutez-vous  de  ce  récit  ?  prenons  Salvien ,  voici  ce  qu'il 
nous  raconte  : 


BU   SIÈGLB.  683 

«  Cette  situation ,  quelque  dure  et  inhumaine  quelle 
soit,  serait  pourtant  moins  cruelle  et  moins  horrible ,  si 
tous  portaient  en  commun  le  fardeau  imposé  à  tous. 
Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  indigne  et  de  moins  tolerable, 
c'est  que  tous  ne  portent  pas  la  charge  commune  sur 
les  épaules.  Bien  plus ,  le  tribut  des  riches  lui-môme 
retombe  sur  les  pauvres  gens,  et  ce  sont  les  plus  faibles 
qui  supportent  le  fardeau  des  plus  forts.  Qui  pourrait 
estimer  à  sa  juste  valeur  une  telle  iniquité  ?  Les  mal- 
heureux !  ils  ont  à  supporter  en  même  temps  les  imposi- 
tions de  ceux  qui  possèdent  et  le  dénuement  de  ceu\ 
qui  n'ont  rien.  Et  pourtant  je  dirai  quelque  chose  dn 
plus  fort  encore  :  ce  sont  les  riches  qui  parfois  ajoutent 
de  leurs  propre  mouvement  à  la  charge  du  tribut,  et  co 
sont  les  pauvres  qui  paient  pour  eux!....  Ainsi  il  arrive 
sans  cesse  de  noweaux  envoyés,  de  nouveaux  porteurs 
d'ordres  de  la  part  des  hautes  puissances,  quiles  adres- 
sent à  un  petit  nombre  de  personnages  illustres,  pour  la 
ruine  du  plus  grand  nombre.  On  vote  pour  les  miséra- 
bles de  nouveaux  impôts,  on  vote  des  indictions  nou- 
velles. Oui!  les  puissants  votent  ce  que  les  pauvres  seuls 
sont  appelés  à' payer.  Pour  eux,  ils  ne  sont  pour  rien 
dans  les  sommes  dont  ils  surchargent  les  autres.  — 
Mais ,  direz-vous ,  on  ne  peut  se  dispenser  d'honorer  et 
de  recevoir  avec  libéralité  les  enxoyés  du  pouvoir.  —  En 
€6  cas,  ô  riches,  soyez  les  premiers  à  contribuer,  puis- 
que vous  êtes  les  premiers  à  voter.  Toi  qui  donnes  du 
mien ,    donne  aussi  du  tien  ;   quoiqu'il  soit  beaucoup 

{)lus  convenable  que  celui  qui  prétend  seul  à  toute  la 
àveur  en  fasse  seul  aussi  tous  les  frais. 
»  Les  pauvres,  ajoute-t-il  plus  loin,  sont  les  premiers 
lorsqu'il  s'agit  d'augmentation,  et  les  derniers  lorsqu'il 
s'agit  de  dégrèvements.  Car  si  parfois,  comme  naguère, 
les  hautes  puissances  croient  devoir  diminuer  en  quelque 
chose  les  contributions  des  villes  en  détresse ,  les  riches 
seuls  se  partagent  un  bienfait  qui  est  offert  a  tous.  Qui 
alors  se  souvient  des  pauvres  ;  qui  songe  à  appeler  les 
petits  et  lt;s  nécessiteux  au  partage  de  cette  grâce  ?  Quel 
est  celui  qui  étant  le  premier  sous  le  fardeau,    obtient 


C8i  PHILOSOPHIE 

»  d'étrt»  admis,  même  après  tous  les  autres,  à  participer 
»  au  remède?...  Où  donc,  et  chez  quek  autres  peuples 
»  que  les  Romains  trouverons -nous  de  pareils  maux?  car 
»  les  Francs  ne  savent  même  pas  ce  que  c'est  qu'un  tel 
»  crime.  Les  Huns  sont  étrangers  à  de  pareils  forfaits. 
»  Rien  de  semblable  chez  les  Vandales,  rien  chez  les 
n  Gbths.  Tant's*en  faut  que  les  Barbares  aient  à  souffrir 
»  de  pareils  tourments  chez  les  Goths,  que  les  Romains 
»  mêmes  qui  vivent  au  milieu  d'eux  en  sont  exempts. 
))  Aussi  ne  forment-ils  tous  qu'un  seul  et  même  vœu  :  c'est 
»  de  ne  jamais  être  réduits  à  passer  de  nouveau  sous  la 
»  domination  romaine.  Oui,  toute  cette  plèbe  romaioe  ne 
»  demande  qu'une  grâce  au  ciel,  celle  de  pouvoir  passer 
»  au  milieu  des  Barbares  cette  vie  telle  quelle  dont  il  lui 
«  est  permis  de  vivre.  Quelle  révélation  sur  la  principale 
»  cause  de  la  ruine  de  l'Empire!!!  Etun  effet,  le  gouver- 
»  ncment  des  peuples  du  Nord  était  cent  fois  moins  dur, 
»  surtout  aux  laboureurs,  que  le  gouvernement  des  Ro- 
»  mains. 

Mais  laissons  encore  parler  Salvien  : 

((  Je  pourrais  m 'étonner  du  reste  que  tous  les  tribu- 
»  taircs  pauvres  et  ruinés  ne  nous  quittent  pas  pour  se 
))  réfugier  auprès  des  peuples  du  Nord  ;  mais  ne  pouvant 
»  transporter  avec  eux  leur  chétive  cabane  et  leur  pauvre 
w  famille ,  ils  se  donnent  aux  riches  pour  que  les  riches 
»  les  défendent  et  les  protègent  ;  ils  se  mettent  à  la  dis* 
»  crction  des  forts  et  passent  en  quelque  sorte  sous  leur 
»  puissance  et  leur  domination.  (N'est-ce  point  là  un  fait 
»  de  féodalité?)  Et  pourtant,  loin  de  voir  en  cela  un  mal- 
A  heur  ou  un  abus,  j'applaudirais  au  contraire  à  cette 
.  ))  niagnaniraité  des  riches,  s'ils  ne  vendaient  pas  leur 
»  patronage ,  si  la  protection  prétendue  qu'ils  accordent 
))  aux  petits  était  un  tribut  à  l'humanité ,  et  nra  une  des 
j)  embûches  de  la  convoitise.  Ce  qu'il  y  a  de  cruel  et  de 
»  profondément  triste ,  c'est  qu'ils  ne  paraissent  se  mettre 
»  en  pein^  de  défendre  les  pauvres  que  pour  les  dépouiller, 
»  de  protéger  les  misérables  que  pour  les  rendre  plus  mé- 
n  prisables  encore  par  leur  protection. 

»  Ce  qu'il  y  a  de  cruel  et  de  triste ,  c'est  qu'un  mal  plus 


ï)n  SIECLE.  685 

»  affreux  encore  vient  s'ajouter  à  ce  mal  ;  les  riches  les 
»  reçoivent  sur  leurs  terres  en  qualité  d'aubains  {advenœ)j 
»  et  bientôt,  par  le  fait  même  de  leur  habitation,  ils 
>i  deviennent  des  serfs  attachés  â  la  glèbe.  Et  nous  nous 
»  étonnons  si  les  Barbares  nous  réduisent  en  servitude , 
»  quand  nous  rédnisons  en  servitude  nos  propres  frères  ! 
»  Hélaq  î  il  n  y  a  rien  d'étrange  dans  la  dévasta.tiou  et  la 
»  reine  de  nos  cités  ;  il  y 'a  longtemps  qu'en  opprimant  et 
»  Assenrissant  les  autres,'  nous  travaillons  à  notre  propre 
»  asservissement.  Quelle  tableau  !  comme  il  r^ous  tait 
j»  l'histoire  des  classes  pauvres  aux  IIP,  IV  et  V'  siècles.  » 

Les  empereurs ,  pour  se  préserver  d^une  ruine  dont  la 
misère  des  provinces  était  la  source,  se  gardèrent  bien, 
dan«  leur  aveuglement,  dé  s'en  prendre  au  fisc,  aux  mau- 
vaises mœurt,  au  militarisme,  au  morcellement  féodal  de 
leur  autorité  par  les  grands  fonctionnaires,  à  leurs  traités 
inintelligents  avec  fes  Barbares ,  à  leur  oubli  des  grands 
intérêts  nationaux  des  cités  et  des  pagus ,  dont  ils  eussent 
dû  organiser  les  habitants  en  milices  nationales*.  Dans  leur 
imprudence,  ils  ajoutèrent  une  faute  nouvelle  à  toutes  celles 
déjà  commises,  et  démembrèrent  leur  autorité  pour  en 
confier  une  partie  à  des  tribuns  du  peuple,  appelés  défen- 
seurs des  cités. 

Le  clergé  qui  s'était  déjà  posé  comme  autorité  ou  pou- 
poFUVoir  moral  à  côté  du  pouvoir  matériel  des  Césars, 
comprit  de  suite  le  parti  qu'il  pouvait  tirer  de  cette  institu- 
tion. Les  évêques  se  firent  nommer  aux  places  nouvelles  ; 
ils  firent  plus ,  ils  obtinrent  d'Honorius  un  édit  qui  char- 
geait fces  magistrats  de  poursuites  contre  les  hérétiques , 
exigeaàî  que  ceê  défenseurs  fussent  imbus  des  mystères  de  la 
religion  orthodoxe  (sic).  De  véritables  tribunaux  ecclésias- 
tiques et  un  pouvoir  civil  réel  furent  la  conséquence  do 
celte  concession  qui  leur  permit  ultérieurement  de  faire 
directement  d'importantes  négociations  avec  les  Barbares , 
et  de  substituer  à  l'empire  romain  l'empire  mérovingien. 

En  vain,  dans  le  but  d'éviter  le  fractionnement  féodal 
de  leur  pouvoir,  l'inquiétude  des  empereurs  eut-elle  recours 
à  des  moyens  violents.  Des  amendes  de  25  à  40  livres 
d'or,  la  confiscation,  les  peines  les  plus  sévères,  ne  purent 

29* 


686  PHILOSOPHIE 

empêcher  les  petits  propriétaires  de  se  mettre  sous  la  pro- 
tection des  grands,  de  ceux  qui  avaient  la  puissance  de 
faire  agir  ou  d'arrêter  le  fouet  des  agents  du  fisc.  Toutefois 
dans  beaucoup  de  pagus  ou  cantons  les  choses  prirenl 
une  tournure  nouvelle  :  les  populations  soumises  à  une 
domination  qu'elles  détestaient  se  réunirent ,  et  l'idée  dr 
leur  indépendance  possible  entra  dans  leur  esprit.  Sous  lo 
poids  d'une  oppression  sans  égale  et  d'une  épouvantable 
anarchie ,  le  peuple  des  campagnes,  qui  avait  eu  le  temps 
de  réfléchir,  donna  signe  de  vie  ;  les  pagus  surtout  rêvè- 
rent un  sort  plus  doux  et  voulurent  le  conquérir.  Us  étaler/ 
sur  bien  des  [)oints  débarrassés  des  nobles,  les  uns  en  faite, 
d'autres  morts  ou  mourants  dans  les  prisons  où  le  fisc  les 
avait  entassés;  quelques-uns  dépendus  à  l'humble  position 
des  plébéiens ,  à  celle  plus  dure  encore  des  colons.  Rien  m' 
les  retenait ,  et  ils  songeaient  à  s'armer  pour  protéger  leur 
révolte.  Alors  eurent  lieu  des  réuuions  (en  celtique  bagad]  ; 
do  plus  en  plus  fréquentes;  leur  jacquerie  en  prit  le 
nom  ,  elle  «'appela  la  Bagaudie. 

On  vit  alors  sur  plusieurs  points ,  dans  les  provinces  du 
Nord-Ouest,  dans  le  midi  des  Gaules  et  le  Nord  de  l'Espa- 
gne, ces  affranchis  morceler  l'empire  et  s'y  créer  do 
petites  provinces ,  composées  de  cités  indépendantes.  Jor- 
nandès  et  les  autres  écrivains  du  temps]  nous  apprennent 
que  vers  41S  les  Bagaudes  furent  presque  partout  vaincus 
et  exterminés  par  les  Goths,  à  cette  époque  les  auxiUaires 
de  Rome.  Cependant  ils  se  soutinrent  au  Nord-Ouest  des 
Gaules ,  entre  la  Loire  et  la  mer.  Les  paysans  jouèreat  un 
plus  gi*and  rôle  dans  ces  réunions ,  que  les  plébéiens  des 
villes  ;  on  les  menaçait  de  les  brûler  vifs ,  s'ils  se  faisaient 
les  auxiliaires  des  Barbares  ;  et  ces  menaces  fréquanment 
mises  à  exécution ,  nous  dit  Salvien ,  ne  las  arrêtaient  pas. 
Mais  aussi,  ajoutait  le  même  auteur,  qui  a  créé  les 
Bagaudes  :  n'ont-ils  pas  été  conduits  h  cette  position  di' 
révoltés  par  les  iniquités  les  plus  odieuses ,  par  les  rapines 
du  pouvoir,  par  les  exactions  et  l'absence  de  toute  justice? 

Depuis  un  temps  immémorial  les  pfttres  faisaient  voyager 
leurs  troupeaux ,  et  les  lieux  de  pâtures  se  multipliaient , 
car  les  solitudes  étaient  alors  nombreuses  au  sein  de  Tem* 


DU  SIÈCLE.  687 

pire.  Des  terres  de  grande  surface  restaient  sans  proprié- 
taires :  on  aimait  ini#i:  ne  rien  posséder  que  d'avoir 
trop  à  payer  au  fisc.  Le  sol,  dans  la  etreonscription  de 
quelques  cités,  était  à  ce  point  déprécié  que  personne 
n'en  voulait  à  aucun  prix.  Indépendants  par  leur  nature 
et  par  leurs  habitudes ,  les  pâtres,  comme  aujourd'hui  sur 
une  plus  petite  échelle  les  mendiants  de  nos  campagnes  , 
allaient  de  village  en  village  portant  les  nouvelles ,  et 
devinrent  la  source  d'une  puissance  formée  en  grande 
partie  de  colons.  Les  déserteurs ,  les  vagabonds,  les  con- 
damnés ,  tous  ceux  qui  ne  pouvaient  vivre  sous  cette  con- 
trainte que  Toil  appelait  la  loi ,  se  joignirent  à  eux.  AuL 
signal  donné  leur  armée  tout-à|kfait  ignorée  sortait  comme 
de  dessous  terre ,  nous  dit  Salvien ,  pour  aller  ruiner  toute 
un  province;  car  si  l'insurrection  des  Bagaudqs  était,  sous 
toutes  les  formes,  le  fait  le  plus  légitime  et  le  plus  expli- 
quable,  gardons-nous  bien  de  croirequedes  hommesà  demi- 
sauvages,  en  contact  avec  une  civilisation  aussi  féroce  que 
celle  de  Rome ,  aient  apporté  dans  leurs  actes  une  modéra- 
tion et  une  jmagnanimité  dont  le  gouvernement  ne  leur 
donnait  jamais  l'exemple. 

L'un  des  premiers  exploits  de  l'insurrection  des  Bagaudes 
eut  lieu  eu  408.  Ces  hommes  qui  connaissaient  tous  les 
passages  des  Alpes;  s'y  étaient  cantonnés,  et  quand  le  lieu- 
tenant d'Honorius  voulut  rentrer  en  Italie  avec  son  armée, 
qui  était  chargée  d'un  riche  butin  fait  dans  les  Gaules,  les 
Bagaudes  ne  consentirent  à  la  laisser  passer  qu'après  s'être 
emparés  des  dépouilles  de  leur  pays,  qu'emportait 
l'armée  romaine. 

Cette  jacquerie  indiquait  aux  empereurs  l'appui  qu'ils 
pouvaient  trouver ,  en  satisfaisant  leurs  besoins  légitimes , 
chez  les  pâtres,  les  laboureurs,  les  plébéiens  et  les  pro- 
priétaires ruinés  par  le  fisc.  Une  véritable  organisation 
communale ,  progrès  immense  pour  le  temps,  eût  été  la 
conséquence  nécessaire  d'une  politique  habile  par  son  hu- 
manité ;  mais  à  la  cour  on  n'avait  que  deux  pensées,  jouir 
et  faire  de  la  force  :  les  faits  d'ordre  moral  n'étaient  rien  ; 
les  faits  d'ordre  int^lectuel  très-peu  de  chose  ;  les  faijks 
d'ordre  physique  et  matériel  représentaient ,  presque  toû- 


688  PHILOSOPHIE 

jours  en  entier  le  cercle  où  s'agitait  la  pensée  des  empe- 
reurs et  de  leur  entourage.  # 

Quelques  historiens  plus  soucieux  de  systésia^ser  les 
événements  et  de  les  courber  à  des  idées  préconçues  que 
de  se  faire  les  simples  interprètes  des  phénomènes  sociaux , 
considèrent  autrement  la  Bagaudie  et  semblent  croire  que 
partout  elle  a  présenté  ce  caractère  d'ordre  et  de   coalition 
qu'elle  parait  avoir  offprt  au  Nord-Est  des  Gaules  ;    mais 
cette  opinion  n'est  point  historiquement  sotitenable  :  rien 
même  ne  prouve  l'existence,  au  V*  siède,  d'un  pacte  qui 
aurait  réuni  les  deux  Aquitaines ,  la  deuxième ,  la  tit)i* 
sième ,  la  quatrième  Lyonnaise ,  et  une  partie  de  la  deu 
xième   Belgique  ,    c'est-^dire    les    anciennes   provinces 
d'Auvergne,  de  Berry,  de  Bretagne,  de  Normandie,  dlsle 
de  France,   de  Champagne  et  d'Artois,  et  les  quarante- 
neuf  cités  ou  départements  que  comprenaient  ces  provinces 
sous  la  domination  romaine.  —  Ce  qui  paraît  probable, 
c'est  que  les  évoques  devenus  défenseurs  des  cîtés,  et  par 
suite  chefs  politiques,  comme  ils  étaient  déjà  cbefe  reli- 
gieux ,  jouèrent  un  grand  rôle  dans  cette  circonstance.  — 
Ce  qui  est  mieux  établi ,  c'est  que  les  diverses  luttes  de  la 
Bagaudie  ont  duré  une  cinquantaine  d'années.  Le  mouve- 
ment du  Nord   donna  aux   provinces  germaines  la  pensée 
de  s'affranchir  ;  elles  se  révoltèrent,  et  nommèrent  un  chef  du 
nomde  Jovinus.  Lorsque  les  GothsauxiUaires  furent  chargés, 
vers  4i2,  de  faire  justice  de  ces  soulèvements,  ce  Jovinus 
fut  vaincu  et  fait  prisonnier.  La  Bagaudie  du  Nord  perdit 
alors  un  grand  nombrQ  de  villes;  mais  les  cités  bretonnes, 
parmi  lesquelles  Quimper,   Vannes,  Nantes,   Rennes  et 
leurs  villes  voisines,  Angers  ,  le  Mans,  Tours,  Coûtantes, 
Lisieux,  Evreux,    Avranches,    Bayeux,    Rouen,    Sens, 
Chartres,  Troyes,    Auxerres,   Meaux  et  Paris,  résistèrent 
de  telle  sorte  que  l'empereur  Honorius  crut  devoir  recourir 
à  la  diplomatie.  Dans  ce  but ,  un  décret  impérial  annonça 
une  sorte  de  convocation  des  Etats  des  provinces  des  Gau- 
les, fidèles  ou  soumises,  dans  la   ville  d'Arles,  «t  Ton 
nomma  un  gaulois ,  Exupérantius ,  préfet  du  prétoire.  Les 
concessions  viennent  souvent  trop  tard  :  celle-ci  n'arriva  pas 
eh  temps  opportun ,  et  n'eut  point  de  résultat. 


BU   SIÈCLE.  689 

Encouragés  par  la  faiblesse  de  TEmpire,  beaucoup  de 
cités  secouèrent  le  joug  fers  455,  «t  se  soulevèrent  à  l'imi* 
tatioa  des  villes  arjmorioam6&.  Aétius^  général  très^habile, 
fut  chargé  de  les  soumettre  et  il  y  réussit  en  partie:  Ce- 
pendant en  44^,  vingt-^leux  oîtés,  équivalentes  pour  la 
surface  à  dii^huit  départements  de  France,  restaient 
encore  à  dompter.  Ce  fut  alors  que  saint  Germain  Tau- 
xerrois  partit  pour  Raveunes ,  en  apparence  dans  le  but 
de  négocier  les  conditions  de  la  soumission  y  mais  en  effet 
pour  gagner  du  temps  :  il  y  réussit.  Bientôt  les  cités  indé- 
pendantes irouvèrenl  un  auiiliaive  important  dans  le  chef 
d'une  bande  de  pillards  germains  que^  dans  leur  langue, 
les  Celtes  appelaient  yrangs  ou  frangs,  c'est-à-dire  les 
voleurs ,  les  brigands ,  les  corbeaux. 

En  451 ,.  un  danger  commun  réunit  sous  le  même  dria- 
peau  et  sous  le  commandement  d'Aétius^  qui  était  un 
grand  homme  de  guerre,  les  Aomains,  les  Armoricains, 
les  Visigoths,  les  Francs^  les  Bourguignons  et  quelques 
autres  peuples  ;  mais  ils  se  divisèrent  après  la  victoire ,  et 
l'empire  d'Occident ,  qui  avait  perdu  tout  prestige,  abdiqua 
antre  les  mains  des  évoques  auxquels  il  avait  confié  la 
souveraineté  des  cités.  Ceux*ci,  versés  dans  la  connaissance 
des  bonnnes  et  très-habiles  à  les  manier,  ne  tardèrent  pas 
à  adopter  les  Barbares  et  spécialement  les  Francs,  dissol- 
vant ainsi  l'empire  et  la  ligue  semi-républicaine  qui  leur 
avait  confié  ses  intérêts.  Ces  évoques  avaient  très-peu 
favorisé  l'élévation  des  colons  et  des  plébéiens  :  aussi  k 
Ba^udie,  malgré  le  sang  qu'elle  a  fait  verser,  n'a-t-elle 
que  médiocrement  servi  Les  masses  toujours  si  facilement 
dépouillées  par  la  diplomatie,  des  avantages  ecmquis  par 
leur  patience  et  leur  courage. 


IIKAUaURATIOl^  ET  DBGA1«1IGB  DB  l'bMPIRB  BBS. 

BTÉROVII^GIENS. 

HonoriuS)  après  s'être  fait  le  vassal  du  clergé,  avait  en 
la  faiblesse  d'^bai^d^nner  à  Wallia,  roi  des  Goths,  tout» 


690  PHILOSOPHIE 

la  partie  méridionale  des  Gaules.  Celui-ci  mourut  en  419  ; 
mais  il  fut  remplacé  par  Théodoric ,  qui  fit  de  Toulouse 
sa  capitale  et  sut  régner  trente-deux  ans  sur  rAquitaine. 

Vers  ce  temps,  les  Bretons  d'Angleterre  passaient  en 
masse  dans  fa  petite  Bretagne,  et  le  général  Aétius  réta- 
blissait, par  son  habileté  politique  et  militaire,  la  for- 
tune de  Rome  au  Nord  de  la  Loire;  mais  les  barbares 
surent  lutter  de  ruse  et  d'adresse.  Vaincus  comme  enne- 
mis, les  Bourguignons  se  firent  les  alliés  de  Rome  et 
s'emparèrent ,  en  cette  qualité ,  de  Genève ,  de  Lyon  et  du 
pays  compris  entre  le  Rhône  et  le  Rhin ,  voire  même  d'une 
partie  du  Midi  de  la  France. 

Attila,  en  451 ,  vint  faire  trêve  aux  luttes  intestines  qoi 
ruinaient  les  Gaules  ;  il  comptait  sur  ces  divisions  pour 
s'en  emparer,  mais  il  fut  vaincu  par  Aétius,  aux  plaines  de 
Châlons.  Parti  de  Rome  avec  des  secours  de  papiers , 
comme  le  dit  spirituellement  l'abbé  Dubos,  il  sut,  en 
quelques  mois ,  organiser  une  grande  armée  et  prendre  les 
dispositions  les  plus  habiles. 

L'empereur  assassina  lui-même  Aétius,  en  454,  et  porta 
ainsi  le  coup  le  plus  funeste  à  sa  puissance.  Avilus, 
poète  a^sez  remarquable  et  l'un  des  saints  du  calendrier , 
monta  bientôt  sur  le  trône  ;  mais  il  n'avait  aucune  des 
quahtés  nécessaires,  et  il  ne  tarda  pas  à  se  démettre  de  la 
pourpre.  A  son  abdication ,  succédèrent  des  luttes  entre  les 
Bretons,  les  Bourguignons,  les  Francs  et  les  Goths.  Une 
lettre  de  Sidoine  AppoUinaire  nous  fait  présumer  qu'il  y 
avait  même  un  traité  entre  les  Francs  et  les  Goths  pour 
démembrer  la  Gaule  romaine ,  à  l'exclusion  des  Bourgui- 
gnons, en  prenant  res])ectivement  la  basse  Loire  pour 
limite. 

A  partir  de  509 ,  les  événements  marchent  rapidement. 
En  cette  année,  les  Danois,  les  Rugiens,  les  Hernies  et 
d'autres  Barbares ,  appelés  en  Italie  par  Oreste ,  qui  gou- 
vernait sous  le  nom  de  son  fils,  demandèrent  le  tiers 
des  terres  :  le  pays  leur  allait ,  et  ils  désiraient  s'y  fixer. 
Sur  son  refus,  Odoacre,  chef  des  Herules,  déposa  l'em- 
pereur, partagea  les  terres  et  demeura  dix  ans  maître  de 
l'Italie. 


BU   SIÈCLE.  691 

Cet  événement  eut  son  contre-coup  dans  les  Gaules  :  les 
Goths  s'emparèrent  de  la  Provence;  mais  les  Francs,  sous 
la  conduite  de  Clovis ,  firent  alliance  avec  les  évêques  et 
devinrent ,  sans  coup  férir,  la  milice  des  principales  cités 
du  Nord  de  la  France.  Cette  polilique  habile ,  Tassassinat 
de  quelques  chefs  rivaux  qui  étaient  ses  proches  parents  , 
son  mariage  et  la  victoire  de  Tolbiac,  lui  livrèrent  les 
villes  armoricaines,  Cambrai,  la  Belgique,  Cologne,  l'Al- 
sace, la  Souabe,  la  Franconie,  THelvétie,  la  Rhétie  et  la 
Bavière.  11  voulut  s'emparer  de  la  Bourgogne,  mais  il 
échoua.  Plus  heureux  vis-à-vis  des  Visigoths,  il  gagna  sur 
eux,  en  607,  la  victoire  de  Vouillé,  près  Poitiers,  qui  lui 
livra  presque  toute  la  France  méridionale ,  y  compris  Tou- 
louse, et  les  trésors  du  prince  rival.  Clovis  mourut  en  511, 
à  Lutèce  ou  Paris,  dont  il  avait  fait  sa  capitale. 

Très-criminel  vis-à-vis  de  ses  proches ,  Clovis  fut  excel- 
lent pour  le  peuple  et  dota  richement  le  clergé ,  qui  lui 
pardonna  ses  assassinats.  Saint  Mélaine,  de  Rennes  ;  saint 
Wast,  d'Arras;  Euspicius,  premier  abbé  de  Mici;  saint 
Mesmin  et  plusieurs  autres  en  font  presque  un  petit  saint. 

Le  problème  de  la  conquête  de  l'empire  par  les  Ger- 
mains était  résolu  ;  restait  celui  de  son  organisation. 
Fallait-il  greffer  la  Germanie,  avec  ses  mœurs  pures  et  ses 
institutions  communales  si  hbérales  pour  tous ,  sur  l'orga- 
nisation des  cités  et  des  pagus,  ou  bien  convenait-il  de 
continuer  la  domination  domaine  avec  des  maîtres  ger- 
mains ? 

Clovis  ne  comprit  qu'à-demi  la  première  solution,  qui 
transformait  les  colons  et  serfs  en  fermiers  et  devait  unifier 
son  empire  ;  cette  solution  d'ailleurs  répugnait  aux  évê- 
ques, ses  auxiliaires  et  conseillers.  11  prit  un  moyen  terme  : 
laissant  à  chaque  peuple  ses  institutions ,  il  fit  fonctionner 
à  nouvean  la  vieille  machine  fisco-gouvernementale  de 
Rome ,  sous  la  direction  de  Francs  et  surtout  de  Gallo- 
Romains.  Pressé  par  ses  idées  de  conquête,  il  oublia 
l'organisation  qui  les  pouvait  rendre  durables.  —  Pendant 
sa  vie ,  cette  machine  fonctionna  doucement ,  mais  avec 
sa  mort  tout  changea.  Sous  l'empire,  c'était  la  curie  ou 
sénat  départemental  qui  faisait  le  répartement  de  l'impôt 


692  PHILOSOPSIE 

entre  les  pagus ,  comme  aujourd'hui  les  conseils- générdiix 
de  France,  Sons  les  mérovingiens,  l'impôt  territorial  et  les 
capitations  forent  continués  ;  le  même  matériel  et  le  même 
personnel  fonctionnèrent ,  à  cela  près  que  les  comtes  rem- 
placèrent les  sénats  des  cités  qui  survécurent  comme  ces 
becs  de  gaz  dont,  au  grand  joor^  nous  réduisoBs.la  flamme 
de  telle  sorte  qu'elle  soit  à  peu  près  imperceptible ,  quoi- 
que se  conlinuaiit  toiyours. 

Signalons  ici  deux  faits  importants  :  l'on ,  l'origine  de  la 
puissance  des  comtes  et,  partant,  d'agences  simples  qui 
correspondent  k  un  pouvoir  simple ,  la  royauté ,  ce  qui  fil 
faire  un  nouveau  pas  à  la  féodalité  ou  démembrement  dn 
pouvoir  royal,  qui  ne  pouvait  être  durable  et  puissant 
qu'avec  des  libertés  communales  plus  ou-moins*  démocra- 
tiques. L'autre,  la  soumission  de  toutes  les  terres  à  l'impôt. 
Celles  des  soldats  en  furent  seules  exceptées  selon  Tusage 
(les  Francs  étaient  la  milice  du  nouvel  empire). 

Remarquons  encore  que  dans  les  pays  occupés  par  les 
Ripuaires,  le  jour  où  le  préfet  des  Gaules  eut  disparu,  le 
juge  ou  duc  de  Belgique  le  remplaça  ;  avec  lui ,  ses  prévôts 
montèrent  en  grade  et  devinrent  greffions  ou  comtes.  Les 
prévôts  de  ceux-ci  devinrent  à  leur  tour  vtguiers ,  vicaires, 
vicomtes ,  prévôts ,  châtelains  et  centeniers.  Les  vicomtes  et 
viguiers  étaient  plus  spécialement  chargés  des  admires 
fiscales  ;  les  châtelains ,  prévôts  et  centeniers ,  des  affaires 
judiciaires  et  dé  la  poursuite  des  malfaiteurs.  Les  uns  et 
les  autres  étant  Germains,  furent  appelés  par  les  Gallo- 
Romains,  gentilshommes^  c'est -èt-dire  gens  de  race  étran- 
gère. 

Avec  la  prépondérance  des  Francs  augmenta  celle  de 
leur  loi.  En  général ,  pour  être  libre ,  on  se  faisait  Franc 
ou  l'on  entrait  dans  les  ordres ,  ce  qui  ne  forçait  nullement 
de  renoncer  au  mariage.  La  puissance  des  comtes  entraîna 
l'abaissement  des  curies  des  cités,  qui,  d'agences  dépar- 
tementales, furent  réduites  i  l'état  d'agences  locales  ou 
paroissiales ,  tandis  que  leurs  villes  capitales  devenaient  de 
simples  paroisses  civiles  ou  communes ,  souvent  opprimées 
par  les  comtes. 

Chargés  de  la  perception  de  Timpôt ,  les  comtes  et 


BU  SIÈCLE.  695 

greffions  des  Francs,  qui  n'étaient  pas  d'habiles  administra- 
teurs ,  les  donoèrenl  en  ferme  à  des  Juifs.  Quelquefois , 
comme  cela  eut  lieu  pour  le  célèbre  Armentariusi  les 
comtes  faisaient  assassiner,  pour  le  dépouiller  ensuite ,  le 
Juif  auquel  ils  avaient  donné  en  location  leurs  pouvoirs 
pour  la  perception  appelée  alors  txacixon.  A  cette  époque , 
les  comtes  représentaient  donc  non-seulement  nos  préfets 
actuels,  mais  aussi  nos  receveurs -généraux  de  France: 
comme  ces  derniers,  ils  faisaient  des  avances  à  l'Etat, 
presque  toujours  par  l'intermédiaire  d'usuriers  qui  en 
étaient  souvent  victimes. 

11  est  dans  la  liature  humaine  d'aimer  les  jouissances 
faciles.  La  cour,  car  il  y >  eut  bientôt  une  cour  mérovin- 
gienne ,  consomma  beaucoup ,  et  le  fisc  revint  aux  habi- 
tudes de  l'ancienne  Rome.  Le  bas  clergé ,  les  Francs  eux- 
mêmes  ne  furent  pas  ménagés  ;  mais  les  peuples  du  Nord 
avaient  une  toute  autre  individualité  que  les  Galtô-Romains, 
et  le  bas  clergé  toute  la  ruse  de  gens  habitués  à  lutter 
contre  divers  despotismes.  Les  Francs  firent  de  la  révolte 
individuelle,  et  le  haut  clergé,  prenant  la  défense  des 
siens,  répondit,  en  567,  à  sa  manière  au  concile  de  Tours, 
en  appelant  tous  les  clercs  à  lire  en  chœur  le  Pseaume  108 . 
contre  le  meurtrier  des  pauvres,  le  ravisseur  des  biens 
d'église,  afin  d'appeler  sur  sa  tête  la  malédiction  qui  frappa 
Judas ,  l'avare ,  le  voleur,  le  meurtrier.  Ce  nouveau  Judas, 
voleur,  avare  et  meurtrier,  c'était  le  roi  lui-même  !  !  ! 

Atteints  par  les  maladies  dans  leurs  affections  de  famille, 
Chilpéric  et  Frédégonde  firent  ouvrir  les  prisons  des  déte- 
nus pour  refus  ou  pour  impossibilité  ae  payer  l'impôt  ; 
ils  jetèrent  au  feu  les  rôles  du  fisc ,  et  furent  en  apparence 
trè^généreux  ;  mais  ils  ne  détruisirent  en  réalité  qu'une 
suctaxe ,  et  les  anciens  impôts  restèrent  ce  qu'ils  étaient. 

Pendant  un  demi-siècle,  la  reine  Brubnaud,  femme 
sans  cœur  et  sans  foi,  passionnée  comme  une  méridionale, 
s'efforça  de  créer  par  la  violence ,  une  royauté  puissante. 
Le  poison,  l'assassinat,  l'exil  furent  ses  moyens,  mais  elle 
mourut  méprisée  et  détestée  pour  ses  crimes,  sans  avoir, 
pu  atteindre  son  but.  Nous  n  en  sommes  étonnés  :  d'un 
côté,  la  royauté  avait  affaire  au  clergé  et  aux  nobles  gallo- 


694  PHILOSOPHIE 

romains,  gens  de  finesses  et  de  protocoles,  ?rais  procédu- 
riers ,  sachant  patienter  avec  les  crimes  des  rois  dont  ils 
étai^t  souvent  les  instruments  ;  mais  ayant  l'habitude  de 
co  calme  placide ,  de  cette  inertie  calculée,  qui  sait  laisser 
combler  la  mesure,  et  marche  diplomatiquement  au  but,  par 
des  chemins  couverts  et  surs  ;  de  l'autre  elle  avait  pour 
adversaires  les  leudes  ou  chefs  des  Francs ,  gens  souv^it 
honnêtes,  ayant  tous,  bons  ou  mauvais,  quelque  chose  de 
rude  et  d'agreste  comme  leur  forêts.  Ceux-ci  se  manifestè- 
rent au  grand  jour  en  assassinant,  vers  548,  Posthuroius,  qui 
le  premier  les  avait  soumis  à  l'impôt.  L'ayant  trouvé  eaxAié 
dans  un  vieux  bahut  d'église,  ils  le  lapidèrent  sur-le-champ, 
après  l'avoir  attaché  à  l'un  des  piliers  du  temple.  Le  res- 
pect des  peuples  pour  les  rois  mérovingiens  n'était  pas 
extrême  à  cette  époque  :  Grégoire  de  Tours ,  nous  rapporte 
qu'en  son  église ,  Contran  s'adressa  de  la  sorte  au  peuple 
réuni  à  la  messe  du  dimanche  :  cr  Je  vous  en  supplie  tous, 
»  hommes  et  femmes,  gardez -moi  votre  foi  et  ne  me 
»  tuez  pas  comme  vous  avez  occis  mes  frères.  Je  vous 
»  en  supplie ,  laissez-moi  élever  mes  neveux  ;  il  me  faut 
»  trois  ans  encore  pour  leur  éducation ,  et  vous  avez  besoin 
»  d'un  homme  fort  de  ma  race,  pour  vous  sauver  vous  et 
»  ces  pauvres  petits,  n  Que  d'enseignements  historiques  en 
ce  discours  !... 

La  lutte  engagée  n'avait  qu'une  solution  possible,  l'abais- 
sement de  la  royauté.  Par  l'édit  de  6iS,  les  Gallo-Romains 
et  leurs  évoques  désarmèrent  le  pouvoir  royal  à  leur  profil, 
tandis  que  l'opposition  des  leudes  fut  représentée  au  sein 
même  de  la  cour,  par  une  vaillante  famille  d*Austrasie , 
qui  réunissait  au  plus  haut  degré  toutes  les  qualités  gou- 
vernementales :  la  prudence  qui  sait  attendre,  l'audace  qui 
étonne,  la  réserve  qui  annonce  le  calme ,  et  cette  indomp- 
table énergie  qui  prouve  d'une  inflexible  volonté.  Habiles 
en  discussion  comme  des  clercs  d'église,  politiques  comme 
les  plus  roués  des  Romains ,  audacieux  à  la  manière  des 
plus  braves  de  leur  nation ,  les  maires  du  palais  surent  res- 
taurer cette  ancienne  position  des  tribus  germaines ,  qui 
avaient  quelquefois  pour  roi  l'homme  de  la  race,  et 
pour  chef  le  plus  valeureux.  Lesrois  dits  fainéants  n'étaient 


BU  SIÈCLE.  695 

pas  fainéants ,  mais  de  vaillants  hommes  dans  Timpossi- 
bilité  d'agir,  des  rois  sans  royaume  et  sans  peuple.  Cet 
abaissement  eut  été  évité  si  Glovis  avait  su  ou  voulu  dire, 
conformément  à  la  loi  germaine  et  h  une  sage  politique  : 

Il  n'y  a  dansTempire  ni  vainqueurs  ni  vaincus; 

Ses  défenseurs  armés  seront  exempts  d'impôts; 

Les  cités  continueront  à  s'administrer  elles-mêmes  ; 

Le  colonat  s'exercera  selon  la  loi  germaine  ;  les  esclaves 
et  colons  deviendront  fermiers  ; 

Le  tiers  des  terres  sera  toujours  affecté  aux  besoins  de 
l'Etat  et  de  sa  défense  ;  il  ne  sera  pas  transmissible  par 
h^tage ,  il  sera  domaine  public  ou  royal  ; 

Les  pagus  nommeront  eux-mêmes  leurs  prévôts. 

Malheureusement  ceux  qui  comprenaient  cette  solution 
et  qui  avaient  intérêt  à  ce  qu'elle  eut  lieu ,  préférèrent 
s'allier  aux  leudes  pour  morceler  le  pouvoir. 


TRI03IPHE  DE  LÀ  FFIoDÂUTÉ. 


Le  maire  du  palais  ou  duc  des  Francs,  Pépin  d'Héristal, 
nous  représente  le  parti  noble  et  surtout  le  parti  franc 
grandissant  en  puissance.  Le  jour  ou  Pépin  s'empara  du 
pouvoir  de  -Thierry,  fils  de  Clovis  11,  ce  môme  jour,  la 
féodalité  fit  passer  la  monarchie  sous  les  fourches  cau- 
dines.  Sous  le  règne  de  Dagobert  II,  un  homme  de 
grande  virtualité  que  l'on  retenait  en  prison,  Charles- 
Martel,  voyant  les  difficultés  qui  pesaient  sur  l'empire,  vole 
en  Austrasie,  se  pose  duc  des  Francs,  qui  l'acclament ,  et 
prend  la  direction  de  la  grande  puissance  qui  portait  ce 
nom.  Sa  politique  fut  vigoureuse:  laissant  vivre  à  côté  de 
lui  uii  pouvoir  nominal ,  il  occupa  les  nobles  dans  des 
guerres  d'intérêt  national ,  et  sut  abaisser  l'épiscopat  au 
profit  de  tous.  Les  Frisons,  les  Saxons,  les  Arabes 
reconnurent  sa  valeur  ;  et  le  pape  fut  contraint  de  lui  payer 
en  concours  politique ,  ie  secours  qu'il  lui  accorda  contre 
les  Lombards. 


696  PHILOSOPHIE 

Pépin  dit  le  Br^  héiita  de  Charles  Martel  pour  la 
râleur;  il  combattit  lesSarrasins,  les  Aquitains,  tes  Salons, 
les  Bavâ^rois ,  les  Ëselavons^  mais  il  n-organisa  ri«ii  an 
civil;  il  se  fit  oindre  &  la  manière  de  Saûl  et  de  David, 
donna  au  pape  un  pouvoir  tt^mporel  et  renonça  à  la  poli- 
tique de  son  père  à  l'égard .  du  clergé  ;  il  fut  le  père  de 
Charlemagne. 


ÉLÉKENTS  QUI    POUVAIENT   ET  DEVAIENT  SE  COMBINER  POUR 
PRODUIRE  LES  COMMUNES. 

Un  mariage  physiologiquement  égalitaire  à  la  manière  de 
c«  qui  se  pratiquait  chez  les  Germains  ;  une  famille  nou- 
velle ,  conséquence  de  ce  mariage  perfectionné  ;  une  com- 
mune OU  association  de  familles,  en  nombre  suffisant 
pour  arriver  à  la  production  économique ,  sous  le  triple 
rapport  physique ,  intellectuel  et  moral  :  voilà  les  bases  de 
rhumanité.  Cette  assertion  explique  l'importance  que 
nous  attachons  à  tout  ce  qui  concerne  le'  mariage,  la 
famille ,  la  commune ,  et  justifierait  ce  chapitre  s*il  en 
était  besoin. 

De  Glovis  à  Charlemagne ,  les  populations  qui  avaient 
conservé  plus  ou  moins  leurs  curies  restèrent  en  place. 
Les  Goths ,  les  Sarrasins ,  les  Francs  ne  détruisirent  les 
cités ,  ni  dans  le  nord  de  Tltalie  ,  ni  dans  le  midi  de  la 
France,  ni  même  à  Rheims  et  autres  lieux  ;  mais  ils  amoin- 
drirent leur  pouvoir  et  leurs  éléments  :  ils  en  firent,  avons- 
nous  dit ,  des  com^munes  civiles ,  dont  les  matériaux  sur 
bien  des  points  ne  furent  même  pas  disjoints  par  les  chocs. 

A  côté  de  ces  éléments  d'avenir  civil ,  d'avenir  de  paix 
et  de  travail,  il  y  avait  déjà,  au  VI*  siècle,  des  paroisses 
ou  communes  spirituelles.  Là  où  le  peuple  nommait  ses 
curés,  pouvait-il  ne  pas  désirer  d'aller  plus  loin?  Le  fait 
de  la  nomination  des  curés  avait  surtout  lieu  dans  les 
pagus.  populeux,  représentés  aujourd'hui  par  nos  petites 
villes  et  nos  chefs-Ueux  de  cantons. 


BU  siàCLE.  697 

Toutes  les  abbayes  si  nombreuses  dès  le  VU*  siècle, 
étaieot  autant  decommiuies  spirituelles,  dan&r  lesquelles  le 
communisme  dépassait  de  justes  limites,  comme  il  les  a 
plus  tard  dépassées  dans  les  communes  civiles. 

Les  Ratchimbourgs,  dont  les  lois  salique  et  ripuaire  font 
mention ,  étaient  aussi  un  autre  élément  du  communa- 
lisme  à  venir.  Huit  Ratchimbourgs  jugèrent,  sous  Cloris, 
une  cause  qui  intéressait  saint  Rémi ,  ce  qui  prouve  qu'ils 
étaient  Gallo-Romains  et  que  leur  tribunal  différait  de  celui 
des  Francs. 


QUELQUES  BVÈNEXENTS   DE   l'ORDRE   RELIGIEUX 
DU    IV"'   AU   VIII"*   SÈCLB. 

La  narration  du  concile  de  Nicée ,  ce  fait  si  ifnportant , 
varie  singulièrement  chez  les  historiens  qui  en  ont  parlé. 
Où  trouver  la  vérité  ?  Eusèbe  nous  rapporte  que  plus  de 
deux  cent  cinquante  évêques  y  assistaient  ;  Socrate  dit  plus 
de  trois  cents;  Sozomène,  trois  cent  vingt;  plusieurs,  trois 
cent  dix-huit  ;  puis  Eutychius ,  Joseph  et  Isroaël  Ibn-Ali , 
cité  par  Seldenus,  rapportent  .que  deux  mille  quarante- 
huit   prêtres,  se  présentèrent  pour  en  faire  partie,   que 
Constantin  en  rejeta  mille  sept  cent  trente  qui  étaient  no- 
toirement ariens,  et  n'admit  que  les  trois  cent  dix-huit 
pasteurs  qu'il  supposait  de  son  opinion.  Dans  ce  concile  fut 
discutée  et  rejetée  la  croyance  d'Arius.  — En  voici  le  résumé  : 
«  Dieu  n'a  pas  toujours  été  Père ,  Fils  et  Saint-Esprit  : 
»  il  fut  un  temps  où  il  était  Dieu  seulement.  —  Toutes 
»  choses  ayant  été  faites  du  néant ,  le  verbe  divin ,  qui  est 
»  au  nombre  des  créatures ,  a  été  tiré  du  néant.  —  Puis- 
A  qu'il  n'était  pas  avant  d'exister,  il  a  eu  un  commence- 
»  ment.  —  Le  Christ  étant  une  créature ,  est  inférieur  à 
»  Dieu  le  Père,  son  créateur.  —  Mais  il  y  a  eu  un  moment 
»  où  Dieu,  réternelle» sagesse ,  a  cru  utile,   pour  nous 
)>- produire,  de  créer  un  être  auquel  il  a  donné  le  nom  de 
«  verbe ,  de  fils  et  de  sagesse ,  afin  de  s'en  servir  pour 
)i  notre  production,  » 


698  PHILOSOPHIB 

Athanase  n'eut  point  de  peine  à  démontrer  que  cette 
doctrine  était-  entièrement  celle  de  Platon.  Métaphysique- 
m^t,  Arius  était,  à  notre  sens,  en  grande  erreur  :  comment 
admettre  que  l'être  universel  puisse  exister  avec  la  pré- 
existence de  son  mode ,  puissance  sur  les  modes,  verbe 
ou  action,  esprit-saint  ou  amour?  Mais  son  adversaire  alla 
plus  loin  :  laissant  de  côté  les  enseignements  de  toute  Tan- 
tiquité,  il  fit  admettre  Tétat  distinct  et  cependant  con- 
substantiel  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit. 

Cette  solution  ne  fut  pas  acceptée  dans  ces  termes  par 
les  trois  cent  dix-huit  évêques  du  concile.  Secundus,  Me- 
letius,  Eusèbe  de  Césarée,  Eusèbe-le-Grand  de  Nicomé- 
die ,  Paulin ,  Léontius ,  Théonas ,  Bazile ,  Théognis  el 
d'autres  ,  remplacèrent  le  mot  grec  qui  signifie  consubsim- 
ttel  par  une  autre  expression  qui  veut  dire  semblable  quant 
à  la  substance, 

A  la  sutte  de  ce  concile ,  Constantin  fit  une  lettre-circu- 
laire dans  laquelle  il  ordonnait  que  les  ariens  fussent 
appelés  porphyriens,  que  les  livres  d' Arius  fussent  brûlés, 
et  que  Ton  mit  a  mort  ceux  qui  en  conserveraient  des 
exemplaires.  —  Notons  au  passage  cet  acte  solennel 
d'oppressive  et  sanguinaire  intolérance  :  l'empereur,  dans 
toute  la  majesté  de  ses  fonctions,  décrète  la  peine  de  mort 
contre  l'indépendance  de  la  foi;  le  maître  du  monde  chré- 
tien dit  à  l'espèce  humaine  :  «  Crois  ce  que  je  crois,  ou 
meurs.  »  Et  dans  cette  assemblée  d'évêques,  où  de  si  vives 
passions  s'étaient  agitées ,  pas  une  voix  ne  s'élève  pour 
confesser,  au  nom  du  Christ,  les  droits  de  rhumaniléel 
réclamer  l'indépendance  des  âmes. 

Quelles  étaient  ces  hérésies  célèbres  des  pélasgiens,  des 
semi-pélasgicns ,  de  Nestorius,  d'Eutychès,  qui  agitèrent 
si  profondément  le  cinquième  siècle  ?  Les  voici  en  quelques 
mots. 

Ecoutons  d'abord  Pélasge  : 

Adam  a  été  créé  mortel  ;  —  son  péché  lui  était  pcr- 
s(Mmel ,  —  donc  il  n'y  a  pas  de  péché  originel ,  —  donc 
le  péché  d'Adam  n'est  point  la  cause  de  la  mort  du  genre 
humain ,  —  donc  la  résurrection  de  Christ  ne  saurait  être 
la  cause  de  la  vie  future,  ni  de  la  résurrection  générale. 


BU  SISCLB)  699 

L'homme  est  né  libre ,  dooc  il  est  responsable  ;  —  sans 
liberté ,  pas  de  responsabilité.  —  La  faiblesse  n'excuse  pas 
les  vices.  —  Si  le  péché  peut  être  évité  il  est  mal  de  le 
commettre ,  et  alors  il  existe  ;  —  s'il  existe ,  son  existence 
est  une  preuve  de  la  liberté.  —  Nier  la  possibilité  d'éviter 
le  péché ,  c'est  nier  le  Hbre  arbitre.  —  Le  dogme  du 
péché  originel  est  absurde  et  injurieux  à  Dieu.  —  Une 
créature  qui  n'existe  pas  ne  saurait  être  complice  d'une 
mauvaise  action. 

Pour  réfuter  Pélasge,  au  sujet  de  la  liberté,  il  fallait  être 
un  physiologiste  de  1850,  et  savoir  que  la  liberté  c'est  le 
droit  et  le  pouvoir  de  se  développer  au  physique,  au  moral, 
à  rintellectuel ,  selon  le  pjian  providentiel  de  la  nature.  — 
Augustin  entreprit  de  le  combattre  :  il  arriva  dans  sa  polé- 
mique à  des  conséquences  comme  celle-ci  :  -—.Dieu  peut 
accorder  la  grâce  à  un  homme  plutôt  qu'à  un  autre ,  sans  y 
être  déterminé  par  ses  mérites. 

Voici  l'argumentation  très  scholastique  de  Nestorius  : 
Marie  n'est  point  la  mère  de  Dieu ,  mais  seulement  de 
Jésus.  —  Créature ,  elle  n'a  pu  enfanter  sou  créateur  ;  — 
mère ,  elle  n'a  pu  donner  naissance  qu'à  un  fils  de  sa 
nature  ;  c'est- à-diré  mortel.  —  Donc  le  verbe  s'est  incamé 
en  s'unissant  à  la  chair  de  Jésus;  mais  il  n'est  point  mort 
(lui  verbe)  et  il  a  ressuscité  le  Christ.  —  Il  y  a  donc  deux 

5)ersonnes  en  Christ  :  le  Dieu ,  et  l'Homme  dont  le  Dieu  a 
ait  l'instrument  de  la  rédemption  du  genre  humain. 

Eutychès  enseignait  au  contraire  qut;  depuis  l'incarna- 
tion ,  il  n'y  a  plus  eu  en  Jésus  qu'une  seule  nature ,  la 
divinité  et  l'humanité  se  trouvant  confondues. 

Après  Pélasge  vint  Fauste ,  comme  lui  breton  ;  après  la 
question  humaine  vint  celle  de  l'Ame.  Tertulien  matériali- 
sait l'âme,  il  en  faisait  un  cerveau  transfiguré.  Jean 
de  Damas  admettait  des  être  incorporels  par  naiure^ 
d'autres  par  vice  de  langage.  Dieu  est  incorporel  par  nature, 
disait-il;  mais  les  anges  etJes  autres  êtres  spirituels  ne 
le  sont  qu'eu  égard  à  la  grossièreté  de  la  matière'.  Fauste 
suivit  cette  voie. 

Autres  sont,  dit-il,  les  choses  invisibles ;,,''l^u très  les 
choses  incorporelles.  —  Tout  ce  qui  est^erê^  est  matière 


y 


700  PHILOSOPHIE 

saisissable  pour  le  créateur  et  corporel.  —  L'Ange,  dit^l 
encore ,  occupe  un  lîeu  (il  eut  pu  rf[out^r  le  cerveau)  ;  elle 
n'est  point  partout  où  se  porte  la  pensée;  elle  est  distincte 
de  ses  pensées  qui  varient  et  passent,  tandis  qu'elle  est 
permanente  et  identique.  — Elfe  sort  du  corps  a  la  naort, 
(Christ  n'a  jamais  dit  autre  chose) ,  elle  y  rentre  par  h 
résurrection  (c'est  encore  la  dbctrinç  chrétienne)  y  témoin 
Lazare.  La  distinction  de  Tehfer  et  du  paradis ,  des  peines 
et  des  récompenses  étemelles ,  prouve  que  même  après  la 
mort  les  âmes  occupent  un  liem  ;  elles  sont  donc,  corpo- 
relles. —  Dieu ,  ajoute  Fauste ,  est  incorporel,  parce  qu'in- 
saisissable et  partout  répandu. 

Cette  doctrine  fut  l'occasion  d'un  mauvais  écrit  de 
Mamert  ClaudîBn ,  que  Guizot  a  reproduit  en  lui  donnant 
assez  légèrement  son  entier  assentiment.  Il  eût  été  plus 
sage  de  faire  remarquer  que  toute  cette  discussion  roule 
sur  le  mot  carp€r$i ,  que  Mamert  Claudien  applique  unique- 
ment aux  corps  pondérables ,  et  que  Fauste  applique  à  un 
être  impondérable.  Au  lieu  d'approuver  des  propositions 
aussi  réfu tables  que  celle-ci,  «  dans  le  corps  vitant^  chaqut 
partie  vit  autant  que  tout  le  corps  entier,  et  rame  at 
cette  vie,  »  Guizot  eut  mieux  fait  de  rechercher  la  filiation  des 
doctrines  de  Fauste  ;  alors  il  eut  vu  que  la  doctrine  du 
prieur  de  Lerin ,  qui  vivait  au  midi  de  la  France ,  au  con- 
tact de  philosophes  pythagoriciens ,  n'était  que  lei*r  pan- 
théisme spiritualiste ,  modifié  par  les  opinions  chrétiennes 
du  temps. 

Le  concile  d'Orléans  qui  se  réunît  au  siècle  suivant,  à 
la  demande  de  Clovis,  ne  négligea  rien  pour  étendre  le 
pouvoir  temporel  des  évêques.  11  alla  même  jusqu'à  leur 
donner  le  droit  d'asile  dans  leurs  hôtels  ;  il  supprima  aussi 
la  piescription  pour  les  biens  ecclésiastique  . 

Quelle  était  à  cette  époque  la  législation  atholique  pour 
les  élections  des  évêques?  Il  n'y  avait  pas  de  règle  absolue 
pour  la  forme;  tous  cependant  étaient  élus  par  leurs  parois- 
siens, car^paroisse  et  évêché  c'était  tout  un  aux  premiers 
siècles.  Ce  droit  était  si  loin  porté  que  le  pays  de  Cjrénée 
élut  un  jour  le  philosophe  platonicien  Cynésius,  pour  ses 
vertus  et  la  considération  dont  il  jouissait,  bien  qu'il  crut 


DU   SIÈCLE.  701 

à  la  préeiistence  des  ftmes  à  la  création  de  notre  terre, 
à  rétemité  de  Id  substance  matérielle ,  et  à  la  lésurrection 
prise  seulement  en  un  sens  mystique,  car  il  traitait  la^ 
résurrection  dé  la  chair  d'abominable (Synes,  epist  105  ad* 
fraireê)\  bien 'plus,  Synésius  était  marie,  et  déclara  qu'il 
n'entendait  nullement  renoncer  à  ses  espérances  d'être 
père.  — Ambroise  de  Milan  était  très-jeune  et  n'avait  pas 
été  baptisé  qqand  le  peuple  le  choisit  pour  gouverneur 
spirituel.  Beaucoup  d'autres  faits  pourraient  venir  à 
l'appui  de  ce  qui  précède  ;  toutefois  dès  le  Vil*  siècle  la 
société  chrétienne  se  divise  :  d'un  côté ,  Iç  clergé  ou  admi- 
nistration; de  l'autre,  les  ordres  religieux.  Peu  à  peu  les 
évèques  agrandissent  la  distance  qui  les  sépare  des  autres 
prêtres  ;  ils  se  présentent  d'abord  comme  une  autorité 
pleine  de  mansuétude ,  mais  ils  ne  cessent  de  dépouiller 
César  et  bientôt  Clovis  à  leur  profit,  de  manière  à  devenir 
les  maîtres  du  pouvoir  matériel.  En  vain  conservent-ils 
aux  chrétiens  les  réunions  reUgieuses  et  les  conciles  ^  bien- 
tôt ils  pèseront  de  tout  leur  poids  sur  ces  assemblées:  déjà  le 
bas  clergé  ne  participe  plus,  par  les  conciles,  à  la  confection 
du  dogme ,  et  les  réunions  religieuses  ne  se  feront  doréna- 
vant qu'avec  leur  autorisation.  —  Si  nous  plaçons  en 
regard  de  la  société  religieuse ,  la  société  civile ,  gardons- 
nous,  avec  Guizot,de  croire  au  néant  partout.  Au  contraire, 
il  existe  partout  de  grands  germes  de  toutes  ces  forces  qui 
produiront ,  en  se  développant ,  les  associations  appelées 
communes  et  corporations ,  les  confédérations  de  cantons 
et  les  confédérations  de  villes  libres. 


ARTS,   SCIENCB,   INDUSTRIE  AUX  SIÈCI«SS  DE  BARBARIE. 


Le  np  siècle  nous  rappelle  la  construction  des  Thermes 
de  Rome,  le  Traité  du  Sublim"^  de  Longin,  l'importation 
de  la  soie  de  l'Inde  et  la  conservation ,  par  saint  Clément , 
de  fragments  d'ouvrages  aujourd'hui  perdus.  Les  sciences 
exactes  sont  peu  cultivées,  et  la  médecine  devient  mvstique. 
Les  exorcismes  et  les  oremus  récités  sur  la  tète  des  ma- 


702  PHILOSOPHIE 

lades  remplacent  trop  souvent,  la.  prati<mç,  4fi>  Celse  et  de 
Galieri;  au  Nord','  Ossian,  par.aespoé5|ps»,çéveiU,a  les. der- 
niers des  bardes.  ^      .    .     .  ».. 

L'abolition  des  combats  de  gloidiateui:s,  .ladéstnictiou 
des  moi^uments  de  la  science  des  druides  «  ^  Etrusques 
et  d'uiie  foule  d*œuvres  d*art;  les  hgibiles.  i^esures  cooKoer- 
ciales  de  Julien  dit  TApostat,  la  protection, qu\l  accoida 
aux  lettres  et  à  la  philosophie,  npu3  rappellent  le  lY'  wècle, 
dans  lequel  Diophante  fit  connaître  aux  occidentaux  son 
algèbre.  L'application  des  cloches  aux  églises  est  auasi  de 
celte  époque. 

Au  Y"  siècle,  le' clergé  s'empara  des  hautes  études  ^t  les 
supprima  presqu'entipement,  '  .      .    . 

Ce  fut  fn  475  que  cent  vingt  miljlê  volumes  échappés 
aux  désastres  des  réyolutions  »  furent  brûlés  k  Alexandrie. 
Nous  ne  voulons  point  justifier  le  calife  .Omar, de. ce  qu'il  a 
pu  faire,  mais  pourquoi  l'accuser  d'avoir  brillé  ce  qui 
n'existait  jjlus.  ,  .  . 

Le  VI*  siècle  nous  donne  néant  pour  Ips  sçien<çes ,  jpéant 
pour  la  philosophie ,  néant ,  pour  les  arts  ,  ijadustriels. 
Toutefois  ce  fut  à  la  fin  de  cette  période  que  Grégoire-le- 
Grand  découvrit  notre  systècqe  de  musique. 

Au  VIP  siècle ,  nous  trouvons  Eloi ,  l'habile  argentier 
de  Da^obert.  L'Angleterre  fonde  l'université  dq  Cambridge; 
les  commerçants  français  instituent  les  première  Xoires  ;  oa 
applique  les  orgues  aux  édises  \  les  Arabes  inyeotent  ou 
empruntent  aux  orientaux  les  moulins  à  vent,  et  CalUoiqae 
imagine  le  feu  grégeois. 

Au  VllI*  siècle,  la  civilisation  est  toute  musulmane. 
Cependant  les  Lombards  inventent  la  lettre  de  change;  on 
commence  à  se  servir  de  papier  de  coton  qui  venait  d'Orient, 
et  Charlemagne  rappelle  le  savoir  dans  les  grandes  écoles 
de  son  empire. 

ÈPiBdMlB  DU  YI**  SIÈGIB. 

Au  triple  aspect  physique,  intellectuel  et  , moral  de 
rhomme  correspondent  des  états  non-seulement  iadivi- 


DU  SIÈCLE.  703 

duels,  maiè  encore  endémiques,  épîdémiques  et  contagieux, 
de  vie  maladive ,  que  la  philosophie  de  notre  époque  .doit 
étudier  pour  les  faire  rentrer  dans  une  esquisse  des  faits 
généraux  du  développement  de  Thumanité. 

L'épidémie  du  VI*  siècle  paraît  être  née  sur  les  bords 
du  Ni!  ;  elle  ne  tint  compte,  dans  ses  pérégrinations,  ni 
des  clim^rs,  ni  des  saisons,  ni  du  sexe,  ni  de  TAge.  — 
Con^antinople  vit  mourir  quatre,  cinq,  six  et  dix  mille 
personnes  en  un  jour  :  il  fallut  fréter  des  navires  pour  por- 
ter tes  cadavres  à  la  mer.  Cette  maladie  reparut  quatre 
fois  en  soixante  ans. 

Au  dire  d'Agathias ,  la  plupart  des  malades  mouraient 
avec  les  symptômes  de  l'apoplexie.  A  Constantinople,  le  mal 
déb'utait  par  de  l'abattement,  de  la  terreur,  des  vertiges. 
Le  second  ou  troisième  jour,  cet  état  si  grave  s'aggravait 
encore ,  et  le  malade ,  nous  dit  Procope ,  ne  taràait  à 
succomber. 

Les  bubons  et  boutons  qui  apparaissaient  étaient  gan- 
greneux. Chez  quel(^ues-uns,  en  une  heure  le  corps  était 
couvert  de  taches  noires  et  la  mort  suivait  de  près  ;  uautres 
succombaient  pendant  un  vomissement  de  sang. 

Le  pronostic  des  plus  habiles  était  sans  cessa  démenti 
par  les  faits. 

Plusieurs  écrivains  prétendent  que  le  bol  d'Arménie  pro- 
duisit de  bons  résultats. 

Les  symptômes  furent  loin  de  présenter  la  même  cons- 
tance :  à  Anthioche ,  cette  épidémie  débuta  souvent  par  la 
diarrhée,  comme  notre  choléra,  ou  encore  par  un  oedème 
du  visage,  une  angine  et  la  rougeur  des  yeux;  en  France 
et  en  Arabie,  elle  fut  compliquée  de  maladies  éruptives, 
rotigeole,  roséole,  scarlatine  et  variole. 

Pour  nous,  cette  épidémie  sur  laquelle  nous  avons. si 
peu  de  détails,  a  été  la  conséquence  d'un  état  miasma- 
tique vénéneux  de  l'atmosphère.  Les  miasmes  qui  la  produi- 
sirent appartenaient  à  la  famille  de  ceux  qui  ont  causé 
notre  choléra ,  mais  ils  en  différaient.  Les  miasmes  pour- 
raient être  l'occasion  d'une  grande  étude  :  personne  n'a 
osé  s'occuper  jusqu'à  ce  jour  de  ces  inûniments  petits  qui 
donnent  à  l'atmosphère  des  qualités  si  variées. 


704  PHILOSOPHIE 


DE  t'rstAMiàkE. 


En  regard  de  la  barbarie  ,6t  de  rimpuissance  de  T  Occi- 
dent ,  s'élève  uuç  lumière  nouvelle.  Le  nom  fteul  de  Maho- 
met nous  rappelle  upe  légende>  poéti(ï^e',  la  grandeur 
des  Maures,  Bagdad,. Samarcande  et  là  puissance  mîlitake 
des  Turcs,  Nous,  ne  saurions  oulxlier  non  plus  la  civilisation 
d'une  partie  du  continent  africain  par  les  missiohnaàies 
musulmans,  ad  la  portée  sociale  de  qu^ques-^nes  des  doc- 
trines de  rislamisme. 

Les  préjugésicontrela  civilisation  turco--arabe  sont  graods 
en  Europe  ;  il  importo  avaut  tout  de  les  détruire  :  les  faits 
vont  parler  d'eux-mêmes. 

Dans  tous  les  pays  musulmans ,  les  propriétés  ou  terres 
sociales  sont  excessivement  considérables  :  fait  important 
dont  la  politique  de  la  France ,  en  Algérie ,  n*a  pas  su  tenir 
compte.  Elles  sont  le  fait  général,  la  propriété  individuellp 
étant  plutôt  l'exception.  De  ces  terres,  beaucoup  sont 
consacrées  à  des  établissements  de  charité  dont  elles  ali- 
mentent les  secours.  Le  vrai  croyant ,  lorsqu'il  est  riche , 
s'efforce  d'être  agréable  à  Dieu  en  creusant  un  puits  sur 
une  route  aride ,  en  établissant  un  réservoir  près  d'une 
mosquée,  en  alimentant  un  village  ou  une  ville  au  moyen 
d'un  canal  ou  d'un  aqueduc,  en  sacrifiant  sa  foi  tune  pour 
les  établissements  publics.  L'eau  est  le  premier  besoin  des 
pays  déserts ,  si  communs  dans  ces  contrées  où  règne  la 
religion  de  Mahomet  :  aussi  semble-t-il  l'avoir  prise  soussa 
protection. 

Le  costume ,  auquel  les  Européens  n'attachent  pas  asseï 
d'importance  9  est  très-différent  chez  les  musulmans  dec« 
qu'il  est  chez  nous.  Le  turban  est  infiniment  plus  commode 
que  notre  chapeau;  il  redoute  moins  le  sable  et  le  vent. 
Malgré  la  variété  des  habits  selon  les  rangs  et  les  profe^ 
fiions,  les  vêtements  ont  un  pjncipe  commun:  l'ample 
largeur  de  toutes  les  parties  qui  emprisonnent  ainsi  beau- 


DU  SIÈCLB.  705 

coup  d*air,  de  manière  à  les  rendre  moins  chauds  et  beau- 
coup plus  élégants.  N'est-ce  donc  rien  ^  dans  une  vie  qui 
passe  si  vite,  que  de  n'avoir  pas,  outre  les  nombreuses 
misères  semées  en  Europe  à  chaque  pas  devant  nous,  les 
ridicules  et  mesquines  habitudes  d^un  costume  étriqué , 
sans  grAce  et  sans  art ,  trop  froid  en  hiver,  trop  chaud  eu 
été? 

L'esclavage  des  contrées  d*Orient  n'a  aucun  rapport  avec 
le  nôtre.  La  servante  se  marie  itocore  avec  le  maître,  comme 
au  temps  de  rEcritu^e/  Souvent  un  musulman  donne  à  sa 
fille ,  pour  mari ,  un  esclave  qu'il  a  acheté ,  mais  élevé  dans 
sa  propre  maison ,  sans  que  cela  blesse  en  rien  les  mœurs 
et  coutumes  du  pays»   ' 

Plus  hardi  dans  la  question  sociale  que  le  Christ  et  que 
saint  Paul,  Mahomet  a  osé  toucher  de  son  vivant,  à  diverses 
reprises  et  directement,  à  la  question  de  l'esclavage.  Ces 
actes,  joints  aui  mœurs  acquises  des  Arabes,  ont  fait  en 
Orient  de  la  servitude  une  sin^ple  domesticité  ;  et  puis  les 
musnlmans,  plus  religieux  que  nous ,  savent  qu'il  est  bon 
d'affranchir  ceux  qui  sont  en  servitude ,  et  se  font  un 
devoir  de  pratiquer  exactement,  sous  ce  rapport  comme 
sous  tous  les  autres,  la  règle  du  Coran.  L'esclave  affranchi 
n'est  point  traité  comme  inférieur:  ici  encore,  les  mœurs 
diffèrent  de  celles  des  pays  chrétiens  à  esclaves  et  leur 
sont  infiniment  supérieures.  N'a-t-on  pas  vu  quelques- 
uns  des  hommes  distingués  de  l'Orient ,  achetés  dans  leur 
bas  âge  en  Circassie  et  vendus  à  des  beys,  arriver  aux 
premières  positions  sociales  ? 

La  polygamie,  qui  a  toujours  été  permise  en  Orient, 
comme  elle  a  toiqours  été  prohibée  en  Occident,  a  une 
raison  d'être  très-politique  et  très-légitime ,  dans  les  pays 
qui  mettaient  au  contact  les  uns  des  autres  des  blancs ,  des 
jaunes  et  probablement  deux  à  trois  races  de  noirs.  N'était- 
ce  pas  le  seul  moyen  d'établir  entre  elles  qtrelque  frater- 
nité, que  de  les  traiter  également;  et  puis  comment 
croire  que  Moïse ,  si  tolérant  pour  la  polygamie,  que  Maho- 
met, qui  permet  d'avoir  quatre  femmes,  n'avaient  pas 
observe ,  ou  reçu  par  tradition  ,  qtie  les  métis  sont  toujours 
très-supérieurs  à  leur  parent  de  race  colorée ,  surtout  si  le 


706  PHILOSOPHIE 

père  est  im  bUnc  et  si  c'est  k  mère  qui  aiftpartient  à  la  . 
race  ioférieure?   Mieux  vaudfaity  dans  Dosooloniee  cfaré* 
tiennes  à  esclares.  «  la  polygamie  orientale  aTeo  ses  réghe- 
meots.^  que  la  promiscuité  qui  en  -eat  la  règle  habituâle. 

On  voit  quelquefois  des  chrétiens  se  oooyertir  à  l'isla- 
in^me.  Les  ims,  après  l'avoir  étudiée^  trouvent  la  religioD 
de  Mahomet  plus  raisonnable  que  la  leur  que  souvent  ils 
ne  connaissent  pas ,  ou  qu'ils  jugent  par  KidolAtrie  catholi- 
que si  conmiuoe  dans  toutesmos  campagnes  et  mânoie  <lans 
nos  viUfiSi;  D'autres  se  font  musulmans ,  parée  qu'il  y  a 
grand  avantage,  quand  on  habite  rOrienty  à  n'ôtre  pas  isolé 
sous  le  rapport  leligieux  ;  mais  il  n'y  a  pas  d'exemple  de 
mahométan  qui  se  fasse  chrétien.  Pour  eox^  nos  images, 
nos  statues  et  nos  statuettes  de  saints  rappellent  trop 
l'idolâtrie  qu'ils  méprisent  profondément,  et  nos  habitudes 
religieuses  n'ont  rien  de  oette  gravité  qui  préside  à  leurs 
prières.  Nos  cérémonies  catholiques,  malgré  leurs  pompes, 
sont  bien  loin  d^égaler  quelques-unes  de  celles  qui  soot  on 
des  luxes  :  des  Orientaux;  et  comme  ils  ont  une  partie  de 
nos  croyances ,  ils  s'en  servent  pour  reie^er  impitoyablement 
les  autres  qu'ils  regardent  comme  entachées  de  superstition. 

Dans  tout  l'iatérieur  de  TAirique,  partout  où  la  (àvilisa- 
tion  se  manifeste ,  c'est  toujours  sous  l'influence  de  Tisla- 
misme.  Les  musulmans  lolofs  ,  Mandmgues ,  Foula  ou 
Fellata,  Toucolors,  sont  infiniment  supérieurs  aux  autres 
nègres;  ils  ont  été  réellement  émancipés  par  le  Coran, 
tandis  que  le  christianisme  n'a  jamais  eu  grande  prise  sur 
eux.  Nos  prêtres  ne  peuvent  obtenir,  aux  pays  d'outre-mer, 
aucun  adoucissement  au  sort  des  esclaves ,  et  le  christia- 
nisme grec  oubUe,  en  Russie,  le  sort  des  malheureux  serfs; 
les  émancipations  y  sont  extrémemeni  rares  :  rien  de  plus 
commun  en  Afrique ,  surtout  à  la  fête  du  Bairam ,  ou 
encore  à  la  mort  des  maîtres.  Chez  les  lolofs  >  les  esdaves 
mangent  souvent  avec  leur  propriétaire ,  et  ceux  qui  sont 
nés  dans  la  maison  ne  sont  jamais  vendus  à  moins  de  quel- 
que faute  capitale.  Chez  les  Pellas  ou  Fellatas  riches,  tous 
les  esclaves  apprennent  à  lire  et  à  écrke  ;  arrivés  à  l'âge  de 
force ,  ils  ont  pour  eux  la  moitié  de  la  journée.  Dans  le 
Hourzouk,  la  négresse  qui  a  eu  un  enfant  de  son  maître  ne 


DU  SIÈCLE.  707 

pcRit  ètitevendae,  et  cet <  enfant  é9t  libre  raussi  les  malheu- 
reux patient  avec  am43«t  dé  •  Mâhoitiet . 

La  eonqaète  religieuse  de  l'Aftitiue  centrale  s'eiTeciue 
doooeméati  sous  Fégide  du  prophète;  par  lui  les  moeurs 
s'épurent  et  s'adoucissent ,  par  lui  la  langue  arabe  se  super- 
pose aux  misérables  dialectes  des  autocthones.  De  Ttinité 
religieuse  naîtra  quelque  jour*  l'association  ou  fédération 
poétique,  et  l'Afrique arriver^eut-ètre  à  nous  donner*  des 
leçons,  non.dte  science,  mais^îpf^pîatique  sociale.  Déjà  sur 
quelques  point»  Vob  a  cherché  H  rendre  le  travail  attrayant, 
non  pas  pour  les  hommes  hbres,  maïs  pour  de  misérables 
esdavos.  €aillé  rapporte  qu'il  est  des  contnées  africaines 
où  as  ne  font  rien»  qiî'ôli  son  dd  la  musique.  Clapperlon 
raconte  qu'ii»a  vu^  dans  le  Yarriba^  des  troupes  d'esclaves 
des  deux  seaces ,  accompagnés  de  tambours  et  de  flûtes  et 
chantanl  en  chœur,  aller  chercher  de  l'eau  au  fleuve  pour 
détrçmper  la  terre, 

C^t  à  riskDàfi§me  que  Mungo-Parck,  Clapperton,  Lan- 
dersv  Lyne  et  Caillé  ont  dû  la  protection  qu'ils  ont  trouvée 
parfois  dans  l'Afrique  centrale,  et  tous  lui  ont  rendn 
témoignage 

Dernièrement",  en  Amérique,  les  esclaves  Mandingues  de 
la  Trinité  se  sont  associés  pour  racheter  leur  prêtre  et  se 
racheter  tous  fes  unis  après  les  autres.  La  plupart  étaient 
libres,  au  dire  de  M.  Pantin,  le  magistrat  anglais  de  cette 
Ue,  quand  Téaiancipation  eut  lieu. 

La  légende  de  Mahomet  nous  raconte  qu'il  descendait  di- 
rectement d'Israaël,  fils  d'Abraham  et  d'Agar.  Il  perdit  ses 
parents  très-jetine  et  fut  élevé  dans  cette  vallée  stérile  et  brû- 
lante de  U  Mecque  ^  qui  n'a  pas  deui  lieues  de  long  sur  une 
demi-lieue  de  large*  On  n'y  trouve  d'autre  source  que  l'eau 
du  puits  dé  Zém-Zem ,  indiqué  jadis  par  un  ange  à  la 
malheureuse  Agar.  Le  désert,  la  pauvreté,  le  travail,  de 
grands  souvenirs  généalogiques,  tels  furent  les  éducateurs 
de  Mohammed.  U  $e  livra  au  commerce,  et  dès  l'Age  de 
treize  ans  il  voyageait  en  Syrie. 

Sa  taille  4tait  moyenne,  ses  yeux  noirs,  sa  figure  gra« 
cieuse,  ses  chevetix  lisses,  sa  nuque  forte  et  d^une  blan- 


708  PHILOSOPHIE 

eheur  remarquable  ;  sa  tète  votumineuse  surmoQtait  un 
corps  musculêut';  sa  fcarbe  élait  bien  foùrnfej'iâ  *àiélDoire 
prodigieuse,  son  înteUigence  supérieure,  son  boxi  sens 
exquis.  Il  était  sobre  ;  mais  arrivé  à.  Tâge  mûr^  il  pri3ail 
singulièremenl  les  parfums  et  la  volupté. 

Point  de  grand  succès  sans  femme  :  Mahomet  était  de- 
yemile  premier  homme  d^\rabie,  lorque  la  veuve  Cadige 
le  chargea  de  ses  affaires  et  lui  donna  sa  main.  Elle  était 
très-riche  et  possédait  toid|b  les  qualités  que  l*op  peut 
désirer  dans  une^  épouse  :  llimonr,  le  dévouement^  Tintel- 
ligeace,  la  s^iilé  et  la  beauté.  ,       ' 

De  vingt-cinq  à  quarante  ans,  Mahomet  vécHt  dans  la 
méditation  :  ce  fut  alors  qu'il  se  prépara  à  jouer  le  grand 
rôle  de  prophète.  Son  livre  de  lectures,  le  Cqrân,  a,  paraîl- 
il ,  en  arabe ,  un  charme  de  style  indicible.  '  Ce  nivrè  est 
très-habile  et  pour  ce  qu'il  dit,  et  plus  encore  pour  c« 
qu'il  sait  éviter. 

Le  Prophète  ne  reconnaît  qu'un  Dieu  :  le  Dieu  clibxbi^ 
et  sciSKRicoRDiBux.  Fils  d'Abraham  et  de  Moïse,  il  conserve 
la  Bible,  en*  écartant  avec  soin  tout  ce  qu'il  y  avait  d'in- 
humain dans  les  traditions. 

L'aumône ,  la  prière,  le  jeûne  du  cpois  de  Ramadan,  les 
ablutions  hygiéniques,  le  pèlerinage  de  la  Mecque,  si 
utile  au  double  point  de  vue  politique  et  social .:  voilà  son 
culte. 

II  ne  fait  point  de  polémique  avec  les  chrétiens  ,  mais 
il  écarte  toute  discussion  par  ces  paroles  si  habiles  : 

ce  Dieu  remplit  l'univers  d& sa  science  et  de  son  immen- 
»  site.  Il  a  un  fils ,  disent  les  chrétiens  :  loîù  de  lui  ce 
»  blasphème  !  Tout  ce  qui  est  dans  les  cieux  et  sur  la  terre 
»  lui  appartient  ;  tous  les  êtres  obéissent  à  sa  voix.   » 

Mahomet  aimait  la  science  :  il  a  consacré,  à  sa  louange, 
.la  plus  haute  poésie.  Quelqu'habile  qu'il  fut,  il  trouva  sur 
sa  route  d'immenses  difficultés.  Son  génie  sut  les  vaincre, 
et  le  jour  arriva  où  il  put  envoyer  des  ambassadeurs  aui 
princes  voisins.  —  Il  mourut  en  654 ,  sans  acvoir  choisi  de 
successeur. 

En  neuf  ans,  ses  lieutwiants  surent  conquérir  la  portfon 
de  l'Arabie  qui  n'était  pas  soumise,  la  Syrie,  la  Perse,  la 


bu  sîèctÉ.  709 

Lusianne  ou  Kousi^tm»  >la;  JVédi^-^  te  Baotriauae  ou  &ho- 
rassaa,  la  Mésopotainie,  rÀxioéBie  orienlalie,  TEgypte-et 
Tripoli. 

Dès  658,  malgré  leur^  luttes  intestines,  lea< Arabes  se 
iiK)ntraient  sous  les  murs  de  Constaotin^vple. .  En*  &7tà\  ils 
fondaient.  KaicoudM)  vfs-à-vis  deCarlhagev^^  pénéCcaia^t 
dans  rinde. 

Trente  aiim^es  de  guerres  cfijjles  retardèreat  leurs  soeoès  ; 
oiais.  dès  712,  ^.bataille  de  Xérès  leur  livrait  VEsfKigiié. 
En  71â,  ils  pénétraient  jusques  dans  le  PqitoU.  Six  ans 
plus  tard^  iElseaxajgh  dressait  la  statistique  de  TiSâpagoa 

Nous,  rappellerons  ici  d^ux  dates  importantes  :  en  733, 
les  Turcs  s  associèrent  aux  Arabasvet  Charles  Martel  défit 
les  Maures  d'Espagne  en  853  ;  mais  sa  victoire  jkit  singu- 
Uèremenl  exagérée,  puisque  l'anpée. suivante' les  môoies 
guerriers,  maîtres dii  Languedoc,  avaient  des  ialelligeboes 
à  Ljfon  et.pônétrèrentiusqu'à  Sens.  ' 

.  L'année  7^4  nous  rappelle  la  fondation  d^  Bagdad  et  la 
protection  (^u'j  trouvèrent  aussitôt  les  seieckces  et  les  lettres. 
L'année  suivante,  Abdérame  se  faisait,  eu  Espagne,  le 
civilisateur  de  rEurppe» 

Depuis  la  fia  du  IX'  siècle  jusqu'ea  1472 ,  date  de  la 
prise  de  Greaade  et  de  leur  exp4;^sion  d'Espagne,  les  Maures 
ne  firent  plus  de  conquêtes  politiques;  mais  leurs  écoles 
conservèrent,  développèrent  et  propagèrent  les  sciences. 
Vers  854,  les  Turcs,  que  les  Arabes  avaient  h  leur  solde, 
comme  jadis  les  Romains  avaient  les  Francs  et  autres 
Barbares,  continuèrent  les  conquêtes  de  l'islamisme.  Quel«- 
ques  dates  rappelleront  leurs  succès  et  leBr  aggrandisse- 
ment. 

En  1,183,  Ismaël,  neveu  du  fameux  Saladin,  se  fmSait 
reconnaître  comme  kalife.  --^  Othman,  mort  en  1336,  est 
le  premier  de  leurs  cbefs  qui  ait.  possédé ,  eu  Europe  ^  une 
puissance  ledoutable.  —  Amurath  établit  sa  cour  à  Andri- 
ûople.  Vinrent  ensuite  Bc^jaret  (1389)*  Mahomet  (  1410) , 
et  Amurath  II  (1424).  — -  Mahomet  II,  qui  lui  succéda  eu 
1431,  s!em|para  de  Constantinople.  Ce  prince  avait,  dans 
son  armée /les  oflSciers  les  plus  instruits  du  mondç  civi- 
lisé. 

30* 


710  PHILOSOPHA 

Sélim  (lSi2).fut  un  poète  remarquable  el  un  fik  déna- 
turé; il  sut  aggrandir  son  empire.  —  De  1586  à  1649, 
Tempire  turc  resta  ce  qu'il  était  :  ce  fut  alors  que  Maho- 
met IV  monta  sur  le  trône.  Ce  prince  mit  le  siège  devanl 
Vienne  ;  mais  il  fut  défait  par  les  Polonais ,  que  eomman- 
dait  Sobieski.  Depuis  lors  jusqu'à  nous^  l'empire  turc  a 
toujours  marché  en  déclinant. 

Gomme  1^  christianisme ,  l'islamisme  a  eu  ses  schismes. 
Les  mêmes  causes,  les  influences  des  mages  de  l'Inde  du 
bouddhisme,  les  oût  engendrés.  Le  judaïsme  et  le  catholi- 
cisme lui-même  ont  singulièrement  influencé'  certaines 
sectes  musulmanes.  La  religion  de  Mahomet  a  eu  aussi 
direrses  sectes  purement  philosophiques ,  et  ses  papes  ou 
kalifes  ont  souvent  devancé  les  peuples ,  de  manière  à  se 
faire  suspecter  d'hérésie.  Rappelons  toutefois  qu'en  "940 
Jobbaïen  professait  la  doctrine  fondamentale  de  ce  livre , 
à  savoir  ^  que  les  lois  de  là  nature  s'appliquent  à  l'huma- 
nité. 

Passons  à  des  faits  plus  importants  : 

Les  grandes  écoles  des  musulmans  ont  présenté  trois 
aspects  théologiques  :  au  débuts  elles  on.t  passé  par 
Tecclectisme  et  le  synchrétisme ,  pour  devenir  aussi  posi- 
tives en  science,  en  philosophie,  en  religion,  que  les  temps 
le  permettaient. 

Conduites  à  l'étude  par  la  religion ,  elles  ont  parcouru 
les  trois  étapes  de  la  route  tracée  aux  grandes  inteUigences  : 

Par  la  science ,  cette  puissance  qui  réunit  et  coordonne 
en  groupes  et  en  séries  les  matériaux  du  savoir  ; 

Par  la  philosophie,  qui  demande  à  ces  matériaux  le 
comment  el  le  pourquoi  de  leur  existence ,  leurs  lois: 

Par  la  reUgion,  cet  amoiir  du  beau,  du  juste,  du  vrai, 
de  l'idéal  ;  cette  sainteté  de  l'esprit  qui  veut  trouver  dans 
les  lois  de  l'univers,  la  pan^  de  Dieu,  la  règle  du  bonheur 
des  hommes^ 

L'histoire  de  l'astronomie  nous  rappelle  le  kalife  Alma- 
mon  :  il  fit  traduire  Ptolémée,  et  mesura,  en  Mésopotamie, 
un  degré  du  méridien  terrestre  ;  Ben-Musa,  auteur  de 
tables  ^astronomiques  et  d'études  de  trtgonoiJiétrie  ;  Ali- 
Ben-Isa,  constructeur  d'instruments  de  précision;  Alferga- 


BU  SIBCLE,  ?li 

nus,  doj^  le  livre deviçit  pppulaire  en  Orient;  Albatenius, 
qui  vivait  en.SSOfiit  réforma  rasttonomie  ;  Arsaehel  (1080), 
aut,ew  de. tables  v  Albaseo,  qui  avait  deviné  la  réfraction; 
Géber,  plus  cobuu.  encore  comme  chimiste  ;  Averrhoës , 
qui  recoDopt  une  taohe  noire  sur  le  disque  du  soleil  lors 
de  la  coEJonction ,  par  lui  calculée ,  de  cet  astre  et  de  Mer- 
cure* £q  somme ,  les  Arabes  ont  traduit  et  corrigé  les  Grecs 
d'Alexandrie,  perfectionné  leurs  instruments,  et  mieux 
mesura  le  tçmp ,  chose  si  importante  pour  faire  d'eiactes 
obseRvatioBS.;  ils  sont  les  premiers  qui  aient  employé  &  cet 
us^e.les  battements  du  pendule. 

ËQ  mathématique^,  ils  ont  aussi  beaucoup  fait  :  la  tri- 
gonométrie sphérique  eel  leur  ouvrage,  ils  ont  compris 
Timportançe  des  sinus ,  étudié  Voptîque  et  la  géodésie , 
imaginé  les  règles  de  fausse  position.  Leur  algèbre  est  la 
preipière  dans  laquelle  on  commence  par  égaler  des  quan- 
tités à.  la  suite  d'une  série  de  raisonnements,  pour  leur 
donner  ensuite  une  forme  nouvelle  conduisant  à  la  solution 
de  la  question.  Ben-Musa  résolvait  les  équations  du  second 
degré.  Shebis  appliqua  Talgèbre  à  la  géométrie ,  mais  son 
livre  est  perdu. 

Les  musuUoanS'de  POrient  suivirent  le  mouvement  scien- 
tifique de  leur  civilisation  :  en  l,3â4,  Holagu ,  pelit-fils  de 
Gengiskan,  s'occupait  d'astronomie  et  protégeait  Nassir- 
£ddiQ)  auteur  de  tables  estimées;  en  1430,  Ulug-Beig, 
petit-fils  de  Tamerlan,  réunit,  à  Samarcande,  un  grand 
nombre, de  savants. 

Les  Arabes  n'ont  eu ,  paraît-il ,  qu'un  géologue ,  le  cé- 
lèbre Avicenne.  Il  avait  compris  la  formation  et  la  décrois- 
sance des  montagnes ,  ainsi  que  l'action  des  eaux.  Il  fut 
plus,  théoricien  que  praticien.  Mais  que  de  choses  nous 
Ignorons  qui  seraient  tombées  depuis  longtemps  dans  lo 
domaine  publie,  si  le  cardinal  Ximenès,  dans  son  ardent 
fanatisme,  n'avait  fait  brûler  les  deux  cent  quarante  mille 
vokttes  de  la  hiUiothèqoe  de  Grenade  ! 

Le,  plus  habile  chimiste  arabe ^  Yeber  ou  Geber,  nous 
apprend  que  la  chimie  avait  ses  enseignements  réservés , 
qu'il  n'était  pas. permis  de  divulguer,  même  dans  les  livres 
scientifiques.  11  ne  croyait  ni  à  la  transmutation  des  mé- 


71â  prauosopHiE 

taux.5  ni  ila^impUoilé»^  eocps  que-noqs  ai^>ebiift  ^é* 
ments.  Sa  ehiifiîe  oùisérale  ne.  le  oède  pas  à  'cetie^Aes 
XV^  et  XVi''  sièdfes.  Il  ccmaaissail;  iiort  lùen  lesioxide^/et  la 
préparatioD  des  sels  auxquels  itk  peuvent  donner  iieii/  — 
Rhasès  a  décarit  la  préparation  de  l'iicide  sulfurique  et  eelle 
de  ralcool. 

Peut-êlpe  nous  faisons. errefur^  maïs  troiei  comment  nous 
interprétons  ralebymie  des  AraJ^es:  il  n'y. a. qu'une  sub- 
stance ^  ta  pierre, philosopkalei;  elle  présente  toutes  les  eou^ 
leurs  quand  on  la  soumet  au  ^aftdMBuirre,  o'^est-à-dinbÀ 
Tétudedes  réactions  chimiques.  De  plus  ^  >eUe  renferme  lea 
quatre  éléments,  étant  ignée,  gaaeuze,  Uquiide  et  lerreslre. 
La  chaleur  et  la  sécheresse  constituent  ses  propriétés  oa-* 
ehées;  ie  froid  0t  Thumidité  en  sont  ksr  qualités  :«|ipa> 
rentes-  . 

Lefà  Arabes  disaient  aussi  :  Les  éléments-  primitîfe  pro- 
duisent les  minéraux ,  les  minéraux  les  plantes^t  les  plwtes 
les  animaux.  Chaque  corps,  par  la  dissolution  de  aes  par- 
ties, se  résout  en  deséléments  d*un  ocdreinférieur  à  lui. 

Gênés  par  le  Goran  dans,  leurs  dissections,  les  .musul- 
mans n'ont  aiouté  que  fort  peu  à  la  physiologie*  des  Gisees  ; 
mais  leur  médecine  s'est  aidée  d'une  pharmacie  beaucoup 
plus  étendue ,  d'une  thérapeutique  siopulièiement  •  plus 
habile.  Le  Gatien  reformé,  ou  Canon  d'Aneenne,  était  en- 
core, au  XVIII"  siècle,  le  livre  classique  de  plusieurs  de 
nos  écoles  européennes.  —  Rhasès,  Averrhoës  le  traduc- 
teur d'Aristote,  son  élève  le  juif  Maimonides,  et  quelques 
autres,  ont  développé  souvent  la  plus  haute  philosophie. 
Sous  leur  influence,  les  cadres  nosologiquesse  ixuBplé- 
tèrent.  La  petite  vérole,  qui  avait  paru  en  6S4^  fut  étudiée 
avec  soin ,  et  les  maladies  cutanées  furent  décrites  et  com- 
battues par  des  médications  internes  assez  rationelles. 

La  chirurgie  des  Arabes  reprit  la  science  où  elle  en  était 
dans  les  livres  d'Alexandrie ,  de  Celse ,  de  Galien  et  des 
autres  auteurs  du  temps.  Ils  ont  su  lier  les  artères  (Alboka- 
sis),  réduire  les  fractures,  employer  habilement  le  fer 
rougi  à  blanc;  ils  ont  bien  connu  l'art  des  accouchements  ; 
ils  ont  su  manier  la  plupart  de  nos  caustiques  aetuels  ;  ils 
ontconpu  l'abaissement  et  l'extraction  delà  eataraote,  la 


M)  BlfiiOB.  713 

suûdoQHde  [qudqoes  «f|lafQaCQB4kiuidesi  L'exferaation  dut  1q 
[lieirre  deJa  vessie  icfaez  rbommecetria  iiMaati!  est  décrite 
par  ;  AUbokasis.  -  Ce  ohîmigien  savait  '  pratiquer^  au  4>esoiii  ^ 
rouverture»  de  ilai'  tradiéeMarlèrev  recoudre  les  intestins 
bleseés:  sonmaoreel  opératoiiej  est  net.  et)  précis.  Il  yirait 
au  XI*  siècle. 

>  Le  easal  dn  Nii  à  la  mec  Rouge  ^  par  iae  laos  amers  ^ 
rélahli-  par  Amiou ,  la  grande  mosqoée  de  Cordoue , 
V4UaiBbrahv  doqs:  rappellent  las  trevàiUL>piibltDS  dies  mu-*- 
sakoans.  La  délmeose  Huertade  Valence,  leur  savante 
agKiciilture!,  îles  musées,  les  biUbfthèqiies^  publiques,,  les 
écoles^  les'hospioes,  les  dispensaires ,  le  code phanDeoeu-* 
ti(|ae:  et  les  grandes  institutions  littéraires  d'Espacne  ,  de 
Bag4td  et.  doSaiDansnde,  montrent  quelle  a  Ité  leur 
administration.  Les  dix-sept  millions  de  Maures  qui  ocen^ 
paîeitt  une  partie  seulement  des  Esf>agDes,  nous  prouvent 
delafSapëiiioritéde  lenrs' gouvBmaoïente.siir  oeux  qui  les 
ont  remplacés.  > 

Le^eomiaeree  des  musulmans' a  été  immeDst*;  i^b  ont  eu 
longtemps  le  mfonopole  des  PelaCioQ&>avec  llndQ,  par  la 
loer  Boogeet  par  les  caravanes  xfui  traveiBaîcntlft  hante 
Asie^ 

U. n'est  pas  jusQpi'à  leurs  éooles  ^  musique  qui  n'aient 
joui  d'une  grande  célébrité.  Les  élèvies  d'AU-iZérib  ont  fait 
lesi  délices  «  de  l'Orient,  et  le  fameux  Moussali^  le  pins  ce* 
ii^de  tous,  a  lai^  le  souvenir  de  compoûiions  dignes 
d'élw  étudiées. 

Nous  voudrions  pader  de  la  littérature  arabe ,  mais  ia 
conoaifisons-nous?  N'a-t-elle. point  péri,  en  grande  partie  ^ 
dans  les  bûchers  de  l'inquisition  ?  le  reste  n'est-il  paa  enfoui 
^  l'escurialf  où  personne  ne  le  coosulte? 


D£  t  CE0VRE  nfi<  CHARLBJCA«IfB. 


Les'siàcles  derniers  n'appréciaient  pasicomme  il  convient 
)^  smriees  réels  rendus^  par  «e  prince.  Le  nôtre  lesia  trop 


714  PHl^OSOJPHIfi 

eialtés  :  biea  ^^uvent  U  posa  une  simple  étiquette  sur  les 
questions  à  résmidre  plutôt  qu'il  ne  leur  donna  une  solu- 
tion: —  Rien  ne  prouve  qu'il  ait. été.  autre  dio^  que  le 
rééditeur  de  beaucoup  des  capitulaires  qu'on  lui  Attribue. 
Toutefois  il  contribua  à  ramener,  non  pas  le  ^rai  savotr, 
mais  les  lettres  en  Occident  :  c'était  déjà  beaucoup.  Grâces 
lui  en  soient  rendues.  Les  lettres>et  les  sciences  soAit  sosors. 
Il  fonda  rUnivessité  de  France,  e4;  son  palais  £i^,  souvent 
une  grande  école;  il  fit  aussi  recueillir  nombre  de  chants 
germaaiques.  —  Il  introduisit  dans>  ies.  églises  le  chant 
grégorien,  et  substitua  aux  fêtes  payennes  les  fétes  chré- 
tiennes. 

Sous  son  règne ,  l'agriculture  put  jouir  de  la  paix  :  des 
foires  rapprochèrent  les  producteurs  et  furent  un  retour 
vers  une  meilleure  circulation  des  produits.  Il  eut  la  pensée 
de  joindre  la  Méditerranée  à  la  mer  d' Allemagne  par  une 
grande  canalisation,  et  la  ville  d'AivlarChapelle . lui' dut 
de  beaux  monuments. 

Il  tenta  l'organisation  de  L'unité  des  poids  et  mesures, 
et  multiplia  les  manuscrits.  .    . 

Sa  vie  privée  fut  celle  d'.un  homme  ardent  dans  les 
plaisirs  ;  mais  ses  femmes  et  ses  maltresses  n'occnpent 
qu'une  place  trèsnninime  même  dans  nos  cbrooiques. 

Comme  guerrier,  il  lutta  au  Nord  et  au  Midi ,  fut  vain- 
queur,  parfois  cruel,  oubliant  trop  que  les  converskMis 
'dictées  par  les  besoins   intimas  des  oonsciraoes  et  les 
calculs  des  intérêts  sont  rarement  accordées  à  la  brutalité 
du  sabre» 

Plus  pape  que  le  pape ,  il  se  fit  juge  des  diffieoltéa  ecclé- 
siastiques. 

Il  supprima  la  fonction  de  maire  du  palais,  et  institua 
des  consultes  qui  ne  lui  ont  pas  survécu. 

U  ne  oréa  nullement  la  féodalité ,  mais  il  l'a  consacra  en 
établissant  la  foi  et  l'hommage,  investitures  qui  lui  ser- 
virent à  rattacher  au  sol  et  à  l'argent  TobUgalion  de  sévices 
religieux ,  civils  ou  militaires  à  rendre  à  l'Etat. 

Ces  services,  appelés  bénéfices,  n'étaient  point  encore 
héréditaires. 

Il  cnéa  la  dlme  du  clergé ,  mais  û  lui  imposa  VoUîgation 


DU  SIÈCLE.  715 

I 

d'en  consacrer  une  première  part  àuï  pautres ,  une  deu- 
xième à  l'instruction  publique ,  une  troisième  à  la  cohstruc- 
tion  d'éi^ises.  La  quatrième  fut  téservée  pour  faire  face 
aux  dépenses  personnelles  au  clergé. 

Malgré  sa  haute  intelligence ,  Charlemagne  commît  trois 
fautes  qui  ont  entraîné  la  chute  de  ses  successeurs. 

La  première,  ce  fut  de  ne  pas  user  de  son  pouvoir  spi- 
rituel, qui  était  très-grand,  pour  consacrer  les  droits  reli- 
gieux des  peuples  de  France  et  de  Germanie.  Plus  puissant 
que  le  pape ,  il  pouvait  se  créer  une'  position  à  peu  près 
analogiie  èl  celle  de  l'fempereur  actuel  de  Russie ,  et  pré- 
venir ainsi  des  luttes  qui  ont  fait  couler  des  torrents  de 
sang.  ' 

La  seconde  a  été  de  faire  passer  le  père  avant  le  souve- 
rain, et  de  partager  ses  peuples  entre*  ses  fils,  comme  un 
berger  pourrait  partager  son  troupeau. 

La  troisième ,  de  ne  pas  identifier  les  intérêts  du  pouvoir 
avec  ceux  des  travailleurs  d^is  villes  et  des  campagnes ,  du 
bas  clergé ,  qui  seul  les  instruisait ,  et  des  fonctionnaires 
qui  se  tronvaient  en  contact  avec  les  deshérités  de  la  for- 
tune. —  Sans  doute ,  ses  choix  habiles  tombèrent  souvent 
sur  des  hommes  des  classes  pauvres  ;  mais  que  de  diffé- 
rence entre  des  actes  individuels  et  des  institutions  protec- 
trices! 

Beaucoup  d'historiens  nous  paraissent  avoir  mal  compris 
cette  série  d'événements  qui  enleva  la  couronne  aux  suc- 
cesseurs de  Charlemagne,  pour  la  poser  sur  la  tète  de 
Hugues  Capet.  La  diversité  des  races,  invoquée  par 
Thierry,  a  pu  y  contribuer,  mais  elle  a  joué  un  rôle  secon- 
daire. Guizot  n'a  pas  été  plus  heureux  dans  son  explication 
en  alléguant  Tabsence  de  routes  de  communications ,  de 
relations  unitaires,  à  la  mort  de  Charlemagne.  La  vérité 
c'est  que,  de  cet  empereur  à  Louis-le-Gr^s,  qui  fit  alliance 
avec  les  communes  et  qui  trouva  un  appui  dans  la  restau- 
ratioa  de  libertés  anciennes ,  les  chefs  de  l'Etat  furent  les 
empereurs  de  la  noblesse  et  du  clergé ,  nullement  les 
empereur»  ou  rois  du  peuple.  Abandonnés  à  merci  aux  comtes 
et  aux  barons,  les  hommes  des  villes  et  des  campagnes 
détestaient  la  féodakté  ^  sana  ahuer  le  moîfis  àa  monde  la 


716  îfiiLdsOPttiE 

royauté  qui  avait  marché  de  '  Wtites  en  fautes.  Louls-le- 
Débonnaire  n^avait-il  pas  indûment  livré  une  foule  de  béné- 
fices au  clergé  ?  ne  s'était-îl  pas  laissé  dégl'ader  par  les  évè- 
ques,  et  comme  homme  et  comme  roi,  à  la  porte  de  Véglise 
d'Attigny,  où  il  avait  paru  vêtu  d'un  cîlice  et  la  corde  au  don  ? 
Charles-le-Chaùve  n'avait-il  pas  toléré  que  ses  comtes  et 
barons  affectassent  à  leurs  lignées  des  bénéfices  dont  ils 
n'étaient  qu'usufruitiers  ?  N'avait-îl  pas  laissé  les  Normands 
ravager  l'empire,  et  les  grands  seigneurà  le  morceler? 
N'est-ce  pas  à  cette  époque  qu'il  faut  rapporte v  les  premiers 
comtes  et  ducs  indépendants  de  Bretagne,  de  Bourgogne, 
de  Provçnce  et  d'Aujou? 

.  Sous  Louis  m ,  Louis  IV,  Lothairc  et  Louis  V,  la  royauté 
française  ue  fut  que  nominale  :  aussi  Tusurpaleur  Hugues 
Capet  ne  s'empara-t-il  en  réalité  que  d'un  titre ,  que  d'une 
forme  ;  mais  ce  titre ,  cette  forme  avaient  des  traditions  et 
des  souvenirs  qui  aidèrent  ses  successeurs  à  reconstituer 
une  royauté  nouvelle  sur  des  bases  essentiellement  diffé- 
rentes du  passé. 


COHHBKT  s'est  ÉTEINT  l'CXFÏRB  d'oîUBNT- 


Depuis  la  fondation  d'Alexandrie ,  la  vieille  Grèce  ayant 

Serdu  le  monopole  de  la  science ,  ne  fut  plus  que  le  théâtre 
es  grandes  écoles  des  sophistes  et  un  foyer  de  pourriture 
morale.  Arguties,  finesses,  ruses,  faussetés,  tels  devinrest 
les. moyens. usuels  des  Grecs.  —  Le  christianisme  ne  ré- 
forma point  ce  peuple  en  décadence,  mais  il  lui  donna 
Constantinople  pour  capitale ,  et  un  très-grand  contimerce 
avec  rOrient  par  les  caravanes  de  la  haute  Asie.  La  Grèce 
devint  alors  un  foyer  de  troubles  engendrés  par  les  contro- 
verses des  sophiste^  chrétiens.  Les  empereurs,  au  lieu  de 
préconiser  la  morale  chrétienne  dans,  ce  qu'elle  avait  de 
régénérateur ,  s'attachèrent  avec  une  folle  ardeur  à  con- 
fondre le  trône  et  l'autel.  —  Il  n'y  a  pas  en  métaphysique 
de  petites  erreurs  ;  si  vous  dites,  comme  ils  le  disaient,  que 


hv  sià(|U.  717 

la  peine  .doit  êtriB  proportionnelle  k  la  mi^^té  de  la  per- 
sonne offensée ,  et  si  vous  faites  d^  la  loi  religieuse  lafloi 
civile ,  il  devient  obligatoire  de  poursuivre  avec  ardeur 
tous  les  hérésiarques,  et  de  leur  infliger  pour  le  moins 
la  peine  de  mort  :  ainsi  firent-^ils.  Constantin,  nous 
Tavons  dit ,  voulut  cette  peine  suprême  pour  tous  ceux  qui 
conserveraient  quelque  chose  des  écrits  d'Arius,  et  après  lui 
ses  successeurs  agirent  de  la  marne  manière.  Tandis  que 
Ton  se  contentait  de  punir  de  la  perte  d'un  œil  »  d'une 
oreille  ou  du  nez ,  tes  plus  grands  crimes  contre  les 
personnes ,  laissant  ^e  côté  la  sécurité  des  individus,  à 
leurs  yeux  question  secondaire ,  les  chefs  de  remj)ire 
d'Orient  s'attachèrent  singulièrcwient  à  détruire  les  diffé- 
rentes sectes  et  ruinèrent  des  contrées  doit  ils  eussent  pu 
tirer  bon  parti,  transformant  en  solitude  des  pays  dont  les 
habitants  étaient  martyrisés  pour  une  opinion  dévote,  hier 
en  honneur,  aujourd'hui  condamnée.  — Cette  idée  si  simple 
que  l'Etat  devait  se  composer  de  bourgs  ou  pâgus ,  de  cités 
ou  départements  rattachés  au  centre  impérial  par  une  même 
protection  des  lois,  par  les  mômes  intérêts  de  vente  et  d'achat, 
de  commerce  et  d'industrie,  n'était  ni  selon  l'économie 
sociale,  ni  selon  les  habitudes  politiques  du  temps.  On  fit  de 
la  dévotion  une  loi  suprême,  de  telle  sorte  que  la  plus  grand 
des  crimes  c'était  de  n'être  pas  orthodoxe  et  encore  mieux 
d'être  excommunié.  Le  génie  sophistique  devait  sous  ce 
rapport  donner  lieu  aux  plus  grandes  folies  gouvernemeu- 
taleâ.'  L'empire  grec  devint  le  lieu  d'élection  de  ces  diverses 
sectes  qui  nièrent  successivement  la  divinité  du  Christ ,  la 
divinité  du  Saint-Esprit ,  l'unité  de  la  personne  de  Jésus- 
Christ ,  ses  deux  natures ,  ses  deux  volontés  humaine  et 
divine,  et  qui  préconisèrent  ou  combattirent  le  culte  des 
images.  Tantôt  victorieuses ,  tantôt  vaincues ,  toutes  eurent 
leurs  uombreux  martyrs,  et  contribuèrent  à  la  dis^lution 
des  liens  civils  par  la  dépopulation  et  par  les  préoccupa- 
tions de  la  sophistique,  de  telle  sorte  qi|kl'on  puisse  dire  que 
cet  empire  a  été  usé,  anéanti  par  la  métaphysique.  Cela  est 
si  Vrai  que  plus  d'une  fois,  au  heu  de  songer  aux  moyens  de 
le  défendre ,  on  a  fait  de  la  discussion  et  de  la  métaphysi- 
que dévote  à  Constantinople  au  moment  des  plus  sérieux 


718  PHILOSOPHIE 

dangers.  Où  trouver  des  citoyens,  quand  la  religion  et  le 
lien  civil  sont  absorbés  parle  mysticisme?  Aux  faits  connus, 
nous  ajouterons  celui-ci  : 

A  la  fin  du  X*  siècle,  l'emperefur,  pour  se  mieux  défendre 
contre  les  ennemis  de  TEtat ,  s'affubla  d'une  robe  enlevée 
à  une  statue  de  la  Vierge  et  la  mit  un  pleurant  sur  sa 
tôte. 

Ce  serait  une  grande  enreur  de  croire  à  une  différence 
très-sensible  entre  les  doctrines  de  Rome  et  ^e  Gonstanti- 
nople.  Le  schisme  grec  n'en  est  pas  un.  Son  principal 
motif  remonte  à  la  séparation  des  empires  d'Orient  et  d'Oc- 
cident; il  fut  tout  politique.  On  vit  en  effet,  en  1315 ^  les 
patriarches  de  Constantinople  et  de  Jérusaleoi  «se  réiinir 
aux  évéques  et  abbés  d'Europe  lorsque  l'empire  grec  avait 
des  chefs  latins.  Les  prêtres  grecs  =  se  marient  ;  mais  telle 
fut  aussi  très-longtemps  la  règle  de  l'Occident.  Reste  la 
procession  du  Saint-Esprit  ;  voici  ce  qu'il  faut  entendre  par 
cette  ei^pression  :  selon  les  Grecs,  le  concile  de  Nicée  aurait 
déclaré  que  le  Saint-Esprit  procède  seulement  dti  père  ; 
selcm  les  catholiques ,  c'est  une  erreur. 

Les  peuples,  oomme  les  individus,  peuvent  dcmc  avoir 
des  maladies  intellectuelles,  de  véritables  monomanies, 
des  folies  partielles  et  de  -  longue  durée  qui  les  rendent 
impropres  à  se  continuer.  La  maladie  grecque  existe  encore 
chez  les  débris  des  fils  du  bas^empire.  Les  lettrés  de  ce 
pays  sont  des  sépulcres  qui  enterrent  le  savoir  et  lui  "don- 
nent un  cachet  spécial  d'individualisme,  en  lui  ôtant  en 
quelqu^e  sorte  la  faculté  de  se  reproduire.  La  sdence  mo- 
derne n*est  point  connue  des  Grecs  modernes ,  mais  leurs 
lettrés  parlent  beaucoup  de  langues,  connaissent  toutes  tes 
arguties  de  la  scholastiqueet  tous  les  détails  les  plus  puérilsde 
ce  qu'ils  appellent  l'histoire  de  leur  patrie.  Le  mélange  par 
mariage  avec  d'autres  peuples  et  une  réforme  complète 
dans  l'éducation  paftjrraient  les  régénérer.  Leurs  femmes 
sont  très-belles  ;  eiMontesquieu,  qui  considère  les  Tores 
comme  des  Huns ,  ^leur  attribuait  la  transformation  de  la 
race  ottomane. 


DU  SIÈCLS.  719 


IIOTEI^-AGE. 


Cette  période  qui  a  duré  environ  six  cents  ans ,   a  eu 
TEurope  occidentale  pour  lieu  géographique,  et  surtout  la 
haute  Italie,  l'Âlleniagne,  la  France,  TAngleterre,  le  Nord 
de  l'Espagne  et  le  Portugal.  Elle  commence  en  Italie  à  la 
mort  de  Charles-le-GraDd;  plus  au  Nord,  en  888,  à  la  sépa- 
ration de  la  Gaule  de  Tempire  germanique.  Elle  s*est  ter- 
minée insensiblement  dans  la  seconde  moitié  du  XV*^  siècle. 
L«<  série  des  grands  faits  sociaox  qui  lui  corre^ondent , 
se  partage  naturellement  en  cinq  groupes  :  l""  les  faits 
d'oidre  religieux;   2**  les  faits  anti-unitaires  ou   d'ordre 
féodal;   S"*  les  faits  à  tendance  unitaire,   auxquels  nous 
devons  la  constitution  de^  royautûes  d'Angleterre ,  d'Espa- 
gne-, de  France^  d'Allemagne,  de  Pologne,  etc.  L'émanci- 
pation des  travailleurs,  de  la  bourgeoisie,  forme  un  quatrième 
groupe.  Le  cinquième ,  d'ordre  littéraire ,  philosophique  et 
scientifique,  oorrespond  aux  divers  progrès  de  l'esprit  hu- 
main. 

Reprenons,  mais  sommairement,  ces  cinq  groupes  d'évé- 
nements du  moyen-âge ,  car  il  ne  s'agit  en  ce  livre  que  de 
poser  les  grandes  pièces  d'ensemble  qui  forment  la  char- 
pente d'une  histoire  universelle. 

Événements  religieux.  —  Au  début  du  X"  siècle  la 
papauté  se  trouve  à  la  merci  de  trois  dames  romaines , 
vraies  courtisannes  qui  en  disposent  selon  leur  bon  plaisir. 
■  La  société  chrétienne  croyait  alors  à  la  fin  du  monde  pour 
l'an  mille.  Elle  arriva,  cette  année  si  terrible ,  dans  laquelle 
tout  devait  finir.    Les  prieurés ,   les  abbayes ,  les  églises 
s'enrichirent  énormément  à  cette  époque.  Ceux  qui  crai- 
gnaient le  jagemeiYt  de  Dieu,  les  gran%  surtout,  voulurent 
à  tout  prix  acheter  sa  justice ,  et  firent  dans  ce  biit  les  plus 
riches  dom  à  ceux  qu'ils  regardaient  coimme  d'utiles  inter- 
médiaires. 
Nous  sommes  au  XI*  siècle,  et  voici  que  commence  le 


7S0  PHILOSOPHIE 

grand  drame  de  la  papauté.  Il  aura  cinq  ajcip^:  V^  les  héré- 
sies de  Gaîidulfe  et  de  péranger^/^âll  avènement  de  Gré- 
goire Vil  et  le  triomphe  du  papisme  qui  prèchî^a  les 
croisades;  5**  la  protestation  d'Abailafd  et  d^Aroàud  de 
Brescia  au  nom  des  classes  riches;  celle  des  manichéens ^l  . 
et  des  Vaudois  dans  Tordre  des  travailleurs.  Entre  celle 
insurrection  et  celle  de  Luther  viendront  Wicleft ,  Jean 
Hus,  Jérôme  dô  Prague  et  quelques  autres  célébrités,  puis 
les  guerres  sanglantes  des  Hussites  de  Bohème. 

Gandulfe  rejetait  tout  culte  extérieur  et  ne  reconnaissait 

Sas  la  nécessité  des  sacrements.  Béranger,  ^rcbidiam 
'Anger^  affirmait  que  l'eucharistie  n'est  qu'un  fijmbole 
du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  ;  nullement  ce  corps  el 
ce  sang  même ,  sous  les  espèces  du  pain  et  du  m. 
L'église  le$  condamna. 

Hildebrand  eut  Tidée  fixe  de  créer  l'empire  spirituel  de 
Rome  et  de  le  superposer  aux  rois  deTEurope  corameune 
intelligence  aux  bras  qu'elle  doit  diriger.  On  lui  attribue 
généralement  et  avec  raison,  les  maximes  suivantes: 

L'église  romaine  a  été  fondée  par  Dieu:  son  pontife  est 
imiversel  ; 

Seul  il  peut  déposer  les  évoques  et  les  replacer  sur 
leurs  sièges  ; 

Son  représentant  ou  légat  préside  en  cette  qualité  tous 
les  conciles;  il  est  supérieur  à  tous  les  évoques,  même  à 
ceux  d'un  rang  plus  élevé  que  le  sien  ; 

Le  pape  peut  déposer  les  absents  ;  il  est  défendu  de 
cohabiter  avec  ceux  qu'il  a  eicommuniés; 

Il  lui  est  permis  de  déposer  aussi  les  empereurs,  el  tous 
les  pri^îces  doivent  lui  baiser  les  pieds  (sic)  ; 

Aucun  concile  n'est  œcuménique  saus  son  autorisation; 

Aucun  livre  n'est  canonique  sans  son  autorisation  ; 

Il  est  défendu  à  kfus  les  tribunaux  de  condaipner  celui 
qui  en  a  appelé  au  Saint-Siège  ; 

L'église  n'a  jamais  erré  et  ne  pourra  jamais  errer  ; 

Le  pape  peut  délier  les  sujets  de  la  foi  jurée  à  des  prin- 
ces impies* 


BU  SIECLE.  721 

Les  .aqles  d'Hild^rand'  sont  d'accord  avec  les  proposi- 
tions qui  précèdent.  A1a  mort  de  Nicolas  II»  Q  fit  nommer 
pape  Aleipaûdre  II,  contre  le  vœu  de  la  cour  d'Autriche. 
Cette  élection  fut  Toccasion  de  querelles  dans  lesquelles 
Hildebrand  triompha.  L'impératrice  Agnès  avait  protesté 
au  nom  de  son  fils  mineur  :  elle  vint  en  personne  à  Rome 
accepter  la  pénitence  que  le  pape  voulut  oien  lui  imposer. 
Ce  pape  s'occupait  peu  des  affaires,  mais  Hildebrand  cou- 
vemait  sous  son  nom.  Arrivé  lui-même  au  tr6ne  pontincal, 
sous  le  nom  de  Grégoire  Vil ,  il  s'occupa  de  réformer  le 
clergé  et  de  lui  subordonner  les  Césars.  Cardinal,  il  avait 
dépouillé  l'empereur  du  droit  de  présenter  les  papes  et  de 
ratifier  leur  élection  ;  pontife,  il  osa  lutter  contre  les  grands, 
et  même  contre  l'empereur  d'Allemagne,   en  déclarant 
qu'au   seul  successeur  de  saint  Pierre  appartenait  le  droit 
d'investir  les  évoques  de  leur  dignité  épiscopale.  Une  guerre 
de  50  ans  eut  lieu  à  cette  occasion,  et  plus  tard  une  guerre 
d'un  siècle.  Toutefois  les  élections  des  évêques  par  le  pape 
ne' furent  pas  le  signal  de  la  lutte:  ce  fut  au  contraire  le 
droit  que  prétendait  avoir  l'efnpereur  de  ratifier  la  nomina- 
tion des  pontifes  et  peut-être  de  les  nommer  lui-même. 
Les  évêques  étant  devenus  presque  partout  seigneurs  sé- 
culiers et  vassaux  des  princes ,  il  était  naturel  que  l'em- 
1)erenr  voulut  avoir  le  pape  pour  vassal.  Hildebrand  fut  dans 
e  juste  et  dans  le  vrai  en  refusant  de   faire  participer  le 
spirituel  à  la  féodalité  matérielle  du  temps  ;  son  œuvre  serait 
pure  à  nos  yeux  s'il  avait  accordé  quelque  chose  au  bon  sens, 
à  la  raison  humaine ,  et  si  au  lieu  de  travailler  en  égoïste 
à  l'autocratie  papale ,  il  s'était  occupé  de  rendre  aux  peu- 
ples une  foule  de  droits  confisqués  par  les  évêques.  Il  se 
montra   très-dur  dans  sa  lutte    avec  l'empereur  Henry. 
Celui-ci,  pour  être  relevé  de  son  excommunication,  fut  con- 
traint de  passer  entre  les  murailles  extérieures  de  la  forte- 
resse de  Canosse,   propriété  de  la  comtesse  Mathilde,  les 
22 ,  25  et  24  janvier  1077 ,  sans  suite ,  en  plein  air,  vêtu 
d'une  seule  chemise  de  laine,  les  pieds  nus  sur  la  neige 
qui  couvrait  le  sol,  tandis  que  le  pape,  assis  au  foyer  de 
la  comtesse ,  jouissait  du  plus  délicieux  comfortable  et  de 
la  société  de  l'une  des  femmes  les  plus  distinguées  d'Italie. 


7â3  PHItOfiOPBIE 

Grégokë  VII  fmt  aussi  très-dttryte-à-^vis  des  seigneurs  alle- 
mands  <  qui  avaient  pis  fait  et'éati^é  pbur  l'eoipereur. 
Mais  les  seignairs  italien»,  qui  voyaient  fa  pàpaûlé  de  plus 
près,  ne  se  souciàrenl  nullement  de  subir  des  humiliations 
ni  des  pénitences ,  et  il  fallut  leur  proposer  un  pardon 
qu'ils  ne  sollicitèrent  pas. 

Les  croisades  ont  été  la  grande  Californie  du  moyen-âge. 
Elles  ont  conduit   providentiellement  h  un  résultat  bien 
différent  de  celui  qu'elles  paraissaient  avoir  pour  but  de 
réaliser.  Moines,  abbés,  simples  prêtres  ne  jugeaient  l'Asie 
ce  qu'elle  était.  Ils  la  tenaient  pour  une  source  de  richesses, 
d'érèchés,  de  bénéfices  religieux.  Rome  croyait  à  là  possi- 
bilité de  se  créer,  par  les  croisades ,  des  armées  à  l'époque 
où  l'Occident  se  remplissait  des  récits  de  pèlerins  mécon- 
tents,  qui  n'avaient  vu  l'Asie  qu'en  rête.  Sous  le  règne 
pontifical  d'Urbain,  les  esprits  étaient  déjà  très-préparés,. 
lorsque  Coucou  Piètre,  habituellement  Pierre  IHetmife, 
gentilhomme  picard,  peu  avenant  en  son  aspect,  mais  de 
grande  éloquence  vis-à-vis  du  peuple,  prêcha  la  première 
croisade  dans  les  églises,  les  castels,  tes  lieux  publics.  Il  pro- 
posait avec  grand  succès  la  guerre  sainte  à  des  hommes  sou- 
dards de  nature,  qui  n'auraient  pas  reculé  devaut  le  plus 
grand  saorilège.  —  C'est  un  poëme  à  écrire  que  le  récit  des 
croisades*,  dont  l'effet  fut  si  puissant  pendant  un  siècle  et 
demi.    U  y  eut  surtout  lors  de  la  première ,  au  scio  des 
basses  classes  qui  calculent  si  peu,  une  vraie  comûiunron 
de  toutes  les  âmes  chrétiennes.  Les  plus  pieuses  et  naeil- 
leures  dames  de  la  noblesse ,  et  à  leur  suite  beaucoup  de 
chevaliers  s'y  associèrent  ;   mais  que  de  motifs  purenaenl 
mondains  se.déguisèreut  sous  le  masque  religieux!  Des 
gens  sans  aveu ,  des  bandits  issus  des  races  nobles  ou  con- 
quérantes, des  propriétaires  ruinés  se  croisèrent  en  grand 
nombre;   d'autres,  plus  sages  que  leurs  amis,  selaisèrcnt 
cependant   entraîner  à  les  suivre  par  leurs   sentiments 
d'affection  ;  les  femmes  elles-mêmes  se  distinguèrent  par 
leur  aventureuse  ardeur.   U  y  en  eut  qui  s'habillèrent  en 
hommes  pour  suivre  leurs  amis  ou  leurs  amants.  Il  arrÎTâ 
dans  cette  affaire  comme  dans  bien  d'autres  :  le  premier 
mouvement  avait  dit  oui;  la  réflexion  eut  dit  non,  surtout 


W:.&IB«W«  733 

aprè&,l^^.topM  premèreft  e^oisades  ;  mais  te  |K)iat  d'honoeur 
retint  )>Bauc()qps  d'hctfomes.  Les  premiers  qui  partirent 
fufçojt. d^,  0|k.yrîer3t  das^serfs^  des  mananâs,  des  géns'  de 
petite  swUiqm  le  service  des  armes  pour  la  cause  de  Dieu 
affranchissait  de  drioit*  Les  nobles. vmrent  ensuite:  ils  ven- 
dirent à  vils  prix  terres  et  cbftteaux,  et' les  églises  qui 
avaient  beaucoup  d'argent  comptant  Déalisèrent  d'immenses 
bénéfices.  Les  capitaux  n'étaient  pas  abondants  à  cette 
époque  :  de  petites  sommes  ref^ésentaient  de  grandes 
terres  )  et  cependant  les  croisés  de  la  troisième  armée  dorent 
réaliser  en  une  année»,  plus  de  deux  oeuta  millions,  valeur 
actjielle.  Que  de  chaof^ements  par  suite  de  ce  seul  fait  I 
que  de  facilitéS:pour  l'affranchiasemdnt  des  bourgeois  et  des 
communes! ., 

Les  nobles  rapportèrent  d'Orient  de  nouveaux  goûts,  des 
habîMes  ou  tout  au  moins  des  désirs  de  luxe  et  de  con- 
fortoble,  L'Italie  r  1^  Grèce  les  instruisirent  singulièrement. 
La  inarine  méditerranéenne  s'améliora  ;  la  scienee  des  con-* 
struclions  navales  réclama  des  progrès  dans  la  géométrie 
pratique.  Les  commerçants,  les  hôteliers,  les  ouvriers 
d'état,. les  aormateurs. surtout  firent  d'excellentes  affaires. 
Les. gens  du  peuple  revinrent  avec  la  connaissance  des 
abus  qui  s'étaient  greffés  sur  la  religion  du  Sauveur  pour 
lequel  ils  avaient  tant  d'amour,  et  le  doute  naquit  en  leurs 
âmes  ;  ils  ne  cessèrent  pas  de  croire  en  lui,  mais  ils  avaient 
.  appris  à  douter  de  Rome  et  du  clergé. 


Nous  voici  au  troisiènie  acte  du  drame  religieux  de  la 
papauté  :  elle  a  vaincu  Gandulphe  et  Béranger  ;  sa  puis- 
sance spirituelle  est  grande ,  mais  elle  va  être  attaquée  au 
sein  des  écxA^s  par  Abailard  ,  au  sein  de  la  noblesse  ita- 
lienne par  Arnaud  de  Brescia,  tandis  que  les  convertis  do 
manichéisme  et  les  (disciples  de  Valdo  croîtront  chaque 
jour  en  nombre. 

Abailard  eut  en  sa  vie  un  grand  bonheur ,  celui  d'être 
aimé  d'Héloïsa.  Cette  Xemme  adorable,  loin  d'arrêter 
l'essor  de  son  génie,  le  poussa  aux  plus  grandes  études: 
aussi  dexint-il   le   premier  théologien  de  son  siècle.  Le 


724  PBILOSOPHIB 

christianisine  si  platonicien  d'Alexandrie  reparut  en  ses 
enseignements.  Il  ne  niait  pas  le  dogme  de  la  Trinité,  il 
l'expliquait  rationellement  ;  il  s'attachait  à  faire  compren- 
dre la  divinité  de  la  mission  du  Christ ,  laissant  de  côté  la 
divinité  de  la  personne  :  c'était  le  considérer  comme  un 
prophète  ,  comme  un  sage.  Accusé  de  trithéisme ,  ce  qui 
était  absurde ,  il  fut  condamné  par  le  concile  de  Soissons. 
Le  peuple  faillit  le  lapider  sur  la  route,...  pauvre  peuple!!! 
La  grâce,  le  péché  originel,  la  rédemption  et  tous  les 
autres  sujets  que  le  catholicisme  comporte  en  ses  ensei- 
gnements l'occupèrent  plus  tard ,  mais  il  ne  put  réussir  à 
sortir  des  voies  logiques  de  la  philosophie.  Ses  interpréta- 
tions ébranlèrent  l'Eglise  entière.  Saint  Bernard  se  chargea 
de  le  réfuter;  il  qualifia  ses  doctrines  en  trois  mots  :  sur  la 
trinité,   dit-il,   c'est  Arius;   sur  la  gr&ce,  Pélasge;  surla 

Ersonne  du  Christ,  Nestorius.  La  phrase  était  plus  bril- 
ite  que  vraie ,  elle  obtint  un  succès  fou.  Abailard  avait 
eu  des  milliers  d'écoliers  :  son  exemple  et  ses  leçons  popu- 
larisèrent singulièrement,  dans  toute  l'Europe,  1  esprit 
d'examen  et  La  foi  dans  la  raison  individuelle. 

Arnaud  de  Brescia ,  son  disciple ,  était  plutôt  un  réfor- 
mateur politique  et  moral  qu'un  philosophe.  Il  attaqua  la 
corruption  du  clergé  et  fut  excommunié.  La  France,  la 
Hollande,  la  Suisse  et  l'Allemagne  l'entendirent  prêcher  la 
réforme.  Ses  doctrines  y  germèrent.  De  retour  en  Italie, 
la  réorganisation  de  la  republique  romaine  le  préoccupa  : 
il  osa  la  tenter  et  réussit.  Hais  le  pape  ayant  mis  Rome  en 
interdit,  le  peuple  si  mobile  en  ses  attachements,  le  maudit: 
livré  au  Saint-Siège  par  l'empereur  d'Allemagne,  il  fut 
crucifié,  puis  brûlé. 

La  doctrine  des  albigeois  n'était  autre  chose  que  celle 
des  manichéens  ou  disciples  de  Manès ,  qui  avait  mélangé 
les  croyances  de  Pythagore  et  des  mages  au  christianisme. 
En  voici  un  résumé  assez  exact  ;  il  a  été  rédigé  d'après  les 
adversaires  du  manichéisme  : 

Dieu  est  infini  en  bonté,  en  sagesse,  en  miséricorde; 
il  n'est  point  le  créateur  du  mal ,  il  est  un  pur  esprit.  — 
Il  y  a  donc  un  second  principe  qui  est  matériel  et  coétemel 
à  Dieu. 


BU  SIÈCLE.  72S 

Laissant  au  peuple  la  foi  aveugle,  les  sages  se  doivent 
réserver  la  science  et  l'usage  de  leur  raison. 

La  morale  de  TEvangile  est  admirable ,  et  c'est  la  seule 
base  sur  laquelle  on  puisse  organiser  des  sociétés  légitimes 
et  durables. 

Accepter  volontairement  la  pauvreté  et  renoncer  de  soi- 
même  aux  jouissances  mondaines,  voilà  ia  véritable  voie  du 
salut. 

L*union  avec  Dieu  est  le  but  suprême  de  l'existence.  La 
continence  absolue  et  l'abstinence  des  viandes  sont  obliga- 
toires pour  quiconque  veut  être ,  dès  cette  terre,  au  nombre 
des  élus. 

Hais  il  ne  convient  de  demander  à  la  masse  des  hommes 
que  de  croire,  sans  exiger  d'eux  les  vertus  difiQciles  des 
élus.  (On  les  a  appelés  aussi  les  bons  hommes  et  les  par- 
faits.) 

A  quoi  bon  le  baptême,  où  est  son  efficacité  ? 

Quel  homme  sensé  pourrait  voir  autre  chose ,  dans  l'in- 
carnation et  la  passion  du  Christ,  que  des  enseignements 
symboliques  ? 

Comment  les  paroles  d'un  prêtre  pourraient-elles  opérer 
la  transmutation  du  pain  et  du  vin  eucharistique  en  Jésus- 
Christ  lui-même,  veAe  de  Dieu  et  pur  esprit  ? 

Qui  ^pourrait  croire  qu'un  Dieu  inlinimenl  miséricordieux 
ait  eu  des  pensées  de  colère  et  commis  des  actes  humains 
de  vengeance  ? 

L'esprit  et  la  matière  sont  co-éternels. 

Le  culte  des  images  et  des  reliques  est  une  idolâtrie. 

Il  n'y  a  point  de  degré  dans  les  fautes  :  la  fornication 
est  aussi  coupable  que  l'adultère. 

Venus  d'Asie  en  Europe ,  les  Albigeois  firent  de  nom- 
breux adeptes  en  Bulgarie,  en  lUyrie,  en  Dalmatie,  en 
Allemagne ,  en  France  et  en  Italie  :  partout  on  les  persé- 
cutait, mais  partout  leurs  vertus  leur  faisaient  des  prosé- 
lytes. Raymond,  comte  de  Toulouse,  les  avait  vus  de  près  : 
il  les  avait  jugés  agriculteurs  habiles ,  industriels  laborieux 
et  intelligents  ;  il  s'y  attacha.  A  la  voix  d'Innocent  III, 
une  armée  de  croisés  se  rua  sur  le  Languedoc  et  lui  fit 
souffrir  le  martyre.  Sept  mille  personnes  furent  massacrées 

31 


726  pniLOsopHiB 

de  sang-froid  dans  Téglise  de  Béziers.  L'Inquisition  yint 
ensuite.  Vers  le  milieu  du  XIII»  siècle,  les  manichéens 
comptaient  encore,  en  Europe,  seize  églises  et  quatre  mille 

Sarfaits,  véritables  esséniens  ou  samanéens  en  leur  manière 
e  vivre  et  de  penser. 
Les  vaudois  avaient  été  institués  par  un  bourgeois  de 
Lyon ,  nommé  Valdo.  Après  avoir  distribué  ses  biens  aui 
pauvres ,  il  fonda  une  église  extrêmement  sévère  :  rhomi- 
lité  et  la  pauvreté  formaient  la  base  de  sa  doctrine.  Ortho- 
doxes, quant  à  la  foi,  les  vaudois  ne  différaient  des 
catholiques  que  par  leur  profond  mépris  pour  le  cfergé. 
Valdo,  blâmé  d'abord,  fut  ensuite  excommunié;  mais  il 
n'en  tint  pas  compter  de  lui-même,  il  se  fil  prêtre,  et 
bientôt  son  schisme  fut  complet.  Persuadé ,  avec  Gré- 
goire VII ,  que  l'efficacité  des  sacrements  se  lie  à  la  sainlele 
de  celui  qui  les  administre ,  il  arriva  naturellement  à  pro- 
fesser qu'un  laïque  profondément  vertueux  a  plus  de  droits 
qu'un  prêtre  corrompu,  pour  confesser  et  pour  absoudre. 
Dieu  seul  devant  être  loué  et  adoré ,  il  ne  reconnut  ni  les 
saints,  ni  les  reliques;  il  défendit  les  prières  des  morts, 
condamna  les  indulgences  et  les  pèlerinages ,  supprima  les 
images ,  la  croyance  au  purgatoire ,  les  cierges ,  les  cloches 
et  tout  ce  qu'il  y  a  d'artistique  dans  les  cérémonies  catho- 
liques. Rome,  inquiète,  persécuta  les  vaudois  ;  mais  la  pureté 
de  leur  vie  faisait  de  si  nombreux  prosélytes  qu'il  fallut  re- 
courir à  des  moyens  plus  héroïques.  Par  l'ordonnance  de 
1224,  qui  fut  confirmée  par  Innocent  IV ,  le  Saint-Siège 
permit  et  ordonna  de  les  mettre  à  mort  aussitôt  leur  reli- 
gion connue;  il  fut  même  décidé  que  leurs  habitations 
seraient  détruites  à  perpétuité.  Leur  martyre  fut  long  et 
dura  près  de  trois  siècles.  Les  cruautés  exercées  contre  ces 
malheureux  seraient  incroyables  si  elles  n'étaient  racontées 
par  leurs  adversaires  eux-mêmes.  On  a  prétendu  qu*ils 
voulaient  supprimer  la  propriété  individuelle  :  c'est  une 
erreur ,  mais  ils  ne  croyaient  pas  au  clei'gé  le  droit  de 
posséder  des  bénéfices  et  des  dignités  temporelles.  Toute- 
fois la  commune  était  chez  eux  une  institution  très-frater- 
nelle et  très-remarquable  en  sa  perfection. 
Quelques  écrivains  ont  voulu  voir  daûs  la  guerre  desalbi- 


DU  SIÈCLE.  7S7 

geois ,  une  lutte  de  la  féodalité  du  nord  de  la  France  contre 
les  institutions  communales  qui  étaient  d'usage  habituel 
au  midi  ;  c'est  une  grave  erreur  :  les  faits  donnent  à  ce 
système  le  démenti  le  plus  absolu. 

La  papauté  était  victorieuse  ;  elle  avait  fait  peser  l'inqui- 
sition sur  le  midi  de  la  France,  et  des  milices  nouvelles 
s'ajoutaient  chaque  jour  à  ses  anciens  ordres  religieux  : 
c'étaient  des  jacobins,  des  augustins,  des  bernardins,  des 
cordeliers,  des  blancs-manteaux,  des  célestins.  La  prison 
de  l'esprit  humain  était  bien  grillée  et  ses  gardiens  étaient 
nombreux  :  comment  parvint-il  à  en  sortir  ? 

Les  plus  fervents  catholiques  eux-mêmes  avaient  besoin 
d'aspirations  plus  élevées  que  celles  dont  ils  faisaient  la 
nourriture  usuelle  de  leurs  Âmes.  L'union  en  Dieu ,  le  règne 
du  Saint-Esprit ,  la  réforme  du  clergé  continuèrent  donc  à 
préoccuper  les  esprits. 

Les  bégards,  béguins,  béguines,  les  fratricelles,  toutes 
ces  sectes  issues  du  tiers-ordre  de  saint  François,  qui 
prirent  Rome  en  haine ,  parce  que  Rome  les  persécutait , 
occupèrent  pendant  un  temps  les  esprits.  Vinrent  ensuite 
les  flagellants  :  l'Europe  a  vu  deux  fois ,  dans  le  XIII'  siè- 
cle, des  milliers  de  monomanes  courir  les  routes,  souvent 
nus  jusqu'à  la  ceinture,  pour  s'aller  fouetter  dans  une 
ville  voisine.  Tantôt  c'était  Pérouse  qui  désertait  ses 
maisons  pour  aller  à  Spolette  ,  puis  Spolette  lui  rendait  sa 
visite.  De  graves  désordres  résultaient  de  ces  voyages  dans 
lesquels  les  flagellants  couchaient  pêle-mêle.  Le  bûcher 
était  alors  en  grande  vogue  :  des  flagellants  furent  brûlés 
par  manière  d'avertissement ,  et  l'épidémie  cessa. 

Dans  une  sphère  plus  élevée ,  on  professait  que  le  règne 
de  Dieu  le  Père  avait  duré  jusqu'au  Christ  ;  que  celui  di# 
Fils  avait  duré  jusqu'au  XIII''  siècle ,  et  que  celui,  du  Saint- 
Esprit  était  arrivé  qui  donnerait  lieu  aux  plus  grandes 
merveilles. 

Hugo  de  Saint-Victor  exprimait  sous  une  forme  poétique 
la  pensée  des  extatiques  :  la  terre,  disait-il,  c'est  la  rai- 
son ;  l'enfer,  la  volupté.  Pour  éviter  l'un  et  se  sauver  de 
l'autre,  l'âme  humaine  a  besoin  de  l'amour  de  Dieu;  elle 
doit  lutter  à  mort  et  se  sacrifier  depuis  le  berceau  jusqu'à 


738  PHILOSOPHIE 

la  tombe ,  pour  s*en>^oler  enfin  dans  les  bras  de  son  fiancé 
céleste,  Dieu  le  Christ.  Ce  fragment  ressemble  aux  leçons 
de  rimitation ,  mais  il  est  plus  énergique  en  son  st}1e. 

Vers  la  fin  du  XIII'*  siècle ,  Wicleff  reprenait ,  en  Angle- 
terre, la  grande  question  de  la  réforme  du  clergé.  Lors  du 
mariage  d'Anne  d'Allemagne,  sœur  du  roi  de  Bohème, 
avec  le  roi  d'Angleterre,  les  Slaves  ou  Tchèques  de  ce  pays 
s'y  instruisirent  de  ses  doctrines  et  remportèrent  ses  livr^. 
Déjà  la  Bohême  était  travaillée  par  des  vaudois  réfugiés  et 
des  manichéens  :  ils  furent  Tétincelle  qui  mit  le  feu  aux 
poudres.  La  question  des  imiversaux  divisait  le  clergé  de 
Bohême  :  les  uns  soutenaient  que  les  idées  générales  appe- 
lées universaux^  telles  que  les  idées  de  grandeur,  de  vertu, 
de  générosité ,  de  liberté ,  étaient  individuelles  ;  quelques- 
uns  en  faisaient  même  des  caprices  personnels,  ce  qui 
conduisait  à  superposer  l'infaillibilité  du  pape  aux  efforts 
de  la  raison.  Les  autres,  au  contraire,  admettaient  géné- 
ralement, avec  Platon,  des  types  étemels  de  perfection  que 
rftme  doit  avoir  en  vue  pour  diriger  ses  actes. 

Jean  Hus,  qui  soutenait  cette  doctrine,  prêcha  aussi 
contre  la  dîme  et  le  haut  clergé ,  attaquant  tous  les  abus 
dont  la  Bohême  voulait  la  réforme.  L'archevêque  répondit 
en  faisant  brûler  deux  cents  volumes  de  Wicleff  magnifi- 
quement reliés.  A  cette  époque  où  les  manuscrits  étaient 
si  chers,  ce  fut  un  vrai  crève-cœur  pour  leurs  propriétaires. 
Les  étudiants  se  vengèrent  à  leur  façon  ;  ils  étaient  parti- 
sans de  Wicleff  et  brûlèrent  à  leur  tour,  en  public,  les 
billets  d'absolution  que  la  pape  faisait  vendre  en  Bohème 
pour  se  procurer  de  l'argent.  Une  véritable  mascarade  eut 
lieu  à  cette  occasion  :  le  sénat  la  poursuivit  et  6t  punir  de 
iBort  plusieurs  de  ceux  qui  en  avaient  fait  partie  ;  mais  le 
peuple  recueillit  leurs  cadavres  el  les  enterra  comme  des 
saints. 

Le  concile  de  Constance  s'était  assemblé  dans  le  but  do 
terminer  cette  guerre  des  papes  appelée  lé  sdiisme  d'Occi- 
dent. Jean  Hus  y  fut  déféré  ;  il  s'y  défendit  avec  calme  et 
dignité,  n'opposant  aux  apostrophes  de  quelques-uns  de 
ses  juges,  à  celles  de  Pierre  d'Ailly  par  exemple,  que  le 
plus  imperturbable  sang-froid. 


DU  SIËCLB.  729 

Le  1"*^  juillet  1415,  il  mainteaait  par  écrit  tout  ce  qu'il 
avait  avancé  :  0  maître  tertueux^  lui  dit  le  barou  de 
Cloume  que  Ton  avait  envoyé  pour  l'engager  à  se  rétracter, 
vous  allez  être  immolé ,  maii  la  vérité  éternelle  vaut  mieux 
que  la  vie  terrestre. 

Le  6  juillet  1415,  Jean  Hus,  vêtu  d'une  robe  blanche  de 
toile  cirée,  d'un  bonnet  de  papier  de  hauteur  ridicule  et 
peint  d'images  infernales,  monta  sur  le  bûcher.  On  le 
plaignait  de  son  accoutrement.  Le  Christ ,  répondit-il ,  a 
porté  la  couronne  d'épines.  —  Arrivé  sur  le  bûcher  d'un 
pas  ferme,  il  se  prit  à  chanter  un  canticjue  religieux,  et 
mourut  dans  les  plus  cruels  tourments ,  aux  applaudisse- 
ments frénétiques  du  peuple  qui  l'entourait. 

Le  50  mai  1416 ,  son  ami  Jérôme  de  Prague  mourait  à 
son  tour,  condamné  à  mort  par  ce  même  concile  de 
Constance. 

Nous  ne  raconterons  ici ,  ni  les  540  jours  de  torture 
qu'on  lui  fit  subir  dans  les  prisons  ;  ni  les  reproches  méri- 
tés qu'il  fit  à  ses  juges,  en  leur  demandant  si  après  avoir 
écouté  ses  accusateurs  pendant  cette  longue  période,  ils  n^- 
pouvaient  lui  accorder  une  seule  heure;  ni  ses  réponses 
négatives  à  un  interrogatoire,  dans  lequel  on  avait  odieu- 
sement dénaturé  ses  opinions;  ni  l'éloge  mérité  qu'il  fit  de 
Jean  Hus  ;  mais  quelques-unes  de  ses  paroles  doivent  figurer 
ici.  Jean  Hus^  dit  Jérôme  de  Prague,  qui  était  la  pre- 
mière intelligence  de  son  pays ,  Jean  Hus  n'a  jamais  rien 
enseigné  contre  l'église  ae  Dieu;  il  n'a  fait  que  s'élever 
comme  il  le  devait,  contre  les  vices  du  clergé ,  l'orgueil,  le 
faste  et  la  pompe  des  prélats,  qui  dépensent  en  courtisan- 
nés,  en  bonne  chère,  en  chevaux,  en  chiens  et  en  vains 
ornements  ce  qu'ils  doivent  aux  malheureux,  aux  ho6picef|d| 
aux  églises.  Jérôme  prononça  ces  paroles'avec  calme  et  sans 
manifester  aucune  crainte.  Oh  !  homme  digne  d'une  meil- 
leure justice  !  il  marcha  au  supplice  avec  cette  quiétude 
de  Soorates  aiv^lant  la  cigiuë;  il  fut  grand  aux  yeux  de  sqs 
ennemis.  Ses  çeoadres  furent  jetées  au  vent ,  mais  elles 
devinrent  we  semence  féconde-  Cette  mort  a  été  lesigpal 
des  guerres  religieuses  de  BQhême.  Aiqsi  finit,  au  moyen- 
ne, le  quatrième  acte  du  grand  drame  de  la  papauté.  Le 


750  PHILOSOPHIE 

cinquième  aura  lieu  au  début  de  Tère  scientifique;  c'est 
alors  que  Tesprit  humain  personnifié  dans  Luther,  brisera 
les  fers  de  Rome,  et  saura  conquérir  Tindépendance  des  âmes. 

Aux  IX'  et  X*  siècles  l'Europe  se  courre  de  chAteaax 
forts;  ces  établissements  créent  partout  l'isolement  des 
familles  et  la  séparation  des  intérêts.  Le  château  fort,  à 
répoque  où  la  guerre  était  la  grande  industrie,  c'était 
Tusine  de  Thomme  de  la  race  conquérante,  comme  la 
commune  sera  bientôt  la  machine  de  guerre  du  plébéien, 
comme  la  cité  ouvrière  et  la  cité  bourgeoise  seront ,  dès  le 
XIX'  siècle ,  le  pifemier  pas  vers  des  communes  plus  com- 
plètes et  plus  développées  en  leurs  organismes  sociaux. 
Pendant  deux  siècles  entiers ,  le  castel ,  véritable  cité  mi- 
litaire du  temps,  règne  et  gouverne  en  Allemagne  et 
surtout  en  France.  Au  XII*  sa  puissance  diminue;  les  rou- 
tiers ,  les  brabançons,  les  grandes  comi^agnies  font  ensuite 
universellement  redouter  et  détester  le  militarisme  féodal. 
Les  bourgeois,  les  ouvriers  et  les  royautés  s'unissent  au 
clergé  contre  lui.  Les  milices  bourgeoises  apparaissent ,  et 
du  XIII*  au  XVI*  siècle  le  castel  cède  le  pas  à  des  pou- 
voirs nouveaux  ;  mais  il  fait  sa  retraite  avec  le  calme  de  la 
force. 

Passons  maintenant  à  l'étude  de  deux  grands  faits 
solidaires:  l'émancipation  des  roturiers  et  la  formation  des 
royautés  européennes. 

Au  X*  siècle ,  des  Scandinaves  désigné^  sous  le  nom  de 
Normands ,  et  la  féodalité,  s'associèrent  en  quelque  sorte 
pour  morceler  la  France.  L'Allemagne  plus  heureuse ,  fut 
protégée  par  son  empereur  Henry   l'Oiseleur.  Ce  prince 

«;anisa  les  corporations  bourgeoises ,  dont  il  fit  les  fantas- 
s  de  son  armée;  les  nobles  formèrent  la  chevalerie.  Des 
enceintes  fortifiées ,  appelées  bourgs,  commencèrent  dè5 
lors  à  servir  de  protection  à  l'industrie  des  plébéiens.  Ce 
n'était  pas  le  mouvement  communal,  mais  quelque  chose 
qui  devait  y  conduire.  Le  midi  de  la  France,  T'Italie,  le 
nord  de  l'Espagne  jouissaient  alors  de  quelques  libertés 
municipales;  leurs  cités  s'étaient  retrécies,  leurs  sénats 
ou  curies  de  sénats  départementaux  étaient  devenus  de 


DU  SIECLE.  731 

simples  conseils  urbains.  Le  même  fait  parait  s*ètre  passe 
dans  le  Nord ,  à  Rheims ,  par  exemple  «  mais  il  y  fut  plus 
rare. 

On  peut  dire  qu'au  XI*  siècle  le  peuple  formait  partout 
un  corps  dans  les  villes  de  l'Europe  civilisée  ou  censée 
telle;  mais  ce  corps  n'avait  point  d'Âme;  il  manquait  de 
cette  organisation  sans  laquelle  rien  n'est  possible.  Il  en 
était  de  même  dans  les  campagnes  où  les  paroisses  possé- 
daient depuis  un  temps  immémorial  des  biens  communaux  : 
ces  biens  étaient  en  jouissance,  mais  nullement  administrés. 

Une  étude  sérieuse  nous  enseigne  que  l'affranchissement 
des  roturiers  des  villes  s'est  effectué  en  France ,  en  Allema- 
gne, en  Angleterre  et  dans  la  péninsule,  du  XIP  au 
XVI*  siècle ,  par  des  Chartres  et  des  actes  royaux  ou  sei- 
gneuriaux ,  qui  ont  accepté  et  consacré  ce  qui  existait,  ou 
consacré  ce  qui  venait  d'être  créé  h  l'imitation  d'affran- 
chissements déjà  existants  et  autorisés. 

Cet  affranchissement  légalisé  (car  ici  le  fait  souvent  très 
ancien  et  considéré  comme  coutume  ou  usance^  doit  être 
distingué  du  droit  qui  lui  est  postérieur)  a  eu  des  formes 
très-diverses.  A  Noyon^  la  première  ville  de  France  qui  ait 
joui  d'une  charte ,  le  clergé ,  les  nobles  et  les  bourgeois 
iirent  ratifier  par  Louis-le-Gros ,  leur  contrat  communal, 
rédigé  par  l'évèque  Baudry.  A  Laon,  le  clergé  intervint  en 
l'absence  de  l'évèque,  et  les  nobles  vendirent  leur  coopé- 
ration: 

A  Amiens,  le  comte  fit  opposition ,  et  il  fallut  le  réduire 
à  main  armée.  Le  roi  s'en  chargea  :  d'où  deux  années  de 
lattes.  Il  fut  vaincu,  elles  bourgeois  l'expulsèrent.  A  Rheims, 
la  lutte  fut  plus  longue  :  les  rois  de  France  s'en  mêlèrent. 
Une  première  fois  le  roi  prit  parti  pour  l'archevêque ,  que 
la  bourgeoisie  armée  tenait  en  quelque  sorte  prisonnier 
dans  son  château.  Trente  maisons  des  plus  notables  furent 
rasées.  Une  seconde  fois  la  royauté ,  mieux  éclairée  sur  ses 
intérêts,  juge^  utile  de  transiger  avec  les  bourgeois  de 
Rheims,  qui  donnaient  l'exemple  à  tout  le  nord  de  la 
France  ;  eue  voulut  les  concilier  avec  l'archevêque ,  et  leur 
députa,  en  i329,  un  mandataire  qui  visita  en  leurs 
hosiien  les  chefs  de  la  mairie.  Cette  négociation  réussit. 


752  PHILOSOPHIE 

Pendant  que  les  oommunes  s'organisaient  en  France,  le 
reste  de  TEurope  entrait  dans  la  même  voie ,  non  par  imi- 
tation, mais  par  la  force  des  choses.  L'empereur  Frédéric; 
Louis,  comte  de  Tburinge  ;  Henri-le-Lion,  chef  delà  maison 
Guelfe,  qui  accorda  de  grands  privilèges  aux  villes  de  Lubeck 
et  de  Brunswick  ;  le  comte  de  Bourgogne  Berthold,  qui  se 
vengea  de  la  mort  de  ses  iils  empoisonnés  par  les  nobles, 
en  affranchissant  les  villes  suisses  de  sa  dépendance  et  en 
fondant  la  ville  de  Berne  :  voila  les  créateurs  des  libertés  com- 
munales allemandes.  Ils  eurent  pour  politique,  ainsi  que  les 
autres  souverains  de  l'Europe ,  d'arrôter  le  morcellemeot 
féodal  de  leur  autorité  en  s'appuyant  sur  le  peuple  et  sor 
une  puissante  bourgeoisie;  ils  voulurent  aussi  ramener 
leurs  grands  vassaux  à  cette  humanité  dont  ils  oubliaient 
trop  souvent  les  premières  règles.  Louis  de  Thuringe 
attela  un  jour  à  sa  charrue  quatre  nobles  pous  les  punir  de 
leurs  exactions. 

Le  mouvement  communal  s'étendit,  dès  le  principe, à 
des  associations  de  communes  :  une  charte  de  Philippe- 
Auguste,  de  il87,  en  fait  foi. 

Il  est  à  remarquer  qne  le  cammuninne ,  créé  par  les  pre- 
mières communes,  prévalut  singulièrement  sur  YindifÀ- 
dualisme^  et  que  le  communalisme  qui  en  résulta  dimnait  à 
la  communauté  des  droits  puissants,  exorbitants  même 
quelquefois,  sur  les  personnes  et  les  propriétés  de  cem  qui 
en  faisaient  partie ,  comme  de  raser  leors  maisons  quand 
ils  contrevenaient  au  pacte  social.  Mais  en  regard  de  la 
féodalité  si  puissante  encore,  ce  mal  n'était  pas  un  abus. 

Le^  nobles  et  le  haut  clergé  ne  tardèrent  pas  à  com- 
prendre où  le  système  communal  devait  les  conduire. 

(Y  Commune!  disait  l'abbé  de  Nogent,  nom  nouveau. 
»  nom  détestable  !  par  toi  les  censitaires  sont  affranchis  de 
>»  tout  servage ,  moyermant  une  simple  redevance  annuelle. 
»  —  Tu  n'imposes  d'autre  punition  pour  rinfraction  aui 
))  lois  qu'une  amende  déterminée,  et  tu  interdis  toutes  les 
»  autres  charges  pécuniaices  auxquelles  les  serfs  scoit  ordi- 
j)  nairement  assujettis  !  » 

Ce  qui  blessa  surtout  la  noblesse  de  l'époque  dans  ses 
privilèges,  c'est  que  les  communes,  autorisées  presque 


DU  SIÈCLE.  733 

toutes  à  s'armer  et  à  se  fortifier,  se  mirent  ainsi  à  l'abri 
des  barons  qui  faisaient  alors  meurtre  et  rapine  sur  les 
grandes  routes  ;  c'est  qu'il  leur  devint  impossible  de  faire 
accepter  les  fausses  monnaies  pour  lesquelles  si  grand 
nombre  ont  été  pendus.  L'Etat  du  reste  retira  partout  grand 
profit  des  milices  et  des  autres  institutions  communales. 
NozHseulement  les  rois  échangèrent  des  chiffons  de  papier 
contre  de  beaux  écus  au  soleil ,  mais  en  France ,  à  Bou- 
Tines  et  dans  plusieurs  autres  batailles ,  lès  bourgeois  se 
eonctoisirent  en  vaillants  soldats  :  ce  furent  de  simples 
ouvriers  flamands  qui  battirent  si  cruellement  la  noblesse 
de  France  dans  la  journée  des  éperons. 

La  condition  des  magistrats  municipaux  variait  beau- 
coup. Dans  les  villes  où  la  cité  s'était  transformée  presque 
sans  interruption  en  commune ,  ces  ofiiciers  municipaux , 
de  quelque  nom  qu'ils  s'appelassent ,  étaient  généralement 
considérés  comme  nobles  ;  c'est  ce  qui  a  eu  lieu  surtout 
pour  les  villes  d'Italie  et  du  Midi  de  la  France.  Dans  beau- 
coup d'autres ,  tantôt  la  mairie  seule ,  tantôt  Téchevinage 
donnaient  noblesse. 

U  y  avait  des  villes  en  Normandie  et  dans  le  Midi  oii 
l'élection  des  municipaux  était  à  deux  degrés ,  par  suite  da 
l'interposition  entre  le  peuple  des  bourgeois  et  la  mairie  ou 
commune  d'un  corps  de  notables.  C'est  aussi  ce  qui  existait 
à  la 'Rochelle.  Probablement  ce  fait  était  un  reste  ou  plu- 
tôt une  transformation  de  l'ancienne  curie  romaine.  Dans 
beaucoup,  le  prévôt  ou  maire  était  un  magistrat  royal. 
Hore  de  sa  présence ,  les  échevins  étaient  sans  pouvoir.  — 
La  variété  des  titres  des  agents  municipaux  du  XIl"  au 
XVI*  siècle,  et  la  variété  de  leurs  fonctions,  nous  sont  des 
preuves  authentiques  de  la  spontanéité  du  mouvement  qui 
en  avait  imposé  la  création  aux  pouvoirs  royaux ,  selon  les 
lieux  et  les  habitudes  de  chaque  pays. 

L'émancipation  des  communes ,  toute  au  profit  des  gens 
de  classe  moyenne,  ne  servit  que  médiocrement  d'abord , 
sur  bien  des  points ,  les  intérêts  du  menu  peuple  et  môme 
ceux  des  femmes. 

Le  meurtre  d'un  bourgeois  entraînait  généralement  h 
peine  de  mort  ;  mais  nous  ne  voyons  pas  qu'il  en  fut  ainsi 

3i* 


754  *  PHILOSOPHIE 

pour  le  meurtre  d'une  bourgeoise  ou  d'un  manant.  Bien 
plus,  le  rapt  d'une  bourgeoise  ainsi  que  le  viol  étaient 
punis  d'un  simple  bannissement  de  la  commune  pendant 
sept  années.  Il  était  permis,  dans  un  grand  nombre,  de 
battre  sa  femme ,  de  la  blesser  même ,  pounru  que  ce  fut 
avec  louable  intention;  et  tandis  que  la  femme  surprise  en 
adultère  pouvait  être  rouée  de  coups  par  son  mari ,  souvent 
jusqu'à  mort,  le  mari,  surpris  en  pareil  cas,  n'était  point 
poursuivi  s'il  parvenait  à  se  sauVer,  sinon  il  était  promené 
en  chemise  par  la  ville  ;  mais  il  sufiîsait  de  donner  vingt 
sous  et  même  cinq  dans  beaucoup  de  communes,  pour  se 
racheter  de  cette  humiliation.  Cinq  sous,  à  cette  époque 
(du  XIIP  au  XV*  siècle),  valaient  environ  deux  cent  qua- 
rante sous,  ou  douze  francs  valeur  actuelle. 

La  paternité  conservait  ses  privilèges  presque  partout 
(nous  ne  savons  pas  d'exception  à  cette  règle),  même  sur 
les  enfants  qui  étaient  mariés.  Les  pères  avaient  droit  de 
correction  sur  leurs  fils  et  filles  devenus  pères  ou  mères, 
et  pouvaient  les  fouetter.  —  Quant  aux  manants  et  ouvriers 
des  professions  inférieures ,  on  les  traitait  avec  le  dernier 
mépris  :  la  bourgeoisie  se  vengeait  sur  eux  des  dédains  de 
la  noblesse  et  les  leur  rendait  avec  usure. 

La  plupart  des  chartes  communales  garantissaient  la 
liberté  des  personnes  et  la  sûreté  des  projwiétés  :  un  bour- 
geois ne  pouvait  être  appréhendé  au  corps  pour  dette  p<!cu- 
niaire.  Quelques  communes  étaient  même,  comme  Tournay, 
des  villes  de  refuge  pour  les  gens  qui  avaient  commis  des 
crimes.  Presque  partout  les  bourgeois  exerçaient  vis-à-vis 
des  manants  des  droits  puissants,  parfois  même  exorbi- 
tants. C'est  ainsi  qu'en  certaines  villes  ils  pouvaient  les 
ff apper  au  visage ,  pourvu  que  ce  fut  sans  colère  et  avec 
motif. 

Dans  les  villes  et  dans  les  pays  d'Europe  où  la  féodalité 
était  trop  puissante -pour  laisser  organiser  les  communes, 
les  hommes  libres  n'arrivèrent  qu'à  l'état  de  bourgeoisie. 
C'est  ce  qui  eut  lieu  dans  toute  l'ancienne  Bretagne  et 
quelques  autres  localités  voisines.  Partout  du  reste  fe 
droit  de  bourgeoisie  comme  le  droit  de  commune ,  qui  en- 
traînait et  renfermait  le  premier,  fut  un  grand  progrès  etk 


BU  SIÈGtE.  735 

constatation  des  besoins  du  temps.  Dans  le  principe ,  les 
grands  vassaux  partagèrent  avec  le  roi  le  droit  d  établir 
communes  et  bourgeoisie  ;  mais  la  royauté  s*en  empara  le 
plus  vite  et  le  plus  possible  :  elle  comprit  rapidement  que 
les  bourgeois  ne  pourraient  de  longtemps  la  menacer  dans 
ses  prérogatives.  Dès  i518,  elle  décidait,  en  France,  que 
nul  que  le  roi  ne  pourrait  ériger  une  ville  en  commune. 
Trente  ans  plus  tard,  elle  agissait  de  la  même  manière 
pour  les  créations  de  bourgeoisie.  Plus  tard  encore ,  nos 
rois  se  réservèrent  le  droit  de  conférer  la  bourgeoisie  aux 
hommes  libres  qui  se  réfugieraient  sur  leurs  terres.  De 
là: 

Les  bourgeoisies  de  corps ,  ou  de  villes ,  attachées  à  une 
corporation  et  à  un  domicile  ; 

Et  la  bourgeoisie  individuelle  inhérente  à  la  personne 
par  grftce  spéciale  du  souverain. 

L'institution  des  bourgeois  de  la  couronne  porta  un  coup 
mortel  à  la  féodalité,  en  établissant  unesolidarité  jusqu'alors 
inconnue  entre  le  roi  et  la  partie  éclairée  du  peuple.  L'affran- 
chissement des  travailleurs  de  la  bourgeoisie  qui  comprenait 
les  corporations  des  corps  de  métiers,  devait  avoir  pour  con- 
séquence naturelle  celui  des  travailleurs  des  campagnes,  la 
rédaction  des  usages ,  usements  ou  coutumes  et  des  chartes 
concédées,  la  rédaction  des  chartes  des  corporations,  les 
créations  de  justices  civiles  et  la  réunion  d'assemblées  po- 
litiques composées  des  trois  ordres  :  le  clergé ,  la  noblesse 
et  la  bourgeoisie. 

Sur  bien  des  points ,  le  mouvement  des  campagnes  avait 
suivi  celui  des  villes,  et  l'émancipation  de  fait  existait 
dans  un  grand  nombre  de  paroisses.  En  France,  le  Maine 
et  TÀnjou  n'avaient  presque  plus  de  serfs  même  avant  le 
règne  de  saint  Louis ,  lorsque  Blanche  de  Castille  donna 
un  royal  exemple ,  en  forçant  le  chapitre  de  Notre-Dame 
de  Paris  à  l'affranchissement  de  ses  esclaves  moyennant 
indemnité.  Ep  1296,  Philippe-le-Bel  affranchit  à  son  tour 
tout  le  Languedoc  ;  mais  ce  fut  son  fils  qui  supprima 
presque  complètement  la  servitude ,  en  autorisant  les  serfs 
à  se  racheter.  Comme  il  faisait  paver  la  liberté  fort  cher, 
l'estimant  selon  sa  prisée  personnelle  et  les  besoins  de  son 


7S6  PHILOSOPHIE 

coffre-fort  qui  était  vide,  les  serfs  trouvèrent  la  dmrée 
d'un  prix  trop  élevé  et  n'en  voulurent  acheter.  Que  fit  le 
roi  ?  il  donna  ordre  à  ses  commissaires  d'examiner  la  for- 
tune de  chacun  et  d'user  de  contrainte  pour  les  forcer  à 
chercher  dans  le  rachat  Voctroi  de  leur  indépendance. 

Nous  voyons  apparaître  à  peu  près  à  la  même  époque , 
c'est-à-dire  au  XIll'  siècle,  la  grande  charte  d'Angleterre, 
sa  charte  des  forêts ,  et  les  étMiêsemmts  de  saint  Loub, 
qui  réglementa  le  premier  les  corporations.  L'Allemagne 
eut  ê€$  miroirs  de  Saxe  et  de  Souabe  ;  l'Espagne,  son  code 
castillan  de  las  pariidas.  Les  nobles,  en  négligeant  l'étude 
des  coutumes  et  la  fréquentation  des  cours  de  justice, 
laissèrent  organiser,  en  dehors  d'eux ,  une  puissance  légis- 
lative qui  devait  plus  tard  singulièrement  amoindrir  Tin- 
fluenco  de  l'épée  au  profit  de  la  robe.  Cette  puissaiice  fut 
instituée  eh  France  par  PhiUppe-le-Bel  ;  elle  détrôna  la 
sGolaslique  pour  lui  substituer  l'esprit  de  procédure.  Elle 
en  usa  rudement,  sous  ce  prince,  contre  le  clergé,  contre 
Rome,  contre  les  templiers  qu'elle  dépouilla  et  fit  périr, 
contre  les  plus  puissants  seigneurs  et  les  droits  féodaux  qui 
nuisaient  à  ceux  du  roi.  De  vieux  textes,  souvent  inconnus, 
souvent  falsifiés ,  furent  ses  saintes  écritures.  Mais  que  la 
royauté  coûtait  cher  à  faire  vivre,  au  milieu  de  peuples 
dcmt  la  production  nt  brillait  point  par  l'habileté  scientifi- 
que !  Cependant  si  le  pillage  h  main  armée  était  aupara- 
vant la  règle  des  princes,  le  pillage,  une  prétendue  loi  à 
la  main ,  n'était-il  pas  un  véritable  progrès  ? 

Sous  le  règne  de  saint  Louis ,  des  bourgeois  de  France 
et  d'Angleterre  avaient  fait  partie  d'assemblées  politiques. 
Le  15  avril  1502,  Philippe-le-Bel  compléta  ses  royales 
institutions  en  appelant  les  bourgeois  des  villes,  dans  la 
personne  de  leurs  échevins,  à  faire  partie  des  états. 

L'Allemagne ,  ce  pays  où  l'esprit  des  masses  avait  plas 
de  spontanéité  que  dans  les  contrées  gallo-romaines ,  pro- 
fita beaucoup  du  mouvement  oommunaL  L'archevêque 
Ëngelbert  qui  la  gouvernait  au  nom  de  Frédéric  II ,  y  fit 
revivre ,  au  XIII''  siècle ,  les  tribunaux  de  Gaou  oû  de  disr- 
trict  des  paysans  libres ,  et  leur  donna^un  caractère  mysté- 
rieux qui  allait  merveilieusement  aux  fils  des  Germains.  — 


BU  SIBGLB.  737 

Cfitte  association  judiciaire  fut  désignée  sous  le  nom  carac- 
téristique de  ceux  qui  savent.  Bientôt  les  villes  municipales 
de  Cologne,  Strasbourg  et  Aix-la-Chapelle  seront  gardées 
par  vingt-trois  mille  citoyens  armés  ;  Nuremberg  en  comp- 
tera trente-cinq  mille. 

La  première  origine  de  la  hanse  teutonique  remonte 
aussi  au  XIII''  siècle  :  cette  confédératicm  de  villes  libres 
présente  à  l'étude  de  nombreux  détails  et  réclame  encore 
un  véritable  historien.  La  confédération  des  cantons  suisses 
n'est  pas  aussi  ancienne  que  celle  des  cantons  du  Soisson-* 
nais  ;  mais  elle  a  eu  une  toute  autre  importance.  Née  aux 
lieux  où  Arnaud  de  Brescia  avait  prêché  l'esprit  d'indépen- 
dance en  1344,  où  ses  éloquentes  paroles  avaient  triomphé 
du  mauvais  vouloir  de  l'abbé  d'Einsiedel ,  la  confédération 
de  1308  a  entouré  sa  naissance  de  la  poésie  Scandinave 
des  lieux  où  ses  pères  habitaient  autrefois.  On  peut  révo- 
quer en  doute  l'histoire  de  Guillaume  Tell,  que  l'on  retrouve 
aussi  en  Norwège  ;  mais  la  bataille  de  Horgarten ,  dans 
laquelle  l'armée  du  duc  Léopold  fut  évasée  par  des  paysans, 
est  à  la  fois  un  fait  héroïque  et  historique.  Cette  victoire  , 
suivie  d'un  renouvellement  du  pacte  fédéral ,  en  démontra 
la  valeur. 

Dans  le  même  siède,  Florence  modifiait  sa  constitution  ; 
Martin  Falieri  tentait  de  rendre  au  peuple  de  Venise  la 
souveraineté  usurpée  par  les  nobles;  et  Rome,  dans  uoe 
réméniscence  de  ses.  grands  jours ,  rétablissait  le  tribunal , 
sous  la  direction  de  Rienzi ,  dont  le  dernier  descendant , 
victime  de  persécutions  politiques,  est  mort  à  l'Hôtel^Dieu 
de  Paris  vers  1854. 

La  politique  de  Philippe-le-Bel,  reprise  au  XV'  siècle 
par  Louis  XI,  adieva  la  formation  de  la  royauté  française 
qu'il  serait  mieux  d'appeler  gauloise.  Elle  avait  subF,  sous 
ses.  prédécesseurs ,  de  mde&  épreuves  et  peut-être  eut-elle 
péri  sans  l'héroïsme  de  Jeanne  la  Pucelle ,  sainte  extatique 
qui  sauva  la<  France  et  fut  jugée  comme  sorcière,  selon 
l'usage  du  temps,  puis  brûlée  à  Rouen  en  cette  qualité. 

Louis  &I  frappa  rudement  les  grands  vassaux  de  la  cou- 
ronne, créa  des  routes,  des  manufa<etures,  les  preaiiàres 
postes,   et  commença  eette  pcditique  qui  eut  plus  tard 


738  PHILOSOPHIE 

pour  but  d'amoindrir  les  communes  pour  établir  rautocratie 
royale  :  politique  continuée  par  Henri  IV,  développée  par 
Louis  XIV,  qui  a  singulièrement  contribué  aux  événements 
de  89  et  à  la  ruine  des  Bourbons. 

Nos  lecteurs  comprennent  maintenant  comment  le  clergé, 
la  féodalité ,  les  royautés  et  les  associations  et  corporations 
du  moyen-âge  n'ont  été  que  les  conséquences  logiques  de 
faits  antérieurs.  Au-dessus  des  quatre  ordres  d'événements 
qui  s'y  rattachent  plane  le  cinquième,  Tordre  littéraire, 
philosophique  et  scientifique ,  cette  véritable  et  principale 
source  des  progrès  de  l'esprit  humain  :  nous  allons  nous  en 
occuper. 

Dès  le  IX*  et  le  X"  siècle ,  cet  esprit  tout  légendaire  se 
modifie  au  contact  des  Maures  d'Espagne  dont  les  écoles 
donnent  le  ton  à  l'Europe  ;  les  Républiques  de  Gênes  et  de 
Florence  cultivent  le  commerce  et  l'industrie,  ces  deux 
sources  de. richesses  et  d'émancipation;  les  villes  impé- 
riales d'Allemagne  et  les  anciennes  cités  romaines  du  midi 
de  la  France  suivent  cet  exemple  ;  la  fortune  conduit  des 
masses  considérables  au  bien-être,  le  bien-être  au  désir  de 
la  liberté. 

Dès  le  XI"  siècle  apparaissent ,  avec  les  hospitaliers  de 
Saint-Jean-de-Jérusalem,  les  compagnons  et  francs-maçoBs. 
Les  compagnons  devaient  reconnaître,  en  France,  Lyon, 
Nantes,  Bordeaux  et  Marseille  comme  les  quatre  villes  du 
devoir,  sans  tenir  compte  des  divisions  territoriales  réglées 
par  la  politique.  Les  seconds  étaient  les  continuateurs  d'une 
secte  de  gnostiques  qui  avait  greffé  le  christianisme  sur  la 
'  doctrine  de  Pythagore.  Il  faut  rapporter  à  cette  époque  la 
première  réapparition  de  l'art  grec  en  Italie  et  les  progrès 
que  Guy  d'Arezzo  fit  faire  à  la  notation  musicale. 

Le  XII'  siècle  a  singulièrement  préconisé  le  culte  de  la 
Vierge  et  amélioré  la  situation  des  femmes  des  classes 
riches.  Â  partir  de  cette  époque ,  elles  héritent  partout  de 
bénéfices  rattachés  dans  le  principe  à  des  services  le  pte 
souvent  militaires.  L'architecture  se  charge  de  traduire  la 
pensée  religieuse  du  temps  par  des  édifices,  les  uns  appro- 
priés au  culte,  tels  que  l'église  de  Saint-Marc ,  à  Venise, 
et  la  cathédrale  de  Paris  ;  les  autres  à  des  œuvres  chari' 


BU  SIÈCLE.  739 

tables.  C'est  alors  que  Marco-Juliano  fonde  à  Venise  un 
grand  hospice  général.  L'école  de  droit  civil  de  Bologne 
et  la  publication ,  en  France ,  du  code  justinien  devront 
abaisser  les  juridictions  ecclésiastiques  au  profit  de  la  juri- 
diction des  laïques.  La  papauté  le  pressent,  mais  ses 
efforts  sont  impuissants  à  supprimer  l'élude  des  lois  ro- 
maines. La  littérature  chrétienne  s'enrichit  de  tragi-comé- 
dies. En  Angleterre ,  les  élèves  de  Tabbé  de  Saint- Alban 
donnent  la  représentation  d'une  pièce  intitulée  :  Les  Mi" 
racles  de  sainte  Catherine, —  L'école  de  Saleme,  l'université 
de  Salamanque  et  celle  de  Montpellier  font  un  retour  vers 
les  sciences ,  et  la  médecine  reparaît  en  Occident.  C'est 
aussi  au  XIII*  siècle  qu'Albert-le-Grand  et  Roger  Bacon  étu- 
dièrent successivement  la  physioue  et  la  chimie.  Ce  dernier 
eut  le  pressentiment  des  grairaes  découvertes  de  la  civili- 
sation moderne  :  il  prévit  tout  le  parti  que  l'on  pourrait 
tirer  des  verres  grossissants.  Marc  Paul  rapporta  de  ses 
voyages  une  aiguille  aimantée,  et  la  géographie  s'enrichit 
de  ses  découvertes. 

De  l'Italie  l'industrie  gagne  le  Nord.  Tandis  que  les 
Juifs  Lombards  inventent  la  lettre  de  change,  la  Suisse 
voit  créer  une  fabrique  de  papier  de  chiffons  ;  la  Hollande 
invente  l'art  de  saler  les  harengs  et  donne  à  ses  pèches  un 
développement  nouveau  ;  la  Flandre  s'occupe  déjà  de  fa- 
brications ,  et  le  roi  d'Angleterre ,  Henry  !•',  de  l'unité  des 
poids  et  mesures. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer,  avant  de  passer 
outre,  que  le  prix  des  denrées  n'a  commencé  à  varier,  au 
moyen-âge ,  qu'à  partir  des  grandes  découvertes  géogra- 
phiques. Les  valeurs  des  monnaies  sont  très-mal  appréciées. 
Si  le  froment ,  qui  vaut  en  moyenne  trente  francs  les  cent 
cinquante  litres  ou  le  setier,  valait  quatorze  sous,  le  seigle 
dix ,  l'avoine  quatre  à  six ,  il  est  évident  qu'un  sou  repré- 
sentait  à  peu  près  la  même  somme  de  travail  agricole  que 
de  nos  jours  deux  francs,  et  la  même  somme  de  substance 
alimentaire.  L'ouvrier  qui  gagnait  deux  sons  par  jour  rece- 
vait donc  en  réahté  quatre  francs  valeur  actuelle.  De  là,  cette 
division  du  sou  en  douze  deniers ,  qui  était  indispensable 
pour  les  usages  de  la  vie  usuelle. 


740  nihompnm 

Au  XIV*  siècle,  Tintérèt  de  Targént  était  en  raison  de 
la  rareté  des  capitaux  :  peu  élevé  en  Italie ,  tandis  qu'en 
France  on  prêtait  sur  nantissement  à  plus  ào  30  %,  quelle 
que  fut  la  valeur  du  gage.  En  1507,  en  Angleterre ,  on 
prêtait  à  45  X-  On  frappait  peu  de  monnaies  d*or  :  il  r  a 
même  des  écrivains  qui  prétendent  que  les  monnaies'  de 
1530  sont  les  premières  fabriquées  en  Europe. 

A  cette  époque ,  les  laines  anglaises  étaient  en  grande 
estime  :  un  troupeau  de  moutons  anglais  donné  en  1345  à 
l'Espagne,  servit  à  améliorer  ses  bêtes  ovines.  Don  Pèdre 
introduisit  en  Castille ,  en  1350 ,  les  moutons  de  Barbarie, 
et  tout  porte  k  croire  que  les  mérinos  actuels  sont  issus 
de  ce  double  croisement. 

La  Flandre  avait  alors  enjquelque  sorte  le  monopole  de 
la  fabrication  des  draps  fins*.  Cependant ,  vers  1327,  Jean 
Kemp  porta  cette  industrie  en  Angleterre  ;  il  fut  suivi ,  en 
1556,  par  d'autres  tisserands  du  Brabant.  En  général  les 
laines  anglaises  passaient  par  Bruges ,  où  elles  étaient  tra- 
vaillées. Tissées  en  Flandre,  elles  y  étaient  reprises  par 
les  navires  de  la  hanse  anséatique  qui  approvisionnaient 
de  draps  toute  la  chrétienté.  Ces  mêmes  navires  partaient 
à  toute  rEUm)pe  les  toiles  de  Flandre.  Vers  la  fin  du  siècle, 
l'Angleterre  eut  à  Londres  des  tisserands  en  toiles  des 
Pays-Bas  et  débuta  avec  succès  dans  ce  genre  d'industrie. 
Déjà ,  depuis  1357,  Londres  faisait  usage  du  charbon  de 
terre  qui  devait  influencer  ultérieurement  si  favorablement 
le  développement  de  toutes  les  fabrications. 

L'Italie  avait,  'aussi  elle ,  ses  industries  :  les  Florentins 
possédaient,  au  XIV*  sièele,  leurs  billets  qui  suivaient, 
comme  nos  rentes ,  le  cours  des  affaires  publiques  ;  Venise 
savait  couler  des  glaces,  et  elle  apprit,  en  1546,  à  les 
étamer.  On  y  fabriquait,  ainsi  qu'à  Florence,  des  verres 
grossissants  pour  aider  les  presbytes. 

L'Italie ,  dès  cette  époque ,  se  distinguait  singulièrement 
par  son  goût  pour  le  savoir,  les  beaux-arts  et  lès  lettres. 
Padoue  avait  une  fabrique  de  papier  de  chiffons.  Si  Ton 
remarque  que  les  premiers  fabricants  de  papier  faisaient 
bouillir  leurs  linges  pour  faciliter  leur  transformation  en 
pâte^  on  concevra  le  prix  élevé  de  ce  produit.  En  1302, 


BU   SIÈCLE.  741 

Flavio  Gioga  d'Àmalphi  perfeotionnait  la  boussok.  Dès 
1315 ,  Le  Giotto,  élève  de  Cimabae,  établissait  à  Florence 
une  école  de  dessin.  Bientôt  parurent  Le  Dante ,  Pétrarque 
et  Bocace ,  qui  formèrent  la  langue  italienne. 

En  1330  y  Florence  voyait  fonder  son  école  de  peinture , 
et  en  dix  ans  lltalie  se  peuplait  d'artistes  émiuents.  Elle 
faisait  aussi  les  plus  grands  progrès  en  architecture  et  reve- 
nait à  l'art  grec. 

La  France,  pendant  cette  période,  avait  plusieurs  foyers 
d'initiation.  Toulouse  était  la  capitale  du  Midi ,  la  ville  des 
poètes  et  des  troubadours.  Paris,  plus  sérieux,  était  le 
centre  philosophique  de  l'Europe ,  la  ville  des  grandes 
écoles  ;  chaque  nation  y  possédait  son  collège ,  encore  qu'à 
cette  époque  chaque  nation  eût  ses  universités.  L'étude 
d'Aristote  et  des  anciens  se  répandait  d'autant  mieux  qu'elle 
a'était  plus  interdite  par  la  cour  de  Rome. 

La  littérature  eut ,  au  XIV  siècle ,  trois  grands  modèles  : 
les  troubadours ,  Le  Dante  et  l'Imitation.  Les  troubadours 
représentaient  la  révolte  de  la  chair,  l'amour  au  point  de 
vue  de  la  volupté.  Le  Dante  était  aussi  noblement  chrétien 
qu'on  pouvait  l'être  à  cette  époque  d'ignorance  ;  sa  grande 
poésie  avait  des  tendances  physiologiques  très-élevées  ; 
encore  que  sa  Vie  Nouvelle  prête  à  la  critique,  on  peut  dire 
qu'il  avait  compris  toute  Tinfluence  éducatrice  de  l'amour 
intellectuel  et  moral  ;  sa  Divine  Comédie  n'est  autre  chose 
que  l'épopée  chrétienne.  L'Imitation  est,  aussi  elle ,-  une 
épopée  chrétienne  ;  mais  elle  appartient  à  un  autre  chris- 
tianisme,  celui  des  solitaires  du  désert  :  c'est  le  chant  d'une 
âme  qui  s'isole  pour  trouver  l'union  mysticpie  avec  Jésus. 
Suiveai-la  dans  sa  voie  :  tout  d'abord  elle  se  détache  de  ce 
monde  trompeur,  au  sein  duquel  s'agitent  les  passions 
humaines  ;  bientôt  elle  se  crée  une  solitude  au  sein  même 
de  la  société ,  une  véritable  thébaïde  ;  elle  ne  tarde  pas  à  y 
recevoir  la  compagnie  du  Sauveur.  L'amour  individualiste 
et  mystique  tt3uronne  cette  œuvre.  Ce  livre  est  grand  comme 
poésie  et  comme  conception  ;  peut-être  son  auteur  n'en 
avait-il  pas  compris  toute  la  portée.  Mieux  que  tout  autre , 
il  résume  les  extatiques,  passions  des  Ames  dévotes,  les 
tendresses  d'unis  religion  mystique. 


742  PHILOSOPHIB 

Au  XV"  sièele ,  la  transition  se  prépare  activement  pour 
un  ordre  nouveau.  C'est  alors  que  la  banque  de  Gênes  de- 
vient un  modèle  pour  les  institutions  de  crédit  ;  que  les 
universités  se  multiplient;  que  Jean  de  Bruges  fonde 
récole  flamande  de  peinture  ;  que  Ton  réinvente  la  gravure 
en  creux  ;  que  le  café ,  cette  infusion  si  spirituelle ,  se  ré- 
pand en  Europe  ;  que  la  lutte  entre  les  disciples  d'Aristote 
et  les  disciples  de  Platon  fait  présager  une  philosophie  plus 
élevée  ;  que  le  commerce  grandit.  Jacques  Cœur  avait  à 
lui  seul,  en  1450,  trois  cents  facteurs  à  ses  gages  dans  le 
Levant.  Maurolicus  et  MuUer,  ou  Regio  Montanus,  appa- 
raissent parmi  les  savaïits ,  et  les  sciences  exactes  se  prépa- 
*rent  à  revenir  aux  doctrines  pythagoriciennes.  Des  bi- 
bliothèques publiques  se  fondent  dans  les  capitales  et  les 
grandes  villes  universitaires.  Lucas  de  Leyde,  Albert  Dorer, 
Léonard  de  Vinci  et  quelques  autres  grands  maîtres  appa- 
raissent vers  la  fin  du  siècle  et  préparent  la  voie  à  Michel- 
Ange  et  à  Raphaël. 


QUATRIÈME  PÉRIODE. 

CIVILISATION  SCIENTIFIQUE.  —  PREMIERS  EFFORTS  DE 
l'iMPRIItERIE.  ' 


Les  premiers  efforts  de  Timprimerie ,  la  succession  des 
sociétés  savantes,  les  progrès  des  XVI%  XVIP  et  XVUr 
siècles,  sous  le  rapport  de  la  littérature,  de  la  philosophie, 
(}es  sciences  diverses,  des  événements  sociaux  et  politi- 
ques ,  vont  nous  conduire  à  notre  époque  par  les  révolu- 
tions de  rUnion  Américaine  et  de  la  France.  Nous  aurons  à 
signaler  sur  la  route  les  fautes  commises  et  les  conquôtes 
acquises  à  l'humanité  :  ce  double  examen  préparera  notre 
conclusion. 

Guttenberg  était  un  de  ces  esprits  remuants  qui  ont 
soif  d'améliorations  et  de  progrès.  Dès  1456  ou  1437,  il 


BU  SIÈCLE.  745 

s'associait  à  André  Treize,  Jean  Riff  et  André  Heilmann, 
pour  mettre  en  œuvre  plusieurs  arts  et  secrets  merveilleux 
qui  tiennent  du  prodige.  Evidemment  dès  cette  époque  son 
esprit  avait  scientifiquement  compris  Futilité  et  1  emploi  de 
caractères  mobiles. 

De  1459  à  1450 ,  quelques  rares  imprimés  disposés  à  la 
manière  des  manuscrits,  furent  le  produit  d'essais  et  de 
tâtonnements  nombreux.  A  cette  dernière  époque ,  Gutten- 
berg  s'associa  le  banquier  Faust  et  Pierre  Sehœffer,  qui 
inventa  les  caractères  mobiles  fondus  en  un  moule  analo- 
gue à  celui  dont  nous  faisons  usage. 

En  1455,  Faust,  agissant  en  capitaliste,  conserva  près 

ée  lui  Pierre  Sehœffer  et  se  débarrassa  de  Guttenberg.  Il 

,  se  trouva  de  la  sorte  possesseur ,  à  Mayence ,  d'une  impri- 

DQerie  dans  laquelle  existaient  de  beaux  caractères  et  tous 

les  éléments  d'un  grand  succès. 

L'électeur  de  Mayence  s'étant  emparé  de  cette  ville ,  en 
1462 ,  la  dépouilla  de  ses  libertés.  Ennemis  nés  de  la  ser- 
vitude, les  ouvriers  imprimeurs  quittèrent  aussitôt  pour 
chercher  ailleurs  la  liberté  du  travail. 

Quatre  jeunes  allemands ,  Udaric ,  Haa ,  Schweinhein  et 
Arnold  Pannard ,  se  rendirent  en  Italie ,  où  de  1465  à  1471 
ils  imprimèrent,  à  Rome,  douze  mille  quatre  cent  soixante- 
quinze  volumes,  fait  merveilleux  pour  l'époque. 

Partout  l'imprimerie  se  répandait  que  c'était  merveille; 
elle  pénétrait  en  Angleterre  et  en  France ,  où  elle  publiait 
des  romans ,  servant  ainsi  la  cause  de  la  civilisation.  On 
trouvait  des  presses  à  Paris ,  à  Rouen ,  à  Venise  et  dans 
plusieurs  villes  d'Italie.  A  Rostoc,  elles  étaient  introduites 
par  les  frères  de  la  vie  commune  ;  ailleurs ,  surtout  en  Alle- 
magne, la  presse  était  montrée  en  curiosité  aux  populations 
par  des  imprimeurs  ambulants. 

II  est  fort  heureux  pour  l'humanité  que  les  imprimeurs 
se  soient  beaucoup  occupés  tout  d'abord  d'impressions  dé- 
votes ;  sans  «ela  très-certainement  l'esprit  de  ténèbres  et 
d'ignorance  eut  mis  leur  art  en  interdit. 

Vers  1491  parurent  les  premières  impressions  d'ordre 
scientifique.  L  anatomie  de  Jean  Ketham  avec  gravures  sur 
bois  doit  être  rapportée  à  cette  époque. 


744  PHILOSOPHIB 

Les  pays  à  teodances  libérales  et  protestantes  se  signalè- 
rent dans  cette  voie  :  Genève,  en  1478,  publiait  les  pandectes 
médicinales  de  Mathœus  Sylvaticus.  Buckinck  terminait 
alors ,  à  Rome ,  l'impression  de  Ptolémée ,  ouvrage  ortho- 
doxe auquel  il  ajoutait  vingt-sept  cartes  en  taille  douce 
gravées  sur  cuivre.  Le  mouvement  littéraire  fut  de  beau- 
coup le  plus  considérable.  Cependant  les  connaissances 
positives  se  multiplièrent,  et  bientôt  commencera  celte 
grande  série  des  novations  de  toute  espèce,  auxquelles 
est  due  la  civilisation  moderne. 

Les  persécutions  et  les  précautions  inquisitoriales  ne 
tardèrent  point.  Dès  i486,  l'archevêque  de  Bfayence  défeo- 
dait  d'imprimer  sans  son  autorisation  et  créait  ime  censure 
menaçant  d'excommunication,  de  confiscation  et  d'uoe 
amende  de  cent  florins  d'or,  quiconque  contreviendrait  à 
son  mandement.  Le  pape  Léon  X,  en  i516,  entra  dans 
cette  môme  voie  et  préposa  les  évoques  de  chaque  diocèse 
à  la  surveillance  des  imprimeries.  Qui  pourrait  arrêter 
l'essor  des  intelligences  ?  Nobles  et  roturiers  s'éprirent  d'un 
juste  amour  pour  l'art  de  Guttenberg  :  Philippe  de  Ligna- 
mine,  gentilhomme  messinois,  se  fit  imprimeur;  l'évèque 
de  Téramo ,  le  savant  Campanus ,  se  dévoua  au  grand  art 
de  la  typographie;  le  négociant  Chigi  lui  consacra  son 
palais  de  Rome  ;  et  vers  i490,  le  chef  de  la  famille  des 
Aide,  Aldus  Pius  Romanus^  fondait,  à  Venise,  eette  im- 
primerie dont  les  œuvres  sont  restées  si  célèbres. 

Rome  avait  pris  les  devants  pour  les  chef^d-œuvres  de 
la  langue  latine  :  Alëe  s'empara  des  chef&-d 'œuvres  de  la 
langue  grecque.  Dès  1495,  il  publiait  le  premier  voluine 
d'Aristote  ;  trois  ans  plus  tard,  il  éditait  les  deuxième, 
troisième  et  quatrième  volumes  du  même  ouvrage  ;  annon- 
çant en  même  temps  Platon,  Hyppocrate,  Galien  et  la  série 
des  mathématiciens  :  c'était  faire  revivre  le  monde  grec  au 
milieu  des  fils  du  moyen-âge. 

Ce  fut  dans  l'atelier  typographique  des- Aid»  qu'ea  1553 
Henri  Etienne  fit  imprimer  divers  ouvrage^  traduits  ou 
écrits  par  lui.  Paul  Manuce  en  était  alors  le  direfctcur;  il 
hésitait  à  quitter  Venise,  lorsqu'il  fut  retenu. ;d«»  cei^ 
ville  par  le  sénateur  Badoaro.  '  •     -    :; 


BU  SIÈCLE.  745 

L'Espagne ,  occupée  longtemps  par  les  Maures ,  avait  vu 
s'élever  à  Sainte-Philippe  ,  autrefois  Xativa ,  les  premières 
fabriques  européennes  de  papier ,  sous  l'influencé  et  la  di- 
rection des  musulmans.  A  peine  rimprimerie  fut-elle  con- 
nue ,  qu'elle  désira  participer  à  la  nouvelle  découverte. 
Bientôt,  sur  Tordre  du  cardinal  Ximénès,  l'on  s'y  occupa, 
au  couvent  de  Complute ,  de  la  première  Bible  polyglote 
(6  volumes  in-folio):  Arnaud  Guillaume  de  Brocar  fut 
chargé  de  son  impression.  Commencée  en  lâOS,  elle  fut 
terminée  en  1517  ;  mais  Rome  parut  inquiète  de  sa  publi- 
cation. Ce  magnifique  ouvrage  ne  fut  autorisé  qu'en  1S22. 

La  France,  quoiqu'elle  fût  déjà  depuis  longtemps,  par 
les  grandes  écoles  de  Paris ,  le  centre  du  savoir  et  du  mou- 
Tement  intellectuel  du  monde,  se  trouvait  cependant  sou- 
mise à  mille  règlements  policiers  pour  tout  ce  qui  concer- 
nait la  vente  des  manuscrits.  La  profession  de  libraire 
n'était  pas  libre  ;  il  fallait ,  pour  l'exercer  (décret  de  Charles 
VII),  une  autorisation  de  l'université,  cette  cruelle  marâ- 
tre du  savoir. —  Aidée  de  quatre  grands  libraires  ,^  c'était 
elle  qui  fixait  le  prix  des  livres  ;  ceux  qu'elle  ne  taxait  pas 
devaient  lui  être  soumis ,  puis  vendus  ensuite  à  prix'  fixe. — 
Elle  possédait  le  privilège  d'un  impôt  sur  le  parchemin ,  et 
jouissait,  de  plus,  de  droits  considérables  établis  sur  les  li- 
braires, relieurs,  enlumineurs  et  autres.  Ces  droits  furent 
encore  augmentés  dans  une  proportion  très-notable  par  une 
ordonnance  de  Louis^  XI,  de  1467;  mais  le  papier  était 
>  exempt  de  toute  charge.  Tel  était  l'état  des  choses ,  quand 
l'imprimerie  fut  introduite  à  Paris. 

Pasquier  dit  Bonhomme  est  le  premier  imprimeur  fran- 
çais, de  Paris ,  qui  porte  un  nom  français;  il  édita,  en 
1476,  les  chroniques  de  Saint-Denis.  Bientôt  parurent  de 
nombrenx  ouvrages  chez  Guy  Marchand ,  chez  Denis  Janot, 
chez  Jean  Carcain ,  Philippe  Pigouchel ,  Michel  Lenoir  , 
Germain  Beneau ,  Jehan  Trepperel,  Simon  Vostre. 

Dès  1503,  Henry  Etienne  voulant  relever,  par  la  noblesse 
du  travail  et  du  savoir,  sa  noblesse  d'aïeux ,  se  faisait  im- 
primeur. La  publication  des  ouvrages  de  science  et  de  phi- 
losophie le  préoccupa.  Avec  lui  commencèrent  les  tracasse- 
ries et  persécutions  de  l'intolérance.  Les  moines  de  l'abbaye 


746  PHILOSOPHIE 

de  Saint-Germain  lui  avaient  donné  le  quiniupUx^  fudU" 
rium^  contenant  cinq  versions  latines  des  Pseaumes.ÉtieoDe, 
oh  !  scandale ,  numérota  les  versets  du  texte  sacré  avec  des 
chiffres  arabes ,  et  pour  ce  fait ,  son  ouvrage  fut  mis  à 
rindex!!! 

Rendons  cette  justice  à  Louis  XII,  qu'il  exempta  d'im- 
pôts rimprimerie  de  Paris,  par  son  édit  de  151S,  et  qu'il 
supprima  tous  les  droits  sur  les  livres.  Les  premiers  actes 
de  François  V^  ne  furent  pas  moins  favorables  aux  impri- 
meurs et  aux  trente  libraires ,  relieurs  et  enlumineurs  de 
l'université;  mais,  dès  i621,  la  faculté  de  théologie  s'ar- 
rogeait le  droit  de  censure.  La  même  année ,  le  roi  conâr- 
mait  cet  acte.  L'année  suivante  ,  la  Sorbonne  attaqua  la 
publication  in-16  du  Nouveau  Testament,  de  Robert 
Etienne ,  uniquement  parce  qu'il  lui  déplaisait  de  voir  po- 
pulariser les  saintes  écritures.  En  1553 ,  elle  attaqua  la 
Rible  d'Etienne,. malgré  le  visa  du  roi,  malgré  la  partici- 
pation à  cet  ouvrage  de  quelquesruns  des  plus  savants  doc- 
teurs en  théologie.  Etienne,  dans  sa  réponse  à  la  Sorbonne^ 
la  traite  vigoureusement,  mettant  en  grande  évidence  sa 
mauvaise  foi  et  son  peu  de  savoir. 

<f  Ce  sera ,  dit-il ,  chose  quasi  prodigieuse ,  et  pourtant 
»  il  n'y  a  rien  de  plus  vrai ,  qu'il  n'y  a  pas  longtemps 
j*  qu'un  de  leur  collège  disait  journellement  (  queue  ré- 
»  vélation  sur  ce  temps  !):  Je  suis  ébahi  de  ce  que  les 
»  jeunes  gens  nous  allèguent  le  Nouveau  Testament.  Ptr 
»  diem  1  j'avais  plus  de  cinquante  ans  que  je  ne  savais 
»  pas  ce  que  c'était  du  Nouveau  Testament.  » 

Le  7  juin  1S55,  la  Sorbonne ,  effrayée  de  la  propagation 
des  écrits  de  Luther  et  de  sa  doctrine,  proposa  au  roi  d'a- 
bolir pour  toujours ,  en  France,  l'art  si  dangereux  démul- 
tiplier les  livres.  L'évèque  du  Bellay  et  Guillaume  Budé  s'y 
opposèrent  ;  mais  la  Sorbonne  faillit  réussir.  Toutefois ,  en 
1552 ,  François  I*'  prenant  en  émoi  les  plaintes  contre  les 
imprimeurs ,  leur  défendit  d'exercer  leur  art.  Son  édit , 
nous  avons  quoique  honte  à  le  raconter ,  portait  contre  eux 
la  peine  de  la  hart.  Le  parlement ,  épouvanté  de  tant  de 
rigueurs,  ne  l'enregistra  point,  et  fit  au  roi  force  remoc- 
trances  ;  mais  le  prince  n'en  voulut  entièrement  démordre  ; 


DU  8IÈGIB.  747 

aussi  réduisit- il  è  douze  le  nombre  des  imprimeurs  auxquels 
il  défendit  d'éditer  aucun  livre  nouveau.Téi  était  cependant, 
dès  cette  époque ,  l'influence  de  l'opinion ,  qu'en  1558  , 
par  lettres  patentes  adressées  à  la  République  des  lettres 
(sic) ,  François  I"  nommait  Conrad  Neobar  son  imprimeur 
royal ,  pour  le  grec ,  avec  des  considérants  fort  honorables 
pour  celui  qui  les  avait  rédigés ,  et  pour  le  roi  lui-même  , 
les  eût-il  signés  sans  les  lire. 

En  1540 ,  Robert  Etienne  publie  une  nouvelle  Bible  in- 
folio, beaucoup  plus  parfaite  que  les  précédentes:  les 
théologiens  n'y  pouvant  rien  reprendre,  accusèrent  les 
sommaires  des  chapitres  de  sentir  l'hérésie.  En  1545,  il 
en  publia  une  nouvelle ,  traduite  en  latin ,  d'après  le  texte 
hébreu  ;  elle  est  beaucoup  plus  fidèle  que  celle  de  saint 
Jérôme.  Cette  édition  déplut  tellement  à  la  Sorbonne,  que 
Robert  Etienne  dut  chercher  un  refuge  auprès  du  roi  (Jont 
il  était  l'imprimeur  pour  les  langues  orientales.  A  la  mort 
de  François  !•',  son  fils  Henri ,  en  1647 ,  voulut  que  Robert 
Etienne  fut  entendu  contradictoirement  vis-à-vis  des  théo- 
logiens; ce  qui  eut  lieu  à  leur  grande  déconvenue.  Ne 
pouvant  le  convaincre  d'impiété ,  la  Sorbonne  s'adressa  au 
confesseur  du  roi ,  dans  son  indignation  que  le  collège  des 
théologiens  eût  été  vaincu  par  un  homme  mécanique^  ainsi 
appelait-elle  cette  illustre  érudit.  Elle  le  voulait  même  faire 
brûler  vif  comme  hérétique  ;  elle  ne  réussit  point ,  mais 
Etienne  fut  obligé  de  se  sauver  à  Lyon ,  et  il  en  résulta  de 
grands  dommages  pour  ses  intérêts. 

Le  3  août  1546,  l'imprimeur  Etienne  Dolet  fut  brûlé  vif, 
sur  la  place  Haubert ,  à  l'âge  de  trente-sept  ans ,  après 
dix-huit  mois  de  prison. 

Le  prétexte  de  sa  condamnation  fut  la  traduction  d'un 
paragraphe  de  Platon.  Nous  mettons  sous  les  yeux  du 
lecteur  la  pièce  de  conviction. 

Socrate  :  «  Pour  ce  qu'il  est  certain  que  la  mort  n'est 
)>  point  aux  Vivants,  et  quand  aux  défunts  ils  ne  sont 
»  plus  :  doncques  la  mort  les  attouche  encore  moins  ;  — 
»  pourquoy  elle  ne  peut  rien  sur  toy ,  car  tu  n'es  pas  en- 
»  core  ci  prest  à  décéder  ;  et  quand  tu  seras  décédé ,  elle 
»  n*y  pourra  rien  aussi.  » 


748  PHILOSpPHIB 

Jusquerlà  celte  traduction  était  exacte.  Doiet  Toulant 
la  rendre  plus  expressive ,  y  avait  ajouté  ces  quelques  mots  : 
Attendu  qt$e  tu  ne  seras  p/tu  rien  du  toui. 

La  faculté  de  théologie  assemblée  tout  exprès,  jugea  que 
ces  quelques  mots  constituaient  une  hérésie  conforme  k.  pelle 
des  saducéens  et  des  épicuriens.  Sur  cette  déoisioDi  Dolel, 
convaincu  d'être  athée,  fut  condamné  à  mort,  puis.exécuté. 

Et  cependaut  le  petit  paragraphe  d-dessus.  était  évi- 
demment selon  la  pensée  de  Socrate  ;  il  n'impliquait  ^uicu-^ 
uementf  quoiqu'en  aient  dit  les  théologiens,  ni  Tathéisme, 
ni  la  mort  de  Tàme  avec  le  corps.  ËûU-il  eu  cette  significa- 
tion ,  étaitH)e  donc  un  motif  pour  condamner  Dolet  à  être 
brûlé  vif? 

Etienne  Dolet  n'était  ni  im  athée ,  ni  même  un  incrédule 
en  fait  de  catholicisme,  mais  un  littérateur  teès -épris  de 
l'antiquité.  Son  savant  ami ,  Robert  Etienne ,  eût  proba- 
blement partagé  son  malheureux  sort ,  s'il  n'avait  pris  la 
fuite  et  ne  s'était  réfugié  à  Genève.  Son  crime  nouveau  c'é- 
tait l'impression  très-parfaite  d'une  Bible  et  d'un  NouTeau 
Testament.  Ce  fut  àfi  celte  nauTeUe  retraite  qu'il  publia, 
contre  la  Sorbonne,  son  fameux  pamphlet  intitulé  :  Réponu 
aux  théologiens  de  Paris. 

La  tolérance  n-était  en  nulle. manike  la  vertu  de  .l'épo- 
que, et  Robert  Etienne  prit.pçirt  aux  actes  de  tyrannie  mo- 
rale exeçcés  à  Gçuèvè  par  les  calvinistes  contre  leurs  adyer- 
saires.  II  paraît  mâme  qu'il  approuva  k  mori  du  m^ilheur 
reux  Servet,...  Pauvre  humanité!!! 

Le  là  juillet  1560,  l^Ubvaire  MarÀîn  L'Homme  îut  cm- 
damné  à  être  pendu,  pour  s'être  fait  éditeujr.d'up  panapÛei 
centrales  Guise.  Il  se  passa,  lors. de  Texécution  oé  ce 
malheureux,  \m  fait. caractéristique  des  mœurs  cruelles  du 
temps. —  Ua  marchand  de  Rouen ,  nommé  Robert  BelKuns  , 
voyant  le  peuple  très-animé ,  se  permit  de  dire  ces  simples 
paroles  :  Eh  quoil  mes  amie ,  ne  stsffitr^il  pas  qu'ilmeùrre  ! 
Laissez  le  bot&rreau  faire  le  r^te  ;  k  wulexTVfkts  tourmeffler 
datamtagfi.que  la  sentence  ns  porte  ?  Arrêté ,  sur  Tb^urfi  il^fut 
étranglé,  pla^e  Maubert.  Les.  considérant  ^u  |ugèinent 
fixent  intervenir  Dieu  et  la  Yierge  Marie^  dans .  h  prononcé 
de  l'arrêt. 


BU  SIECLE.  749 

.  Ces  faits  suffisent  pour  nous  faire^  apprécier  avec  quel 
dévoûment  les  Mannce ,  les  Aide ,  les  Etienne ,  s'efforçaient 
de  remplacer  les  semailles  iutellectueiles  des  siècles  d'igno- 
rance et  de  féodalité,  par  l'influence  civilisatrice  d'an  retour 
aux  grandes  études.  Ils  eurent  pour  rivaux  les  Morel ,  les 
Turnèbe,  les  Froben ,  les  Amerbach  ;  comme  eux ,  passion- 
nément épris  de  l'utilité  de  leur  art ,  et  du  besoin  de  faire 
revivre  les  œuvres  de  l'antiquité  ;  mafs  nous  ne  saurions  ac- 
corder le  même  éloge  aux  Elzeviers ,  qui  n'eurent  ni  leur 
désintéressement ,  ni  leur  savoir. 

Faire  connaître  le  passé ,  c'est  appeler  la  méditation  sur 
le  présent  et  l'avenir.  Évoquée  par  l'imprimerie ,  l'antiquité 
reparut  et  se  multiplia.  Les  sciences ,  la  littérature ,  la  phi- 
losophie et  la  vraie  religion  s'unirent  en  leurs  communes 
tendances  ;  les  arts  les  suivirent ,  et  leur  influence  ne  tarda 
point  à  s'exercer  sur  l'agriculture ,  le  commerce ,  l'indus- 
trie et  la  politique  elle-même. 


sociÉTis  SÂYAmrEs. 


Porta ,  qui  vivait  à  la  fin  du  XV  et  au  début  du  XVI« 
siècle  ,  fonda  l'académie  des  secrets,  qui  dura  peu.  L'acadé- 
mie platonique  de  Florence,  créée  en  1474,  dut  son  in- 
fluence à  Machiavel,  à  Pic  de  la  Mirandole ,  à  Ange 
Politien  et  quelques  autres  que  l'on  pourrait  appeler  indif- 
féremment les  beaux  ou  les  bons  esprits  du  temps.  — 
Naples,  en  1500,  vit  fonder  la  société  des  secrets  delà  na- 
ture ;  mais  elle  fut  bientôt  étouffée  par  l'esprit  d'ignorance. 
—  En  1609 ,  à  Rome  même ,  le  prince  de  €esi  institua  une 
académie  savante  dont  Galilée  fit  partie;  elle  portait  le  nom 
(ïaeadimia  lyneœi  ;  à  sa  mort,  elle  tut  supprimée.  Les^avants 
cherchèrent  alors  en  Toscane  la  liberté  qu'ils  ne  trouvaient 
pas  dans  la  capitale  du  monde  chrétien ,  dans  la  viHe  où 
l'on  professait  la  religion  du  spiritualisme.  Le  nom  de  leur 
société  nouvelle  nous  est  inconnu  ;  mais  elle  nous  a  légué 
des  registres  qui  constatent  de  nombreux  et  utiles  travaux 

33 


7S0  PHitosopniE 

dans  les  diverses  branches  des  sciences.  L'académie  del 
Gimento  lui  su(»éda.  Elle  î\ji<^6ée  en  i%Sft\  sous  le  pialro- 
Btge  da  (grince  Léopold ,  qui  était  h  frère  da  grand  duc 
Ferdinand  II;  elle  fit  dies  expériences  sur  le  son,'  sur  la  lu- 
mière ,  sur  la  coropressibilité  deFeaii ,  sur  les  projectiles  ; 
elle  étudia  les  réactifs,  la  cristallisation  des  sels  dlans  Teau, 
kl  fusion  d«s  métaux  ,  la  vaporisation  de  différents  liqui- 
des «  la  physiologie  des  mouvements  des  anhnaux,  et  beau- 
coup d'autres  questions  très-importantes.  Borèlly ,  Ri^i , 
Marsigii ,  et  quelques  autres  hommes  émînents  en  firent 
partie.  Ses  travaux  ne  parurent  que  dix  ans  après  sa  fbtida- 
tion.  £Ue  succomba  peu  de  temps  après  son  institution,  son 
patron  ne  lui  ayant  accordé  qu'une  protection  noniînaile:  La 
Fi«noe ,  rAllemagne  et  rAngleten^  possédaient  des  réu- 
nions scientifiques ,  ou  pour  mieux  dire  des  salons  scientî- 
tiqnies!;  mais^rien  n'était  encore  organisé  dans  ces  contrée», 
lorsqu'on  1645,  Robert  Boile,révêque  Wilk'ins  et  théodore 
ttaak ,  réunirent  en  Angleterre,  sous  leur  direction ,  les  as- 
semblées scientifiques  du  pays.  En'  1659,  rancîenne  réûnîoa 
scientifique  d'Oxfort ,  qui  depuis  longtemps  avait  transporté 
son  siège  à  Londres^  se  frotivaît  à  pcta  près  fondue  d^ns  la 
société  centrale.  En  1662,  la  réunion  scientifique  dtï  col- 
lège Gresham  obtint  la  sBfnctién  de  Charles  II ,  prit  le  nom 
(te  IsooiBtô  royale  de  Londres ,  et  se  dîvifea  en  huit  clashs. 
Elle  commença  lapuWi<iation  de  ses  méinoircs  en  1665;'  îh 
CHitpouc  titre  :'  Transactions  fhilosffphitfues. 

Dès  1655,  le  père  Mérsène  irAmissait  3i  Pâtfe  ^^élqiies- 
uns  de  ses  atnis  qui  ^'occupaient  de  sciences.  Pîus  tirtrd  , 
ces  réirarionseurent  lieu  chez  Monmôrt  et  Théveribt.  Il  exis- 
tait bien,  en  1685,  une  académie  française  ihètituée  par 
RiblMilieta',  mais  cette  acadériife  s*bcctrpait  ûftî^uèttreiït  de 
litéérature;  enoitfe  le  parlement  refasa*t-lï  pehdéflt  Ifeux 
ans  tes  lettres  patentes  de  sa  créatîoh.  L'atadéiriîe 'des 
seieneesne fuVfôndée  qu'en  1666.  Cgibeï-t,  9dft  b^dtcfor, 
enfwtla  direction  t  ?artunîoniTfi*(i%n6t  ;j^  iéntfr'a  jJtts^é 
tQuA  entière;  L^Es|pagné  .possédait  'i  cette;  épd<me,  d^mls 
quHtwtee^am,  unel>at5àdétnfîe'dfes'  eûriém  ufel  Ift  IhiÉtme  , 
mais  efiei  proctoiisit'  péu'el  we  <îùra  ^s.'  --•li'Alletfta^ic  ne 
pouvait  négliger' de  prendre  &à  pjnrt'au  moyvettreftf-'sèîén- 


DU  SIBGLB.  751 

tifique.  En  1651 ,  le  médecin  Laurent  Bosch  proposa  la 
création  d'une  académie  consacrée  à  l'étude  des  sciences 
naturelles,  connue  depuis  sous  le  nom  d'académie  des 
curieux  de  la  nature.  L  originalité  allemande  se  signala  de 
deux  manières  :  l""  les  divers  membres  de  la  société  pu- 
blièrent à  part  leurs  travaux  ;  S""  ils  se  donnèrent  des  noms 
grecs*  En  1673,  cette  institution  fut  approuyée  par  l'empe- 
reur, sous  le  Ulre  d'académie  des  Guneux  4e  la  nature  du 
saint  empire  romain.  —  Qudques  sociétés  privées,  mais- en 
très  petit  nombre ,  se  manifestante  côté  des  sociétés  an- 
torisées.  L'abbé  Bourdelot ,  en  1673,  tenait  un  véritable 
salon  scientifique  que  Ton  appelait  Tacadémie  de  Mv  Bour- 
delot. Le  jésuite  Fran{ois  Tenîus  de  Lanaa  était  ^  en  1666, 
Vimé  d'une  société  savante  de  Brescia* 

  côté  de  ces  instituticms,  j^açons  de  nombreuses  puUî** 
cations.  M.  de  SalQ  commença  le  presaier  Leioutnal  des 
savants ,  sous  le  pseudonyme  de  sieur  D'Hédouville.'  B* 
1673,^  1675  et  1674 ,  M.  Denis  publiait  des  mémoires  et  con* 
férences  sur  les. sciences  et  les  arts.  M*  de  Blegny^-ea'i(V79,r 
faisait  un  journal  où  il  traitait  de»  découvertes  ne  la  tnéés*^ 
cine.  Le  journal  de  médecine  fut  commencé  en  1664. 'A  la 
mêm^  époque,  Bayle  éditait  Le$  Nouv^ll^  ^de  la  RipubliMô 
des  tHtret,  M.  Basenage  commença  en  1686  rhistoioe  ded 
ouvrages  des.  savants.  En  1668,  Rome' eut  aussi  son;  jour^- 
nal  des  sciences ,  imité  de  /celui  que  possédiaiC  la  France.  Les 
actes  des  érudita  parurent  en  1683,  à  Leipsidi;  ët'puis>:  à 
côté  de  cee  journaux  et  de  ceux  moins  imporUnts  que  nous 
avons  omisy  se  placèrent  bientôt  de  nombreuses  pittbliGt^ 
tions,  des-  compendium  de  toute  nature:  les  ans  ttaitamnt  des 
sciences  mathématiques  et  astronoiaiqu6S,  d'autres  de  là 
physique  et  de  la  ehimiei  d'autres  de  la  /médecine et  desr 
sciences  physiologiques.  Sous  rkiAuenee.de  cm  tvols  agents 
de  nrpauctiont  les  sociétés ,  les  journaux  et  les  publioaiions 
individuelles^,. dont  beauctup  étaient  des  icaétésélémenilai^ 
res  lèntièremient  ilouveaux  pour  le  fcmds  et  ))our  la  formps , 
la  sdeif^çe  acquit  de  l'indépeiidaaee^.ôt  d'immenses  déeou*- 
vertes,  et  se  pvo^gea  si^goli^em^nt  danstMtes  les  een^ 
trées  européeni^es,  en  attendant  les  pul^lieaiîMs  '  à  bon 
marché,  les  grands  journaux  et  la  télégraphie  électrique. 


752  PHILOSOPHIB 


UTTÉBA3;jDBS  BT  PHILOSOPHTB* 


Les  tradtietions  des  ancieiid  ont  donné  A  la  littérature  du 
XVI*  siècle  un  ton  sérieux.  Peu  de  poètes  chantèrent  peur 
chanter;  peu  de  littérateurs  écrifirent  pour  faire  de  l'art. 
Le  monde  dV>ocident  se  trouvait  aux  prises  avee  les  Giecs 
et  les  Romains  par  Fimprimerie  ;  avec  un  monde  nouvedo, 
par  les  pfOfgrès  de  la  navigation  ;  avec  les  révoltes  de  la 
raison  et  de  l'individualité  humaine,  par  le  protestantisme 
qui  soulevait  en  Allemagne  toutes  les  questions  ^   sièiDe 
celles  d'ordre  social.  Les  épopées  du  Camoëns  et  du  Tasse 
contiennent  de  beaux  vers;  mais  ^qu'il  y  ^a  loin  de  ces  poè* 
mes  pour  l'influence  sociale  qu'ils  pouvaient  exei^eer,  à  b 
Ditine  Comédie  du  Dante,  au  poème  des  Ascètes,  appelé 
rimitetion.  De  tous  cMés  apparaissent  des  traductions ,  des 
critiques,  des  ânnotatiône  des  anciens t,  des  vers  f;vees  e( 
latins  èp^lés  poèmes ,  des  chroniques  sous  le  nom  d'his- 
toire.  Lés   Casanova  (poète  latin) ,    les  Lascaris  ,   la 
Guillaume  Dudé ,  les  Amyot  et  le  savant  Érasiae  i  voâA  les 
types  de  cette  époqvre*.  €'est  à  pdne  si  DttlmUay  v  Ronsatd , 
Marôt  et  quël<[aes  antres  sortent,  ptr4eurs  polies,  de  la 
voie  commune.  Lé%  femmes  eUeB^mèmes  subiss^t  l'in- 
fluence <hi  têmpé.  A  part  Marguerite  de  Valois,  qui  nous  a 
laisëé  des  "f ers  et  des  lettres;  Jeanne  d-Albret  qni  faisait 
aussi' des  poésies,  presque  toutes  celles  qui  se  sont  di^m» 
gnées  dans  la  littérature   ont  traité  des>  sofets  «k^x. 
Thérèse  d'Avita.a  étrit  dçs  œuvres  spirituelles  et  de  dévo- 
tion ',  Renée  xle  F^^anoe^  duchesse  de^Perrare,  s'occi^iait  du 
protestantisme  po^r  lequel  eHe  prit  parti  ;  Lonisê  Tigée  , 
l'auteur  du  poème  de  Cinira ,  ^^aiit  une  espagnole  d'un 
grand  savoir  ;  Olympie  FuWie Morata  écrivait! rdam  leslan- 
giles'tooiennesi;  Ohafrlott<^ Guittard  cohtribaait  aux  progiès 
dé  lu  typographie.  Et  cependant  ,^à  cette  époque,  iTy  eat 
i»aie  e^tceptiôn;  Kautevir  i^Olheito'i,  de  Rmeo  H  JulieUe , 
du  Jlfàr^Aond  de  Vmi$0,  de  laTmpm,  itsCommêre^de 


BV  8liM3U,  7âS 

Windêor^  Shakespeare ,  au  lieu  de  lire  aux  livres  des  anciens, 
étudia  la  nature,  peignit  au  vrai  les  grondes  qualités  et  les 
vices  des  hommes ,  plaçant  à  côté  du  sublime  l'original  et 
le  ridicule.  Il  fut  poète ,  plein  de  passion  et  d'entraînement  : 
aussi  ses  œuvres  ont-elles ,  en  leur  genre ,  la  valeur  des 
poèmes  d'Homère. 

Impeégnée  de  scokstique  et  peu  savante  encore  <»  la  phi- 
losophie du  XVI*  siècle  eut  de  grandes  intentions  «  fit  d^ 
louables  eiïorts,  montra  beaucoup  d'originalité  et  déploya 
surtout  ibroe  ruse,  car  c'était  alors  le  siècle  de  Torquemada, 
et  l'inquisition  était  en  vogue.  —  Voyez  c^t  esceUeat 
Po]ft(HfA€B,  combien n'estr-il  pas  en  peine  de  nier»  commo 
catholique,  ce  qu'il  affirme  eomme  philosophe.  Le  moyen 
de  nettroisa  oonsdeoce  en  paix  et  sa  personne  à  l'abri  > 
tout  en  oonaervant  la  liberté  de  penser!  Ce  moyen  «  le 
voici:  c'e&it  tout  simplement  de  faire/ de  la  philosophie, 
chûse.distiMete^  et  de  poser  cette  distinction  comme  règle 
de  discussion  scolastiqueli!  L'église  menaçait  de^  ses  cen^ 
suies,  et  .souvent  ks  censures  conduisaient  au  bûcher.  Plu-* 
sieurs  universités  admirent  cependant  qu'il  n'était  besoin 
de  krévélatioa  pour  prouver  l'immoptalUé  de  l'âme;  qwU 
quesruniK  -mèmei» arrivèrent  au  panthéisme;  elles  'proda^ 
nèiént  une  .àme  universelle  se  manifestant  individuellement 
dans^obaque  fhomme.  Machiavel  vivait  eo  ce  temps  ;  il  écri-* 
vit«ommeAt  les  rois  doivent; s'y  prendre  pour  museler. l^s 
peuplûs-j^il  46ttr  ûomnê  le  aageconaeil  que  n'a.  pâs<  toujours 
étéamvifide faire  eu  un  jourev d'un  seul  ooup  les  chose» 
cnieUes'  pour  beaucoup*,  de  verser  le  bien  sans  cesse  el 
goutte  à  goutte^i  Son  livre  lh$  Pi^fiiM  ne  6it  pas  cosnpris; 
Baouateul  sentit  les  détours?  que  e^l  ardent  ^nÀvifÂe  avait 
pris  pour  dire  tonla>aa  pensée.  -^  Erasme,  homme  doux i; 
ton^apifituel,  définissait  la  philosophie,  la  reeberche  du 
Yraiî)0n]wor.  L'étude  •  en  était  la  roule,  tff  a  dans  se^ 
oerits  phjsde  bienveiUaBM»<que^d'élôvaUon^ — Papaeetse^  nion 
eontent  de  iaire  de  la  chimie  et  da  la  médecine  ^  >  s'ocoupa 
auaai  derâhénlogie.  Cet  [«esprit  «sitsupéntur.eeA^piv^nait.i 
merveille.  La.  ceiaivttrgenôe  delà  6cienc&-  et  de -cette  étude  v 
Risn^  disait  il  panmanièae  «d'aiâômei  aesepeut.produ^e 
daas^e-jBûiMfeien  d(feo«s\Aes^  lois  de.  la  nature.  U  admet- 


754  PHILOSIMPIUB 

tait  dans  chaqiiei  être  un  corps  TÎaible  et  taii^ible,  et  un 
corps  invisible  et  ioapendérabk^  source  des  imprassioDS  et 
répulsions.  Cetie  doctiîne  conduisait  à  la  •  polarité  nniier- 
selle-       »     ,.  •  • 

Le.seni^pythasûîiGiea  Jordaiàus  osa  s'affranchir,  dans  les 
écoles,  du  joug  d'Âristote.  Guillaume  Polel  ^ouiail  faire 
concorder  toutes  les  opinions;  xnaîs  il  n'était  phiksopbi* 
quementasses  haut  placée  pour  tiouteret  laire  compara- 
dre  leur  raison  d'être.  • 

BA€Oif  t  dkanceliei  d'Angleterre,  prêcha  la  Tortu  «l^pn- 
tiqwi  le  vice ,  fut  lài  grand  penseur  et  an  grand  caquin, 
laut  il  est  vrai  que  les  hommes  les  plus  émanenls  ae  per- 
dent eui-mêmes,  en  se  créant  d'inutiles  besoios.  Il  éld^ 
d -une  façon  très-cemarquable  ce  qui  l'avait  été  déjà  avant 
lui  par  son  homonyme  ie  moine  Aoger  Bacons  qu  il  n-j  i 
de  vérités  posâcives.qneeelles  que sepe^ventéémontreapar 
l'observa  ion  et  l'expérience,  aidées  au  besoin  des  Aorahres 
et  de  la ^métrie.  -  >        .> 

RAfiUàis  était  de  prodigieuse  mémoire^  de  .sav^  liés* 
éteodu  ;  .toutes  leSiaeienoes  luL  étaient^eonnaes  ^  ^toutes  les 
langues  lui 'étaient  familières;  aa  parole  létait  erae  ttÀH^ 
ment  moqueuse  à  Veedrqit  des  asoenea^dea^sriiMMittliiet 
des>moiaes;  iLneles  aimait  gnères  et  ne  pouiait  teaairsa 
labgue  à  leur  eosasien.  Ce  ft'àaitt&i:  un  .peti&>mattre9^Bi  bb 
petit  gailUrd  4doi»«  qu'il  étudiait  >à  l'éeole  de  Mentpeilisr. 
Sousila  nobe^  nul.  ne  pariait  siiaui.  ^el  phisf  ^docteoieat 
d'Hgrppoinkitâ;  La.  it(ri)e  (déposée*^  il^se  prenait  à  iairelaiilef 
/oTMa  df  .«^ffiéi{t>^<Kloimant  au  besoin  U.repréfiêatatioftf  si 
qQirfiiA.priail,  i(#  afin*' fui  «wil'éfMNiiéi/ai'/bmiiieifliMIe^ 
Étant  à  L}rtm>^  iloie  put  résister  'au>démiai^q«îvtleipadis8aît, 
et  publia  soa<roman:>de  ><>airgantua ,  œuvre  au-  goût/ du 
temps,! faillit/  ^à9^'jghÊM%iiid%\€i^é€umfiilÊ^ 
qylÛw  mYi4gftir(éide  BMn ^nrmemfûiu.  ûmte^valilutrpoiir- 
suivra V  mais  révêquâJ>ubellaj.a«astilnoeiiéaQeâivfe  eemi- 
que,  et  savant*  ;lô<roi  laittieêmeenfAYilit'fii  krretttredéboiH 
tonné  ;  .le.moyc|ik«de  condaiiuqer/unihaipne  qaii «avait  poiir 
luiiaonéfféqueietsaxiroi?  Plus  tards  ilipublia^la  auile  de 
soô!  Penta^toaL  t^  Le  DaKule  aYaitMécriit  ladivine  comédie  : 
ce  livre  fut /âgé  l'humaine  comédie;  il  eut  un  aneoès  fou. 


im  si^ciB.  755 

C'est  une  philosophie  itfàs-^pieurieniie  que  le  pentagrué- 
lisnie,  fort  douleuse'et  atoqHeuse,  se  riant  avee  délices  de 
tctti  ce  qui  neya  ni  au  oof[^  ,  ni  à  Tesprit,  ni  au  bon  sens, 
toujours  prête  à  jeter  jugeurs  et  brûleurs,  dans  les  clartés 
de  l^esprh,  dans  les  fiammes  de rinteitigenee,  pour  lesfé- 
concilier  avcec  les  jugés  et  bràiés. 

Blifcelaii  nous  intéresse  fort  pour  ce  H[(fi*ila.élé  le  préeur- 
neat  d-one  Ivole  de  bons  esprits:  Molièfe  et  Voltaira  ont 
fait  souvent  lecture  de  ses  écrits.  II  avait  haine  des  sots\ 
dn  Vianiteux  et  de  la  séquelle  des  gens  ridiedes  qu'il  â  si 
bien^ndicolisés.  il  a  été  indmlgent  p|oar  ceux  qui  aimaient 
les  douces  joarenodiles  et  h  honpi^ ,  et  très-bon  ocré  à 
MeudoDl.  Son  influ^ioe  s'est  exercéi»<l«ns  sa  oure  où  il  fut 
vénéré,  et  sur  toute  la  terre  gauloise  dont  il  raviva  Tesprit. 
Rabelais  n'était  poibt  gemtiilioaiQM  ;  «'était  un  vrai  gaulois 
avi(l&  d'apprendre  et  de  ceater  ;  jaseor ,  rieur  et  moqueur 
s'Menfiil:^     .      .i 

Châeeon  a  fait  un  livre  sur  la  sagesse  ;  il  était  prêtre  et 
piédioateor,  indulgent  de  sa  nature,  et  reaaplt-  dans  son 
li^re eoafmedans^a-  vie ,  de  la  philosoi^ie la :pl&s  ooiici- 
liame.  Étail^il  arlliodofse?>Je  ne  sais;  mais  jamais:  l'idée  ne 
lui'fk^'DMiuS'deibrûlerquelqa'un  pour  crime  d'irréligion»  il 
devrise  longuen^ent,  en  son  ouvrage,  .âeifaY^vrmaiiMnda 
IMummB'^éetoutei'sm  jMiriMt  «I  de  Pëêêieitê  â'ieeUesi^  des 
biefU'4uMrpr^'slttiiét^  bêauU  H  aulres ,  de$  fénetiamt  tt 
fMBiinW  ^VtÊprit  Jbmotni.  il  (^eotrij^ua  du  reste  à  eoéar  la:  tu- 
MMOdce  V  à  rendre  ses  conlemporains  sociables;  Son  tivita  ti 
vieiHi ,  mais  l'auteur  n'a  point  perdu  sou  teotps ,  enoonè 
qu^fait'air  peu^trepsdépféeié  les  pa«vre»ietles  manants  , 
^m^éBmenufmfie  dont  il  n'iavait  as^e  db  Mmef  j     .  =    r 

Aulouns  s'imaginent  que  MoKTÂiGfiB  doiC;  être' classé 
paiwi  'les  grands  et  Tenocnitiés-  pUhisepfaes.  >BmHir  gro&^ 
sièffie't  liantm9i(iJb,>o'\ékait  sontivres  fin  jvpuret  littéra** 
tenr^  mail  «Kpeuoeuaffé  à  dire  toàle  sa  pensée;  mou  de 
oaièctèreM'detempéeameQti;  sefliant  >le  doute,  non- iCj^ 
docteur,  mois  en  peiireur qui  expose  tovjoarsile  pouc  et 
le  contue  par  •  éteinte  de  ^blÂmë ,  :  et  ^  prar  ne  pas  se  faire 
d-ennemis.  iNe:«réy<nB  cÈipendaM  à  son4mparbxalité  i  iè  a 
toujours'qœlqué'teur  d'dàiesse  pour^véus  wameiier  4  sa 


756  PHILOSOPSIB 

pensée ,  et  tous  porter  à  la  préférer. —  Voulez-Tons  le  con- 
naître? demandeE-lur,  car  son  livre  c'est  Im,  s'il  est  hu- 
guenot, catholique  ou  libre  penseur?  Je  ne  sais  trop ,  vous 
dirait-il ,  chaque  opinion  a  ses  qualités  et  méritt^.  Puis  il 
les  discute  ;  sur  la  route ,  il  trouve  une  foule  de  joBfs 
anecdotes  qu'il  raconte  avec  chafme ,  et  place  en  leur  Heu 
véritable  comme  pierres  précieuses  sur  une  bague.  En  fin 
de  compte  ,  après  vingt  histoires  que  vous  prenez  pour  jeu 
dé  mémoire  et  d'esprit ,  et  qui  sont  l'un  et  Vautre ,  il  vous 
amène  à  penser  que  vouloir  user  librement  de  sa  raisen, 
ce  n'est  en  vérité  folle,  mais  peuMtr^  prudence  et  sagesse... 

Etienne  de  là  Béotib  avait  tout  autre  caraetère.  Avec 
son  siècle  et  bien  d'autres  il  se  trompa  sur  l'antiquité*  Il  prit, 
par  exemple ,  pom*  un  républicain,  ce  vaniteux  Gicéroû  qui 
ne  fM  jamais  qu'un  hâbleur  de  grande  éloquence  en  ses 
discours ,  et  la  fine  fieur  des  épicuriens  en  sa  philosophie. 
A  part  cette  erreur,  La  Béolienous  va  :  son  cœur  est  bon,  sm 
àme  est  flère-,  il  arrive  droit  au  fait.  Il  a  moins  d'espritque 
^n  ami  Montaigne^,  mais  phis  de  vigueur  et  plus  d'enfrain. 

Nous  devoils  quelques  hgnes  à  Aotuffa*  Ce  sav^ani  chi- 
miste était  \m  véritable  essénièn ,  uh  saniasis  ;  fi  fut  la 
gloire  de  rAltemagne,  qui  le  laissa  mourir  ^e  misère,  à 
Thospice'de  Grenoble. 

JflàN-Louis^  Vrrfts ,  de  Valence,  était  un  esprit  très- 
^eVé,  mais  qui  n^osait;  il  avait  accoutumé  de  âiYe  :  U 
t&tnp9  mènera ,  tt  t7  ejti  proehe ,  M  nos  yêU3^  ifauvrirom  à  U 
hmiére;  fcrmule'qui  serait  encore  très-»appliqurf)Ie  avnoar- 
d'bui. 

Las  CASBrfut  te  défenseur  des  indigènes  d'Amérique  ;  il 
eut  le  courage  d^  reprocher  aux  Espagnols  d'en  avéir  fait 
périr  dôuKé  millions .    •       ' 

Lbs  DiliSTes  parurent  en  Angleterre  rets  le  miKen  du 
sfèelef",  ils^t^jilkient  les  dognues  et  n'acceptaient  <|ue  ce  qui 
pouvait  s^appvrfef  sur  les  seules  Imbières-  de  1*  raison. 

AmiRé  CAsÂLPtlv  tient  D'Av^rrhoës  et  de'^Spinosa  doat 
il  futle  prteurseui».  <■  • 

BEitiNAi(l>3«  PAtits^t  mérite  un^  éle/ge  tout  spécial.  Ar- 
tiste ,  il  a  laissé  dteS' -émaux  ^  desî'ftcmrines ,  des  vases,  des 
fontainesl  admirables.  GMmîste,  il  étudia  toutes  les  ques- 


TO.  8IÀCU*  757 

tion^xiae  <iCUnporMit  son  art.  Philosophe ,  il  comprit  que  la 
scîeoee  9eule  paut  affroochit.  ThumaDilé,  m  la  dégageant 
de  sou.çoaiUot  par  u»e.pro(luction  agricole  deipltts  en  plus 
habile.  Se&  écrite  sur  Tagriculiure  sont  eac(Hre  remarquables 
aujourd'hui,,  Qt  Ton  peut  dire  qu il  avait  compris,  comme 
nous,  ia.^olojiie.avec  toutes  ses  conséquences.  U  ne  savait 
ai  le  grec ,  ni  le  latin,  et  brûla  ses  meubles  pour  cuire  des 
vases, dont  la,beâuJté  assurait,  le  succès  de  ses  grandes  dé- 
couvertes.. U  eut  le  génie. des  sciences,  la  foi  et  la  persévé- 
rdoce.qv'^ltes  inspirent ,  et  cette  ardente  charité ,  ce  besoin 
d'éwanaiper  les  Ames  qu'il  devait  expier^en  un  siècle  d'in- 
tolérance, (par  de  omeÛes  persécutions. 

Ag.XVU*'  JSiftc^Lf  «  la  littérature  se  montre  plus  philo-* 
sopbique  ençcwe  qu'au  XV' ,  la  philosophie  devient  pluâ 
scie^fiit^que  «..  le^  Mpgues  achèvent  de  s'épurer  ;  le  peuplé 
des  tx^v^illeun^  sQfumeille  tov^oursi  mais. les  femmes,  sur 
tjout^u  France  et  à  Paris,  la  ville  des  libertés  intellectuelles, 
se  wêlent  .ajUL  n^pu^veo^eat  ;  elles.,  écrivent  beaucoup  de 
lettres,  qui^ai^ép^iMient  dans  les  provinces  et  à  l'étranger  ; 
de^-mé^ioir^,.  4^  ^çmans^  de»  idillo»  et  des  poésies  lé-^ 
gèr^  qvie  Vl^urope-eutière  voulait  Aire.  L'amour,  sous  toutes 
ses  formes,  s'empare  des  plus  brillants  salons  et  devient 
la.4|;r£iud,e(ail^ire:,4e.la  sodété  parisienne..  Ennemi  né  de 
toute J.jrawie,  cet  ardent  révolutionnaire  se  montre  tou^ 
î^ifJ^M^i  ,^ï^^\gv  les  rangs  et..à  secourir  les  malheuretti. 
Ayep  lui  ^  développa,  la  poésie;. elle  eut  4o^  pour  iotef- 
prètes,  sous  ses  diverses  formes  d'odes,  de  sonnets,  d-égkn 
gu^...d'éJ6gips,.,  d^  ^ouveU^s.et  de  Komaoa,  Bejaserade, 
versiAcaJeftr.  ,dQ i,beaw()¥p. .d'esp^i^  ;  Segrais^  auteur  de 
pastorales,  plein  de  naturel  et  de  goût }  medameDeshour 
lièrjjWfli.*ii.ia."P^lié^de^  idiUe».,  <|eaéglogues  et^sa  char- 
iqa^eipîticp.èr.sfisbrelws:;  Ufontaine,  l'inimitable centei*r; 
BoflfiajA,,,çgjyri^.^tfo^,  tr^-inféricaw à,Pe«rault,dont  ils'est 
i|^i¥ijHjp,#iowét.;  çlètw^HWf  versiûcateqp  très-habile,  que 
son  goût  sévère  et  délicat  a  fait  surnomi^^rie/légi^Uteu^  du 
Banw^ji.  B/i^pmjai^e, Ae.lto  î.noiis  avons  dfelle 

<Jçs  .l,pMfes.,pt  ^,,^fy^Qi^^  ;  ,mâdcmûi5elle..<ie.  Scudéri, 
l'an^eui:  de.,<^y,irf^^t,4^  ÇUli^.;  wademaifette  de  Lafayette, 


758  ^  pnitosepsiB 

qui  lui  fat  tràs-supériauro  dau^  Ztfiide  et  k  Prinîe$$€  ^e 
Cléws  ;  Scanrons  l'auteur  du  Rrnnên  Comiqm  ;  Graiomont, 
dont  les  Mémoires  peignent  l'époque  ;  Balzao,  oenna  par 
ses  lettres  et  sas  vers;  Voitute,  son  mal;  madame  <fe 
Sévi^f  qui  aviHt  .toujours  de  Tespril  et  anm^ait  parrfoi^ 
de  hou  sens;  Màna^e,  émdk  ;  moûsieur  et  toadatse  Âaeicr, 
célèhreS'  par  J|eur  Gûiixiai8saace>  des«  aneiens. 

A  la .  mêmu  épeK|ue  viraîeBt  ea  ^  Angleterre  <  MiitOD , 
Vauteur  du  fwradiB  Pirdu  ;  Bultler^  r^anemi  dw  ianatisiDe, 
à  .qwL  BOUS  iâeroûs  le  poème  intftulé  Budié^fos  ;  *  Pvior, 
po^te  aatyrique ;vPopev «oiiDu  pareoB  Enai  §uri'0mtém^ 
sa  Sémcte  de  Ckéveum  :  sa  réputation  a  quelque  tp%n  baissé. 
Manzino  (Alphonse  rAfrioain),  Péueira  de  Laeerda  /Ma* 
carecibasy  Maeédo,  illustraient  alors  le  PortugaL  Lllalie 
et  l'Espagne  étaient  pauvres..  Martin  Opitz,  FlemmiBg, 
Logan,  Simoa  Dach^  se  feisaient  une  céputatioa^ea  Alie- 
magne;  Holberg»  en  Daneaiarok  ^  lUrok  Kotirahert)  en 
HoUandew 

Dans  une  littératuare  plus  sétfieuse  et;  «plus  ëlevëeV  s'fllus- 
traient  Fontenelle ,  auteur  ûq  Dialogwt  stur  la  Phufniité 
d$$  MmdtÈ  ;  Boundaloue ,  MascarOn ,  Fléehkr  et  MassîHoD , 
auieucs .  d'ékngefl  funèbces  et  de  serinons;  Beesuety  dont 
legrand'Stjrie  eacbeseaTent  de'grldndce  epreurs'Ol'de^pe* 
tiAes  idées;  Fàïolioi)  rauteurMdeiT^ém«fiw  et  d'uoutaité 
d'édueatiûB  des  filles;  .MIadret',  Triste^  et  fiotrou^  éiarivains 
dramatiques  iouiriiési;  Pierre 'CorMiÙe'.  aesivagédiee'^^ 
tent  beaucoup  à  la  oritique  ;son  style  a  VieiUf  ;  ihest^ioé- 
gal,  mais  ses  portraits  sonl>hjéd>ilement  tnacéevi^'^^OMMâssait 
tooa  lasireplis  éureœor  huffMâai;  la  passion  y  la  viguetti  du 
styky  .le;,suUâDe  mâm^ine  lui  font  point  dâkutiûl'cst 
resté  aotnei  iprolQier  ^poàtei  tragique:  'Racine , = att  o^ntraire , 
eet  d'una  éà^fun^  4o«éoiirs  soutenue'^-  d'ofiei^aUHiinUe 
corroelâQfn  de.style .:  il-n  jja>pas,  dan&tout''9an  t^erteite, 
tingt  vevs  reprodnbksv^elMoepeadant-le&bdaifiaie&v'i^ 
jeunes  gBOS^  Btème.  de*  quel<|yle;)vigueuD*'ûlletteGto^  et 
morala4(iija>pei»veBV8iip^tenseè<pià€dSi.  Hheoiaé^Cfihttille, 
Pierre  *  GaoïeiUe,:  GampetortHi.^^  Mché^f  ii»>>Foste, '^ont 
brillé  <tomi«D  ivfigJS8eandaiire/>Moliè#hta»4téh5ain'#^  : 
bouffoUieife  miifilaisian^tfians  M.^tfr  féuremUgÊkc^i^ikdi- 


»0  61ÈCLB.  7od 

cin  malgré'  lud^  U  Malade  Imagimawe;  spirituel  d«ns 
VÊtowrài  et  U  Dépit,.  Àmournêœ;  il  6'est  montré  groad 
peiatre  dans  /fiitwre^  fa  ficuryoïM  Çe^Uiiàomme ,  r École 
é^  Mariai  PEerie  de$  Ftmmeij  Uê  Femmes  Savmilts. 
QuaBt  au  JMiaanlJbro^-^  au  Tartufe ,  ce  soot  deux  eeuvres 
sftnspiyales^.L.  ftacJaey  ftegaand,  Baroo,  BomrsauU,  Haate^ 
Roche  et  Campistron  ont  fait  des  comédies  qui  ont  eu  des 
saooèâk  Nons  jpemndroBS  sur  Deseartes,  qui  a  éûiit  un 
traité  de  l'iidmme  et  un  discours  sur  la  méCkode  ;•  sur  le 
géûBlètre  PascaU  le  spirituel  auteur  des  firauiMialê^,  à 
qojb  Isa jéâuitos  jse  sanraieQt  pardonner*  iVieunent^mainte- 
aasAiLarocherouciittlt,  auteur  de-  matimes;  La  Umy^re, 
q\A  lui  est  supérieur;  un  hel  esprit  nommé  Sainl-Evreroont  ; 
Vertot,  historien  isouveat  mal  renseigné  ;  Saint^Réaly  «uitre 
histaiieD  qui  a  peu  mais*  bien  éerit  ;  Fleury,  à  qui  nous 
dis? nna  une  vxKhimkieiise  histoire  ecelésiastiqiie  sans  critique 
et  sansgoAl  :.beàacoup  de  questions  dépassaieul  évidem- 
ment Isa  portée  ;  le  cardinal  de  Retz ,  intrigant  trds^sopé*- 
rieur  ;  QstaaA^  wientalisto;  P^eauU,  philosophe varehiUècte 
et  natomliste. 

>MûttSi  trouvensi  en  Anglotenné,  Weller^  Otmay^  Lde^  >nowe, 
auiBui»  draiia tiques  ;  Dr]ndeQ,  critique  hatole.-  Gaidéron 
éiaôt  le  Conieitte  de  l'Espagne.  Sigmloiis  ^  en  Italie ,  Sarpi , 
riastOBiett/dacdBfitte  de^Tcente;  Galilée-el'Cadsini»*  dont  bous 
attcoo&àxeparier.  — ^  Andiié.6pjpllicuSf  en  Allemagne)  et 
L«d>eilt  ;  Holberg^  poêle  comifoe  f  en  Oanemarek  ;  Hoolf , 
hjâtomn^  en  iloUande,  et  ^aa-^Vondely  f)Qète  tcaigique, 
QDilaôssédeurrdiomià  la  postérité.  - 

Aannilesi  réunioBs  distiDgiiée&  de  œlte  époque  ^  nous 
devons  '  citeff  an  première  Ugney  oeUei'quîiSe  tenait  à 
riiltel  de  BambouftUet  :  c!étaétiUAeéqolapâ«toaiQieiHie;  Le 
jdibD:dei]Baraftb6foucaidt,.MesdaaB)f6  de  Laaajeiitev'de  Gour^ 
yitta.r  dda  YvelDlB,  len  faisnient  .partie ;  '<)Ues  passèrent 
^suifla<À.il'*ébolei  dfépifliB4ÎBme«do  la.ff^le  des:  Townielles. 
CettÎM»  attaitteaipoananali^e.ile  oéièbsoi  Gasseodi.  tfade* 
mbia»UfiiNiooo«dË  l^Knolps^  mâéwpoei^Soasraa  idepui^  mn^ 
d«an0  da>MaJiàlenont4  \m  comttsaqa  de'la.SuBetetd'Okmne, 
la  ièmdiesserdeiBQHuUenv  «MaBsiiiiv  ^œt-dJWveiwnti^  fiemier^ 
.Otié{)eUe,  diçlièirv  C^a^i^ii^  «pmkpw&iautiMs  femmes  du 


760  paiLoa>P0fE 

monde  élégant  et  d^autres  beain  esprits  la  fréqueDtaiemt. 
On  y  causait  art,  littérature,  poésie,  philosophie  mèifie. 
Cette  éoote  vers&it  surPairiSi  et  de  Paris  sur  la  Franee?  et  sur 
l'Europe  entière;  ses  leçons  de  toléramce  religieuse i,  d'in- 
dulgence pratique  et  de  savoir  vivre.  On  y  estimait ,  et 
c'était  admirable  pour  {'époque ,  qu'il  était  trè»*ho4iora[Me 
pour  de  grands  seigneurs  et  de  grandes  dames  <de  faire 
société  avec  les  boisunes  les  p\uB  émittetits  de  1»  btlé- 
rature. 

Ett  deuil  i})otfir,  cette  néunion  donnait  te  tion  à  Pms. 
Pour  tout  ce  qui  touchait  à  la  l^lérature  et  aox  beaiixrflm 
son 'opinion  faisait  loi.  Cette  écoto  pbiloscmhii^e  se*  trans- 
porta plus  tai^  h  Auteuil.  Rachaumont  et  le  barpn  de  Uot 
contribuèrent  à  eti  faire  le  charme.  Celle  de  Neuilly  lui 
soécéda,  pour  se  fondre  dans  les  réunions^  d*Anet  et  éo 
Tenyple.  Depuis  celte  époque;  les -satans  de  Paris  émï 
devetnus  tme  puissance  européenne  arec  laqaeHe  iMaul 
cMipter  ',alsnefont  p«$  la  civilisation,  maïs  ils  lui  doDiient 
ses  habitudes  et  ses  modes,  jugeant  en  dernier  ressort  hi 
grande  artistes  français  et  étrangers^ 

La  création  du  Mercure  par  Donneaaide  Vidé,  ea  1G97, 
ne  fntpëis  sansi*  influence  sur  les  moeurs.  Cet  éiéflaeni  si 
nouwfeau  devait 'biettt*t  grandir  et  se  transfovmev.  ■ 

A  c/^tédes'b^le9oeuvrea  littéraires,  se  dévetof^pfût  tme 
IHtératurephilosophiquei  Voiei  d'abord  Tbonas  Monis  qui, 
dans'soti  T<mm  4Wtûpie^  dimv  une  société  «omsumisie, 
dans  laq«(eMeil'«uppria>e  la  profnîété  itidivîdaelle«  il  fèaee 
ses  villes  à  hmt  lieues  tes  unes  des  autres.  Ses  habîtatimis 
rurales  renfermât ,  en  '  -  m&y%nù^ ,  > 'quarante'  luxants; 
mafe  an  temps  destravaM:  tout  ')e»>  roende  quitte  ki*  ville 
p(Mir  se  piMief  dfemfr^les  champs.  Les  ^etis  vaUdes^  doivent 
à  la  société  six  heures  par  jour  de  travail  r  'e^e^l  sikffiBaot, 
dit^il;  poiir  produira  te  luxe  du  cemfectdMe.  -^  U  ve^t, 
pour  lés  enfètits  missiint^,  «tuf  boa  air,  de^la  prtq[>iH^v  'de 
Teau  chaude  à  pi^usio^  r  poiM^tdu&lefttadamsv^iA-  «né- 
lange  Mer*  côMritié'de'trataM  iatelleoitteleet  nmueb. 

Ires'mofiinpistes  sont  J^èlMne^pèr  iettr»  queieUe»  «eli^ 
gieusë^vite  profei^î^dt  que  Dieutie^prMMiii^  k»  faenoies 
qu'i^  rafeon^ê  leur^mérites^t'  ceqii^' l^mipMt ^alfasitra^ 


M  siscui.  761 

daîre  :  «  Les  destinées  seoi  pn^Knrtkmaelles  mx  attrac- 
tions. » 

Hobbes  est  l-auleur  d*«n  livre  intitulé  jLe  Létmihan.  Il 
cioit  au  hasard  et  à  la  foroe ,  nollement  aux  tendances 
innées  de  justice  et  de  sociabilité.  Les  sens*  sont,  pour  lui, 
roôgÎQe  des  idées,  et  la  r^igion  doit  élre  subomuinée  à 
la  législatien^ 

fin  i6i&i  Grotiuspublia  son  traité  4»  la  gMerre  et  de  la 
paix.  Ce  philosophe ,  sur  plusieurs  points  et  spécialement 
en  «e  qui  conoerae  la  filiation  des  croyanoefr  par  rapport 
aiuLdoelriaesindoues^  a  ainfalièrement  dîevancé  seo  époque. 

Voiei  Yeoi^  CampaneUa  :  ce  moine  Toulut  réroimer  la 
philosophie  ;  U  enrisageaii  à  toit  les  sens  comme  la  soufce 
de  tootesi  les  connaissances  humaines  L'homne  était ,  à 
ses  ymix  y  uni  compoeé  de  corps,  d'ei^prit  et  d'ime  ;  eepen- 
daihl  il  jéuiit  panthéiale  el  considérait  tous  les  êtres  de  la 
naflureiceoiœedou^  d'usé  vie  plus  ou  moins  développée. 
Il.eel.i'jauteur  d'un  roman  communiste  intitulé  Xia  CUt  du 

En  1650,  Pierre  Gassendi  restaura  la  dootvine  d'Epi- 
curev*  Doué  d'un  iaotunense  savoir,  il  était  au  courant  de 
tous  ries  travaux  ^ientiiiques  de  son  époque.  Sa  vie  se^ 
passa  en  discussions  :  il  eut  aur  ses  adversaires  le  mérite 
de^la  politesse.  U  différa  toistefoi»  d'Epieureet  de  Lucrèce, 
en. ce  qu'il  admettait  très-nettement  ce  dont  ils  paraissent 
dottteffi.àsavoir  :  une  providence,  une  loi  uatufidlequim  est 
IaailB6équenoe4  et  un  avenv  de  mieux,  eu  mieux  ofdonoé. 
Il,ne!etBO>;ait  pas  à  l'éternité  de  la  aaatièpe-,  et  considérait 
l'àorn  jQCHUoe;ii«e:  flamme  tièfr^subtUe  qui  donne  la^  vie  i 
l'homme  ett^aux  animaux.  U*eu.i  de  trèsKémÛMUts  disci- 
lde»yiet  pttiouixâl  a  exercé  la  plus  grande  iAfluence  sur 
noif eoaiéité»  modemes;      >   ^ 

Ifeus  it)avleron&  eniufib  autr«  ehapitre>de$*féUides^^ienti«- 
Ti^es  ide:  jOeacartes ;  (nous  ra^H^eUeroMaeukmênt  que  ses 
ilMNtoiri^ti^ppfirimatf  eB.i*4l4.T-  Il  voidaât  <^  Fon  étu- 
diât i*hommeî|>ht)raii^ogiq{}0mMt^  «jet}  s'ooiwa  beaucoup 
d'^mtottiOiv  Ge  gmeld' %l^mMi<  ifût  obUgéide  >quitter  la 
Ffaiic6^.c4  d«  cbeidBWiilwa«im4Hitr»ip*tfie,.ia  ^aix  et  la 
libeftévrlLsai^trpiql^tittne  ei^cj^opédie»  une  grande  éiude 


76S  PJUILOSOPHIB 

sur  .la  moude  et  l'buBaoîlé  ;  mais  les  persëcutioBS  subies 
par  Galilée  rempèchèrent  de  la  publier. 

tes  quakers. ou  treœbleucs  dMeot  de  1649.  il»  araient 
pour  doqtrine  de  plaoer  le  bonheur  d«M  la  vécilaUe  con- 
uaisswce  de  Dieu  et  de  Jésuâ-Ghost.  Us  n'adoMttaieat 
au'^n.  baptôitte  et  oonsidéraieat  cosiaie  tel  L'aUertalion 
d'une  vie  religieuse  donnée  à  rhomme  par  b»  conscieDoe  : 
c'était  là,  popr  eux  le  baptême  d'esprit  lel  de  vérité^  Fautre 
njétant  que  pur  Sqymbole.  Leur  interprétatioa  do  la  cm- 
mu^ion.uiér^te  d'êtn^  signalée  :  ils  la  couBideraieitt  eonme 
uu  fait  i^térieui!  ^  purement  spôùtual ,  ne  Yojraot  par  ente 
daps,  la  Cène  Y  telle  qu'cUe  est  rapportée  aux  iEyangifes, 
i^^,\m  fait  symbolique,  A  Dieu  seul ,  disaiaotHÎls  v > «W^- 
tient  la  .4i2:ectiQii  des  oonsoieiioes.  Aussi  eondavuiaimtrils 
toutes^  les  peinefcque;  les  hommes  ^'infligent  les  ans  aux 
autr.es,  sans  respect  pour  leur  croyance  ràeipraque.  A.  Dieu 
SQuI. aussi  la  gloÂre  et  rboniiBage  ;. c'est  donc  >  seolnaait 
pour  Qieu  iqu'U  obvient  de  se  déeowrrir,  de  courber.  ia4éte 
et  de  fléchir  les  geuouxw 
,(,I«'amériioai9  R^ger.WdUaiu  les.dépaasa^  nous  eaceparle- 

TOUS,  I 

P»$c|d.,  Ar»4uldf !NicoUe*dt'd'autres<m»JS.ra|ipeiL6ntk5 
SioUtaires  de.l^ort*r&oyaU  Quelques-^uoB.dleflBtiv  eux  wokh 
rent  concilier  laioétj^deisdleatiâque  eila  cro^^aûOQabaoliie 
à<)44reditio&.   ■ 

Spioosa  létait  .fils  d'oa  juif  pectugtts;  il  -a  pnoCBsié  k 
paj^tbéisme.'^ûn.syatêitteiiiqua  l'on  d^à  terftiem^ruQlé  à 
U.cubale  des  jiuifs^,.a'est  autod  diose  qu'tm^  ItesfauiratieD 
iUiOQiuiJète  de^  ^triaes  du  pas&i  sur ia  m^minarsefie.  • 

Qn  pâ|)t  4kt  «de  hii  ^u'il  .a  écrit  ^k  préiaoe  dp  paaIbfiaDd 
du  XIX'  siècle.  Sa  doctrhie  paoli.ètietnésuméis-  dansjies 
propositions-  SQiv4nties  r.Le.  néaut  se.  ptodoit  naDi;ttDut 
c^.q^i.ie«i9te^sVâteolQt;>ûl^n'y  :a  <|U'!imfi  aeuie  substaace 
qui  soit  par .eUeT«Mlme  etttéaesaaireoientvtttte'jaidisUaK 
c'est.Dyjeui  q«i;aei<inodifieian  olilkinia^èfi^idtiM  fau^dîrar* 
site  desfètpe^;  faes  cQ^is  et.  ioi^iaar<fai  eonoame  Ue^pai», 
lespea/^Sfiès.âaMa  ati  taaticftf«ttiyii^dtt  féniwine  ide 
l'iuteUigWce^.y^âlà  «utaot  de  «ifitfipatotiDné><fedâ«dkiÉuté. 

Lie  .restai <le M  dMtoiae.jôtatt.aa  hawBaBifligf eeufe  iribs 


DV  SIBÊL'E.  765 

prémiees.  Spinosa,  conime  les  Indiens,  s'arrêta  à  la  con- 
templation; il  ne  compnt  pas  asser,  à  notre  sens,'  ces 
trois  iBod<^s  de  Dieo  :  la  piti9sanf3e^  Tattion ,  Tamour,  que 
les  chrétiens  appellent  le  père ,  le  fils  et  le  saînt^sprif. 
Que  Die«r  soit  le  m(Mide  animé  d'nne  Ame  unîrerseHé,  ou 
qa'il  soil  un  pur  esprit,  si  oe  qui  est,  est  bon,  il' a  dû  le 
vooloir  de  toute  éternité  :  donc  il  a  touIu  de  tonte  éternisé 
les  rapports  des  efaoses,  donc  c'est  une  faute  grave  que 
c^le  commise  par  Spinosa ,  surtout  après  les  grands  tra*^ 
vaus  de  ïécde  chrétienne ,  de  très*4ien  comprendre  Vim. 
eonHDe  puifisanee ,  et  de  ne  le  pas  comprendre  aussi  bien 
comme  manifestation  nécessaire ,  c'est-à-dire  comme  vettre 
et  oofBme  amoer.  U  y  a  donc  lieu  de  critiquer  le  liVre  que 
Spinosa  a  publié  sous  le  titre  A'Bikiqu$.  Cet  ouvrage  n'est 
point,  c(»amtt  on  l'a  prétendu  ridiculement,  Tcetivre  d\m 
matérialiste,  d'wi  athée,  d'un  homme  abominable;  mais 
iloondoit  à  la  négation  ou  tout  au  moins  k  raiîaibitssem'ent 
du  sentiment  et  de  l'idéal.  11  glace  IMitfaginaiiôhi  ;  il  éteint 
la  vie.  Combien  du  reste  qui  l'ont  jugé  sans^  le  comprei^re 
et  qui  nesavaient  rien ,  ou  feigmient  de  ne  vien'  savoir^  do 
la  vie  si  pure ,  si  pauvre ,  si  laborieuse  et  si  désintéru ^e 
de  Smnosa.  Le  livre  de  l'CfA^Tiiese divise  en  cinq  parties, 
souples  titres  suivants  :  de  Dieu,  de  Fesprit,  4es  affections, 
de  la  senritnde  humaine  et  de' la  liberté  humaine. 

L'ouvrage  de  théologie  politique  de  Spinosa  n'ei^t  point 
sopérieur  à'son  iîvTe>>de  pb^oj^ïe  spéculative;  mais  il 
traite  de  questions  plus  usoeltes'  et  renferme  très^peu 
d'erreurs*  il  parut  en  1676  du  vivant  de  l'aoteur  ;  landb 
que  ses  autres  éorits  n'ont  été  publiés  qu^'apvès  '  sa  mort. 
Lttfhienee  qu'il  a  exercée  dcqs  ittFpwe  roMigation  de  le 
résuioer  en  quelques -lignes:  •    <     :^'  -    / 

Bieu  intervient  sans  cesse  dansila  vie  ^  lliuniattité;  iron 
pas(.  qu'il  ait  vecours  k  «des  abtes;  à  des^^mtttoilëstatîons 
passafjèses  «  i  nai$  par  une-  aelidn  «ontiRiiëlle v  '  'pôr  ^^^ 
preeiBioB;  téfitablQ'  qui  esO'de  tiMis  les  jotirs  ef  de  tous  les 
instMfts.;  Ilsu8><avottsi»traii9fot'nlé  tplte -^ex^redslon  de  la 
pensée*  de  «Spiabtat  en  idîsaiit  )?«  r  La  pwr  Mëiice  {  c*eët  Fen- 
semble'tdes'loisde'la'itateffB.H*  Spiuofta^  ^pense ,  avec  sblnt 
Jeans  «^  Diea<iiaQs  a  donné  de  isott  espvit  ;  qn^ii  est  en 


764  PHitûS9P0jUB 

BOUS  et  Que  mous  sonj^mç^.^  lui/,  de  là  le  patUtaéisaie  dont 
il  s*est.  fait  rexpQsiteur;,db  là  ^u$si  ses  croyances  wr  U 
constante  a^ction  de  la  pavideoce ,  mwifestée  d^iui^  sbo^ 
nièrç  ^nsible^par  le$  lois.de  la  vie. 

Les  religion^,  p^us  dit  Spiops4  «  W  ^ont  pa^.ua  <kA  direct 
de,  Id  divinité,,  mm  1^  conséquence  néce^ire  da  la  facolté 

3u  elle  a  mjse  en  nous.  L'esprit  humain  a  donc  dH  les  {iro- 
uirenatjureUemeutf  comme  il  a  produit  $90  langage,  selon  les 
conditions  diverses  d'eusteiice  des  peuples  ;  d'pà  il  r^alte 
que. toutes ^ont bonnes  sans  l'être  dune  manière  absolue, 
pourvu  toutefois  qu'elles  conduisent  les  hommes  à  la  Yeriu. 

.  Le.  XVIII''  siècle  n'ei^t,  en  littérature  et. en  philosophie, 
que  le  développement  du  XVII'.  Les.  salons  oonUauent 
leur  action  éinâncipatxice,  ;  c'est  tomoi^rs  l'épicuréisa]^  qui 
dopne  le  ton  à  la  haute  société.  .Ghauiieu,  le.priaur  de 
Yeodôflîe,  madame  de  Bouillon,  le  marquis  de  la  Fare, 
J.-B.  liousseavi,  Canuû&tron,  La  Fos^,  Pakpiia,  leJbAroD 
de  BreteuijI,  \^  pfésioents  de  Mijmes  et  Ferrwit  ».  le  loai^ 
quis  dq.£i^nge^^y,,Ie$  dtfcs  de  Nevi^^  ,et  de  Lai^uiUade, 
Régnier  .ç^t  .hç^çoup  d'autres  esprits  d'élite  »  ren^plaoàreBt 
le^^calébntj^s.  gpe  la  ,][pprt  ay^it  nxoissonn^s,,,  ai  co^Unuè* 
]eent  la  tradition  épiquripnn^.  On  faisait,  daos.cetl^^aiïde 
éqole^.ûn^  éqprine'  coftsoa^n^atiwi  d'esprit  ;  op  jj  causait 
€l.élipippséiqQPt  dé.toute3chQses^  et  l'on  n'y.  professait  d*aver- 
sioiji.  nuQ  ^fppi^r.le^  ,àt?SQlutisQ(\es  politique  et.  ;  celigi^au. 
tmlgléranoe  y  était  ^considérée  cqmmie  un  vice, . . , .  .vj, 
^ .  Deux  autres  éfiqles  s'élevèrent  à  oôté  da^peUe7ci;,:Vun€! 
(^i[e  de  Sceaux  ,.hf.^Qçonde  du  Gayeini.;  La  pi^eipîère^  |4uô 
arjs^oçratiqviÇj  pncore  que  pelje  du  Temple,  ^  ehajcgoa  de 
l'éducation. (le  \à  haute  société.  Le  çaroinal  de  Pi^ignac^ 
M,  de  SaintrAuUirei  ralj^  Genêt,  Yo)iaire,  Foat^eUe, 
La  i&Ipttq.^  pli^ipurs.  académiciens 4;  et  Ie3.fjpmmesi^plu3 
^'  la  moue^t  M,  iré^mentèrent.  par  goAJ  oji  a^r  *tû«^.  --t:  La 
^ciété,  dui  ,Cavpa^,réqni^it  l^»dém9!çratieIitt^4|îrQ:  on  j 
trouvait  les  Grébillon,  Gresset,  Pirofii»  6i?pM'9(?noaid»f> 
f.omi6çlien  ^a^MOUôj,^jchanson#i«E,Ça}^  ^,U^1s^i^4^u- 
^tres,  Celle-jçi  ne,4uMfq^'we  44X^i|i(a,,4;fwé6^,.inf|i«,^ 
ne  djsj^a^t  q^e..p<W*;.sedivi^r;  m  ^^griftiid  i^oia^  d<î 


1^0  BïkctB.  765 

sociétés  secondaires,  qui  portèrent  la  vie  intellectuelle  et 
Tesprit  d^indépendance  dans  des  cooches  parisiennes  plus 
rapprochées  des  travailleurs.  Ceux-ci  étaient  encore  aans 
les  limbes  ;  ils  ne  se  doutaient  même  pas  que  les  révolu- 
tions de  1783  et  de  1789  seraient  leurs  messies. 

Le  siècle  précédent  avait  eu  quelques  femmes  éminentes, 
mais  celles  du  XVIII"  éclipsèrent  leurs  aînées.  Dans  la  poli 
tique ,  brillèrent  la  princesse  dés  Ursins ,   Catherine  de 
Russie  et  Marie-Thérèse  de  Hongrie.  Dans  la  littérature, 
EBsabéth  Siftger,  poète,  épouse  de  Roire;  Henriette •  de 
Castélnan,  auteur  de  romans;  madame  Guyon;  Marie  Sy^ 
bille  ;  Merian  de  Francfort ,  naturaliste  et  peintre  d'histoire 
naturelle;  madame  Gallet,  auteur  de  comédies  ;  Anne  de 
Wirtchelsea,  poète;  Elisabeth-Claude  Jacquet,  musicienne 
et  compositeoT ;  Adrienne Lecouvreur,  comédienne;  Elisa- 
beth Dreuillet,  poète;  Anne-Thérèse  marquise  de  Lembert, 
qui  s'occupa  d'éducation  théorique  et  nratique;  Marie- Anne 
Bartner,  auteur  d'opéras  et  de  tragéaies  ;  la  marouise  du 
CWtelel,  aiAie  de  Voltaire,  penseur  sérient  ;  toadame  de 
Staaï,  née*  de  Launay,  auteur  de  mémoires  et  de  pSèces 
de  tfaéAtre  ;  Marguerite  de  Lussan ,  à  qui  nous  devons  des 
romans  ;  Françoise  de  Grafigiiy,  qui  nous  a  laissé  les  Lettres 
ftUMPéruviefine;  Marie Worlley Montagne, penseur,  écrivain 
et  phîlantPone,  à  qui  TAngleteite  et  la  France  durent  Tîno- 
culation  de  la  petite  vérole;  la  danseuse  Violelti;  la  prin- 
eesse:de  Beaumont,  auteur  du  Uégasin  dé$  EnfafUs  et  des 
Adolescents  ;  madame  de  Mefezières-Rîccoboni  ;  actrice  et 
auteur  de  romatts;  Antoe  ftadcltffe  :  voilà  les  femmes  les 
plus  célèbres  de  1700  à  178».—  Leur  iiifluetoce  ftrt  grande  ; 
elles -contribuèrent  staculièrement  à- répandre  les  idées 
de  teléf  ancfe  et  de  sociabilité.  Nous  ne  saurions  oublier  je 
rôle  des  Araéticaines  :  ici,  ce  ne  sont  pas  quelques-tines, 
«'esrrensemble  qti'il  faut  citer.  Toutes  surent  lutter  pour 
la  liberté;  touîtes,  ati  foyer  domestîqiie ,' se  crurent  appe- 
lées» à  fah*e^  l'édnèatioii  d'hommes  libres,  les  membres 
faiurs  d'utt  "grand  peuple.  ' 

NouB'^setoAs  soùsSlence  les  œimes  de  Tc*taire,Mes 
(iottiédies'  si'  spititUeSésdè,  Beauinarchais ;  etc.,  etc.  ;  il 
ïH)ttslafird^  tf'afriyer  à  une  littérature iptes  philosophique 


700  rauLOsoBniB 

encore,  k  ces  (grands  livres- qui  ont  engendré  les  progrès  de 
1783  en  Amérique ,  de  1789  en  Europe, 

..Vorally.se  présente  d'abord  ;  il  est  dans  une  voie  isolée, 
c'est  un  communiste,  mais  beaucoup  plus  habile  que 
l'auteur d*Vtofi$.  U  Aéorit Xm Na^firag»  dtê HÊ^FlaUamUt, 
li^re  trèsrmédiocre  dans  lequel  ça  et  là  se  reoccKitient 
quelques,  bonnes  pensées  ;  on  peut  le  résumer  ainsi  •:  k 
monde  est  la  patrie  de  l'humanité  ;  les  biens  de  la  nature 
d^raieat  être  cammunâ  à  tous  les  hommes  réonifi,  pour  en 
tire£  tout  le  par^i  possible,  eu  groistpes  de  £tmiàes  asso- 
ciées. — ;  Son  second  écrit,  le  Code  ie  la  JValuFe ,  longtemps 
attribué  à  Diderot ,  est  bieti  supérieur  ;  il  s'appuie  sur  ce 
priaeipe  Yi^ai  que  le  problème  socbal,  e*est  de  Ironver  une 
pQ$iUon  sociale  dans  laqueUe  il  sekipreaqu'impossiblfi  qut^ 
l'homme  devienne  méchant  ou  dépitavé.  Il  a  pour  seoond 
principe  que  l'homme  n'a  ni  idées  innées^  ce  qui  est  vrai, 
ni. penchants  innés,  ce  qui  est  faiix;  pouc  ^roisièaaoo, 
que.  nos  besoins  sont^^la  source  des  attractions  meirales 
et  dm  dévelQiQienaeQt  de  la  raison  «  ce  qui  esl  vrai;  sïTod 
tient  compte ,  ce  qu'il  oublie  ^i  des  tendances  innées  dors  i 
des, transmissions. héréditaires.  .    -      . 

iia  SfiiciafaiUté ,  ditr-il  ensuite,  réclame  la  sutetîivIiMr.de 
la  propriété  sociale  à  la  propriété  individuelle.  Cette  a^sar- 
tio^  (ait  beaucoup  trop  bon  marohérde  IHndiridii^té 
bumaine»  Horelly  ne  savait  paS:  commetiil  eoau^iHerle  eom- 
iuunisi»e^0  l'individuiihsÎBe.  Ilvetit.:  des'pooduitsvidépas- 
sant  les  besoins,  l'égalité  de  drcritâ  et  de  condîtîtos,  ie 
trayail.cpmmvm,  la  variété  daos  les  oceupatiofiii  îteùles 
cho^^s  qui  sont  bonnes  et  juates ,  maî&qui  «édaiiiient^  perar 
êt^  e^^écutéds ,  w  grand  perfectionkiement  des; peuplas.  Il 
vw^aussiides  foiQOtioE^.  selon  l'âge,  la  force,  le  talent  et 
1|éI&  avantages' de ïa  mutualité...,;      t  ;  -M 

,  ,Aprè&betauQ9upf  de.propositions^Caijisaès  ou  hasardées^  il 
arrive  à  eette  grande  pensée  :*  m  '   t 

il.reeeainait'Ie&Ueiifs  et  les  aaalogiesided eodres fliTsiqiie 
et;  moral  I  et  proclame  la  gravitatioB^  la  Un  umverseUe'de 
cequie^.t       .,-..,' .'»-  •    .    •■'  -*<  ..    '*■■     •    •' 


DU  SIÈtLlS.  767 

li  ne  connaît  pas  la  loi  des  traiisformations ,  mais  il  en 
a  le  pressentiment.  ' 

Aj^s  aroir  étndié  te  mal  moral ,  il  arrive  à  cette  remar- 
quable conclusion  : 

Im  êuptême-  mgnswe  perfêHitmne  ûu  €mééntiL 

Vient  ensuite  rexposé  d'un  système  communautaire  où 
se  trouvent  d'excellentes  idées,  mais  il  sacrifie  à  chaque 
instant  la  spontanéité  humaine. 

Noos  laisserons  de  c6té  iMaMy,  qui  ne  fut  qu'un  dêcla- 
Histeur  honnête  et  ardent ,  et  nous  reprenoos  cette  série 
de  philosophes  qui  a  marché  au  progrès  par  ta  grande 
route. 

Non»  trouvons  d'abord  les  libres  penseurs  d'Angleterre  ; 
vient  ensuite  Thomas  Bumet ,  qui  fonda  une  cosmogonie  , 
sur  oette  sopposîftion  que  l'axe  de  la  terre  aurait  varié.  ' 

Voici  Leibnitz ,  le  grand  apdtre  scientifique  de  l'Allema^ 
gne;  il  est  te  premier  qui  ait  dit  et  compris  que  Dieu  avait 
dû  faire  avec  la  plus  grande  économie  ce  qu'il  y  a  '  de 
meilleur' et  de  pras  parfait.  Il  avair  aussi  con(tf  lé  projet 
d'unel  langue  philosophitiue  universelle . 

Le  docteur  Boerhave  professait  à  la  mékne  époqup  les  doc- 
trines'^nisoM  le  fondement  de  cette  philosophie  du  XiX* 

En  vain  Stahl  voulut  établir  l'autbcratie  de  Tâme  sur  le 
corps  ;  en  vain  voulntMl  établir  que  ies  lois  dé  la  ndtUre 
physique  ne  sont  pas  celles  de  la  nature  vivante  et^nimgè: 
son  éeolé  eut  peu  d'adeptes. 

Kni787,  Fnéret,  homme  tr&s-savattt,  était  pèrsuadéj 
avec  Irénée,  que  Jésus  avait  phis  de  cinquiAnte  ans  quand  il 
est  mort  sur  la  croix.  Il  enseignait  ,conformémeni:  au  tar- 
guttvdes  juifs^  que  lésus  était  né  dti  temp«  dti  roî  'Janhëe. 
fils  d*Hircan;  il  prétendait  aussi  que  les  Evfrtigîffes  n'ont  ét\é 
écrits  que  phis  de  quarante  ans  après  là'  Wïortde  Jésus- 
Christ.  Il  se  rendait  compte  de  ta-  pluralité  des  Bvdngiles  de 
cette  manière  :  tous ,  disait-il  »  ont  été  faits  dans  des  lan- 
gues étrangèVes  éf  dans  des  villes  très-éloignées  de  Jérusa- 
lem', tcfDesijfueeorintiié';  Ephèse,  Alexandrie ,  TfteésâSo- 
nlquë.-Dans  fces'  tfllee,  !9ë'troôvatent=dës  éssêniétis ,'  Vies 
disciples  de  Jean ,  des  juifs  de  diverses  sectes  et  dé^  nèiza- 


768  PB|j[K>%[)jpmp 

rôens«  Chaque  scMîiété  v^ukvt  avoir.le .  sim.  Il  ^ûontait  que 
les  qiiatre  Evangiles  canoniques  ont  dû  être  ôerUsloa  der- 
niers 9  les  prea^iers  pères  de  TégUsa  ae  \e^  «y«iU'pBS  cilés. 
Il  affirmait  que  Josdn  est  le  premier  qui  oiie  expraostoeot 
nos  Evangiles^  cenl  ans  après  Tèr^  ^idgaiie.'  Â^pràft  «voir 
cpmbattu  ipequ  il  appelle  les  {rajides  pieuses  du;pfipi^(i^se, 
il  concluait  à  Tadoration  d'un  seul  Dieu  ,  à  rindulgeood  el 
à  la  tolérance*  Passant  en  revue  t9u$  ti^s  «viB^es-  commis  au 
nom. du  christianisme,  les  aiitssacre&  juridiques  d^ l'ÂiMpii- 
sition ,  les  schismes  et  les  guerres  de  pape  conUre  pape  « 
(j'évèque  contre  évéque,  les  empoisonnements  «  lesjwassi* 
uata ,  les  rapines  des  Jean  XI ,  Jean  XII,  lean  XVIU,  Bo- 
nilace  VIII,  Alexandre  VI  »  et  toutes  çe&  persécutions  qui 
oat  duré  1,400 ans,  il  soutenait  que  tout  eeU  n!eat  m^-od 
lieu ,  si  réellement  Dieu  fait  homme  était  mart  eo  Piuestkie 
pow:  bannir  le  péché  de  U  terre.*  .   •    -.;    j  •  .. . 

En  1743,  l'abbé  de  Saiot-Piecre  publ^  son.pn^etde 
paix  universelle.  . .    •  i  •    .  .  .i    .r 

yauvçnargues  .(  le  marquis  de^ .  a  .(pujUÂé  /^ers.  U  même 
époque^  sous  le  titre  i'fnlroè^ction  4  U  Gfifinaiêtmn  àê 
VP^rii.  Humain^  up  livr^  très-bcoi  pour  &oa  teippsu     . 

Veir^  %im,  de  là  Métrie  >»de  Saint-MaU»,  éi^e^dQ  i&»- 
erhave ,  fit  Tbistoire  naturelle  de  VAxa»  «  ea  oKi&traatiaes 
rapports  intimes  avec  le  corps.. Il  a  pvJMiâ  depuis  ipuèl*- 
au€is  livres  où  l'on  trouve  beaucoup  d'^prii  .^  dse  pata- 

aUXeS.  V  :«      ■      lii 

Il  faut  reporter  à  1759  la  publioatiofi:  dal'Kncor^lQpédie. 
C^t,  ouvrage  «.  M  nouveau  pwir  son  époque  i  :  MoUîbwi; .  ,$io- 
gulièyr^ate^itaux^fro^ès de  toute  wtvireu  La.préfMi* qb^IuI 
ecirite  avec*  une  baute.  pbilosopbie.par  d'ÀJIfeiibert,,  rcel  il- 
lustre matbémalicîea  (pu  fut  le  pève  ,i£rt^eo4ufA  jet<iL':tim 
d'un  autre,  savant  bqUi  moins  émineAtr^ous  tous,  if»  w^ 
ports;,  le  m^irquÂs  de  Condorcet.  .  Mi      .^ 

Que  dirons-nous  de  Diderot?  C€iiabien,»'^Hrtt:pasiené; 
mais  que,,  de  bonnes,  que  d'eiLeoUentea^icbG^vuaJls  Mus 
ses  écrits  I  Ses  lettres  «ur  les  avenues,  eli  lmsQiindb|«t  fimsts 
sont  ef^e^vem^lrafna^iiiAbhessi  elLvieâ9eAdM|t^ii^ea.lui 
coûtèrent  la  liber<|é.  Nous  ne  pass^Kio^t  piti  >w» jreyiMs«&  di< 
vers  ouvrages  ;  il  nous  suffit  de  (Ure.qu'AVdo  dm  iOCBon 


i>ir  «tÈètia.  769 

pores ,  11  est  allé  âassi  loin  que  fbùrHsr  dans  sa  nianfère  de 
comprendre  la  liberté  des  amotirs.  '  ' 

Nous  laisserons  de  cftté  bon  nombre  d'ouvrages  secondai- 
res ;  mais  nous  rappellerons  que  de  1760  à  1780,  pararent 
en  France  d'importants  écrits  économiques  :  Quesha'i , 
Goumai ,  Targot ,  Raynal ,  se  distinguèrent  dans  cette 
direction» 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  le  marquis  d'Ar- 
gent 0t  d'Holbadi  ;  quand  è  Hehétius ,  il  reconnut  dès  cette 
époque  que  l'homme  est  guidé parses  attractions,  en  d'hu- 
tre8  termes  qu'il  obéit  à  ses  intérêts,  et  il  arriva  sur  la 
voie  de  cette  grande  vérité ,  que  la  physiologie  sociale  doit 
avoir  pour  but  de  combiner  l'intérêt  général  avec  les  inté- 
rêts particuliers.  Sans  doute  îl  n*a  pas  compris  cette  ques- 
tion comme  nous  la  comprenons  actuellement,  parce  que 
la  science  n'était  pas  encore  ass^z  avancée;  mais  n'était-ce 
pas  beaucoup  que  de  faire  sentir  ce  que  c'est  que  l*é- 
goïsroe  bien  entendu  ?     * 

0ufroti,'si  èdittkable  en  9on  style,  mais  plus  philosophe 
el  Iftlérsteurque  savant;  Gondillac,  le  frère  de  MaMy,  dont 
■la  doctrine  a  depuis  été  corrigée  par  la  phrtnologie  ;  La- 
Tâler  ^  le  physionomiste  ;•  Frawklin  ;  l'un  des  grands  phylo- 
Mpb^  pcÀf tiques  q«i  aient  vécu;  Kattt,  métaphysicien  pro- 
fond, qui  a  souvent  entraîné  T Allemagne  en  dehors  de  ia 
yoie$c&âtifique,  de  l'etpérieneè  et  de  l'observation;  Adam 
Smith ,  le  créateur  de  l'économie  politique  ;  Dupont  de  We^ 
meurs,  économiste  habile  en  son  temps  et  philosophe  bien- 
vétBant^-W.  Itoberston ,  l'auteur  de  VHistmre  lie  Ckarks-- 
Quint  et  de  quelques  autres-ouvrages  écrits  avec  conscSettce 
etsarvoir;  Cabanis,  l'un  des  créateurs  de  la  philosophie 
physiotogique:  voilà  encovedë grandes ii^]^^.Ut]^ esquisse 
le$gig»alei  une  histoire  aifalyseraitleurs  oeuvres. 

Trois  hommes  méritent  ici  quelques  lignée^  spéciales'  :  t^ 
sont  llontësquifetf,'Vo1t<iircf  et  Rousseau.      ' 

tes'£tirri»^it'»<ttMâ^'preDQier'Sontfhies€t  spirituelles; 
ellesifrrfppaïiwi-«'iriiaipp€lfttene(«^  très^j^^     ' 

l^li^tfiè'd»^hnée  ne  mi^  ëatisféil  pés;  tes-alies  ^é 
râigifr  m  sont  pohiC  Mi&^fiimïSi^  t^llfes  ^  papffiôn ,  potir 
votSger  ^  fleur'eûîfléur.    ^ 


770  PHILOSOPHIS 

La,  ^M4l«iire/.Ja  DicadtncêdeB  ^main^  brille  par  k 
virilité  du  style  et  le  bon  sens  exquis  des  jogements  ;  mais 
la  première  partie,  la  grandeur,  est  très^upérienre  à  la  se- 
conde. Ici,  1  auteur  n- a  pas  toujours  vu  juste  :  nous  avons 
essayé  de  corriger  ses  erreurs.  Dès  183S  «  noils  avons  éwis 
sur  ce  si^et,  en  un  cours  public,  des  opinions  que  les 
élèves  de  Guizot  ont  cru  devoir  reproduire  et  développer 
saips  nous  citer  «  après  les  avoir  taxées  de  paradoxales. 

.  Ii'£fpr«l  d$s  tewest  aujourd'hui  en  face  de  faits  Dooveaux 
et  pçHUK,  prévus;  mais  c'est  un  livre  àeonsulter  pour  la  com- 
position d'une  histoire  universelle.  Montesquieu  comprenait 
mieux  que  personne  en  son  siècle  la  filiation  des  faits. 

Voltaire  avait  vieilli  :  ses  détracteurs  le  font  revivre  et  le 
rajeunissent.  —  11  est  un  des  premiers  qui  aient  compris 
l'histoire:  poète,  il  eut  un  gra^nd  talept;  4)hilosophe,  il  a 
montré  du  génie ,  le  génie  de  l'esprit  gaulois,  la  verve ,  la 
clarté ,  la  saillie. 

Rousseau  a  écrit  un  roman  intitulé  La  Nomelle  Bélétm. 
OUt  litb^aiucQiip  la  première  partie  de  eef  ouvrage.  Pm 
d'bQinmea ,  peu  de  feimnes  surtout  connaissent  la  seconde. 
La  beiauté  du- style  et  les  sentiments  élevés  semés  à  chaque 
pagQêf  surtout  dans  la  seconde  partie,  donnèrent  le  chaofçe 
ai^  XVIU''  sièele;  U  ne  s'aper^^t  pas  que  Rousseau  avait 
manqué  son  oeuvra 

.  IifjEmi/fi  est  ausd  wm  ceuvro  manqoée.  La  vigueur  de 
cei^aine^  parties  enflamma  les  esprits,-  et  les  erreurs  furent 
mis^s  M  Oiobli.     > 

..LesiCon^Raaiîpfiasi  délicieiises  à  lire,  car  Rou^sieaa  fut  le 
plus  J^nmà  écrivain  de  son  siède, Délaissent  pas  que  d'être 
unt,Qu.tr4g^tifirt  pe«  mpral  en  soi.      ' 

i  Lé.  Cim(ra^  SotM  dévelopne  «ne  séfie  de  sopM^mes^  Il  a 
étéla  BomfcQ'dea  plas.  gradues  fautes  dès-Français  eii'89. 

iRousaeau invoque  lafaiptiie  comme  base  et  û;)Odète  ^des 
sociétés  primitivesi)  c'iestbien  i  maris 41  4i?an^'  p|^'  étudié 
cette  grande^  question..  Jl  pose  convenafbli^neilt'fe^  blit  ia 
C<oMi^>$M'a4vifi*opi9iâ»de  ^uito  un  Mt  im«ienée,  te  nom- 
bre ai  iiipniidérabk^idHps  toutes  ^los  sociétés  ,d€s  mtnears 
intdkdtuds  qu*iUappeIle  à  exero^  le  diroit  de  "âoèvêrai- 


MJ  8ISCIB.  771 

neté.  —  Avant  le  8ui&age  universel,  il  faut  :  1^  rédueati^n 
universelle;  2"*  le  savoir  umveiwl****^  La  votonté  générale, 
dit-il  ensuite  V  ne  saurait  errer  lit 

Cette  proposition  est  une  grave  erreur  démentie  à  ehâ- 
cune  de  ses  pages  par  l'histoire. 

En  somme,  Rousseau  ne  comprenait  pas  que  les  lo^ 
doivent  être  physiologiques  pour  être  justes ,  et  qu'une  loi 
^tée  à  runanimité  par  un  peuple  ignorant ,  peut  être  in-* 
juste  et  absurde.  Dans  ses  autres  osavresv  Housseaa  so 
montre  dialectitien  très-habile,  grand  artiste  et  grand 
poète. 


mOUVBBïENt  SCIBNÏIFl'OtJB. 


W  culture  du  café  i  Tintrodaction  des  âmes  A  fBu  ,>  d^ 
magnifiques  travaux  hydrauUcpits  en  Italie ,  In  fonéâtkAi' 
d'universités  nombreuses  et  leur  af  grandistemeitt ,  PecDfHèi 
de  verres  concaves  et  convexes.,  les  dédouTertev  de  Chris^ 
tophe  Coloml?  et  de  Vasoo  <le  Gavia,  la«  chambre  obscure 
de  l^orta ,  les  grandes  études  du  peintre  Léonard  de  Viticî  ; 
et  jpar  dessus  tout  rimprimefie  i  Toili  le  -  peint  de  déport 
de  notre  civilisation  môdenie.  Nous  venons  detiire^om^ 
ment  elle  a  parlé  littérature  et  f^iiosophie  d0iis>  lêft  t(ols 
premiers  siècles  t  v/oyoas  quds  <»t  été  lespregrts-dcf^aôn 
savoir,  jusqu'à  cette*  grande  époque  de  IffSd  è  180^<  ^iv 
tout  s'est  renouvelé  dans  le  monde  pour  s^app^y^f  ibisHu^ 
coup  pUl$  encore  que  par  le  passé  sur  la  soiemè;  o61e  dief 
de  t^ France,  où  Napolém  est  allé 's'a68doir*iur  teS'btfîic^ 
de  Ilnstitut  :  fait  immense  au  point  de  vue  philosophique  \^ 
puisqu'il  i^e  créait  delà  soKe  mie  papauté  smentiAqoe^  dMt 
luina^Lèm^  n'a:pafi  SH  tire?  t^ut  1^  parti  possible;        *  '   •  ■ 

£a  l£43i,  Coperoici  après  avoir  étudié<  les  «nèiens^  tè^ 
vint  au  ^stei^e  de»  rindeel  de  Pyritagait  vtnifais  fl«eM^M<l 
les  persécutions  r^ieuses*,  ^et  "ne^'^pfbpoM  c^ktegtaâdei 
restauration  que, comme  ime  simple  hypothèse.*  ^^^Ithfeti- 


772  PHILOSOPHIE 

eus ,  son  coHuborateur  et  son  élève  fat  plus  hardi.  — 
Ticho-Brahé  vint  ensuite  et  mourut  en  1601 ,  laissant  à 
Kœpler  ses  immenses  observations  et  ses  perfectionnements 
astronomiques. 

Ce  grand  génie  appartient  à  la  fin  du  XVI"  et  au  com- 
mencement du  XVU"  siècle.  Il  fut,  nous  dit  La  Place, 
l'un  de  ces  esprits  rares  que  de  temps  en  temps  la  nature 
donne  aux  sciences  pour  faire  éclore  de  grandes  théorie^ 
préparées  par  les  travaux  de  plusieurs  siècles.  Dès  1590, 
il  s'occupait  des  forces  centrifuge  et  centripète.  En  1795 , 
il  se  livrait  à  ses  études  sur  la  planète  Mars.  Bientôt  il 
expliqua  la  vision ,  le  flux  et  le  reflux  des  mers.  Plus  tard, 
après  avoir  essayé  mille  fois  de  faire  mouvoir  la  planète 
Mars  dans  une  orbe  circulaire ,  il  reconnut  qu'elle  parcou- 
rait  une  ellipse  et  découvrit  les  lois  de  son  mouvement.  Il 
alla  plus  loin  ,  il  constata  le  grand  fait  de  la  gravitation  et 
formula  ainsi*  sa  pensée  :  (c  Si  la  lune  et  la  terre  n'étaient 
retenues  dans  leurs  orbites,  la  lune  et  la  terre  iraient  à  la 
rencontre  l'une  de  l'autre,  la  première  faisant  les  *^i^^  du 
chemin.  »  Ce  grand  homme  vécut  pauvre ,  et  mourut  en 
16S1,  à  Ratisbonne\  où  il  avait  dû  se  transporter  pour 
réclamer  l'arriéré  de  ses  appointements. 

A  côté  de  l'astronomie  se  développait  la  gnomonique, 
et  l'Europe  procédait  à  la  réforme  de  son  calendrier.  Au 
mois  de  Mars  1582,  le  pape  émit  un  bref  pour  faire 
adopter  le  prcget  d'Aloisius  Lilius,  astronome  véronais, 
et  cette  année  on  sauta  du  4  au  iS  octobre. 

Les  mathématiques ,  ce  grand  instrument  du  savoir,  re- 
çurent» aussitôt  la  découverte  de  l'imprimerie,  des  perfec- 
tionnements que  nous  devons  signaler.  Dès  le  commence- 
ment du  siècle,  Maurolicus  démontrait,  avec  une  rare 
élégance,  les  propriétés  des  courbes  coniques.  Pierre  Ramiis 
introduisait  la  science  dans  l'université  de  Paris  ;  où  il  se 
posait  en  adversaire  d^Aristote.  Mal  lui  enprit  :  dure  et  fière 
avec\les  faibles,  l'université  ne  put  entendre  sans  colère 
blâmer  saint  Aristote ,  dont  le  savoir  la  faisait  vivre  ;  elle 
eraî^ît  pour  son  pain  quotidien.  Procès  lui  fut  fût,  et  il 
le  perdit.  Sa  condamnation ,  aiBchée  aux  portes  des  écoles^ 
lui  valut  mille  outrages  ;  mais  la  France  lui  a  pardonné 


BU  SIÈCLE.  775 

depuis.  Elle  se  rappelle  qu'il  a  fondé  cette  chaire  qu'illus- 
tra si  longtemps  Roberval ,  tandis  qu'elle  tient  rancune  à 
soa  université  qui  a  bien  d'autres  méfaits  sur  la  conscience. 
—  Imitant  l'exemple  de  Ramus,  M,  de  Candalle,  arche- 
vêque de  Bordeaux,  fonda  aussi  une  chaire  scientifique. 

L'algèbre  de  Lucas  de  Burgo  ne  dépassait  pas  les  équa- 
tions du  second  degré  ;  encore  devons-nous  «goûter  qu'il  ne 
«connaissait  pas  l'usage  des  racines  négatives.  L'Italie,  où 
l'algèbre  avait  été  primitivement  importée,  fut  aussi  le  lieu 
où  elle  grandit  tout  d'abord.  Tartaléa  nous  a  laissé  en 
mauvais  vers  italiens ,  ses  découvertes  sur  les  équations 
cubiques.  Bientôt  Jérôme  Cardan  les  développa  :  le  pre- 
mier il  distingua  les  racines  en  positives  et  négatives.  On 
acquit  des  méthodes  pour  résoudre  les  équations  du  troi- 
sième et  du  quatrième  degré.  Elles  firent  connaître  Louis 
Ferrari ,  l'un  des  disciples  de  Cardan.  —  Dès  1S29 ,  Bom- 
belli  pul>liait  son  algèbre. 

Tel  était  l'état  de  la  science ,  lorsque  Viéte  parut.  Le 
premier  il  représenta  par  des  lettres,  non-seulement  lès 
quantités  inconnues,  mais  encore  les  quantités  connues. 
Ce  n'était  pas  chose  indifférente  :  en  agissant  de  la  sorte , 
toute  trace  de  valeur  individuelle  disparaissait  dans  les 
problêmes  à  résoudre.  L'algèbre  prenait  ainsi  ce;  caractère 
qu'elle  a  depuis  développé  si  puissamment ,  d'une  langue 
généralisant  et  résumant  toujours  avec  une  certitude  abso- 
lue ,  d'une  langue  qui  peut  écrire  en  quelques  lignes  des 
pages  entières.  Viéte  imagina  aussi  la  plupart  des  trans- 
formations dont  on  peut  faire  usage  pour  présenter  une 
équation  sous  sa  forme  la  plus  commode  «  c  est-à-dire  ce 
que  nous  appelons  aujourd'hui  la  préparcUian  des  équa-* 
iions. 

Il  ne  craignit  pas  de  chercher  à  résoudre  les  équations 
de  tous  les  degrés  ;  il  fit  des  applications  heureuses  de  l'al- 
gèbre à  la  géométrie,  et  créa  la  théorie  des  sections  angu- 
laires ,  c'est-à-dire  qu'il  rechercha  cette  loi  selon  laquelle 
croissent  et  décroissent  les  sinus  et  les  cordes  des  arcs  mul- 
tiples ou  sous-multiples, 

En  regard  de  ces  progrès ,  la  navigation  devint  l'art  de 
se  conduire  en  mer  à  l'aide  de  l'astronomie  et  de  la  géo- 

33 


774  PHILO^PHIE 

métrie*,  On  s'occupa,  des  cartes  marines.  Mercfi^r  et 
Wright  se  distinguèneat  dans. cette  direction.  Le  besoin  de 
trouver  plus  facilement  la  lojoigiiude  conduisit  à  étudier 
cette  courbe  appelée  loxodromie ,  décrite  par  un  vaisseau 
qui  suit  constamment  le  même  rhumb  de  vent  oblique  au 
méridien. 

Un  hasard  heureux  avait  donné  à  la  science  le  télesoape, 
cet  instrument  prévu  et  prédit, par  le  moine  Roger  Baooo. 
Galilée  en  eut  à  peine  connaissance ,  qu'il  s'atlacba  à  le 
perfectionner*  En  le  tournant  vers  les.  astres ,  il  reconnut 
les  phases  de  Mercure  et  de  Vénus ,  et  dès  lors  il  ne  douta 
plus  de  leur  mouvement  autour  du  soleil.  Les  satellites  de 
Jupiter  qu'il  découvrit  encore ,  lui  montrèrent  une  nouvelle 
analogie  de  la  terre  avec  les  apparences  occasionnées  par 
Tanneau  de  Saturne.  En  publiait  ces  découvertes,  il  fit 
voir  qu'elles  prouvaient  incontestablement  le  mouvemeot 
de  la  terre  ;  mais  la  pensée  de  ce  mouvement  fut  déclarée 
hérétique  par  une  réunion  de  cardinaux,  et  Galilée,  eké 
au  saint  tribunal  de  l'inquisition,  n'échappa  a  la  prûoii 
qu'en  se  rétractant. 

Entraîné  par  sa  croyance  scientifique  et  vaincu  par  son 
aqiour  de  la  vérité,  Galilée  ne  put  se  résigner  à  garder  ie 
silence.  Il  publia  donc  ses  découvertes ^  mais  sous  lafonne 
d  un  dialogue  entre  trois  interlocuteurs,  dont  l'undéién- 
dait  le  •  système  de  Copernic.  Malheureusement  pour  loi 
r inquisition  le  surveillait.  Le  sucràs  prodigieux  de  ses  (lia- 
it >gues  excita  l'ardeur  intolérante  du  clergé,  et  ia  proteetioo 
du  grand  duc  de  Toscane  ne  put  l'empêcher  d'être  appdé 
à  comparaître  devant  ce  redoutable  tribunal  par  lequel  il 
avait  été  condamné.  Le  plus  grand  savant  de  l'Europe  fut 
alors  mis  en  prison  et  l'on  exigea  de  lui  l'abiuration  de  ses 
prétendues  erreurs,  en  lui  faisant  siper  la  dédaratioD sui- 
1  vante  : 

a  Moi ,  Gahlée ,  À  la  soixante  et  dixième  année  de  mon 
»  Âge,  constitué  personnellement  en  justice,  étant  i^  g^- 
ji>  noux  et  a^aut  devant  les  yeux  les  saints  Evangiles  que 
»  je  touche  de  me^  propres  mains ,  d'un  cœur  et  d'une  foi 
»  sincère,  j'abjure^  je  maudis.,  je  déteste  l'absurdité,  Ter- 
M  reur  4  l'hérésie  du  mouvement  de  la  t^re ,  etc.  » 


DU  SIÈCLB.  775 

Quel  spectaele ,  dit  éloquemment  Laplace,  que  celui 
d'un  vénérable  vieillard ,  illustré  par  une  longue  vie  consa- 
crée toute  entière  à  Tétude  de  la  nature ,  abjurant  à  genoux, 
cariire  le  témoignage  de  sa  propre  conscience,  la  vérité 
qu'il  avait  prouvée  avec  évidence!  — Un  décret  de  Tinqui- 
sition  le  condamna  à  une  prison  perpétuelle.  Il  fut  élargi 
après  une  année  par  les  sollicitations  du  grand-duc ,  mais 
pour  Fempêcher  de  se  soustraire  au  pouvoir  de  l'inquisition, 
on  lui  détendit  de  sortir  de  Florence., 

Jusqu'alors  les  calculs  astronomiques  avaient  été  d'une 
longueur  désespérante.  Kœpler  eut  en  mourant  la  consola- 
^  tien  de  les  voir  singulièrement  réduits  et  simplifiés  par  l'in- 
vention des  logarithmes ,  machine  intellectuelle  admirable, 
due  au  génie  du  baron  Ne per ,  d'Ecosse.  Ce  grand  savant 
mourut  pauvre ,  et  la  misère  a  été  le  lot  d'une  existence  si 
utile  à  rbumanité. 

Pascal ,  dans  tout  ce  qu'il  a  fait ,  nous  a  montré  ce  qu'il 
eût  pu  faire  si  sa  vie  toute  entière  avait  été  consacrée  aux 
sciences.  Descartes ,  encore  qu'il  ait  eu  à  redouter  mille 
persécutions  et  tracasseiies ,  n'a  pa^  laissé  de  révolutionner 
dans  le  monde  des  géomètres  comme  dans  celui  des  philo- 
sophes. Il  est  le  premier  qui  ait  représenté  les  courbes  par 
la  relation  toujours  semblable  qui  existe  entre  l'abcisse  et 
l'ordonnée.  —  Celte  grande  application  de  l'algèbre  le  con- 
duisit à  trouver  les  lieux  géométriques  du  second  degré,  et 
sa  couchoïde  parabolique  ;  les  tangentes  ,  les  points  d'in- 
flexion des  cpurbes  et  leurs  asymptotes  le  préoccupèrent.  Il 
eut  toutefois ,  dans»  cette  direction ,  un  digne  rival , 
M.  Fermât.  Ce  philosophe  laissa  beaucoup  de  ses  travaux 
géométriques  incomplets.  Les  problèmes  qu'il  a  résolus 
nous  prouvent  qu'il  possédait  des  moyens  d'analyse  dont  il 
n'a  pas  toujours  donné  l'explication. 

Notre  amour  pour  Descartes  pourrait  nous  entraîner  au- 
delà  des  limites  d'une  simple  esquisse  historique  :  nous  re- 
venons aux  faits  sérieux  de  la  science. 

Galilée  avait  découvert  la  loi  de  la  diûte  accélérée  des 
corps ,  la  courbe  produite  par  ceux  qui  sont  obliquement 
projetés ,  les  rapports  de  durée  des  oscillations  de  pendules 
inégaux;  beaucoup  1^  suivirent  dans  cette  voie.  Castelli  et 


776  PHWSppçj^B 

TonicelU  jetèrent  les  iQpdemeials  de  rbydraidiqoe.  Torri- 
celli  et  Descartes  dépouirrirent ,  h  la  iDêsoe  époque ,  la  pe- 
santeur de  Tair.Ces  découvertes  furent  Toccasion  d  un  traité 
^e  mécanique ,  en  quelques  pages,  que  Descartes  écrivit  à 
la  ^Uicitatiou  deM.Zuilicheai,  le  père  de  Huyghens. 

La  première  moitié  du  siècle,  s'achève  ,  ^t  nous  voici  à 
uae  époque  où  les  plus,  grandes  découvertes  vont  se  rap- 
procher» en  suivant  la  loi  de  la  gravitation.  Buyghens  ap- 
plique le  pendule  aux  horloges,  découvre  l'anneau  de  Sa- 
turne ,  perfectionne  la  géométrie ,  la  mécanique  «et  Toptique. 
.  Mieux  placée ,  par  suite  de  sa  position  <H)utinentale ,  que 
1  académie  de  Londres,  la  sooiéte  des  savants  de  France  ne 
tarda  point  à  faire  graviter  vers  Paris  les  hommes  les  plus 
éminents.  Huyghens  et  Cassini  furent  de  ce  nombre.  Ce 
dernier,  pendant  quarante  ans ,  fut  Tune  des  gloires  de 
l'astronomie.  Nous  lui  devons  la  théorie  des  satellites  de 
Jupiter ,  la  découverte  de  quatre  satellites  de  Saturne  , 
colle  de  la  rotation  de  Jupiter  et  de  Mars.;  celle  de .  la  lu- 
mière zodiacale.  Il  avait  trouvé,  à  très  peu  près,  la  pa- 
rallaxe du  soleil,  et  laissa  inédite  la  théorie  complète  de  la 
lihration  de  la  lune. 

•  Pendant  que  l'académie  des  sciences  appliquait  le  léles- 
i:ope  au  quart  de  cercle ,  inventait  le  micromètre ,  rhélio- 
mctre ,  découvrait  la  marche  de  la  lumière ,  mesurait  la 
j/randeur  delà  terre,  son  applatissement  aux  pôles  et  la 
(iiminution  de  la  pesanteur  à  l'équateur,  la  société  royale 
de  Londres ,  plus  ancienne  de  date  que  la  société  savante 
de  France ,  marchait  avec  la  même  ardeur  dans  la  voie  que 
le  génie  des  Galilée  et  des  Kœpler  lui  avait  ouverte.  Là  se 
distinguaient  Flamsted,  grand  observateur  s'il  en  fut; 
llalley ,  connu  par  ses  voyages  et  son  travail  sur  les  comè- 
tes ,  par  sa  prédiction  du  retour  de.  la  comète  de  1759  ; 
Bradley,  qui  a  découvert  l'aberration  des  fixes  et  la  muta- 
tion de  l'axe  de  Ja  terre.  Mais  tous  furent  éclipsés  par 
l'immortel  Newton ,  auquel  nous  devons  la  découverte  de  la 
gravitation.  Aidé  de  la  mesure  du  degré  du  méridien  faite 
en  France  par  Picard ,  il  reconnut  que  la  lune  était  rete- 
nue dans  son  orbite  par  le  seul  pouvoir  de  la  gravité  sup- 
posée réciproque  au  carré  des  distances.  U  trouva  que  la 


wsrfeoifi.  777 

ligne  décrtie  par  le&oori^tiaii^''  leur  cbiKté  e$t  mie  éltit)s«». 
dont  le  centre  de  la  terre  occope  l'un,  des  foyers.  Considé- 
rant ensuite  qoe  les  orbes  des  planètes  sont  pareillement 
de!3  ellipses  au  foyer  desquelles  se  tpoute  placé  lecentre  dii 
soleil ,  il  eut  la  satisfaction  de  vbir  que  sa  solution  s'appli- 
quait à  ces  grands  corps  de  la  nature.  Etudiant  les  sec- 
tions coniques,  il  démontra  qu*un:  projectile  peut  ise  mou^ 
Toir  dans  Tune  d'elles  quelle  qu'elle  soit ,  en  vertu  d'une 
force  dirigée  vers  son  foyer,  et  réciproque  au  carré  de$ 
<Ustances.  Il  prouva  que  le  mouvement  de  rotation  de  la 
terre  a  dû  Fapplatir  à  ses  pôles  ;  il  vit  que  l'action  canrt)i- 
Dée  du  soleil  et  de  la  lune  Sur  le  sphéroïde  terrestre  doit 
produire  un  mouvement  dans  soii  ate  de  rotation ,  faire 
rétrograder  les  équinoxes ,  soulever  les  eaui  de  l'océan  et 
produire  le  fiux  et  le  reflux.  Enfin ,  il  s'assura  que  les  iné- 
galités du  mouvement  de  la  lune  sont  dues  aux  actions 
combinées  du  soleil  et  de  là  terre  ;  mrals  la  plupart  de  ces 
découvertes  ne  furent  qu'ébauchées  par  Newton  :  le  3^vni'* 
siècle  les  a  conânfiàées  et  complétées: 

Ces  découvertes  demandaient  des  méthodes  d'analyse  plus 
puissantes  que  la  méthode  de  Descartes ,  que  Tarithméti- 
que  des  infiniment  petits  de  Wallis  ;  elles  furent  singuliè- 
rement facilitées,  quelques-unes  du  moins,  par  ces  deux 
procédés  qui  consistent  : 

L'un  à  trouver  les  rapports  des  accroissements  et  des  dé- 
croissements  successifs  d'une  même  quantité  variable  ;  l'au- 
tre  à  retrouver  la  quantité  elle-même,  d'après  la  connais- 
sance de  ce  rapport,  soit  que  l'on  suppose  à  ces  accroisse- 
ments une  grandeur  finie,  soit  que  l'on  n'en  cherche  le 
rapport  que  pour  l'instant  où  Ils  s'évanouissent.  —  Cette 
méthode  nouvelle  ainsi  armée  de  deux  procédés  ou  mécanis- 
mes puissants,  s'étendant  à  toutes  les  combinaisons  de  gran- 
deurs variables ,  à  toutes  les  hypothèses  de  leurs  variations, 
fit  la  gloire  de  Newton  et  de  Leibnitî,  qui  la  découvri- 
rent en  même^  temps.  Elle  conduisit  à  déterminer ,  pour 
toutes  les  choses  d^t  les  changements  sont  susceptibles 
d'une  mesure  précise ,  soit  les  rapports  de  leurs  éléments , 
soit  les  rapports  des  choses  d'après  la. connaissance  de  ceux 
qu'elles  ont  entre  dles-mêmes,  lorsque  les  rapports  de 


778  PHifiOMPHifi 

leurs  éléments  sont  seulement  connus.  «^  Les  progrès  <pii 
en  résultèrent  se  firent  vivement  sentir  ara  début  du  XVIII* 
siècle ,  dont  les  premières  années  nous  rappellent  le  per- 
fectionnement du  télescope  par  Newton  qui  donna  aussi  an 
thermomètre  ses  deux  pointes  fixes,  la  carte  de  la  déclinai- 
son de  raimant  par  Halley,  les  présomptions  de  quel- 
ques physiciens  sur  les  relations  des  formes  primitives  «t 
des  cristaux ,  la  réformation  de  la  musique  par  Rameau. 

En  1718  fut  observée  la  première  aurore  boréale  ;  en 
1735  fut  mesurée  la  vitesse  de  la  lumière;  en  17S9,  les 
géomètres  français  procédaient  à  la  mesure  du  méndien 
terrestre,  opération  qui  a  illustré  Bougner ,  La  Condamine, 
Godin  et  Jussieu.  En  1749 ,  Franklin  associait  le  nouvem 
Monde  aux  progrès  scientifiques  de  l'ancien.  —  Les  obser- 
vations de  Bradley,  sur  la  vibration  de  l'axe  de  la  terre  e( 
Ttfberration  des  étoiles  fixes  ;  fe  retour  de  la  comète  de 
Hâlley,  annoncée  par  Clairaut  (1750);  les  grandes  étucks 
de  Dalembert,  sur  la  mécanique;  la  découverte  d'Uranuspar 
Herschell,  en  1781  ;  celle  de  Pallas  par  Olber,  en  1782;  la 
géométrie  descriptive  de  Monge;  la  création  de  Tlnstititt, 
en  1796  ;  la  fondation  du  bureau  des  longitudes  et  de 
rÉcole  polythecnique ,  qui  datent  de  la  même  année;  les 
immortels  travaux  de  La  Place  (1796)  et  deLagrange. 
remplirent  la  fin  du  siècle. 

Ici  se  présente  un  nouveau  fait  excessivement  important 
pour  l'histoire  :  Galilée ,  Descartes  et  Fontenelle  avaient 
fait  pressentir  une  littérature  scientifique  qui  mettrait  les 
questions  les  plus  élevées  à  la  portée  d'un  nombre  considé- 
rable d'esprits.  D'Alembert  ;  le  marquis  de  Condorcet,  dans 
ses  éloges  académiques  ;  Euler,  dans  ses  lettres  à  une  prin- 
cesse d'Allemagne,  et  Laplace,  dans  son  petit  ouvrage  en 
deux  volumes ,  sur  le  système  du  monde ,  ce  livre  si  re- 
marquable, ou  chaque  page  étincelle  de  grandes  beautés , 
continuèrent  cette  tradition. 

Ils  ont  frayé  la  voie  dans  laquelle,  de  nos  jours,  Arago  et 
DeHumbold  ont  trouvé  de  nombreux  imitateurs;  ils  ont  fait 
sentir  le  besoin  d'un  journal  de  science  populaire  «  dans 
lequel  la  rédaction  saurait  élever  ses  lecteurs,  parla  lucidité 
de  sa  pensée  et  la  clarté  de  son  style ,  par  l'intérêt  vif  et 


ra>  &iifil.Eu  779 

soutenu  des  questions,  aux  plus  ^rnodes,  eoooeptions  q^i 
puissent  préoccuper  les  hommee. 

Beaueoup  de  bous  esprits  senleut  k  celte  heure  le. besoin 
de  développer  la  géométrie  et  Talgèhre  Sbénaent^ire , .  de 
telie  aorte  que  ces  seiences  deviaoneat  une  analyse  traïasT^ 
cendaote,  dépouillée  de  tout  ee  que  ceUe*ci  possède  aur 
jmurd'huâ  de  peu  logique.  Us  veulent  que  les  méthodes  les 
plus  élevées  se  réduisent  à  deux  choses  :  des  substitutions 
de  valeurs  égales  et  des  compensations  d'erreurs.  Ils  vieutent 
aussi  que  rhabitude  de  représenter,  par  des  courbes,  une 
foule  de  phénomènes,  conduise  à  des  solutions  d'ordre  pra- 
tique. Mous-mêmes,  nous  avons  eu  recouiis  &  ce  moyen  pour 
les  phénomènes  de  la  vie.  Les  épidémies ,  les  fièvres  isuter- 
naitlefDtes,  la  marche  périodique  de  certaines  maladies  par- 
lent singulièrement  aux  yeux  sous  la-jEèrme  de  lignes. 

Clément  Desormes,  en  1824,  entrait  largement  dans. 
œlte  voie ,  en  représentant  graphiquement  la  puissance 
mécanique  de  la  vapeur  d'eau ,  dont  l'équation  «ssez  oom- 
plexe  est  d'un  c^dre  élevé  et  ne  donne  que  lentement  le 
résultat  que  fournit  instaotanémeat  U  formule  graphique  ou 
géométrique. 

Chikib,  HmÉBjLiiOoiB,  GâotooiB. — .Paracelse»  Agrippa, 
Bernard  de  Palissy  neprésentent  la  chimie,  la  minéralogie, 
la  géologie  du  XVP  siècle.  Leurs  livres  témoignent  do 
l'état  de&  industries  manufacturières,  minières  et  de  la 
eéramique.  L'invention  du  thermomètre^  en  1627,  par 
Cornélius  Drebbel  ;  le  perfectionnement  du  microscope  et 
des  verres  de  lunettes,  en  1654,  par  TorricelU  ;  l'inventioii 
de  la  presse  hydraulique ,  par  Descartes ,  vers  1637,  nous 
conduisent  à  cette  époque  où  Robert  Boile  et  Van-Helmon 
pensèrent  que  l'eau  peut  accroître  la  quantité  d'humus  de 
notre  terre.  Us  avaient  raison  au  fond  et  formulèrent  mal 
leur  pensée.  En  1663,  Boile  retrouvait  les  mélanges  réfri- 
gérants des  Arabes.  En  1672,  Otto^uérick  ouvrait  des 
voies  nouvelles  à  la  physique  expérimenlalei,  à  la  chimie 
et  à  la  mécanique  elle-même ,  par  l'invention  de  sa  ma- 
chine pneumatique.  Les  émaux  de  Petitot  et  les  premières 
porcelaines  européennes  sont  de  1680  ;  la  découverte  du 
bleu  de  Prusse,  de  1724  ;  celle  du  platine  »  de  1740.  Do 


780  tBtMSOfBXB 

17S0  à  HPfèr  ùti  pousse  bodocoup  plus-loki  que^  le 
passé  Tétudedes  gaz  :  Yan-Helmon,  Jean  Rey^Bayle^  Haies, 
ont'élabojré  les?  grandes  >découY«rte8  de  «ei  «urdre  scioDti- 
lique.  Soat  yenus  ensuite'  Venei  ^  BlBck ,  Stloct^ ,  Broinh 
Rigg,  Maobride,  Jaoquin^  Smilh^  Gavendish,  Pri^s 
BcMioHer  PvÎD^,  Beorgtiiaiï,!  Be(ii}ï,  Ghauhits,  Bayen, 
Schecle.  Mais  œs  déoouiid0te$,  pour  élre  complètes  et  ser- 
vir de  base  à  une  science  positive,  réclamaient  quatre 
conditions  : 

La  première ,  que  la  preuve  expérimentale  de  la  chimie 
des  gaz  (ûi  donnée  côn)plète,  de  manièffe  à  condaire  à 
des  séries  de  phénomènes,  à  des  lois  :  voilà  l'œuvre  de 
Lavoisier. 

La  seconde ,  que  la  langue  de  la  chimie  fût  créée  :  les 
chimistes  français  rédament  à  bcm  droii  l'honneur  de  cette 
graûde  réforme. 

La  troisième,  que  la  statique  des*  corps  à  l'étal  molécu- 
laire fût  oonnue  :  B«rthollet  en  a/ posé  les  prioeipftles 
règles.  • . 

La  quatrième ,  qae  les  combfaxaisons  définies  et  régu- 
lières fussent  reconnues  comme  règle  invariable  de  la 
substance. 

La  preuve  de  oe  fait  a  immortalisé  Proust. 

La  fin  du  siècle  nous  conduit  à  notre  chimie  moderne 
par  kl  découverte  des  fumigations  désiofectantids  de  Guy  ton 
de  Morveau  (1775)  ;  par  l-étude  deCavendisb  siar  la  légèreté 
spécifique  de  l'hydrogène;  par  la  combustion  du  diafflaot 
(  Lavoisier,  1777)  ;  par  la  deseription  des  formes  cristalÏJies 
de  Rome  de  l'Ile  ;  par  la  fondation ,  eu  178&,  des  Annales 
de  Chimie^  grand  recueil  dû  à  Monge,  Guy  ton  de  Morveau, 
Lavoisier  et  Berthollet  ;  par  la  découverte  de  la  ^trootiane 
(Klaproth)  de  la  Zircone  ;  rétablissement,  à  Paris,  d'un 
conseil  des  mines  (1795);  la  découverte  de  l'Yttria;  la 
congélation  du  mercure,  par  Berthollet  et  Hassenfratz,  qui 
employèrent  des  moyens  différents.  Viennent  enfin  les 
études  géologiques  de  Rouelle  et  Lehman  ;  la  découverte 
du  galvanisme  ;  l'analyse  d'un  aérolyte  qvi  étonna  rEorope 
savante  ;  les-  découvertes  de  Lebon ,  à  L'occasion  du  gaz 
hydrogène  carboné  (1795) ,  et  les  études  géologiques  de 


W  SIÈIBEi  '381 

PdlkB,  Saussure^  Deluov  Dolotnieuv  Be  iHuDttliold  et  Bory 
de  Saint- Vinoerii. 

Il  ne  manquait  piu8  à  Is  scMice  tnodenie  que  la  pile  de 
¥oUa  pour  arriver  aax  plos  immenses  déooQTertesr  et  chan- 
ger la  face  d»  monde  :  elle  fut  inveiûée ,  et  noe.  lecteurs 
Mv^it  de  reste  ée  qu'elle  a  prodoit  depuis  oiuquaiïl&^rois 
anSf  ce  qu'elle  promet,  ce  qu'elle  donnera. 


JPftlSIOLOG^XB    DES    ÊTRES    QM^I^g;    j^kTOMll^^^ 
VÉDBCnrfi ,   CSIHDUtieYB/  * 


Vé^Ie  et  son  mattne  Silvius,  Bérangerde  Garpi,  Jérôme 
Cardan,  Fallope,  Sténbn ,  Servet,  nous  conduisent  k  1552. 
Voilà'  tes  fondateurs  de  Vanatomie  et  de  la  physiologie  hu- 
maine et  comparée.  Vésale  joua  dans  son.siàde  et  ponr  sa 
science,  le  même  rôle  que  Kœpler.  Le  savant  astronome 
œonnit  dans  la  misère.  Vésale ,  condamné  par  riaquisitioh 
et  sauvé  par  son  prince,  fut  obligé,  pour  racheter  son 
Ame  compromise  par  ses  dissections  et  ses  découvertes, 
de  faire  un  voyage  en  terre  sainte  -/un  naufrage  le  con- 
duisit sur  un  ilôt  près  de  Zante,  où  il  est  mort  de  faim. 
—  Procurez-vous  le  livre  de  Le  Borgne,  le  Médecin ,  qui 
est  à  la  fois  un  beau  livre  et  une  bonne  action ,  et  lisez-y 
l'article  Vésale  :  vous  en  serez  ému  jusqu'aux  entrailles. 

La  circulation  au  corps  de  Thomme  et  des  animaux 
était  pressentie ,  devinée  :  Césalpin  la  découvrit.  Il  y  mêla 
des  considérations  erronées  qui  sentaient  le  pneumafisaoe 
des  anciens ,  et  ne  vit  pas  que  la  pression  atmosphérique 
venait  en  aide  au  mouvement  de  cette  double  pompe  aspi- 
rante et  foulante  que  Ton  appelle  le  ccsor.  Sa  découverte , 
mal  présentée ,  ne  fut  ni  acceptée  ni  Comprise. 

Vers  le  milieu  du  XVi*  siècle ,  se  répandit  l'usage  des 
bougies  pour  les  maladies  de  l'urètre.  Ce  fut  alors  que  la 
taille  par  le  haut  et  le  bas  appareil  denat  usuelle.  Octavien 
Davila  parcourut ,  à  cette  occasion ,  toute  l'Europe  ;  il  en- 
seigna à  Colot  son  procédé,  qui  était  celui  de  Mariano 

33* 


78S  pificogoi^mB 

Santo;  Ld  fils  de  Cblol  le  ft»  connaître  à  son  to«r.  Eh 
1515 ,  les  barbiers  exerçaient  encore  la  cbfirargie,  mtme 
à  Paris.  A  cette  date,  les  ohirargien^  dbtinFeiit  d'être 
reçus  docteurs.  Un  bref  de  Grégoire,  de  1579,  termina 
leurs  différents  av«c  les  médecins ,  qui  ne  voulaient  d*im 
pareille  égalité,' en  mettant  les  uns  et  les  autres  sur  la 
même  ligne.  Jean  de  Vigo,  Michel-Ange,  Blondo,  Béran- 
ger  de  Caspi,  Fallope,  brillaient  au  premier  rang,  et  la 
chirurgie  de  Nurz,  de  Bàle,  est  si  judicieuse  qu'on  la  croi- 
rait toute  moderne.  Après  eux,  il  faut  citer  encore  Ptançob 
de  Arce  et  Ambrôise  Paré,  le  père  de  la  chirurgie  fiin- 
çaise.  Paré  sut  soigner  les  plaies,  lier  les  artères,  guérir 
rhydrocèle  par  le  séton,  reconnaître  les  fractures,  mèm 
celle  du  col  du  fémur  ;  il  signala  les  abcès  du  foie ,  suites 
de  blessures  à  la  tête ,  et  pratiqua  la  bronchotomie  arec 
succès.  Son  disciple  GuiUemeau  savait  traiter  les^enéirrismes 
et  guérir  les  varice»  au  moyen  des  caustiques.  Ce  fot  vers 
ce  temps  que  l'opération  césarienne  fut  pratiquée  sur  des 
femmes  vivantes.  Un  coupeur  de  oochons'  nominé  Noier 
passe  pour  l'avoir  tentée  le  premier  .sur  sa  propre  épouse  : 
il  réussit.  La  mère  du  célèbre  André  Doria  ne  le  mit  an 
monde  qu'après  avoir  eu  le  flanc  incisé  par  son  accoucheur. 
François  Housset  décrivit  cette  opération  avec  talent  et  loi 
donna  de  la  vogue.  Jean  Tagaud  et  Ingratias,  célèbre  ana- 
tomiste ,  mais  scoliaste  absurde ,  qui  ajouta  cent  soixante- 
cinq  espèces  de  tumeurs  à  celles  décrites  par  Gatten, 
méritent  aussi  un  souvenir. 

Jusqu'au  XVl*  siècle  les  Grecs  et  les  Arabes  firent  loi 
dans  nos  écoles  de  médecine.  Leonicenus ,  professeur  à 
Padoue,  fut  le  premier  à  les  juger  avec  une  saine  critique. 
Beaucoup  de  médecins  suivirent  son  exemple  :  la  réaction 
fut  vive ,  mais  mal  dirigée.  La  plupart  des  médecins  ne 
comprirent  pas  les  grands  services  rendus  à  la  thérapeu- 
tique par  les  Avicenne  et  les  Averrhoës.  D'Italie,  le  mm- 
vement  gagna  la  France  :  le  vieil  esprit  gaulois  est  émi- 
nemment togique.  Ramus,  Bernard  de  Palissy  et  d'autres 
savants  enseignèrent  hautement  aux  médecine  de  leur 
temps,  sur  lesquels  ils  exerçaient  la  plus  grande  influence, 
que  le  livre  de  la  nature  est  enoore  plus  grand  et  plus 


w  tJEkciîB.  783 

utile  h  consulter  que  les  livres  de  PUne,  (le  Galien  et 
d'ArÎ6to(e.  Ambroise  paré,  Aleutodre  de  ciampècbe,  aié- 
deeia  de  Henri  III,  des  rebgieux,  des  aiocals  au  parlement, 
teao  Vièie  et  d'autres  mathémadicieiis  suivaient  les  cours 
de  Palis&y.  Jeao  Fernel  leur  dut  peut-être  quelque  chose 
de  SO&  iAdiapendanoe  setentiiiqud  :  physiologiste ,  il  a  sou- 
vent contredit  Arislote;  il  professait  que  le  cerveau  est  l'or* 
gane  de  rinteUigtaoce  et  il  a  mieux  oonim  le  péritoine  que 
Galien«  Pathologiste,  il  coosidérait  ]£S  humeurs  comuM»  la 
cause  doB  maladies,  plaçait  les  aifeetioos  dans  les  solides, 
et  les  symptômes  dans  les  désordres  de  leur»  fonctions.  Il 
divisait  les  causes  en  efiScientes  et  prédisposantes  ;  ii  atta- 
chait une  asaéz  grande  importance  à  ce  que  Ion  ne  confon- 
dit pas  la  cause  prochaine  ou  contenante^  avec  la  maladie 
elle-même. 

L'(BU¥re  médicale  de  Paracelse,  qui  parut  à  cette  époque, 
a  été  souvent  très-mal  appréciée,  parce  qu*il  donnait  aux 
expressions  uaueUes  un  sens  particulier.  Il  attachait  une 
grande  importance  à  Tétude  de  la  cabale.  Moïse,  Ezéchiel, 
Daniel  et  saint  Jean  étaient  pour  lui  des  mages,  des  initiés. 
Son  système  supposait  l'harmonie  générale  de  la  nature, 
et  des  relations  exactes  entre  les  esprits*  ou  impondérables 
et  tous  tes  corps.  Sous  ce  rapport,  c'était  un  panthéiste, 
que  Sprengel  et  d'autres  ont  mal  compris.  Il  n'était  assez 
niais  pour  croire  que  les  minéraux  f^t  les  végétaux  prissent 
des  aliments  et  rendissent  des  matières  excrémentielles,  à 
la  manière  des  animaux  ;  mais  il  estimait  qu'une  puissance 
vitale  se  manifeste  dans  tous  les  êtres  à  des  degrés  divers. 
~I1  croyait  beaucoup  à  l'action  des  astres,  et  supposait 
à  leur  influence  le  pouvoir  de  vicier  l'air.  Il  fut  loin  cepen- 
dant de  dédaigner  l'observation,  car  il  signala  l'action  de  la 
matrice  sur  presque  toutes  les  maladies  des  femmes.  Plus 
chimiste  que  les  médecins  de  son  temps ,  il  voidut  expli- 
quer toutes  les  affections  morbides  par  des  réactions  moléou-  ' 
laires.  Le  grand  emploi  qu'il  ât  des  sels,  des  essences, 
des  teintures  et  des  extraits ,  transforma  la  pharmacie  qu'il 
voulait  simple,  car  il  blftmait  singulièrraieat  les  abus  de  la 
polypbarmaeie.  Généralement  tràs-^inférieure  à  sa  méde- 
<^iûe,  sa  chirurgie  était  souvent  au  rebours  du  bon  sens.  Il 


781  pffiLofio^mË 

n'eut  point  pour  ^bot,  'qtiôkiâ  W  en  âil^dlt,  de' supprimer 
.le  saioir  au  profit  du  mysticikûe,  mais  de  oréêr  unepby* 
siologiB  unhrerselie'  basée  sûr  lai  chimie.  En  sommes  il  fot 
obarhitan,  peut-être  ivro^è ,  trè&*impiident  parfois,  soih 
YMt  hâbleur  ;  mais  il  fit  dccbmplir  à  la  inééecine  du  XVI* 
siècle ,  une  rérolmkm  analogue  ^  cëàe  plus  parCaîttef  qui 
s'est  effectuée  dans  le  nôtre,  de  1820  à  1850. 

-Péivicelse  fut  vivement  appuyé  par  W  iftKÛélé  de  ro^ 
kreu2  ou  des  rdse&*croix,  qui  «était  de  son^lémpséb  grande 
influence.  Quelques-uns  des  savants  de  cette  &ole  où  Ton 
tfoutait  des  hommes  du  phrs  admirable  dévouement  ^  ont 
brtUé  au  premier  rang.  Ihichéne  fut  le  médecin*  du  roi  de 
France  ;  Robert  Stude  >  exerça»  une  graude  inftuenoe  en 
An^terre  ;  d'autres  se  sont-  traînés  dans  Vovmère  suivie 
par  les  elarlatans  magnétiseurs  de  notre  époque.  - 

Nous  voici  au  XVII*  siècle  :  Harvey  <Jéittontre  cette  cir- 
culation que  Ceealpin  avait  entrevue^  Deseartes  propage 
cette  découverte;  Cristopbe  Kréna* tente  l'ibjeetion  des 
médicaments  dans  les  veines.  Jean*-Bapliste  Denis  va  plus 
loin  :  il  essaie  la  transfusion  du  sang  chez  un  jeune  homme 
débilité  par  d'abondantes  saignées ,  et  '•  réussit  ';  mais  la 
cour  de  Rome  ne  tarda  pas  à  défendre  cette  opératian. 
Armé  du  microscope ,  Haipighi  fait  des  choses  admirabies 
et  démontre  la  circulation  dans  les  petits  vaisseaux  :  bien- 
tôt des  injections  délicates,  faites  à  Amsterdam,  mettent  ce 
phénomène  en  toute  évidence.  Borelly  eoknprit  le  pr^emier 
que  la  masse  du  sang  est  soumise  aui  lois  de  Tbydraaliqne. 
Après  la  circulation  dans  les  petits  vaisseaux,  les  microgre' 
phes  découvrent  les  globules  du  sang,  dont  ils  signalèrent 
la  Agure  et  la  forme.  Ce  fut  aussi  h  cette  même  époque 
que  Faber  et  Van-Helmon  détruisirent  les  opinions  des 
anciens  sur  le  passage  de  l'air  du  poumon  dans  le  cœar. 

En  16S4 ,  les  Anglais  entrevirent  le  rôle  de  l'air  dans  b 
respiration.  Bobertroock  le  démontra  bientôt-,  tandis  que 
Malpighi  faisait  coimattre  la  structure  intime  de  l'organe 
pulmonaire. 

Asdli  de  Crémone  avait  découvert  les  vaisseaux  cbi* 
lières,  en  1633;  Simon  Pauli  reconnut,  eni^t<^,  les  vais- 
seaux lactés.  Bientôt  viennent  à  la  saîte  la  découverte  du 


t)i9  «iBCijK.  785 

Pancréas  et  du  canal  torechiquev  la  •disiûietioB  des  lympha- 
tiques et  des  ehylifères-  —  Sih^on  el-WaSrthon  s-occapent 
av«c  succès  de  lai  reehèfche  des  conduits  excréteurs  des 
gfaïades  ;  Peyer  et  Brunner  font,  connaître  les  glandes  «les 
inlestins;  Siivius  Bartholin,  Hygmûr  .Wiliis  font  des  dé* 
couvâtes  au  cerveacu  ;  Lewenhoeek  <ea  aaalonise  la  snb^ 
stance.  .     •  .  ^ 

Les  sens,  au  XVII''  siècle,  demandaient  h  être  étudias  : 
Kœptor,  Deseartes,  de  La  Hire^,  Lewenboeck,  s'occupèrent 
defœa. 

En  1661,  parut  te  litre  d'Har¥ey,-iSur  la  génération^. 
Graaf^  Malpighy  et  ranohitt»ete  Gliâude  tPerravlt  s*en  oceu^ 
pèrent  ensuite.  Ce  dernier  professa  la  doctrine  de  la  répa^ 
ration  possible  des  pertes  de  substanoes  des  oignes  ^ 
doctrine  que  notre  siècle  a  vérifiée.  En  1677,  les  ammaleules 
spermatiques  étaient  découverts. 

A  côté  de  ces  progrès,  la  médecine  oscillait  dans  ses 
expérimentations.  Les  plus  sages  praticiens  revenaient  à  la 
règle  d'Hypocrate ,  de  ne  tenir  compte  que  de  l'observa^n 
et  de  roxpénence. 

Le  moyen  de  faire  mieux  à  cette  époque ,  oà  la  tbéra- 

Emtique  était  dans  Tenfance  ainsi  que  l'art  d'interroger 
s  oi^anes,  où  la  chimie  n'avait  point  encore  éclairé  de 
son  flambeau  les  questions  les  plus  vitales?.... 

Né  à  Bruxelles  en  1577,  Van-Helmon ,  seigneur  de 
Hérode ,  étudia  d'abord  les  mystiques.  11  lut  Thonuis  Kem^ 
pis^  Jean  Taulérus;  arriva  à  comprendre  la  charité  de 
Christ,  la  science  de  Paracelse  et  des  roses<;roix,  et  poussa 
la  sociabilité  jusqu'à  devenir  possesseur,  comme  Socrate , 
d'un  démon  familier.  Entraîné  par  une  fiionomanie  sublime 
de  dévouement  et  de  vertu,  U  se  ftt  médecin.  Chimiste 
habile,  il  fit  profiter  son  art  de  ses  grandes  découvertes. 
Il  décrivit  l'acide  carbonique  sous  le  nom  d'esprit  sylvestre, 
et  tenta  les  plus  curieuses  expériences  ;  mais  il  ne  put  dé- 
passer, en  médecine,  un  vitalisme  spécial ^  dans  lequel 
cependant  il  se  rapprocha  maintes  fois  de  la  doctrine  de 
l'irritation ,  que  Brown  et  Broussais  devaient  faire  préva- 
loir .plus  d'un  siècle  après  lui.  C'est  ^ainsT  qa'il  a  écrit  que 
la  dyssenterie  et  la  pleurésie  sont  (jheu.\  inflammations 


7S6  PHl&O^PHlB 

locales  qui  di&èrwt  surtout  par  leur  siège.  Vao-Helmon 
croy^iti  aussi  au  magnétisme  auioial,  qail.  n'avait  pas 
sufTisemment  étudié.  Toutes  ses  connaissances ,  si  graodes 
qu'elles  fussent,  n'é^ii^pt  cependtant  que  l'ébauche  d'au 
sayoir  véritable» 

Silvius,  Tun  de  s^s  di^iples,  fut  professeur  à  L^yde, 
créa  l'enseignement  clinique  des  hospices  et  fit  un  très- 
grand  nombre  d'autopsies  comme  moyen  de  vérifications. 
Il  interpréta  la  digestion  et  les  autres  fpnclion^  .d*ujie  ma- 
nière incomplète  et  cependant  avec  la  science  la  plus 
élevée  de  son  époque.  Boerhave  se  plaça ,  diws  ce  temps, 
au-dessus  de  tous  ses  contemporains ,  par  sa  haute  philo- 
sophie médicale.— L'application  des  mathématiques,  d'une 
physique  et  d'une  chimie  rudime^taire  >  domia  naissance 
à  mille  systèmes  qui  se  querellèrent  violemment.  L'IlaUe, 
la  France,  la  Hollande,  l'Allemagne  et  l'Angleterre,  car 
l'Espagne  ne  vivait  déjà  plus  intellectuellement  torturée 
qu'elle  était  par  Tinquisition,  améliorèrent  singulièremeot 
leur  thérapeutique.  Ce  fut  sous  l'inftuence  de  ces  querelles 
que  l'émétique,  si  employé  aujourd'hui,  fut  préconisé,  à 
la  suite  d'un  concile  ou  congrès  médical  tenu  à  Paris. 

La  chirurgie  suivait  une  bonne  route  et  marchait  de  plus 
en  plus  vers  le  positivisme.  Elle  commençait,  surtout  vers 
la  An  du  XVU''  siècle,  les  grandes  études  dont  nous  alItNOS 
bientôt  rendre  compte.  Mais  reprenons  la  série  des  faits  les 
plu^  importants  des  sciences  dites  naturelles. 

En  1703,  furent  découverts  les  polypes  d'eau  douce,  si 
bien  étudiés  depuis.  L'année  suivante ,  Juan  Péi^ra ,  juif 
portugais,  commençait  l'éducation  des  sourds  et  muets, 
sur  lesquels  Diderot  devait  écrire  de  si  belles  pages.  Bientôt 
les  études  de  Rameau,  sur  la  musique,  conduisent  les 
anatomistes  à  étudier  la  voix  et  la  parole. 

Le  jardin  du  roi  de  France  était,  en  1731  «  sous  la  di- 
rection de  Dufay,  qui  l'enrichissait  de  serres,  de  coUeetions 
de  plantes  exotiques  et  de  cours  gratuits  de  physique ,  de 
chimie,  d'anatomie.  La  Peyronie  fondait,  en  1735,  l'aca- 
démie de  chirurgie  de  Paris.  Linnée  créait  l'académie  des 
sciences  de  $tx>ckohn,  en  1759,  et  touchait  à  toutes  les 
branches  des  sciences  naturelles.  Pluche  publiait  son  spec- 


BU  6ïèc£B:  787 

tacle  de  la  nature ,  et  Buffbn  ;  arrivé  déjà  à  une  Juste 
céUbrité ,  succédait  à  Dufay  dans  la  direction  du  Jahlin 
des  Plaates. 

Nous  ne  sommes  encore  qu'en  1740,  et  déjà  Tremblay 
commence  ses  études  sur  la  reproduction  des  polypes  ;  la 
médecine  s'empare  de  la  bouteille  de  Leyde  et  des  décou- 
yertes  de  la  chimie;  Buffon  publie  une  histoire  natarelle. 

La  seconde  ûioitié  du  siècle  nous  rappelle  rinYentîon 
des  eaux  minérales  factices,  par  Venel  de  Montpellier  ;  les 
soupes  économiques  du  médecin  HeWétius  ;  les  grandes 
études  de  De  Haller,  sur  la  manière  dont  les  forces  de  la 
nature  impressionnent  les  êtres  organisés  :  ce  génie  puis- 
sant résume ,  corrige ,  développe  tout  ce  que  l'on  savait 
avant  hii  en  physiologie.  Bourgelat  (1762)  fonde ,  à  Lyon , 
une  première  école  de  médecine  vétérinaire  et  d'économie 
rurale  ,  puis  bientôt  une  seconde  à  Charenton  ;  le  médecin 
Poissonoier  invente  le  moyen  de  rendre  Teau  de  mer  po- 
table ;  la  France  défend  d'enterrer  à  l'avenir  dans  Tencemte 
des  villes  (1766)  ;  TAmérique  crée  une  académie  des 
sciences ,  à  Philadelphie  ;  Daubenton  eiLpose  ses  classifica- 
tions des  êtres  de  la  nature  ;  Lavater  fait  connaître  sa 
science  si  intéressante ,  quoique  conjecturale  ;  et  l'abbé  de 
TEpée  crée,  à  Paris,  l'école  des  sourds  et  muets.  Les 
inventions,  les  découvertes,  les  grandes  conceptions  se 
pressent  :  chaque  jour  a  sa  grande  pensée. 

Nous  croyons  devoir  insister  surtout  sur  le  progrès  des 
méthodes  et  des  classifications  :  Linnée ,  Valérius ,  Dau- 
benton, Wemer,  ne  cessent  de  se  distinguer  dans  cette 
voie. 

La  sdence  est  essentiellement  humaine  ;  elle  considère 
Thomme  en  phyâologiste ,  au  point  de  vue  de  ses  fonc- 
tions, de  ses  organes  et  de  ses  besoins:  aussi  a-t-elle 
singulièrement  développé  la  véritable  charité  chrétienne. 
En  1780,  elle  fondait  une  société  philantropique  ;  Tannée 
suivante,  elle  voulut  que  chaque  malade  eût,  à  l'Hôtel- 

Bien  de  Paris,  un  lit  séparé  ! ,  et  que  les  salles  fussent 

spécialisées  selon  les  maladies. 

Mesmer  préconisait,  en  1784,  le  magnétisme  animal, 
oublié  depuis  Van-Helmon  ;  tandis  que  la  médecine  s'en- 


7S8  (ttti.èé^tfis 

riotiissait  des  découvertes  de  là*  chiihîè  6t  nk  la  bota- 
nique. En  1789,  le  Système  d^  la  classification  naturelle  des 
plantes ,  imaginé  par  Adanson ,  était  vulgarisé  par  M.  de 
Jussieu.- 

L'année  suivante,  la  France  créait  l'unité  des  poids el 
mesures,  si  injustement  ridiculisée  à  Tétranger  par  des 
savants  éminents,  tels  que  Sprengel.  C'était*  oependanl 
une  belle  pensée  que  d'établir  des  rëlatioïis  entre- la  gran- 
deur Jii  globe  et  la  j^esanteur  spécifique  d'un  gramnw 
d*eau,  à  une  température  et  sous  une  pression  «loDoées, 
potir  reporter  ces  relations  si  intimeiniRnt  liées  è  notre  na* 
ture  terrestre,  dans  le  domaine  social  des  faits  les  phs 
usuels  de  vente ,  d'achat ,  de  production  et  de  consomoM* 
tîon.  —  La  France  était  folle;,  disaient  les  meures  savanls 
en  analysant  sa  "vie  révolutionnaire.,..  Oui,  elle  énm 
folle  de  cette  grande  et  sublime  folie  qtie  saiut  Paul  appe- 
lait la  folie  de  la  croix  :  c'était  en  versawt  le  plus  pur  * 
son  sang  qu'elle  prêchait  et  pratiquait  Tunitarisme  mnk- 

KITAIRB. 

Parallèlement  à  ce  mouvement ,  la  '  médecine  faisait 
tout  ce  que  permettaient  les  découvertes  modernes.  K«s 
heureuse,  la  chirurgie  posait  déjà  les  bases  solides  d'«Q 
grand  art ,  et  créait  ces  belles  méthodes  que  notre  siède 
développe  et  perfectionne. 

Le  XVIP  et  le  XVill*  siècles  nous  ont  appris  à  suspendre 
le  cours  du  sang  dans  les  artères,  à  opérer  les  anévrismes, 
à  pratiquer  les  amputations  par  des  procédés  divers  €i 
dans  les  articulations.  Le  Dran  désarticula  l'épaule ,  MorsiKi 
la  cuisse ,  et  Larrey  reconnut  que  sur  le  champ  de  bataille 
l'ablation  d'un  membre  blessé  est  le  plus  sûr  moyen  de 
sauver  du  tétanos  les  malheureux  qui  en  sont  menacés. 

La  fistule  à  l'anus  fut  étudiée.  Féhx  ayait  opéré  Louis XIV, 
et  ce  fait  fut  le  signal  de  progrès  auquel  notre  siède  a  peu 
ajouté.  —  L'opération  de  la  taille  par  le  haut  et  le  bas  ap- 
pareil fut  aussi  singulièrement  approfondie.  Cheselden ,  Le 
Cat,  le  frère  Côme,  Le  Dran ,  Hawkins,  Desault,  Beigamio 
Bell ,  prirent  part  à  une  lutte  d'autant  plus  grande  qu'elle 
touchait  de  plus  près  au  salut  d'un  nombre  considérable  de 
malades. 


L'on  reeoDnttt  à  la  fin  du  siècle  demier,  qumeslpo&^le 
det  sauver,  parl'opéraiion  césaidewei»  U  moitié  de^  femmes 
qui  ia  subissent ,  et  qu'il  en  est,  d€v  même  poup  celles  qiii 
réclament  une  opération  analogue  par  suite  d'une  gro^e^se 
extràrulérine.  L'bydrocèle,  mdadie  varial^ile  da^sses  for- 
mes et  ses  eomplioations,  fut  étud|iée  avec  soin  ;  n^ais  s<^i 
traitemeot  n'acquit  point  encore  toute  la  perfection  désirar 
ble.  —  Les  anciens  avaient  lai^é  la  cure  des  hernies  «  ma- 
ladies si  communes  chez  les  hommes  de  peine ,  dans  un 
grand  état  d'imperfection  ;  les  deux  derniers  siècles,  pf r 
Dionis,  Carengeot,  LeDran  ,  Morand»  Sharpi,  Pott,  Cam- 
per, auteur  de  planches  excellentes  «  et  Gimbernat ,  ont 
poussé  très-loin  l'étude  des  accidents  qu'elles  produisent 
et  des  moyens  d'y  remédier.  La  bronchotomie  et  la  laringo^ 
toniie    ont  été  pratiquées ,  cette  dernière  opération   par 
Desault  et  Hunter.  Le  traitement  du  becnle-Uèvre  est  dd* 
venu  uaiel.   Les  maladies  des  yeux  doivent  beaucoup   au 
XVII*  et  surtout  au  XVUI*  siècle.  Mfaltre  Jean  étudia  la  ca- 
taracte ,  et  bientôt  l'extraction  et  l'abaissement  furent  des 
méthodes  en  vogue.  La  fistule  lacrymale  occupa  aussi  les 
chirurgiens  qui  posèrent  les  bases  de  nos  méthodes  actuel- 
les; enfin  Cheselden  fraya  une  route  nouvelle  à  la  chirur- 
gie oculaire  «  en  pratiquant  la  pupille  artificielle.  Les  plaies 
de  tète ,  les  fractures  et  les  luxations  devinrent  aussi  1  occa- 
sion d'innovations  très-heureuses. 

Toutefois  les  faits  eux-mêmes  nous  amènent  à  conclure 
que  pour  la  physiologie  des  êtres  organisés,  la  science  , 
vers  la  fin  du  dernier  siècle ,  était  encore  très-loin  d'avoir 
créé  une  littérature,  et  surtout  une  littérature  qui  fut  tom- 
bée dans  le  domaine  public.  Plus  de  trente  années  devaient 
s'écouler  avant  que  l'école  de  Paris  se  saisit  des  publica- 
tions de  Gall ,  de  Bertrand ,  de  Georget ,  qui  a  écrit  des 
pages  si  sages  et  si  philosophiques  sur  l'imitation  conta- 
gieuse. Cabanis  était  seid  consulta  par  quelques  esprits  d'é- 
lite. 

Les  femmes  et  le  peuple  sont  restés  pendant  le  pre- 
mier quart  de  notre  siècle  en  dehors  des  grands  enseigne- 
ments modernes  sur  le  monde  des  végétaux ,  le  monde  des 
animaux   et  leurs  relations    avec  1  humanité ,   relations 


790  mifm^iu 

enseignées  aujourd'hui  aui  jeunes  demoîseUes  par  quel- 
ques grandes  institutrices  d'ALUoaagne ,  d^Augleterre  et  des 
Etats-Unis. 


MOUVEMENT   SOCIAL  ET   POLITIQUE    DES    TROIS    PREMEKS 
SIÈGLB  DE  l'È&E   SCIBUTIFIODE^ 


Jetons  un  coup-*d*œil  s^ur  les  usages ,  sur  les  mœurs  et 
sur  rarehitecture  qui  résAjLine  eu  elle  tant  de  choses. 

Presque  toutes  nos  vieilles  maisons  de  bois  daftent  de 
1480  à. lââO;  elles  focoaaient^  dans  bien  des  villes,  des 
pâtés  dont  les  greniers  étaient  communs.  Xea  gueuâf  les  ha- 
bitaient. Entassés  les  uns  sur  les  autres ,  eés  maiLbeureui 
étaient  incessamment  décimés  par  des  dyssenteries  typhoï- 
des et  d'autres  maladies  épidémiques. — Souvent  les  prinœs 
eux-mêmes  ne  dédaignaient  pas  ces  maisons,  qu'auyour- 
d'hui  la  bourgeoisie  juge,  à  boa  droit,  très^peu  oouv^a- 
bles  pour  elle. 

Les  plus  grands  seigneurs  étaient  Ipin  d'avoir,  de  15  à 
1600,  toutes  les  jouissances  que  donnent  aujourd'hui,  dans 
les  villes  de  second  ordre ,  trente  mille  livres  de  rentes.  Les 
plus  belles  dames  rejoignaient  leurs  châteaux  sur  leurs  ha- 
quenées ,  voire  même  ici  et  là  sur  des  charrettes  à  bœufs. 
—  Autour  des  châteaux  des  eaux  croupissantes  ;  dans  les 
châteaux  des  escaliers  très-raides ,  de  petites  ouvertures  , 
des  cheminées  où  l'on  devait  brûler  des  arbres  pour  se 
chauiler  ;  jardins  et  cours  étaient  exigus.  La  2"°*  classe  de 
la  noblesse  n'avait  nullement  l'aisance  de'  ceux  de  nos 
bourgeois  qui  possèdent,  dans  les  départements,  dix  à 
vingt  mille  livres  de  fentes.  Quand  tiux  gentilshommes  de 
menu  fretin ,  ils  étaient  pauvres  et  endettés. 

Les  avocats  les  plus  distingués  des  parlements  de  Lan- 
guedoc et  de  Bretagne  se  contentaient  le  plus  souvent  de 
trois  pièces  divisées  par  des  rideaux  de  serge  et  des  para-- 
vents  ;  ils  n'avaient  qu'un  domestique.  Les  positions  qui 
correspondent  aujourd'hui  h  des  appartements  de  dix  et 


im  «lÈCLB.  791 

douze  pièces ,  ne  dotimient  droit  k  cette  époqne  qu'à  des 
appartements  moindFes  de  moitié  ou  des  deux  tiers. 

Sous  le  rapport  matériel ,  les  ouvriers  des  corporMians 
étaient  plus  payés ,  et  plus  heureux  que  de  nos  jours.  Mais 
à  côté  de  ce  bien-être,  que  de  tyrannies  à  subir,  que  d'hu- 
miliations que  des  cœurs  fiers  ne  pouvaient  supporter. 

Le  compagnonage  protégeait  passablement  les  ouvriers 
non  mariés;  ce^ndant  le  séjour  de-Rkeims  fut  défendu 
aux  compagnons  culottiers ,  que  le  chapitre  de  la  cathé- 
drale tenait  pour  suspects  à  Tendroit  de  la  religion. 

Certains  mets  étaient  défendus  aux  gens  de  petite  sorte. 
Jusqu'en  1727 ,  la  ville  de  Nantes  a  défendu  à  ses  ouvriers 
et  portefaix  de  boire  du  vin  de  BordcauT  ou  de  manger 
du  gibier,  tel  que  lih>re  ,  perdrix ,  sous  peine  d'être  fouettés 
sw  la  place  publique  du  Bouffay. 

Les  ouvriers  des  mines  étaient  traités  comme  naguères 
les  esclares  de  nos  colonies. 

Les  rois  et  les  ducs  ruinaient  en  frais  de  réception  les 
villes  qu'ils  daignaient  honorer  de  leur  présence.  On  y 
dépensait ,  en  quelques  jours ,  dans  des  repas  splendides  et 
en  cadeaux,  un  argent  considérable  réclamé  par  des  hos- 
pices délabrés ,  par  des  rues  qu'il  importait  d  assamir.  Les 
courtisans  de  la  suite  se  faisaient  faire  des  présents  ;  les 
dames  qui  entouraient  les  reines  savaient  en  réclamer. 

Au  XVI*  siècle ,  les  cours  devinrent  plus  nombreuses.  La 
reine  Anne  ,  nous  dit  Brantôme,  commence  de  faire  sa  cour 
de  dames  plus  grande  que  celle  des  autres.  Je  regrette  de  ne 
joindre  ici  ni  la  description  de  leurs  ornements,  ni  celui  des 
costumes,  ni  le  compte  de  revient  des  plus  belles  robes  et 
des  phis  beaux  habits  ;  c'est  cependant  chose  curieuse  :  le 
relevé  de  pareil  travail  de  siècle  en  siècle,  pour  les  divers 
Etats  européens ,  serait  très-instructif. 

Les  saints  et  saintes  des  églises  étaient  habillés  h  la  ma- 
nière des  grands.  On  disait  Madame  sainte  Anne,  Madame 
la  Vierge.  En  France ,  sur  plusieurs  points ,  de  la  Toussaint 
à  Pàque ,  on  couvrait  de  paille  le  pavé  des  églises  qui 
servaient  de  lieux  d'asile.  La  tolérance  allait  jusqu'à  per- 
mettre en  carême  l'usage  du  lait  et  du  beurre  !!! 
Les  enfants  exposés  restaient  à  la  charge  des  paroisses. 


793  panMOPHOS 

,  Lesenfaate)  quoique  majeurs  et  auinés,  ne  cotiMcUdent 
qu'avec  la  periuissioû  de  leurs  parents.  *—  Une  femme  ma- 
riée.étAit  eonsidérée  ^mide  euneure.  L'autorisation  de  son 
père  et  de  son  mari  lui  étaient  indispensables  poiH^  toote 
araire  fiérieuse; 

Partout  (}é]à  la  royauté  s'attaehait  à  restreindre  les  li- 
b^téS/Gomfouaales  des  TÎUes  et  les  privilèges  dé  la  no- 
blesse. Vers  la  fin.du.Xyi'>  siède,  Henri  IV  nommera 
directement  des  maires  dai»  des  <àtés  qai  avaient  acheté 
dQ^li^rs  deniers  le  droit  d'élection.  A  Naâtes^  il  préférera 
1q  roturier.  d'Uarrouis  à  ses  oonourrents  :  son  thoix  fat  le 
meilleur^  mais  il  annulait  un  droit.  Ce  6it  aussi  lui  qui  ii- 
cida  que  Je  service  des  armes  n'annoblirait  plus. 

À piapulation  égale ^  les  viUes  d'Europe,  excepté '^^ut- 
ètre  en  Italie  «  étaient  bien  moins  ét^idues  que  de  dos 
jours.  Le  commerce  se  trouvait  resserré  en  quelques  mains: 
les  jurandes  et  les  maîtrises  oomprimatent  l'industrie;  le 
pouvoir. saeerdotal  était  excessif»  le  pouvoir  paternel  eior- 
bitant. 

Sur  bien  des  points ,  les  transactions  commerciales  por- 
taient, pour  l'acheteur,  k  peine  de  rexcommunicaticm 
prononcée,  faute  de  paiement,  par  Toffieial  de  la  cathé- 
drale. 

D£^ns  quelques  villes ,  le  maltre-autel  était  drapé  à  )a 
manière  des  lits.  —  En  France ,  on  célébrait  la  fête  des 
Innocents,  dans  laquelle  les  chanoines  cédaient  leur  place 
aux  enfants  de  chœur. 

Les  ccHrporations  avaient  leurs  bannières,  et  luttaient 
aux  processions  par  la  grosseur  de  leurs  cierges. 

Dans  les  villes  à  évêchés ,  le  maire  et  les  éehevim  la- 
vaient les  pieds  à  douze  pauvres,  sous  le  portique  delà 
cathédrale,  le  jour  du  Jeudii-Saint. 

JLes  fenêtres  n'avaient  enoore,  en  général,  presque  par- 
tout ,  au  XVI*  siècle,  que  des  carreaux  de  toile  au  lieu  de 
carreaux  de  verre. 

Tout  était  taxé  :  le  prix  des  messes,  les  journées  des 
ouvriers,  le  taux  des  marchandises. 

C'est  de  lafin  du  XV^  siècle,  et  surtomt  du  XVI%  que 
datent  «  pour  les  modernes,  l'anàiitecture,  le  dessin,  la 


/; 

y^^^ulpture  et  iê  muskpie  :*bQaut-^artsi|  «eti  vérité;  li^  jtiur 
4irtout  oui  par  suite  d'iostitulîons  habiles,  ils  seront 
lescendus  à  la  portée  de  toas.  Quelques  dates  serviront  h 
préciser  les  faits» 

Michel-Ânge  se  révélait  au  monde  en  1504;  Ra^^haêi 
étudiât ,  en  1S07«  sons  ia  direetion  dti  Pérugin. 

Vers  1560)  Venise  voyait  construire  ses  plus  beawr  mô- 
QuoQ^ts.  —  Les  Tuileries  sont  de  1564: 

La  réforme  de  la  notation  musicale  est  de  1600. 
U  existait  au  XVI*  siècle,  en  Burope,  très-peu  de  nom- 
munes  rurales ,  mais  se«lemenl  des  pomissês.  Il  y  est  de 
règle  que  le  paysan  se  UMirie  et  meure  dans  celle  qui  Ta 
vu  naître.  On  peut  etncore,  à  cetle  époque,  distinguer  au 
costume  les  anciens  sujets  des  grands  seigneurs  féodaux , 
et  les  anciens  danns  des  peuples  kiiùry.  En  réalité,  la  ser- 
vitude n'a  été  détruite  que  pour  le  nom  ;  elle  est,  en  France 
el  partout,  beaucoup  moins  duré  pour  les  fermiers  des 
moines  que  pour  les  autres.  Les  bénédictins  surtout  possé^ 
daient,  sur  quelques  points,  dans  le  Berry  par  exemple, 
de  grandes  propriétés  exploitées,  non  par  une  famille, 
mais  par  trente  et  quarante  familles  assoeiées ,  qui  jouii^ 
saient  d'un  assez  grand  bien-être  matériel.  Partout,  en 
Occident ,  nous  trouvons  des  servitudes  féodales.  Les  droite 
de  procuration ,  d'hébergement ,  de  passage  sur  les  routes 
et  sur  les  ponts  ne  s'exercent  plus  aussi  souvent  au  profit 
de  petits  maîtres,  seigneurs  suzerains  der  deux  ou  trois 
mille  âmes,  mais  au  profit  de  maîtres  d'un  ordre  plus  élevé; 
c'est-à-dire  que  l'Etat ,  qui ,  au  moyen-âge ,  était  empri- 
sonné dans  le  castel  féodal,  s'est  aggrandi  au  fur  et   h 
mesure  des  conquêtes  des  diverses  royautés.  Les  droits  de 
bouteiUage,  de  coulage,  de  salage ,  de  mouture',  de  méage 
ou  fabrication  du  pain,  de  moutonnage,  de  fromentage, 
de  vachage,  de  fourrures,  qui  pesaient  sur  le  peuple  des 
manoirs  et  des  villages ,  aux  X*  et  XI*  sièdes ,  se  sont  mo- 
difiés et  transformés  sans  disparaître.  La  dîme,  les  corvées, 
les  droits  de  barrière,  le  moulin  et  le  four  du  seigneur 
suffisent  à  enlever  aux  classes   pauvres  le  fruit  de  leur 
travail.  Les  plaisirs  de  la  chasse  et  de  la  pêche  sont  réser- 
vés aux  castes  privilégiées,  au  grand* regret  des  paysans. 


794  pjtiLOSc^siE 

Dans  là  haute  AUemagnô,  la  société  popalaire  du  Soulier  se 
moatre  avec  ce  t»ot  d'ordre  :  DUes-mai  qu'têi'-ee  fu'il  y  a? 

Repense  :  Nous  m  pùmnms,  vivre  paisiblement  cvee  Us 

prilres  et  les  nobles.  —  Persécutée  en  1505  aux  environs 
de  Spire,  elle  reparaissait,  en  1513,  dans  le  dudié  de 
Bade;  On  vit  alors  d^ux  mille  paysans  portant  une  H  sar  la 
poitpne ,  prendre  de  titre  de  mendiauts  :  ik  voudaient  la 
liberté  des  paysans  allemands,  sous  le  gouvernement  d'un 
empereur  d'AUemagoe;  la  suppression,  dans  les  actes,  dek 
langue  latine  ;  le  droil  de  chasse  et  le  droit  de  pèehe.  Les 

malheureux  1 ils  ktiguàren^t  singulièrement  le  Iw^as  du 

bourreau  ;  et  cependant ,  dès  Tannée  suivante ,  le  Wur- 
temberg voyait  naître  laoe  conspiration  du  mênae  ordre, 
sous  le  nom  de  société  du  pauvre  Conrad,  £n  ce  pays 
poétique,  chaque  ohef  prit  un  titre  curieux  :  celui-ci 
était  seigneur  de  la  Montagitte  de  la  disette  ;  oelui-là ,  de  la 
Prairie  stérile;  cet  auttre,  de  la  G6te  des  mendiants.  La 
Gamiole,  ta  Styrie,  la  Garynthie  s'agitèrent  aussi;  mais 
les  pays«ms  slaves  de  ces  oontrées  furent  vaincus.  Le  baron 
de  Ditriehstein  les -fit  pendre  aux  arbres  par  douzaines,  et 
tout  paysan ,  révdté  ou  non ,  fut  obligé  de  payer  un  flmn 
d'amende ,  s'il  n'aimait  mieux  voir  mcendier  sa  maison. 
Les  Ditmarses  des  marais  de  l'Elbe  eurent  alors  leur 
ieanne-d'Arc.  Le  rai  de  Danemarck  les  attaqua  et  perdit 
près  de  vingt  «itUe  hommes,  que  ces  paysans  noyèrent  ea 
coupant  une  digue.  Cette  Jeanne  allemande  se  nommait 
l'élse ,  la  fiamcée  du  Christ. 

Beux  mouvements  se  manifestèrent  ea  Espagne  vers 
cette  époque.  Le  premier,  tout  féodal,  avait  pour  but  le 
morcellement  de  l'autorité  royale  au  profit  de  la  haute  no> 
blesse.  Le  cardinal  Ximenès  montra  aux  grands  que  son 
armée  était  prête ,  et  tout  fut  dit.  Le  second  était  bour- 
geois; il  Qvait  pour  but  le  développem^fitdu  communa- 
Usme,  l'émancipation  des  villes  et  un  parlementarisme 
analogue  à  celui  qui  existe  actuellem^mt  dans  plusieurs 
Etats  européens;  car  l'Espagne  était  alors  très-4ivanoée. 
Ce  mouvement  porta  haut  les  nonis  de  Paeheco  et  de  Pa- 
dilla:  tvictorîeux,  il  eût  AoRué  à  la  péninsule  son  89; 
vaincu,  il  fut  le  premier  signal  de  sa  décadence^  A  eôté  de 


mr  «ïÈGi/m*  795 

ces  faits  si  importants,  se  placent  la* lutte  de  Cbaries-Quint 
et  de  François  P%  la  réforme,  les  grandes  découvertes  et  les 
^andes  colonisations ,  les  progrès  en  bien-être  des  classes 
riches.  Charles^Quint  représentait  la  tendance  enropéenne 
à  Tufiité;  mais  il  la  voulait  par  la  fusion  des  peuples  en 
un  seul  empire  ?  sans  tenir  compte  des  races  et  des  natio^ 
naliiés  si  différentes  de  mœurs  et  de  langage.  François  I"^ 
personnifiait  cet  élément  que  son  adversaire  mettait  en 
oubli.  Il  eût  été  sage ,  à  défaut  d'une  fédération  de  peuples, 
de  songer  à  un  congrès  des  rois  et  princes  de  l'Europe;  au 
lieu  de  cela ,  Ton  eut  recours  à  ce  moyen  brutal  et  anti<- 
cinlisaieur  a{^elé  la  guerre. 

Charles  avait  pour  lui  l'étendue  de  son  empire ,  mais 
cet  empire  était  morcelé  et  sand  unité  vraie.  François  I'^' 
tirait  ses  avantages  de  Tunité  française  e^d'tme  infanterie 
nationale  qui  valait  mieux  q«ie  Tinfanterie  mélangée  de 
mercenaires  de  son  adversaire ,  sans  valoir  toutefois  son  in- 
fanterie espagnole.  Les  quatre  guerres  engendrées  par  cette 
lutte  durèrent  de  1531  à  1544.  Dans  cet  intervalle,  U  y  eut 
quinze  années  de  paix.  Ces  luttes  ruinèrent  les  peuples  et  ne 
profitèrent>en  réalité  qu'à  quelques  soldats  d'un  grawle  élevé. 

Depuis  plus  de  1400  ans ,  s'élevaient  de  siècle  en  siècle 
les  vcHx  de  penseurs  sérieux ,  qui  tout  en  acceptant  la  mo- 
rale chrétienne,  protestaient  contre  un  grand  nombre  de 
dogmes  du  catholicisme.  L'intolérance  de  Rome ,  qui  avait 
détruit  déjà  des  centaines  de  milliers  de  créatures  humai- 
nes ,  et  qui  devait  arriver  plus  tard  au  chiffre  de  plusieurs 
millions,  devenait  une  digue  impuissante ,  même  avec  l'or- 
ganisation de  l'inquisition ,  contre  les  efforts  de  la  raison; 
et  puis  les  grandes  richesses  du  clergé ,  sa  coiruption  pro-- 
foiHle ,  les  abus  si  graves  qui  naissent  nécessairement  de 
l'oisiveté,  demandaient  une  réforme.  De  nos  jours,  les 
esprits  superficiels  sont  loin  de  comprendre  la  portée  des 
doctrines  éooflomiques  et  les  transformations  utiles  à  tous 
qu  elles  feront  subir  à  la  société.  A  cette  époque  aussi ,  les 
homHies  à  courte  vue  ne  pouvaient  comprendre  cet  im- 
mense mouveWMit  de  réformes  religieuses  qui  allait  bientôt 
se  manifester .muther  avait  moins  de  réputation  que  Viclef  ; 


796  vmiMOBiaB 

bich  xmms  ooiusu'diine  le  mtuidipi  qm  Gokvinv  <r»  ié]a5me 
de  Prague  et  <fue  Joad  flùs ,  ooDsidéré  «ooiaiB  .inférieur  à 

plusieurs  de  ces.  grands  bammes^  diaÎB  plus  poàte,  plus 
mélodieux  ;  dans  Texp^ession  df  sa*  .pensée  qui  se  préMn- 
tait  seirvent  sous  la  >  (orme  id'une.  griinde  et  mystique 
élégie^  'il'possédaità  un  haut  de^.tes.qqelîtés  que  L'idle- 
magne  «irtoutréelamait  dansim  apôtre  de  la  .liberté  hu- 
maine. Ce  fut  d'abord  un  rêveur,  un  fou  mélano€itt<}ue, 
pour  les'cardteiaur  si  positivistes' de  ia  Reima  oathobqpie. 
AuGur^'d*>euxiie  pouvait  er^re  à. ime  défaiUance.de^ia . pa- 
pauté ,  à  >  une  réforme  i  des  >.abiu6.  Loraqu^n  h^  prit  au 
sérieux ,  c'était  trop  tard ,  de  mouveiDeiit  de  l'AfienMgDe 
avait  entraîné  ia  paptie<  la  phas^izitdligente  de  L^Euiope. 

Peut-être  Luther  a-t-il  dû  ses  triomphes  beauccrap  plus 
h  la  prédisposilien  des  esprits  qu'à  son  talent  .naturel  ;  il  j 
avait  chee  lui  plus  d'irréflerâiD*etd'iDaprudeiice  que  d*aiH 
dace.  Le  christianisme  protestant  oaaadqua  bientôt. d'ufiité; 
chacun  Téclam^  son  droit  et  voulut  <,  les  éciitures  à  la 
main ,  se  faire  son  dogme. 

Toute  rhisloire  de  la  réforme  aUemanda  est  palpitanle 
d'intérêt  et* présente  aux  historiens  les  plus  magnifiques 
tableaux  à  dérouler  aux  yeux  de  leurs  lecteurs.  Le  fond  du 
paysage  e^t  occupé  par  les  chAteaux  forts  de  i'Altemagne. 
Ici,  au  pied  de  la  montagneuse  fbvét  de  Thurin^e  si 
gran<fe  par  ses  souvenirs ,  le  vieux  castel  de  Vaitebourg,  de 
l'électeur  de  Saxe  :  ce  moine  qui  cause  avec  le  diable  en 
une  chambre  sombre  qu'éclaire  à  grand'peine  la  lueur  d'ufie 
lampe,  cet  hallueiné,  cet  extatique  aux  joues  creuses,  au 
front  brûlant ,  c'est  Luther.  Tous  ces  hommes  bardés  de 
fer,  qui  s'agitent  aux  champs  et  sur  les  routes,  ce  sont  les 
nobles  de  la  Germanie.  «  Nous  avons  régné  à  Rome , 
»  disent-ils,  et  Rome  nous  a  gouvernés  ;  rompons  avec  eUe, 
»  et  que  l'Allemagne  recouvre  son  indépendance,  a  Ëoten- 
dez-vous  de  loin  leur  tumulte  et  leurs  ciâfi.  L'unité  leur 
manque  ;  s'ils  l'avaient ,  Rome  serait  eutièremeui  perdue. — 
Nous  voici  sur  un  plan  plus  rapproché;  nous  assistons  à 
la  diète  de  Woms.  ici,  les  figures  se  dessâaeatde  plus  près  : 
Luther  se  montre  grave  et  digne  en  présence  .des  baioDS 
allemdnds  et  de  Gharles^Quint,  4{ui  regrettera  {duslard  de 


mr  «ECU»  797 

ne  ravoûpoibt  lût  déeajlîteiv^..coiii]iie)si  la  moxi,  d-iio 
homme  pouvait  tuer  une  idée.  «  Prince  ^  dit*ii  «vïqo  toi^te 
»  l^élévation  et  toute  la  gràoe  d'un  grand  poèidi  avee  oette 
»  .eeeentoation  si  vibrante  qfae  donne  un  grand  périls  je  ne 
».  puis  rien  révoquer,  ainsi  donc  encore  une  ioia  et  nne 
ji  dernièoB  rfois  pour  (oatea .,  me  voilà;  je  ne  saurais  dire 
»  ni  faire  autre  ehose.  •  Que  Dieu  me  soit  on  etde  2 
»  Amtsn  1  j>      o        . 

Entmna  dans* €&  cabaret ';  cet  homme  palet  eiténué  , 
demi*4ttortv  dont  le?  fsxmi  ruisselle  de  sueur  ^  dont  Yaéi 
éàineelie^  o*e6t:enoore  Lutiher;  il  avale  d'un  .trait  de  la 
biàre  de  Brunswîeh  en  un  pot  d'argent.  Bière  et  pot 
viennent:  de  lui  être  remis  au  nom  du  vieux  duc  Éric,  avec 
€6  billet  :  .  > 

«  Ceiuir^là  vient  de  parler  eomrae  nous,  ne  Tavons  jamais 
»  fait  dans  nos  pins  sanglantes  batailles  ;  qu'il  boive  donc  i 
»  sa  santétet  à  rhounenr  de  notre  Dtieu.  -^  Le  cher  duQ, 
»  avait  répondu  Luther^  a  pensé  aujourd'hui  à  mon  pauvre 
I»  corps  :  que  le  Seigneur  Christ  pense  aussi  un  jour  à  l'Ame 
Il  du  due  sov  son  lit  de  mort.  » 

Voiei  venir  maintmant  la  réforme  des  paysans.  Les 
voyez-*vous:  ils  se  lèvent  mal  armés  et  sans  ordre*  EkO 
lliâS ,  Baldringer  en  commande  dix*-huit  mille.  Ils  ont  une 
charte. ea  douze  artides ,  et  cette  charte ,  la  voici  : 

1.  Les  paysans  de  l'empire  d'Allemagne  choisiront  eux^ 
mêmes  leurs  prédicateurs»  qa\  prâcheront  la  parole  de 
Dieu  pure  et  évangélique  ; 

3.  Les  paysans  ne  paieront  que  la  dlme  ordonnée,  par 
IMeu,  pour  subvenir  au  soutien  de  leurs  prédicateurs ,  de 
leius  pauvres  et  de .  la  localité  municipale  ; 

5.  »La  servitudo,  contraire  à  la  volonté  do  Diieu  ,  n'eus- 
tera  plus; 

4.  Lib^té  de  la  pèche  et  de-  la  chasse  ; 

6.  Liberté  du  bms; 

6.  fiiminution  de&  services  forcés  et  des  prestations  en 
nalnre;  .      -.ft 

7.  Les  paysan»  tiendront  aux  siâgneiirs  p«r  un  tiraité 
libre  et  légalisé;  .     . 

8«  Iléniiiiatîonde'ViinpôtâcigDesiial^afiiiqiie  les.paysans 

34 


799  PHi^pS9P^J3 

u^^iejit  plus, .besoin,  d^.viçiisec  .tq^ft  le.rc^TJBnu.d0  ^vx  travail 

<4aias.laMîW6sc.()cs$eigDem^; .  •  .  ^ 

^..  RédaAUûii.dVn  .codeainapleet  iptelligible;    . 
...if),.  £^eQX)que  §6  sera  i^juslement  approprié  desbiees 
cgpipmpaox,  les  rendra  à  la  cqnumme  vitlageoisQ  ; 

U.;M,taxedâ,/(i,  Morl  (x'esti-à-dire  Uai^ent  payé  «i 
curés  eu  ^s  de  décès)  cesse?a,  afin  que  les  veuves, et  les 
c^^'ghçlins  ne  restent  plus  à  découvert  ;        , 

^i^%  Ces  douze  articles  ae  seront  retirés  que  «und  les 
a^versaîrt^s  en  auront  démontré  la  fausseté  «eloa  la  SAk, 
;  .Grand  fut  llGait)arras  de  Luther,  Uapûtre  d'une  liberté 
purement  spiritudle.  Ce  pauvre  poète. ne  yit.daiis  la  de- 
mande des  paysans /{ue  lœnvre  du  diable;  toutefois  sa 
pré4ic^lipns  contribuèrent  pour  beaucoup  à  ral^tir  1  «r- 
deuf  {)|oliti<}ue  des  réformés,  et  à  faire  tru^oipher  le  neu- 
vement  dk  la  liCjblesee  qui  mt  pour  eipretfiion  la  dédara- 
tipndiAusbûurg.  —  Zingli  mércteitait  uneipage  entière.  Si 
lubtc  /9finée  contre  les  catholiques  sutsaes  et  sa  aoaort  oSb&a 
le, plus  vif  ij;itérôt.  'Aeauté,  noblesse,  doux  langage ,  ee^aii 
réellement  civilisateur  :  ce  réformateur  avait  ioiEt  fiour 
lui-, 

Le  .christianisme ,  à  son  début ,  afvait  aa  ses  yisioDDaires 
et  se&  eiitati^ues.  L*extase  joua  aussi  un  grand  rftladam 
le  {protestantisme  ;  mais  nulle  part  las  malsMlies  moiales  £t 
QOjdtagieuseiB  de  rhumanité ,.  ne  se  manifestèreat  aiore  avee 
autant  d^  force  que  ohez.les  anabaptistes;  m. en  vit  se 
promener  dans  le  costume  le  plus  maêunl  ;  ils  |iiopliéli- 
sai/ent^  en  cet  état,  le  retour  au  paradis,  terrestre;  d^«utres 
en  citliandant  .la  •nourriture  du  oiel,  la  madone  et  les  cailles 
du  désert,  se  laissaient  mourir  de  faim.;  d*autfes  eoMriieflt 
les  rùes>,  imîtaniles  enfanta,  pour  se  recwlce  phis  dignes 
deT^mourdo  Christ;  d'autres  rétablirent  la  pelygami^ 
jiiiye.  Munster  deviot  le  théàrtre  deSiOMltflttîans  les  plus  sé- 
rieuses et  les  plus  folles.  L'espace  nous  mwqna  ici  pour 
e$quiss€£;Wiij^anB  de  iean  delie]rde»^ilaifqi$iiûàt6.v  ora- 
teur.,. e:;^tatique,  roi  évangéliqtie  et  messie;  celle  du.àoa- 
lajwgenifatiiisan^  pouphôte  et  .oYlalfiaue.;  iseUe  de  la  fille 
Hilla,.qui  se  crut  une  nouvelle  Judith  et  qoe'^^'Ado^ 
pherpiç.  ât  déq)ipter,4,.celle&  ausfi  4e  la  iiurowe  «  jfocfce , 


BC  SïÊcw.  799 

de  ses  trois  flUes,  de  toutes  ces  refligiéuées ,  de  (otites  ces 
femmes  qui  participèrent  à  répidétnie  morale  de  Munster. 

Sur  d'autres  points,  le  mouvement  insurrectionttel  fles 
esprits  fut  purement  politique  :  un  ancien  négociant  de 
Lnbeck ,  Georges  Voulenweber,  se  mit  à  la  tête  d'une  ré- 
tolte  démocratique ,  qui  donna.pendant  deur  annéto ,  tiux 
oirmers ,  le  gouvernement  de  la  hanse  teutoniaue. 

Voici  venir  Calvin  :  c'est  à  Genève  que  s  exerœ  sot 
aèiion.  C'était  un  hotnme  austère ,  mais  dur  et  bilieox , 
qui  se  sépara  de  suite  des  autres  protestants ,  pour  ratta- 
cher sa  doctrine  aux  fbilnes  républicaines.  Orateur  médiocre, 
écrivain  distingué,  il  fut  un  législateur  sec  et  sans  gran- 
deur. 

Le  protestantisme  s'étendit  à  l'Angleterre  et  à  la  France* 
En  Angleterre ,  Edouard  VI  introduisit  la  réforme  de  Cal- 
vin ;  Marie ,  sa  fille ,  rétablit  le  catholicisme  à  grands  ren-r 
forts  de  persécutions  :  elle  fit  brûler,  entre  etrtres,  Thomas 
Kramer,'  archevêque  de  Cantorbéry.  Ce  fut  aussi  avec  les 
échafauds  que  le  catholicisme,  au  lieu  d'invoquer  les 
armes  de  ta  raison ,  se  défendit  ea  France.  Sous  Henri  II , 
l'édit  d'Ecouan  punit  de  mort  les  protestants ,  avec  défense 
d'amoindrir  la  peine.  Après  de  longues  années  de  luttes 
à  main  armée ,  les  réformés  avaient  obtenus  la  liberté  de 
conscience  et  des  places  de  sûreté,  lorsque  C3iarles  IX,  «ui 
voulait  pour  tout  hagueoot,  messe,  mort  on  hsMilh,  les 
6t  massacrer  la  veille  de  la  Saint-Bartbélemjr.  Quelques 
hommes  généreux ,  comme  d*Harrouis,  le  maire  de  Nantes, 
donttt  est  parlé  aux  lettres  de  madame  de  Sévî^é,  révi- 
sèrent seuls  de  se  transformer  en  boinreaux.  La  Sai&t- 
Barth^emy  tua  beaucoup  de  protestantis ,  mais  la  pensée 
des  Téformés  sortit  victorieuse  de  cette  épreuve  :  i  éqnsté 
la  plus  vulgaire  j^ouvait'-elle  mettre  dans  la  balance  les 
assassiils  et  les  victimes  t  —  La  sainte  ligue  vint  ettsinle  : 
partout  cette  union  féodale  et  catholique  fit  appel  âjox  bru- 
tales passions  des  masses.  Tous  les  moyens  «  démagogie 
populaire  furent -invoqués  pour  combattre  le  protestantisme 
et  faire  aox  Guise  une  grande  positiim.  L'avènement  dé 
Henri  IV  an  tMne ,  en  lSd9  ;  son  entrée  à  Paris,  ea  IfiSf; 
et  la  publication  de  fédit  de  Mantes,  ^en  iMS,  pacifièrent 


8Q0  PK|X.Q$OPH« 

lâ  ,FcaQQe<:  H^nd  lY»  jbrskqa*U  fut  assassiné ,  Tarait  Toria- 
nisatipâ  .d!un  séuat  .eurepéqn ,  chargé  .de.  r^ler,  commt 
^vptifc^j,,  ,tau^es.les  difS«:ultés  politiques  des  pr^icesi! 

.  Apicès. d|ix-huit  années. de. diâ^culté^,  Cri^tqphe  Cotoiobj 
rmf„d^s  |g^«DdsJi(^mes  4p  "^^^  ^9  ^^  iferop^,. avait  dé- 
coMY^rt <VAii;i,éx;jq]ue,  en  1493 ;  Vpscbdô GdiD<ç^,afYâj.t4out>lé 
li^^ap.^jeponp^Eapérance,  eip  149T;  et  Jlei;SQjî!ii^fi  siècle 
était  <^  .p€^»^  ouvert  que  d^à  r£uro^.  cpno<^ssai(  TAmé- 
riqvi^.  dUfMordf  )a  Guyane,  le  fleuve; des jAi^azomos  et  le 

BicéaU.iEM  l^Mtv  ^^^9^^^^^  1^  ^^^^  ^^  ^<^^  ^^  '^ 
S3($tèine  <^loni«l  ;  de.  1^16  à  1591^  Courtes  s'amp^rQ  du 
]Iex,ique.;  de  1539  à  1555,  Pizarre  et  Almagro  ravagent  el 
soum^tteat.  la  Péro^.  Bientôt.leç.Portugai&piçfnneot  leur 
part  de&.nauyelles  déc;o^vertes  ;  yieQQ0n t  eqsuita  la  HoUaDde, 
rAogleteirre  et  la  France,  Le  commerjoe  ^éditertanéeB 
perd  de  son  importance,  et  les .  voyages  de  jQpg-cours 
rempkicent  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le  grand 
cabotage.  -  . 

Ce  oiouveizient  s'accomplit  instinctivement ,  saBs  ém- 
tim^  ^ms  conseience.de  l'avenir.  Les  mines  d*or,  d'ar- 
gent, de.,  mercure,  Texploitation  de  grands  bois  et  à 
terres  fertiles ,  les  épices,  le  sucre,  le  café«  le, riz,  le» 
échanges  des  comptoirs  avec  les  indigènes.^  donoèreot 
bientôt  à  la  marine  un  incroyable  élan ,  et  In  circidalion  de 
continent  à  continent  s'accrut  sans  que  les  chefs  de$  Etals 
susseat  se  rendre  compte  des  rapports  qui  doivent  exister 
entre  ces  trois  grands  phénomènes  :  la  production,  b  coq- 
sommation  et  la  circulation.  Déjà  le  moment  arrive  où  ror 
et  l'argent  ;  seront  considérés  comme  les  seules  riebasses; 
où,  par  suite  de  cette  erreur,  l'Espagne  et  d'autres  con- 
trées s'opposeront  à  leur  «ortie  ;  oùl'on  croira  tout  eeian)^ 
favorable,  s*il  rapporte  plus  de  valeurs  d'or  et  d'ar- 
gent qu'il  n'en  exporte,  défavorable  dans  le  cas  odoiraire. 
Cependant  «lalgré  tout»  l'Europe  s'enrichissait; mais  '^ 
sang  4es  faces  noires  et  jaunes  coulait  k  merci.  D'ua  côté, 
la  bienbeuodttse  inquisition  détri^isait  des  iaunets.  eo  P^^ 
nombre;  de  l'autre,  l'esclavage  faisait  déchirer  à  coups 
de  fouets  des  milliers  de  travaiUeurs  africains. 


Iteut 'pelt^lôs  »ta«ricàiri^ ',  hé  îKricaftïs ël'l^  Péietitfeti^ i 
méritent  ici  quelques  lignes",  leé  Mftcidattis'  étaient 'origi- 
naires (fe  lâ'Califofrtte,  ôûTcm  tient  de  d«6duvWf  d(3 
grandes  villes  abandonnées  qui  témoignent  de  la  véracito 
dé  lenrs^  traditions.  Ils  avaîem  ttn  ealëndrte*  filns  ^«iWait 
que  lenfe  vaittqueaTs;  leur  gblivemériiettt  Stàît 'féoAl, 
leur  a^rieultore  avancée.  Ife  immolâlene"à  letrfs/rtettt*  ites 
victhnès  hun^airies.  -^Le*  PémViéné  étalent  soèirils  â  une 
théôfcratîe  commntiîsté  tfès-patemellè  et  très-habile  eri  son 
gbuVemen^ent:  Ife  né  faisaient  point  W  guerre  éui  ^>eil^és 
pour  les  détruire ,  ïn'ais  peut*  les  dtilîser.  -  L^utr  *gKcttltaîé 
usait'des  irrigations  et  des"  engrais'  avec  trae'reibahlUable 
habileté;'  leurs  fourneaux  à  fondre  l'argerÀ  étaient  bien 
entendus.  Mais  le  fer  manquait  à  ces  deUi'  pèrtpfes  :  an 
pretiiier,  qni  était  guerrier,  pour  faire  de  grandes  côn* 
quêtas;  au  ^second,  poifr  mettre  sa  dvîlisatioii  matérielle 
au  niv^h  de  sa  civilisation  morale. 

La  guerre  de  trente  ans,  la  paix  de  Westphalie ^  quel- 
ques tentative^  tiéptlblidaines,  les  progrès  de' W  ttiyatrté , 
les  deux  révolutions  d^ Angleterre ,  la  persécution  dès  Mèui- 
res,  des  taudôrs  et  des  protestants ,  les  flibustiers,  la  fon- 
dation des  premiers  États  qui  devaient  Ittrmer  M  Siècle 
suivant  la  république^  américaine  :  voilà  les  Witslës  plus 
saillants  du  XVH*  siècle.  Nous  allohsles  faire' connaître  et 
tes  interpréter.  .  ;     . 

La  guerr^f  de  ti^ente  ans'  commença  par  dès  rronblès  re- 
ligieux et  politiques  en  Bohême ,  en  Moravie,  en  Silésie. 
Deax  lignes  se  formèrent,  Tune  dite  évangélique,  l'autre 
catholique.  En  dix  ans,  rAllemagne  fut  vaincue.  Ptum  un 
détêft  qu'un  pays  plein  d^hirétiqttêi  ,  disait  Ferdinand;  Dans 
la  senie  Bohême ,  il  faisait  expulser  cinq  cents  familles'  no- 
bles, fct  tfefrtte-vinq  mille  familles  bourgeoises.  Six  cent 
mille 'Volumes  forent  brûlés  en  quinï»  jours  ?  puis,  vin^t- 
deut  mille  prêtres  hussites  furent  massacrés  par  les  soWats 
italiens  et' espagnols  de  l'empereur:  voilà  le  premier  tfr- 
bleatt  d\k  premier  actefde  ce  grand  drame.  Voici ' le  seteond  r. 

En  l%3ky  la  lutte  continue  avec  les  paysans  allemands 
du  Danube  ;  ils  ont  suoeessivement  pour  chef  Fadinger , 


808  raïusoFHiB 

taiUra^  UAsini  jotir  il  pérîk\,  ei  après  lui- s& Muse f«l  ¥ftÎD- 
ediei' des  pi%es>6nt}èites  ne  isaffiraient  pas  à  Yacosier  ks 
crasAiléd  dont  se  soviUàrent  alors.  Ferdmand  U  et  ses  liMr- 
tônantât 

.  ¥t)icir  iHi  '  «rdisième  4i^l6au  •  Le  bAtari  ée  Mansfeld  •  se 
aoet  ra  tête  de  eontinaer  la  lutte;  il -est  petit ,  a^aigw  , 
bknd,  défiKi0é  par  ou  bee^de^bètre.^  et  ^  n'a  pas  la' sou. 
Personne  ne  lui  vient  en  aide,  mais  il  est  plein  éà.ràléat 
etée  totonté.  L'Alsaee  lai  fmimvt  :Tin(;|fr  tfAUe  aveoCuriars. 
IlV>ateacia  GbristiaB,  leeadet^^de  Bronswieh,  beanidierar 
lier  qui  portait  au  casque  le  gast  de  la  petite^fiUe  de  Jfane 
Sluart,  la  dame  de  ses  plensées*  C'est  alors  le  /tour  desi.ab- 
bayes^  catholiques  d'être  pillées^  SainlLibore  était  d'or  jmt 
et*  pesait  quatre-vingts  livres  :  Brunswioh  TeiBbiiasse^t  L'eoh 
porte,  après  force  plaisanteries.  A  Munster,  il  prend  les 
douze  apôtres  d'argent.  Vous  êtes  des  fainéants ,  iewr  dît* 
il ,  et  il  les  fait  fondre.  Bientôt  ces  deux  obéis  sont  rqokits 
par  plusieurs  Weifnar;  Tun  d'eux,  Bernard,  d^ait  èUe 
an  héiM,  mais  la  forimie  les  abandonne.  En  vain  Mansfeld 
réunit-4l  trente  itiiUe  {Mrôtestanis  :  il  est  vaincu  par  ValieBs- 
teîn.  Singulière  figure  que  celle  de  YaUeostein  :  il  est 
gralid ,  sec ,  maigre,  taciturne  ;  de  protestant  il  était  de- 
renu  astrologue,  puis  général  de  Ferdinand  IL  PartaH  il 
triomphe ,  et  bientôt  Y^ire  régné  en  Allemagne.  L»  pto- 
testants  vaineus  sont  décimés  :  on  les  reoennalt  aiséttient 
celui-ci  à  un  œil  de  moins,  cet  Autre  le  nez,  d'auttes  me 
ou  même  les  deux  oreilles,  car  c'est  ainsi  que  l'on  a  tenté 
leur  conversion. 

Nous  voici  au  second  acte  :  le  roi  de  Suède ,  Gustave- 
Adolphe  apparaît  sur  la  scène  ^  et  tout  ohanige  de  £aee. 
Deux  mille  Croates  venai^at  de  couper  les  seins  à  six.-eents 
paysannes  ;  il  les  fait  prisoeuiiers  et  les  passe  au  fil  de 
répée.  Sa  manière  toute  nouvelle  de  disposer  les  troupes 
étonne  et  suiprend  ses  adversaires.  ALei(àek ,  il  raoipert£ 
une  grande  victoire ,  et  bientôt  il  songe  à  reconstituer  l'em- 
pire allemand  :  Richelieu  Vj  encourage,  de  nouveaux  succès 
l'y  convient.  Il  livre  la  bataille  de  Luizen,  il  est  vainqueur 
et  perd  la  vie. 


AmtroiaàBÈB  m^'d^^cemAeSféÉséyimffèàis^}  laWmiàÊiÊ^^ 
beTg'  iewmA  mm  déMrk;  'Beenami  do'  Wetinar'  scrattanlliki 
hiite  M9»  héraôsme  .«timeurt  «nçoisoDuiév  VoptesikHi'Je 
gMtteiD^  arrive  idwagpai  thaise  eu  pootereirv  patfnnÉrt  è^idlen* 
magne ,  (kmne  se&  ordres  et  gagne  des  batailles.  Rtté9>  ila 
httlè  dfrvieiit  wiiGfoeiiMnt  impémâiÈiè ,  Qt-l^iFfànoey  piVni^ 
Hm.pAd  aetôve ,  paa*'  ses^géoémoe:  liireHifce^  (Qondé' «eA 
Gaéiariaat,  mais  dans  r^M^iie  but.dfabaisserkiimtaiiBQiùn 
à'Aoiffiebe.'  ■•'    .-'  '.•^r  •>'-*! 

Jm  «nété  (ie  Wes^kalie  eonBotidd  la  tûnJédératioii  geï»^ 
Hianî^ae^  eli  jeoeuaaiflâaDt  son  exi6tenee:légaii9.  ii-^^odfohlf} 
perdit  h  pastie  ftttosUenittal  française  de  rMepaagne  v 
VBspagne,  la  Hdlasde  et  le  Portugal;  la  S«ièâë  devim 
neiobr»  ée  l'empire  gemMiniqae  ;  les  répR]bliqu)3»'dier.Siii56ë 
et  des  Pajsffias. virent  Gonsaerer  leur^indépeiidaiiee.  Ainfiî 
fut  étafclœ  ee  que  T^n 'appelait  la  balance  ffokttiqudt  (de 
l'Europe.  .    ,  î 

iitfi  teaioti^sî  8épiiblieai»esi  de  ce  siècte 'eurent  lien  ;  à 
6ènes,  eèi  les  plébéteos  eseayàienl  en  rainr  de  ^'etnpareiT 
du  pouvoir;  en  Catalogae,  où  le  mouvement  uvatt'  poor 
bvl  de  iséparer  cette  proi^ime  de  l'Espagne;  en  FraUfiO ,  où 
les  cheis  aristocratiques  du  protestantisme,  tons  ^^a  reMe 
tràs^libéraux  et  très-capables ,  voulurent  organiser  une  fté^ 
pnUiqae  fédérajtive  eon^osée  de  huit  provinoes;  à  Naples^ 
ea  1647;,  ou  Mazaniello  régna  un  jour  et  fut  empdcBOoné 
par  fe  vtce^roi  le  due  d'Avcos  ;  en  BoUando  et  à  Oenère , 
€à  il  se  maintinl  et  fat  veoonou  par  te  tranté  de  We^*** 
phaKe. 

En  f676y  les  jésuites  réunirent  au  Paraguay  vÎQglhdoux 
penptades  soos  leur  doBaination^  ils  orgaffiisàrent  en^  ce 
pays  une  répnUique  théocratique  et  commuiiisle,  anatû^aè 
en  son  gence  à  ceîie  que  les  Ëspaignels  affalent  détruite  ati 
l^tou.  En  i69a,  ils  entr«f>reEiaient  la  conversion  des  Chir 
quitos;  Le  gouvemeiaettt  des  jésuites  donna  'souvent 
imueMirp  de  bonheur  matériel  ans  popnlations  ;  maôs  ce 
fiit  en  dégradant:  b  natnve  bumaîne  par  kr  suppt^easio»  la 
plus  afaBoluede  la  Kba«é  et  de  la^»oala(néité,  e»  rédmsant 
les  indiens  à  Tétat  d*a«t)ittates. 

En  France  et  en  Suède ,  la  royauté  devint  toute  puis- 


904  psiL06d^]ttÉ 

voldi^té'du  fHdiiplé  m  unAqtiènièiiten  tMtined^  la  noblissse. 

En  9rAÈke&\  Ldvis^XtV  «rrive  à  ^èi1»(d  nsseZ'  <ptli0l»attt  )Xjtar 
dwe  t'!«r  ("fiMi,  c'est  ioroi  »  ,^êl>«réer^^mtâunismégoUt4Bff^ 
B«t»èiyt&I  Que  i)6iâiucotit>  âe  pttblkisted  irréfléchig'  «cotffeft-^ 
dl^nl;  av^é  l^Ultéydû-^dYiMr.  -^'L«  ^ègle^vt^t  Qb«'î«Aiîoitt 
les  intérêts  nationaux  appartietifif^ïiit:*  UinaiiM  ;  i^epréseB- 
tée  selon  son  désir  par  un  gérant  à  temps  ,  à  vie  ou  béré- 
ditaire ,'  tfa  pèflr  Un  eonseit  lâoni  d'une  éétégatiOn';*ïatft^  les 
ifité^tS'  ootiitnûiiaui'  «ont  «d'essefK^  ^eotuo^MUe  ;'  ^'i«&  ml4- 
^è1»  indfviduës'dont  dtt'  domine  de^yiÉdhidul  i^^is  Sil¥ , 
en  se  {aisanr^bsolu'éu  li&u  d-6tre  seuiéntenl^Ia  peirson^- 
oation  désintéréls  généraux  de 'Pranoe^^préparafo  noSne 
d<^  sa  dynafiiAé.  M  Appuyé  pai^  la  liberté  indiiîduûRe  et  la 
hberfé  des  eommuned ,  il  eut  été*  sittgulidtetnelit  plu^  puisr- 
sanl)  el  île  peuple  (pètiçais  ti'eut  pàà'<e«r  peut^tm  à-  subir 
les  douloureuses  épreiuves  de  89  ,  95  ^  1814 ,  181â'^  1830 
et  4848,  --  épi^euves  penéaM  lesquelles  il  n*«  60*  praliqMr 
à  6on  touriilte  liberté  kidiviâuelle ,  m  lèivéritable^  liberté 
des  communes;  -    - 

L'eaprit  d*«ntolé^an<!e  Teligpieu^  a  eomm» ,  au  XVII*  aè- 
de*, de  igramds  crimes  contre  les  in^i^idus*  eV  lee  deciétés. 
Il  débute  en  Espagne  (  11609^) ,  parprosetè^e  neuf  cetrl  oniie 
Maures.  Henri  IV,  qui  avait  une  grande  politique ,  *a€<sord« 
le  passage  libre  et  du  pain  à  cent  cini^ante  miHe  ée  ces 
malheureux  qui  se  réfugièrent  dans  lesÉlats  barbaresqucs. 
Tourmentés  enBei^que,  les  Wallons  se  saovèri'e&t  en  Hd- 
lande.  Dirigée  par  les  Nassau ,  famille  habile  et  libômle  , 
cette  partie  dU' corps  germanique  arrivait  à  la  liberté  après 
trente^sept  années  de  lutte.  Les  Espiagn^,'  dame  cette 
guerre,  avaient  voulu  traiter  les  européens  comme  les 
jaunes  d'Amérique.  A  Harlem,  trois  mille  personnes, 
fémknes,  enfants,  vieiltards,  avaient  été  attachés  dos  à  dos 
et  jetés  à  la  mer  par  ordre  du  fils  du  d«ic  d^Albe-.  I)  restait 
encore  desYaiadois  dansle  royaume  adoèl^Piérnool  :  en 
16M,  Louis 'XIV  ^ida  A'  leur  extern;^atioavi»^  l^ur 
prinaene  tiff'da  pas  à  reconnattre  qu'ils  4t«ie»^  6ed  plas 
iidèlesv sujets ,  ses  meilleurs  agricwkeurs;  que*  cette  persé- 
cution tl^uctiait  è  la  richesse  sociale  de  son  paysv  et  leurs 


àéhris  forent  resftfdési  tNoufttDeiraaoMer^Nis  point  iciiles 
souOraBces  des protesliantô^aiMM te  «ègnedd  eeitiii  que  .si  à 
tort  Ton  appelle^le  granij  m  z* les  âiagi^i^^s  dè*!!^  let  la 
révocation  de  Tédit^de  Miant«s  4e  .1685  •  çhM09i«W!t  de 
Fpaii^  rélin»  de  ses  produiot&ur&.  L'Amérique,  TAngleiterre., 
la  HoUandev  le/Daoeinaii^.et  k  (Iru^so  y  gagoèseofc  tout 
ce  demi  ia  Framoe  f«t  appattwie-:  .    t   r    .    ,    , 

Lapiceaiière  révolution  britannique  mît  en  |)irésencçrauto« 
cratÂe  royale  et  le^aspirations  du  partemeot  k  la  libarté.Hdiiie 
heuteuique  Louis.XIY,  Ctiaries  l'^^fgiiC  vain)ça:etnii$:à  movt 
le  9  février  i6i9«  Trots  paeiis  saidkvisaÂeat  «km  l'Angle^ 
teiw.:  les  uns  voulaient  la  néforme  des  abus  par^rautorité 
royale  eUe-mème  ;  d'autres^:  uae  réfocm^r  polkiqua^.boauH 
coup-  allaient  pluB>  kw  et  prétendaient  fgOHveiiaer  les 
églises  par  dea  assembiéesfplus  ou  moins  démoaratiqMS. 
Les  républicains 'formaieDt  OR  troisième  parti  ;  eeuK**ei  voi»< 
ki^it  (Ranger  •  entièrement  la  forme  du  gwyemement  •  y 
mais  ils  ne  compceqaienl.fMi&  açsez  que  la  fon^^etlaiond 
sont  solidaires.  Après  douze  années  de  lutte ^  Groowwol  sa 
fit  nommer  proC^oteur.  Sous,  son .  gouvernement  t  L'Ào^e* 
terre  grandit  beaucoup  en  influence  ;  apvès  sa  moit  yiiU 
TanaFcbie,  puis  une  restauratioo^que  prépara  la  Irabifion 
de  Monk.  .  .      <  . 

Charles  VI  monte  sur  le  trône  en  1660  :  les  treize 
premières  années  de  sonrègne  tirent  triompher  Je  oatboli** 
cisme,  mais  le  protestantisme  était  trop  puisaanlifKmr  ac- 
cepter Tabsolutisme  religieux ,  et  les  communes  imposèrent 
au  roi  le  fameux  aotodu  test.  Intolérant  à  son  toor^  le  pro* 
testantiane  voulut  que  tous*  les  fonctionnairea  publics  re» 
nonçassent  au  dogme  de  la  tracâuhstanliation  et  commu<* 
niassent  à  l'église  anglicane*  L'acte  de  Vkabioi  cwjnu  vint 
ensuite;  cette  loi  interdisait  la  traxisportation «  aecordait  au 
prévenu  le  droit  de  liberté  sous  caution  ,•  eiiig^ait  que  la 
cause  de  Ten^isoiittemeEkt  fut  ju9tifiiée,:et  donnait  à  Tae^ 
cusé  des  jug^  dans  un  temps  limité.  En  deuxiomots,  eUe 
créait  et  garantissait  la  liberté  individuelle t  œ  fui  n-exisiait 
pas  encore  dana  les  monarehies  européennes. 

Jacques  II,  monté  sur. le4rô|io  en  1695,  favôma  siogu- 

34* 


soii  gendre,  Guillaume  dOraoge ,  chef   de  la  Hottande, 

d^acqtia  Wi  AngletorriO^  ei  .r^nv^ecsA  U  rpgrAuté  fm&k 

,  Ce  fu(>  m  XVIl^  siècle  qae  la  dyi^âlie  nustse .  (tes^  Ao»i- 
poff  mon^  «vff  le  trftne ,  .<4  «que  la  Qongrie  devint  Itécédi- 
^aire^dan^  la  ipai^on  d'Autrichf . 

.La  moyeiHA^  levait  eu  ses  rou((iersrie|  s^  tmàimVffi  i 
^BQs  de  saoet.  deseorda  :  le  XVII*  slèoV^  wt  ses.boycaottrs 
et  ses  flibustiers,  Ua  mai^  de  rAmérique  du  nord  d  des  An- 
tille»  et  de  ila  fialiforaie  fui^eot  le  tbé&ice  de  laurs  expidiu. 

Gromwel,  ew)B»e  jadis  Dugue^cUn ,  eut  l'habileté  de  s  en 
servir.  Ces  écumwr&de  mer  .ne  se.  donnaiwt.jpas  pour  4e 
petits*  geotiWaoniffws  ;  ils  m  fai^i^at  au^urplui»  qpe  i^- 
ter  à  leur  profit,  au  sein  du  Nouveau-Monde,  les  scènes  de 
pillage  «de  meurtre  etd'inoândÂa^  qui- désolaimt  i-nooiefl. 
à  roooitfîûn  des  questions  religieuses 

Lee  petséciitioDS  etereées^  en  Eurojpie,  par  l'iotelàraQGe, 
lurent lasourocidea premières émigratians dtna  les eootrées 
fui  ioimeot  ai^ourd'bui  la  république  .a«»éricaioe.  En 
1630,  des  puritains  anglais  cherchent  un  refuge  daçs 
TAmérique  du  Nord ,  où  ils  commencent  de  grands  défii- 
ehements.  Bû  1^7^  nouvelle  éoMgration.  Dès  1^ ,  ies 
quatre  piovinices  de  la  nouvelle  Angleterre  (cMrment  ooe 
eonCéd^tioD  sous  le  nom  de  colonies  unies.  En  1646i  de 
BOiiàhveux.  pUnteura  s'établissent  en  Virginie.  En  1&S6. 
des  quakers  wpulséad'Ang^tenre  se  réfugient  daas  l'Aisé- 
rique  du  N<Nrâ.  £n  1660,  beaucoup  d'entr'eux  s'établûseot 
ra  Vîi^giniev  d'autres,  en  1663,  passent  à  Rhode^Islaad, 
où,  par  auite  de  persécutions^  Rogo^  William ,  le  fendal«|r 
de  la  secte  nouvelle  des  baptistest  s'était  réfugié  et.âv^t 
4;iéé  un  état  civil  qui  ooDsacBait laUberté des eultip la plo^ 
absolue*  En  ±665 ,  Loke  donnait  à  la  Caroline  m  wi- 
mmi  dû  l^slation.  La  NouveUe^Yotok  date  d«  iiU\  \^ 
Louisiane  se  peuplait  en  1679  ;  la  Peos;lvanie  e/k  1680. 
Penn,  en  1682,  traçait  le  plan  de  Pbil«4elphie«.£ft  1^9, 


JMi  Mbsylyiitïtfe  doit  être  •eoii9lA6i^  «Mililëi^i^ 
ppMiiêrs  Etats  cpA  «tiMi  ()Os$édé  nm  ce^\i\ilMt^'iê^h' 
ment  humaine.  Non  content  de  Tacte  ministériel '^iW^Hàfs 
q^  inr  fivraH  te^  terte$"aiBâiéeMdi}ia8,  P^rlW  fH^rè^ftè^  sa 
oMiaes&iM^HHr  lès^mhii^s'^  imys^iPuut  dè^tèiM«*t}Rbyën^, 
dans  la  PensyWanie,  il  suflftiaît' A»  43t5i««"ft  'dn  ^ti-â^^^ 
prême  ;  d'être  chrétien  en  morale ,  pour  participer  à  l'au- 
tdrMé;'  Pem  ^n^daiit  tiî  rel^fi  '  dbniÉmtitei;  ut  '  ^Mrgé 
salarié^  iii'confnbatiotosïcn^éed.  Leârdetis^iéfi^  dis^^Vd&c 
étaient  oéoessaires  poap  voter  onMimpOt.  Les-  (;k^ibîmaa^ 
eUJPMH  poor  nnasîoa  de  pt^tBtiii'  l»s  proeès  et  ies^crvmèfs. 
Le  gouvernement  ha  réduit',  ^ns  sa  répuMiqaer,  %*Vëral 
de  fiiniple  adÀDinistralîoD. -^L'apptoèralion  dte  ce-^ystèrM  ïi 
doûné  d'dxeëllentes  traditiom  aux  Etals  actuels' d^l'Uiiioit. 

xm^^  siibciift.  --^  Les  fuerres  reli^jîéttsee  sont  lermlnéesf  : 
la  toléraiiGe  a  gagi^  quàque  peu-  def  terraiH'^  sofVont  chez 
les  personnes  des  classes  riches;  mais  aussitôt  eamrmeneent 
les  gfterre»  pôKiiqcies.  L'Angleteete,  la  Vt«Me,>fE^p«gine , 
la  Prusse,  F  Autriche  el  la  Russie  sei  dîsptUenîki  pféfW- 
déraMè^  penéaitt  que  la  Turquisi^  à  pavik  ée^'sa^éfeîle 
sons  les  murs  de  Vienne ,  par  Jean  Sobieski  i  s'ifffais^  et 
s'ail}oin(k»t.  •    •       '  «     î 

Au  ]&VUI^fiiè^,  l'Angleterre,  si  li^ië  en  charbM  de 
terre  et  eft  minepais  fiaeilement  e^toitaMes,  dMsoHde'sa 
purissance  îndastneUe  et  oomnaerciale^  Btte  émàii*^ffmîfr, 
sous  ce  double  rapport ,  an  premier  rang  dam  k»  pi^fBièi^, 
moitié  de  notre  siècle.  La  Rassie  akirs  se  i^tiète^  ecMMine  pou- 
voveOAtînental  :  en  eifriinant  dies  ten^teaces  antKeivUisë- 
toices,  elle  perd  moralement',  de  nos  jours  ^  ane^pai^iè  dès 
a^anlai^  que  lui  pffoouffenl^  une'  diplbmatfe  frè$»aabile , 
de  graodee  richesses  temtorîales  el  d^ncessantes  oonquêfies. 
—  La  Prusse  s'aggraadit ,  ^as^  Ftédéric,  juèqu'è^  devenir 
une  Missance  ^e  preniier  ofdvev  -^  L^utrichei,  soàs 
Josep»  H ,  tente*  de  grandes  réiomiesi  ^^'''  La  Pélegne 
parlagée  cessa  •  di'^re  »  une  '  barrière  aux  eïivahissements 
môeeotites.  -^  Le  nouveau  taoïidé  donne  à  l'ancien  des 


80B  vmiou^wa 

leçoDsi  dd'iibérilistBe ,  et  safiranehit' dd)  sa  4uteUi»;  i^^  La 
F«an€6  devient'le'foyer  des  pins  grandes  înitîatioiiS'Sou6-te 
]!tf>pe0t  da  ccédM V  dies  slieMas  ;  -des  attS'^t  dM  idfes  *{jlû- 

raie ,  mais  siidpleiiDetit  i d'une >(Aiarpe|ili^  destinée' à  nsiier 
eiltrer  eox  Les  priiicipauii  faits  d-ime' Imtoive  de  rbàma- 

La  paix  d'Ulredh  teroAina'^ne  gÇHifrë'sÉSDitéei  par-it 
succe»ion^'SBpagiive>;  ette  fut  faeilitée  pat  te  batailler  de 
Oenain*,  quegagiia  le  mafëciial  de  Vitlars,'^»i;Ti9;  bMs 
devofB  la.  noter  ici,  à  catise^des  positions  itBspe<!iliTeB  q«^e 
donna  <aox  dirnses^  puissaaœd  eumpéennes. 

La  maison  de^  BonrtMCtn  (^le  du  temps)  Mi  l'Bspâgne 
et  lies*  colonies.  ^^  GeUe  d' Aairiohe ,  leë-  'Pays-Bas ,  te  Mi- 
lanais ^  Maples  et  la  Sardaigne.  ^^  Laonaison  de  Savoie, 
la  SicHe  et- ia*'Siiecession  éventuelle  de  l'Espagne^  «-^  L*An- 
gleierreiMçiit,- comme  compensation,  Gibraltar;  Minorque, 
TerDo-Meuive,  la  Hollande*  et  des^  places  fortes  pour  se 
défendre  an  besoin  contre  k  France^  --««  L'électeur  "de 
Bk-andebottr^  fut  reconnu  rbi  de*  Prusse.  »^iU  fut  stipulé, 
de  >  plus  ^  que  les  couronnes  de  FVaii0S  «t  d^Espagne  ne 
poufroient  être  réunies.  .    .    .     -     ' 

La  Russie  n'était  qu'nne  puissance  en  puissance  d- être  : 
le  ozar  Pierre  fut*  son  révélateur.  Son  testament  im  traça 
une  politique  trè»-égoïste,  mais  fCNrt  habile  pour  lefteAips. 
Sa  veuve,  €aflherine  I'*,  lui  succéda.  Menaiikdf,  son  conseil, 
continue  T'iBtivfé  eommeneée.  Pienre  II  vint  ensoite  ;  puîs 
Anne.,' qui  confia  4es  pnneipaux  postes  admioistratUs  à'^es 
étrangers  ;  poisfiiisalMth ,  qui  eut  pour  tendance  d^afi^iiMk 
la  Prusse.  Pierre  UI  hérita  de  cette  prineeese  ;  il  abandonna 
la  peliftique  de  l^ierre  l*%  et  Alt  victime  d'une  eôns|iir«tion 
à  la  tôte  de  laquelle  m  troamtt  Oatberftie  H ,  son  épouse. 
Celle-ci  reprit  la  politique  de  Pierre  I*^,  qui  élak  dé  Mlisti- 
tuer  un  etapiro  européen  ^avee  OonstahtÂioplé'fjim^  capi- 
tale. EUe  donna  à  la  Russie  la  mer  Noire  pûHr  iliitiil^«  et 
mourut  en  1796.  " —  Cette  politique  a  fait  ^sotf 'ietn)te  : 
c'est  en  se  civilisant  elle-même ,  c'est  en  perfaelioinaant 


w>siàGUiv  809 

ses  toutes  et  seamDyensdeie&flQdmuicatîttivefest.eBtéte*^ 
vaoi  865'Seiife  À  Télêt  d'fcb^aife^esfibre&4  9ës'(binif^oiB'»Hfu 
lùiffMu  dts  marcbands  diil  Fra«»'iel''(yAiigkitanrei;l>c'oet!  en 
accablant  de  bien-être  les  Polonais  jusqu'à  leur  faire  oïdlÀier 
leur  nationalité  ;  c'est  surtout  en  multipliant  ses  écoles  des 
deux  sexe»  et*,  ses  universités  ^fue  la»  ftussie  Courait'  «nriter 
au  premier  rang^  auquel  là^ocMrientUtprtnligieusefertililé 
d'uQQ  partie  df^iStm  temitôirei^  soa.  îmittenae  ^étettdue,  «de 
fortes  institutions  communales  et  de  grandes  assoetatieBS 
qui  oe  âtonan^ent  quelle  .rayon  é»  la  soi«meë.  ^    '  -  ^  >.  : 

Au  commencement  du  siècle ,  pendaisii^fl  beameup  de 
prîiicesi  donnaient  •I'ex0mf>l0de  laidémoraUsationv  ¥véiin& 
Guillaume  devait  ayeo  une  grande  sévérité  le -prtufite  de 
Prusse  et  son  fils^  CekiÎHsiiui  Frédéric«-le«fimid.  Arrivé  au 
tr&ae  en  1740,  ilsa  montra /littéraleiur  éclairé'^  •fihilo»]lhe 
tûtérant ,  administrateur  habile  et  grand  homsie  âè  guerre. 
Infatigable ,  il  se  levait  àr  trois  tienne»,  et  s'oGeupaiC  chaque 
jour  près  de  sieiae  heutes  d'une  rnani^  séiieiisBi  Sur  hî 
poFleâe  son  conseil  d'ÉHat  il  fit  inscrire ,  en  lettoes  d'<yr  , 
ces  quatre  mois:  JUBTiGfi,  orbbb,  tBavilL,  jroLfiRAifCt 
RALI0IHD88.  Pendant  que  ledespotismecamprimait  ailleurs 
la  sais<m^  la  liberté  d'écrire  etrla  libeirlé  d^dusatiofei^  la 
Prusse  formait  un  lieu  d'asile  où  se  réfugiaient  les  esprite 
indépendants.  Le  vieux  Fritz,  ainsi  l'appebit  son  peuple  , 
fui  lebéposde  soip  époque.  U  fit  son  possible  pour  que  la 
jusUce  fut  juale  et  à  b(xi  marché.  Il  mourut  en  1786 ,  ^rès 
avoiir  singuliàremeut  contribué  aux  progr^^de  la-  phiioso^ 
pfaie  allemande.  U  commit  eependant. une  graB<ie  niuieeR 
sa  vie  ;  oe  fut  de  coopérer  au  partage  de  la/Pologne. 

€e  fut  h  Berlin  que  peu  de  temps  a«aa»t  la  révolutâon 
française ,  Kant  publia  le  joiumal  le  jUmb  philoeo^dûque 
qu*ait  possédé  1  Allemagne  au  dernier  sièele  :  c'étailt>ine 
revue  mensuelle.  .11  eut  pour  oollat)ora4eiu«  .lo'jnii  Men- 
delsehu^Nicotaï,  Baailer,  Gitdm^  Wolf,  les^DeHumbold , 
Schiegekt  Fifhte  et  MuUer. 

fin  fegard  de  Fpédéric«leH&Tttad  ,  l'Autriehe  eut  le 
bonheur  de^poeséder.  uut  ampeieiir  •Don  tnoina:  généreux , 
nea  jueiaa  dém^aé  à  la  réformedes  abus  :  Joseph  U  abolit 
la  t^ure^  prodama  Findépendance  de  l'empire  vis-k-vis 


8t6  pjHboyoPHffi 

du  pape,  décréta  h'  MAérafidd  retàf^iffJÊe ^'immàlpA  les 
ioff^ ,  fit  oomiyoser  des  èant^uèsaSeifiàiiâs  potiffee^eer 
leë  Gâïitiqmaiatiiis,  condâmaa  ati  pikirl;  tout  oommé^aniDs- 
nakit,  UD  eacroc'  de  hatit  parafe,  le  colonel  Ssikoufy,  ou- 
vrit aox.bAiards  fo  saoceasîon  de  leurs  pères^,  pont'  èm{)<^ 
dberta  oobl^ae  de  séduire^  led  ftHes  de  la  boorgeoisie,  et 
supprima  les  privilèges  de  la  noblesse  hongroise  qu'il  sott- 
mit  à  rimp6t.  Ces  réfortoes^dorthi^eiit4iett  àde  tiombifeQses 
dilBcttltés.  La  iK>ble9se  bûngrôisie  qui  cosiptait  iidatteoup 
de  protestants ,  était  extrômemeni  libérale  ;  elle  avait  déjà 
pris  rinÂtiati^e  des  réformes,  mais  elle  feosiMskiçulière* 
ment  à  ce  que  sa  constitution  '  fftt  respeeiée.  Eite  Toa* 
lait  avoir  ellennême  le  mérite  de  pM^cikimer'  vis-à-vis  de 
sa  nation  les  améliorations  désirées  et  dé^t'abies.  Un  sen- 
timent légitime  de  ses  droits  ne  lui  permefftait  pds  d'aeeep- 
ter  une  intervention  violente  queUe  qu'elle  fut,  du  moment 
qu'elle  n'était  pas  légale.  Les  actes  de  l'empereur,  qui 
n'étaient  que  la  continuation  de' lapditiqâe  de  sod  predéces- 
seuTf  et  qu  avaient  pour  but^  à  tbté  d'améliorations  rédles, 
de  réduire  d^antiques  privilèges  au  profit  de  la  royauté*, 
donnèrent  lieu  de  sa  part  à  une  juste  et  légitime  agita- 
tion que  compliquèrent  d'autres  mouvements 'créés  aosein 
de  l'empire  par  des  améliorations  utiles  et  légales. 

Joseph  II  mourut  en  1790,  après  avoir  été  contraint  par 
la  mauvaise  fc»tune  de  revenir  sur  quelques-unes- des  ré- 
formes libérales  doot  il  avait  voulu  faire  jouir  la^  peuples 
h  la  lète  desquels  l'avait  placé  la  providence  :  tl  mmt 
wmlu  h  Um^  tt  ne  fvi  h  rMi^tr.  -^  Telle  avait  été  ce- 
pendant l'éducation  de  cet  empereur,  leUe  était  IHnflu^ïce 
des  idées  du-  temps:»  qvi'il  put  participer  avec  la  Prusse  et 
la  Russie,  en  177^,  au  partage  de  la  Polegae,  sms <}« 
l'Europe  y  prit  garde. 

Un  second  partage  de  la  Pologne  eut  lieu  en  17911;  fl  hi 
suivi  d'une  révolte  à  la  tète  da  laquoHa  se^  posa  l'uii  à^ 
>lus  grands  hommes  qu'elle  ait  pioditte  e'était  Koimsko, 
'aide-de^amp  de  Wasington.  Son  tiabileté'  aal  latt^^ 
contre  le  n<»nbre  ;  mais  ilâUut  eéder,  et  aa^paatie^fet'^ 
membrée.  Il  ne  resta  phis  de  eel^empire  qui»  s^éiendiil  i^ 
la  Baltique  àia  mer  Noire ,  qui  avait  tenu  en  re^qpact  les 


t 


Tarfeif^,4aiRu«w.et  tes  TujPQç»,,qpw  UvÂlle  .l#>re  Mif^^- 
covie , .  jOQcupée  exk ,  1848  jp»^  ,\q^,  AuU^|chi^<^..  1^3  ;  graj:^s 
unhârsUés  de.  ce  pays  «  que  le^  j^u^,  m\^^  Uvà\^\^,  .4e, ,  Po- 
l^g^e,$'bQnaFaient  d'avpir  créées  ,.>'apic]|in4i:^put^et  d^fi^ 
ruieot.  L'éiDaBcipation  des  paysans ^  .^  gri^^d  awy/^.pp^i' 
lesiiol^les  de  se  (aire  aiioer  de  leurs.  vas$^ui(,»  J^VMTt  4^t,4é- 
fenidue*  Les  écoles, 04yerl^^i  |i  ^Ue  clasf^e. 44>wii^v^'iFAr 
beaucoup  de  CG^^rS:généro^Xq|  £ur^nt.  £er{a(^s,,,et  |q  py^ir 
fut  €A  linéique  sorte  prohibé  daAsli^  P^iQ^d^  CQpemi^.4 

Depuis  près  d'un  siède^f  TAmériq)^  du  ij^^  ..^^«it  .le 
point  de. mire  des  émigraoLs  européens  qui.fl^sipfiiqiPVMQe 
liberté  vraie,  et  la  possibilité  de.vivr^  t^ujr^ui^f,,;^  tra- 
v^aot.  Le^  aventuriers  allaient  ailleurs^  t§s  ^i^oiwpws.  qni 
avaîwt  des  babi^tudes  d'ordre  et  d'écopomje,  s^  Q^ie^tici. 

Vers  la  fin  du  XYII*"  sièple, de»  protestant^  j^ra^^aiset 
des  Hollandais  s'étaient  établis  dans  la  C^roli^Q  du^  $ud. 
Vers  1750»  des  Irlandais  ^e  ilxèreatsurU  ri\ièrp|,de^i^tée 
et  fondèrent  WiUiamsbourg.  Â  la  n^én^e  époqijie ,  (tes 
Suisses  s'établirent  sur  la  rive  nord-est  de.  la  S^y^niiiab  , 
sous  la  4;onduite  de  Pierre  Pury ,  et  formèrent  le  village  de 
PurysbcHirg*  De  174b8  ^  17$5,  le  Palatinat  fournù  de  nom- 
breux émigrauts  qui  fondèrent  Orangebou/cg,  Cpng^rée  , 
Wafteréeii  Après  la  bataille  de  Cullodan  »  des  .  Écossais  en 
grand  nombre  furent  transportés  dans  la  Q^rolin^  dii  sud. 
A{M^  la  paix  de  17659  la  Caroline  ilt  un  Jondi^.  poiir  les 
protestants  étrangers ,  et  les^  oob)na  péq^èrenl  jusqu'il 
oeot  cinquante  mille  à  l'oue&t  des  anciens>établ^&se^i03^n,ts* 

Au  XVII''  siècle,  le  gouvecnement  d^s  fH>tpiûes  apléiri- 
caînes  était  propriétaire;  mais  une  preo^ière' révolution 
surve&ue  en  1719,  rattacha  direct^m^it  iips.  habitai|tA  4e 
la  nouvelle  Angleterre  à  l'administratiande  1^  métropqjl. 
Telle  fat  la  prospérité  de  oe^  contrées»  qMB  de  1765  à 
i77£»  la  Caroline  vit  doubler  et  pl^^  sa  population.  Ce.  fut 
alor»  que  les  prétentions  du  parlement  anglais»  au  droit 
d'impôpr  lea  cokmieft  et  de  les  gfimvem^r  k*  ^  guis.e  «  jetè> 
rent  «oe.pcemièrt.  et  profonde  iiyiiiiétudô  ^î^ns  l'esprit  des 
colons.  Us  avaient  des  cfa^mbresi  ou  ^sembl^us  provincia- 
les, qui  accordaient  généreusemeni   à  la. mère-patrie  les 


seoours  i&m  t}^aH9iihe$oini  mm  ils  a^^taadawit  pas 
qtMv  lanmèra^patrie  viiH  régter  elLenaiilmece  quttersgat- 
dôi^t 'CWMll^  leftifsnpropces  affdices  :/  tous,  se  ^edtakm 
bM9ia^s,.^€apat>le^  Qt  digaes  de  lets.oooidaijie.  ▲  .Vaeteid» 
Umbie^aoïl  Af^gtotorre  Touiut  leac  imposer,  lo^foolomed 
répofidiiieiot .par  we  «ssœitiioQ qui  décida  qu'eUesnMè- 
teAiii^nt.auQmi,pnMlmt  des  manufaeturos  britannique  im^ 
qu*À:s«iVÔv«0aiida  EIW  eut.lioli  le  IS^mars 476&  jj^iiuiée 
suivante  ^l'ADglederne  augmenta  les  droits,  surjc^errot  le 
papier^  U.  thé,!lesi  eouleui^.^  etc*  ;  .^aais  Tasaoe^^  fui 
eoGorevictoneuses  et  towsoes  droits^  e&Qapté  oel«li;Siir  le 
thé,. furent  supprimés»,  y  •     . 

La  Compagnie  des  ladèst.yatiHit  on*  vaia  faire  vmdra  ses 
tbés  ea  vente  pubtique  dans  les  villes  de  k  Nouvelle  Aa- 
gletepre.  Les  Améiicaisus  ne  s'y  trompaient  pasv  tt  vireol 

3ue  rimpôt  s  allait  ajouter  partout  au  prix  de  la  marehan- 
ise:  aussi  se:liguèHrent^iUp<>qp<s'y  opposer.  ABoalon^des 
homoaes.déguiaé  jetèreoi  k  TeHiU  trois  dent  quapaiite  caisses 
de  tbé.  Le  gouvernement  britannique  ^  au  lieu  de  les  nn 
chercbefv  relira  aux  habitants,  de  l'État  ide  Ma&sacbusetè 
tous  tours  :  droits  sociaux,, en  les  soumettant  au  bonplaisir 
des'gouverneursv'  Cette  décisiefi  de  rAngleterre»  auasi  bru- 
taie  qu'impotilique ,  amena  le  congrès  €ontinentdl4el77i 
qui  n'avait  nullement  pour  but  la  séparation  de  la  nouveUe 
et  de  la  vieille  Angleterre ,  mais  seulement  le  redresseneot 
de  griefs  oammeroiauiE.  La  Grande.  Bretagne  ayant  <eoplû^ 
les  mo^jens  miUtaires,  les  Américains  y  recoururent  aussi, 
mais  sans  réclamer  encore  la  séparation.  Le  congrès ,  dans 
une  deuxième  pétition ,  renouvela  ses  fxrières  pour  le  re- 
dressement de  ^s  griefs  et  s'arma.  Cette  seoonde  pélilioD 
^t  rejetée.  La  métropole  annonça  une  guene  sérieuse  ;«< 
M  acte  du  paRleaieut  anglais  mit  les  Américains  en  dehors 
de  la  protection  de  leur  roi.  Se  soumettre,  c'était  abdiquer 
la  dignité  d'hommes  ;  continuer  la  guerre  purement  et 
simplement,  d'etait  seoonstituer  en  révolte  :  les  Amémfics 
comprirent  ee  double  danger,  et  l'évitèrent  en^pw^aioasi 
leur  indépendance.  L'Angleterre  eut  atocs  agi  sagement  en 
formant  une  union  comnaareiale  avec  les£tat6-6iMS«  Cétsit 
son  intérêt;  elle  ^préféra  la  guerre, .et  la  fit  en  kW  ^^ 


1777  iivee  lUntenlioii  fbnxtetle  cto'^scnimeme  èittif»l^»tttd»t 
rUnkHi-Américaine.  Alors  eut  llda^uo  traM  «ittt«  U  V^tm 
etiw  Éitftts-Uni^' L'An^ètetiPe  i^e^oniiat-M  fattlè«!f  prd|(f(M 
am  parlement  amérie&in  ie  redre^Miteiit  de^tôUft^er^mib) 
mats  il  était  trop  tard  ;  è«  ]/)uls,>le'parle«r<«rt^ahgli|}s<Ê['Ml 
pas  ratifié  les-eonventions  à^  M\é^és  4e  'son  'gm^tuê^- 
mmd  ;  i)  etitagi  eomixiê  jaâis>t^meiénii0'R>OtiQ^/]Mcei^ 
la  lyoliti^ueéméricain^  iit'aHianee  aveé  tes  idéefi  êivllîsa^ 
trices  dont  la  Fraoee  étafit  en  Europe  le  i^epré^entiUfit>.  'Gé 
fut  60  vâlfl'<|ue  les  chargés  d'affaires  de  1? Angleterre  vmUi^ 
rentVadresser'sépavéïDent  itchaqfie'  ÉtatreeMè  tentatiipe 
fut  repoussée  avec  mépris;  on  n'y  vit  >que  lfem())oiiàe  eé 
DoiséraUe  principe  :  DMàêrpéUr  ntffur:  Ette'  ^«1  tirèÉie 
p6Ut-ètre  pour  résultat  de  presser  ia  svgMtutte  de  l'ffôlè 
d'union  fédérale  qtii  eut  lieu  le  9  juillet  1778.  b^  négio^ia- 
tiens  épuisées ,  la  guerre- recotmoeriça ,  mais  cette  fois  avec 
un  tr^grancT  développemenn^e  forces  de  lu  panrt  de  l'An- 
gleterve.  Seuls,  1^  Btats^Uni^  eussent  certainement  tiridm- 
pbé  :  l'aide  de  la  f*rance  leur  £ât  d^un  'pmssAntseoeurs. 
MesfiieaTs  de  Roohatnbeau ,  de  Lafayelte  >el  Piebègm ,  sim- 
ple $ous<*€Aicier  d'artillerie,  se  treuvïiient  dans  (^ette  année 
qui  aTait  trarersé  les^mers  pour  leur '▼«hi^  eu'  ttide."Dan^ 
cette  lutte ,  Franklin  et  Weshitigcon  s'imniorfialitèreBl  efi*- 
tre  tous;  le  preiûi^  qomme  hMHtie  d'&tat,  le  seeotid 
oocmne  général  et  comme  citoyen.  La  capitula timï  du  gé- 
néral ComwaUis,  en  1781 ,  assura  le  triomphe  des  Améri- 
cains. La  paix  fut  signée  en  1785 ,  et  le  congrès  eut  la  loisir 
de  songer  à  sa  constitution . 

Ecarter  les  obstacles  qui  pourraient  entraver  la  libre 
action  de  l'individu  crt  sa  spontanéité^  tal*  a  été<  depuis 
lors  le  bat  constant  des  législations  amérioiiiies.  filles  ont 
fait  de  grandes  choses  dans  cette  dilpectioineft -donné  les 
nMÎUeurs  eiemples'  à  l'Europe,  qfui  vivait  d^unte*' vie  bien 
difféMnte*'  .     .  ,  . 

Aujourd'hui ,  aux  Etats^Ufris ,  ie'  mariage  devient  de  phrs 
en  pittsune  assbeiation  de  deux  citoyens  égaux  en  droit. 
La  éommoM  postèdie  presqfoe  patfeut  ia  libeité  de  préâ-^ 
der  eUeHBème'à'  son  iorganisation^i;  mais  tson  lien  civil  n'est 
peut-être  pas  assez  tigoureux.  *^  Fartoot  les  misnrs  près- 


814 

eitovditt;  4e  graada  égnrd^'  fo«r  .les-  fsnuMs»;'  partout  la 
dî^tki  hi]9naânèje6l!siiigvliàraixl0alri»s{lèGÉéi8  v  aimb  aeole- 
HittBliàai  rleâ'kiidiTiihK  ^JBMetibiaiidifi.'L^^éeofloiiieiâft 
r«6art;6stiooaiplèt6^  eilandis  qufl>  rEiirope  dMiaflàeià 
saft'gatHieinemenfsdoi^aAistit fe  garjuoy^^  c'JOrt-à-»dk 
d»»pDO€iiffeEJà  tous  :  ^ .    •    *>    <       •     ^  <     . 

.  On  toaxMiil.da&a  VAf^e^leforttty  .  .  •:.  n     ::  «^ 

^  Uoe-ifinUeflse  pmfitt^ki.i  Vsbii  éa&btttoin%    .  '  «-<  ' 

eew  qn  la  foufenentMqat  d'état^eriles^  obstatei  qui 
YieoâraienteiilU'aflrer  lai  libertés  fies  deux  voî)e»ioat/leiirFai- 
soa^Fôtse  :  l'Europe  est  pensée )  de' miitiecics  dfecdre  poli- 
lictua  et  îmelieetael ,:  tanâk  qne  L'Vokm  Âméntoame  ne 
f  enferme  «Q  réftëté  que  4es  émaÉicipés. 

t<es  dereîàreft  années  dtt^tègBe  debom»  XIV  râeBl^OB- 
tiAner,  aïonfrHiotftS  cbt^  le&  perséentioes  contre  les  pcolçs- 
taftto  :  £ait  d^^able  p»ur  la  France*  et  hearenx  auiOOBtraird 
pour  L'iuunamté.  Partout  .les  émigrés  feuiçaâa  de-^e^ 
épo^pie  moiitoèffent  ée&  habitudes  d!oBdre>  *  <f écDuofliK, 
de  tiavail.^  rmdépendaace^id'tine  raieeii  écMMe,  des  ver- 
tu» doaoestiqites  ;  partout  ils  créèreikt.  de&  industries  qoi 
n'existaient  encore  que  dans  tefor  patne.  L'EuiDpe  et 
rAmérique  y  igagnèrent  eingutièœmeot.  Le  régânl  mi 
ensuite  :  tes  mauTaises  mœurs  de  la  eour  et  la  banquefoole 
d^l7iO  sîgMlèrent  son  règne.  Aprèe  bai,  Louis  KV^qoi 
supprima  les  jésuites  et  les  parlemunts.  Tt»ts  favnites 
oéÛbre»,  la  duohessade  Chateaurouxy  la  Pompadour  ei 
la  Ihibarry,  prirent  suec^essiveaiaDt  la  plus  grande  pasi  aux 
affaires /et  ia.  mortalité  de  k  àaute  aristocratie  deFraace 
baissa  singulièpement  au  contait  de  la  ceor.  Louis  Xfli  ^ 
$&a  .ayéneBMtit,.  se  tnouyait  en  faee  d'une  noblesse  qin 
comptait  en  son  sein  beaucoup  de  libéraux  tràfr^éeliicés; 
d!uBe  benrgeoisi»  iupaftieate  ck  joug  et  cdes  eeluf^ 
qu'elle  subissait  depuis  si  longtemps  ;  d'un  haut  clergé  pea 
mosal;  d'une  haute  noMesse  habituée^ «nxfolla&'pmga- 
lités;  d'un  bas  clwrgé  honnête ,  Usiéndi  et  réeUémeat«difi' 
tien;  d'un  peuple  ignorant,  mais'éminemment  comble  et 


pleia  de  TiUtlîAérf  'A/feade^lieiieilA  éiéffioats^  FrêiénRfià^ 

Prusse  ou  Josepk  il  «nssest  .a«ec«qpiti  les  piosi  g^ddea  t^ 

formes  ^  le  preciier  «n<diri§etait ,  ]iersaeûQa'e&  laisoalit  taue 

ou  «ea  «idant  de  ioutea  ses  teoesy  et* la  muiutioïhkmr- 

çadiôe  n'eut  pas  été  un  doiikvraiis  catacl5BiBe,«iiia»  l'éva*- 

lutioD  naturelle  et  ravéoement  de  tous  les^drQ»t$'lëc;itiiqeSi 

Louis  XVI  était  bon,  mais:kiUe'^<l8  pelke<pot^epéli- 

tique.  Son  inteUigence ,  natareUennefit  trèst^rdinaîvei,  ia^ait 

subi  la  mauvaise dûrectioa d'iuiê  édaoftticM^  forlimMiplète 

et  fort  peu  iMofi^f^ique.  Son  épouse,  Marie^ Antoinette , 

était  TâQié  de  la  haute,  atislooratie.  Sft&  itères  étâie^l  l!uo, 

Charles  X,  la  personnifiealion  de  la  couc  d»  Inouis  XV  ; 

l'autre  4  Louis  XVIU  ^  un  littérateur  aseen  habile,  un  esprit 

indépendant,  mai»  Bourri  de  eette  faussa  idée  :  que  la 

France    devait  copier  rAngteterre    en    son  gaontrement 

ascensionnel  vers  la  liberté.  —  Une  lutte  cruelle  était 

iuéri table  :  elle  oommença  est  88^  et  le  luA. d'autant  plus 

que  la  naition  dut  enlever  pied  à  pied  toulesses  libertés. 

L'ignoranca  des  faits  sociaux  les  plus  éléaaei^res  et  les 

fausses,  doetrines  semées  par  leai^Jauques  «  ppaduisirent 

ak»  de  fâcheux  résultats.  La  France  se  passioanAi^  s'aïQHHi, 

lutta  et  triompha  plus  d'ime  fois  pour  desi  erreurs  poMti* 

queset  sociales.  Partout  le  torrent  révolutioanaire-. trouvait 

des  digues  :  il  les  enlevait,  si  puissantes  qu'elles  fussrat  ; 

mais  nulle  part  il  no  rencontra  ce  lit  pséparé  à  l'avaime, 

qui  eut  eut  permis  d'utiliser  sa  force. 

TiziUes  pousse  le  premier  cri  d'indépendanee^  et  bientôt 
Rennes ,  Nantes,  Angers  lui  répondent. 

Parmi  les  éléments  négatîfe  de  la  Révolution  de  89, 
signalons  tout  de  suite  les  rapports  deParisravac  les  grandes 
villes  des  provinces.  U  n'y  avait  alors  qa'un  courrier^  par 
semaine,  et  il  étak  aussi  long,  à  eette  époque, .d'aller  de 
Brest  k  SArBsbonrg  ou  à  Marseille,  qu'ai^ourd'hui  de  Nantes 
à  Gonstaatinople.  Un  voyage  de  Bardeaux  à  .Pacis  était 
deux  feis  plus  loug  qu'ua  voyage  aotuel  de»  Paris  à  Vai^ 
sovîe. 

Un  aatre  élément  très-négatif  ênoore ,  c'étaient  ^  uMs  le 
répétons  à  dessein ,  les  idées  sentimentales  si  peu  pratiques 
de  lean4acqueSr  Au  lieu  de  partir  de  ce  prmeipe  »  qu'un 


816  PfllLOfilMPlilE 

gQUV^mdKQont  réformateur  doit' avdir'()etr^  mfesiôfi  "de  pro- 
dm^i  ^eodiiiie 'k  pnovicteiibef  aVeo  le  m^m  de  dépense 
pQ^sible^t  fce*  qu'il  y  a  de  meitleur  et  ée  plus  parfait  ;  au 
li^u<de.ocH0prendre  qu'il  doit  ^'atf^hér  àutiK^r,  selon 
l^r^p^niKok,  4e&  fc»RDes>  paralysées  oa  mat  appU^iuë^ ,  on 
vpiliuV  Inviter  ipat  des&a?  ks  trani^tionrs  pôtlf  réali^r  de 
saUq  tme  prétendua  perfection ,  et  èomthe  YMêA  variait 
d^.chôf  da  doâtrine  à  (chef  de  doi^ttine,  il  enest  résulté,  au 
sfin  .4e&^  iiévoittttonnaires:;  4a  pJa&  tfli'eQée  guerre  citile 
p wdm4  rcelte  ôpoqnai  de  dictature ,  si  gratlde'  ^otlâ  'd'autres 
fapp^ss-  c(te  Ion  peut  ap^elei^le  thgm de  la'  ConVèntimi. 
SftçhpiMr  oompireûcke  désormaîs  le  danger  des  rétotu- 
lioflS't  auptcMftt  quand  elles  sont  purement  passionnelles: 
leur  idûAién  qiii^nd  elles  ont  un  «araevère  écoùdmiqae  et 
^enUfique.  .  .      » 

A  partir  de  89,  Paris  devienlV  *^  s^î^  dé  la  vÎBÎIle 
Euit>pe,  le  thé&tre  de  la-  lutte  des  plus  grands  intérêts. 
Après  avoir  eombdttn' plusieurs  mille  ans  dans  letnonde, 
eu  des  lieux  si  divers  et  sous  des  noms  si  dMKrents,  le 
.  bpaha)wisine  ^  Tesprit  de  castes^,  et  la  philosophie  indoue- 
Qiaizfléapno^  ou  l-esprit  de  liberté,  sùbstitnaîeni  une  grande 
lutte  r^aleHux  guerres  rdigieuses  du  XVI*,  aux  guerres 
politiques  du  XYIU*  sîècte. 

Le  4  mai  y  la  Révolution  oomtnence  par  une  procession 
des  ordres  privilégiés,  c'est-à-dire- des  fils  de  la  èonqtiête. 
Luïe,  fierté,  dédain,  tout  fut  employé  pour  hunsîKerte 
députés  des  hommes  du  tiers^^état,  /w  Gaulms ,  les  fils  des 
vainuus,  des  colons  et  des  serfs.  Le  17  juin  1789,  pre- 
mière victoire  des'  Cktuloi^  t  lears  r^rprésentants  se  consti- 
tuent en  ^semblée  nationale.  Le  ^,  cet  isrete  reçoit  la 
consécration  du  serment  du  Jeu  de  Paume,  scène  immor- 
telle que  David  =  a  reiraoée.  Le^^,  la  cour  reut  dissoudre 
l'Assemblée.  «  AUœ  dii^e  à  votre  mattre ,  répond  tftrabeau 
à  M.  do  DreuK  Brezé,  que  nous  sommes  ici  pérf  la  force 
des  lois ,  et  que  nous  n'en  sortirons  que  par  la  force  des 
bayonnettes.  »•  Louis  XVI  fait  marcher  trente  régiments 
sur  Paris  ;  l'Afl^emblée  l'apprend ,  et  le  f OJ^Met  eUe  pm- 
te$t0'6¥ec  énergie.  Le  19,  le  peuple  promène  les  bustes 
de  IWter.et  duiduc  d'Orléans  :  il  est  t^hargé  paf  IsTpriflce 


w.  «tâciAb  817 

(le  Lapsbec.  Le  iS,  iLesdèYB  IreoteianUe*  fuâitev'^bHcfuô 
cmcjuante  mille  piques  f.ei. le  i4*il  s'vmpave  de  la  Ba^iHe; 
ce  Vieux ^mbole  de  l'autocratie  royale.  **^  JLe  16  juillet. 
Chyles  X,  aloirs  coiAte,  d'Artois,  quitte-  la 'fronce  pbur 
cbercjber,  da secours  ik  Tétrauger.  Le  92,  les  électeurs ^^ 
Paris  Qirg^pisent  leur  oc^pe  muaicipalv  et  le  t  aoAti'As^^m^ 
blée  QaUooale  prodame  TaboUtion  des  titres  de  noblesse 
et  des  prLvilég^&  hér^diiaiires.  —  Le  brahnkanisibe'  est 
vaincu  par  la  phUoaophie,  la  cité  par  le  pagne,  et  les  fils 
des  Qa^lois  se  posent,  a.vea  les  titres  «t  les  di^oît^<'de 
rboouQe,  à.  c6té.  de^  fils  des  ftcnnaînev  des  C^eriaates  >et 
des  Prêtons*  — Voilà  Tua  das  grands  faits  derhistoire,  TuYié 
(les  ^andes  victoires  de  l'esprit  humain  ;  «et  eependant 
quelque  chose  manque  à  ce  triomphe ,  quelque  €»06e  de 
grand  comme  lui  ; ,  c'est  la  réalisation  de  ce  symbole  t*  La 
femme  qui  écras$  h  ték  du  êerpenU      t  '' 

La  femme  fut  oubliée:  Rousseau  n'avait  pas' comptîisoti 
rôle  éducateur.  Les  habitudas  de  la  bourgeoûié*  vicio- 
rieuse,  las  préjugés. de  la.nation  s'oppesaient  à  son  éga^- 
lité  civile:  Mouàrp  lui^m4me,  au  besoin,  eut*  élé> inv^ué 
contre  elle.  Kt  puis^  dans  les  familles  riches^  on  s'était  pltis 
occupé  de  développer  un  savoir  ou  des  talenta  souvent 
futiles  que  de  former  le  cœur  et  la  raison  des  jeunes  filles. 
Dans  la  bourgeoisie ,  la  Semme  était  la  pnovidence  de^la 
maison,  pour  les  besoins,  matériels.  Adorer  ou  craindre 
son  inari,  tel  était  son  but  :  son  ambition  n'osait  dler 
plus  loin.  Rarement  elle  était  associée  par  son  épout  h 
une  grande  vie  intellectuelle  et  morale  ;  elle  représentait , 
au  sein  de  la  nation ,  une  force  puissante  qui ,  de  89  jus- 
qu'à nos  jours ,  a  constamment  été  ou  paralysée  ou  mal 
utilisée  :  de  là  de  nombreuses  expiatioDS; 

La  nuit  du  4  août ,  plus  que  tout  antres  fait  historique , 
a  mis  enxelief  la  grande  loi  de  solidarité  des  &mes  humai- 
nes. £Ue  fit  toucher  au  doigtât  à  l'œil  cette oonsolante  vé- 
rité acquise  désormais  à.  la  philosophie  de  Fhistoire;  que 
mème.à  leur  insu*  tous  tes.  contemporains  et  les  concitoyens 
sont,  en  certaine  mesure,  solidaires  des  mêmes  croyances, 
des  mêmes  sentiments ,  des  mâmes  aspirations^.  Cette  nuit , 
en  effet,  la  pensée  Mtii^ale  se  dégagea  du  vieux  monde 


818  HftteMi^HiB 

aira€«iine  teHe'mtensUé',  <|fii^«I(e  éKmffu  dilfls  tons  le$  ^prits 
les  flPé4>ocu^mâ*4ndiviâoettes.  eefotttn  Hontmorenry 
qui  proposa  l'abandon  des  droits  féodaux ,  et  ce  fat  «  curé 
qui  V  piT>têetant  toiMin  l^iniqulié  é^  la  dtmè ,  déelare  re- 
iiODàër*aur  injustes' pmiléges  de  son  ordre.  — ^  Le  lend^ 
mom;  Végcy^me  ^vèit  wpri^  son  ^mipirâ ,  les  individualités 
wéfBnt  retrofepré  Imt  parole ,  et  T'On  appelait  folie  lé  phs 
gifand  «lete'des  a^emblées  délibérantes  !  latoîx  de  l'homme 
ont  To»la  âiOuISlr  4a  voit  de  Dieu . 

L'abolition  des jusrtÂees •seigneuriales,'  des  drmts  fëodam, 
des'dtiMsvsuJntde  près  eeitode  la  noMesse.  Le  90,  l'as- 
i^nblée  décrète  une  déclaration  des  droits  de  llioiDiDe  ; 
efleia  fit  toute  masciiline,  et  personne  n'y  prit  garde. 
Viennent  ensuite  ,  comme  compléfuenl  et  comme  garantie, 
la' liberté  de  la  presse  ^t  la  responsabSilë  *des  raînîstTes. 

L'aristocratie  vaincue  veut  prendre  une  fe/anche.  Le  1" 
et  ie  2'4K;tobre,  en  présence  de  la  reine  et  ans  applandis- 
soments  delà  leour,  la  coeaHe  «alioBele,  synibole  de  b 
régénération.Artmçaise ,  estloftlée  aui  pieds  ,  è  Versailles, 
dafifs  le' banquet  des  g^rdes^âO'^oerps.-^  Le  peuplé  s'anine 
à  son  tour;  les  jo«méeë  révolutionnaires  du  K  et  du  6 ré- 
pondent  aui  jobmées'eonftro^^olvtiomitiires  dii  1*'  et  du 
§  octobre;  nais  rintetvemiion'de  Lefuyette  arrête  leconlit, 
pacifie' le peH^e  eH  salife  ta  couf. 

La  trrbttio  ne 'suffisait  att  besoin  4'espaAsioQ.  Une  réu- 
nion (ut  ibndée  le  6  octobre  paroles  députés  bretons;  eDe 
deviiÉt  plusla:^  le  cl«ib  des  jaoebins. 

Le  S  itoveiDbfè^  TAseenAilée  fietionate,  'OiéetTtant  ane 
réforme  sduvent  demandée,  mettayt  les  biens  du<to*gék)a 
disposition  de  la  nation.  Il  est  à  regretter  qu'elle  n'ait  pas 
complété  cette  mesure  en  les  affedatut  «nx  besoiiis  ées 
communes;  Les  bien^  do  ^ler^  ouf  été  gAspiUés  ainsi  que 
les  autres  biens  nationaux;  el  pitfts,  c^est  toujours  une 
grande' faute  que^  ne  pes'bffser  mr  la  propriété  4le-ffiêiBe, 
en  lui  donnant  iGnrefonMr  nouvelle ,  les  nomeafosjpfogrès 
des  peuples.  Des'4éeretSi  des  dMiDes,  des  *4Mms  de 
papier  sont  enlevés  par  te  ifent  des  révohilions;  mais  les 
prc^iétés  ■-  ftwisiftios ,  ^^g^gfe  de  l'tocMpMdailite  ^ée'lMi, 
eaheîl  i  «MB  «ne  garantie  ^SffiguttèMWifl  ptats^ide. 


Le  t^y  rAsaemblée  coéAU'desiMsigiiaA&i  et  i^tGtianviev 
1790  ^e  dhriMÎt  la  .FrjiH$e>«  départerneBiSr  wtriots: 

t^lette  drasioa^  «qui  ^çait  un  nom  A  élément  -  afi^'ouiw 
d'bui  peu  utile ,  Varroadisseme&t  ou  dâBtrkt ,  entre  Vê»^ 
ci^ime  fslé  romaine  et  Tancien  pa^^ ,  était  «bieii  «upériasre 
à  celle  •  qui  a  depuis  divisé  le  oanlon,  cette  Téritablo 
ccwQi^uDe..,  poaf  pacquer  la  cocDOKiiie  nouvelle  ^tta  la 
paroisse  catholique  de  notre  époque^  de  iftanière  à  mat^ 
coler  les'  efforta  au  lieu  de  ies  ooiicenimr^ 

Le  ifc  mars,  le  système  Céodat  était  Gomfiiè«eiD«il  sné-^ 
anti. 

Le  SO  avril,  la  nation  inslituait  le  jugement  pin*  jurés 
pour,  les  affaires  <;riiDÎneUes. 

Le  6  «Eiai , .  la  oomiMne  de  Pans  prenait  rang*  à  la  }él% 
des  communes  de  Fraoee.  - 

JU'uristocratie  vaincoe  «)e  se  lési^Mtt  pas  A  sa  46f«île  : 
partout  elle  s  agitait.  Dans  i*0«est,  ses  mêlées  étaient 
plus  actives  enco^  que  daas  fe  veste  de'la  Vrame. 

Les  jfiune  gens  «qui  avaient  ()pé6idé  à  Rennes,  lem  88, 
au  mouvement  de  TOuest,  se  «raient  appelés  à  une^imaMen 
nouvelle.  A  leur  voix ,  la  jeurnsse  de  la  Bf^tagne  et  de 
l'Anjou  se  réunit  k  Pontfvy,  depuis  <Nape»léoinrille.  iA  int 
signé  un  pacte  fédératif  que  toute  la  Fftaoee  ve^ht  imiter; 
la  bouvgeoisie  surtout  prit  4t  ce  0M>uve!ment  la  part  k  pitis 
active.  •  ' 

Le  14  juillet ,  premier  anniversaire  de-  la  prise  4e  la 
Bastille,  le  pacte  de  l'Ouest  receiiunt,  àPavis,  sa  oonir- 
mat^oD  car  ime  fédératien  nationale,  «t.la  réaction  était 
vaincue. 

Le  i  a0ût ,  rAssemUée  constituante  «i^it  les  traMinaux 
de  famille  «et  tes  justices  de  fm ,  grandes  iùslitutioas  qu'il 
faudrait  développer  encore. 

Le  35,  elle  -exeliiait  les  ^relues  des  fonotiens  ^civiles, 
pour  cause  d'incoiQpatibilité.  Le  27,  elle  consacrait'  la  li^ 
berté  religieuse,  en  déslarant  le  ^ffiaRagewtUcte^  purement 
civàL  ...  .... 

SîçBMtloJiis  loi  tuM.(0!«iide-bmiflsion:  le  ^M^aige  àiié^ 
cesaair^^ot.un  doubla  MMIève,  l'ina  Mividiiei  et  de 


820  PHILOSOPHIE 

famille ,  l'autre  communal  et  social.  Tel  qu'il  est  pratiqué, 
notre  mariage  civil  ne  répond  point  à  tous  les  besoins  de 
l'Âme  humaine  :  c'est  un  enregistrement  tiop  prosaïque, 
dans  lequel  la  commune  n'est  pas  suffisamment  repré- 
sentée. 

Le  14  décembre,  le  pape  déclarait  schismatiques  tous 
ceux  qui  reconnaîtraient  les  décrets  de  rAssemblée  natio- 
nale ;  mais  la  France  de  90  n'était  plus  celle  du XI*  siècle: 
aussi  s'empressa-t-elle  de  s'emparer  d'Avignon,  manière 
énergique  de  signifier  au  Samt-Père  la  volonté  des 
Français.  De  plus,  le  15  janvier,  l'Assemblée  voulut  que, 
par  un  retour  aux  usages  de  la  primitive  église ,  les  curés 
et  les  évéques  fussent  élus  à  la  pluralité  des  suffrages.  Elle 
eut  mieux  fait  encore  en  se  bornant  à  autoriser  cette  réforme 
par  une  renonciation  absolue  de  l'Etat  à  toute  immixtion 
dans  les  affaires  purement  religieuses. 

Le  16  février,  l'Assemblée  supprime  les  jurandes  et  les 
malirises ,  consacrant  ainsi  la  liberté  des  professions.  Une 
terrible  concurrence  a  été  depub  la  conséquence  de  ce  dé- 
cret, qui  eut  été  l'acte  le  plus  sage  s'il  avait  en  même 
temps  maintenu  les  corporations  comme  mojen  de  statis* 
tique  industrielle  et  de  protection  pour  les  faibles. 

Le  30  arril,  la  cour  de  cassation  fut  installée. 

La  Révolution  marchait  à  pas  de  géant  :  la  cour  et  la 
noblesse  étaient  dispersées.  Par  des  correspondances  pri- 
vées ,  Louis  XVI  fit  connaître  sa  pensée  intime  aux  rois 
étrangers.  Cependant,  le  SS  avril,  il  crut  devoir  leur  noti- 
fier  officiellement  son  serment  de  maintenir  la  constitution. 
Le  21  juin,  il  quittait  Paris  en  secret  et  fut  arrêté  à  Vâ^ 
rennes. 

Le  37  juillet,  une  insurrection  eut  lieu  au  Champ-de- 
Mars.  Déjà  la  démocratie  victorieuse  se  divisait  en  deui 
fractions ,  le  prolétariat  et  la  bourgeoisie ,  qui  ne  savaient 
comprendre  le  besoin  d'une  indissoluble  union  et  la  soli- 
darité des  intérêts. 

Un  mois  plus  tard,  le  37  août  1791 ,  se  formait  àPilnitz 
la  première  coalition  contre  la  France.  Le  comte  d'Artois 
y  avait  pris  uqc  part  active.  Le  comte  de  Provence ,  depms 
Louis  XVIII,  en  avertit  son  frère,  le  10  septembre,  par 


BU  SIÈCLE.  821 

un  manifeste  dans  lequel  il  lui  promettait  une  invasion 
libératrice. 

Le  1"  octobre  1791 ,  la  Législative  remplace  la  Consti- 
tuante. La  Révolution  était  accomplie  dans  les  institutions; 
il  restait  à  la  consacrer  par  les  faits.  Les  préoccupations  de 
guerre  étrangère  absorbaient  tous  les  esprits  ;  de  là  le  dé- 
cret du  9  novembre  contre  les  émigrés ,  auquel  Louis  XVI 
opposa  son  teto.  Ce  prince  commit  ensuite  l'immense 
faute,  en  décembre  1791,  d'écrire  au  roi  de  Prusse  qu'il 
comptait  sur  une  coalition  étrangère  pour  rétablir  l'ordre 
en  France:  Tordre,  mot  incompris  dont  on  a  si  sou- 
vent abusé.  —  Pour  la  réaction  de  91 ,  c'était  le  retour 
aux  castes;  pour  la  bourgeoisie,  c'était  la  jouissance  pai- 
sible de  ses  conquêtes  ;  pour  le  prolétariat ,  c'était  l'accom- 
plissement d'espéranres  que  la  logique  lui  donnait  le  droit 
de  considérer  comme  légitime  :  c'était ,  en  deux  mots , 
l'abolition  de  l'ignorance  et  de  la  misère;  pour  les  femmes, 
qu'était-ce?  La  question  des  femmes,  si  grande  qu'elle 
soit ,  n'avait  pas  été  posée  :  la  commune  républicaine  de 
89  ne  leur  avait  confié  aucun  rôle,  aucune  autre  mission 
que  celle  d'être  les  gouvernantes  dQ  pot-au-feu. 

Une  impolitesse  de  Pétion,  maire  de  Paris,  vis-à-vis  de 
la  reine ,  chef  avoué  du  parti  réactionnaire ,  la  coalition  des 
des  princes  allemands  dans  le  but  avoué  de  rétablir  en 
France  l'ancienne  monarchie,  la  proclamation  de  l'impéra- 
trice de  Russie ,  un  décret  de  l'Assemblée  contre  les  biens 
des  émigrés  :  tels  furent  les  principaux  événements  de  jan- 
vier 1792. 

Le  30  mars ,  les  biens  des  émigrés  furent  confisqués  et 
aiîectés  aux  besoins  du  pays.  Ces  grands  biens  ont  été 
désastreusement  gaspillés. 

Le*  26  mai,  l'Assemblée  décida  qu'elle  déporterait  les 
prêtres  qui  pe  voudraient  pas  accepter  la  constitution  civile 
du  clergé.  —  Cette  mesure  était  tout  aussi  juste  et  bien 
moins  cruelle  que  toutes  les  sanglantes  décisions  du  clergé 
contre  les  albigeois,  les  vaudois,  les  hussites  et  les  protes- 
tants. —  Cependant  une  philosophie  éclairée  ne  saurait 
l'approuver  :  la  nation  avait  le  droit  d'affecter  des  églises 
au   service  religieux   des  prêtres   qui   avaient  voulu  et 

35 


822  PHILOSOPHIE 

reconnu  son  émancipation  ;  îl  ne  lui  appartenait  pas  d'aller 
plus  loin.  Elle  commit  une  faute  grave  en  ne  respectant 
pas  comme  il  convenait,  l'asile  sacré  des  consciences: 
c'était  fournir  un  prétexte  à  Louis  XVI  pour  refuser  à  m 
décret  la  sanction  royale ,  ce  qu'il  fit  en  effet.  Soit  qu'elle 
eût  compris  sa  faute,  soit  qu'elle  sentît  la  nécessité  de 
compléter  ses  mesures,  l'Assemblée  décida,  le  22  juin, 
que  dorénavant  l'état  civil  des  citoyens  serait  constaté  par 
les  municipalités. 

Que  n'a-t-elle  en  même  temps  décrété  inie  réunion 
civile  et  communale  à  l'occasion  des  naissances,  une 
réunion  civile  et  communale  à  l'occasion  des  mariages! 
c'eut  été  consacrer  la  liberté  et  la  fraternité  promises  par 
la  révolution ,  et  déblayer  la  route  de  l'avenir  d'abus  nom- 
breux, de  préjugés  anciens,  d'habitudes  enracinées  ;  c'eut 
été  appeler  les  riches  à  se  faire  les  instituteurs  et  les  éman- 
çipaleursdes  pauvres,  en  mélangeant  incessamment  toutes 
les  classes  par  d'intimes  rapports  ;  c'eut  été  aussi  la  consé- 
cration poétique  de  cérémonies  communales  qui  n'offrent 
actuellement  ancun  attrait. 

Les  Prussiens  avaient  paru  sur  la  frontière  :  il  ne  s'agis- 
sait plus  de  vaines  menaces  de  la  part  des  rois  étrangers; 
leurs  armées  marchaient  à  l'envahissement  de  la  France. 
La  bourgeoisie ,  qui  avait  besoin  d'assurer  ses  conquêtes 
et  dont  tous  les  chefs  étaient  compromis  dans  le  mouve- 
ment ;  le  peuple ,  qui  venait  d'être  affranchi  des  servitudes 
et  corvées  féodales,  élevé  à  la  dignité  morale  du  citoyen 
et  préparé  pour  un  bien-être  ultérieur,  se  levèrent  en 
masse  :  en  un  seul  jour',  quinze  mille  enrôlemeirts  volon- 
taires eurent  lieu  à  Paris.  Les  frontières  étaient  dégar- 
nies, les  places  fortes  manquaient  de  leurs  moyens  é 
défense,  et  des  députations  de  fédérés  vinrent  à  Paris 
demander  la  suspension  du  pouvoir  exécutif  et  la  convoca- 
tion d'une  Convention  nationale.  —  Le  traité  de  Patie, 
qui  partageait  la  France  ;  le  manifeste  de  Brunsvick ,  si 
insolent  pour  la  révolution,  ajoutèrent  à  l'exaspération. 
La  cour  comptait  sur  les  forces  dont  elle  disposait  encore 

[)our  arrêter  tout  mouvement  et  dominer  la  nation  ;  mais 
'opinion  l'avait  complètement  abandonnée.  Le  5  août, 


DU  SIBCLB.  833 

PétioUf  maire  de  Paris,  demandait  à  l'Assemblée  législa- 
tive la  déchéance  du  roi  ;  et  le  10  août ,  la  royauté ,  vain- 
cue par  les  armes,  se  réfugiait  au  sein  de  cette  Assemblée. 
La  suspension  du  pouvoir  royal,  l'emprisonnement  au 
Temple  de  Louis  XVI,  la  convocation  d'une  Convention 
et  la  proclamation  ultérieure  d'une  dictature  démocratique, 
furent  les  conséquences  de  cette  jouinée. 

Bientôt  eut  lieu  le  procès  de  Louis  XVI  :  les  charges 
étaient  accablantes  contre  ce  malheureux  prince.  Il  est 
vrai,  et  l'on  en  eut  la  preuve,  qu'il  avait  entretenu  des 
correspondances  avec  Témigration  ,  avec  les  cours  de 
Vienne,  de  Berlin,  de  Turin,  de  Madrid,  avec  le  clergé 
réfractaire  ;  il  est  encore  vrai  qu'il  avait  poussé  à  l'invasion 
de  ce  qu'il  appelait  son  royaume ,  et  qu  il  avait  promis  à 
l'évêque  de  Clermont,le  16  avril  1791,  fue  s'il  recouvrait  êa 
jmissaneep  il  rétablirait  l'ancien  gouvernement  et  le  clergé  dans 
fétat  où  ils  étaient  auparavant,  —  La  trahison  et  le  man- 
quement à  la  foi  jurée  ne  furent  que  trop  bien  prouvés  ; 
mais  ses  antécédants ,  son  éducation ,  ses  relations  de  fa- 
mille ne  lui  avaient-elles  pas  créé  une  position  toute 
exceptionnelle  dont  il  était  juste  de  tenir  compte  ?  La  phi- 
losophie prescrivait  de  le  proscrire  et  de  commencer  par 
lui  la  suppression  de  la  peine  de  mort.  Une  politique  pré- 
voyante, avait  intérêt  h  consacrer,  dans  le  jugement  de  cet 
homme  qui  avait  été  roi ,  les  droits  étemels  et  imprescrip- 
tibles dei'humanité  et  de  la  raison.  L'exaltation  du  patrio- 
tisme demanda  sa  tête  et  l'obtint  ;  mais  ce  fut ,  pour  la 
civilisation,  un  revers  véritable  que  bien  d'autres  devaient 
suivre.  Toutefois  la  conduite  des  républicains  de  cette 
époque  a  son  explication  dans  les  faits  :  la  France ,  tra- 
vaillée au  dedans  par  les  agents  contre-révolutionnaires , 
était  littéralement  assiégée  par  l'étranger.  Ajoutons  qu'un 
reste  de  royalisme  parla  par  la  bouche  des  hommes  qui 
combattirent,  à  cette  occasion,  la  peine  de  mort;  qu'aucun 
d'euiLne  lutta  contre  la  mort  de  Louis  XVI  par  des  raisons 
philofiophiqucis  et  politiques  d'un  ordre  élevé. 

lia  défense  de  ce  prince  fut  inbabilement  présentée.  Du 
savonr-£aire  d'avocat,  des  souvenirs  du  vieux  régime  qui 
n'osaient  pas  même  s'acceatuer  avec  franchise,  devaient 


824  PHUOSOPHIB 

être  impuissants  \is-a-vis  de  cette  si  énergiqoe  Assem- 
blée, que  les  précédeuts  de  tous  ses  membres  et  surtoot 
les  solennels  événements  de  l'époque  avaient  placée  dans 
une  sphère  tout  autrement  élevée  de  sentiments  et  de 
croyances.  —  Bientôt  la  Convention  so  divisa:  beau- 
coup moins  sur  le  fond  que  sur  la  forme,  les  uns ,  les 
Girondins,  croyaient  à  la  possibilité  d'un  gouvernement 
régulier  devenu  impraticable.  Les  autres,  les  Jacobins, 
voulaient  une  dictature  ;  les  premiers  essayèrent,  par  un 
mouvement  des  provinces ,  de  dominer  l'Assemblée.  Lan- 
juinais  fut  '  très-actif  en  cette  circonstance ,  et  bientôt  la 
Bretagne  s'organisa.  Ce  mouvement  ne  fut  pas  appuyé 
dans  les  autres  parties  de  la  France,  et  les  Gironc&is 
commirent  la  fauie  très  grave  de  s'allier  aux  légitimistes  : 
de  ce  jour  ,  leur  cause  fut  perdue. 

«  J'aime  mieux  être  guillotiné  par  les  Jacobins  ,  s'écriait 
avec  un  grand  sens  révolutionnaire  l'un  des  secrétaires  du 
comité  insurrectionnel  de  Bretagne,  que  de  devonîr  l'allié 
de  Wimpfen  et  Puysaie.  » 

La  lutte  de  la  Montagne  et  de  la  Gironde  entraîna  la  mort 
de  madame  Rolland,  de  Vergniaud ,  de  Genscmné,  de  Con- 
•  dorcet  et  de  beaucoup  d'autres,  nobles  de  cœut  et  grands 
d'intelligence,  dont  la  patrie  a  longtemps  porté  le  deuil. 
Mais  la  Convention,  quoiqu'on  en  ait  dit,  fut  pleine  de 
mansuétude  pour  leurs  adhérents  :  à  Nantes,  à  Pontivy, 
les  principaux  révoltés  et  leurs  complices  forent  traités 
avec  la  plus  grande  humanité.  A  Nantes,  les  conventionnels 
conservèrent  même  aux  fonctions  publiques  quelquesHias 
de  ceux  qui  avaient  agi  contre  l'Assemblée  nationale^ 

La  Convention  a  été  jugée  bien  diversemeut;  toutefois 
nous  ne  saurions  oublier  qu'il  y  eut  un  jour  où  elle  eut 
à  résister  à  l'Europe  coalisée  et  à  l'insensée  réyolte  de 
soixante-trois  départements. 

On  a  enregistré  les  violences  de  la  terreur  républicaine 
et  surtout  celles  de  Nantes  :  l'histoire  doit  rappeler  k 
faiblesse  des  hommes  et  les  dangers  d'une  exaltation  qui 
n'a  pas  de  règle  morale.  Elle  doit  dire  aussi  qoe  les  orimes 
des  Vendéens  contre  l'humanité  précédèrent  ceux  des  Jaco- 
bins de  Nantes.  Elle  doit  ajouter  que  beaucoup  d'agents 


BU  SIÈCLE.  825 

provocateurs  se  trouYaient  dans  les  rangs  républicains  et 
poussaient  à  tofutës  les  exagérations  ;  que  Tappariteur  de 
Carier  était,  entre  autres,  un  légitimiste  bien  connu,  mort 
à  Nantes,  depuis  quelques  années. 

Le  27  juillet  1794  (le  9  thermidor),  Robespierre,  Saint- 
iust  et  Couthon  furent  renversés  du  pouvoir,  puis  guillo^ 
tinés. 

Cette  défaite  du  parti  montagnard  fut  le  signal  des  plus 
violentes  réactions ,  surtout  dans  l'Ouest  de  la  France ,  où 
près  de  trois  mille  patriotes  furent  bientôt  égorgés  dans  les 
campagnes  des  départements  de  la  ^Loire-Inférieure  et  de 
Maine-et-Loire. 

Une  seconde  défaite  des  montagnards  subie  le  1"  prairial 
(20  mai  1795),  précéda  la  constitution  de  Tan  III,  qui  eut 
Daunou  pour  rapporteur. 

Le  15  vendémiaire  (14  octobre  1795),  les  royalistes 
crurent  le  moment  venu  de  reprendre  les  rênes  du  pou- 
voir; ils  fweût  vaincus  et  reçurent  une  rude  leçon.  Le  26, 
la  Convention  déclarait  sa  tâche  terminée  ;  elle  avait  sauvé 
la  nationalité  française,  doté  la  patrie  d'écoles  primaires, 
créé  les  écoles  normale  et  centrale ,  l'école  polytechnique  ; 
et  quelques-uns  de  ses  membres  avaient  brillé  au  premier 
rang  parmi  les  artistes,  les  savants  et  les  grands  penseurs 
du  siècle. 

Le  Directoire  fut  installé  le  27  octobre  1795;  on  lui  doit 
la  création  du  système  métrique ,  l'organisation  actuelle  de 
rinstitut  national,  le  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  et 
la  première  exposition  française  des  produits  de  l'industrie. 
Mais  partout  la  réaction  s'organise.  Par  Pichegru ,  elle 
livrait,  dit-on,  nos  soldats  i  l'étranger;  par  de  nombreux 
journalistes,  elle  corrompait  l'opinion  publioue;  et  par 
quelques  membres  actifs ,  elle  s'emparait  de  la  direction  des 
assemblées  délibérantes  de  l'époque.  Il  n'y  a  plus  de  maxi- 
mum, mais  l'agiotage  est  à  l'ordre  du  jour.  Le  gouverne- 
mefirt  allait' ôt^e  renversé,  lorsque  le  18  fructidor  il  prévint, 
en  lés  frappant  énergiquement ,  ses  adversaires.  Les  admi- 
nistrations -de  Paris  furent  suspendues ,  six  membres  du 
conseil  de6  Cin^*-Cents ,  douze  du  conseil  des  Anciens , 
Camot  ef'Soû  <k>lK$gir6  qui  était  Fagent  princifial  du  roya- 


826  PHILOSOPHIE 

lisme  au  sein  du  Directoire ,  furent  condamnés  à  la  dépor- 
tation, ainsi  que  Cochon ,  ministre  de  la  police,  et  trente- 
cinq  journalistes.  Les  émigrés  détenus  furent  déportés  ; 
ceux  qui  ne  l'étaient  pas  reçurent  ordre  de  sortir  de 
France.  A  partir  de  ce  jour,  le  Directoire  devint  très-puis- 
sant; cependant,  le  18  brumaire,  une  révolution  nouvelle 
eut  lieu,  et  Bonaparte  s'empara  du  pouvoir. 


XIX®   SIÈCLE. 


Le  XIX*  siècle  a  eu  des  caractères  différents  en  Europe 
et  en  Amérique,  surtout  de  1801  à  182S.  A  partir  de 
cette  époque,  les  tendances  économiques  et  scientifiques 
qui  nous  entraînent  se  sont  partout  manifestées  avec  d'au- 
tant plus  d'énergie ,  que  les  peuples  étaient  plus  civilisés. 
Les  chemins  de  fer  et  les  télégraphes  électriques ,  la  pro- 
pagation de  l'éducation,  les  progrès  des  études  scienti- 
fiques et  leur  vulgarisation  sont  la  plus  haute  expression 
de  ce  mouvement. 

De  Michel-Ange  et  de  Raphaël  jusqu'à  notre  siècle  , 
l'art  n'a  fait  que  développer  Rome  et  la  Grèce.  Des 
voies  nouvelles  s'ouvrent  devant  lui.  Nous  établirons,  dans 
notre  conclusion,  le  rôle  et  la  nécessité  d'une  nouvelle  litté- 
rature, c'est-à-dire  de  formes  nouvelles  dans  les  moyens 
divers  que  la  pensée  humaine  emploie  pour  tte  manifester. 
Le  travail  qui  n'était  rien ,  devient  tout.  Le  peuple  des 
serfs  possède  son  droit  de  cité  ;  les  mœurs  qui  protègent 
la  femme  lui  promettent  son  état  civil  ;  une  société  nou- 
velle va  surgir  :  les  temps  écoulés  depuis  la  découverte  de 
l'imprimerie  ne  sont  que  l'aurore  de  l'ère  scientifique. 

Résumons  d'abord  les  grands  événements  européens  : 
tous  ont  pivoté  autour  de  la  France.  L'esorit  de  rayenir 
crée  à  Paris ,  en  1801 ,  une  exposition .  des  produits  de 
l'industrie,  fête  toute  nouvelle,  toute  scientifique,  et  la 
paix  d'Amiens  rétablit  les  relations  entre  la  France  et  l'An- 


DU  SIÈGLB.  827 

gleterre.  —  Cetle  paix  (que  n'a-t-elle  duré  plus  longtemps  !) 
permit  à  James  Watt  de  venir  à  Paris ,  et  de  se  révéler 
au  continent. 

De  iSOâ  à  1804 ,  Napoléon  prépare  incessamment  l'em- 
pire. 

Du  1*"  janvier  1805  au  31  mars  1814 ,  époque  de  l'en* 
trée  des  ennemis  à  Paris ,  nous  pouvons  enregistrer  de 
brillants  faits  d'armes,  d'éclatantes  victoires ^  des  conquê- 
tes plus  ou  moins  glorieuses  ;  mais  peu  de  faits  d'améliora- 
tion sociale. 

Il  est  cependant  quelques  dates  qui  demandent  à  être 
conservées.  Le  1"  janvier,  1808,  le  code  de  commerce  et 
la  création  de  TUmversité  impériale  furent  promulgués. 
Le  94  mai ,  l'empereur  réiablit  les  majorais  et  les  substitu- 
tions. En  décembre,  il  était  à  Madrid  où  il  abolissait  l'in 
quisition.  En  1809,  il  était'  excommunié  par  le  pape  dont 
il  avait ,  en  France,  restauré  la  puissance. 

Le  20  mars  1811  nous  rappelle  la  naissance  du  roi  de 
Rome.  Le  conseil  municipal  de  Paris  et  Tavocat-général 
Bellard  votèrent  dix  mille  livres  de  rentes  au  page  qui  leur 
apporta  cette  nouvelle. 

En  1812,  l'empereur  commit  la  faute  grave  de  ne  pas  res- 
taurer la  nationalité  polonaise  :  les  désastres  de  la  guerre  de 
Russie  en  furent  la  conséquence.  —  Napoléon  eut  pu  créer 
Fassociation  européenne  ;  il  n*en  a  été  que  le  précurseur. 

Le  2  avril ,  Talleyrand  proclamait  la  déchéance  de  celui 
qu'il  avait  accepté  pour  maître,  et  Tempereur  abdiquait  le 
11  avril  1^. 

Au  lieu  de  s'appuyer  sur  les  classes  laborieuses ,  l'empe- 
reur avait  compté  sur  cette  aristocratie  qu'il  avait  créée  : 
grande  erreur!  aujoyur  du  danger,  ses  barons  l'abandonnè- 
rent. Les  Bourbons,  quoique  rentrés  en  France  avec  les  ar-^ 
mées  ennemies ,  eussent  pu  consolider  pour  longtemps  leur 
pouvoir,  s'ils  avaient  eu  le  sentiment  des  besoins  et  des  inté- 
rêts de  la  majorité  de  la  population  ;  mais  Louis  XVIII  n'était 
pas  encore  dans  la  capitale  que  déjà  le  comte  d'Artois,  en 
qualité  de  lieutenant-général  du  royaume,  signait  cette 
convention  de  Paris  en  vertu  de  laquelle  il  abandonnait  à 
la  coalition  des  étrangers  cinquante-deux  places  fortes  oc- 


828  PHILOSOPHIE 

cupées  par  les  troupes  françaises,  onze  mille  pièces  de 
canon  en  bronze ,  yingt-cinq  vatsseaui  de  ligne ,  trente  fré- 
gates et  pour  plus  d'un  milliard  d'approvisionneraenls.  Ce- 
pendant on  était  sij  lassé  de  la  guerre,  que  ces  conces- 
sions eussent  été  pardonnées,  si  en  édiange  la  France  avait 
obtenu  la  liberté  religieuse,  la  liberté  des  communes  et 
un  véritable  kaheoB  cwrpus  pour  tous  ses  citoyens  :  trois 
choses  qui  eussent  consolidé  la  royauté,  et  que,  de  Henri  IV 
jusqu*à  nous ,  la  royauté  a  toujours  combattues  sans 
comprendre  ses  intérêts  véritables. 

Le  5  mai)  Louis  XVlIi  fit  son  entrée  dans  la  capitale  , 
et  bientôt  on  vit  aux  Tuileries  un  mélange  grotesque  de  la 
vieille  et  de  la  nouvelle  noblesse.  On  y  parlait  avec  an 
profond  dédain ,  avec  un  mépris  réel  ou  simulé  de  Bît^na- 
parte.  On  y  appelait  le  Corse ,  Vaventurier ,  YusurpeUeur , 
cet  homme  de  génie  qne  Ton  encensait  la  veille.  Le  maré- 
chal Souit  ;  Clarke ,  duc  de  Feltre ,  ministre  de  la  guerre 
sous  l'empereur;  le  prince  Taileyrànd  ;  le  maréchal  Goa^ion 
Saint-Cyr;  Fouché,  de  Nantes,  duc d'Otrante,  ancien  ora- 
torien ,  régicide  et  bourreau  de  Lyon  ;  le  baron  Louis ,  an- 
cien prêtre  ;  le  maréchal  Victor,  duc  de  Bellune ,  etc. ,  ^tc., 
se  trouvèrent  mêlés  comme  par  enchantement  à  quelques 
favoris  du  jour,  tels  que  Deease,  et  à  quelques  porteurs  de 
vieux  noms ,  tels  que  les  Montmorency,  les  Chatoaubriant. 
On  vit  encore  des  libéraux  de  88  abdiquer  leurs  anciennes 
opinions  pour  se  rapprocher  du  pouvoir.  M.  de  Corbière  , 
fils  d'un  meunier  des  environs  de  Rennes ,  avait  vivement 
applaudi  à  une  révolution  qui  lui  ouvrait  désignions  pour 
lesquels  il  n'était  pas  né  (langage  du  temps)  ç'^il  en  avait 
profité  pour  y  entrer ,  mais  une  fois  casé ,  il  fu*  dé  ceux 
qui  voulurent  fermer  au  peuple,  à  double  tour,  la  porte  de 
toute  élévation. 

Louis  XVHI  ne  manquait  ni  de  finesse,  ni  d'habîletc 
vulgaire  ;  c'était  un  homme  d'esprit  qui  a^'ait  dans  Royer- 
CoUard  et  quelques  autres  citoyens  honorables ,  •  des  eon- 
seillers  dévoués  et  sages  ;  il  eût  voulu  coMilier ,  mais  son 
frère,  le  comte  d'Artois,  prince  aussi  inintelligent  que  fai- 
ble, avait  conservé  toutes  les  mauvaises  tradition»  *  du 
passé  f  rêvait  le  retour  aux  trois  ordres^  et  ne  cessaft  de 


BU  SIÈCLE.  839 

faire  les  plus  lourdes  bérues.  Aujourd'hui,  c'était  ce  retour 
qu'il  prêchait  comme  but  de  l'avenir;  le  lendemain.il  agi- 
tait la  question  de  la  restitution  des  biens  nationaux.  Son 
entourage  renchérissait  peut-  être  encore  ses  ses  paroles ,  et 
se  plaisait  à  annoncer  comme  prochain  le  jour  d  une  réali- 
sation définitive.  Le  4  juin  cependant,  Louis  XVIII  in- 
quiet, crut  devoir  octroyer  un^  charte,  qui  bientôt  fut 
mise  de  côté  par  ses  propres  ministres.  M.  Beugnot, 
catholique  passionné,  lui  porta  le  premier  coup  en  ne 
respectant  point  la  liberté  des  cultes.  A  voir  la  conduite 
des  émigrés  et  des  ^royalistes,  on  eut  dit  qu'ils  venaient  de 
conquérir  la  France. 

Bonaparte  était  alors  à  l'ile  d'Elbe  ;  il  apprit  toutes  ces 
pauvretés f  toutes  ces  folies ,  et  sa  résolution  fut  prise.  Le 
!•'  mars  1815,  il  débarquait  à  Cannes,  et  le  ÎO  mars  il 
était  aux  Tuileries ,  tandis  que  les  Bourbons  et  leur  entou- 
rage se  sauvaient  àGand. 

Rien  de  curieux  comme  le  langage  officiel  des  adminis- 
trat^rs  de  cette  époque. 

Le  1*^  mars  ^  Napoléon  était  un  brigand ,  un  misérable  , 
un  aventurier* 

A  Lyon ,  c'était  le  général  Bonaparte. 
A>  Auierre ,  on  le  saluait  du  titre  d'empereur. 
A  Paris ,  on  ne  l'appelait  plus  que  l'étoile  de  la  France 
et  le  sauveur  de  la  civilisation.  Il  eut  put  être  l'un  et 
l'autre. 

EbkHii  par  les  magnifiques  réceptions  qu'il  avait  reçues 
sur  sa  route,  toujours  préoccupé  des  intérêts  de  sa  dynas- 
tie ,  Napoléon  oublia ,  pendant  les  Cent- Jours ,  que  le 
peuple  seul. était  polir  lui.  Au  lieu  de  s'adresser  aux  jeunes 
généraux  et  aux  jeunes  officiers ,  au  lieu  d'armer  en  masse 
la  nation,  au  lieu  de  proclamer,  en  arrivant  à  Paris,  la 
oonstîtutioQ  la  plus  libérale ,  remettant  le  parlementarisme 
à  une  époque  de  calme ,  il  s'amusa  à  jouer  h  l'empire 
lorqu'il  ne  devait  être  que  dictateur.  Son  indécision  créa 
la  défiance,  et  la  défiance  arma  les  traîtres. 

Ce  n'est  point  à  Waterloo  qu'il  a  été  vaincu  ,  c'est  h 
Paris.  —  Rien  n'était  plus  facite  à  réparer  que  le  désastri^ 
de  cette  défaite ,  si  le  peuple  avait  été  armé ,  si  les  admi- 

35* 


850  ^  PHILOSOPfilB 

iiistrations  avaient  été  dévouées ,  c'est-à-dire  si  la  défense 
avait  été  démocratique  et  nationale. 

Quelques  jours  après ,  le  18  juin ,  Napoléon  alidiquait 
de  nouveau  ;  le  traître  Fouché  prenait  la  direclioa  des 
affaires ,  et  l'armée  était  reléguée  derrière  la  Lioire. 

La  29  juillet  1815 ,  les  armées  ennemies  rentraient  à 
Paris  pour  la  seconde  fois ,  et  un  caporal  prussien  suffisait 
à  fermer  la  porte  de  TÂssemblée  nationale.  Lanjuinais,  il 
est  vrai ,  lui  ouvrait  ses  salons  pour  protester  ;  mais  lai- 
même  ,  quelques  jours  plus  tard ,  acceptait  une  missicm. 
Le  régicide  Fouché»  devenu  ministre  de  Louis  XVIU,  pre- 
nait rinitialive  des  proscriptions ,  signalant  ainsi  les  ten- 
dances gouvernementales. 

Que  de  turpitudes  dans  Thistoire  de  cette  époque  I  qua 
de  hontes  pour  la*France  !  Le  traité  du  20  novembre,  qui 
livrait  ce  pays  et  la  civilisation  aux  aristocraties  aroiées;  la 
chambre  de  1815,  cette  réunion  .qualifiée  d'introuYable, 
entièrement  composée  d'ultra-royalistes;  les  destitutions 
et  les  dénonciations  mises  à  Tordre  du  jour  ;  la  création  de 
tribunaux  spéciaux  appelés  cours  prévotales;  des  lois 
d'exception  ;  l'abominable  proposition  de  partager  la  France 
en  catégories  et  de  fair»  une  Saint-Barthélémy  politique; 
les  réactions  sanglantes  du  Midi  ;  les  assassinats  des  Txes- 
taillons  et  des  Verdets;  les  condamnations  politiques  et  les 
exécutions  du  Rhône  et  de  l'Isère;  la  condamnation  k 
mort  du  maréchal  Ney,  par  la  chambre  des  pairs ,  et  son 
exécution  malgré  la  capitulation  qui  le  prolégeaii  :  tels 
furent  les  premiers  événements  de  la  seconde  restauration. 
I|s  eurent  pour  effet  de  reconstituer  une  opinion  publique 
et  d'amener  la  dissolution  de  la  Chambre»  Cependant  le  15 
mars  1820,  la  mort  du  duc  de  Berry  servit  de  prétexte  à  de 
nouveaux  attentats  contre  la  civilisation  :  la  liberté  indivi- 
duelle fut  suspendue  de  rechef,  et  une  loi  du  double  vote  eut 
pour  but  d'accorder,  dans  les  élections,  un  privilège  exor- 
bitant à  raristocratie  territoriale.  Dirigée  par  HM..  Villèle  et 
de  Corbière,  la  réaction  mit  dans  ses  actes  l'habileté  la 
mieux  calculée.  Les  idées  libérales  venaient  de  triompher 
dans  la  péninsule  :  l'expédition  d*Ëspagne  eut  ponr  but  et 
pour  résultat  d'en  arrêter  les  élans.  —  Le  parti  du  progrès 


BU  SIÈCLS.  8Si 

fut  loin  de  montrer  la  même  intelligence  :  dès  cette  époque, 
on  put  lui  reprocher  trois  fautes,  qui  se  sont  souvent 
renouvelées  depuis  ,  fautes  auxquelles  il  doit  de  nombreux 
désastres. 

La  première  et  la  plus  grave ,  c'était  l'absence  de  persé- 
vérance et  de  courage  civil  ;  la  seconde  fut  la  suite  de  son 
ignorance.  Les  démocrates  français  ont  toujours  voulu, 
pour  les  pays  étrangers ,  les  mêmes  institutions  que  pour 
le  leur;  ils  ont  cru  trop  souvent  à  l'identité  de  mœurs  et 
d'opinions  entre  la  France,* l'Espagne,  l'Italie,  l'Allemagne, 
la  Pologne  et  la  Hongrie  ;  ils  se  sont  fourvoyés  sur  la  Grèce 
avec  une  indicible  candeur.  Leur  troisième  erreur  a  été 
leur  confiance  illégitime  dans  des  moyens  occultes  et  vio- 
lents; ils  ont  conspiré  et.rêvé  des  coups  de  mains  hardis, 
au  lieu  de  mettre  leur  confiance  dans  des  luttes  d'un 
autre  ordre. 

Quand,  à  l'occasion  de  la  guerre  d'Espagne,  Manuel  fit 
entendre  sa  voix  si  ferme  et  si  éloquente ,  les  ultra  le  firent 
arrafcher  de  son  siège ,  et  la  représentation  nationale  de 
France  fut  violée.  On  eut  peut-être  alors  trouvé  des  soldats 
pour  combattre  dans  la  rue ,  si  l'on  avait  fait  un  appel  aux 
armes  ;  mais  l'opposition  qui  devait  placer  la  lutte  sur  un 
autre  terrain  ne  trouva  pas  un  seul  collège  électoral  pour 
réélh^e  le  premier  de  ses  orateurs.  Lors  de  cette  môme 
guerre  d'Espagne,  si  funeste  à  la  liberté ,  Carrel  et  d'autres 
généreux  citoyens  passèrent  dans  les  rangs  de  l'armée 
péninsulaire,  où  leurs  illusions  ne  furent  pas  de  longue 
durée. 

Que  d'anciens  soldats  comçie  le  général  Berton  et  le 
colonel  Cariron;  que  des  jeunes  gens  comme  l'étaient,  lors 
de  la  première  charbonnerie,  Dugied,  Bazard  et  Bûchez, 
songeassent  à  faite  sortit  un  ordre  nouveau  d'une  conspi- 
ration, à  faire  une  révolution  sans  avoir  le  moins  du 
monde  piéparé  à  l'avance  les  moyens  de  Tutiliser,  sans 
même  s  êtrenettement  posé  cette  question .:  <c  Que  ferons- 
nous  le  lendemain  de  la  victoire  ?J»  cela  se  comprend.  Mais 
que  des  députés,  des  personnages  historiques,  tels  que 
Lafayetté  M  ses  amis,  qui  avaient  la  prétention  d'être  des 
hommes  d'Etat,  jetassent  étourdiment  la  jeunesse  dans 


853  PHILOSOPHIE 

celte  fausse  ¥oie  ,  e'était  uo^  faute  inexcusable.  —  Teile 
fut  cependant  cette  triste  époque  qu'il  se  trouva  même  des 
députés  assez  déloyaux  pour  pousser  la  jeunesse  dans  les 
conspirations  et  renier  ensuite  à  la  tribune  son  ardeur  im- 
prudente et  son  inexpérience. 

Toutefois  deux  écoles  politiques  ne  tardèrent  pas  à  se 
former  parmi  les  plus  ardents  libéraux  de  la  jeunesse  fran- 
çaise. L'une,  avec  Manuel,  crut  à  la  nécessitéde  l'étude  ; 
elle  professa  qu'il  fallait  de  l'wudaee^  de  l'énergie.  dti'eûDol' 
tation  dans  le  calme  ;  elle  voulut  savoir  la  vérité  sur  les 
peuples  étrangers  et  sur  les  réformes  possibles  en  France. 
L'autre,  conspirant  pour  conspirer,  n'ayant  ni  science,  ni 
programme,  continua  de  plus  fréquenter  les  estaminels  que 
les  écoles. 

Tant  que  Louis  XVIII  vécut ,  l'iafluefice  de  quelques 
hommes  habiles  se  fit  sentir,  et  le  gouvernement  sut  éviter 
les  grands  écueils;  mais  à  sa  mort  il  revint  à  toutes  Tcriles 
dans  les  voies  de  1815.  L'évêque  Tharin ,  l'archevè^e 
Latil,  le  prinbe  de  Croï ,  grand  aumônier  de  France  ^  étaient 
les  conseillers  de  la  couronne.  Une  loi  dite  du  saerilège 
donna  au  clergé  des  privilèges  exorbitants.  L'émigratîoB 
reçut  ensuite  un  milliard  d'indemnité  pour  les  propriétés 
confisquée:».  A  une  autre  époque ,  poursuivant  le  eours  de 
ses  succès ,  la  chambre  des  députés  rétablit  le  droit  d'aî- 
nesse, mais  la  chambre  des  pairs  n'osa  pas  ratifier  cette 
imprudente  concession  à  des  idées  d'un  autre  temps.  M.  d« 
Villèle  et  son  cabinet  tombèrent  alors  pour  faire  plaoe  à 
M.  de  Martignac  et  à  un  cabinet  singulièrement  phis  libéral. 
L'expédition  de  Grèce  qui  arrêta  les  conquêtes  d'ibnabioi , 
eut  lieu  sous  son  ministère.*M.  de  Martignac,  malgré  quel- 
ques fâcheux  antécédents,'  était  un  homa^  singulièreoieut 
{propre  à  conciler  les  esprits.  Il  possédait  &a  scrpréme  degré 
'art  de  bien  dire  ;  mais,  s'il  était  de  bonne  foi ,  la  cour  ei  Top- 
position  ne  l'étaient  pas.  Beaucoup  de  députés  du  c6té  gauche 
ou  libéral  Paient  plus  désireux  de  places  et  d'honneurs ,  de 
fonctions  ministérielles  ou  même  defonotions secondaires, 
que  du  triomphe  des  intérêts  français.  Us  s'anaohèreot  à 
la.  fortune  des  d'Orléans  avec  lesquels  ils  jespéraient^^'éler 
ver  et  triompher  d'une  manière  défim^e.  Attaqué  par  la 


BU  SIfiCLB.  819 

droite  et  la  gauche,  M.  de  Hanignac  dut  sucoomber ;  il  fut 
remplacé  le  8  août  1837  ^  par  M.  de  Poligoac ,  et  la  France 
qui  eut  pu  s'évolver  pacifiquement  au  profit  de  tous,  rentra 
dans  la  voie  des  révoluticHis  violentes.  La  conquête  de  l'Al- 
gérie fut  alors  tentée ,  bien  moins  pour  livrer  à  la  France 
celte  contrée  qu'elle  n'a  encore  pu  dominer  que  par  la  force 
brutale,  que  pour  donner  de  Timportance  au  ministère 
dont  M.  de  Bourmont,  l'un  des  membres ,  commandait  l'ex- 
pédition. Le  25  juillet,  Charles  X  signa  ces  fameuses  or- 
donnances qui  devaient  amener  une  révolution.  Le 36,  elles 
étaient  insérées  au  Moniteur  ;  le  37,  la  lutte  commençait  par 
une  résistance  légale.  Le  39 ,  après  des  combat&  sanglante, 
la  branche  aînée  avait  cessé  de  régner. 

Le  règne  de  Louis-Philippe  a  duré  dix-huit  ans  ;  il  a  été 
un  mariage  fort  peu  raisonnable  entre  le  parlementarisme 
des  avooats  et  la  royauté.  Celle-ci  est  morte  en  couches 
d'un  enfant  avant  terme  :  la  République  avocassière  de 
1848. 

Ile  grandes  questions  soulevées  par  d'immenses  intérêts 
réclamaient,  dès  1850,  une  solution  que  le  gouvernement 
du  Bourbon  de  la  branche  cadette  n'a  pas  su  leur  donner. 
Ce  gouvernement  a  été  fin,  rusé,  très-corrupieur  et  il  a 
manqué  d'hommes  d'État.  Loui&-Philippe  et  ses  lieute-^ 
nantsDuchaiel,  Thieis,  Mole,  Guizot,,  tous  singulièrement 
habiles  en  leur  genre ,  n'avaient  pas  ce  coup-*d'œil  qui  sait 
y  (M  de  loin ,  cette  prudence  qui  sait  prévoir  :  le  succès  les 
a  enivrés.  Ils  se  sont  cru  forts,  parce  qu'ils  avaient  écarté 
les  questions  scabreuses  ;  mais  ils  n'ont  su  résoudre  ni  les 
difikultés  sociales ,  ni  le  problème  de  la  royauté. 

L'empire  nous  avait  légué  un  code  civil  très-blessant  pour 
la  femme;  ils  l'ont  conservé,  traitant  de  fous  les  amis 
de  U  justice  qui  réclament  son  état  civil. 

Depuis  1815,  les  salaires  allaient  en  diminuant,  l'indua*- 
trialisme  dépeuplait  les  campagnes ,  multipliait  imprudem- 
ment les  fabriques ,  corrompait  les  populations  par  ses  mau- 
vaises ûicdurs,  altérait  leur  sang  par  une  nourriture  insuffi- 
sante» par  des  salaires  de  plus  en  plus  néduit8,»et  par  une 
affreuse,  maladie  que  la  débauche  multipliait  à  merci v  mais 
ils  n'y  i^iienl  pas  gacâ^  -—  Ces  hoiimes  qui  avateoit  grande 


834  PHILOSOPHIB 

raison  de  traiter  le  peuple  en  mineur  pour  ses  droits ,  se 
montraient  les  tuteurs  les  plus  coupables  en  n'ayant  aucun 
souci  de  ses  intérêts,  qu'ils  sacrifiaient  toujours  selon  les 
désirs  du  capital ,  exprimés  par  les  plus  influents  des  élec- 
teurs. —  Le  retour  à  une  féodalité  des  écus  marchait  grand 
train  quand  ils  sont  tombés  du  pouvoir. 

DétK)rdés  par  le  mouvement  industriel,  ils  ne  l'ont  pas 
dirigé.  Les  intérêts  individuels  les  ont  constamment  domi- 
nés :  aussi  se  sont-ils  signalés  dans  les  relations  commer- 
ciales, par  des  droits  de  prohibition  sur  les  grains,  sur 
le  bétail,  sur  le  fer,  sur  la  houille.  Étrange  erreur!  iU 
prétendaient  protéger  le  travail  français ,  lorsqu'en  réalité 
leur  appui  ne  s'adressait  qu'à  la  paresse,  à  l'ignorance,  è 
des  industries  de  parasitisme,  ou  lorsqu'il  était  une  conces- 
sion accordée  par  leur  hijuste  faiblesse  aux  mattres  de 
forges  et  aux  propriétaires  des  houilles  et  des  forêts  de 
France. 

La  partie  avancée  de  la  nation  vivait  'alors  en  dehors  du 
mouvement  gouvernemental  :  aussi  s'est-elle  manifestée  par 
la  production  de  deux  séries  de  travaux  que  l'on  peut  inti- 
tuler le  saint-simonisme  et  le  fouriérisme.  Le  premier  n'a 
été  à  bien  dire  que  l'esprit  de  la  catholicité  transporté  dans 
l'ordre  i^losophique  et  scientifique  ;  il  a  fait  souvent  trop 
bon  marché  de  la  liberté  et  de  l'individualité  humaine.  Le 
second  a  eu  le  même  but,  mais  ses  votes  ont  été  différentes. 
Ces  deux  mouvements  avaient  leur  raison  d'être  ;  ils  ont  ea 
leurs  sectaires  et  aussi  leur  grandeur.  L'un  et  l'autre  se 
sont  fondus  au  sein  de  la  nation  française  qui  en  a  singu- 
lièrement profité. 

Ce  fut  en  1797  que  Saint-Simon  conçut  le  projet  de 
frayer  une  nouvelle  carrière  à  l'intelligence  humaine  ,  la 
carrière  physteo-politique^  en  appuyant  le  mouvement  social 
sur  la  science.  Ses  voyages  en  Angleterre ,  en  Suisse,  en 
Allemagne ,  lui  prouvèrent  qu'il  allait  donner  à  sa  patrie  la 
glorieuse  mission  d'initiateur. 

v  Nous  sommes ,  disait^il,  dos  êtres  organisés.  C'est  en 
»  considérant  comme  phénomènes  physiok^îques  nos  re- 
»  lations  sociales,  que  j'ai  compris  le  moyen  de  les  ratta- 
»  cher  à  la  loi  universeUe  de  la  nature.  » 


DU   SIÈCLE.  gS5 

Voici  comment  il  développAit  cette  grande  pensée  : 

«  Les  premiers  phénomènes  que  Thomme  ait  obeerrés 
»  d'une  manière  suivie ,  ont  été  les  phénoaiènes  astrono- 
))  miques.  Il  y  a  une  bonne  raison  pour  qu'il  ait  commencé 
»  par  ceux-là  :  c'est  qu'ils  sont  les  plus  simples.  Dans  le 
a  commencement  des  travaux  astronomiques,  l'homme 
»  mêlait  les  faits  qu'il  observait  avec  ceux  qu'il  imaginait  ; 
M  et  dans  ce  galimatias  élémentaire ,  il  faisait  les  meilleures 
»  combinaisons  qu'il  pouvait  pour  satisfaire  toutes  les  de- 
»  mandes  de  prédiction.  Il  s'est  succetôivement  débarrassé 
)*  des  faits  créés  par  son  imagination  ;  et ,  après  bien  des 
»  travaux ,  il  a  fini  par  adopter  une  marche  certaine  pour 
)>  perfectionner  cette  science.  Les  astronomes  n'ont  plus 
i>  admis  que  les  faits  constatés  par  l'observation  ;  ils  ont 
»  choisi  le  système  qui  les  liait  le  mieux  ^  et  depuis  cette 
i>  époque  ils  n'ont  plus  fait  faire  de  faux  pas  à  la  science. 
»  Produit-on  un  système  nouveau ,  ils  vérifient ,  avant  de 
»  l'admettre^  s'il  he  mieux  les  faits  que  celui  qu'ils  avaient 
i>  adopté  ;  produi(-on  un  fait  nouveau ,  ils  s'assurent ,  par 
j*  l'observation ,  si  ce  fait  existe. 

»  L'époque  dont  je  parle ,  la  plus  mémorable  que  pré^ 
»  sente  l'histoire  des  progrès  de  l'esprit  humain,  est  celle  à 
»  laqu/elle  les  astronomes  ont  chassé  les  astrologues  de 
»  leur  société.  Une  autre  remarque  qu'il  faut  que  je  vous 
»  fasse  ^  c'est  qu'à  partir  de  cette  époque  les  astronomes 
I»  sont  devenus  modestes ,  bonnes  gens ,  ne  cherchant  plus 
»  à  paraître  savoir  ce  qu'ils  ignorent ,  et  que ,  de  votre 
»  côté ,  vous  avez  cessé  de  leur  faire  la  demande  imperti- 
»  nente  de  Ure  votre  destinée  dans  les  astres. 

»  Les  phéiBomèoes  chimiques  étant  plus  compliqués  que 
M  les  phénomènes  astronomiques ,  l'homme  ne  s'en  est 
»  oc<iupé  que  longtemps  après.  Dans  l'étude  de  la  chimie , 
»  il  est  tombé  dans  les  fautes  qu'il  avait  commises  dans 
»  l'étude  de  l'astronomie;  mais  enfin  les  chimistes  se  sont 
)i  débarrassés  des  alchimistes. 

»  La  physiologie  se  trouve  encore  dans  la  mauvaise  po- 
»  sition  par  laquelle  ont  passé  les  sciences  astrologiques  et 
j>  chimiques.  Il  faut  que  les  physiologistes  chassent  de  leur 
»  société  les  philosophes ,  les  moralistes  et  les  métapbysi- 


836  raiLOsopHiB 

»  ciens,  comme  les  astronomes  oot  chassé  les  astrologues, 
»  comme  les  chimistes  ont  chassé  les  alchimistes. 

»  Je  n'ai  pas  l'intention  de  dire  que  les  philosophes,  les 
»  moralistes  et  les  métaphysiciens  n*ont  pas  rendu  des  ser- 
»  vices  à  la  physiologie  ;  mais  il  est  bien  connu  que  les 
»  astrologues  ont  été  utiles  à  Tastronomie ,  que  les  alchi* 
»  mistes  ont  fait  une  grande  partie  des  découvertes  chimi- 
M  ques  ;  et  cependant  tout  le  monde  pense  que  les  astrono- 
»  mes  ont  fait  une  bonne  opération  en  se  séparant  des 
M  astrologues ,  et  les  chimistes  une  également  bonne  en  se 
»  séparant  des  alchimistes. 

Il  II  reste  une  idée  à  éclaircir.  Les  occupations  prioeipa- 
»  les  des  philosophes,  des  moralistes,  des  métaphysiciens, 
Il  sont  d'étudier  les  rapports  qui  existent  entre  les  pkéno- 
»  mènes  appelés  physiques  et  ceux  appelés  moraux.  Quand 
»  ils  ont  du  succès  dans  cette  partie,  leurs  travaux  doivent 
»  s'appeler  physiologiques  ;  mais  ils  cherchent  aussi  à  lier 
9  tous  les  faits  observés,  par  un  système  général,  il  m'est 
•  démontré  que  cela  sera  impossible  jusqu'à  l'époque  à 
»  laquelle  la  physiologie  (comprenant  la  morale)  se  sera 
j»  mise  dans  1  ordre  que  j'ai  détaillé  au  siyet  de  l'aslro' 
»  nomie.  » 

Dès  1802 ,  Saint-Simon  professait  que  la  phy»ologie  doit 
remplacer  la  morale  et  la  phsycologie  métaphysique  ensei- 
gnées de  nos  jours.  Dès  cette  époque  il  professait  encore 
que  la  même  loi  qui  dirige  les  cristallisations  de  la  matière, 

S  réside  aussi  à  son  organisation  et  môme  h  l'orgasisatioD 
e  nos  sociétés ,'  pressentant  longtemps  à  l'avaoee  toutes 
les  études  de  notre  siècle  et  prophétisant  cette  uiiioà  de  la 
science,  de  la  religion  et  de  la  philosophie,  qui  consacrera 
l'inauguration  d'un  culte  rationnel.  Toutefois  la  pensée  de 
Saint-Simon  en  était  encore  à  sa  première  évolation  ;  elle 
avait  besoin  de  ces  nombreuses  élaborations  que  depub 
elle  a  subies  et  que  nous  allons  raconter. 

Les  lettres  de  Genève ,  les  lettres  au  bureau  des  longko- 
des ,  l'introduction  aux  travaux  scientifiques  du  XIX'  siècle, 
des  mémoires  encore  manuscrits  sur  la  gravitation  et  U 
science  de  l'homme ,  voilà  les  travaux  de  la  premÂàr»  phase 
de  la  vie  de  Saint-Simon  ;  nous  y  trouvons  de  nombreux 


BU  SIÈCLE.  857 

germes;  partout  nous  y  voyons  le  continuateur  de  Vico,  de 
Montesquieu ,  de  Kant ,  de  Lessing ,  de  Turgot,  de  Morelly, 
de  Condorcet,  de  Lakanal.  Déjà  nous  comprenons  que 
l'humanité ,  comme  tout  être  vivant ,  a  une  existence  qui 
lui  est  propre  et  une  loi  régulatrice  ;  mais  pour  arriver  à 
démontrer  cette  loi  nouvelle  il  était  écessaire  de  comprendre 
l'industrie ,  le  prolétariat ,  le  christianisme ,  toutes  choses 
sur  lesquelles  Saint-Simon  n'était  pas  encore  suffisamment 
éclairé.  1814  arrive  et  le  petit-fils  de  Charlemagne  s'ima- 
gine que  l'introduction  en  France  du  parlementarisme 
anglais  et  de  ses  trois  pouvoirs  pourra  être  d'un  très-grand 
secours  à  l'humanité  ;  mais  il  ne  tarde  pas  à  revenir  de 
son  erreur.  Trois  ans  plus  tard ,  mieux  édifié  sur  la  valeur 
des  monarchies  constitutionnelles  ,  il  ne  voit  en  elles 
qu'une  transition  entre  le  système  féodal  et  le  régime  in- 
dustriel. A  cette  époque,  c'est-à-dire  en  1817,  Saint- 
Simon  s'efforce  de  faire  comprendre  la  nécessité  d'une  ins- 
titution politique  commune  à  tous  les  peuples  européens  , 
ayant  un  parlement  supérieur  à  tous  les  gouvernements  de 
cette  partie  du  monde.  Il  voulait  que  cette  institution  fût 
chargée  des  grandes  colonisations ,  des  colonisations  géné- 
rales du  globe ,  de  l'organisation  d'une  éducation  unitaire 
et  très-perfectionnée ,  voulant  rétablir  ainsi  dans  l'Occident 
quelque  chose  de  cette  unité  détruite  par  Luther,  et  subs- 
tituer au  traité  de  Westphahe  une  base  plus  solide  pour 
l'union  et  la  bonne  entente  des  peuples.  11  n'hésita  pas 
non  plus  à  prêcher  l'union  la  plus  intime  entre  la  France  et 
l'Angleterre ,  foulant  aux  pieds ,  avec  le  dédain  d'un  homme 
de  génie,  les  préjugés  populaires. 

Ce  fut  à  la  même  époque  que  Saint-Simon  professa  la 
nécessité  d'introduire  la  méthode  scientifique  dans  l'étude 
de  la  politique ,  mais  il  fut  peu  compris.  Quoi  cependant 
de  plus  clair  et  de  plus  rationnel-  que  des  propositions 
comme  celle-ci  : 

«  Il  viendra  sans  doute  un  temps  où  les  peuples  de  l'Eu- 
»  rope  sentiront  qu'il  faut  régler  les  points  d'intérêt  géné- 
D  rai  avant  de  descendre  aux  intérêts  nationaux.  Alors  les 
»  maux  commenceront  à  devenir  moindres ,  les  troubles  à 
»  s'apaiser,  les  guerres  à  s'éteindre  ;  c'est  là  que  nous  len- 


838  PHILOSOPHIE 

»  dons  sans  cesse  ;  c'est  là  que  le  cours  de  Tesprit  humaîu 
»  nous  emporte  !  mais  lequel  est  le  plus  digne  de  la  pro- 
»  dence  de  l'homme ,  ou  de  s'y  traîner  ou  d'y  courir  ! 

»  L'imagination  des  poètes  a  placé  l'Age  d'or  au  berceau 
»  de  l'espèce  humaine ,  parmi  Tignorance  et  la  grossièreté 
>»  des  premiers  temps  :  c'était  bien  plutôt  l'&ge  de  fer  qu'il 
»  fallait  y  réléguer.  L'Age  d'or  du  genre  humain  n'est 
»  point  derrière  nous  ;  il  est  au-devant ,  il  est  dans  la  pér- 
il fection  de  l'ordre  social  ;  nos  pères  ne  l'ont  point  vu,  nos 
»  enfants  y  arriveront  un  jour  :  c'est  à  nous  de  leur  en 
»  frayer  la  route.  » 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  Saint-Simon  ait  professe 
sur  le  pouvoif  et  les  attributions  que  l'on  doit  accorder  aui 
gouvernements,  les  mêmes  opinions  qu'une  partie  de  l'école 
saint-simonienne. 

«  Les  gouvernements,  dit-il,  ne  conduiront  plus  les 
)>  hommes  :  leurs  fonctions  se  borneront  à  empêcher  que 
»  les  travaux  utiles  ne  soient  troublés.  Ils  n'auront  pins  à 
»  leur  disposition  que  peu  de  pouvoir  et  peu  d'argent;  car 
»  peu  de  pouvoir  et  peu  d'argent  sufl5sent  pour  atteindre 
))  ce  but.  )) 

En  1819,  Saint-Simon  publia  Y  Organisateur.  La  seconde 
livraison  de  ce  recueil ,  aujourd'hui  très-rare ,  contient  im 
essai  de  l'histoire  des  industriels  et  des  savants  depuis  W 
IP  siècle,  essai  fait  au  point  de  vue  de  la  méthode  saint- 
simonienne.  Les  faits  y  sont  rangés  en  séries  de  termes  ho- 
mogènes qui  font  apercevoir  leur  loi  de  manière  à  faire 
pressentir  l'avenir  scientifico-industriel  de  l'humanité. 

En  1821 ,  parut  le  systêrat?  industriel,  avec  cette  épi- 
graphe :  a  Dieu  a  dit  :  Aimez-vous  les  uns  les  autres.  ^ 
L'auteur  y  explique  comment  touteslos  institutions  actuelle? 
sont  appelées  à  revêtir  le  caractère  industriel ,  comment  les 
savants  doivent  y  être  chargées  de  l'instruction  publique,  H 
les  industriels  de  la  formation  du  budget. 

En  1825 ,  notre  philosophe  publia  des  lettres  aux  dépu- 
tés ,  deux  brochures  sur  les  Bourbons  et  les  Stuarts,  dans  b 
dernière  desquelles  il  démontrait  très-brièvement  le  carac- 
tère le  plus  général  de  la  doctrine  de  la  vie  universelle ,  et, 


BU  8IÈGLB.  839 

presque  en  même  temps  un  écrit  très-court  sous  ce  titre  : 
Travaux  philos&phiques ,  scimtifiqtêes  ei  poétiques  »  ayant 
pour  objet  de  faciliter  la  réorganisation  de  la  société  euro* 
péenne.  Dans  quelques  pages,  Saint-Simon  y  expose  avec 
chaleur  les  principes  de  sa  doctrine ,  qui  dès-lôrs  se  sépara 
entièrement  de  toutes  celles  qui  Tont  précédée  et  préparée. 

Cependant  Saint-Simon  n'avait  encore  d'autre  témoignage 
de  sa  valeur  que  sa  conscience.  Il  n'était  point  chef  d'école, 
il  ne  possédait  aucun  enseignement  public.  Augustin 
Thierry ,  son  disciple  ,  le  reniait  ;  Comte  l'abandonnait ,  et 
la  misère  la  plus  profonde  était  son  partage.  Fatigué  de  ses 
trente-quatre  années  de  luttes ,  incertain ,  doutant  de  l'ave- 
nir, le  philosophe  faiblit  un  instant  :  sa  main  s'arma  contre 
lui-même  i  une  balle  sillonna  son  /ront,  mais  son  heure 
n'était  pas  encore  venue.  Un  commerçant,  un  juif,  homme 
versé  dans  les  questions  industrielles  et  religieuses ,  et  de 
plus  mathématicien  très-habile ,  Olinde  Rodrigues  re- 
cueillit son  mattre  ;  et  sa  dernière  phase,  la  phase  religieuse 
commença.  Saint-Simon  revînt  aux  idées  qu'il  avait  som- 
mairement exposées  dans  les  lettres  de  Genève ,  et  les  déve- 
loppa dans  son  Nouveau  Christianisme. 

Saint-Simon  est  mort  le  19  mai  1836 ,  léguant  à  Olinde 
Rodrigues ,  le  seul  disciple  qui  ne  l'eut  pas  abandonné  dans 
sa  misère ,  ses  manuscrits  et  sa  pensée. 

Le  saint-simonisme  a  présenté  trois  phases  ,  comme  la 
vie  de  Saint-Simon  :  dans  la  première ,  il  s'est  appelé  le 
Producteur  ;  dans  la  seconde ,  il  s^est  organisé  en  couvent 
religieux  pour  répandre  la  parole  du  mattre  ;  dans  la  troi- 
sième, il  s'est  bifurqué.  Les  uns,  avec  Enfantin,  ont  cru 
à  une  morale  nouvelle;  tandis  que  d'autres,  indivi- 
duellement ou  sous  la  direction,  ceux-ci  de  lean  Rey- 
naud  ,  ceux-là  de  Pierre  Leroux ,  se  sont  efforcés  de  créer 
la  physiologie  générale  et  de  relier  l'avenir  dfe  l'humanité 
aux  traditions  antiques  de  sa  vie. 

Le  Producteur  avait  réuni  un  grand  nombre  d'adhérents. 
Ses  principaux  collaborateurs  étaient  Enfantin,  ancien 
élève  de  l'école  polythecnique  ;  Bazard,  l'un  des  fondateurs 
de  la  charbonnerie ,  homme  éminent ,  logicien  fort  habile , 
qui  exerçait  une  très-grande  influence  sur  les  plus  éner- 


840  PHILOSOPHIE 

giques  des  révolutionnaires;  Budiez,  docteur  médecin, 
condamné  à  mort  dans  la  conspiration  de  Bedfort,  trs- 
vailleur  infatiguable,  qui  a  produit  depuis  une  Intréiucticn 
d  la  Science  de  V Histoire^  une  PhilùWfhie^  VEurefèeh, 
Y  Histoire  parlementaire  de  la  Révolution  françaiee ,  et  qui 
présidait  la  Constituante  en  mai  1848  ;  Dugied ,  homme 
énergique ,  qui  avait  aussi  joué  un  rôle  important  dans  h 
charbonnerie;  Laurent  de  TArdèche,  Tauteur  de  la  Aé/ît- 
tation  de  Montgaillard  ^  depuis  représentant  et  bibliothé- 
caire du  Sénat;  Duboehet,  pubUciste  que  sa  position 
mettait  à  même  de  bien  connaître  les  faits  ;  Rouen  ^  Cer- 
clet,  Armand  Carrel,  qui  devait  plus  tard  se  faire  un  grand 
nom  au  National  ;  Joseph  Rey  de  Grenoble ,  ce  vieillard  si 
vénéré  dans  sa  ville  ,  où  il  est  à  la  tête  de  toutes  les  insti- 
tutions de  bienfaisance  (  il  avait  fait  connaître  à  la  Franœ, 
sous  la  Restauration ,  le  mouveme&t  communiste  anglais 
de  Robert  Owen)  ;  Blanqui  l'économiste ,  «ilevé  tout  ré- 
cemment à  la  science;  Senty,  Peisse,  Artaud  de  Caen, 
Halévy  et  quelques  autres  de  nos  c^ébrités  modernes. 
Œuvre  d'hommes  inexpérimentés ,  le  Prodneteur  senl  le 
travail  et  l'incertitude  ;  il  est  diffus ,  confus  et  manque 
de  fornmles. 

Lorsque  le  Producteur  cessa  de  paraître,  Cerclet,  Du- 
bochet,  Rouen,  Blanqui,  Senty,  Peisse,  Garnier,  Halén, 
Armand  Carrel,  se  retirèrent  de  la  société  saint-simo- 
nienne.  Bûchez ,  Rouland ,  L'Herminier  Margerin  la  quittè- 
rent le  jour  où  se  fonda  la  hiérarchie. — L'œuvre  du  couveol 
saint-simoniea  est  bien  supérieure  à  celle  du  ProdueUur. 
Toute  société  est  dirigée  par  quelqu'un  :  ceUe^i  l'était  en 
nom  par  Bazard  et  par  Enfantin  réunis,  mais  en  réalité 
par  .ce  dernier  qui  conduisait  avec  une  prodigieuse  liabilf^té 
tou^  les  travaux  de  f>es  co-religionnaires  vers  le  but  qu'il 
voulait  atteindre. 

Cet  adorable  satan  avait  tout  ce  qu'il  faut  pour  entrainer. 
P'un^  société  charmante ,  doué  d'une  tête  ftàmirable,  d'un 
regard  fascinateur,  d'un  calme.à  toute  épreuve.  Enfantin, 
que  distinguait  encore  un  esprit  très^subtil  et  très^dmit 
eu  dialectique,  un  sentiment  religieux  font  élevé  et  de 
grandes  cqnn«kis&anoe&<eii  économie  publiqiiev  me  néffiisea 


BU  SIÈCLE.  841 

rien  pour  faire  poser  les  prémisses  de  l'œuvre  saint-sîmo- 
nienne  de  telle  sorte  qu'elle  vint  aboutir  nécessairement  à 
cette  religion  qu'il  a  voulu  fonder. 

Il  a  eu  un  grand  mérite,  celui  de  faire  appel  aux 
femmes  au  sein  de  la  société  française ,  alors  si  infatuée 
d'elle-même  et  de  ses  habitudes.  Cet  appel,  parfois  ridi- 
cule pour  le  vieux  monde  et  presque  toujours  en  dehors 
des  habitudes  reçues,  a  été  souvent  éminemment  poétique. 
Pour  tout  le  reste,  Enfantin  a  généralement  dévié  de 
Texcellente  ligne  tracée  par  Saint-Simon  :  ce  qui  tient  à  ce 
qu'il  était  fort  peu  physiologiste. 

Saint-Simon  voulait  que  la  morale  fut  une  déduction  de 
la  science  (ainsi  que  nous  l'avons  établi  pages  SOS  à  SU). 
Enfantin  oublia  cette  conséquence  logique  de  la  doctrine  ae 
son  prédécesseur,  pour  placer  sur  le  même  plan  égalitaire 
ce  qu'il  y  a  de  réellement  humain  dans  l'homme,  et  les  fa- 
cultés de  conservation  qui  lui  sont  communes  avec  les 
animaux. 

Entraîné  par  une  étude  incomplète  de  notre  nature , 
ce  penseur^  qui  eut  dû  continuer  la  ligne  de  Pythagore  , 
traça  de  suite  le  sillon  suivi  par  son  collègue  Bazard  et 
par  leurs  disciples  jusqu'à  la  séparation.  De  leurs  travaux 
résultèrent  une  science  de  l'humanité ,  uns  économie  so- 
ciale, puis  une  forme  de  gouvernement  que  les  démocrates 
du  saint-simonisme  eussent  dû  rejeter  immédiatement , 
puis  enfin  la  morale  nouvelle ,  cause  de  leur  division.  Ces 
quatre  manifestations  furent  très -grandes;  mais,  nous 
dôvons  le  dire,  la  réunion  des  saints^simoniens  en  une 
société  conventuelle  en  a  singulièrement  hAté  Télabora- 
tion. 

Quoique  Bazard  ne  connût  point  la  polarité  intellectuelle 
de  l'homme ,  quoiqu'il  ne  connût  pas  davantage  la  parité 
qui  existe  entre  les  développements  successifs  et  pro- 
gressifs de  toutes  les  grandes  manifestations  de  la  nature 
et  leur  oscillation  indéfinie  autour  d'un  état  moyen  qui  est 
leur  virilité,  il  a  cependant  eiposé ,  en  i899,  la  loi  du  dé- 
veloppement de  rhumanité,  de  telle  sorte  que  ses  leçons 
ne  sauraient  vieillir.  Nous  aimons  à  rappeler  ici  que  ces 
enseignements. à  élev^  ont  été  rédigés  d'une  façon  bien 


842  PHILOSOPHIE 

remarquable  par  Gamot ,  le  premier  ministre  de  Finstruc- 
tion  publique  de  la  république  française  de  1848.  En  voici 
le  résumé  : 

«  La  société  européenne  est  dans  la  position  la  plus 
douloureuse  :  plus  d'affection  nulle  part  entre  les  goaver- 
nants  et  les  gouvernés  ;  partout  des  regrets,  des  défiances, 
des  craintes.  En  politique ,  il  y  a  lutte  entre  Tautorité  et  la 
liberté;  le  même  désordre,  sous  le  nom  de  concurrenoe, 

Sroduit  une  meurtrière  anarchie  pour  bon  nombre  de  pro- 
ucteurs  ;  le  vol  et  la  fraude  sont  les  sources  de  la  fortune. 
L'art ,  impuissant  à  créer,  s'occupe  presque  exclusivement 
de  critique  ;  et  cependant  il  est  un  grand  nombre  d'hommes 
qui  sentent  le  besoin  d'un  lien  qui  les  conduise  avec 
ordre,  avec  amour,  vers  une  commune  destinée,  de  ma- 
nière à  compléter  l'harmonie  universelle  des  mondes  par 
l'ordre ,  la  sagesse  et  la  beauté  de  notre  globe  embelli  par 
le  génie  de  l'association  humaine. 

»  Cet  avenir  n'est  pas  un  rêve  :  le  livre  des  Rénélaiùmi 
nous  raconte  que  d'organisations  en  organisations ,  de 
crises  en  crises ,  de  civilisations  en  civilisations ,  la  société 
s'avance  sans  cesse  vers  cet  âge  d'or  promis  par  Saint-Simon; 
marchant  ainsi  à  travers  des  époques  d'ordre  et  de  désordre, 
détruisajit  chaque  fois  de  ses  [propres  mains  Tédifice  de 
plus  en  plus  parfait  dans  lequel  s'élaborent  et  se  préparent 
ses  pacifiques  destinées.  L'anarchie,  l'égoïsme  et  l'athéisaie 
sont  donc  des  faits  transitoires  qm  remplaceront  une  hié- 
rarchie, un  dévouement,  une  foi,  en  un  mot  Yarirg  nomiceau. 
»  Enseignée  à  la  manière  des  sciences  naturelles,  l'histoire 
peut  devenir  aussi  positive  dans  ses  déductions  que  Fastro- 
nomie,  la  botanique,  la  zoologie;  elle  peut,  aussi  elle, 
classer  les  faits  par  séries  de  termes  homogènes ,  de  sia- 
nière  à  montrer  leur  loi  de  croissance  et  de  décroissance, 
l'origine  et  la  an  de  chaque  série. 

»  Familles,  castes,  cités ^  nations,  humanité^  ces  cinq 
termes  représentent  une  série  qui  raconte  l'histoire  géné- 
rale des  hommes  entre  les  deux  termes  extrêmes:  la  sa»- 
vagerie  la  plus  absolue  et  l'association  gàiérale,  (Ces 
termes. étaient  mal  choisis^  cette  série. doit  iètre  ainsi  cor- 
rigée :  individu,  famiUe,  commune,  nation,  huouoûlé.) 


BU  SIÈCLE.  84S 

i>  Un  tableau  de  Tespèce  humaine ,  embrassant  le  mono- 
théisme juif,  le  polythéisme  grec  et  romain ,  et  le  chris- 
tianisme ,  fait  ressortir  avec  évidence  cette  loi  du  progrès. 
(Ce  tableau  était  aussi  lui  très-incomplet  et  n'enseignait 
pas  cette  grande  loi  de  Thistoire:  U  dévelùppement  par 
tranêformati&ni  éuccessiveê). 

»  Jérusalem ,  Rome  des  Césars ,  Rome  chrétienne ,  voilà 
les  trois  grandes  cités  initiatrices  de  TEurope. 

»  Bazard  s'arrêtait  ici ,  et  commettait  la  plus  grave  des 
onaissions  en  oubliant  Alexandrie ,  cette  ville  où  commu- 
nièrent l'Egypte ,  la  Grèce  et  la  Judée  ;  TÇgypte,  l'Inde  et  * 
l'Arie ,  ces  trois  sources  de  Rome ,  de  la  Grèce ,  de  Jérusa- 
lem^ de  Babylone  et  de  toutes  nos  civilisations  actuelles. 

»  Moïse,  Numa,  Jésus,  ont  enfanté  des  peuples  morts  ou 
mourant  aujourd'hui.  (Ici  encore  Ton  voit  qu'en  1850, 
personne  en  France  ne  connaissait  l'arbre  généalogique 
des  croyances  sociales.) 

»  MaiirtSi  iêdaveêy  patrieiensy  plébéiens^  seigneurs^  serfs, 
propriitaires ,  fermiers^  cisifs  ^  îravaillewr»^  voilà  l'histoire 
de  i'antagonbme  passé.  Association  universelle,  voilà  l'ave- 
nir :  à  chacun  selon  sa  capacité ,  à  chaque  capacité  selon 
ses  œuvres.  Voilà  le  droit  nouveau  :  droit  du  travail ,  qui 
remplace  celui  de  la  conquête  et  de  la  naissance.  (La  phy- 
siologie nous  dit  :  A  chaque  organe  social  selon  ses  besoins 
justifiés  par  son  travail.) 

»  L'humanité  est  un  être  multiple  et  collectif,  vivant  au 
sein  de  la  vie  universelle  d'une  vie  qui  lui  est  propre  : 
c'est  une  association  d'individus  qui  se  développent  en 
une  série  continue  de  générations.  Sa  destinée,  liée  en 
Dieu  à  celle  du  globe  qu'elle  habite ,  s'accomplit  progres- 
sivement. Dieu  a  successivement  défendu  aux  aînés  de  la 
famille  humaine  d'avoir  à  leur  service  des  parias,  des 
esclaves  et  des  serfs.  Les. jours  du  prolétariat  s'achèvent , 
et  le  travail  va  devenir  la  lois  de  tous.  (Que  dire  de  mieux  ? 
Cependant  il  est  important  de  remarquer  encore  que  l'hu- 
maaitét  ne  se  développe  point  toujours  par  une  seule  série , 
mais  souvent  par  des  séries  parallèles  :  fait  analogue  à  celui 
que  nous  avons*  signalé  dans  l'étude  des  transformations 
des  espèces- animales).    * 


844  PHILOSOPHIE 

»  Hommes,  formez  nne  armée  pacifique,  et  ne  dites  pas  : 
Cela  est  impossible.  Votis  avez  été  braves  dans  les  camps; 
naguère  vous  saviez  tous  vous  ranger  sous  un  chef,  vous 
classer  hiérarchiquement,  reconnaître  des  guides^  marcher 
aveîc  ordre,  économie,  el  surtout  avec  enthousiasme;  et 
où  courriez-vous  ainsi?  Ravager  le  monde,  porter  partout 
des  larmes ,  du  sang ,  la  mort  !  Suivez-moi  ;  ranger-vous , 
reconnaissez  de  nouveaux  guides,  soyez  courageui  encore, 
car  vous  avez  de  grands  et  nobles  travaux  à  faire  ;  suivez- 
moi,  j'apporte  la  vie.  Ainsi  parlera  le  pontife-roî.  (Pour- 
•  quoi  ne  serait-ce  pas  plutôt  le  grand  peuple  initiateur  qui 
tiendrait  ce  langage.) 

»  Eh  !  que  viennent  nous  dire  aujourd'hui  nos  légistes, 
publicistes ,  économistes  ?  Leur  science  nous  prouvera-t- 
dle  qu'à  jamais  la  richesse  est  Tinséparable  apanage  de 
l'oisiveté  ;  nous  prouvera-t-elle  aussi  que  le  fils  du  pauvre 
est  libre  comme  le  fils  du  riche  ?  —  Libre  f  quand  on 
manque  de  pain!  Qu'ils  sont  égaux  en  droits?  —  Egaux 
en  droits  !  lorsque  l'un  à  le  droit  de-  vivre  sans  travailler, 
et  que  l'autre ,  s'il  ne  travaille  pas ,  n*a  plus  que  le  droit 
demoOTir! 

n  Ils  nous  répètent  sans  cesse  que  la  propriété  est  la  base 
de  Tordre  social;  nous  aussi,  proclamons  cette  éternelle 
vérité.  Mais  qui  sera  propriétaire?  est-ce  le  flh  ahif, 
ignorant ,  immoral  du  défunt ,  ou  bien  est  «-ce  Thomme 
capable  de  remplir  dignement  sa  fonction  sociale  ?  Ils  pré- 
tendent que  tous  les  privilèges  de  la  naissance  sont  dé- 
truits. Eht  qu'est^îe  donc  que  llicrédîté  dan^  le  sefn  des 
faiteiUes  ?  qu'est-ce  que  la  transmission  de  la  fortuné  des 
pères  aux  enfants,  sans  autre  raison  que  la  fiK^tion  du 
sang,  si  ce  n'est  le  plus  immoral  de  tous  les  privilèges,  celui 
délivre  en  soeiHi  8an$  travailler^  ou  d'y  être*ré(^pcûsé 
au-delà  de  ses  oeuvres.  » 

e^esl  ainsi  que  le  commtinisme  religieux  et  théo^ètique 
de  Bazard  el  d'Enfantin  attaquait  éloquemmeÀt  dans  l'hé- 
ritage l'un  des  faits  de  Vindividwiité,  colfmnettatit^is-è-vîs 
de  ce  fait' si  itnportant  la  même  erreur  qui  a  été  tetizffiMse 
avatit^t  depuis  contre  le  servage  et  l'esclaVu^.-A^ardeC 
Enfantin  oubliaient,  dans  leurs  si  gMindes4e^ilâ^d%iâtt(ife, 


hO  SIÈCLE.  845 

les  enseignements  du  passé  et  méconnaissaient  la  loi  des 
transformations  à  laquelle  ils  furent  cependant  ramenés, 
à  cette  occasion ,  par  des  études  économiques  qui  les  con- 
duisirent à  proposer  la  mobilisation  du  sol ,  c'est-à-dire  la 
suppression  des  derniers  titres  féodaux.  Hais  continuons  : 

c(  Triste  science,  qui  aurait  maintenu  le  servage,  qui  au- 
rait défendu  à  Jésus  de  prêcher  la  fraternité  humaine , 
dans  la  crainte  que  sa  parole  ne  retentit  à  Toreille  d'un 
esclave  ;  triste  science,  qui,  dans  une  époque  plus  reculée 
encore  aurait  célébré  la  justice  de  Tautropophagie  ! 

i>  Le  développement  de  rhumanité  n'est  que  le  perfec- 
tionnement des  associations  humaines ,  sa  loi  repose  : 

»  l""  Sur  la* nature  du  travail  à  accomplir, 

j»  â""  Sur  la  répartition  de  ce  travail, 

>f  S"*  Sur  la  répartition  des  produits.  » 

Qu'ajouter  à  ces  trois  grandes  énonciations  du  problème 

à  résoudre?  Bien N'estnse  pas  un  fait  capital  que  de 

bien  poser  une  question  ? 

«  L'éducation  qui  embrasse  la  vie  entièi^  de  chaque  être, 
sa  destination  générale  et  sa  profession  particulière,  ses 
affections  sociales  comme  celles  du  foyer  domestique  ; 
l'éducation,  qui  ne  cons'ste  plus,  de  nos  jours,  gue  dans 
une  instruction  sans  but  précis,  désordonnée,  mdépen- 
dante.des  dispositions  individuelles  et  des  besoins  géné- 
raux^ est  l'aspect  le  plus  important  du  ré^ement  social  : 
Tayenir  nous  demande  de  poser  les  bases  de  la  sienne.  » 

C'est  dans  ce  but  que  dans  la  conclusion  de  ce  livre 
nous  posons  les  règles  d'une  éducation  que  nous  croyons 
propre  à  concilier  la  catholicité  et  le  protestanti»ne ,  les 
droits  de  la  communauté  et  ceux  de  TindividuaUté. 

(•  Si  réducaâion  était  ce  qu'elle  devrait  être ,  si  elle  pré^ 
parait  taus  les*  hommes  à  contribuer,  chacun  selon  son 
amour,  son  intelligence  et  sa  force ,  au  progrès  social ,  la 
législation  serait  sans  objet  ;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi. 
Trouver,  selon  l'expression  de  Saint-rSimon,  la  ligne  do 
démarcation  qui  sépare  les  actions  en  bonnes  et  mauvaises, 
est  une.des.paUies  les.  plus  élevées  de  la  fonetion  du.légis- 
Iateur«.  Appliquer  cette  règle  smrale  est  l'un  4e9  actes 
priocîpdwi.du  gouvaaMU»t  :  la  ié^giaUrtion  «4  Tordre  judi- 

36 


846  PHILOSOfHIB 

claire  sont  donc  les  caœpléai^nl^.  û^is^nsablQS  de  l'édu- 
cation et  du  corps  à  qui  elle  est  coniiéa^  Lcjs,  .peines  /9&/ les 
récompenses,  ne  sont  mêmet  à  proprement  parler  que  Tua 
des  aspects  de  réducation.  -, 

»  1^  législation ,  comme  tous. las  laits  humaiost  evt  va- 
riable,  progressive,  suivant  l'état  .de  oiviÙsaiiop  des  sociétés; 
c'est-à-dire  qu^elle  est  somnise  ^à  r^terj^ivé  de&  époques 
organiques  et  critiques  «^ue  nous  ^vons  ségnalées.4«09  tout 
le  passé.  Dans  les  premières^  le. chef  ppUtîqi^  (^t  i^g^- 
teur  et  ju^;  il  conçoit  le  règlement,  d'jordraatt^  <détef- 
mine  l'application  ;  il  est  la  loi  vivanta.f  iLfestJ'or^Miede 
la  louange  et  de  ta  réprobation  sociaUev. c'est  lniqi^:d<i- 
cerne  la*  gloire  .oa  impriq^j^  la.bQnte.  I^n»  le^  ^poqpies 
critiques,  au  contraire,  la  loi  e^t  u^e^leU^e>jpeiQr4P«  sans 

Suissance  morale  :  la /justice  ^et  î'^quilé  aant^en^^bo^ 
istiiicte^ dans  J'opimon  des' bomrofi$w}    .  .|.    j:  ».,  .,,1,, 

0  La  législation  et  l'ordre  judiçi^re.i sont  akis^^opi)  dus 
armes  pour  résister  à  rçtppre^iop  d^  la  vieUip  bièra#iie, 
ou  des  moyens. d'oppression  coi^tre  ^.peùple;;,âst)S?Qi«;eQ 
d'autres  termes,  une  perpétuelle  mapife^Mion  «j^vlC^Rta* 
gonisme  qui  existe  entjre  le&.gouvern4n,t3  i^.l9G.gqpT<i^n|^ 
lutte  qui  (U|tfaQtérisq,.4  noSiyeuj(|.r4po(^i0,IQHtif^ 
désâ^sociation.î  .      .     ..,  ...  .\.„  .  y,  :,,!,;}  h^wr.u  tw- 

4.  Pour  nous,  la  législation  est  le^fpgl^Qpf  d'(9Nfâl]pv:^  ie 
législateur  est  donc  l'hommc)*  qui  aliogie.  e^qo^opiatt  if  qiew 
Tordre  social^  et  par .  coaséguent •  le  bi^t  da»  l^fasyvjip^ijMft ; 
c'e$t  Vbomme  q.u^  est  le  plus  aap|ible  Âe  dirigçrJiivi^Q^flé 
vers  ,l!accomplis$enient  des^  d'estiiiée^.  JÙrrÇfWfW  >  4>'l9ùs 
Saintr-Simo^yle  hut4e  l'activité.  hii]2)^ii^.«&|.^  ci^aiie 
il  s'agit  pour  ejOl^  d!un.pri>^ès,^miir4^4nt^^ 
sique,  le  règlement  d*ord^e.doi,t  ^spbfl^^asi^  jo^l^il^i^  jwyyt 
du  dérelQppei^e^t  :SOçial  f  de  même  qm.le^poifpsji^ 
se  compose  de  trois,  degr^^spécifûi  le.Jufjdi^^p^t^Pt^^ 
pouf  ot^ei  de  .régularisfrtle  m^^yioi^efl^jpBi^rj^  i^m^itiS^^ 
et  indns,tfi^1r  ,  ,     '  -.< .-  ^/.-f  r.    {'iinmiifi  .1'  «> 

^  AiQ3i,qpi^acV>itroix}»^.âeiJtcm^ 
quelque  «Qit  lew degri d'impoT^aniOei ,,c.,es^ \miWf*m^ài^ 
qui  approuve  «^  oondamne , . Aoue  ^> Jbi&mq,  (exfl^.fll >i«- 


DU  StÈCLE.  847 

tient;    c'est  lai  q^ii  ordemné  et  ^i  juge.  » 

Mne/il  fandrâit  que  le  chef  fut  parfait:  aussi  n*y  a-t-îl, 
ctai»  eë  dernier  paragraphe,  que  de  nobles  pensées  sans 
application  possible. 

*r  îteufl  contièftesiofis  assei  les  préjugés  de*  hommes  de 
notre  âède ,  p<rtiT  savoir  qu'il  eut  été  inutile  et  dangereux 
deftitr«f'9iinplemetit,  on  du  môîtwtout  d'abond,  un  appel 
à  leur  «yiHpétMt>.  fis  veulent  de  la  faison ,  de  la  science  ;  ils 
demiandeïit  ce'qults  appetlent  des  démonstrations,  des 
preuves^  no^  devions  leur  en  donnfer,  atr  i*bque  mêtae  de 
l€For  fakè  dire  de  ndtis,  que  nous  étions  des  théoriciens  , 
des  idéok^es,  au  lisque  de  lesr  fatiguei*  de  no*  formules  , 
et  4^êtrè  rriênie  insaisissables ,  incompréhensibles  pour  ceux 
qni'Cfoiraient'^JtouVotr  nous  Hfe  sans  travail.  Nous' nous  se- 
rions bien  gardés  de  dire  :  Quand  vous  ne  voudrez  plus 
Îu'iine  partie  de  la  ftfttlHle' hurnàihè  vive  dans  roisîveté , 
a  travail  de  1- autre  partie*  de  kr  farniUe;  cpiand  vous  ne 
voudrez  plus  (|ue  lés  enfatits  die  cette  portion  privilégiée 
soieht  les  seulsi  qui  puissent  |ouir  des  bienfaits  de*  réduck- 
tîon,'èf'"déVelëppef  aîvisi  leurs  facultés;  quand  vous  fte 
voudrez  ]^uè^  qn'nn^  qtiantîté  eortsîdérable  de  cœurs  géné- 
reux,- <i*înteHigeiaces  supéi'ieures,  d'hommes  forts  et  habiles 
soicim  déiûiérali^si ,  abrutiSgf ;  affaiblis ,  i(fi  par  FoisiVeté ,  là 
par  un  travail  forcé  et  contre  nature  ;  quand  vous  rie  vou- 
drez pkrs'avWrs<)iis  les  yeuï  un  pareil  spectacle ,  îls  dispa- 
nAttë:  Pfotm  langage  aWraft  été  saiW  doute  plus  cîafr,  et 
eepeiidBint-*l'aoi*alt  aujoij^d'hui  bien  nioins  comtfaând^  h: 
ciWÈN^tetion.'NiMié  aVôris  dûft  abstraction^  atillant  que 
p6Mbte  4  dëfli'sytoptiihîes'  que  nods  ressehlîons  pour  Tave- 
itirq^  ndus'anyiènléiotls,  et  présenter  cet  avenir  éommo 
oûe  ctoséqùenijîe  ^Mceisàite  ;  comme  un  effet  ■  inétttable , 
èommé  uii'rëstiltat/itia/ du  passé.  D 

No^ieetéUr^  rétearquéront  que  lé  saint^stmoni^mre  a  par- 
foiHettient  dist^Mgtlé  la  providehde  de  la" fatalité,  ïnais qu'il 
alfôp  bttbKé1a^HbeHé''hùmaii)e  et  rinitîative  individuelle. 

«  L'humanité  a  un  avenir  reli^eux ,  la  science  n'est  pas 
afiié# ;  0i0«'éeiué'^àn  ^rovideiitij^l,  voflS  lé  lien  9è  foutes 
le»  kninclMfS^  savoir  humain; n  y  a  constance,  ordre,  té- 
galatflté^dai^  l'eiiehalnéihefit  de^]p)^nomènés.  le^  sciences 


848  PHILQSOPHIB 

racontent  la  gloire  de  Dieu  en  nous  découvraqt  de.  plus  ea 

S  lus  rharinonie  de  toutes  les  fonctions.  A  son  plus  haut 
egré  d*eialtation ,  l'inspiration  scientifique  est  ua  hymne 
religieux.  » 

Ce  paragraphe  est  certes  l'une,  des  plus  belles  posées 
que  rhumanjté  ait  imprimées  depuis  cinquante  ans. 

i<  Les  phases  du  sentiment  religieux  sont  le  fétichisnae,  le 
polythéisme  et  le  monothéisme.  »  (La  série. des. réyélatians 
contredit  cette  opinion  et  prouve  qu'elle  est  historiquesDirat 
inexacte.)  «  En  faisant  Dieu  pur  esprit,  Téglise  eatboU^ixs 
plaçait  en  dehors  de  lui  la  matière;  de  là  ce  mot  de  saint 
Augustin,  «  La  chair  c'est  lepéché.^  rr-Dieu  pur  esprit,  tout 
perfectionnement  matériel  était  jugé  inférieur  et  apparte- 
nait de  droit  au  mal,  à  Satan;  Tindustrie  était  pooope  et 
œuvre  du  Jémon.  ... 

»  Le  Dieu  de  l'avenir  ne  seri\  donc  pas  un  pur  esprit;  il  ne 
sera  pas  non  plus  matériel  comme  les  divinités  paiemies:  il 
embrassera  l'ensemble  de  l'univers  sous. sa  double  mf  nifes- 
tation.  L'idée  que  Dieu  aurait  laissé  faillie  ^  oc^tiure 
sera  remplacée  par  La  foi  en  un  progrès  cop^taut„.^icoQOitpli 

Sar  les  efforts  de  l'homme  et  sebii  la  volonté  d'utOeprovi- 
encc  toujours  bienveillante.  ... 

»  A  ce  Dieu  universel  correspçf^  l'asi^opiatiQR,  uiùvec* 
sello.  »  .... 

Voilà  le  dogme  sainl-simonien*  i 

Beaucoup  des  hommes  les  plus  éi;oinent8de  notre  éppque 
prirent  part  au  mouvement  ^aint-simouiea ,  donV^'éçoso- 
mie  sociale  ne  tarda  point  à  être.formuléie.  C'ingètiiew -des 
mines  Fournel  traita  avec  supérioi;ité  la  que^tipQ  4^  Thé- 
ritage  et  de  sa  transformation;  mais  il  ^euit.le.  tort  grave, 
dans  son  écrit,  de  ne  pas  appliquer  h  loi  4^  l'histoire  >à  ce 
grand  phénomène  social  :  aussi  fut-il  parfois  ultrà-réi^u- 
tionnaire  au  lieu  d'être  simplement  évolutionMire  et  pra- 
tique ,  selon  les  tendances  émineipme^t  scientifiques  <}e  son 
esprit.  Le  budget ,  l'assiette  de  l'ipipôt  et  bieaMQQup  d'«u- 
tires  questions  furent  présentées  par  l'juja  dos  PâreÂre^ .  seus 
un  nouvel  aspect  éminemment  libéiral;  I)evQC^eiaapcbe  et 
Sevin ,  du  Mans ,  signalèrent  les  .besom^  et  ^  oKigwns 
â*une  réforme  hypothécaire;  Entaotiu  écrivit  4e:. belles 


DU   SIÈCLE.  849 

p9ge9  sur  les  questions  générales  ;  Michel  Chevalier  ,  Le- 
moftnilT  et  d*autres  encore  prirent  aussi  grande  part  à  ce 
mcotemefit. 

En  religion,  en  science,  en  industrie,  la. doctrine  du 
coilirettt  sainl-sfnidnien  n'était  autro  chose  qu'un  commu- 
nisme théocratique  dirigié  par  une  hiérarchie  sans  contrôle 
qui  pouvait  confisquer  toute  liberté  :  aussi  Bazard ,  Jean 
Reynaud,  Pierre  Leroux,  Jules  Le' Chevalier  et  bon  nom- 
bre d'autres,  comprirent-ils  bientôt  la  pente  glissante  sur 
la^tHfRè-'ils  se  trouvaient  placés.  11  suffît,  pour  s'en  con- 
raincre,  d'étudier  une  brochure  très-remarquable  publiée 
sous  te  titre  A' Enseignement  central ,  et  dont  voici  la  sub- 
staiM  : 

or  La  religion,  c'est  Tamour;  la  loi,  c'est  l'association; 
la  vie,  c'est  le  bonheur. 

JF  L^homme  aHrancbî' trouvera  dans  la  femme  libre  une 
épouse  digne  de  lur. 

it'AHistBj  i!  aimera  à  sentir  et  à  exprimer  la  vie  des 
mondes  ;  mranf,  à  la  connaître  et  à  l'expliquer  ;  inàuntrieî^ 
à  modifier  la  forme  du  monde  et  de  l'humanité. 

n'ftt 'aimeras  Dieu',  dit  le  poète  saînt-sîraonien,  et  tu 
aimeras  l'humanité  et  le  monde ,  car  l'humanité  et  le 
mofride  sdtit'  eil  Dieu,- et  alors  tu  auras  la  religion  et  tu 
sentiras  la  présence  réelle  de  Dieu. 

»  Et  alors  l'humanité  ne  formera  plus  qu'une  famille 
nWi  lanombi^biie!s  enfants. 

If'  Et  rflôrs  la  vie  du  monde,  harmonisée  avec  ta  vie, 
setvîrti-  &  la- développe!*  et  à  TembeHir. 

n  Tu  aimeras  à  gouverner  et  à  diriger  la  vie  de  Thuma- 
bM  vers^n'but,'ef  tu  se^as  le  pontife-roi,  le  couple  gé- 
nérateur de»  la  famille  humaine,  l'inspiration  d'amour  et 
depaii.   » 

#'Etalo!^;  chaque  pas  accompli  sous  l'empire  de  ton 
amotff  sertt  Uft  p^^ês  de  Thumanîté  dans  Tamour  de 
DlenV  (5*fest^àf-dire  dans  là  religion.  » 

Aprèd  hibXi  dît,  en  'style  magnifique,  la  loi  de  Thuma- 
nHé'^Oi'eiàt î'Hgsbéiation  gëùéraïe ,  l'éducation,  la  fonction, 
la'fetMlte*poii^  tîJtis/lë  'classement  selon,  la  éapacité,  la 
réWibutfCb  Sèl6n  leÀ'  œiltres  et  la  hiérarchie  théocratique , 


850  PHILOSOPSIE 

le  poète  explique  la  paternité ,  ta  fralernité  et  la  filiation 
sociales  ;  la  paternité ,  là  frat^n^é  et  la  ^atiw  ^eleo  le 
sang.  Ce  poème  trop  peu  connu  se  tecmime  ainsi  •;         - 

<c  Et  alors  il  n'y  aura  plus  ni  Tégoisiae  îaioiiis  de  la 
famille  israélité;  ni,  cQmme  chez  laç  dirétiena,  la  rewrt- 
ciation  h  la  famille  du  monde  pour  4a  fmniUe  apiritaalk^; 
mais  il  y  aura  la  niété  de  la  famille  inâiv|diteUe ,  vîtâUe 
par  Tamour  social. 

2>  Tu  aimeras  à  vivre  dans  le  prés«it<eiidévelop{»n]l  Ion 
corps  aussi  bien  qw  ton  esprit,  et  tu- a«»eri8  kite-fitamB- 
venir  de  ta  vie  passée  et  à  prépatar  t»'vie  à  irestf. 

»  Et  alors  dans  les  diverses  géDératâoM  de  là  dotdrfe 
famille,  tu  croîtras  en  amour,  en  sagesse «t  en  l^eMilé; 
et  ta  vie,  toujours  nouvelle  i  cfaai»iae  de  aesi'^iascs, 
voyage  d'initiation  à  travers  les  stèoles.et  au  nailiea  des 
mondes,  ta  vie,  à  la  fois  indîvtdiieUe  etcolteetiv^^f  i»'a«Fa 
de  limite  que  rimmensi  té ,  n'aura  de  finqUerélërlMléJ 

»  Et  alors  il  n'y  aura  plus  ni  l'esprit  mcHÎiâé*  p»  la 
chair,  ni  la  chair  mortifiée  p«r  VeeprU,  ni  le  r^imq»4e 
la  terre  séparé  du  royatime  du  ciel^  m^lad^ulèiir'daBs  le 
temps  |KHir  la  joie  datas  Fétemité;  mëisit^aura  U  ^Mvle 
harmonie  de  tous' les  désirs  huniaidSi      >   •      :'•  ^      :    ^ 

tf  Et  alors  il  nV  aura  pkis'ni  l'enfer^  a)i,Ie>pi»adîs<i^ -k 
repos  étemel  et  la  damnation  éterbelte'4u''(4)f«stiMèHDe, 
ni  la  mort  absolue  du  matérialisme  v  maîB  â'yt  Mrai  tfâio* 
lutton  progressive  4e  l'homme  dant^  l'hvmattHév  >et-de 
Fhnmanitd  en  Dieu.    :  "     ,*    «p  bl  u/l  '  f;  .^ 

»  Humanité!  voici  ta  religion,  voici  ta  loîv  i^QÎ9  ta 
vie.  »        '■        ■     '  •  '    :       '•.'..'  iifi   5» .  !..  ■   .  n> 

Toutefois ,  le  «Aiiit-BimohisiM  â'Enfaotki^inaidesrftil  «pas 
s'arrêter  à  o^s  prémisses. "Bientdt  il  prèoha  U 'lâMWiJilâ- 
tion  de  la  chair,  de  Pi^uslrie ,  de  la  femme,  trolfr  ti^tosies 
qu'il  considérait'  comme  paraUèles^anei  Ve-^tmstiafei^psme, 
et  il  en  voulut  1^  progrès  parallèle  datis:  sa  qre^gîoajt  Alors 
il  fut  facile  de  comprendre  qu'au  Uéu^6deikiânte»>la 
restauration  et  1$  dévdbppemeut  dé  la4do(Hn6  destdroîdfes 
et  dés  Germains,  en  (^  (^i^oneeraé  la^fl^m0iev<flD<Mtin 
ne  visait  rien  moim  q^è  VaB^ôcier  à-un  fiilfii$lète'fl^liii»ir, 
élevant  les  plaisirs  sensuete  à  lafaaiiteur'éeaeeteqitifms 


im  sificu.  851 

lesipluB  idéalefi,  QÎml  ainsi  de  la  manière  la  plus  absolue 
les  eoaeigiieiiieaats  de  la  phyaiologue ,  qm  veui  %ne  Téduca- 
tioB  s'attadie  suttonl  A  développer  le&  facalt^  humaiDes 
de  rétoe.hufDain* 

One  éclatante  raptore  fut  la  eooséqueAee  de  ces  ten- 
dances aansnalîates  qm  «e  pvésenlèreDt  enveloppées  de 
am^Bs  mystiques,  f^ee  légère^  analogae  à  ces  robes 
transparentes  que  portèrent  aux  bals  du  direckHce  les  plus 
oéiètres  à»  A»Mtsie  et  des  Nmau  da  eefcte  époque  de 
oomptionr  morale  et^  de  déchéance  politique,  lie  prêtre 
alors  cessa  d'être,  tin  dans  la  croyance  saiftl-simoBienae , 
pourae  transfonuier.eii  un  couple- aiBoureus,]ea  uoe  Andro- 
gyueeàardéede  présider  à  la  réh^ilitaticm  de  la  matière, 
daJ'ilidu8trie«  de  k  beauté;  d'éiaUir  Fégaliié  de  Thomaie 
et  de  la  femme,  et  4e  sanelifier  aussi  bien  las  amours 
cbangeantes  el  les  natures  mobiles,  que  les  4«nours. du- 
rables €t  lesbature&cotistauAes  dans  leurs^affecUonfi^  Voici, 
disait-on'  dmis  le  seet^t  du  sanctuaire ,  un  jeune  homme 
boBvidémmé;  dr'ujie  iuiélligenee  supéri^re,  d'une  eseâ&* 
sive'iianditéy'cbeaileqliel  une  déplorable,  habitude  siera  la 
svitaS'da  ctts  allraôtiops  divemes.  Quel  maU  quune  prê- 
tresse initiée  aux  secreitsds  la  vie ^  qu'une  demoiselle,  des 
béHes  ûousîiiesi,  qu'tine  madame  de  Warens.  préoccupée 
daT^wvtdeîJûeJeuilk.  homme  qui  s'étiole  et.^e  flétrît,  se 
ÎBBSB  iowi^ kflû  dans  sa  chadrilé  bri^Iaote,  pour  riaitier  à  la 
vie:  d'am«mr,:»c4aim6< Jehan  de  jCiiKtré,'  pour  l'arsacber, 
comme  Jean  Jacques,  aux  dangers  qui  eutcpwentsoii  Age  et 
saqposîtion/   i.î    ••■  .  ^.    »    . 

On  attribuait  aussi  au  ppe  de  l'église  nouvelle  ce  mot 
esraotédstique^^  fctèti  'Vraisemblable  'S^il  n'isst  pas  vrai  :  Le 
lèlvmadiama,  scM  le  oonibssionnal  de  l'aivenir* 

fitt^ttérlQns^emf^sà  Tavaucepai  Enftintiu^' d^nt  il  Avait 
aocBfÉé^  sans  y  prendre  giarde»  les.yrémts^  :  perfides  et 
trompense^;  lié^ifr.ses  ^rits.par  la  lagiqiie  serrée  dont  il 
avait  fait  preuHf  Bizacd  voiduteavaiarésisteff^  Alom  eut 
lieuiemrb  fifîfantiD.>ei'  lui,  tous  deu«  à.!cette.  époque  les 
dent  JÉ)amie$t  lés  plusi^mineiits  de.  la  société' uouvelle^  un 
duel  térniUe^  lutte ladmirable  d'mielligeoce^  de  savoir  et 
de  jbàosofbàe  4  qvk  eut  pour  tâmioins  quekiues^uns  dos 


852  roiLOSOPfiiB 

hommee  lesplos  distingués  de  noire  feMnps.  Bacatil,  frappé 
à  mort,  tomba  comme  un  taureau.  Une  attaque  é'apoplexie 
renleva  à  cette  foule  nombreuse ,  à  cette  masse  d'aactens 
conspirateurs,  de  jacobins  et  d'bommes  transformés  par 
le  samt-simonismoi  qui  le  considéraient  colnme  leur  éhef. 
Blessé  aussi  à  mort  dans  cette  luUe  morale,  Ënfastin  n'a 
pas  joui  longtemps  de  son  triomphe;  mais,  îi!  faut  être 
juste,  Taudacieuse  tentative  de  ce  nouveau  Mabomet  aélé 
pleine  de  grandeur.  Elle  a  échoué  parce  qu'elle  n'étsât  pat 
en  harmonie  avec  les  mœurs,  les  habitudes,  les  préfu^, 
les  croyances  et  la  science  d'Occidenf  ;  mais  elle  a  maircbé 
digne  et  calme  dans  les  revers  et  la  pauvreté ,  semaat  sur 
sa  route  l'exemple  du  dévouement ,  la  pratique  de  Tasso* 
dation  et  d'immenses  trésors  de  science  et  de  poésie, 
frappant  au  cœur  tous  les  hommes  généreux  et  les  enrAfant 
pour  l'avenir. 

Rien  en  vérité  de  plus  remarquable  v  oemme  s^rle  et 
comme  élévation  de  peoisée ,  que  les  dernières  pages  4e 
YEcmomie  Politique  d'Enfantin.  Impossible  de  présenter  sa 
croyance  avec  plus  de  charme,  avec  plus^d'art^r^te-taet  ni 
de  bon  goût.  Si  Tespace  ne  nous  manquait ,  ncms  en  cite- 
rions wlontiers  huit  à  dix  pa^s.  A  leur  défaut^  ^voiei  du 
moins  quelques 'fragments  :. 

a  Plus  fier  et  plus  ardent  que  le  prHrt  du  Dieu  des  «r- 
méesde  Jébovah,  que  le  ministre  du  leulte  sanglant'  de 
Mars  et  de  BeUone;  mais  aussi-  plus  tendre,  plos  cémpa- 
tissant  qu'un  ap6tre  de  la  loi  sévère  «ki  Christ ^  de  cette 
loi  qui  a  des  peines  éternelles,  et  qui  menace iBmsoesse 
l'homme  de  Uu  ôter  jusqu'à  Tespéraneè^;  emi}rassanl  idans 
son  amour,  nonun  seul  peuple^  une  seul»  raee,  nia»  il'lm- 
manité  ^tiàre;  non  un  seul  aspect  de  réire,  l'espntvtt^^ 
aussi  la  chair/ sanctifiée  pai>  la  paix  dans  lensonde^eoiinne 
l'esprit  le  fut  par  la  paix  dans  l'église;  plus  glorieux^^qoe 
César,  plus  hiunble^que  l'inSsiiUible  vicaires  du  Cfafîst';^pliis 
aimant  qu'eux,  oar  il  est  le  pàcespiritaelfet  tetaiporel^de 
tous  les  aammes,  voilà  le  postif-rot  de  l'aveeiPv?nHlà^lR 
prêtre,  eteêhomo!  !       .  :  •  i  4» 

»  Le  prêtre  lie  le  spirituel  et  le  temporel,  l'esprit  ei 


BU  SIÈCLE.  855 

la  chair,  c'est-à-dire  qu'A  tinlt  la  science  el  l'induslrie 
dans  un  nôme  désir  d«  piyigirè£i  pour  l'htimmité.  Il  veut 
que  le  chaoïp  de^  oeûna^ssances  huimrhieâ  s'étende,  que 
rintelUgeoce  de  tou^ soit  cultivée,  élevée;  et  9  veut  aussi 
que  la  globe  et  l'homme  s'enrichissent  et  s'embellissent. 

'9  Le  clergé  a  donc  pour  mission  de  rappeler  aux  hommps 
de  la  pensée  comme  à  cefui  de  l'action ,  qu'ils  sont  iriconi- 
ptets  Ton  sans  l'antre;  de  faeiliter  leur-union,  de  les  rap- 
procher; d'haitnonjfser  les  travaux  théoriques  et  les  travaux 
pratiques.  Le  prêtre  est  un-  enseignement  vivant  de  Tal- 
lianoe  définitive  p(ir  laquelle  cette  éternelle  guerre  desdeut 
mandes  doit  cesser. 

»  £l  voilà  pourquoi ,  femmes ,  nous  vous  disons  que  vou«; 
avex  plaee  dans  le  temple,  que  l'heure  de  votre  affranchis^ 
semeol  définitif  a  sonné ,  que  votre  seigneur  est  devenu 
votre  épottx« 

»  Saantastvaditions ,  vous  ne  serez  jamais  épuisées ,  vous 
grandisses  sans  casse  pour  le  prophète.  Gloire  à  Saint-Si- 
mon! par  lui  rhumanité  sait  ce  que  Moïse  ne  pèuvaît  dire 
aux  fiébmx,  œ  :que  les  afpôtres  du  ChHst  eut-mémes  ne 
pouvaient  porter. 

»  Femmes^  votre  seigneur,  l'homme  (ofrt ,  jaloux  et  ven 
geur,  rhomme  des  armées  vous  tenait  en  servitude.  Pouf 
vous  aauvec  de  h  iNUtalité  de  votre  mettre ,  le  mystique 
époui^^  l'agpaeau  de  Dien  vous  sépara  l^n  de  Ptfufro. 
«  Vpilè  Tos'  de  meS'Os  et  la  chair  de  macb^ir;f  nous^som- 
»  mes  deux  dans  nne  eeule  chair  »  avait  dit  votre  mattfn , 
et  «ependant  k  cette  dure  communion  de  la  (orte  et  de  la 
faiUeBseovst  snecéder  lîextatique  communion  de  Tesprit. 
«  ie<paDrdonn6y;mais  je  ne  commande^  pas  Tunion,  dit 
»  Vn^tse;  je  creis  même,  ft  cause  des  nécessités' de  la  Vie 
»  prmnte,- qu'il  est  avantageux  à  Thomn^ede  ne  point  sn 
»  marier^  n  .-..•.      "  ■  .     .     .,  r-.    " 

'  »  Çesnéoessibés  de  la  vie  préi^ente  «  le^  véii^l  t  il  fallait 
se  sépaiw.d'un  moado^sanguiBiaire,  livt^  à  la  brutalité  , 
rompre. aveo  aea> passions;  avec  ses  usages»,  ittfoHtiif  que 
Télite  de  l'humanité  donnât  l'exemple  de  cette  'àbstmencc , 
de  cette  renonciation ,  et  que^  par  une  exagération  sublime, 

36* 


S54  PHILOSOPHIE 

elle  brûlftt  ee  qae  tous  adoraient;  il  fallait  que  la  fîKiiioe 
ne  fut  plu&  riospipatrice  des  combat»  t*  1q  prixda  lat  TÎctaiiB, 
la  parure  du  eirque,  le  joBet  du  gaernerv  il  faUaii  enfin 
.  que  le  feu  purifiant ,  allumé  par  Vesta  daosi  Romttu,  fut 
porté  par  Marie  &tir  toua  les  poiBtsde  la  terve. 
.•••..••..•••«■•«••^'•.'«-^•••'•.•. 

u  Prêtresse  du  Dieu  'vivant,  le  temp^^de  Ta^veiijrs'eti^fe, 
rhomme  n'est  plu»  seul  à  Tautel;  peine  d'amour,  un  ttAne 
nouveau  s'élève  ^  asaied^toi  à  la  droiterde  Iob' époux  et 
non  de  ton  seigneur  :  la  sainte  faoïiUetamaine  esi  iapdée. 
Mère,  épouse  et  fille,  le  liw  sacré  de  ré^aUlâ  ;I'«dîI  au 
père,  à  répottx  etau  fils»  :  .  ?     , 

»  Couple  saint ,  divin  sjmhoi»  de  rmipn  ^  d»  la  sagesse 
et  de  la  beauté,  ^moureosa  A^drogyp^ ,  ta  donnartifi  kvtie 
i  Tesprit  et  à  la  matière,  aux  travaux  de  la  -soîeiicB  lai  à 
ceux  de  Tindustrie.  Par  toi  plosde  guerre  dans^lefnoade, 
car  tu  l'embrasses  tout  entier  dans  tpa  amour;  par  toi  plus 
de  despoles  et  d^esdaves,  car  tu  fie  otfcmmandnpas.pfais 
que  tu  n'obéis:  tu  es  aiipée  et  ia  <aime9;  Goppleifiaint^  tu 
as  cueilli  le  fruit  de  rarbr0  de  vie;  ppttr  rtift  4uùs  <de  faute 
originelle,  mais  auspi  pour  toitousiiest.privilégesifdajaiaîs- 
sance  sont  abolis,  car  c'est  par  l'amcur  sasai' qua  tarifes 
formé,  è'ést  par  hii  seul  que  s^  sooli-âhetféliéeS'  et  junl»'  les 
deux  moitiés  de  ton  ètrêv  ^t  parteul  cersera^^saibn^ï^iir 
amow  et  non  plus^ selon* leur  naissavcecpae  'rbMUBe^et  la 
(emme  Seront  nuis)  Vivante  image  de itoatea*qii;e8t;^. de 
Dieu ,  couple  du  progrès,  un  et  mitltipieà  la- fois  «  ^  pk>r- 
tes^datts.ton  sein  et  tu  irépand$i'8i«r  le^^onde  èe^cainie  de 
ton  puissant  amour;  ta* sa»  «mtérbr  l'aideui^^ léveitter  la 
patience ,  joiadre^  Tintelligeficé^  à  la  forpe^i^t  te^giiçt^K:  la 
raison;  d'mve  main  tu  pèses  'Sur* <rorgueit,'de.l^«itr»;nu 
âôvesrhvAuilité;  tu  écoutas  to  bruit  dtfsaièdfiS'paaBés, 
nulle  tradition  n^  Irhnpe'  envain  tbn^wëiite  v^iet.  loiMOfla- 
mes  les  destinées  de  Vhulnanîté  et  éa  monde^i  tn«.okaflles 
Tétem^Uefroptlétié.  a     î  I    ,         »  »  .   :    »  i:./..r,<r:  i:  »  • 

Cette-  pago  a  ses  èrreutsiv  mfât^  «ttoiiuuMiiania»  îérMs  ei 
ses granq^ursi  Mou^voioi  kn  schisme  dimtiies.iiBotîfiaiont 
été  généraleiiQeflt  HMHovqasfilésv»"'^'  -'M/noa  .•>{» ,  jfucTu.J 

Pienrè  Letouri  J^ao  Reyaaud ,'  GfitMt  fMesJiJeJÛieva- 


BU  6IÈCU.  SSS 

lier,  Gharlon ,  Gazeaux ,  Laortot  et  d'autres  encore  se  sépa* 
ràroQt  d'Efifiaotin;  nuô»  il'  censerva  pfès  de  lui<  Bmile 
Baoraukt^  plus  âbqtiKit  desprédioiieurB  saint-^imûniens  ; 
Pouioelv  iBgéaiear  iiès«^stiogué  ;  i'Ekhiàï ,  aiiquel  nous 
deTODs  un  bel  ourrage  »r  TOrient  ;  Angiiate  Gfae«alier, 
dq[U]is secrétaire  de  notre  empereur  actuel,  alors  président 
à»  là  Répiriiliqfie;  Dttteyrier^  dont  tes  éorit»  étaient  si 
riches  de  poésîa;  tes  frères  Flacàat ,  auxquels  noue  ^yods 
de^KMines.  études  sur  les:  travaax  publics,  sur  les  en&ropôts 
écliifiés  B^  la  rraaÎBûD . eamaieceiAle  '  de  Londres*  ^  alors  eom- 
pléiment  ignorée  dans  notre  patrie  ;  Bosrd  etBruneM, 
ces  dignes  frères  d'armes  si  aiméstsi  estimésdeceui  mêmes 
qui  s'étai^t séparés  d'eut;  Lambert,  aigourd'Iaui  directeur 
derJebsemitoire  .égyptien  d'Alexandne;  les*  Péreire  qui 
ont  iait  «me  iortiaae.Golossalft.depaiS'  1848 , '^t  aoni  veslés 
des  éooBoaBÎslies  de  prettiier  ordre  ;  Lernoomec^leur  conseil 
èL  Vuh  da^  ^irinaipaiiL  ea^lojrés  du  orédid  mobilier  (  Ti^ur- 
D^urviingéniBurdo  etenàn  de  fer  de  j)(uitfi6  à  Tours;  illr- 
bains  ^iBleqpiÔto  arabe  v?c<mau  par  des  études  de  philoso- 
phioéleYiéé;  lllichtijQbermIier)  quisefil  alors  une  si  grande 
céputatien  (toonno  joumaliôte ,  et  qui.  depuis  s'est  placé 
dang  un;  «  ralng  tcèa^ékevé  €omaie  publijCÎstA  i  Rogé ,  Paul 
f  usiasi,  fiueioiiitt  depoist  àkeoteur  du^cmmal  Lm  JUpuA/»- 
fke^MnmgKj  Vomtier  bcnrloger,  l'un  des  Tédaeteiwsrde 
c&jmanai^  Rernsean  des  Septvoiesi;  les  ^oQteumtS^moa.et 
Curie  ;jVp(^;Lamaillaud0rieet'taQlf  d'aiittees<tq««jexegrelte 
d^  ne  peiutoir  eitér  ièiij  :  ,    t     .  •    ,         ) 

^Uilft*reÉraitefèiMééilittOQtant,  le  départ  d'un. gMod  nom- 
bit;  peÉirrOmen^v  la.dispevsîon.,  teUes  lurent  tes  pha^ 
riSii/M<«''i^9  qnicomoiil  de»  fautes  ^navesymai»  auquel 
neiaMâquèreût  nilesisaffcasmes,  ni  lermdiGtt||e^•ini  V^Miieux 
•de6ipef^ontâonSi.<>L'histt>ire  du  sakitHsimoni^flfta  racontera 
iforique  jour  dé  iimg drame  oùidefnoUeatnatuD^^.trouvèoent 
la^iitoKt)  a9aijiain.de.  là  joisteei  etdtâs  souffrmee^i  m  drame 
à  la  Sakespeare,  dans  lequel  les  briUttât^^àpiiits  de  Ibcbel 
Ëliaiati«^l«i|i0éiieà''d«BDre7rier4.i^^ 
tiBiamnlft^ttiondb  noœrâUe,  des  éioqueiHes^înflpiratipni  de 
Barrault,  de  bonnes  études]  pcAM^teet  sw  )!(^r.f)beiQiiis«de 
ferCat  léur^kèk^  médiCdrrilnémt,  )ùxmA  sir^fimf»^  ipréiédées 


85ft  raiLOfiOPRiE 

ou  suivies  par  des  scènes  et  des  atta<pies  grotesques  du 
vieux  monde ,  de  ce  vieui  jésuite  «u  d&ur  flétri ,  anii  sens 
usés,  à  la  morale  si  facile  et  si  fMisse,  aux  r0latîofi»^ocJB- 
les  si  pleines  de  mensonge ,  qui  voulait  continuer  à  e&ptoi- 
ter  comme  par  le  passé,  la  terre ,  le  prolétaîm-eC  la  funt^. 
Tartttfle  de  liberté  y  il  mit  sa  cocarde  à  son  chapeau  ,  il  Itft 
et  relut  le  journal  véreux  des>  épiciers  enrichis  et  s'en- vint 
brafveraent  un  jour  cracher  au  visage  des  novateurs.  IMs 
laissons  ce  triste  sujet  :  sila  doctrine  d'finfantin  élail  {ileftoe 
de  séductions  et  de  dangers ,  aussi  doucereuse  queia  oél^ 
bre  Armide ,  la  vie  des  saints-simoniensqui  sepvéletidai^fit 
orthodoxes,  à  part  queUfues  trèsnrares exceptions^  méritait 
Testime  de  tous. 

Le  couvent  saintHsimonien  avait  créée  de  grandes  -  «spé- 
ranoes  et  rallié  une  foule  d'hommes  qui  ne  se«onnaissaien< 
pas.  La  dissolution  et  lescvénementa  qui  suivirent  leur  ctit^ 
sèrent  un  chagrin  mort^.  Mais,  d'un  cOté<;'  QanM  ,>  par 
k  Revue  Encyclopédique  ;  de  l'autre ,  Michel  Chevalier,  par 
une  incessante  correspondance,  créèrent  quelques  liens  entre 
les  fils  émanés  de  Saiiit<*SîmoB.  Partons  d'abord  de^  rœsvre 
de  Michel  Chevalier.  -      '     »    '  i     •      '  - 

Directemmt  et  indirectement,  il  prtt  une  grande <pa#ti 
la  rédaction  et  A  la  propagation  du  livra  non^eMV  ewtt^ 
curieuse  qui  eût  pu  avoir  une  tvès-grande  ^influenoé,  tams 
qui  n'a  jamais  été  achevée  ,'et  qui,  reproduMclseul^iMMit 
par  Tautografliiet  n'a  été  commuuNfaétsqu^jéttn  petit  nbm- 
bre  d'amis.  Micoel  Chevalier  en  a  rédigé  lagenède.;  elto  e^ 
pleine  de  poésie,  eC  cependant  je  doute*  qu'il  «soitrhiiMfttéme 
satisfait  d'une  ce^tvre  qui  prâte  autant  à  lacritiique''SeieM^ 
fique:  aussi  nous  ne  la  reproduiik>As  pm.  '-      '*    *    • 

il  fit  copier  è  la  même  époque  ;  pour  se»  amis  intîlBèB' , 
une  lettre  au  doctem  Vérollot^  sur  les  races 'humsIiilM,  ies 
civilisations  passées  et  l'avenip  de  Fham«niléj  'Bnftte^un 
peu  trop> exclusivement  au  point  de>vue  dii^dudistn^''^oiis* 
tant  dont  l'homme  et  la  femmesont  lestjrpes^;  «Mts 'l^tt« 
était  cependant  très^rèmitrquabte  pour'twBc  Miûhèl  ^Cheva- 
lier pressentait  alorsfiee  découvertes  histor4c^ues>qlÉ')om«  m 
heu  depuis  par 'la' traduotion'xiesNaokas!.      '  '     '      '^  ^' 

Voilà  rœuvrt^d'ËnfMtin  et  de  se»  disciples;  (^U^^a^mitsa 


DU  &1ÈCJCC.  857 

valeur^  elle  a  eu  sa  gloire,  maii»  eUe  a  fortemenl  dévié  sur 

Elusieurs  points  de  la  doQtrÎDte  de  Saiot-Simon,  eo  laiseanl 
i|[:^XsUdo9^pouv  la  Bkél«pli}E5iqiid.y  et  la  «orale  pour  le 
seDdu9lii$iie« 

Après  ]0  9iihmm  saiqt-simooiw,  les.  dissidents  se  jdiyisè- 
rQqt  tout  d'alDfMd.  Carnot,  Jean  Rsjrnaud  el  Pierre  Leroux 
conlinuèrent  la  Bewie  Eneyeiopédéque  que  Julien,  de  Paris  , 
avaîl  créét^w  BieiHût  Gharion  fonda  le»  Magmin  Piit&Pisqw^ 
reewsil  tOMt-à'^faàtt  aa(>érieiir  pour  la  forme  el  foat  leiood, 
auqidial  aon  nooa  se  trouire  glorieuseoient  um. .  Plus  tard, 
vÎQt  rj^ftfiya/fjN^ia  NowtelU^  travail  irès^grand,  s&aisjîiia- 
cb^ivé»  qui  a^iûis  en'évideucela  grand  savw  théologique  de 
Pierre  Leroux  et  les  connaissances  encyclopédiques-  de 
Jeaa  Reynaud,  l'un  des  savants  les» plus  émtnants  du 
sîède..  Ce  dernier  sut  léupir  une  foule  d  espriis  dtstiiigtiés , 
pour€#tAa(Buii*&,. qu'on  doit  considérer  comme  le  travail 
le^p)us  important  publié  en  ËuBope  de  18QQ  à  ISâOt  -■ 


Si^  reg^rJ  des  tandanoes  d'une»  catholicité  sioîentiiiqu^ 
dirigée  par  une  hiérarchie  puissante  et  anstoecailiqlie.  pour 
sanii^ode  de  formation  «  on  vit  se  manifester,  sous  le  goil- 
verowi^nt  de  Lotiu^4^.hiiipfiei  des^endaaces  unttaires4ttidsi, 
rnaiSîd'iin,  autne  ordre  et  singuliôremenl  plusi  £avQrables  à 
la  Ulp^té' ainsi. qu'aux  droits  des  individus* et  des^eommu-  » 
nés.  JH^ns^  .le^aiot-simieinismes  le  supérieur  appelait  à  lui 
rinféfii^iir,  poiic  focin^Mi  la  hiérarchie.  L'étet  procédait  du 
chefi  ajiix.mimd)resi,dui.4ernier  Offdre,  de  la  nation  aux 
coni^ipaunes*  Le  fo.Qriéris«(ie  proposais,  av;  ceoiraire.,  do 
passer  de  la  muUiplieité,à.Fum(é<;  de  créer  les.  communes 
avant  jd^.;eréQr  l'Etat  •Qvt  leur  association';  de  faire  élire  les 
chefs  par  iWms, inférieurs,  ic^'estrà^^ÎBe  que  le  saintr^mo- 
nisme,wpposaÂi'la(  m^orité  tout^^fait  miAettre^  et  que  le 
fourié^sm^.laJ^onsid^ait  comme.  mqjmre«  FowBîer  a  été  Je 
gwid 'ap^iMr^  de^^elte  dorcU'ineNà  laqueUo  il. ta  Hùssé.son 
noi(w.  gaimanifestaftiDn  a  présenté.  tdeuAv  phiv^ee  t  •  Tune 
'^fflipHQt j>lir Jiuii^ Vi^nt$»  ipar  ses  cUsqipjieB»  .     <     •.  -^ .  ^ 

La  première  comj»eiioe^à<  1807i':pour  rse.termmer'à  1» 
dissolitiiw.  du  courent  ^  aaim^simanieia ,  :  époque  à  laquelle 


858  PHIL060PBIB 

Le  fouitérisme,  par  rintèmiédi«ire  de  disciples  déToaés  et 
nombreux,  s'est  pris  à  briller  d*tta  rif  éclat. 

Os  peiil  iure  de  Fonvier  Tmalf  se  la  ptœ  séémsfltuW  en 
se  bornant  à  une  partie  de  ses  études  ;  on  pourrati'te  rte- 
dre  ndieale  en  ne  prenant  qve  le  sui^uè.  Noos  essaieiitms 
de  le  faire  complètement  connaître  arveéi  «ë  ^i^îl  ^  dit 
d*adaiirable,  de  faux  de  hazaràé.  *     ' 

Frappé  du  grand  quaternaire  de  ta  nature,  déjk  ^gfMdé 
par  lee  aaeims,  Fouvier  reeonnati  que  la  Tie  eM  univer- 
selle, qu'elle  se  manifalite  à  des  degré»  dîners 'dane'l^ 
quatre  fi^ands  mouvem^tus,  dans  lee  otiaii^  ¥té»  p»fa»»()è(lês 
de  la  nature  4  qui  sont  :  le  règne  mîmraif  lèftè^eiTé^tal, 
le  règne  animal  et  lo  règne»  soéiah  De  là  son  Kri^^^des 
qmatre  mauve&aenls.'  i  «•       u  :   r 

Comme  Saint-Sîmen ,  mats  arfM'ds  lu^>  eoit  qu^ill^eAt 
étudié,  soit  qu'il  ne  cnonn^ ^a9  'ses  Mfrea^do  GéHènre;  il 
n'hésite  pas  à  dire  que  Tâllractioi^  e^>bi4>èigle  uniretfe^e 
des  existences.  Leibnitz  décolivrait  <  en  lÉème  toMps  ^e 
Newton,  le  calcul  différentiel  ;  etiFouriër;'ceïou  sÀItme, 
était  bien  de  taille  à  trocrrer  seâlla  génét*ali«Kitictti  de  ia 
loi  de  Ne^toD,  indi^yuée^d'aiUeur^iAaÂs'Ie  ^ècle^précAtont 
parMoreliy.    •  -•      '■       -  '    '•'■  ••  -  ^  "^•'-'^-  •  '■    ''^;v: 

Gomme- Saint'^Simon ,  Poumi^  eMrevoit  ^aùësi ^  le'rété^^e 
la  polarité  ;  il  énrnt-^  mtm»  ^  au  si^et  ^  irMito^e-bovél^ , 
.  un  réire  magnviique  qui  pourra  -se^i^ii^ei  en'  palfiétj '^Èe- 
pendant  il  laisse  cette  '4é«ouvêrte  incottiplèie^rônteiilatiôD 
générale  dee  cifnq  séries  4*«tisiendes  de^ila^àatàre  hi 
écbap{)e:  delà  les ^erreim  de  mototoqtiUt  a'^^offiffiiseir^n 
traitant  de  la  vie  sociale.  •  •  -  '     ''^  >      i  ^  i.:»  rn^; 

Frappé  de  l'oi^c  Gériatre,  c^ipértoat  pt<é^idb  à^'ll^- 
cernent  ei^àla  distribution  >des<vièsdii^e#ie$q^^soâyfi^^ 
la  grande  Tîe^  uRiiten»elle^>  Fo«iiermèsè>'l36iMd^^sft'dire  : 
L'ùtêrticêùm  ^H  uni^emU^  ;  lèsâfttfflotieM  sM^^fOpertâon- 
neUea  aux^dèelldées.  It  ItjouttdàrMs  deotxr^prb^tlstil^ 
tressième,  ^  lui  ej^pai^tieM^^dUs  9|^cateiMbt^^ 
deut  aiitres  t  £#^aiMf  dttiMSkia  lé«  Aaf^^  '    .  >  >^ 

G'eat  msi  qu'il  est' eônctait  logi^Éoest^à^liafmttièher 
les  iMiamea  pèlir  kf&  sànmeimB  à  leiU^^  ^tr^Mi^^el^e^ 
distribuer  en  «étales,  et^par /taite  à  ôM4#4^^iitttttfMi«i^^ 


DU   &1ÈCLE.  859 

velle,  agglomération  sociale  daa»  laquelle  losintérèla  seront 
rapprochés ,  coipbiAés  et  séf ié$< 

ÇHte  découverte  est  immense  ;  eUe  oontient  Wàt  la  mé- 
caDisik)^  soeia^  de  l'avenir:  aussi»  qu^  que  saieal  les 
rè^es^  les  folies,  le^  fautes  de  logique  que  Ton  pnit  signa- 
ler daos  l'utopie  de  Fourier^  nous  ne  l'en  re^rdone  pas 
moins  comme  l'un  des  plus  grands  génies  qui  aient  jamais 
aûsté.  Il  est. en  réalité  le  K^epWr  de  la  science  sociale , 
quoiqu'il  ait  encore  beaucoup  plus^acoordé  que  Kœfderaux 
puiï^wcea  mystérieuses  des  nombres,  ^  qu'il  soit  bien 
alpins  d^entitiqiie  dans  sa  mauière  d'étudier  la  nature. 

Qa. pourrait  définie  le  pbalanstère  de  Fourier,.  cette 
conunune  nouvelle  qui  résume  tout  un,  système ,  un  ^and 
village  scientifiquement  organisé  d'aprèss  lee  loisi  de  la  na- 
tui^.  M4is  avant. d'arriver  h  son  e&aiaen.,.Q0us  passerons 
eu  ceviAe>le^  principaux  chapitres  du  poàne  de^Founeisur 
le  passé,  le  préseuit  et  l'avetw,  la  tf^éologie,  la.  oesniogo*- 
fije^Ibi^toicet  et  la  prophétie,  i  •  :    c- 

Tout  dabord  FQun^Qpo$e.eAi principe qu»  la  scieace 
seule  est'  en  mtesure^de  rés<H»dv^  les  problèmesKSociagQa, 
qil0ic'eât.d  eUequiLiai|ts';I^QsseripQuriAYe*r  «ne  théorie 
propre  a  diriger  les  hommes.  Mais  jpeu  fidèle  k  sea  ftré^ 
mÂsaes^  il»^  tai^da^pa^i^  déi^iir  i^o.  faisant  tableicasd  des 
éUi^.  scientifiques  d^  soniépoqiuei  suc  les  eieux^:  la.feene, 
rboiwie  /et  l'bùwiAAi^é»  mettant  ainsi  M  néani  le  aystâme 
dfi^jNioÎQde  de  ûçlace^  la.I^ysiolo6ie«.lagé^ogiaJ'lMatoîre, 
et  sviMstitu^pt.uueiP&iyei^^i^  pouv^^U^ Ji  .cette  physiologie 
que  wm  ^o0nai$^i^,4ijîpurd'hui  sous  le  .nom  da  pbréno- 
logie  ou  science  de  l'esprit.  .   . 

Koua  IVoQ^vu  gi)ai^i»,s'4lev^t  au  iiiveau  des  plus 
hai^ea.  in^igencea^  pous  allons  le  voir  faible  et  jpôveur. 
Et  cependant,  telle «st  le  pâssipnd*admiratioi»qu*il. a  inspi- 
rée 4  un  grand  i^mbre  de  disciptea*  qa'il  «n  «at  beaucoup 
qijû  trouvent  tfès^plaisant,  tràsrqdi^^tile^  que  1^  catholiques 
'  cro^nt^.au.  mystèi»  de  rinca?aaUon.«  à  ll^sri^  vierge  et 
*mère,  à  la  pj^éseï^)  réelle  dMs^Ji'e^ai^istie't  )lQisq<j.'eux- 
milm^fiilstçrAiefàt  deU^Mtes les  iorc^Stcit ilçui^|A»e.i|krla mer 
d9^^e,jeltpeirfuq[)éei  oiiKii  .^«'i^  ees  leréationa  AWwUes 
d'fwww  d^affïMWlç,t4^Urtigr^,i  açti^^^ 


860  MILOSOPfllË 

qui  nous  serviront  un  jour  a  faire  des  terres  et  des  mers 
le  domaine  des  ski^kbors  HiTMims. 

Les  lois  des  mouvements,  nous  dit  Fourier,-  âml  son- 
mises  à  deux  dépendances  :  elles  sont  mathématiqties 
(il  eut  mieux  valu  dire  physiologiques)  et  créatrices  tTana- 
logies.  €e6  propositions  sont  essentiellement  ^vraies,  et  nous 
en  avons  fourni  mainte  preuve  dans  les  cinq  prennères 
parties  de  cet  ouvrage.  Mais  s'ensuit-il  que  les  propriétés 
du  carde  représentent  celles:  de  Tamitté;  iesp^prietés  et 
Tamour,  celles  de  l'ellipse;  les  propriétés  de  la  paralx^e. 
celles  de  la  paternité  ;  les  propriétés  de  l'hyperbole,  ^éeHes 
de  >rambition ,  et  les  propriétés-  collectives  de  ces  quatre 
passions,  celles  de  la  cycloïde? 

fiirons-nons  encore^avec  Fourier,  qiie  les  nébulèuÈes  i^'- 
duclibles  représentent  les  propriétés  de  '  Pambition  ;  les 
groupes  de  planètes  sur  soleils^  Tamour  ;  et  les  groupe^  de 
satelliiessur  planètes,  la  paternité;  oa  bien-  ne  notis  pa- 
ra!tra-t-il  pas  plus  logique  de  faire  deux  parts  éè  la  théorie 
du  grand  socialiste ,  Tune  de  rêves  et  dMtopies  ,  Tantro  d« 
méeanisme  social  qui  doit  être  sérieusement  étudiée  ?* 

Le  mouvement  social,  nous  diiHil  sans  en  fiorurnifla 
moindre  preuve  scientiJkytte,  n'est  pas  Mûiité  h  notre  terre, 
il  est  le  même  pour  toutes  les  planètes.  Il  se  oômpoèe  ]^r 
la  terre  de  quatre  périodes  demi  U  dorée,  ti  dit  mille  ans 
près  en  plus  ou  en  moins,  sera  de  quatre-vingt  mflte'dhs. 
Gee  quatre  grandes  périodes  se  subaivi^nt'>e«i  tr^nte-^i^ilix 
périodeS'Sec^ndaires,  qu'il  én^mère  ainsi  :        '         '> 

l.'Sérîes  confuses. ./  \         •.         .. 

2.  Sauvagerie  . . . .  •Içipq  périodes  mal-1  ,     ,  ,  .    .^. 

3.  Patrïarcl^at.  .^.^•.  I  .    neurciu^s,or^a-iDujiçfi,pWr: 

4.  Barbarie. .  ^••^  •^   .   i}i^ées   ^fl,  paé->    bçble.^..  .. 
6.  Civilisation-  • .  ^  •  j     .nages    iûcobé-( 5,P()ft  ftm»;  ► 

6.  Garantisme. . . .  .1    ..  raj^.ls, ,  I 

7.  Séries  ébauchées.  \     .     .i    .  J.     .,      .   i 

Les  premières  pétiodes,  a'u  nombre  de  sept,'  fonHëiït/ 
selon  Fourier,  l'enfance  de  l'humanité;  mats  *<Ie  ibh  -em- 
brydogte  iV  ne  dit  knot ,  ce  qvti  est  uti  dénienti  skAfyt 
donné  à  la  loi  des  analogies.  Ûwioi  !  vous  indiqnèWJt  plus 


BQ  «iCLB*  861 

tard  des  organes  sociaux,  et  wius  comtoeocez  par  négli- 
ger l^twie  de  laur  loi  de  formalion  el  de  développement  ? 
Ou  les  analogies  sont  une  règle  fausse,  et  alors  n  en  parlez 
pas,;  ou  elles  sont  une  c^e  vraie,  et  alors  il  coBTÎent  de 
compaser  révolution  et  les  fonctions  du  corps  social  k  ce 
qu6(la  physiologie  de  l'homme  nous  enseigne  jp^ur  le  corps 
humain, 

l'ourler  fixe  h  cinq  mille  ans  la  durée  des  sept  peemières 
périodes  de  rhumanité  ;  pourquoi  ?  il  n'en  dit  rien.  Nous 
ne. sommes  arrivés  qu'à  la> civilisation  ;  Thistoire  possède 
des  docuqients  authentiques  q«i  dalMt  de  plus  de  dix 
mille  ans  ;  qui  se  trompe  de  Fourier  ou  de  Thistoire  ? 

Viennent  ensuite  neuf  périodes  d'accroissement,  eonsa- 
crées  par  la  désalaison  et  le  parfum  des  mers^  ia  naissanee 
d'une  couronne  boréale ,  la  production  de  nou^aux  •  pto* 
duits  dans  le^  trois  règnes,  la;  croissance  antérieure  de 
Tobliqnité  de  récl4>tique. 

.De  ^tes  ces  assertions  ,•  Fourier  ■  ne  doime  ancune 
preuve  :  il  semble  même  croire  aux  créations  spontanées 
d'ôtres  aussi  parfaits  que  des  maïamifères ,  ce  qui  n'est 
gu^e  d'accora  avec  nos  études  ac4uielles.  Ses  discq))es  ont 
fort  heureusement  mis  de  o&té,  pour  la  plupart,  ce  rêve 
mal  étudié  et  jeté  dans  le  monde  avant  d'avoir  été  sofii* 
san^meot  élaboré. 

Toute  création.,  dit  Fourier^  «'opère  par  la  e(H^)Oiiction 
d'un  fluide  boréal  ou  mâle  avec  un  fluide  austral  ou  fe- 
melle. Une  planète,  ajoute-t-il,  a  deux  Ames  et  deux 
sexes  ;  elle  procrée ,  comme  l'animal  ou  le  végétal,  par  la 
réunion  de  deu)L  substances  génératrices ,  mais  les  géné- 
rations nouvelles  ne  peuvent  avoir  lieu  avant  la  huitième 
période  du  glo^e.  Toutefois  la  terre  est  en  rut:  elle  le 
manifeste  par  ja  fréquence  et  l'intensité  de  ses  aurores 
boréales  ;  cependant  le  fluide  de  la  planète  ne  pourra 
entrer  en  conjonction  avec  le  fluide  des  autres  planètes 
qu'i^iràs  que  le-  globe,  aura  été  s^aanuiQ^at.  oullivé  par 
dem  milliards  4'habitaiïite  :  c'est  alois  4ue  tgusles  h6tes 
mf^lfaisantsdesipers  seront  déjiiiiits..  On.  transportera-  dans 
la  Caf^pienne  et /lesrautres  grands.bies.salés  de  l'intérieur 
les  poissons  utiles ,  ceux  qui  seniront  plus  tard  à  repeu- 


862  pim.owp]ii& 

plerles  mers  après  leur  dlengeoKnit;  de  lelld  sorte  que 
les  mers  arriTeront  à  renfermer  sepUbuilièm^  <feiMM«ii 
soumis  à  l'homme.  Qu^de  rêves  tout-è^éiifàmftSCiquesf!! 

Toutes  les  considéra tkms  de  eosmogonie  qui  svimiit  oi^les 
que  nous  venons  de  présenter  sont  deU  même  valéaari  On 
j  trouve  «u  plos  hmaî  degré  deux  cho^  :  TabMM^ 
réelle  de  science  et  le  travail  d'un  solitaire  rempli  dlnM- 
^nation ,  d'un  homme*  qui ,  avec  le  voman  de  son  ^plrii , 
a  voulu  suppléer  aui  lentes  reohef<cbe5  de  Fétude. 

Passons  à  l'histoire.  Voiei  oommeht  Pourier  le  fiibnifaê  : 
Dan»  les  premiers  Agés  ^  les  faotemes  vivaient  en'inbjremne 
oent  vingt^huit  années^  sur*  lesquelles  ils  ea  pouvaiettt  oon- 
saever  cent  4  remour;  aussi  éteient4l8  portés  ;'dit41,  Hux 
pratiques  tes  pkiB  lubriques.  On  n'eut  pu  l6u^  persuildër, 
comme  aux  Benoit  civilisés  de  notre  épdqne,  d^inder  «ne 
seuie  femme  et  de  Imi  être  fidèle^  De  laidtterois^mïieti^  ]a 
vigueur  sont  nés  les  réglomeots  coërc&lilfe' de '>ra)iMiur. 
Auiaiii,  comme  on  le  vctit^  d-asserticmÉs  siffifs-pireiites; 
mais  continuons.  Après  ^époque  dhriiisée ,  qui  eel  la  nfttre, 
viendra  Fépoque  de  gerantisme ,  dans  taqteHe  i*htimahité 
oonsierTèra  eneore  la  vie -de 'Siônage'et  i&  mariage, 'mais 
euféduisant  de  beaucoup  letiriûfltience  et  te$  inisfifes 
sociales.'  .'•■/    ••    '■    •  •■'•  ••'»  -•  ■  •  '"«  •* 

La  première  phase  de  la  vie  de  ID  teite  tt^  devtfl:  dwer 
que  cinq  mille  ans;  mais  Dieu,  en  nous* 'laMsan^  te' libre 
arbitre  V  a  permis  à  certains  globes  de  ^é  laisser  >égiifei^i))ar 
les  préjugés  que  les  sciences  inceirtaimes'  répandent  -06ntre 
l'attraction.  ...  ^  .-    i    t: 

Fonrter  n*admet  ni  les'tnansforinations>d<yLi!imarek'|  ni 
Tunité  de  plan  de  Geoifroy^^inl^flilaire,  ni^  laa  lols^- de 
Torganogénésie.  Sa  pago  SS  dq  \^Thiorit  dé^HM^^Mê^ 
temenis  en  est  la  négation  la  plus  formelle;  L^homiUe  ;  ^- 
il  ensuite-,  est  provenu  sur  la  terre  de  seîi^e'  souehm  diffé- 
rentes ;  sa  taille  origitiaire  était  de  sir  piediB^ 'dbidt^  potides. 
(Les  faits*  cbnnusseikt  foftdellement  «obtriii^^  à  e^te 
aseertioii.)  Da^i  le  dassenvent  des  sei«e  n^  piinfiti^ias , 
Fourier  n'a  recours  à  aucun  fait  géographiqro^^.lcHlHiOit 
même  qu'il  im'  eonnai^saîr  nullement  l^diMt'efft^'qui 
caractérisent  les  races  humaines.  ■ .   .  « . 


DU  SlftCLS.  B&S 

Les  sociétés  à  séries,  ijoate-MI^  traorfomeroot  l'fau- 
manîté  et  seront  bie&  supérieures  aui  sodéèés  à  iamiUes  ; 
les  enfoots  y  trayailleront  sans  cesse  et  veMlFOOt  d'iaealou- 
laUes  (Knrices.  Entr^toés  par  levrs  attractions,  ils  s*ins- 
tmircsit  sans  Tinstigatioa  ni  la  s^inreîQaiiee  de  personne 
(page  95).  A  seize  ans,  ils  aunool  des  notions  étsndaes 
sur  toutes  les  branches  des  arts  <et  des  sciences^  et  possé- 
deront un  petit  pécule,  fruit  des  aoiubrefux  travaux  qu'ils 
auront  exécutés  en  croyant  se  divertir.  —^-  Hocs  ilees^ies 
passionnelles  il  ne  peut  exister  aMCune  éducation  naturelle. 
La  taiUehuaiaine,  sous  l'iaAiience  de  l'orArecombiné  produit 
f^^  tes  séries,  s'élèvera  de  deux  à  trois  paaees  par  généra*- 
tion ,  jusqu'à  la  hauteur  de  sept  pieds  pour  les  hommes , 
et  hà  vie  dans  revenir  durera  cent  quacante^uatre  ans. 
U  n'est  pas,  on  le  voitv,  jusqu'à  présenty  une  seule  douces 
idées  de  Founer:qui  puisse  subir  la  critique  i  oonstamaent 
il  flffiirme  en  révélateur,  maïs  sans  jamais  donner  de  preuves 
et  san»,s'ii]k<|uiéter  le  moins  du  monde  si  ses  assertions 
sonli  .ou  ne  sont  pas  d'accord,  avec  les^  faits. 

Tous  les  cafirioeis  philosophiques  appelés  <iav«>irs  n'ont, 
ajoute  Fourier,  auoua.  rapport  avec  la  nature  s  le  dtmiir 
vient  des  hommes  «  Pattraotion  vient  de  Dieu;  ^  Explt*- 
quant  la  différence  qui  existe  entre  l'affection  des  pdnents 
pour  Inseâfanls  et  oeUe  des  eofantsi  pour  }e»paDents,  Fou- 
rier en  doeoie  trois  raiaons  2     '  »  »;  • 

.1^  Ig&oraoee  ides  âniant&  en  .bas-ftge  sur  les  titres-  qui 
constitueml  la  paternité  i?     . 

^  Dégoûts  qu'ils  éprouvent  dans  le  moyen-àge'ipar 
l'abiis  oub  l'^xcorcicemalientieodu  de  d'autorité  paternelle; 

5*^.  Coiilraate^qu'ilsii^eQSbasqueiutfdans'l^adafesoence  antre 
les'hautea  prétemioQS  des  pères  et  les  mérites  Huaginaires 
dont  elles  eont  appuyées.  •        »     : 

Fourîeir i  ne  critique  paa  moins,  les'  idées  reçues  sur  Faiti-< 
bitiofkjelL'  lfaaiQui!;'il  justifie  l'ambition  qui  pourrait  ou 
devrait  êir.e;  toujours  justifiable,,  et  (touve  tout^à^ait  contre 
natorodlea  idées  4e  oomtance  et  de  fidélité  es  aiBour. 

S^n  l0i»;  le&  passons  humwÂae&se  divîsenif  diabord  en 
trois  grandes  passions  :         •       .  '   •     . 


864  PflILOgOPHTE 

Le  Ifixisme  on  deeir  da  luîe  ; 

Le.  gréu{>isme  ou  ctestr  <*bs  groupes  ; 
^  Le  séfiisme  ou  desîr  d^  déries. 

De  bônnefoi^  est-rl  pÉ?rmis  de  présenter  comme  sérieuse 
GCÉte  étude,  dans  lat^elle  on  sépare  ainsi  rhomme  des 
animaux ,  dans  laquelle  on  le  soustrait  à  sa  série  pour  F^tu- 
dier  métaphysiquemCTit  en  dehors  des  observations  et  des 
donnée»  es*  (a  physiologie. 

Foufier  diitise  ensuite  soff  arbre  passionnel  en  douze 
rameaux  ou  passions  sefcondaîres. 

'Cinq  sont  corporelles  otr  sensuelles  ï  sept  ànimîques  ou 
provenant d0 r&tne.  De  ces  dernières,  quatre  sont  alTéctives 
et' trots  disttibuHTes. 

Cette  th^rie  ne  repose  sur  tien:  l'étude  physiologique 
des  96ns  la  détruit  entièremeht,  comme  le  lecteur  pouna 
S'^enhOotiTHincre  en  relisant  nos  pages  410  à  446. 

Les  quatre  passions  affectives  de  Fourîer  sont  Tarnîtiê  , 
Tamour,  Tâmbition ,  la  paternité.  Les  troïé  aufires  j)àssîons 
de  l'homme  sont  la-composite,  ta  cabàltste  et  h  papillonne. 

C'est-à-dire  que  de  trois  manières  d'être  que  chaque  tw- 
gane  cérébral -pécrtmamfé^er,  Fouriét  frfbrique  trois  facul- 
tés éigtinctes^  et' spéciales,  montrant  aînsià  qiiels  ét^vts 
peut  se  liirAerle*  gérile1oî*sqti^l  à  la  pt^étentiriu  de  faire  d^ter 
de  lui  l^toÈiani^  et  de  ste  substituer  orgueiDën^eaierH.  à 
toute  la  science  dti  passé.  Cette  psycologie'  est  pitoyiBle 
pâme ^u'eHe  est  de  1 A  poésie,  de  la  pèVcolo^e  au  lieu 
d'êtrade  la  physiologie,  de  la  science  réelle.  '     '' 

flifeirs^aocidems*,  setort  Fourièr,' peu vètrt  troubler  ïà  suc- 
cession ««liguée' aui  trente-defut  périodes  sociales.^  ïersup- 
pose,  dit-il  dans  uné'rtoté  ,  qu'ùfre'  giDs^  ' compte '^^ale 
à  lupitef  se  trbute  à  son  point  de* fécondation,  ëù  dé^é 
coDveiiaWe  potir  devenir  planète;  elle  chercherait  'à"  entrer 
eOiligne  et  à*  seJftxei"  dans  un  tourbillon.  Si  elle  'arrivait 
sur  BOtue  soletl'  parâllèlettîent  au  plan  dé^  qrbilés  jplanët;aF- 
res^  dle^pourtait ,'  au  retour,  se  logef  enlrci  le  Soleil  et  Ju- 
piter? -aa'feu^dej poursuite  sa  marche' ^piit'àty6)tfqpé .  eOe 
décrirait  une  spirale  pouf  sonder  le  terraîç  et  éhèrchèr^Un 
poinlid'équifibre  etttfJe  Jï^eer  et  le^StffèH/ Baii 
sa  spinate^lte  approcherait  s«cce$sivémfeiit'tclti(es*îëk  petites 


im  SI3ÇXJS*  868 

planètes  isolées,  et  les  entraloectit  çq  qmUté  de  Ivoes.  La 
Terre  et  Vénus,  qui  soui  les  plus  grosses,  swt  «ncore 
beaucoup  trop  faibles  pour  opposer  quoique  résistencé  à 
un  gros  monde  attrayant  qui  les  appvoch^ait;  or,  la  «co- 
mète serait  attrayante  du  moment  où  elle  se  fixerait  sur 
notre  soleil. 

Dès-lors  notre  petit  globe  serait  entraîné  et  deviendrut 
une  lune  de  cet  intrus  qui  serait  bientôt  la  planète  la  plus 
riche  et  la  plus  féconde  de  tout  le  tourbillon,  à  causer  de  sa 
proximité  du  soleil  et  de  la. multitude  de  ses  lunesu.  L'in- 
trus s^adjoindrait  Vénus ,  Mars ,  La  terre  et  k>m  leagMiules 
qui  sont  entre  le  Soleil  et  Jupiter;  il  s'en  composerait  une 
brillante  suite,  de  sept  ou  huit  satelUtes^  elpitKluîiiail, 
comme  Satucne^  le  double  anneau  équatorial  out  la  dMble 
couronne  sur  deux  pôles ,  ces  doubles  parures  é^Qt  affeetées 
à  toutes  les  planètes  septilunaires  lorsque  leurs  hebilaiits 
ont  formé  Tordre,  combiné.  {Saturne  A-a. pas  .to«gours  eu 
ses  deux  anneaux,  et  il  les  perdra  sur  la  fm  de. sa  carriàre, 
lorsque  son  mécanisme  social  retooU^era  à  llordre'  îikkh 
héront.)  .     .    .    .     f    -    î 

Nous  nous  abstiendrons  de  toute  réflexion  sor^iîeite'  osé** 
canique  céleste,  renvoyant  nos  lecteurs  à  noire  seoeode 
partie,  où  ils  trouveront  ce  que  Ton  sait  sur  nos  planètes, 
sur  leur  formation,  sur  les  lunes  et  anneaux  de&atume. 

Depuis  la  première  publication  de  la  théorie  des  quatne 
mouvements,  fourier.a  fait  une  nouvelle  déconverle;  il<  a 
reconnu  qu'une  comète  ne  pmt  poM  cnlrtr  en  phn  tàni  qm^  le 
soleil  vicié  et  incomplet  dan$.son.qua4rille  d'aràmesifavdimaMx 
n'aura  pas  rétabli  Vtnté^ili  qui  lui  e$t  nécesêairppmrfbeer 
fer  comètes.. (Cette  citation  est  textuelle^)       ; 

Après  avoir  signalé  la  loi  régulatrice  du  déveioppeatent' 
des  sociétés  humaines,  Fourier  attaque  violevietil  le  pa- 
triarchat  et  l'état  social  de  la  Chine.  Autant  vaudMÎt  atta^ 
quer  dé  la  même  manière,  en  xacputant  les  iaaibatîonadu 
poulet  dans  Tœuf,  deux  des  phases  de  cette  ^viet.totiilei  Du 
reste ,  le  tableau  qu'il  fait  des  ChinoÂsest  'singalièreaimt 
enlaidi  et  chaii*»é  •  Û  û'a  rien  de.  vrai.. . . 

La  résultante  de  toutes  les  pasaims  humaines ,  voilà  ce 
que  Fourier  appelle  Tunitéisiniet  qui  esta  «es^passionsce 


8d&  pffiLoedfmB 

quf  la  hmière  bboehe  e^  mit  sept  rayM»  limMewt.  C'est, 
dil^H,  le  pendbant  de  ritidivida  i  concilier  son  botAeur 
av«e  cefaii  de  Umieequi  rentoure  ;  c'est  lUle'  phiimivcipie 
illimitée,  ane  bienveillance nniteraette.  —  Après  7  avoir 
biaaféflécbi,  nous  crayons  pouvoir  affirmefr' ^ne  c'est  u&e 
erreur.  L'uniléiame,  cette  passion  intellectueito  et  féfié- 
reii9e  dont  lions  patle  Fovrier,  tient  presque'  exehiâiveiiient 
a»  dénreloppeaie&t  desi|ttatre  facsilés  cardniaileB  propres  à 
rhomme. 

Si  Je  lousmeTepiéseDte  les  paissions  seiisitived ,  'si  ks 
qaatreAffectioiM  dont  deuji  sont  en  mode  majeur  et  deoi 
60  «iode •mineur,  sont  reppéaentées  par  te^  grouptM&e,  k 
sértiame  qni  renferme  la  oabaliste,  la  composite'  et  la  pa- 
piltonne,  sera  chaagé.de  tenir  la  balance  enm  iè  Hnisme 
et  le  ^«roupiatne^  .     .  w    . 

Souvent  des  périodes  emprenteut  à  celtea  quilles  prid- 
dettt  ou  àcelle»qiii-le&  snivient.  L'admission  légale  ^faux 
p(»ds  est  empruntée  à. la  «troisième  période^^ec  ^affiliation 
des  cluba  est  wi  janiseanal  eiNù^  un  engretiag^e'  en  qttà- 
trième  période.  :ni-  Ce  n'est  pas  l(wgom«  un  biei»  d^ititfo- 
duke  daiis.  utia  époque  •  des  institotioés  ^  œller  19111  sd#ta  ; 
somveiM  de eette  mflniàreionlasiMûatofQr,  ténmiitedivûnv 
l^re^ui  a  pnodttit  ttatit  de  déttordresiet  qttim^eti^firadmra 
aucun  lorsqu'il  viendra  dans  son  temps^  •*^  Oha^e  des 
q|MK|iiie8i  ioeobérantea  épromieLplus  ou  mpina^  t0  besâM  6^ 
eai;iictères-dela)p^idiida:sapérieUrei: 'il  n^  eat-  pas  ifoi 
répiwLvei  [dnsique  bt  éisiiisaiBnn  ;reMe  se  <  ciritiqoé  eUr- 
méfOQvet'OiimrteiiQ^ntiaw.ses  pmfM^ioametè^^  A  cette 
OQSfisiotti^  rourfevire^nettoqne  la  loinfaft  pastécoordé  idx 
feoîm»  la  liberté  >an)ûiii»eiifie:'0(p  eulivm^divilfv'dele'sorte 
diminuer  la  fausseté  dans  les  relations  des  îse^tôsv '1^^'^'^ 
peut  sans  nul  inconvénient  rendre  le  divorce  libre.  Le  mé- 
nage» f>r(»gD68^Qti;la  iriiai4j[ieuffgr<kap0s  ent^  âté,  ifi^il  t 
imei^raitcm  puremeniétxuMMBÎqiaeT^  susoè|pliMe  4é  Ipvo- 

Chaque  pérÎDdrdftfoufier «a  soa  phrot  ]m{ila|M9M  doat 
le  (Maetàre esktoinour^itifë  deJ'aiDÇQri:  «féal mBAiféeiiè 
servitude  afesolM  de  Iff^  femmes,  loiMiaaç^  «antaiir'ei  les 
libertés  «ivîka)de> réponse,  puis  kionrpoeatiHi'ainoiifeu^} 


»d;  ftitcuB.  867 

corres(>OA(kot  à  trois,  éltls  diffarei^.  Par  la  rédosîon  des 
femflies  laaivili^Atioo  reiomberait  dans  la  barbarie.  Parles 
garanties  amoureuses,  la  milisatioD  trouverait  une  issue 
pour  .arriver  ^  la  sixième  période. 

Il  y  a  toujours  quatre  phases  dans  chacune  des  treoile* 
deux  périodes  du  mouvemeni  social ,  qui  oorrespondent  aux 
quatre  ftges  :  ezàfaoee^  accroissement,  déelîn  et  cadueilé. 
Un  pe^fee^oaneofeeni  socûd  peut  être  une  cause-  de  déelin 
pour  l'une  des  phases  de  Vhumanité. 

JPept-èlre  k  lecteur  a-t**il  trowré  nos  dernières  citations 
trop  brèves,  pou  intéreasantes-;  peut-être  a4«-il  beaucoup 
doutée  en  les  Usafil;  peot-ôtre  aura^t^il  flotté  entre  la  dé* 
fiasse,  et  la  curiosité.  Séduit  à  l'idée  de  pénétrer  les  mjs^ 
tèr^&  de  la  nature,  il  aura  .sorveut  ctaint  d'être  le  jouet 
d'une  fiction  tout-à-fait  dénuée  de  preuves  :  la  raison  lui 
dit. de.  doutetf  peut-être  fias ^  et  cependant  la  passion 
pourra  Iç  pocCer;à  cmine.  Tel  est  le  sentiment  que  Fourier 
novis  paialt  surtoât  avoir  eu  pour  but  d'exciter  en  dérou'' 
laai.les.sin^ulièffes  fictions  de  sonrotnan  des  tnondesw  Ce 
gra^d:l|09»i&e  connaôssail. à  merveille  tes  misères  de  notve 
nature  «t  les  toucbes  averses  au  piano  cér^ral  :  aussi  a^^^il 
agi  d^:m4àièirQ  à  .avok  plus  de  prosélytes  h  modérer  qoe 
de.^âepit^iies/à  eonvainrUB.  H  lui  fallait  des  mgr^iques  et 
des,dévQts  :  il  e»  a  créé. 

liolne»  analyse '.pouorait  voguer  de -rêve  entéve  peMlMt 
lOiBgtefops  sans  que  notre  l^steur  étourdi,  par  le-ohoc  d'vMes 
nouvelles  «  étranfes V  toujours  paradoxales^  ^o«vent  favM^s, 
sou^Qo^  vraies vBonveni  l'i»  et  l'antre ,  pèt*  amvver  h  une 
coodlusim.)  Ilaisi  ooiûme  c'est  Ipien:  moins  de  Fèmisp  que 
denses  déof^utertés  léeUes  qu'il  s'agit  avant  tout,  revenus 
au  fait  principal.    '  i       ..         .  . 

La;  société  ne  saurait  oûrir  ^pw  deux  états,  ^pieltea  qu'en 
soient  les  iriunéî(é6>:  Vunf4'4»oeâatiQH;Miisociétaica,  l'aulre 
de  divergence  dans  tous  les  efforts ,  qui  est  nbn^^soeiétalte 
CI»  jtiQttP^ldètémeaê  sooîéisire/  >  L'industrie  v  ejeat^^dire 
l'eup^tàlicdii  dibi^befiar;  les'efiiartsdésprdbtmés  oua^so-- 
ciés  des  teiimesv.élanl.'  en  défiaîtàve  le  ptrét  ihiatértel  -  de 
toutj «offdresc^câal ^ < ku productiaii et  la  cwdommatiui  seront 


868  PHILOSOPHIE 

pour  tout  esprit  un  peu  sérieux  les  deux  grandes  questions 
de  Téconomie  dans  le  ménage ,  dans  l'atelier,  dans  la  com- 
mune et  au  sein  des  peuples. 

Pour  être  heureux  nous  avons  besoin  de  satisfaire  nos 
désirs ,  ces  enfants  de  nos  penchants  et  de  nos  goûts.  Les 
penchants  et  les  goûts  s'exercent  sur  des  produits  intellec- 
tuels ou  matériels;  la  jouissance  de  ces  produits  constitue 
la  richesse;  leur  création  est  le  résultat  du  travail,  dV>ù  il 
résulte  que  savoir  produire  à  peu  de  frais  ce  serait  résou- 
dre le  problême  du  bonheur  facile ,  surtout  si  le  travail  de- 
venait lui-même  par  ses  attraits  une  source  de  plaisirs. 

Les  industries  minière ,  manufacturière  et  agricole ,  la 
chasse  et  la  pêche ,  voilà  les  faits  qui  concernent  plus  spé- 
cialement la  production.  Le  commerce  règle  la  distribution 
des  produits  ;  le  ménage  les  absorbe  et  les  consomme. 

Dans  l'état  non-sociétaire ,  chez  les  Américains,  les  An- 
glais, les  Français,  les  Russes,  les  Chinois,  les  Turcs,  les 
Arabes  et  les  idolâtres ,  le  travail  est  généralement  forcé  , 
monotone,  ennuyeux,  souvent  dur,  cruel  et  dangereux, 
souvent  même  fatalement  meurtrier,  comme  dans  les  usiner 
où  l'on  travaille  le  plomb  et  le  mercure.  Toujours  il  est 
anarchique ,  toujours  il  y  a  lutte  entre  le  travailleur  et  le 
chef  d'industrie ,  entre  le  maître  et  Texploité ,  qu'il  s'appelle 
esclave,  serf,  fermier  ou  prolétaire.  —  Presque  partout  le 
travailleur  arrive  dans  la  vie  sans  avoir  aucune  certitude 
d'éducation  dans  l'enfance,  de  travail  dans  l'âge  de  force , 
de  retraite  dans  sa  vieillesse.  Les  terres  sont  morèelées  , 
privées  des  fumiers  ou  des  arrosements  qu'elles  pourraient 
ou  devraient  recevoir.  Où  il  suffirait  des  efforts  ccanbinés 
de  quelques  hommes ,  les  longs  efforts  d'un  ou  de  deux 
restent  presque  stériles. 

Le  nombre  des  individus  qui  travaillent  à  des  choses  inu- 
tiles à  la  société ,  avocats ,  avoués ,  huissiers ,  gens  de  loi  et 
des  ouvriers  en  trop  dans  des  professions  diverses,  est  sou- 
vent considérable  :  de  là  une  petite  production  en  partie 
consommée  par  des  parasites  et  une  part  très-faible  pour 
ceux  dont  les  peines  ont  créé  les  richesses  sociales.  Encore 
si  cette  petite  part  était  certaine ,  régulière ,  invariable  ;  si 
elle  ne  faisait  jamais  faute.  Mais  bien  loin  de  là,  soumise 


bu  SIÈCLE.  869 

aux  hasards  de  la  concurrence  dispraportionnée  par  rapport 
aux  besoins ,  mal  assurée ,  soumise  aux  chances  des  révo- 
lutions politiques ,  elle  est  très-variable.  —  Il  n'y  a  donc 
aucune  liberté  réelle  pour  le  travailleur  dans  un  ordre  non 
sociétaire.  Mais  les  autres  sont-ils  si  heureux?  La  propriété 
sociale  n'est-elle  pas  mal  administrée»  livrée  au  pillage. des 
cours,  des  états-majors,  des  bureaucraties  ?  La  propriété 
individuelle  toujours  attaquée,  toujours  enviée;  toujours 
haïe ,  n'est-elle  pas  soumise  à  son  tour  à  mille  tourments? 
Les  instruments  de  l'industrie  ne  s'acquièrent  qu'avec  de 
l'argent:  c'est  un  capital  que  le  propriétaire  fait  suer  à  son 
profit.  Je  me  trompe,  vieux  langage,  erreur  d'habitude  : 
c'est  un  capital ,  devons-nous  dire ,  que  l'acquéreur  paiera 
de  ses  sueurs,  qu'il  remboursera  souvent  en  dix  années 
sans  en  devenir  propriétaire ,  et  sans  que  le  capitaliste  ail 
joui  de  cette  quiétude  qui  lui  eût  permis  de  se  livrer  à  ses 
attractions  et  d'être  heureux. 

La  réforme  industrielle  a  pour  but  de  faire  cesser  toutes 
ces  souffrances,  de  transformer  peu  à  peu  la  société,  d'as- 
surer aux  plus  pauvres  et  aux  moins  habiles  un  minimum 
constant  bien  supérieur  à  leur  maximum  d'aujourd'hui , 
de  permettre  aux  gens  que  maintenant  on  appelle  aisés  , 
un  luxe  de  jouissances  dont  les  potentats  du  globe  n'ont 
même  pas  l'idée.  —  Le  monde  industriel  et  producteur  est 
comme  une  mécanique  qui  serait  mal  montée  :  les  dents 
des  roues  n'engrènent  pas  ou  engrènent  mal;  elle  marche 
mais  elle  perd  en  force ,  elle  perd  en  vitesse  ;  elle  a  mille 
frottements  inutiles;  elle  a  des  arrêts,  des  secousses,  des 
soubressauts  ,  des  dents  cassées.  Il  lui  faut  des  raccomoda- 
ges  continuels,. et  cependant  comme  cette  machine  pos- 
sède tous  les  éléments  de  réussite ,  tous  les  rouages  néces- 
saires, il  suffirait  que  ses  pièces  fussent  bien  ajustées,  que 
leur  soUdarité  fut  comprise  et  bien  établie,  pour  que  tout 
raarchât  dans  l'ordre  et  que  la  machine  n'eût  plus  ni  perte 
de  force,  ni  perte  de  vitesse,  ni  frottements  inutiles,  ni 
dents  cassées ,  ni  arrêts ,  ni  soubresauts. 

Changez  les  termes  actuels  :  à  l'inimitié  substituez  la  so- 
lidarité; aux  maîtres  et  aux  prolétaires,  des  intéressés;  que 
Tassocialion  se  présente  sous  forme  de  groupes  réunis  pai 

37 


870  PHaOSOPHIB 

leurs  poa(?hant.s  et  Içuçsaptitadqç;.  qonserTez.rwdifidua- 
lité ,  rind'épenidance,  la  di^linctioiï  â^s  k  Jr^^v^il^  afin  dV 
înlroduife  VéoîulaUoq  j  a  personnalité  <  Vatlraît;  rejiezte 
iiitérêi  s  individuels  àViniérêt  coUecUf ,  et  ypu^'^i^efK  Félat 
sociétaire.  '  ,  '■■'..  .         . 

De  même  que  le  globe  vous  présente  §e$  séries  de  mi- 
aéraux ,  s^s  séries  de.  végétaux  et.  se&  séries  d'aoupai^x ,  ^ue 
le  travail  vous  préàente  aussi  ses  séries  d'ouvriers  daoj  les 
grands  chantiers  de  Tindu^rie,  Là  .où  il  faudra  vi4  trayail 
très-passionné»  que  les  séatiçes  soient  courtes ^  ailî^euis  m 
contraire  qu'elles  soient  plus  longues,  si  elles  fâiipent 
moins  l'esprit  et  le  corps.  Que  le  comrperoe  jçesse.ses  dan- 
gereuses spéculations ,  pour  devejoir  un  àervipe'  d'ècoaages 
mutuels  entre  cq-intéressés;  qu'il  se  fasse  directement  et 
sans  intermédiaires  gnéreiix,  sans  commissions,  eoijirtag^, 
plombage  et  frais  jnuUIes;  que  ja  science  et  les  arts  se  pla- 
çant au  point  de  vue  de  cette  société  nouvelle ,  intcpduisent 
partout  la  lumière ,  les  plaisirs  et  la  vie  morale  :  aînai  $( 
trouvera  transformée  cette  société  d'erreurs.,  de  sowffrances 
et  de  mensonges  au  sein  de  laquelle  nous  vivops.  Voilà,  si 
nous  Tavons  bien  comprise ,  la  pensée  de  Fourier  sur  l'or- 
dre sociétaire;  elle  renferme  Saint-Simon,  MorelJiy'ettoBS 
les  anciens  philosophes  dans  ce  qu'ils  ont  dit  de.  mieux  sur 
ce  sujet" 

Fourier  et  ses  disciples  démontrent  à  merveille  qu'âne 
commune  comme  ils  l'entendent  doit  avoir  à  sa  dispositkfl 
près  d'une  lieue  carrée  de  surface  ;  qu'elle  pourra  nourrir 
de  douze  à  dix-huit  cents  personnes,  hommes,  femmes  et 
enfants;  que  le  bourg,  le  village,  la  commune  sont  les 
circonscriptions  primitives  de  1  association  humaine;  que 
les  cantons,  les  villes  et  les  capitales  ne  sont  que  des  cen- 
tres de  communication  et  d'unité  ^  destinés  en  général  à 
rapprovisionrfemenl  et  à  l'administration  des  comnranes. 
Mais  faut-il  en  conclure  que  ce  soit  par  la  fondation  de  la 
commune  sociétaire  que  doive  nécessairement  et  fatale- 
ment commencer  la  réforme  industrielle?  Non,  sans  doute. 
Fourier,  qui  saute  à  pieds  joints  par-dessus  l'embryologie 
sociale,  n'a  pu  poser  les  lègles  de  cette  embryologie,  qui 


W  sifediB.  871 

sont  celles  du  torps  hùmaiû ,  ^et  bô  voyons-jfious  pas  ^n  ef- 
fet qne  te  travail  sociétaire  commence  surtout  aujourd'hui 
dans  les  capitales,  iratira  bientôt' une  seconde  {)hase,  celle 
de  Torganlsâtion ,  de  sa  circulation  propre ,  de  son  crédit  , 
et  celle-ci  déterminera  la  troisième ,  la  création  partielle  et 
intégrale  de  communes  sociétaires. 

Cette  importante'  rectification  faite ,  nous  devons  ad- 
mettre, avec  les  foiiriéristes ,  que  le  phalanstère  ou  com- 
mune sociétaire  est  un  tout  ;  que  c'est  Télément  de  l'exis- 
tence sdctale ,  nn  organe  social  '  Véritable  et  coh>ptet' , 
joui^ant  de  toutes  les  fonctions  qui  constîtuefnt  la  vie. 
C'est  ainsi  que  le  phalanstère  a  Ses  écoles ,  sa  science ,  son 
théâtre,  ses  beaux-arts  et  sefe  fêtes,  de  même  qu'il  a  ses 
ateliei^  agricoles  et  indusltieb ,  ses  routefe  privatives ,  ses 
mo^ns  de  transport,  sa  cave,  sa  cantine,  sa  boulangerie 
et  ses  autres  ateliers  sociétaires,  de  manière  à  pouvoir 
vivre  sur  son  propre  fond  qu'il  a  mission  d'etnbelhr  et  de 
féconder. 

C'était  peu  que  de  résoudre  le  problême  de  l'organisation 
d*une  communauté  de  trois  cents  familles  :  il  a  été  souvent 
essayé,  souvent  même  victorieusement  tenté  ;  mais  il 
fallait  encore ,  et  c'est  là  le  caractère  de  la  découverte  de 
Fouricr,  trouver  la  loi  selon  laquelle  une  bommunauté 
peut  exister  avec  tous  les  avantages  possibles  d'ordre , 
d'économie,  de  travail,  sans  que  dans  cette  institution 
personne  puisse  perdre  quelque  chose  de  son  droit  d'ini- 
tiative ni  de  sa  liberté  individuelle  ;  en  deui  mots ,  créer 
un  vaste  couvent  qui  ne  soit  pas  un  couvent,  une  caserne 
qui  ne  soit  pas  une  caserne  ei  qui  en  possède  cependant 
tous  les  avantages  :  telle  était  la  question.  Ajouter  à  cette 
institution,  comme  conséquence  naturelle  et  même  né- 
cessaire de  la  forme  nouvelle ,  non-seulement  une  salu- 
brité plus  grande ,  une  éducation  meilleure,  plus  de  vérité 
dans  les  relations,  une  répartition  proportîoânelle  à  l'apport 
de  chacun  en  travail,  talent  et  capital,  un  mécanistne  de 
nature  à  produire  entre  tous  l'harmonie ,  puis  encore  dés 
plaisirs  nouveaux ,  des  formes  nouvelles  dans  le  travail , 
une  économie  de  main-d'œuvre,  suite  naturelle  de  la 
passion  et  du  goût  apportés  dans  tous  les  travaux  :  c'était 


87S  pmz^^OPHfiB 

intcoduira  l'aittac^^  dan&Ja  commune  sociétaire  «t  çid)6ti- 
tuer  l!9eûoo  des  pâssicms  natuceUes  à  celli^s  des  oUiga- 
tioi^  imposées  ;  le  travail  libre  et.  Ubr/^misat  choisi,  à  la 
coQtiaûitQ;  r^ulatioa»  à  la  cojicurrefL(;e;;Ja  liberté,  à 
Tesdâvage  du  laboureur  et  de  Touvrier,  So^s  ce  ra^^t, 
Fourier  n'est  pas  assez  connue  il  a  biesoia . di'étre  étudié  et 
popularisé;  et  puis.,  n*est*€e  rien  qu'une  doctrine  destinée 
à  réduire  de  plus  en  plus  le  capital ,  loqt  e^i  lui  donnant  la 
part  à  li^quelie  il  aur^  longtemps  droii,  naais  Sielon  la  pro- 
gression toujours,  décroissante  de  son  pouvqix  ^t  de  sou 
action  utile,  qui  sera,  en  raison  directe  de  Taugioentatioû 
de  production  avec  de  moindres  efforts. 

Il  y  a  deux  manières  de  travailler  en  ce  inonde.  Dans 
Tune,  chacun  compte  sur  soi,  puis  sur  soi.:  c'est  la  loi  de 
rindividuali&me  ^  du /morcellement,  do  l'égoïsme ,  delà 
lutte.  Dans  la  secoiido^  les  individus  devenus  solidaires  et 
Gomprenaat  cette  solidarité ,  forment  un  être  collectif.  — 
Pierre  a  soumissionné  le  creusement  ou  le  remblais  de  six 
cents  mètres  cubes,  voilà,  une  œuvre  en  OKxde  simple.  — 
Un  groupe  de  vingt  terrassiers  soumissionoe  uq  travail 
semblable,  ce  groupe  forme  un  être  collectif.  S'il  se  com- 
pose d'hommes,  de  femmes,  d'enfants»  s'il  anime  son  travail 
par  des  chants  et  des  danses,  s'il  se  distribue  les  rAles, 
dormant  à  celle-ci  le  $oin  de  préparer  ks  vivres,  à  ces 
autres  celui  de  les  .appoi^t^r;  à  Jacques^,  la  directioD  du 
travail  ;  à  Pierre ,  le  commandement  dans  la  danse  qui 
viont  de  quatre  heures  en  quatre  heures  délasser  les  tra- 
vailleurs ;  à  Paul,  le  choix  et  la  direction  des  chants  et  deâ 
joyeux  refrains  :  ce  groupe  sera  un  véritable  atelier  socié- 
taire, appelant,  sur  une  petite  échelle»  les  passions  hu- 
maines et  Tordre  sériaire  au  secours  de  ses  eilorts  manuels. 
—  Si  maintenant,  au  l^;u  de  six  cents  mètres  cubes  de 
terrassements ,  il  s'agissait  de  six  cent  mille  ;  si  au  lieu  de 
vingt  ouvriers  nous  en  avions  cent  viQgt,  par  exemple, 
distribués  en  cinq,  six  ou  sept  groupes;  cette  série  des 
cent  vingt  serait  complète  et  de  nature  à  pouvoir  présenter, 
dans  son  organisation  pour  le  travail ,  des  améliorations 
bien  plus  nombreu^e^  encore  que  celles  qu'un  petit  groupe 
peut  offrir. 


BIT  SIÈCLE.  875 

La  côflQfitiûe  artûelte  est  un  atëlîefr  toôrcelé  dans  lequel 
chacun  agît  pour  son  propre  compte-  siàtas  pouvoir  compter 
surautroi,  sans 'qu'il  y  àif  ufilian  daris  le  but  et  dan&  les 
efforts.  La  phalange  où  Commune  sociétaire  est  au  contraire 
une  petite  arméfè  industrielte,  uti  CDt*ps' organisé;  mais  ce 
n'est  ni  tin  couvent  de  trapistes/ni  une  caserne:  i(S  point 
d'obéissance  passrre.  —  Le  derhiei^'  des  travailleurs  peut 
êtrele  second  chef  des  chanteur^,  le  premier  des  danseurs. 
L'ambition  et  la  passion  sont  les  seuls  excitants  au  travail 
où  chacun  est  conduit  par  sa  vocation  et  par  la  connaissance 
qu'il  a  dei'intérêt  général  de  la  commune  et  de  là  solida- 
rité qui  l'y  rattache.  Dans  un  vinage  Sociétaire  de  trois  h 
quatre  cents  famiHes,  chaque  individu  est  interressé,  non- 
seulement  à  la  bonne  t^ulture ,  mais  encore  à  la  récolte 
économique  de  tout  ce  qui  peut  servir"  d'engrais,  h  Tordre 
des  ateliers,  à  la  bonne  confection  des  instruments,  à 
l'excellente  tenue  du  ménage,  h  la  'répartition  des  murs  qui 
se  dégradent,  des  tables,  des  chaiseh  et  des  bancs  usés,  à 
la  propieté  de  tous  lès  apparlem-ents  r  car  dans  un  village 
sociétaire,  chacun  e»t-  fout  ensemble  pràpriékrirej  fermier 
et  êtilarié. 

Si  Ton  a  bien  compris  ce  qtii  précède,  il  est  naturel 
d'admettre  que  dans  le  phalanstère  où  chacurt  est  à  la  fois 
froducUuTy  consûnihnateur  et  associé  ou  co-propriétaire  de 
rétablissement ,  chétque  individu  se  trouve  engrené  comme 
un  rouage  par  son  mtérêt  dans  Faction  générale  du  méca- 
nisme de  la  commune  sociétaire.  —  Consommateur,  il  n'a 
pas  intérêt  à  exploiter  le  producteur  ;  producteur,  il  n'en  a 
pas  non  plus  à  exploiter  le  consommateur  ;  co-propriétaîre,  - 
il  ne  désire  en  aucune  façon  faire  tort  à  ses  fermiers  et 
ouvriers  ;  ouvrier  et  fermier,  il  ne  cherchera  pas  à  se  nuire 
h  lui-même  en  nuisant  au  propriétaire  collectif  dont  il  est 
l'un  des  membres. 

Aussi,  dans  notre  opinion,  le  phalanstère,  avec  quelques 
modifications,  serait-il  une  admirable  transition. 

Dans  l'état  actuel ,  chez  les  icariens ,  la  majorité  règle 
d'une  manière  absolue  tout  ce  qui  doncerne  la  consomma- 
tion et  la  distribution  des  produits.  Dans  la  cobimune  sé- 
riée ou  phalanstère,  il  n'y  a  ni  majorité  ni  minorité,  mais 


874  PHiI«QSiQPH^B 

4es  groupes  et  âe&  séries  auxgu^l^coFr^^pcHl^^Bi  UHàte»,  les 
variétés ,  tous  les  genres  de  produit^  destinés  k  U  nowii- 
ture  et  au  vêteioent  :  fu^si  lien  pe  se  perd;:<îb«qM«  pisoduit 
trouve  sa  plfiqe  a&$upée,  ^ns  qu*«iUcuQe  iodiivii^ual^  si 
sponta^é^,  si  lOrigipaW  qu>Ue.  puisse  être,,  ait  .}e  àfoii 
de  se  «Lire  opprimée) «paji^  la  ia«s^«  Daps.Voiedre  sériAke,  le 
problâiqe  de  l^  répactiiioo  a'est  pas  plus  çlii&cile  àjréawdre 
que.  celui  de  M  consomiuatioA:  c'est  vq^  pente  faeîk 
qui  'Conduit  s^s  latte ,  içans  effort,  ji  la^ct^ariitioa.pbfsio^' 
logique.  .    \'r  ... 

Ëssa^yoQs  maiateoant,  par  un  e;iaqiplei  d^  iaireuesaottir 
les  avantage^  4^s  oommui^  aociétiùrfi^i,  Uoe  agfiégaliûB 
semblable  fsxiste  ;  eUe  possède  un  noa^brau^  bétaM  et  :eUe 
a  besoin  de  beaucoup  de  foj^s  poux  spn  hiver ,  mm.  î «été 
est  pluvieux  et  ^  récolta  est  cpmprof^Âsa^  CepctfiMdijaiit  »  la 
fauchaison  a.  eu  W  ;  lo  foin  est  sur  W  pré i  il  est  seo;  t«ui 
soleil  radieux  va  perotettre  de  le  réunir  en  aïeules.  Âus&Uàl 
tout  j^  pb^anstère  bourdonne  comme  uoe  ruche  d'abeilles 
prâte  à  essaimer,  et  bientôt  il  ea  sort  une  proees^ioo  ^e 
g^oup^s  (pii  mareb^nt  m  ordre  c^t  sans  s^  oaufou^r^,  vers 
le  lieu  du  travail.  Une  fo^ce  d'un  millier  de  personoest 
vieillards,  hommes.,  femiaes  et  enfauts,  s'empare  à»  la 
besogne  à  faire.  Dans  une  cpmmune  m<»eeléa,  deus  cent 
cinquante  personnes,  au  maximum ,  eussent  pu  s'en  oecu- 
per  spécialement  :  ici  le  nombre  de:^  trav^iitte^rs  «esA  qua- 
druple, et  tous  out  ooncentr  leur  int^Uigence  et  leur 
énergie  morale  sur  le  travail  à  prodiû^e,  avec  la  triple 
passion  de  se  surpasse^  les  ups  les  autres^  dans  leurs  çnmpes 
respectifs,  de  donner  l'avantage  aux  groupes  dont  il&  font 
partie ,  et  de  sauver  une  portion  de  leur  fortune.  Tout  ce 
que  Ton  peut  attendre  de  la  discipline  d'un  petit  corps 
d'armée ,  le  personnel  du.f^^nstère  distribué  en  séiies  et 
divisé  en  groupes ,  pourra  le  produire  ;  mais  il  donnera  de 
plus  les  ^ultats  que  donne  la  passion,  et  ceux-ci  sont 
miraculeux. 

L'ordre  sâriaire  n'est  donc  pas  une  utopie ,  c'est  au 
contraire  cet  idéal  auquel  les  grandes  passions  populaires 
peuvent  nous  faire  atteindoe ,  nous  autres  ignorants ,  dans 
les  moment^  4'ôxaltation  générale ,  dans  ces  moments  où 


Dt  SIÈCIiB.  875 

rame  universelle  èwîve  aux  etfnteeptiôas  les  plus  lélevées , 
aux  plus  grandes  improvisations. 

Les  erreurs  d*Eûf«nlm  sur  ta  tnérale  ont  eu  le  mérite 
d'être  adoucies  par  la  rèserve.du  style  et  parla  plus  haute 
distinction  dans  le  langdgev  FOulrier  â  eonfessé  ttmt  ci- 
ment-S^s  erreurs,  proférant  avec  une  fttncbise  très-loyale 
l'égalité  des  lattractionb  d^  nés  fectoltés  cérébrales,  o*est-à- 
dn^ela  négalion  ^es  enseignements  les  plus  élevés  de  la 
physiologie.  -^  Ses  prophéties  sur  la  brillante'  splendeur 
d'un  ordre  harmonique  ou  combiné  sont  aujourd  hui  au- 
dessous  des^pérances  réalisables-  de  la  scienee,  pour  quel- 
ques poibts  des  plus  importants.  Quant  à  ce  qui  concerne 
les  arftmfes,  nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  ce  que  nous  en 
avons  dit  à  TOccasiôn  de  Tair  atmosphérique. 

De  saint-simonistoe ,  après  avoir  été  Veipression  du  be- 
soin et  du  désir  d'une  doctrine  scientifique  et  religieuse ,  a 
obantfé  des  hymnes  en  Thonneur  du  progrès,  puis  il  s'est 
dissous,  et  ses  membres  se  sont  livrés  à d'exeeltentes. études. 

Sï  l'on  y  cherc^  une  doctrine  politique ,  on  y  trouve 
le  communisme  gouvemementat  absorbant  trop  la  famille 
dans  la  commune,  la  commune  dans  le  département ,  le 
départementxdans  l'État ,  l'État  dans  l'humanité,  au  profit 
de  laquelle  il  confisque  énormément  toutes  les  individua- 
lités. 

Cette  doctrine  a  bien  ses  formules  de  progrès  et  d'amour, 
mais  aussi  ses  dangers.  Lestipérieur,  dit-elle,  élève  à  lui 
rinférieur  ;  mais  rien  ne  l'oblige  à  bien  choisir. 

Nous  né  ferons  point  à  Comte  une  part  spéciale  dans 
l'œuvre  saint-simonienne.  Savant ,  il  a  toujours  eu  des  vues 
trè&-é)evées  dans  les  ordres  astronomique  et  géométrique  ; 
mais  il  a  été  souvent  très -faible  en  physiologie.  N'a-t^lpas 
commencé  par  supprimer,  contrairement  à  la  phrénologie , 
le  rêve,  la  poésie,  je  pourrais  presque  dire  l'amour  lui- 
même,  pour  rovenir  peu  k  peu  aux  idées  de  Saint-Simon  , 
son  maître? 

Lamennais  et  Bûchez  ont  voulu  faire  participer  le  chris- 
Uauisme  et  même  le  catholicisme  au  mouvement  qui  entraî- 
nait les  esprits  ,  de  1830  h  1850.  Le  promier  a  publié  l'es- 
quisse d'une  philosophie ,  ouvrage  très-éminent ,  mais  trop 


876  PHTLOSOPHIB 

peTï  lu  même  par  ceux  qui  le  possèdent  :  aussi  est-il  resté 
sans  influence  bien  appréciée.  Le  second  a  été  un  véritable 
chef  d'école  ;  il  s'est  manifesté  de  1828  à  1848 ,  par  des  as- 
sociations ouvrières ,  parla  formation  d'un  groupe  influent 
et  par  de  nombreuses  publications.  Médiocre  au  point  de 
vue  scientifique ,  l'œuvre  de  Bûchez  et  de  ses  amis  a  tou- 
jours été  honnête  et  morale.  V Atelier^  rédigé  par  MM,  Pas- 
cal et  Corbon ,  est  l'un  des  meilleurs  journaux  populaires 
qui  aient  jamais  été  publiés.' 

Le  fouriérisme ,  encore  que  sa  doctrine  politique  n'ait 
pas  été  nettement  formulée ,  se  trouve  dans  une  voie  op- 
posée au  saint-simonisme.  Comme  le  saint-si monisme ,  il 
veut  les  avantages  sociaux  et  communs,  mais  il  a  pour  ten- 
dance de  conclure  '. 

A  la  liberté  de  l'individu  au  sein  de  la  famille  ; 

A  la  liberté  de  la  famille  au  sein  de  la  commune  ; 

A  la  liberté  de  la  commune  au  sein  de  Thumanité ,  par 
la  réduction  des  influences  appelées  nations ,  Étals,  provin- 
ces, cercles,  départements  et  arrondissements. 

M.  de  Girardm ,  en  homme  de  génie ,  a  exposé  cette 
question  sous  une  autre  face,  en  démontrant  que  F  assu- 
rance universelle  est  la  politiqve  de  l'avenir.  Aujourd'hui 
s'établit  à  ce  point  de  vue  une  lutte  très- vive  au  sein  des 
nations  européennes ,  au  sein  môme  des  partis;  mais  peu 
d'hommes  jusqu'à  ce  jour  ont  eu  conscience  de  ce  fait  et  de 
sa  valeur.  Pour  la  plupart ,  cette  lutte  est  à  l'état  latent. 
Cette  même  lutte,  nous  allons  la  retrouver  incessamment 
dans  le  mouvement  politique  des  États-Unis,  toujours  et 
à  dessein  si  mal  compris  par  nos  historiens  d*Europe. 

Toutefois ,  pour  que  celte  question  soit  bien  posée  , 
disons  que  les  individus  sont  fonction  de  la  famille  ;  les 
familles,  fonction  des  communes;  les  communes,  de  ITiu- 
manité  :  de  là  des  rapports  nécessaires  et  providentiels. 

Le  saint-simonisme  aurait  donc  eu  surtout  pour  mission 
de  signaler  l'œuvre  à  faire ,  de  poser  les  questions  à  résou- 
dre, de  créer  une  active  propagande  à  la  fois  religieuse  et 
scientifique;  le  fouriérisme,  d'entrer  dans  une  voie  plus 
pratique  par  une  discussion  extrêmement  habile  des  faits 
industriels. 


BU  Sd^LE*  877 

Les  disciples  de  Fourier  se  sont  généralement  maotrés 
beaucoup  plus  fidèles  à  la  doctrine  de  leur  maUreque  ceux 
de  Saint-SioiQix  Plusieurs  de  leurs  œuvres  sont  duu  onire 
élevé  ;  elles  ont  une  portée  pratique  et  pour  ainsi  dire  d'ap- 
plication immédiate  que  n'offre  p^  en  général  Tœuvre 
saint- si monienne.  Beaucoup  d'entre  eux  avaient  participé 
au  mouvement  saint-simanien ,  et  tous  ont  eu  le  bon  esprit 
de  Vétudiet.  L'histoire  dira  un  jours  leurs  titres»;  mais  ce  li- 
vre ne  peut  enregistrer  que  de  sommaires  indications. 

Toussenel,  en  des  livres  très-sérieux  pour  le  fond ,  déli- 
cieux pour  la  forme  et  les  spirituelles  excentricités,  s'est  fait 
une  position  exceptionnelle.  Aucuns  le  placent  entre  Laton- 
taine  et  Rabelais.  Nous ,  nous  le  tenons  pour  proche  parent 
de  Chamisso  de  Beaucour  et  de  Paul-Louis  Courrier. 

Jules  Le  Chevalier  a  toujours  été  et  sera  toujours  partout 
un  professeur  de  premier  ordre. 

Reitaud  a  écrit  un  beau  livre  sous  ce  titre  SoUdarUé. 
Julien  Le  Rousseau  a  relié  la  phrénologie  au  fouriérisme* 
Barrière ,  de  Lyon ,  a  placé  de  bonnes  ifitentions  à  côté 
de  graves  erreurs ,  dans  son  opuscule  sur  les  analogies  de 
i'ho<nme  et  de  l'humanité. 

Les  quelques  pages  de  Tamisier,  sur  les  fonctions,  sont 
un  grand  livre. 

Victor  Meunier,  après  des  études  d'un  ordre  élevé,  est 
djBvenu  le  feuilletoniste  scientifique  de  la  presse. 

Victor  Hennequin  a  fait  des  enseignements  habiles  et 
soutenu  seul  le  poids  du  journal  fouriériste,  comme  Michel 
Chevalier  avait  soutenu  le  poids  du  journal  saint-simoniep. 
Cantagrel,  Pellarin,  De  Pompery,  Q^yon,  Allyre*Bu- 
reau ,  l'ingénieur  Lemoine ,  Baudet-Dularry,  et  beawoup 
d'autres  ont  acquis  par  de  nobles  travaux,  par  des  œuvres 
utiles ,  par  des  actes  de  dévouement,  des  droits  sacrés  à  la 
reconnaissance  de  l'avenir. 

Vidal,  de  Flotte  et  François  Coignet  ne  sont  pas  des 
fouriéristes  orthodoxes,  et  nous  les  en  félicitons  ;  ils  ont 
étudié  le  monde  avec  Tesprit  de  Fourier  ;  ils  se  sont  servis 
ôe  son  microscope  et  de  sa  longue-vue ,.  mais  ils  ont  voulu 
se  faire  leurs  opinions. 
Vidal  a  très-bien  démontré  que  la  phalange  ou  commune 

37* 


878  PBIL0&<»1IIB 

sociétoipd  de  Fourier  est  un  idéal  de  IvaDsition^null^Danl 
un  idéal  absohi.  Sa  critique  ' dut  samt^BÎmâtii&nie  etda  fou- 
riérisi»e66taNi6si- élevées  que  loyale;  c'est  ua  teimm  de 
grand  sens ,  <yai  a»u  met^lre  à  papt-,  dans  las  œuwes  saint- 
simonienue  et  fouriérisie,  tout  ce  ipô  a  droit  à  vîvire  «t  à 
s'incarner  dans  l'esprit  des  peuples. 

J'ai  quelque  tiegi^t  dé  oritiquer  de  Flotte ,  et  «epeodart 
la  justice  l'exige.  Hotamb  de'  science  né  aveè  des  faoïdtéa 
émmentes  pour  l^idéal  et  la  métiiaphysîqiie.)  il  leor  a  Imp 
souteol  subordonné  la  seience^ 

François  Coîgnet  a*  élé  jusqu'à  présiont  féooiKUDisle^ie 
plus  haèile  qui  soit  sorti  de  réoele  fbiâriéri^e.  Fabrioanl^de 

Sroduits  cUmiques ,  il  a  touché  par  suite  à  toutes  les  io^ 
ustries,  à  tous  les  failssoeiaui:  deliim  grand  ftavoiff  pra- 
tique qu'il  a  pu  mettre  et  qu'il  a  lais  à^  la  dispositio»  -dwe 
intelligetice  qui  sait  manier  la  langue  des  géneratîsatiomL 

L'o&uwe  de  Cabet,  oe  oouvent  noureaude  notre  huma** 
nité  noutelle ,  qui  avait  besoin  oomme  les  pve mières  (wn- 
munes ,  d'un  coknmtmisDae  fort  et  lia  peu  deapoUque  pour 
réussir  contre  vent. et  marée,  a  été  enfantée  auBsrdlle entre 
le  saint-simonisme  et  le  f ouriérisitte ,  apràtf  uneloo^e 
étude  de  ces  deux  doctrines.  €abeit ,  très- mal  jugé  en 
France,  a  montré  toujours  un  sens  politique  supérieur  et 
des  talents  administratiis  doat  on  ne  lui  a  jamaia  leos 
compte  ;  il  n'a  pas  été  jugé ,  mais  condamné  par  les  pas- 
sions  égarées  de  ses  concitoyens.  L'étude  des  premières 
communes  de  France  et  des  premiers  coûtants  du  moyea- 
Age  suffirait  seule  cependant  à  un  homme  de  bonne  loi  pour 
faire  apprécier  l'importance  de  ses  efforts,  le  pourquoi  de 
leur  forme,  le  comment  de  résultais  dTaboidn^atifS)  mais 
aujourd'hui  très-réels,  et  les  modifications  que  sa  commune 
américaine  a  subies  et  subira. 

Les  œuvres  de  Louis  Blanc ,  de  Proudhqn ,  de  CtraMHo , 
trois  hommes  si  éminents  chacun  en  leur  genre ,  portent  à 
chaque  ligne  la  trace  de  la  très-sérieuse  attention  qu'ils  ont 
donnée  au  double  mouvement  du  saint-simonisme ,  de 
l'esprit  d'autorité  et  de  communisme  gouvemeâ»^ita),  et 
du  fouriérisme ,  c'est-à  dire  de  la  tendance  vers  la  titarté 
individuelle  et  communale.  Il  est  regrettable  de  ne  pouvoir 


m  fiiàGifi.  879 

analjKseD  ici  lour&éccHs.»  TiUie  des  g]air«$  d^  U  S^a^oe  4aD5 
nos  tiDgtidefoièKQS.aiiBée»;  mais,  nous  venona  oq  .quelques 
Ugn6ft.^p6ser  ueUeia^oAlo  poioA  de  vue  aMfu^l-  A  but  les 
étudii^  pour  ooeapreodre  eoipmeiit  et*  dans  quel  ^ut  ils  ont 
i«m«4Jia»8ialérièui.ioleliectuelsdu'ppé9Wt  ei  du  piftssé. 
Le  premier,  avec  uue  eulraîUiante  âloquenc^yra  étéTupa  de 
i]Qfr.tan^â»}Uttéraln3s,,  eo  lOièaie-teiQp»  qu'il  ^dait  les 
eûttaiUesr4e  la  soeiiété.  Le  seooadeat  ruju  4Jb«  pUt^  puis- 
siipteji^riÉiqlids  j|tti;iiiefit.véiOO»  Le  lroi$iè«ie«  ^ràe  $*âtre 
faille  premier  journaliste  du  fiîèola,  a  Qooliiiité  Manies- 
qttieii  en  uyo  livne  intUttlé  La  PolUiifm  Vniw^$elU. 

lA  obtà  des  faits  aides  œuvres»  qui  nous^  o^upénl ,  que 
lea  niaisef i0&  des  eamarilUa  européennes.  9(m\  pevi  de  çbose  ! 
que  leaiaits  politiques. ea^-mémea. swt.seaof^aires  ! 

hCôi  serait -ieî  le  liea  de  parler  de  rinterveDiion  nécesaaire 
de  Ja  soieace  dans^les^qvkastioDs  diédililé  publique  et  privée, 
de  drev^nic  sur  Jesépidémiefiv  pour  décrire  la  peste  oo^ioe, 
pour  parlei?  des  pcemiàres  anuéea  de  Viavdsion  à^  l^  sy- 
philis 'qui  appiarut  ea  Europe  en  1493i,  de  répidémie  de 
dsnse  de  Sain4-€uy,.  des  .épMéuiies  de  pueucnwie  coQt,a- 
g/n^m^  ei  de  typhus,  du  ehûliéM,  de  ttouiea  ^ea» nombreuses 
questions  qui  toucbeal  de. si  près  au  bie)0H|tr&  ou  à  lexi»- 
tance.  des  homm^  ;  mais  elles  sont  io^iak^eiii^fc  résolues 
éé^  dans  ce  livre,  et  nous  pa^^oDs  oulre«  . 

De  ce  monde  qui  renaît  en  Chine,  noas  ne  saurions 
r«9n.dire.  Son  mouvemeat  eieen^ique  à  jokos  idées,  à  nos 
hahiîtttdea  j  à  notre  science ,  h  nos  préjugés ,  n*a  été  ni  ana- 
lysé, ni  eosipris.  —  Passons  à  TAipftérique  du  norà,  la 
scMik  qui  vive  réellement  eneore. 


Jkïu  Etats-Unis,  comme  en  Europe  »  les,  questions  de 
produotion,  de  consommation  et  de  circulation,  c'est-à- 
dire  d*iéconomÂe  sociale;  les  questions  de  liberté  indivi- 
duelle pour  Tesolave,  la  femme ,  le  travailleur  et  le  rentier  ; 
la  constitution  du  mariage  de  la  commune  et  des  communes 
plus  éCendue»  appelées  Etats  ou  nations;  Torganisation  de 
l'éducation ,  qm  s'y  relie  si  intin 


intimement  »  sont  les  miêmes 


880  PHiLOSOPmE 

il  n'y  a  de  changé  que  le»  noms,  que  les  étiquettes. 
Combien  s'y  tiompeni!  oombien  qui  n'en  ont  pas  <  dît  on 
mot,  qui  se  croient 'cependant  hommes  d-E<tat  et  graods 
politiques  ! 

Aux  États-Unis,  la  liberté  individnelle  et  la  libwté  des 
communes  sont  absolues ,  mais  elles  sont  solidaires  de  la 
liberté  des  Etats.  La  grande  qoestton  de  rkidépendftnce 
des  Etats,  Toilà  donc  la  question  démocratique  par  exeel- 
lence,  la  vraie  question  sociale,  le  terrain  sur  lequel  les 
whigs  et  les  démocrates  établiront  de  plus  en  plus  leur 
lutte  (1). 

Quel  homme  de  bon  sens  -voudrait,  en  Europe,  les 
mêmes  institutions ,  de  la  manière  la  plus  absolue ,  pour  le 
Portugal,  l'Espagne,  l'Italie  méridionale ,  Malte,  (a  Grâce, 
pays  si  peu  avancés  en  sicience,  en  morale  et  et)  retigten  : 
pour  la  haute  Italie,  la  France,  la  Belgiqoe ,  la  Hoh^ie. 
l'Allemagne  et  l'Angleterre  ;  puis  pour  la  Slevie  et  la  Tur- 
quie, qui  se  composent  d'éléments  si  hétérogènes.  La 
même  disparité  se  présente  ëous  d'autres  formes  et 
avec  d'autres  aspects,  aux  Etats-Unis,  entre  le  Nord,  le 
Sud ,  l'Est  et  l'Ouest.  Les  £tats  ne  sont  pas  des  départe- 
ments, mais  des  nations  à  des  degrés  divers  d'avancement 
intellectuel  et  moral. 

Il  faut  envisager  ces-  Etats  comme  des  communautés 
indépendantes  qui  ont  tout  intérêt  à  maintenir  cette  situa- 
tion au  sein  de  l'Union  Américaine.  Aujourd'hui  le  droit 
des  nations  a  plein  pouvoir  entre  eux,  excepté  dans  les  cas 
où  il  a  été  modifié  par  le  contrat  fédéral  que  l'on  nomme 
Constitution  des  Etats«-Unis. 

Malgré  cette  exception ,  les  Etats  possèdent  tous  les  droits 
dont  jouissent  des  nations  indépenaantes,  séparées  et  par- 
faitement  distinctes.  Ils  ont  aussi  leui*s  devoirs  particuliers  : 
de  là  leur  double  règle,  l'une  nationale,  l'autre  fédé- 
rale. 

A  l'époque  où  les  treize  colonies  amérieaiiies  se  sépa* 


(1)  Ainti  peutToa  dt  bm  amis,  M.  6reeo«  ancieii  officier  anéricaîA.  dcpô»  ■*- 

■istre  baptiste ,  homou  instniil,  penseur  profond  ^  dont  nous  iTons  use  bo^  kurt 
SMS  lel  yetii. 


JOC  S1È€LE.  881 

rèrent  de  la  Grande-Bretagne,  chacune  formait  un  Etat 
indépendant,  ehacnne  avait  sa  (Constitution  plus  ou  moins 
avancées  ehapuhe  était  Tembryou  d'une  nation ,  ce  germe 
qu'un  lien  originel,  véritable  cordon  ombilical,  rattachait 
à  l'Angleterre ,  la  mère-patrie-,  au  sein  de  Iftqoellfe  s'dpé- 
rait  leur  communion  quand  il  était  besoin  qu'elles  s'en- 
tendissent. Elles  ne  viraient  pas  encore '^e*  leur  vie  de 
nations  indépendantes,  mais  de  la  vie  de  lemr  mère,  la 
couronne  de  la  Grande-Bretagne. 

Le  lien  ombilical  ou  originel  rompu,  chaque  colonie  se 
trouva  séparée  et  absolument  maîtresse  d'elle-même-,  abso- 
lument  libre  en  son  individualité. 

La  nécessité  de  faire  face  aux  besoins  d'mie  défense 
commune  ayant  nécessité  un  lien  nouveau,  il  y  eut  ceci  de 
très-important  :  que  ce  furent  les  Etats  qui  créèrent  la 
conlédération  et  nullement  la  confédération  qui  créa  les 
Etats. 

En  France,  en  Espagne,  en  Angleterre,  c'est  le  pouvoir 
qui  a  créa  l'unité  nationale  par  la  réunion  des  individua- 
lités comrifiunates. 

La  même  chose  a  eu  et  aura  lieu  pour  chacun  âks  Etats 
passés  ou  nouveaux  de  l'Union  Américaine;  mais,  comifie 
pour  le  nouveau  monde,  ce  seront  les  nations  européennes 
qui  créeront  la  confédération  européenne.  Cette  marche  Je 
l'évolution  sociale  est  très-importante  et  doit  être  signalée  : 
elle  a  pour  conséquence  une  confédération  d'individualités 
libres ,  nullement  une  confiscation  des  individualités  natio- 
nales, selon  le  caprice  de  Tassoeiation  générale;  une 
communauté  d'êtres  libres,  mais  plus  ou  moins  moraux  et 
instruits,  nullement  une  communauté  d'individus  sociaux 
asservis  ou  hiérarchisés. 

Nous  démontrerons  ultérieurement  que  les  phases  di- 
verses de  l'évolution  embryonaire  de  l'humanité  sont  pa- 
rallèles aux  phases  diverses  de  l'embryon  de  l'homme. 
Pour  le  moment ,  nous  laisser(Mis  de  c6té  Torganogénésie 
sociale. 

La  première  confédération  américaine  n'était  qu'une 
simple  ligue  entre  nations  séparées  et  indépendantes  :  ce 
n'était  pas  encore  un  gouvernement  fédéral  ;  mais  la  cons- 


88S  PHILOSOPHIE 

titati^Q  a  créé  ce  gouveroemeol  fédéral  qui  lève  Ini-iDèine 
ses  impôts,  qni  fait  la  guerre  et  la  paix,  qui  règle  toutes 
les  relations  de  TUnion  avec  les  étrangers^  ei  toutes  les 
relations,  sauf  exceptions,  des  Etats  e&tre  eux. 

KemarquoDs  maintenant  la  logique  de  l'^esprit  huBiain  : 
la  constitution  des  Etats-Unis  a  été  adoptée  par  le  peuple 
entier  des  Etats-Unis,  do  la  itféme  tnaaière  que  kB^eonsli- 
tutions  originelles  des  Etats  ou  nations  avaient  été  adoptées 
partiellement  par  les  Etats  respectifs.  Téus  te  pays  o'a 
pas  agi  comme  une  seiile  nation  dans  eetl^  occufreûee; 
mais  une  convention  proposait  la  constitution  fédérale,  ti 
chaque  Etat  l'adoptait  sucoessiveaieiit.  —  Il  en  résulte 
qife  la  constitution  des  Etats^Uiib  est  en  réalité  une  por- 
tion de  la  constitution  de  chaque  fitat ,  Tanité  a*dbsorbaDt 
pas  la  multiplicité  et  n'étant  pas  absorbée.  —  En  9èmm, 
et  eeci  est  de  la  plus  haute  impoi^taàce  pour  tant  de 
Français  qui  se  diseilt  girondins  ou  jacobins,  unitairiem 
ou  lédéralistes ,  et  qui  ne  sont  les  uns  et  les  autres  que<ies 
attardés  de  9S:  la*  constitution  des  Etats^Jnis  fi'ipst  peint 
la  constitution  de  chaque  Etat ,  mais  de  tous  ;  et' elle  est  k 
constitution  de  tous,  parce  qu'elle  est  la  conslitutioo  de 
chtfoune  des  nations  de  l'Union  Américaine.  —  Les  parties 
ont. préexisté  au  tout:  ainsi  de  TEurope,  où  l'on  tvouTP 
aujourd'hui  les  royaumes  d'Angleterre,  de  France,  d'Espa* 
gne  i  de  Piémont,  de  Belgique,  de  Hollande,  la  République 
suisse^  la  Confédération  Germanique,  et  qui  sera  un  jour, 
sous  une  forme  ou  sous  Tautre,  la  Confédération  des  Etai^ 
européens ,  cette  unité  sociale  rêvée  par  Henry  IV. 

Dans  l'ancienne  Confédération  Américaine,  îl  y  anit 
souvent  conflit,  au  début,  entre  la  volonté  fédérale  et  h 
volonté  des  Etats.  On  voulut  éviter  les  occasions  de  conflit: 
do  là  f  la  constitution  qui  créa  un  gouvernement  fédéral 
agissant  directement  sur  les  citoyens  des  divers  Etats. 
Aujourd'hui,  ce  que  le  goweniement  fédéral  fait,  il  te  lait 
par  lui-même,  et  en  vertu  des  pouvoirs  que  chaque  Etal 
confédéré  lui  a  consentis  ;  il  n'a  besoin  de  l'aide  de  per- 
sonne,  de  l'avis  de  personne;  il  est  souverain  dans  sa 
sphère  :  ainsi  des  Etats.  Aussi  n'y  a-t-4l  pas  liett  à  que- 
relle ;  aussi  u'existe-t-il  point,  aux  Etats-Unis,  des  aoti- 


BU  siÊctB.  885 

imioïki^e^  et  des  unioni^es.  Tou(  ce  qui  a  été  éeiil  en 
Europe  ,  à  cette  occasion  ,  depuis  De  Maistre  jusqu'à 
Guizot,  par  les  wbigs,  est  com platement  erroné,  et  tend 
à  jeter  de  la  confusion  dms  les  esprits.  Il  est  d'ailleurs 
extrêmement  habile,  au  ppint.de  vue  de  ces. hommes 4|ui 
ont  pesé  si  dur  sur  TËuroper  de  lais^r  ignorer  à  Jbeurs 
concitoyens  qi^e  les  Etats-Unis  ont  ré^lu  r  w  grande  par- 
tie, rimpense  problème  du  oommunisine  0t.  de  Tindivi- 
dualisme,  oiu,  d^ns  cette  oecasioni,  de  l'unité  et  de  la 
noiritipliQité.égaienient  libres.et  ^ouvetf^ijo^s. 

En  oon$équenee  de  la  fatalité  des  ciffoenstanfies  histori- 
que, les  nations  des.  Etats-Unis  sont  une  confédération. 
Sajas  u<ie  conquête  dont  personne  ne  vi^ulait,  elles  napea- 
vaienti  étant  séparées  et  jouissailt  de  constitutions  distinctes 
appiH^iée$  à  leurs  croyances  et  à  l^ur&  mœm^,  s'unifier 
que  par  ui  eontcat.  D'un  autre  Qôté,  .et  pour  de  bonnes 
rai£^nsi  les  boipinea  wppéricains  .youlaienit  faiiKi^.  un  gour 
YOi^iewent  fédéral,  ce  qui  a  mis  m.  évidence  ce  .d«a- 
lis02e:  la  providence  et  i'ac^iou  humfHne^  deux  pouvoirs 
inégaux  qui  ont  essentiellement  leurs  parts  respectives' dans 
toutes  les  choses  de  ce  monde. 

Nos  leotaursdoivent  con^prendre;  maintenant  les  diSioiiltés 
américaines,  et  celles  qui  plus  tard  swgiront  en  Europe, 
oii  it  n'y  a,  à  cette  heure,  qu'un  pacte  tacite ,  la  sainte 
alliance,  trop  longtemps  invoquée,. n'existant  phis  ni  en 
droit  ni  en  fait. 

Ici  se  prâsente  une  grande  diflTieulté  : 

S'il  y  a  débat  entre  une  nation  et  la  Confédér alioa  sur 
l'interprétation  de  la  eonsttituUQQ  fédérale,  qui  en  sera 
juge? 

Yoîci  notre  réponse  :  la  eonstitution  a  été  acceptée  par 
des  individus  ooUeetjifs ,  libres  et  souverains;  dnnc  chacun 
est  juge  du  contrat,  en  ce  qui  le  concerne,  sans  quoi  des 
individualités  collectives  seraient  coctfiaquées  et  détruites 
dans  unç  portion  de  leur  être ,  dans  tout  ou  partie  de  leur 
liberté.  —  Remarquons*,  en  passant,  que  de  la  liberté 
d'un  Etat  à  la  liberté  de  ses  comomnes,  de  ses  familles, 
de  ses  citoyens,  il  n'y  a  quun  pas»  I^e  droit  des  Etats, 
c'est  donc  en  réalité  le  droit  des  communes ,  des  familles 


884  PHILOSOPHIE 

et  des  citoyens  :  il  est  donc  essentiellement   démocra- 
tique. 

Théologiens  par  habitude ,  les  hommes  d'Amérique 
disent  :  «  Le  créateur  est  supérieur  à  la  créature  ;  les 
Etats  créateurs  de  l'Union  sont  supérieure  à  leur  création, 
qui  est  l'Union  :  donc  les  tribunaux  de  l'Union  ne  peuveuî 
juger  un  Etat  qu'autant  que  cet  Etat  aurait  lui-méoji»^ 
accordé  le  pouvoir  de  le  juger.  » 

Les  fauteurs  de  Taristocratie  répondent  :  «  Si  les  tribu 
naux  fédéraux  ne  sont  pas  juges  aes  difficultés  entre  une 
nation  et  la  fédération ,  à  quoi  servent-ils ,  à  quoi  sonl-ils 
'bons?  La  fédération  n'est  rien  :  un  gouvernement  qui  peut 
toujours  être  enrayé  dans  sa  marche  n'est  pas  un  gouver- 
nement. »  * 

«  C'est  vrai,  répliquent  les  démocrates  des  Etats-Unis, 
mais  nous  ne  voulons  pas,  nous  n'avons  jamais  voulu  que 
le  pacte  fédéral  fut  créateur  d'un  gouvernement;  nom 
n'avons  entendu  créer  qu'une  admmistration  appliquée  à 
des  intérêts  collectifs.  Ne  sont-ce  pas  les  Etals  qui  ont  agi 
d'eux-mêmes  et  comme  souverains  dans  le  contrat  d'union? 
Chaque  Etat  a  été  libre  et  absolu  dans  l'exercice  de  sod 
droit  :  il  doit  donc  être  encore  libre  et  absolu  dans  l'inter- 
prétation de  ses  actes  passés.  » 

«  Erreur,  reprend  le  parti  fédéraliste  ou  aristocra- 
tique (nous  ne  disons  ni  unioniste ,  ni  unitaire ,  puisqu* 
les  deux  partis  sont  unionistes  et  unitaires),  il  y  a  une 
clause  dans  notre  contrat  social  qui  donne  pouvoir  aux  tri- 
bunaux des  Etats  unis  de  juger  dans  les  cas  de  controversi 
entre  l'Union  et  des  Etats  particnliers.  » 

Les  Etats  à  leur  tour,  ou  plutôt  les  hommes  de  la  démi»^ 
cratie  nient  cette  clause  de  la  manière  la  plus  formelle. 

Telle  e§t  la  position  d'un  débat  réellement  nécessaire 
dans  l'état  actuel  de  U  civilisation.  Quant  au  contrat  lui- 
même,  son  texte  est  assez  obscur  pour  que  nous  n'o- 
sions nous  prononcer.  Nous  allons  compléter  nos  eiplica- 
tions  par  un  exemple  :  Si  au  moyen-âge  l'Europe  avait 
formé  des  Etais-Unis^  la  fédération,  guidée  par  l'esprit  de 
Rome ,  eut  agi  à  l'égard  de  Galilée  comme  Ta  fait  Rome . 
sans  aucun  respect  pour  la  vérité  scientifique  dont  il  étaii 


DU  SIÈCLE.  885 

la  personnification ,  et  la  Hollande  n'eut  pu  offrir  un  refuge 
soit  à  Descartes,  soit  aux  autres  libres  penseurs  du  temps. 
L'odieux  d'une  pareille  conduite  a  son  pendant  au  sein  de 
rUrrion  Américaine,  dans  la  loi  des  esclaves  fugitifs,  in- 
constitutionnellemcnt  proposée  aux  Etats  par  la  fédération, 
en  violation  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  noble  et  de  plus  humain 
dans  notre  nature. 

Les  deux  partis  qui  naissent  d'une  semblable  situation 
ont  existé  aux  Etats-Unis  dès  les  premiers  jours  de  leur 
formation.  Le  premier,  à  tendances  gouvernementales  et 
communistes  au  point  de  vue  gouvernemental,  s'est  appelé 
successivement  parti  national,  parti  whig,  parti  de  Tunion. 
Le  second,  à  tendances  individualistes  et  dont  rexistcnce 
est  associée  à  celles  des  libertés  des  Etats,  s'est  appelé 
parti  républicain ,  parti  des  droits  des  Etats.  Le  premier 
correspondait,  dans  ses  aspirations  les  plus  élevées,  au 
saint-simonisme  ;  le  second,  au  fouriérisme.  L'un  et  Vautre 
ont  eu  souvent  raison  et  souvent  tort ,  quoique  en  défini- 
tive le  succès  du  parti  des  Etats  importe  singulièrement  à 
l'humanité. 

De  cette  question  de  principe  ,  passons  aux  consé- 
quences : 

Hamilton  est  l'un  des  premiers  hommes  d'Etat  qui  fee 
soient  distingués  dans  le  parti  whig.  Son  talent  de  plume 
et  de  parole  en  fît  rapidement  le  chef  véritable  du  parti 
centralisateur.  Officier  dans  la  guerre  de  la  révolution  et 
membre  de  l'élat-major  de  Washington ,  il  passait  pour  le 
rédacteur  de  cette  pièce  diplomatique  dans  laquelle  les  fé- 
déralistes exposèrent  la  position  politique  que  les  Etats- 
Unis  doivent  tenir  au  milieu  des  autres  gouvernements. 
Membre  de  cette  Convention  qui  a  proposé  la  constitution 
de  l'Union' Américaine ,  il  voulait,  ce  qui  était  logique  de 
sa  part ,  un  sénat  à  vie  et  im  président  à  vie  ;  il  voulait 
aussi  que  les  Etats  eussent  des  gouverneurs  fédéraux  ^ui 
pussent  opposer  leur  veto  dans  la  discussion  des  lois  : 
c'était  tout  simplement  demander  la  confiscation  de  la 
liberté  individuelle  au  profit  de  l'autocratie  gouvernemen- 
tale. Cette  conséauence  naturelle  de  son  opinion  ne  fut  j)as 
exposée  par  ses  adversaires,  mais  instinctivement  pressentie. 


886  raiLosopifiE 

Hamilton  se  relira  de  cette  Convention,  dégoûté  tlerininte!- 
ligetioe  de  ses  amis,  qui,  plus  républicains  qu«  hii,  ne  you- 
lurebtpas  le  suivre  jusqu'au  bout.  L'ennui  le  prit  cenendant 
d'être  à  l'écart  :  ilse  ravisa  et  devint  Vixn  des  plus  habiteset  des 
plus  fougueus  avocats  de  la  constitution  aetu^te!-4Se  con- 
trat, qui  donnait  au  gouvernement  une  puissaucefflimitée  en 
matière  de  guerre  et  d'impôt,  lui  paraissait  exwUént  par 
suite  sous  ce  point  de  vuequ'il  pouvait  devenir  la  soutoèd  un 
pouvoir  illimité  :  aussi  disait-il  que,  né  tWs^Riitlè,  le  j««- 
vemement  américain  trouv^ait ,  en  fonetionbant,  le  mojen 
d'arriver  à  êt^e  fort.  De&  détails  intimes  peignfeÉt  soorent 
les  hommes.  La  constitution  anglaise,  disait  un  jour  John 
Adams,  ramenée  à  son  principe  et  purgée  de  ses  éléoaenb 
de  corruption ,  est  la  plus  sage  que  Ton  puisse  imaginer. 
—  Erreur,  répliquait  itamilton  :  cette  constitution  ne  vau- 
drait rien  sans  les  moyens  de  corruption  dont  eUe  permet 
au  gouveraem^t  de  disposer.  ' 

La  constitution  des  États-Unis  adoptée  ^  Washington  fot 
élu  président  et  choisit  Hamilton  pour  mitdstre  des  finan- 
ces. Aussitôt  commença  la  Ititte.  Hamilton  fit  pencher  la 
balance  du  côté  de  son  parti  en  Taisant  du  |)ôuvpir  fédéral 
l'instrument  des  créanciers  du  gouvernement.  Bientôt  il 
eut  fortemeiit  attaqué  le^  droits  r^ervés  par  les  nations  qui 
devaient  conserver  leur  Indépendance  au  sein  de  TlSrion. 
Sur  sa  propre  responsabilité  et  malgré  la  loi ,  il  ordonna, 
comme  chef  du  trésor,  aux  directeurs  des  postes  et  auxre- 
ceveurs  des  douanes  de  recevoir  le  papier-m(»inaie  des 
banques  en  paiement  des  sommes  dues  au  goùv^nement. 
Ce  fait  grave  qui  ne  tendait  rien  moinfc  qu'à  créer  une  aris- 
tocratie financière ,  passait  presque  inaperçu ,  et  cependant 
il  avait  pour  résultat  de  créer  au  gouvernement  fédéral ,  par 
suite  d'une  véritable  corruption ,  de  puissants  appuis  parmi 
tous  les  intéressés  des  banques  des  Etats,  qui  se  trouvaient 
conduits  de  la  sorte  à  considérer  le  gouvernement  fédéral 
comme  leur  instrument.  (Des  faits  analogues  se  sont  passés 
en  France  sous  Louis-Philippe,  sur  une  plus  grande  écheBe.) 
Hamilton  cependant  n'était  pas  encore  satisfait;  il  lui  fallait 
une  corruption  organisée  :  aussi  proposa-t-il  une  banque 
soi*disant  nationale,  mais  réellement  aristocratique,  qai  eit 


DU  SlBChBp  887 

rattaphé  tous  ses  actionnaires  piur  leç  liens  directs  de  leur 
intérêt  au  pouvoir  central,  et,  pour  avoir  plus  d'aetionoai- 
res,  il  demandait  tout  d'abord  une  banque  au. capital  de 
cinquante  milUcMos.  Fort  bepreusement  ce  prof et  si  dange*- 
reu^  pour  Tassociation  encore. naissante  desnationsiattâri*- 
cainpsne  prévalul.pas,  f    • 

Qa  a  souvent  aoous^y  .en  Europe  ^  la  démooraiie  des 
Etatfi-rlJnis  d'être  ennemie  des  banques:  c'était  une  ^ave 
erreur,  souvent  ui|e  calomnii9«  hà,  démoi^ratie  a'a  jamais 
entendu  coiqbaUre  dan^  les  baaq^ies  que  leujra  Wdaaces 
aristOGratiq,ues  et  leur  oonstitiution  basée  ^ur  des  privi* 
légea. 

hes  fonctions  de  Washington  teroùnées»  les  fédéralistes 
triompjièrent  ds^s  tes  élections  par  la  nomination  de  John 
Ad^in^.  Soysoe. nouveau  président,  les  dboses  allèirent  vite, 
et  I4  Uberlté  fut  rudement  attaquée.  Adanis  fit  passer  une 
loi  qui  punissait  tous  les  détracteur^  dn  gauveraeiaent , 
mai^.il  fpt  accepté  que  les  avoeats  des  accusés  pourraient 
plaider  ia  vérité  de  leiirs  Assertions  :  aussi  cette  loi.futrelle 
plus  nuisible , qu'utile  aq^wbigsv  Une  autre  loi  pour  le  renr 
Yoi  de  rUnion.des  étrangers  répétés  dangereux ,  cootrihua 
encore  à  leur  faire  perdre  de  leur  popularité.  On  s'arrête 
peu  dans  cette  route  ;  Adams  feignit  de  vouloir  faire  la  guenre 
à  la  France,  mais  ç'étaiit  upiqueiuent  dans  le  but  d'obtenir 
une  armée  dont  il  se  serait  servi  pour  opprimer  ensuite  ses 
concitoyens.  Ce  n'était  plvv»  un  poiuvoir  corrupteur  que  ce* 
lui  de  son  gouvernement  ;  il  dépassait  les  voies  d'Hamilton 
et  devenait  tyrannique.  Cependant  oe  ne  fut  qu'à  grande 
peine  que  JefTerson  parvint  à  la  présidence,  tant  déjà  le 
pouvoir  fédéral  avait  gagné  de  terrain. 

Jeffersqn  ep,t  Tidole  des  démocrates  les  plus  avancés  des 
États*Unis.  Des  bcHQmes  de  grande  valeur,  tels  que  Green, 
n'hésitent  pas  à  dire  qu'il  avait  autant  de  génie  qu'Hamil- 
ton  avfiit  de  talent.  Les  victoires  des  whigs  avaient  été  si 
complètes ,  qu'il  était  difficile  de  comprendre  de  quelle  ma- 
nière jefferson  pourrait  en  diminuer  l'influence.  Ck>mment 
briser  le  lien  qqi  rattachait  le  gouvernement  central  aux 
banquiers,  le  soumettant  à  l'acceptation  d'un  papier-mou-* 
naie  aristocratique  et  nullement  social ,  lorsque  la  charte 


888  PHILOSOPHIE 

de  la  banque  des  États-Unis  avait  encore  plusieurs  ann^î  - 
k  courir?  Comment  réduire  les  dépenses;  comment  arrive: 
à  réconomie  en  présence  des  guerres  d'Europe ,  lorsque- 
rUnion  avait  tant  à  faire  pour  protéger  ses  citoyens  et  poai 
résoudre  les  questions  que  soulevaient  à  chaque  instant  >i 
marine ,  son  commerce ,  ses  exportations ,  l'honneur  et 
la' dignité  du  pavillon  national?  Dans  ces  circonstances  ditli 
oiles,  Jeiïerson  fut  toujours  à  la  hauteur  de  sa  situation  :  \â 
démocratie  eut  en  lui  un  homme  d'État. 

L'administration  Jefferson  était  terminée,  lorsque  h 
guerre  vînt  troubler  le  mouvement  politique  et  social  de- 
Etats-Unis.  Les  grands  principes  qui  avaient  divisé  le^ 
Américains  furent  alors  oubliés  en  présence  des  intérêts  «I^ 
la  patrie.  Les  guerres  sont  rarement  favorables  aux  tf»u- 
dances  démocratiques.  Après  leur  lutte ,  les  Etats-Unis  s^ 
trouvèrent  endettés  ;  les  capitaux  avaient  pris  la  dirctioû 
des  manufactures;  de  nouveaux  intérêts  se  manifestèrent, 
et  des  impôts  furent  perçus  sans  que  Ton  eut  égard  au  re- 
venu. Les  limites  du  contrat  social  furent  alors  dépassées; 
il  y  eut  abus  et  violation  des  droits.  Ces  impôts  servirent  à 
favoriser  des  intérêts  individuels ,  des  manufactures  domes- 
tiques, à  enrégimenter  de  nombreuses  cupidités  inda5- 
trielles.  L'Union,  à  cette  époque,  combla  la  mesure  en 
créant  des  droits  protecteurs  qui  s'élevèrent  pour  certaiiies 
marchandises  jusqu'à  moitié  de  leur  valeur:  exemple  fu- 
neste qu'elle  avait  reçu  de  l'Europe,  où  la  France  praiiquoiî 
si  largement  ce  système,  de  1820  à  1848,  au  profit  des  pro- 
jmétaires  de  terres  à  blé,  dos  éleveurs  de  bétail,  des  pro- 
priétaires de  forêts ,  des  maîtres  de  forges  el  des  autre 
grands  seigneurs  féodaux  du  sol  et  des  usines.  —  Toutefois 
l'Angleterre,  plus  habile,  faisait  déjà  des  efforts  dans  la 
direction  du  libre  échange  vers  lequel  la  France  a  fait 
plusieurs  pas  en  18S5.  La  corruption  qui  se  sentait  alors 
en  force  au  sein  de  l'Union,  essaya  d'un  dernier  moyen 
pour  augmenter  encore  son  influence.  Il  semblait  na- 
turel que  la  fédération  présidât  elle-même  aux  canaux, 
aux  routes  et  aux  autres  entreprises  d'intérêt  général; 
mais  à  peine  des  fonds  eurent-ils  été  dirigés  dans  cette 
voie,  que  tous  les  appétits  des  influences  gouvernemen- 


'5 


BU  SIBCUB.  889 

taies  s'empressèrent  d*en.dea)ax)der  l'emploi,. dod.  pas  sur 
les  lieux  convenables ,  maïs  sur  laurs  propriétés.  Alors ,  on 
acheta  ces  influences  par  la  corruption  >  et  on  le$  attacha 
au  gouvernement  fédéral  ^  cpinme  cela  se  pratiquait  en 
France  sous  le  dernier  règne. 

Deux  présidents  avaient  été  successivement  nommés 
par  les  démocrates:  l'un  d'^x^  soit  trahison,  soil  inin-» 
telligence,  créa  une  nouvelle  banque  des  Etats-Unis,  m 
capital  de  c«nt  soixante-quinze  millions,  et  retarda  la 
solution  des  difficultés  qui  pesaient  sur  sa  patrie. 

L'Union  réclame  une  banque  fédérale  comme  moyen  de 
circulation  du  crédit.  Mais  cette  banque  devra  posséder  un 
double  caractère  ainsi  que  la  constitution  fédérale.  Elle  sera 
générale  et  de  chaque  Etat ,  parce  qu'elle  sera  le  résultat 
de  l'association  des  banques  aes  Etats.  Celles-cî ,  en  deve^ 
nant  des  banques  de  crédit  et  de  garantie  mutuelle,  devien- 
dront un  moyen  d'abaisser  autant  qujs  possible  le  loyer 
des  capitaux  au  profit  de  tous  les  travailleurs.  Aiosi  peut 
être  résolu  démocratiquement,  pour  le  crédit  comme  pour 
l'administration ,  dont  il  est  l'une  d^s  branches ,  le  pro- 
blème d'une  excellente  organisation  sociale  des  Etats^-Unis  ; 
mais  combien  jusqu'à  ce  jour  ne  s'est-on  pa^  écarté  de 
cette  voie ,  soit  en  Europe ,  soit  au  sein  même  de  rUoion 
Américaine. 

Hadison ,  le  fondateur  de  la  nouvelle  banque,  eut  pour 
successeur  un  autre  démocrate;  celui-ci  fut  remplacé  par 
John  Quincy  Adams ,  dont  l'administration  fut  fédéraliste 
et  centralisatrice.  Après  œ  dernier  vint  Jackson;  ce  gêné* 
rai  avait  une  ardente  énergie,  une  volonté  de  fer  et  le 
plus  admirable  talent  pour  conquérir  la  popularité.  Il  n'était 
ni  théologien,  ni  savant,  ni  financier.  Sou  esprit  domina- 
teur eut  fait  de  lui,  en  Europe,  un  tyran  redoutable:  appelé 
au  service  de  la  démocratie,  il  fut  un  homme  d'Etat,  le 
héros  de  l'individualité  des  nations  unies. 

Jackson  raisonnait  peu,  constamment  il  agissait  d'ias-- 
tinct.  C'est  à  partir  de  lui  que  la  doctrine  des  républicains 
s'est  nettement  dessinée ,  et  que  la  liberté  des  nations  amé- 
ricaines a  pris  le  dessus  sur  les  tendances  communistes  du 
gouvernement  fédéral.  Il  apporta  dans  la  vie  civile  les  ta- 


890  PHILOSOPHIB 

lents  d'un  militairo  ^  la  défiis^eiede  l'ennemi  «  la  vivacité  de 
sesi  déeieions,  Taudacerqùi  étt^tine,  la  célérité  d>iéeution 
qui  préfietrt ,  et  cette  éaer|^ed*actiôn  qui  éssufè  le  ^ccès. 

Qtve  de  choses  à  faire  pour  obtehif  le  triomphe  de  la  dé- 
mocratie!!! briser  les  abus  delà  «eïitralisation  et  réduire 
le  gouvernement  à  ti'êtnft  phis  qu^ntie?  adUinfi^traHùti  pure 
et  simple;  — ^pafyer  la  dettë»cotistllaée;  —  ibeftire  fin  aux 
ÎBipfitsdits  protecteurs  du  trâValîl  attiéric^ain;  -^  couper  lc5 
liens  qi^  associaient  Tadraifiistràtion  fédérale  arott^anques. 
etc.,  etc.  .  .  » 

JackêOD  av^itété  unbrave^  tnilttsfiré  datl^  la  ikttaiUedf 
la  NoureUe-^Orléans;  il  fut  admirable  de  céunlgé  dvrl  dam 
sa  lutte  eôn^e  les  banqtres,  hilte  dont  les  saint-^momens 
et  les  doctrinaires  de  France  alors  unis  dans  la  personne 
d'ttn  homme  très^étoicw^oi ,  Ifichei  Chevalîeir  à  cette'  époque 
eii>  mission  auK  Etats-Unis,  n'ôftt  pas  rentihk  un  compte 

Etfifaiteûaent  exact ,  qiielqUe'  reu)ilkH^able  qii-il  ébit  de 
cidité:  Ce  fut  encore  sous  son  administration  que  fot 
payée  la  dette  publique.  -^  L'Eutt^pié^aretëMi  des  préten- 
dues i&enaces  de  séparation  qui  furent  faites  à  cette  épo- 
que, des)  a^tatieiis  de  la  Caroline  du  Sud  qui  refusait  de 
payer  les  droits  dits  protecteurs  du  travail  américain.  On  a 
parlé  de  donflits  inévitables  et  de  levées  de  troupes:  la 
vérité,  c'est  qu'une  transaction  toute  pacifique  a  eu  lieu 
sous  rinfluenoe  de  Jackson,  et  qu'elle  a  réservé^  avec  la 
phïs  grande  habileté  les  vérîtableis  intérêts  de  la  fédération 
et  la  complète  liberté  des  Etate.  Le  gouvernement  fédéral, 
dîfittit  l'Europe,  vient  de  rempcJrter  une  grande  victoire. 
C'était  une  en^eur:  son  amour^propre  était  sauvé,  mais  en 
réalité  c'était  le  pacte  républicain  qui*  triomphait. 

La  oorroplion  était  vaincue:  Jac^kson  la  renouvela  sous 
une  autre  forme.  A  son  tour.  Une  voulut  atoir  pour  agents 
du  pouvoir  fédéral  que  des  hommes  de  son  opinion. 

Ce  serait  une  faute  grave  de  croire  que  Jackson  et  ses 
partisane  aient  formulé  la  question  en  litige  cominè  nous 
la '{annulons  :  leur  métaphysique  n-étak  pas  assez  avancée. 
NoBS  l'a  vans  dit^  ils  agissaient  d'instinct;  mais  noos,  qui 
nous  donnons  la  mission  d'éclairer  l'avenir  à  la  luffliëredu 
I^asëé,  nous  devons  mettre  en  évidence  la  logique  ffiiation 


BU  SIÈGLB.  891 

des  faits.  La  pensée  qui  préoœupait  lacksoii  et  son  paiij , 
c'était  TorgaDisation  d'une  protectioa  fédérale  dénooralî- 
que  opposée  à  Moe  protection  fédérale  aristocro^tique.  U  j 
a  )à  une  erreur  que  nous  devons  signaler.  Leur  eorrop- 
tion  eut  pour  oaractèce  de  porter  atteinte  à  la  liberté  de 
conscience  des  fonctionnaii^es  publies ,  au  profit  des  intérêts 
du  plus  grand  nombre  (ce  qui  ne  la  légitimait  pas),  de 
même  que  la  corruption  organisée  par  Hamilton  avait  pour 
but  de  servir  des  intérêts  privilégiés,  ce  qui  la  rendait  en-t 
core  plus  coupable. 

Après  laçkson ,  Van-Buren ,  aiitre  démoeiate.  Celui-ci 
avait  une  vraie  tète  de  renard  «  et  le  peuple  4  appelait  le 
petit  magicien.  U  mil  au  service  de  sa  cause  les  moyens  de 
la  finesse  et  de  la  ruse. 

Harrissoa,  réactionnaire  {édéralisle  «  lui  succéda  et  okhi- 
rut  trop  vite  pour  rien  entreprendre.  Le  vice-présidenl  Joho 
Tyier  Le  remplaça.  Noinmé  par  les  fédéralistes,  il  ne  put 
transiger  avec  sâ  conscience  et  servit  loyalement  le»  inté- 
rêts généraux  au  détriment  des  intérêts  privilégiée*  Le  eon*- 
grès ,  aloi«  fédéraliste ,  faisait  une  première  loi  pour  la 
création  d'une  banque  nouvelle  :iTyler  y  of^posai^  soa  veto. 
Le  congrès  en  proposait  une  seconde  :  Tyler  s'y  oppo- 
sait encore.  Le  congrès  créait  des  droits  protecteurs  :  nour 
veau  veto  de  Tyler.  Le  congrès  améliorait  soh  ceuvre,  et  alors 
Tyler  qui  n'était  pas  un  entêté ,  mais  un  bonnête  bomme^ 
apposait  au  pied  de  cet  acte  son  approbatioui  Son  admi-* 
nistration  admît  cependant  en  principe  que  Ton  pouvait 
renouer  les  liens  qui  avaient  rattaché  le  pouvoir  fédéral  aux 
banques  privées  et  à  leur  papier-monnaie ,  mais  en  chan- 
geant les  bases  de  leurs  anciennes  relations. 

Polk ,  le  successeur  de  Tyler,  a  été  surnommé  par  le 
peuple  américain,  le  jeune  Jackson;  il  a  brisé  pour  long- 
temps ,  pour  toujours  peut*ètre ,  les  rapports  de  Tadminis*- 
tration  fédérale  avec  les  banques  privées*  Depuis  lui ,  per- 
sonne n'a  pu  payer  ses  dettes  en  papier-monnaie,  c'est-à- 
dire  que  personne  n'a  pu  se  faire  un  moyen  gouvernemental 
de  son  cnédit  privé  :  les  officias  des  douanes  sont  obligée 
de  garder  les  écus  du  trésor  dans  des  dépêts  fédéraux , 
et  il  est  défendu  de  les  confier  à  des  banquiers.  Cette 


893  PHILOSOPHJB 

victoire  conduira  nécessairement  quelque  jour  à  iubanpiei 
mutuelles  d'Etat  et  à  leur  centralisation  fédérale:  ainsi  la 
féodalité  du  crédit  sera  remplacée  par  la  démocratie  du 
crédit.  D'autres  grands  faits ,  la  lutte  avec  le  Mexique  et  h 
réforoM  des  droits  dits  protecîteuré  signalèrent  encore  l'ad- 
ministration de  Pokk. 

Taylor  qui  «se  disait  whig  et  fédéraliste ,  fut  élu  par 
tout  le  monde.  Personne  n'a  connu  au  juste  ses  vues  gou- 
veFuetaentales  :  beaucoup  d'hommes  politiques  doutent  sé- 
rieusement quHl  en  ait  jamais  eu.  Pendant  son  adminis- 
tration les  questions  changèrent  de  fece:  ne  ponrant  phis 
enrégimenter  les  grands  industriels  et  les  boursiers  ,  Vesprit 
de  privilège  vaincu  dans  l6  questioti  des  banques,  vaincu 
dans  la  question  des  droits  protecteurs,  yaincu  dans  la 
question  d'une  banque  centrale  aristocratique ,  se  retourna 
du  côté  des  possesseurs  d'esclaves.  Ceux-ci  avaient  tou^jours 
été  défenseurs  des  droits  des  Etats,  mais  ils  changerem 
subitement,  «t  ils  sont  aujourd'hui  le  boulevard  du  fédéra- 
lisme aristocratique.  Toutefois,  Taylor  qui  était  un  très- 
honnête  homme,  quoique  propriétaire  d'esclaves,  nerou- 
lut  entendre  à  aucune  injustice,  et  peut-être  les  ennuis 
que  les  propriétaires  d'esclaves  lui  ont  suscité  ont-ils  été  en 
partie  cause  de  sa  mort.  En  mourant,  il  laissa  le  pouvoir 
aux  mains  du  vice-président  Filmore ,  fédéraliste  peu  ca- 
pable. Homme  privé ,  Filmore  était  abolitioniste  ;  président, 
il  fit  passer  la  loi  des  esclaves  fugitifs  ,  qui  viole  les  plus 
saintes  règles  du  christianisme ,  cette  base  commune  de 
toutes  les  religions  américaines. 

Franck  Pierce ,  son  successeur,  est ,  au  dire  du  peuple 
américain ,  bon  démocrate  et  bon  enfant.  Il  serait  préférable 
qu'on  l'appelât  Jackson  III. 

La  lutte  passée  n'est  point  terminée ,  mais  transformée. 
Le  triomphe  des  démocrates  aura  pour  résultat  de  consacrer 
de  plus  en  plus  la  liberté  individuelle  et  la  liberté  des  com- 
munes ;  mais  il  devra  fusionner  celle  des  nations  dans  la 
grande  unité ,  sans  toutefois  la  détruire ,  c'est-à-dire  en 
aceoi^ant  àr  chacun  son  droit  :  aux  intérêts  généraux  la 
souveraineté  générale ,  aux  intérêts  communaux  la  souve- 
rainté  communale ,  aux  individus  leur  souveraineté  indivi- 


DU  SIÈCLE,  895 

duelle.  Cette  solution  »  peu  praticable  à  oelte  heure  en 
Europe*  où  la  démocratie,  dans  ses  impatiences,  ne  tient 
pas  assez  compte  de  Tignorance  et  de  la  misère ,  sera  beau* 
coup  plus  proaptement  possible  aux  Etats*Unis  sous  l'in- 
fluence du  progrès  delà  science,  qui  seule  pourra  résoudre 
les  difficultés  soeialos  léguées  par  les  siècles  passés. 

D^à  rUnion  Américaine  a  donné  Texemple  dans  les 
grandes  que3tiQn6  à  la  fois  industrielles  et  sociales  des  ba- 
teaux à  Yapeur ,  des  chemins  de  fer  et  des  télégraphes  élec- 
triques. Elle  s'agite  aujourd'hui  pour  enrichir  le  monde  de 
deux  grands  instruments ,  Tun  destiné  à  percer  Its  mont»* 
gnes ,  Tautre  à  remplacer  les  machines  à  vapeur.  Nous 
dirons  plus  loin  quelle  liberté  elle  accorde  aux  femmes  et  à 
la  réforme  de  Téducation. 

Telle  est  Tesquisse  d'une  véritable  histoire  physiologique 
de  rhumanité.  D'un  tronc  commun  sortent  deux  rameaux, 
l'un  ii^nou,  l'autre  ZBif]>r  dont  I^  dvitisations  deviennent 
comme  la  sève  de  toutes  les  civilisations  ultérieures. 

Chacune  de  ces  civilisations,  émanées  ou  dérivées,  a  pu 
subir  des  greffes  et  des  mélanges;  chacune  a  été  l'un  des 
foyers  d'iucubation  de  l'état  moderne;  chacune  a  eu  sa 
manière  de  comprendre  Dieu  ,  le  honbb  et  I'humanité. 

Une  véritable  histoire  universelle  reprendra  ces  diverses 
civilisations  pour  raconter  tous  les  détails  des  faits  orga- 
niques et  constitutifs  de  chacune  d'elles.  Elle  expliquera 
les  progrès,  elle  montrera  comment  ils  ont  marché,  tantôt 
sur  une  ligne,  tantôt  sur  plusieurs  Ugnes  parallèles  ou 
divergentes  ;  elle  signalera  les  temps  d'arrêt  et  les  arrêts 
de  développement.  Placée  à  ce  point  de  vue,  elle  pourra 
juger  avec  grandeur  les  révolutions  poiêionneÙes  et  les  ré- 
volutions iccnmniques  et  sociales  ;  elle  interrogera  les  der- 
nières années  de  la  vie  de  l'Europe  et  de  lAmérique.  — 
Qu'avez- vous  fait,  leur  dira-t-elle,  pour  la  science,  pour 
la  httérature  et  les  arts ,  pour  le  bien-être  de  tous ,  pour 
la  suppression  des  luttes  à  main  armée,  pour  la  production 
agricole,  industrielle  et  commerciale,  pour  la  circula- 
tion de  la  pensée ,  pour  celle  des  hommes  et  des  produits , 
pour  la  distribution  des  denrées ,  pour  leur  consommation, 

3S 


894  PHaosoPHiE 

pour  la  circulation  des  résidus,  pour  l'esclave,  le  paria, 
la  femme  et  le  travailleur,  pour  le  perfectionnement  du 
mariage  et  de  la  famille ,  pour  l'organisation  physiologique 
des  communes  et  des  Etats,  pour  les  progrès  de  l'éduca- 
tion? 

Les  faits  répondront  :  ils  sefront  ppsjtifs,  nuls  ou  négatifs. 

Nous  eussions  pu ,  avec  une  balance  aussi  exacte,  peser 
nous-mème  la  révolution  de  .1848,  les  luttes  de  la  Hon- 
grie, de  l'Italie,  de  l'Allemagne;  mais  nous  avons  servi, 
à  son  origine ,  la  révolution  de  1848 ,  et  la  république 
royaliste  de  cette  époque  nous  a  cruellement  persécuté: 
notre  appréciation,  «quoique  basée  sur  des  faits  positifs, 
pourrait  paraître  passionnée.  Il  est  si  réduit ,  si  restreint  le 
le  nombre  des  esprits  dégagés  des  préjugés  du  vieui 
monde  ! 

Toutefois,  pour  faciliter  la  puUicalion  d'une  iiîstoire 
universelle  à  ceux  qui  nous  suivront,  nous  présenterons 
imoiédiatement  nos  ooWhisions.  Notre  dernier  livre  sera 
l'esquisse  d'une  physiologie  sociale ,  seieoce  naissaiiie 
encore  imparfaite,  à  laquelle  nous  allons  essayer  de  faire 
accomplir  un  nouveau  progrès. 


DU  SIÈCLE.  895 


LIVRE  VIL 

CONCLUSIONS. 

3UfII4TDBB3  DB  l'hOMMB  ST  DE    L'HUMÀIYITÉ« 

Nous  avons  dit,  aux  six  livres  qui  précèdent,  la  philotophie 
de  notre  siècle  et  les  généralités  de  sa  seience  la  plus  éle- 
vée :  le  t^iel ,  notre  globe ,  les  substances  minérales ,  les  vies 
végétales  ,  animales  et  humaines  ont  subi  notre  analyse. 
Les  vies  sociales  n'ont-elles  pas  aussi  ce^mème  besoin  d'éco- 
nomie, de  ressort  que  partout  nous  retrouvons  dans  la  na- 
ture, et  que  nous  avons  signalé  dans  notre^quisse  historique 
comme  l'une  des  perfections  à  réaliser?  Notre  étude  serait 
complète  si  nous  pouvions  joindre  la  physiologie  sociale  aux 
autres  branches  du  grand  arbre  scientiiique.  Ce  magnifique 
rameau,  le  dernier  venu,  voilà  le  couronnement  de  l'œuvre. 

Notre  charpente  d'une  histoire  universelle  démontre.que 
les  lois  qui  gouvernent  tout  ce  qui  existe  tendent  sans  cesse 
à  émanciper  la  femme  et  le  travail,  à  rendre  le  mariage 
plus  égalitaire ,  à  organiser  les  grandes  communes  appelées 
Etats,  patries,  et  les  petites  communes  actuellement  con- 
nues sous  le  nom  de  cantons;  que  ce  résultat  sera  dû  aux 
progrès  de  l'individualité  humaine,  à  ceux  des  intérêts 
communautaires,  au  développement  de  la  polarité  hu- 
maine et  sociale,  au  sentiment  de  plus  en  plus  grand  de 
la  solidarité,  à  la  manifestation  chaque  jour  plus  émouvante 
de  la  circulation  sous  toutes  ses  formes,  soit  qu'elle  em- 

gloie  les  télégraphes  électriques ,  la  presse ,  les  chemins  de 
jr,  les  vapeurs,  les  navires  usuels,  soit  quelle  ait  recours 
à  la  hotte  du  chiffonnier  faisant  la  cueillette  des  résidus. 


896  PHaosoPHiE 

Cett^.  même  esquisse  qui  nous  montre  les  progrès  peral* 
lèles  de  la  littérature ,  des  sciences,  des  arts,  de  PtDdvstrîe, 
de  l'agriculture,  nous  démontre  encore  que  les  besoins 
physiques ,  intellectuels  et  moraux  des  hommes  sont  avant 
tout  les  mêmes  que  ceux  d*une  commune ,  d'une  fomiUe  , 
d'un  individu. 

En  tant  qu'individus  réunis ,  les  oollecticms  d'hommes 
ont  les  mêmes  nécessités  de  nourriture  ,  d'abri,  de  vête- 
ments que  des  individus  isolés;  de  là  les  mêmes  nécessités 
de  locomotion  et  de  travail  pour  y  satisfaire,  de  là  des  né- 
cessités bien  plus  grandes  encore  de  g^ste  et  de  parole 
pour  s'entendre,  de  prévoyance  pour  parer  aux  exigeanres 
du  lendemain ,  d'économie  de  ressort  pour  produire  le  plo5 
possible  avec  le  moins  possible  de  dépense,  d'économie 
industrielle  vis-à^is  des  agents  de  prodtwtion. 

Que  de  similitudes  entre  un  homme  et  des  hommes  ! 
Voyons  celles  qui  existent  entre  le  corps  humaine  m 
corps  social  quel  qu'il  soit? 

Lecteur,  que  l'étrange ,  que  rinaccoutumé  de  la  comj«- 
raisoft  qui  va  suivre  ne  te  fasse  pas  rejeter  ce  livre  avec 
dédaki  :  cette  comparaison  renferme  toute  la  physidope 
sociale;  elle  est  une  nouvelle  preuve  de  cette  vérité,  que  les 
idées  les  plus  simples  sont  celles  qui  nous  viennif^nt  d'habi- 
tude en  dernier  lieu. 

On  trouve  en  chacun  de  nous,  logée  au  cervean,  une  ad- 
ministration cérébrale  que  nous  avons  comparée  à  unpiaoo 
à  trois  octaves.  Cette  administration  ,  véritable  associatioD 
de  facultés  intellectuelles  d'ordres  différents ,  ne  pourrait- 
elle  être  un  modèle  pour  les  sociétés  an  sein  desqudies 
une  inintelligente  démocratie  appelle  souyent  l'ignorance  à 

{)ronon€er  sur  ce  qui  n'est  pas  de  son  ressort,  faisant  taire 
a  science  quand  elle  devrait  parler?  Ne  reçoil-elle  pasaris 
dirers  du  dedans  et  du  dehors  de  notre  économie ,  d'où  lai 
viennent  sensations  agréables  et  désagréaUes,  joies  et 
peines ,  plaisirs  et  douleurs ,  attractions  et  répuktons  ? 
Notre  machine  n'est^le  pas  un  modèle  pour  Tordre  et 
pour  l'économie  avec  laquelle  sont  utilisées  en  leur  ïm  e< 
selon  leurs  puissances  respectives;  toutes  les  forces  dont 
elle  dispose  :  économie ,  encore  si  peu  c(»nprise  au  sein 


M  SIÈGLB*  897 

deSDatkmg ,  quoique  partout  la  nature  nous  en  offre  mille 
exemjples  ? 

L*assoeiation  d'organes  qui  compose  l'être  humain  a  son 
conseil  de  délibération  en  permanence  :  son  administration 
cérébride  lui*  dicte  sa  volonté. 

On  trouve  encore  en  chacun  de  nous  des  travailleurs  de 
diwQvsgenresv  tels  que  bras  et  jambes.  Les  premiers  four- 
nissant à  l'assotbation  tout  ce  qui  peut  servir  à  ses  besoins 
et^notammeotleftsubstance^  alimentaires;  les  seconds  la 
voiturent  et  transportent  à  volonté  d'un  lieu  dans  un  autre* 
—  On  y  remarque  aussi  des  travailleurs  d'un  autre  ordre, 
tels  que  les  dents  «  la  langue ,  le  palais ,  les  amigdales  et 
autres,  vraift  ciùsiniers  chargés  de  transformer  les  aUmenls 
ea  un  fihyle  nuUitif  et  réparateur.    • 

Une  circulation  nerveuse»,  analogue  en  son  genre  à  la  cir- 
cuhHion  éleolrique,  une  véritable  télégraphie,  transmet  in- 
cessamment de  l'intérieur  et  de  l'extérieur,  à  l'administra- 
tion cérébrale,  une  foule  d'avis  selcm  ses  besoins,  et  reporte 
soitÀ  l'intérieur, soit  à  l'extérieur,  par  ordre  électro-cérébral, 
par  geste  ou  par  parole ,  la  volonté  du  grandi  conseil  des 
facultés  pensantes.  —  Cette  cireulation  électro  ou  nervo-- 
magnétique  est  un  bien  communal  ou  sociétaire  auquel 
participe  toute  l'économie. 

Une  circulation  de  sang  rouge  ou  nutritif,  autre  bien 
eomaaunal,  verse  la  vie  à  tous  les  organes. 

Les  détritus  sont .  recueillis  dans  une  double  série  de 
vaisseaux,  les  uns  lymphatiques,  les  autres  veineux,  troi- 
sième jouissance  commune  ou  communale  consacrée  à 
réconomie  toute  entière. 

Ces  oi^ane&  destinés  à  la  circulation ,  et  d'autres  encore, 
habitent  en  une  demeure  cutanée ,  matelassée  de  graisse  , 
el  soutenue  par  une  forte  charpente  osseuse,  demeure 
commune,  mais  au  sein  de  laquelle  chacun  possède  sa  de- 
meure individuelle  et  sa  spontanéité. 

Leur  réunion  forme  une  communauté  ou  association 
très-complète  en  son  genre ,  dans  laquelle  la  perfection  de 
la  vie  sociale  résulte  du  bon  état  des  vies  particuhères. 

Les  trois  circulations  qui  les  relient  sont  un  modèle  à 
imiter  dans  les  associations  humaines  pour  la  circulation 


898  PHIL080PHIB 

de  la  pensée ,  la  circulation  des  produits  à  consonuner  et 
des  détritus  ou  résidus  des  produits  consommés.  —  Lear 
séparation  consacre  teur  indépendance. 

Ainsi,  Ton  voit  beaucoup  d'êtres  en  un  seul,  beaucoup 
de  fonctions  en  une  seule  existence,  et  cependant,  è  fliftr- 
veille ,  Thomme ,  témoin  chaque  jour  des  admirables  phé- 
nomènes de  cette  vie  collective  qui  le  forme  et  le  compose 
lui-même,  ne  songe  aucunement  à  se  prendre  lui,  si  par- 
fait en  son  organisation,  pour  modèle  des  corps  sodain 
qu'il  voudrait  créer. 

Où  trouver  cependant  plus  admirable  assemblée  délibé- 
rante que  celle  des  facultés  siégeant  au  cerveau  ?  Où  ren- 
contrer des  circulations  plus  communautaires  et  plus  par- 
faites que  les  circulations  dont  les  nerfs ,  le  coBur ,  les 
artères ,  les  veines  et  les  lymphatiques  sont  le  siège  ;  et 
puis ,  comment  oublier  ces  corporations  de  reins ,  cb  foies, 
de  pancréas  ,  de  poumons  et  de  glandes  diverses^  toutes 
agglomérées  et  logées  les  un'es  à  côté  des  autres  en  des  w- 
ganes  collectifs  et  pairs  ou  dont  la  parité  se  modifie  par  le 
développement  général  de  Tindividu?  car  toute  glande, 
t^le  que  le  foie ,  se  compose  d'une  infinité  de  glandes  très- 
secondaires  ,  dont  chacune  réunit  son  action  à  celle  de  ses 
congénères.  —  N'est-ce  point  là  l'exemple  de  ce  qui  exis- 
tait au  moyen-Age ,  dans  nos  villes  qui  avaient  leurs 
rues  des  mégissiers,  des  bouchers,  des  taimeurs,  des  ser- 
ruriers ,  des  merciers  et  des  autres  corps  d'état  ? 

Si  la  rate ,  le  foie ,  le  pancréas ,  le  duodénum  et  l'estomac 
sont  si  rapprochés ,  n'est-ce  pas  en  signe  du  voisinage  né- 
cessaire des  organes  qui  sont  associés  pour  une  commune 
fonction?  Nos  industries  modernes  n'ont-eUes  pas  aussi  des 
rapports  nécessaires ,  des  relations  imposées  par  la  nature 
de  leurs  opérations?  Leur  solidarité  n'est-elle  pas  un  fait 
des  plus  saillants  dont  nous  trouvons 'encore  la  parité  au 
corps  dé  l'homme?  Quelle  perfection  dans  l'union  de  se5 
organes,  que  de  sympathies!  Quelle  perfection  dans  la  ré- 
tribution des  efforts  !  Tout  organe  au  repos  reçoit  un  mini- 
mum nécessaire  à  sa  nutrition  ;  tout  organe  en  activité 
reçoit  en  raison  directe  de  ses  besoins  justifiés  par  son  tra- 
vail, que  ce  travail  soit  productif  ou  improductif!  V^ 


DIT  SIÈCLE.  899 

d'eax  sooffre-t-il,  aossitAt  une  fièvre  générale  exprime  sa 
d<Hileur,  et  la  boiiehé  altérée  néclame ,  au  lieu  d'aliments 
substantiels,  une  boisson  rafraîchissante  pour  tempérer 
l'inflammation  -du  sociétaire  malade. 

L'égnorance  des  fonctions  de  l'homme  et  4e  leur  simili- 
tude, avec  le&  fonctions  sociales  est,,  vis^à-yis  de  laprovi- 
dfiDoe.,  une  accusation  d'ingratitude.  —  0 nature,  mystère 
divin ,  dont  la  poésie  entratoe^  dont  Tétude  soutient  et  con- 
sote4*Ame  affligée,  dont  les  grandes  lois  et  la  constance 
devraient  être  le  modèle  de  la  volonté  des  individus  et  des 
peuples ,  inspire-^ious  racdeur,  l'exaltation ,  l'audace  et  le 
calme  ^nécessaires  pcmr  arriver,  par  la  science  de  tes  œu* 
vreB^  à  consacrer  les  saintes  aspirations  des  cœurs  les  plus 
généreux. 

Essayons  de  pousser  plus  bin  cette  étude  de  physiologie 
sociale.  L'être  humain,  homme  ou  femme,  voilà  pour 
nous  l'atome ,  la  dernière  particule  sociale  ;  le  couple  hu- 
main, voilà  la  molécule  composée  et  reproductive.  Dans 
cette  combinaison  ou  association,  la  femme  a  plus  spéciale- 
ment la  mission  de  servir  l'humanité  dans  la  sphère  de  la 
famille  ;  mais  elle  est  l'un  des  éléments  d'un  composé  bi- 
nake  :  d'où  son  égalité  relative ,  d'où  son  droit  à  réclamer 
un  état  civil  qui  en  soit  la  consécration.  —  Les  pays  où 
le  mariagQ  vrai  n'existe  pas ,  où  cette  institution  se  pré- 
sente soit  comme  l'association  d'un  homqae  avec  plusieurs 
femmes ,  soit  comme  l'association  d'un  homme  avec  une 
servante ,  paralysent  par  ce  fait  injuste  une  grande  somme 
de  forces  intellectuelles  et  morales ,  et  sont  condamnés  à 
une  notable  infériorité.  -^  La  science  veut  que  le  mariage 
soit  un  fait  égalitaire  entre  deux  êtres  ayant  acquis  leur 
complet  dévetoppement ,  non-seulement  sous  le  rapport 
physique,  mais  aussi  sous  le  rapport  intellectuel  et  moral  : 
aoii  la  nécessité  ,  sur  laquelle  nous  ne  saurions  trop 
insister,  de  prolonger  les  enfances  le  plus  possible  et  de 
retarder  les  mariages. 

L'embrydogie  de  l'homme  a  trois  phases  :  dans  la  pre- 
mière, le  développement  porte  sur  le  cerveau  et  sur  le 


900  PHILOSOPHIE 

système  nerveux;  dans  la  seconde ,  sur  le  système  drcula- 
toire  ;  dans  la  troisième,  sur  les. organes. glandulaires  et  le 
tube  intestinal.  Ces  trois  phases ,  nous  les  obsenrons  dès 
aijyourd'hui  dans  le  dévelopipement  d^^  associations. 

La  première  s'effectue  dans  les  grandes  villes,  centres 
nerveux  de  Vhumaji^ité  v  où  se  forment  1^,  premjlèr^es  afiso- 
ciations^  .pù  ^e  manifestent  les  premiers  inAdwei^t^  d'^a- 
nisâtion,  où  se  fait  ^eçtir  bien  plus  qu'ailleurs  Iç  besoin  de 
la  télégraphie  électrique ,  de  vapeurs  rapides ,  de  commu' 
nicatipns  postale^,  incessantes  ;  où  la  quadruple  cicpulatioQ 
de  la  pensée,  des  hommes,  des  pivoduits  el  du  crédit 
commence  a  être  parfaitement  comprise»  comme  néoessi- 
tant  quatre  organes  sociaux  communautaires  d'un^  aussi 
grande  perfection  que  ceux  qui  servent  aux  circulatîoos  du 
corps  Jxumain. 

Une  ou  plusieurs  banques  centrales  des  associations  déjà 
créées  réaliseront  la  seconde  que  signalent  le  moo^pole 
des  capitalistes  et  nos  banques  privilégiées. 

La  troi^ème  aura  lieu  quand  rassociation  péoètrera 
dans  nos  campagnes  et  enveloppera  l'hnmanité  comme  la 
peau  enveloppe  les  organes  du  corps  humain. . 

Ce  triple  travail  terminé,  Thumanité  entrei?a  4<m5  la  se- 
conde  période  de  sa  vie  :  elle  formera  un  corps  unitaire  ayant 
sa  circulation  intellectuelle,  et  sa  eirculatiofi.des  produits , 

S)Our  rappropriation  du  globe  et  des  éléments  qu'il  peut 
ournir  ;  elle  aura  au  plus  haut  degré  de  développement  les 
organes  et  les  fonctions  qui  forment,  Tètre  humain,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  d'entrer  ici  dans  de  nouveaux  .  détails 
pour  le  démontrer.  Ainsi  constituée ,  elle  marchera  vers  la 
jeunesse  ;  ensuite  viendra  sa  virilité.  U  en  sera  d'elle 
comme  de  notre  système  solaire,  qui  oscille  autour  d'an  état 
moyen  ;  elle  jouira  d'une  vie  parfaite ,  réellement  indéfinie 
dans  sa  durée ,  sans  que  la  science  puisse  actuellement 
prévoir  ses  périodes,  la  forme  et  le  retour  des  séries  terres- 
tres qui  consacreront  sa  déchéance,  puis  sa  mort. 

Le  propre  de  la  vérité  absolue ,  c'est  de  conduire  à 
l'explication  de  tous  les  faits  dont  les  hypothèses  erronées 
ou  incomplètement  vraies  ne  peuvent  d(muer  l'interpré- 


]>U  SIÈCLE*  901 

talion.  Soumisô  à  cette  épreuve,  notre  manière  d'envisa- 
ger la  famille  suffit  à  expliquer  tout  ce  qui  concerne  Thu-- 
inanité. 

Une  agglomération  de' molécules  inorganiques  n'est  ni 
une  combinaison  chimîqae,  ni' un  cristal.  Une  aggloméra-^ 
tion  de  molécules  organiqiy^  n'est  ni  un  être  vivant,  ni 
iHème  -un  sm^e  organe.  Une  agglomération  de  molécules 
sociale» n^est  ni  une  famille,  ni  une  commune,  ni  une  so- 
ciété. 

Pour  qu'ily  ait  cristal,  organe,  famille  commune  ou  société 
commimauiaire,    il  faut  plus  qu'une  agglomération  :  il 
faut  un  rapprochement  qui  permette  aux  affinités  de  s'exer- 
cer.  Ainsi  s'explique  l'infériorité  actuelle,  dans  notre  France, 
de  toutes  les  communes  rurales  dans  lesquelles  11  n'existe 
que  des  rudiments  d'association,  représentés  par  les  bourgs 
et   les  villages:  delà  leur  état  vraiment  embryonaire, 
constaté  trop  souvent  par  des  conseils  municipaux  peu 
éclairés,  par  des  déYÔts  quelquefois  plus  idolâtres  que 
chrétiens,  par  l'absence  ou  l'insuffisance  des  instituteurs 
primaires  et  des  moyens  d'éducation ,  par  le  morcellement 
et  l'éloignement  des  habitations,  par  la  idiyiâon  parcellaire 
des  propriétés,  par  l-absenoe  de  banques  agricoles  et  de 
syndicats  ou  associations  pour  les  ventes  et  les  achats , 
pour  la  production  et  la  consommation,  pour  l'emploi  des 
machines  destinées  à  de  grandes  irrigations,  pour  la  ré- 
duction de  tous  les  frais  ^néraux  de  l'industrie  agricole , 
pour  la  suppression  de  la  concurrence  entre  fermiers  par 
la  location  de  toutes  les  terres  de  la  commune  au  nom 
d'une  commission  prise  dans  son  sein  et  chargée  de  la 
représenter  successivement  vis-à-vis  des  propriétaires  et 
vis-à-vis  des  fermiers ,  qui  deviendraient  tous,  de  la  sorte, 
les  fermiers  de  la  commusae,  devenue  à  son  tour  souve- 
raine dans  rexercice  de  son  agriculture  et  de  ses  indus- 
tries. 

Guidées  par  leurs  besoins  où  leurs  attractions  vers  des 
fonctions  diverses,  les  familles,  en  se  réunissant,  doivent 
naturellement  donner  lieu  à  des  communes  perfectionnées, 
chargées  aussi  dans  le  grand  atelier  social  de  fonctions  diffé- 
rentes ;  et  de  même  que  les  cristaux  ont  des  axes  qui 

3S* 


902  PHILOSOPHIE 

servent  à  les  classer,  les  communes  auront  toutes  un  axe , 
un  pivot,  une  dominante,  qui  permettront  de  les  rapporter 
à  de  grandes  séries ,  selon  qu'elles  seront  composées  [dus 
spécialement  de  laboureurs^  de  pêcheurs  ou  de  chasseors , 
de  mineurs,  d'industriels  ou  fabricants,  de- commerçants 
voituriers  par  terre  ou  par  eau^  ou  magasineurs,  de  sa- 
vantset  d'artistes.  Ces  types  primitifs,  en  se  combinant 
entre  eux ,  pourront  donner  naissance  à  un  nombre  infiai 
de  variétés. 

C'est  ainsi,  que  dans  le  mcmde  social  les  mêmes  lois  qui 
produisent  les  merveilleuses  variétés  des  mondes  miDéral 
et  organique  «  préserveront  l'espèce  humaine  de  la  monO'- 
tonie. 

L'homme  de  l'avenir  ayant  étudié  et  compris  les  fonc- 
tions harmoniques  ou  périodiques,  son  génie  en  fera  les 
plus  heureuses  applications.  Hais  je  passerais  pour  un  rê- 
veur si  je  disais  ici  ce  que  la  science  entrevoit  encore  à 
peine. 

Notre  point  de  vue,  excessivemaoït  fécond  parce  qu'il  est 
vrai,  pourrait  donner  naissance  à  mille  considérations  très- 
intéressantes  en.  histoire^  en  géographie  :  ce  serait  nous 
écarter  du  but  que  d'ouvrir  de  larges  parenthèses  pour  les 
exposer.  Revenons  à  notre  thème. 

Le  cerveau  nous  représente  Tintelligenee  de  llKHnme  :  if 
est  un  et  multiple  ;  il  reçoit  les  impressions  tant  internes 
qu'extecnes,  et  il  en  déduit  ces  conséquences  que  nous 
appelons  volontés.  Il  a  ses  organes  spéciaux  pour  les  spécia- 
lités; il  est  le  directeur  de  notre  éœnomie.  La  commune 
aussi  a  son  cerveau  représenté  par  toutes  ses  int^gences 
adultes  et  normales  qui  peuvent  et  doivent  se  partager  le 
travail  de  sa  direction ,  selon  leurs  capacités  diverses,  de 
manière  k  ne  former  qu'une  unité  dans  une  multiplicité. 
Dans  le  cerveau  de  l'homme  dominent  la  religi(^té,  la 
sociabilité ,  l'esprit  philosophique  et  l'esprit  artistiques , 
qualités  cardinales  que  la  république  des  intdligences 
communales  doit  avant  tout  prendre  pour  guides ,  de  ma- 
nière à  se  trouver  toujours  dans  la  direction  du  juste  et  du 
vrai,  en  religion,  en  socialisme,  en  philosophie  et  même 
en  esthétique  et  en  idéal. 


DU  siÈcts.  90S 

Soit  une  commune  composée  de  mille  intelligences 
adultes  et  normales  :  ces  intelligences  devront,  pour  s'orga- 
niser, se  partager  en  séries  eornaspondantes  aux  divers 
besoins  de  l'asaoeiation  ^  le  même  individu,  pour  des  inté- 
rêts spéciaux,  pouvant  conseiller,  délibérer,  voter,  agir 
même  dans  plusieurs  d'entre  elles.  Toutes  ces  séries  auront 
un  icentre  eommon  vers  lequtel  viendront  converger  et  se 
résMdre  les  intéi^Ms  moraux ,'  intellectuels  et  physiques  de 
l'association  et  les  difficultés  qu'ils  pourraient  faire  naître. 

La  eomm-cme,  par  suite  de  la  similitude  que  .nous  venons 
d'étabtîp,  aura  :  1*  sa-  chaire  de  morale  1«lif^etise  «où  sera 
prèchée  la  charité  comme  la  voulait  le  Ohrîst  ;  3"*  sa  mairie, 
où  seront  réglés  ses  intérêts  sociaux  ;  3**  ses  moyens  d'ins- 
truction-^élémentaire  et  philosophique  v^*" ^^  fêtes,  ses 
plaiéirs  destimés  à  semer  de  quelques  fleurs  le  sentier  de 
l'existence  aujourd'hui  si  triste  et  si  monotone. 

Ainsi  seront  représentées  dans  son  sein  les  facuItés^  qui 
donnent  à  l'homme  son  immense  supériorité  sur  les  autres 
animaux.  La  commune  vert^a  donc  naître  naturellement  du 
principe  même  de  son  institution  et  pour  ainsi  dire  sans 
frais  pour  elle,  tous  les  éléments  d'organisation  si  coûteux 
aujourd'hui,  quoiqu'ils^ soient  encore  rudimentaires  dans 
son  sein ,  tels  que  :  1"*  le  culte  ;  2^  l'administration  qui 
comprendra  les  faits  de  production ,  de  consommation  et 
la  justice;  S*  l'éducation  ;  4*  les  plaisirs  et  les  fêtes'.  Cette 
organisation  pourrait  commencer  dès  aujourd'hui  en  Eu-* 
rope  ;  mais  il  est  indispensable ,  si  l'on  veut  qu'elle  résiste 
aux  difficultés  de  son  développement,  que  chaque  commune 
soit ,  comme  Va  dit  M.  de  Girardin,  dans  s^gi  PolitiquB  Uni- 
venidiêi  à  Une  unité  sociale  absolue  résultant  d'une  asso- 
ciation contractée  entre  des  habitants  nés  ou  domiciliés  sur 
son  territoire,  à  l'eifet  d'y  jouir  coUeetivement  d'atantages 
qu'ils  ne  pourraient  se  procurer  individuellement,  et  de 
subvenir  aux  dépenses  obligatoires  on  facultatives,  telles 
qu'elles  résultent  de  son  budget  annuellement  présenté.  » 
De  là ,  par  suite ,  la  nécessité  que  chaque  commune  corres- 
ponde, pour.sa  population ,  aux  cantons  actuels  de  France  : 
ce  qui  n'exclut  pas  la  liberté  de  se  fractionner  ^n  sections 
ou  communes  secondaires.  Cette  manière  d'envisager  les 


904  PHItOSOPHK 

communes  oondint  à  recoanaltce  que  ohaonne  d'elles  peut 
et  doit  posséder,  eu  ua  pays  eûriliaé)  son  bilDeaa  des 
postes  »  son  receveur  des  eontribution» ,  sa  justice  de  paix , 
sa  bibliothèque^  seo  éeole  d'œfaace^  sas  écoles  d*ado- 
lescBDts,  son  entrepôt  oomai«aial  etdî:Teise&  a]ilties> mstitu- 
tion&inhéfent68>  à  sa  spécialité.  

Un  animal  .quelconque  se  développe  au  moyen  des  molé- 
euleus  organiqueis  que  lui  fournit  raUmentatioii^  LaowoflMnie 
se  continue  et  se  développe  à  son  tour  par  les  enfanls  ou 
moléeules  eoeiales  xpie'  lui  fournisseni  la  génétalioii'  et 
réduoajtiou.  De  là v  pour  elle,  la  nécessité  de  vaiUer  à  ^ 
propre  e^^istence  en  perfeotionnaot  ces  deuK  gt anda  iae- 
teurs  de  Têlre  humain. 

Celte  dooifine  n'aoeepte^  on  le  voit^  la  soavemAeté  de 
l'individu  que  dana  les  limites  posées  par  la  morale^  TMt 
homme  qui  s*y  conforme  est  souverain  dans  ses  «ctes  ; 
mais  la  liberié,  loin  d'êtro  illimiiée ,  se  troave  naUireUe- 
ment  bornéo  par  Taction  générale  des  facultés  qui  doiv^ui 
dirigiBr  les  masses  et  les  individus  dans  un  sens  et  dans  un 
ordre  de  faita  utiles  à  tous,  c'est-^-^dire  selon  le  plan  de 
la  nature.  C'est  là  ce  qui  fait  la  supériorité  do  notre-  cfite- 
rium  sur  celui  des  hommes  de  89  et  93 ,  qui  n'avaient  fait 
qu'entrevoir  les  vérités  démontrées  dansée  livre. 

Nos  molécules  organiques  sutMSsent  trois  pbases  :  elles 
entrent  en.  nous  et  deviennent  aptes  à  fonétionne»;  ellfê 
fonctionnent  et  sont  reprises  par  les  vaisseaux  absorbants, 
puis  rejetées  au  dehors  de  l'économie  qumd  leur  mission 
est  tenninée.  ««^Demôme,  dans  la  commune,  les  êtres 
naissent  et  reçoivent  de  l'éducation ,  puis  ils  travaiUettt. 
Cette  seoonde  période  terminée*,  vient  la  dédiéanee  par 
vieillesse  ou  par  infirmité,  puis  la  mort.  Nous  tmuvons 
donc  entre  ces  deux  moments  singuliers  de  la  vie  humaine 
appelés  naissance  et  mori,  l'éducation,  la  fonction  et  la 
retraite:  trois  phases  dans  chacune  desquelles  diaque 
homme  a  droit  à  l'appui  de  la  providence  sociale  tjfiii  se 
manifestera  sous  la  forme  d'assurance  universelle  contre 
l'ignorance  et  la  misère.  Ces  phases  seront  obligatoires 
pour  tous  les  individus  que  leurs  affinités  coÂduironl  aux 
travaux  réclamés  par  leurs  vocations. 


DU  SIÈCLE.  905 

La  vpoalîcm  ne  peut  s'enCendm  d'un  désir  |>li»  ou  moins 
vagu6>  plus  ou  moÎBs  ambitieiix^  f^sprimé  par  h  person- 
nalilé  huinœie,  mais  bien  d'um  tendaMe  ooiaiiifestée  par 
des  aiptilttdes  spéciales v<a(  légitiviée  Mx  y«W  de  tou^  par 
des  effiori&perséwémiits.et.fnietu^ 

Chaque  membre  de  la  commone  sera  préparé  par  elle 
au  IraTail;:  lons^,  hoiqoies  et  femmes*  receMroftt'  utie  édu- 
Catien  qai  tiendra  compte  de^  leur»  teudaneesy  de  leurs 
attivctiODs  y  de  lepr&aptitudes.  Tous,  pour -compléter  cette 
instffuctîoa  pieemière  seront  aidés  au  lyesomà  fâ^leur  torr 
du  mondey  et  pouironl  s^enrOler  dansi  un  compagnonnage 
nouveau  qui  ne  sera-plosleseoours  mutuel  el  le  fraternité 
parmi  des  ouvriers  français,  mais  le  travatlet  la  fraternité 
parmi  Uws  les  travaiUemrs  de  l'anoieiipet  du  nouveau  nïonde. 
Coiaduii  ainsi  à  la  porle  des  ateliers  artistiques ,  sdentifi- 
ques  ^  indueitriel&f  rhomme  y  fooetionnera  jusqu'à  Theure 
du  repos  où  ses  vieux  jours  seront  protégés  par  le  respect 
acquis  aiqoncd'hui  au- vétéran  blanchi  sous  les  armes'.  C'est 
de  la  sQite  que  la  commune  s'aesoeiera  h  l'immanilé  avec 
laquelle  elle  s'identifiera  chaque  jour  davantiage  par  le 
contact  des  étrangers  de  loate>s  les  races  et  de  tontes  les 
cootrées. 

Où  trouver,  direz-^vous,  dans  le  corps  eooial  lea  analogues 
de  ces  tuyaux  ai*tériels  et  v^neox ,  ei  de  cette  do^Ie 
pompe  aspirante  et  foulante  appelée  cœur,  qui  préside  à  la 
nutrition  en  produisant  la  circulaiion  au  sein  de  notre  éco- 
nomie. 

La  réponse  est  facile  :  la  circulation  sur  les  mers,  sur  led 
fleuves,  sur  les  chemins,  sur  les  routes  ferrées,  est  lana- 
logue  de  la  circulation  au  corps  de  rbomme.  CeHe^i  a  au 
cœur  quatre  entrepôts,  et  la  circulation  sociale  organise 
en  ce  moment  les  âens;  mais  elle  est  encore  imparfaite 
comme  dans  le  fœtus  humain ,  parce  que  l'humanité  n'est 
qu'un  embryon  véritable. 

Est-ce  que  la  production  ne  fournit  pas  déjà  passable- 
ment tout  ce  qu'il  faut  pour  suffire  aux  besoins  de  toutes 
les  parties  du  corps  social  ?  Est-ce  que  la  consofflma^k)n 
agi^nl  sur  toutes  les  parties  de  ce  corps  ne  fait  pas  le 
vide  devant  la  production  créant  ses  besoins  journalfers? 


906  PHILOSOPHIE       ' 

Ainsi ,  dans  notre  économie ,  le  cœur  droit  appelant  à  lui  le 
sang  qui  a  servi  à  la  nutrition  des  organes ,  fait  incessant- 
ment  le  vide  au-^devant  dé  cette  partie  de  la  èirculation 
qui  teur  apporte  le  sang  artériel  nutritif  ou  oiigéné. 

Les  communes  qui  n'auront  point ,  après  la  naissance  de 
rhumanité ,  d'agence  spéciale  de  la  production  et  de  la 
consommation,  ne  seraient  que  des  anomalies  ou  des  mons- 
truosités si  elles  n'étaient  des  embryons  susceptibles  de  se 
développer  encore.  Elles  ressembleraient  à  toujours,  dans 
Tordre  moral,  aux  animaux  qui  n'ont  qu'une  circulation 
très«*incomplète  si  elles  étaient  condamnées  au  Hatu  quo 
et  n'avaient  en  ellesnaiômes  le  germe  d'avenir  qu'elles 
pourront  évolver. 

Toute  commune  possédera  son  conseil,  sa  gérance  pour  la 
production  et  la  consommation ,  et  par  suite  ses  n^agasins , 
ses  ateliers  rapprochés  et  solidaires  les  uns  des  autres ,  dam 
lesquels  s'effectuera  le  travail. 

Maintenant ,  ne  me  demandez  pas  de  prévoir  d'une  ma- 
nière absolue  les  nombreuses  variétés  de  la  Commune.  Ne 
savez-vouspas  qu'elle  offre  un  certain  nombre  de  types 
distincts  et  que  ces  types  peuvent  se  modifier  à  Tinfini 
sous  l'influence  des  mille  caprices  de  la  liberté  humaine,  ou, 
si  vous  aimez  mieux ,  sous  la  direction  des  affinités  et  des 
attractions  de  notre  espèce.  Ne  vous  sufflt-il  pas  d'avoir  la 
certitude  que  les  grandes  lois  qui  la  dirigent  sont  les 
mêmes  que  celles  de  la  vie  ? 

Ne  voyez-vous  pas  chaque  jour  sous  vos  yeux  s'organiser 
le  cerveau  de  la  commune  qui ,  comme  celui  de  l'homme  , 
commence  par  quelques  parties  hypertrophiées  pour  se 
transformer  en  une  assemblée  délibéirante  des  organes  cé- 
rébraux? N'a-t^elle  pas  quelques  rudiments  de  circulation 
dans  ces  banques  agricoles  et  industrielles  qui  apparaissent 
çà  et  là ,  dans  ces  petites  associations  qui  se  forment  pour 
des  spécialités  et  qui  embrasseront  plus  tard  tous  les  faits 
de  production  et  de  consommation?  N'a-t-elle  pas  plus  que 
par  le  passé  le  besoin  de  la  liberté,  le  sentiment  de  Téga- 
lité ,  le  désir  de  la  fraternité? 

Nous  avons  signalé  le  développement  de  l'humanité 
comme  analogue  à  celui  de  l'homme  :  nous  eussions  pu 


DU  SIÈCLE.  907 

aller  très-loin  dans  nos  similitudes,  mais  nous  n'avons 
voulu  présenter  aucune  analogie  qui  eût  pu  paraître  forcée 
à  ceux  qui  n'ont  pas  fait  de  l'étude  l'ocoupation  de  toute 
leur  vie;  toutefois  il  en  est  de  trop  importantes  pour  que 
nous  les  passions  sous  silence. 

Il  existe  en  ce  monde  cinq  grandes  familles  spirituelles  : 
la  famille  brahmanique,  la  famille  bouddhiste,  la  famille 
chrétienne,  la  famille  musulmane  et  la  famille  scientifique  ; 
celie-ci  quoique  moins  nombreuse  que  les  autres ,  est  de 
nature  à  les  englober  le  jour  où  les  peujrfes  auront  cons- 
cience de  Yht/unœuiU ,  c'est-è-dire  d'une  association  scien- 
tifique supérieure  dans  ses  besoins ,  dans  ses  désirs ,  dans 
sa  volonté ,  à  tous  les  peuples  divers  qu'elle  renfermera 
dans  son  sein.  Ce  jour-là  l'état  embryonaire  actuel  aura 
cessé;  la  chrysalide  où  le  nouveau  monde  se  trouve  empri- 
sonné sera  brisée  ;  l'humanité  aura  paru. 

Alors  se  manifesteront  des  phénomènes  de  physiologie 
sociale  qu'il  est  facile  de  prévoir  ;  ils  seront  de  trois  sortes  : 
d'ordre  intellectuel ,  d'ordre  circulatoire ,  d'ordre  nuiritif; 
c'est-à-dire  qu'ils  correspondront  aux  trois  séries  du  déve- 
loppement de  l'embryon  humain. 

Dans  Tordre  intellectuel,  l'humanité  se  préoccupera 
d'une  langue  scientifique  consacrée  à  tous  les  peuples ,  de 
telle  sorte  qu'en  sadbant  cette  langue  et  sa  langue  mater- 
nelle ,  tout  homme  puisse  entrer  en  communion  avec  tous 
ses  frères ,  de  quelque  race ,  de  quelque  contrée  qu'ils 
soient.  L'unité  des  poids  et  mesures  sur  toute  la  terre  sera 
la  conséquence  de  cette  langue  dans  laquelle  seront  immé- 
diatement traduits  les  meilleurs  ouvrages  de  science ,  d'art 
et  d'industrie  de  toutes  les  contrées.  —  En  même  temps  il 
se  formera  une  association  entre  les  savants  pour  réaliser  les 
plus  grandes  études ,  et  avant  tout  la  statistique  véritable , 
c'est-à-dire  le  plan  cadastral  du  monde  entier  qui  compren- 
dra pour  chaque  pays  :  —  le  plan  cadastral  proprement 
dit,  la  géologie ,  la  minéralogie ,  la  botanique,  la  zoologie, 
le  résultat  des  observations  sur  1r  magnétisme  et  la  cha- 
leur, sur  la  mesure  des  montagnes ,  sur  les  sondages  des 
côtes  et  des  fleuves ,  sur  la  rapidité  des  cours  d'eaux  ,  sur 
les  lignes  créées  ou  possibles  de  navigation  intérieure ,  sur 


908  PHILOSOPHIE 

les  antiquités,  les  langues,  la  liltérature,  Tarchéologie  et 
le  génie  spécial  des  indigènes ,  sur  la  situation  et  ForgaDi- 
sation  des  travjïilteurà. 

La  télégraphie  électrique  n'erabtassera  point  qnelqaes 
Etats  seulement ,  mais  elle  reliefa  tous  les  points  importants 
du  globe. 

Alors  il  n'y  aura  plus  de  gouvernement  dans  te  sensqDc 
les  peuples  encore  au  maillot  peuvent  attacha  à  ce  mot, 
mais  la  planète  aura  un  conseil  général  d'admînistratios 
composé  peut-être  d'une  centaine  de  membres ,  choisis  par 
toutes  les  hâtions  et  chargés  par  elles  de  présider  à  Véïuû^ 
du  perfectionnement  dans  les  science»,  dans  les  arts  et  dans 
rindustrie.  Les  question»  générales  d^édlication  et  d'assiai- 
lalion  des  peuples,  de  propagande  scientifique  ;  les  armées 
industrielles  destinées  à  conquérir  h  l'humanité  de  grandes 
contrées,  à  créer  partout  la  salubrité  et  la  fertilité;  la  cou- 
pure des  grands  ithsmes,  les  lignes  générales  de  chemins 
de  fer,  les  puits  artésien*  destinés  à  rendre  à, la  fertilité  le? 
déserts  d'Afrique  et  d*Asie,  à  créer  aux  voyagenrs  des  nw- 
tes  sures  à  travers  les  sables  mouvants  ;  les  grandes  fignes 
télégi'aphiques  terrestres  et  sous-marines,  la  navigation 
aérienne;  les  fêtes  qui  auraient  pour  but  de  rassembler  en 
un  jour  donné,  sur  un  seul  point,  jusqu'à  un  milKon  d'étran 
gers  pour  communier  ensemble  en  vivant  de  la  même  vie: 
la  création  d'un  moniteur  et  d'un  annuaire  multiples  et 
universels,  quoique  variés  dans  leurs  détails,  imprimés  en 
quelque  sorte  le  même  jour  sur  toute  la  surface  de  la  terre; 
en  deui  mots  Tuniflcation  du  globe  et  de  ses  habitants . 
voilà  l'objet  des  travaux  du  conseil  planétaire. 

Dans  l'ordre  circulatoire ,  les  phénomènes  ne  seront  pas 
moins  importants,  car  notre  circulation  actuelle,  quelle  que 
soit  la  branche  que  Ton  étudiç ,  est  très-incomplète  ;  mais 
alors ,  sous  Tinfluence  de  la  paix ,  toutes  les  banques  de 
l'univers  seront  unitarisées  et  solidarisées ,  puis  associées  de 
manière  à  n'avoir  qu'un  seul  papier  qui  sera  la  monnaie 
du  crédit  dans  le  monde  entier  :  ainsi  reviendront  à  rin- 
dustrie  des  massQs  considérables  d'or  et  d'argent  monnayé. 
Tous  les  tarifs  de  douanes  seront  modifiés  et  progressive- 
ment annulés,  de  lûanière  à  créer  le  libre-échange.  La  fa- 


nu  si^tB.  909 

cilité  et  le  bas  prix  de  la  circulation  de  toutes  les  denrées 
sera  J'une  ^es  grandes  préoccupations  du  congrès  central  et 
de  tous  les  Etats  qui  s'occuperont  sans  cesse  de  réduire  les 
frais  de  transport.. Une  circi^^lation  mieux  entendue. des  ca- 

S'taux  et  de  toutes  les  valeurs  conduira  naturellement  à 
ire  de  tous  les  gouvernements  une  vaste  assurance  mu- 
tuelle contre  rignorance.i  l'absence  de  travail  et  les  kifir- 
mites  de  la  vieillesse*  La  perception  même  de  rimp6t  de- 
viendra Tua  des  rouages  du  crédit. 

Pans  Tordre  nutritif,  on  verxa  créer  de  nouveaux  organes 
des^in^  à  développer  et  équilibrer  la  {^oduction  et  la  con- 
sommation, afin.  siurtQut  d'améliorer  la  distribution  des 
produits.  Ces -OTiganes  ou  éléments  d'organes. seront  ici  des 
associations  de  production; ailleurs,  des  associations  de 
consommation.  Toutes  assjigneroat  évidemment  un  mini- 
mum aux  travailleurs  f  et  ce  sera  là  leur  point  de  contact  ; 
mais  chacune  marchera  d^ns  sa  liberté ,  car  il  faudra  bien 
des  années  avant  que  Ton  arrive  à  TappUcation  des  rè- 
gles, physiologiques.  Bien  d'autres  encore  s'écouleront 
avant  que  Tapplication  s'en  fasse  d'une  manière  usuelle; 
mais  ne  serait-il  pas  absurde  de  demander  que  le  blé  semé 
hier  donnât  dès  le  lendemain  au  laboureur  la  moisson 
sur  laquelle  il  devra  compter? 

Evidemment ,  nous  manquons  des  éléments  nécessaires 
pour  apprécier  la  durée  probable  de  cette  première  période 
de  l'emance  de  Thumanité,  pour  laquelle  la  France  elle- 
même  est  loin  d'être  sufiisamment  préparée  ;  mais  il  arri- 
vera dans  le  monde  moral  ce  qui  se  passe  journellement 
dans  le  monde  physique:  prenez  une  dissolution  saline 
très-concentrée ,  tout-à-fait  prête  à  la  cristallisation ,  et  il 
sui&ra  d'un  fil,  d'un  simple  mouvement  pour  que  la  masse 
se  cristallise.  Une  fois  le  monde  moral  saturé  de  l'idée  d'as- 
sociation jusqu'à  concentration  ^  il  suffira  aussi  d'im  fil , 
d'un  souffle  pour  que  la  masse  des  hommes  ou  molécules 
sociales  se  prenne  à  s'associer. 

Développez  les  éléments  du  progrès  de  ce  premier  ftge 
de  la  vie  ae  l'humanité ,  n'aurez-vous  pas  pour  seconde 
période  une  assurance  générale  plus  parfaite  contre  toutes 
les  misères  ?  le  minimum  des  salaire^  ne  sera-t-il  pas  plus 


910  PSILOSOPHIB 

élevé?  une  plus  grande  égalité  entre  toutes  les  classes  et 
tous  les  hommes  ne  serait-elle  pas  la  conséquence  da  dé- 
veloppement moral  et  intellectuel  de  tous  ? 

Comment  admettre  ces  améliorations  si  logiques  sans 
admettre  aussi  la  décroissance  progressive  de  l'influence  du 
capital?  Alors,  les  communes  auront  toutes  leurs  syndicats 
pour  la  pitKluction  et  la  consommation ,  les  ventes  et  les 
achats ,  pour  la  locatien  des  terres  et  leur  sous^Iocation  aux 
laboureurs  solidarisés;  quelqu«s-unes  rapprocheront  leurs 
habitations,  comme  dans  une  machine  que  l'on  veut  mvtttre 
en  mouvement  on  rapproche  et  met  en  contact  les  pièces 
mobiles  qui  servent  à  faire  engrener  leB  rouages  et  par 
suite  à  transmettre  à  toute  la  machine  rimpulskm  reçue 
par  un  premier  moteur. 

La  vie  sociale  étant  plus  élevée  que  les*  vies  minérales  et 
organiques  et  les  résumant ,  ne  saurait  s'arrêter  qu'après 
avoir  réalisé  son  idéal  qui  est  l'association  mtégrale.  EDe 
déterminera  donc  pendant  une  longue  période  d'anifées  des 
progrès  constants  dans  les  associations  :  aussi  kuporte-t-il 
que  tous  nos  oo-religiounaires  se  pénètrent  de  cette  vé- 
rité que  les  saints-simoniens ,  les  fouriéristes  et  les  îcariens 
n'ont  pas  suffisamment  sentie  ,  c'est  qu'il  7  aura  fatale- 
ment des  époques  transitoires  assez  prolongées  entre  ce  qui 
est  et  ce  qui  doit  être,  et  que  chacune  d'elles  engendrera 
des  progrès  nouveaux ,  de  telle  sorte  que  voulon»  immé- 
diatement réaliser  l'absolu  sur  une  grande  échelle  avec 
dos  éléments  imparfaits  tels  que  les  hommes  de  notre 
époque,  c'est  se  préparer  des  désillusions  certaines,  des 
insuccès  assurés. 

L'association  intégrale  sera  le  résultat  du  progrès  de  tous 
les  organismes  sociaux ,  de  la  même  manière  que  Thomme 
a  été  le  résultat  du  progrès  des  organismes  animaux.  La 
parité  est  absolue  :  (te  là  évidemment  une  loi  de  dévelc^pe- 
ments  par-dessus  laquelle  nos  désirs  et  nos  espérances  sau- 
tent trop  souvent  à  joints  pieds  ;  mais  il  sera  permis  à  l'action 
humaine ,  à  la  petite  providence  de  hâter  l'avenir  par  des 
associations  rudimentaires  et  surtout  par  l'éducation  des  gé- 
nérations qui  doivent  nous  succéder. 

Donner  à  tous  des»garanties  contre  la  misère  et  l'igno- 


DU  SIËCLB.  911 

rance,  déposer  partout  des  germes  d'aTenir  par  des  asso- 
ciations de  toutes  formes  et  de  toute  nature ,  voilà  le  mieux 
que  puisse  faire  iK)tre  temps  pour  préparer  les  phases  que 
nous  venws  de  décrire* 

De  grandes  familles  réunies  en  couvents  soumis  k 
des  règles  de  vie  très-diverses,  représenteront  par  leur 
action  Les  ocdres  monastiques  du  mojen-Âge ,  et  de  nou- 
veaux progrès  conduiront  l'humanité  à  une  phase  nouvelle 
caraotérisée  principalement  par  la  transformaticm  des  com- 
munes, agricoles.  Leurs  syndicats  auront  assez  d'influence 
pour  supprimer  la  culture  individuelle  et  le  morcellement 
des  habitations ,  que  remplaceront  partout  des  maisons  et 
une  cuUure.  sociétaires.  Chaque  commune  sera  physiologi- 
quement  organisée  d'après  un  type  scientifique  donné  par 
des  études  théoriques  et  pratiques  très^approfondies,  et  une 
éducation  perfectionnée  conduira  chaque  homme  à  travailler 
selon  ses  forces  au  bonheur  social. 

L'humanité  sera  arrivée  à  la  virilité  le  jour  où  tous  les 
peuples  seront  complètement  la^sociés  comme  le  sont^  dans 
l'écononûe  humaine,  les  organes  qui  la  constituent ,  c'est- 
à-dire  sans  que  cette  association  détruise  en  aucune  façon 
l'individualité  d'une  fonction  ou  d'un  organe ,  ni  même  celle 
des  molécules  organiques ,  de  telle  sorte  qu'il  y  ait  un 
équilibre  parfait  entre  les  intérêts  divers,  par  suite  de  cette 
combinaison  scientifique  dont  Saint-Simon  et  Fourier  ont 
eu  les  premiers  nettement  conscience,  chacun  se  trou- 
vant libre  et  indépendant  au  sein  de  la  communauté  géné- 
rale. 

Voilà  l'idéal ,  le  paradis  terrestre  que  les  analogies  de  la 
phyaiokogie  promettent  à  nos  neveux  ;  voilà  l'avenir  qui  dé- 
coule logiquement  de  la  croyance  à  la  vie  universelle ,  à 
une  providence  et  au  plan  providentiel  ;  voilà  l'avenir  qui 
sera  nécessité  par  la  cause  première  ou  nécessitante.  Le 
nier,  ce  serait  rejeter  toute  religion,  toute  science,  toute 
philosophie,  pour  accepter  le  hazard  et  le  néant  comme  rè- 
gle de  ce  qui  existe  ;  ce  serait  nier  les  transformations  suc- 
cessives de  l'embryologie  sociale,  ces  métamorphoses  si 
faciles  à  étudier  et  à  vérifier,  dont  l'histoire  nous  a  légué  le 
souvenir  et  que  les  Australiens,  les  Papouasiens ,  les  In- 


912  PHlUâOPHIB 

dous,  les  colonies  à  escla ve&,> la  Russie  »  TAngletene,  l'Â- 
mérique  et  la  France  nous  aïOQtrent  anoove  auyoïird'iiuî  à 
la  surface  du  globe,  ea  témoignage. des. procédés «mptoyés 
par  la  providence  pqur  réaliser  celte  .  bumanîté  que  verra 
naître  notre  siècle*  . 

Des  millions  de  créatures  humaines  ne  seront  pas  tou- 
jours consacrées,  comme  les  peuplades  de  Tonesi.de  la 
France,  à  passer  leur  vie  4ans  une  étioite  dramire  dont 
r&tre  occupe  une  moitié. ,  :  dpnt .  r^autre .  est  remplie  par  le 
porc  et  la  vache  \  pressés ,  le$.  japiAlb9urmix ,  par  le  proprié- 
taire qui  demande  sa  rente ,.  par  TElat  qui  rédai&eirMii- 
p&t,  et  sachant  tout  juste  des  félicités  , de  L'^cisteDee  qye 
vivre  c'est  ne  pas  mourir. 

Ne  songeons  à. détruire  aucun  des  éléments  actuels  -d'or- 
ganisation :  tous  ont  leur,  fonction  à  iKempUr.  Traosfer- 
mons-lcs^  élevons-les  à  la  hauteur  de  leurf61eu  L'église 
catholique ,  lors  de  ses  conquêtes,  ne  détroisa^it  pas  les 
temples  des  païens;  elle  le^, consacrait  an  Dieu  irîvani. 
Voilà  la  grande  politique  que  la  science  physiolo^ae  doit 
inaugurer  pour  conquérir  le  monde  «  œuvre  imm^se  qui  est 
fatale,  nécessaire,  mais  .qui  ne  seJEéraque  confenDément 
aux  lois  éternelles  de  la  nature. 

Le  rapprochement  et  la  fusion  des  hahitalionsy  si  peu 
compris  par  beaucoup  d'hommes  mâme  trà^émineals , 
permettront  seuls  à  la  commune  rurale  d'avoir,  comme  la 
commune  urbaine ,  des  écoles  d*enfance ,  des  écoles  d*adiH 
lescents,  un  cabinet  de  lecture;  puis  de  supprimer  le  mor- 
cellement des  écuries  en  les  remplaçant  par  des  écuries 
consacrées  aux  spécialités.  Seul,  oe  rapprochement  per« 
mettra  d'utiliser  au  mieux  les  engrais  et  les  irrigations , 
d'avoir  des  magasins  appropriés  et  consta«unent  scHgnés 
pour  l'arrimage  et  la  bonne  conservation  des  Ués^  des  ra- 
cines ,  des  fourrages,  des  boissons  et  des  autres  produits  ; 
seul  encore  il  permettra  de  faire  mieux  partout  avec  de 
grandes  économies  de  main-d'œuvre ,  d'employer  dans  Tin- 
térêt  de  tous  les  machines  si  redoutables  aujourd'hui  pour 
le  travailleur  par  la  rude  çoncurrenoe  qu'elles  lui  font ,  et 
d'arriver  par  leur  secours  à  une  réduction  dans  les  frais  de 
production  qui  paraîtrait  aujourd'hui  tout-à-fait  &tmleuse , 


BU  SIÈ€L1S.  913 

si  on  cherchait  à  rappréeier.  Ainsi  seront  ménagées  les  tran- 
sitions entre  Fétat  actuel  et  i'avenir. 

De  ce  rapprochement  naîtront  anssi  une  éducation  bien 

S his -complète,  radoucissement  des  mœurs  et  une  notable 
iminution  dans  la  mortalité  des  hommes  et  des  animaux 
eui'-mèmés ,  qui  recevront  dès  le  début  de  leurs  maladies 
et  les  premiers  soins  et  les  médicaments  les  plus  convena- 
bles. Lecteurs ,  entendez-le  bien ,  la  rente  du  capital  ne 
dîsparattra  point  parla  guerre  des  armes,  mats  j)ar  la  paix, 
par  le  dérteloppement  de  toutes  les  facultés  sociales,  par  la 
concurrence  émulatrice  des  associations  et  souvent  même 
par  un  véritable  rachat. 

La  Jacquerie  n'a  point  émancipé  les  communes  ;  elles  se- 
raieirt  encore  en  servitude  si  elte  ne  s'étaient  affranchies  à 
beaux  deniers  comptants  et  par  l'évolution  de  leur  indivi- 
dualité. Ce  n'est  qu  après  s'être  substituée  i  titre  de  fer- 
mier, à  tons  les  fermiers  qu'elle  renferme ,  pour  remplacer 
le  fermier  vis-à-vis  du  propriétaire  et  le  propriétaire  vis-à- 
vis  d»  fermier,  que  la  commune  pourra  terminer  Vœuvre 
de  son  organisation.  De  là,  pour  elle,  et  la  possibilité  de 
fêtes  rurales,  et  la  variété  dans  ses  travaux,  et  l'attrait  des 
ateliers,  et  ces  joies,  ces  plaisirs,  ces  bonheurs  indicibles 
qui  nous  paraissent  un  rêve.  Alors  plus  de  paupérisme  et 
plus  de  prostitution  ;  plus  de  ces  filles  jeunes  et  belles  que 
rignorance  et  la  misère  conduisent  à  quitter  les  champs 
poar  venir  au  sein  des  grandes  villes  trafiquer  de  leurs  corps 
et  souiller  leur  âme  à  toutes  les  ordures  morales  que  Ton  y 
rencontre;  plus  de  riches  oisifs  séduisant  la  femme  ou  la 
fille  du  voisin ,  plus  d'enfants  scrofuleux  ou  rachitiques  : 
partout  des  mères  au  teint  frais,  une  population  saine  de 
ccBor  et  d'esprit,  forte,  vigpureuse  et  capable  des  plus 
grandes  choses. 

Il  y  aura  peut-être  des  communes  qui  n'arriveront  pas  à 
leur  parfait  développement,  mais  ces  cas  seront  exception- 
nels* Eludiez  les  monstruosités  humaines  et  vous  pourrez 
facilement  vous  rendre  coQ>pte  des  monstruosités  sociales 
que  l'état  de  choses  actuel  peut  préparer  à  l'avenir.  • 

Les  maisons  d'ouvriers  nous  sont  au  sein  des  villes  un 


914  PHILOSOPHIE 

moyen  de  transition  du  présent  yers  un  état  proehain  ;  ell^ 
créeront  la  liberté  par  la  communauté.  Pour  le  prix  de  sa 
location  actuelle ,  l'ouvrier  y  trouvera  trois  pièces  au  lien 
d'une  ou  de  deux  petites,  et  il  pourra  jouir  des  commu- 
nautés suivantes ,  qui  ajouteront  singulièrement  à  son  indé- 
pendiGfnce  : 

Grande  et  belle  cour , 

Jardin , 

Serre  pour  les  petits  enfants, 

Salle  d'enfance. 

Ecoles  professionnelles , 

Bibliothèque, 

Atelier  de  travail  des  hommes , 

Atelier  de  travail  des  femmes , 

Salle  de  fêtes  et  de  plaisirs , 

Lavoir  à  eau  chaude , 

Eau  gratuite , 

Economie  de  chauffage  et  d'éclairage , 

Bon  marché  de  toutes  les  denrées  de  première  nécessité. 

Ces  établissements  mettront  en  contact  direct  la  prodnr- 
tion  et  la  consommation ,  de  manière  h  supprimer  tout  pa- 
rasitisme ;  ils  sont  la  meilleure  formule  de  transition  pacifi- 
que, et,  dans  les  pays  vierges  comme  TAmérique,  ih 
comportent  une  foule  de  compléments  immédiats. 

Cette  transition  ne  sera  pas  la  seule  :  mieun  pénétrés 
qu'aujourd'hui  des  vérités  enseignées  par  la  science ,  les 
habitants  des  grandes  villes  voudront  réaliser  à  leur  profit, 
les  avantages  que  présente  l'association. 

On  commence  par  établir  une  boulangerie  sociétaire. 
Six  mois ,  un  aq  s'écoulent  à  peine  :  si  cette  affaire  est 
loyalement  conduite  ,  si  elle  n'est  pas  entravée  par  l'auto- 
rité, que  tout  le  monde  est  désireux  d'avoir  pour  le  même 
Srix  du  pain  de  qualité  supérieure,  préparé  avec  propreté, 
'un  goût  parfait  et  sensiblement  plus  nutritif.  La  boDlao- 
gerie  fait  bientôt  sentir  aux  associa  le  besoin  d'une  meu- 
nerie. Ces  deux  entreprises  con(tuisent  directement  à  créer 
un  vaste  entrepôt  de  grains,  chose  excellente  pour  les 
citadins,  qu'elle  garantit  contre  l'agiotage  et  les  fraudes 
des  marchands  de  blés  ;  institution  plus  utile  encore  aox 


BU  8IÈCLB.  915 

laboureurs  auxquels  elle  fournit  un  grenier  très-peu  dis- 
pendieux ,  des  ventes  assurées  et  l'escompte  de  leurs  pro- 
duits sans  usure. 

Delaboulangerie  Ton  passe* naturellement  à  la  boucherie, 
qui  si  souvent  trompe  et  vend  à  faux  poids  par  suite  de  la 
concurrence;  à  Tépicerie,  qui  fraude  tout,  le  poivre,  te 
sel,  les  épices  ,  qui  met  de  la  fécule  dans  le  chocolat,  qui 
dénature  toutes  les  substances  dont  nous  faisons  usage  ; 
pnist^n  arrive  tout  doucement  et  progressivement,  soit  par 
te  rachat  direct,  soit  par  les  autres  voies  transitoires,  k  la 
suppression  de  toutes  les  superfétatîons ,  de  tous  les  para- 
sitismes;  et  la  ville  ne  forme  bientôt  qu'une  masse  de 
consommateurs,  associés  pour  se  procurer  à  bas  prix  et  le 
mieux  possible,  la  nourriture,  les  vêtements  et  l'abri. 
Mais  dans  le  corps  social ,  comme  dans  le  corps  humain , 
tout  est  solidaire  ;  aussi  bien  le  système  de  l'association 
est-il  de  nature  à  tout  faire  rentrer  dans  l'ordre.  Où  il  y 
avait  cent  boulangeries  faisant  de  mauvais  pain,  ne  don- 
nant jamais  le  poids,  vendant  des  mélanges  de  riz,  de  maïs, 
de  fèves  et  de  féveroUes  pour  du  pur  froment ,  mettant 
même  par  fois,  dans  le  pain  du  peuple,  du  sulfate  de 
cuivre  pour  le  blanchir,  de  la  magnésie  pour  le  faire  lever, 
de  l'argile  blanche  pour  lui  donner  du  poids,  du  sel  de 
morue  ou  de  sardine  par  une  sordide  économie ,  cinq  bou- 
langeries sociétaires  suffiront  à  faire  mieux  et  à  meilleur 
marché. 

Ainsi  pour  les  boissons,  pour  la  viande,  pour  l'épicerie  : 
de  telle  sorte  que  nos  enfonts  n'auront  pas  à  retirer  des 
campagnes  les  bras  dont  elles  ont  besoin ,  pour  les  appeler 
à  faire  du  parasitisme  dans  les  villes. 

L'association  de  ces  établissements  nouveaux  leur 
donnera  une  invincible  puissance  et  créera  cette  solidarité 
.  dont  on  parle  tant ,  ce  crédit  gratuit  ou  presque  gratuit  qui 
a  l'air  d  une  fable ,  ces  banques  nouvelles  qui  semblent  un 
conte  des  Mille  et  une  Nuits ,  tout  comme,  à  l'enfant  qui 
s'organise  au  sein  de  sa  mère ,  la  vie  dont  il  va  jouir  pa- 
raîtrait tout  d'abord  le  plus  étonnant,  le  plus  irréalisable 
des  rêves,  si  sa  faible  mtelligence  avait  la  force  de  s'en 
occuper.  Alors  aura  lieu ,  en  économie  sociale ,  ce  grand 


916  PHILOSOPHIE 

fait  du  balancement  des  organes,  découvert  pour  l'économie 
animale  par  le  vénéré  Saint-Hilaire.  Nul  besoin  d'efforts 
d'imagination  pour  modeler  chaque  ville  à  l'instar  de  celles 
qui  auront  commencé  les  premières  :  l'économie  sociale, 
tout  aussi  bien  que  l'économie  animale,  ne  peut  s'écarter 
de  l'unité  de  plan. 

Donnez  des  loisirs  et  du  bien-être  à  nos  populations  labo- 
rieuses ,  et  vous  les  conduirez  naturellement  à  cultiver  leur 
esprit.  Alors  seront  agités ,  non  plus  entre  quelques  pnvilé- 
giés  de  l'intelligence,  non  plus  entre  quelques  savants, 
mais  réellement  entre  tous  les  hommes,  les  questions  les 
plus  élevées  d'histoire ,  de  science  et  de  philosophie  :  tous 
demanderont  à  connaître  la  nature.  L'humanité  ne  voudra 
plus  se  payer  d'explications  vagues  et  métaphysiques.  Sa 
poésie  deviendra  le  rêve  des  intelligences  élevées  sur  les 
harmonies  des  mondes ,  la  peinture  des  drames  sociaux  du 
passé,  le  chant  des  espérances  de  l'avenir.  Sa  religion, 
plus  puissante  que  le  létichisme  ou  que  la  contemplaticHi 
panthéistique ,  plus  complète  que  la  vie  purement  spiri- 
tuelle des  Ames,  sera  le  lien  des  peuples  grandis  et  le 
reflet  de  cette  solidarité  qui  existe  entre  tous  les  éléments 
de  notre  globe,  de  cette  circulation  qui  résulte  de  leur 
existence ,  de  cette  association  grandiose  qui  emploie  cha- 

[ue  être  en  son  temps  et  dans  son  lieu  selon  les  besoins 

e  la  vie  universelle  de  la  nature. 


î 


Nous  pourrions  nous  arrêter  ici  et  regarder  notre  tAche 
comme  terminée  ;  toutefois  nous  croyons  utile  de  démon- 
trer encore  : 

l""  Que  la  science  est  le  moyen  d'une  civilisation  uni- 
verselle ; 

3^  Qu'elle  saura  créer  une  littérature  toute  nouvelle  et 
très-différente  des  littératures  du  passé  ; 

5*  Comment  l'éducation  civile  communale  peut  et  doit  se 
combiner  avec  l'éducation  individuelle. 


Bn  SIÈCLE.  917 

LA  SCIENCE  EST  LE  MOYEN  d'uNE  CONCILIATION 
UNIVERSELLE. 

La  science ,  c'est  le  salut  :  tout  est  de  son  domaine.  Ses 
investigations  pénètrent  dans  les  profondeurs  du  ciel, 
dans  les  entrailles  du  globe,  et  partout  elles  interrogent 
les  puissances  (jui  produisent  la  vie. 

Elle  a  terminé  dans  ce  siècle,  non  point  son  œuvre, 
mais  le  plan  d'ensemble  de  ses  études ,  en  rattachant  les 
ordres  intellectuel  et  moral  à  la  physiologie. 

Elle  transforme  l'éducation  de  la  jeunesse  en  dévoilant  à 
ses  yeux  les  mystères  et  les  beautés  de  la  nature. 

Au  jeune  homme ,  elle  trace  sa  voie  par  ces  grandes 
paroles  de  Manuel  :  «  Que  l'idéal  soit  toujours  le  but  et  la 
règle  de  votre  vie  :  l'idéal,  pour  un  noble  cœur,  ce  n'est 
ni  les  honneurs ,  ni  la  fortune ,  mais  l'ordre  des  cieux  sur 
la  terre.  » 

Elle  dicte  aux  races  privilégiées  par  l'usage  d'une  plus 
vieille  civilisation,  leurs  devoirs  fraternels  vis-à-vis  des 
races  encore  dans  l'enfance. 

Elle  promet  au  travailleur  de  l'affranchir  par  ses  progrès 
économiques  et  thecnologiques ,  administratifs  et  surtout 
chimiques  ;  car  elle  veut  verser  à  vil  prix ,  sur  le  globe , 
des  torrents  d'électricité,  de  lumière,  de  chaleur  et  de  force 
motrice ,  pour  venir  en  aide  à  ses  efforts. 

Elle  annonce  une  conciliation  facile  entre  le  travail  et  le 
capital,  entre  les  producteurs  dé  tous  les  pays,  entre  l'in- 
dividualisme, le  morcellement,  la  spontanéité,  la  liberté, 
d'une  part,  et  le  communisme,  l'autorité  autocratique  ou 
collective ,  de  l'autre. 

Elle  promet  la  cessation  de  la  guerre  sous  toutes  ses 
formes ,  d'immenses  progrès  en  agriculture ,  en  commerce, 
et  la  transformation  ae  toutes  les  industries  répugnantes  ou 
insalubres. 

Elle  appelle  la  femme  à  une  vie  nouvelle,  pleine  de 

39 


918  PHflLOSOPHtB 

gloire  et  d'amour.  Si  elle  abandonne  les  nymphes ,  les  sjl- 
phydes  et  Minerve  elle-même ,  cette  déesse  de  la  raison, 
studieuse  et  eotiservatrice ,  c'est  pour  les  remplacer  partout 
par  des  femnes  grandies  par  le  savoir. 

Elle  évoque  l'ombre  d'Hypathie,  et  sème  sa  cendre  pour 
qu'eu  tout  lieu  elle  renaisse ,  comme  à  Alexandrie ,  belle  à 
tertlr  de  beauté,  de  savoir  et  de  vertu. 

'Auï'jodrs  de  souffrance,  la  science  console  l\aie  hu- 
mSâine. 

•Wle  rélève  singulièrement  par  Tétûde,  cette  piriirt  des 
fetts ,  par  la  connaissance  de  la  nature  et  de  «es  lois  éter- 
nelles i  cette  jff dete  puissante  qui  rend  meilleur  et  qui 
sanctifie. 

^  Elle  établit  entre  tous  les  hommes  instniits  de  toutes  les 
contrées  des  rapports  basés  sur  la  vérité. 

Non^setiletûent  ^lle' relie  les  hoînames  entre  ^ûx,  mais 
elle  les  relie  aussi  à  la  nature ,  au  gratfd  infini ,'  au  tnystère 
iinivered....,'SDieu. 

'Si  j'ajoute  'que  W  ^ience  est  «me  incessante  rëttSIation 
d^ë'toerf'eilles  du  monde ,  j'aurai  prouvé  en  qtielqnes  mots 
quelle  est  nu  lien  puissant;  qu'elle  rattache  tbut  fee  qrii 
existe,  qu'elle  est  même  une  catholteîté  véritable. 
'  'lly^ii  pte',  ia  àcience  c*eirt  la  conciliktiotf  terrestre: 
l'i^téé  produit  lèfalt,  et  la  science  crée  la  paix  au  sein  des 

Méëfe.  '■    • ■    ■  '     ■ 

j  fi  ëtiste;  *  la  surface  <lu  globe  ^quîBitre  grandes  féS- 
gions,  divisées  chacune  en  un  grand  nombre  de  refigiois 
seèorid\9îrès  et  de  sectes i ftsavolï- : 

^liebriihmanismé',  > 

-tebouddhisûie,  •    •      '         ....... 

^i^L'ifehrttfitoiè,'^      •    '       •  '  .      '   ''    * 

Le  christianisme.  '^   " 

•  La  soiebdè  a  rembïfté  jusque  «dà^îa  niâH^ës-â^,  am 
sources  primitives  de  ces  fleuves  inteHectûôk  rt  môraiii 
«utqueîs  s-^ubrfeùvent  lé^^yeuplés  ;  elle  a  gignriê^feùr^  Voies, 
indiqué  leurs  cours  et  leur  avenir.  •*    •    -  ; 

' ^E»è vt><idrait  éhtreleftiifelîgiob*,  éèrtir»bj^'^;r<*tênir 
aussi' entre  leè  hommes ,  paixet  cottciBalioti;  è^t)du^r  réali- 
ser cette  espérabcé  de  bonheiïr,  elle  ne  teuJrdèknànâe  que 


W5  SIÈCLE.  919 

d'appliquer,  ddm  tous  leurs  séasinaîres,  cette  pensée  d'Ori 
^e.  Je  plus  grand  de&  docteurs  chrétieDS  d'Ale!xandrie  : 
Mieux  savoir  pour  mitux  croire ,  d'Origène  qui,  coflame  Va 
si  bien  démontré  Jean  Reynaud^  voulait,  au  sein  Aq  la 
théologie  cbrétiemia,  la  oommimion  de  tous  les  cultes- et 
de  toutes  les  croyajsces  humaines. 

Aujourd'hui  les  mille  prêtres  les  plus  éminents  des  quatre 
grandes  religions. qui  cpayrent  le  monde  n'ont  aucun  Ken 
commun.  Quelles  espérances  ne  serait-il  pas  permis  d^ 
concevoir. s'ils  étaient  rattachés  les  uns  a«ix  autres  par  'une 
même  croyance  sur  les  mondes',  sur  la  géulogie,  sur  la 
géqgraphie  du  glo^,  sur  les  espèces  minérales,  végétales 
et  animales ,  sur  la  variété  et  la  spécialité  dés  espèces  hu- 
maines, ^UT  les. besoins  4e  l'humanité  et  les  moyens  que 
la  proYidenôe;  cette  ensemble  des  lois  de  la  nature,  a  mis 
entre  no^mains  pour  laîre  de  notre  planète  un  paradis 
terres/re^  un  J^deiiyéritabl^. 

Cette  pensée  d'une  fusion  universelle  par  la  si^Qcet 
qtt'Ong.è»e  «Qul^t  réatiaer  an  sein  du  christianisme ,  se  re- 
trouve ^U  fond  de  toutes  les  religions  :  toutes  Tont  expri- 
mée à  leur  ivranière,  et  toujours  elle  a  été  le  rêve  des 
cœurs  les  plus  gépéreui;.  ' 

L'jntlexihle  Manoii ,.  le  révélateur  des  Iojb  appropriées  :au 
régipae  de^\casted,.ce  Vtom  de  la  religion  de  Br^thmia, 
donne  toujours  celui  qui  wit,  fut-il  pauvre  et  enfant,  pour 
sup^ri^qr.  à^ Vigm^riimt ,  -queUe  que  soH  sa'  f<;^rtiuae  qu  :^n 

i^   '.      '.::'^:      !■..:/. 

Zôroastre,  le  sublime  i?évéla^ur  de  la  croyance  des 
liages,  préconise  sans  cesse  le  savoir  :  il  le  voulait ipartont, 
même  au  foyer  domestique,  même  chez  )a  featime,  h  la- 
quelle il  ouvrait  les  fonctions  sacerdotales  réservées  aux 
hommes  seuls  par  le  brahmanisme. 

L^^fijMTjt^f^tCJ^f^de^  re- 

trouve d^i  ce  fra^PfKh^  Moïse  Maimonides,  le  plus 

doQt^^^.sfSjp^in^,.  à)  l'oocAsifOp  des  copditions  qui  font 
les  prophètes  :  '.,      „    .    :    . 

<vtJ|i,<fc^2ijug[^^ii9PfP^  la fi^tapeecér^rale  possède  ?^e 
»  pem^x\of^  epoM^o^np^yavec  le  tempérament  et  les 
»  autres  organes ,  si  cet  homme  se  livre  avec  ardeur  à 


930  PHILQSePHiE 

»  réiude,  si  ses  peosâes  tendent  toiqocirs  vers  ee  qui  est 
u  ,honiaiète  etncbie^  ver?  ridéal,  mu  doiiile  qu'il  ne  de- 
»  ;  vienne  un. .  prophète ,  nul  idoyte  qu'il  •  n'acquicrre  cette 
»i  habitude  4«s  srûenoes,  cet  amour  iideh9rcheur  du  vrai, 
»  qui  a  poup  but  l'uiilité  générale' des  hommesi  Jiftis  il  y 
»  :j)  des  degrés  parsûd  les  prophètes  ^'  parte  qu^il  y  «  trois 
»  qualités  indispensables  pour  l'être  et  qu'elles  ne  se  trou- 
»  vent  pas  é^aleoient  cbez  tous  les  tommes;'  ces  trois 
»  qualités^  qu'il  eonvîeiidrait  d'appder  perfections ,  soAt: 

,;»  Jba  puissance  philosophique  d«ns  l'étude; 

•  ))  La  puisaanca  d'imagination  reçue  dp  la  nature  ; 

^  La  puissance  miprale  acquise  par  la  culture  de  ses  qua- 
»  lités^peraoAnellesÀ  i^:(Ho8e  Reboukin),- purs  II,  cap. 
XXXVI,  page.393.  «Buitorf.  16S9.) 

La  religion  de  l'Egypte  n'avait  point  rintôlérén»  qu'on 
lui  a  mippos^i  Bessanbtuaûres  souarraiônt^aàx  -sagies  de 
tous  1^8 )pQjs«  qui  ea<sa¥aient'ménterrwtrie,  <  ' 

;  iHei^s  aux  Dieux  inunortels  le  cubet  obnsacrég  :-disait 
Sy tbagorB  dana  ses iteisdorés.  Biaisa  ettfphil8so{A|e4pii  voulait 
qve  chMtue  ipays:  eut  son  oulte spécial  dérivéide  s»  position 
géographique  ^  de  ^esi  trachtitms ,  dé  ses  babitodes,  voulait 
au-dessus  fda  ce  culte  une  croyance  re|ig|ifeu8b  toute  sdea* 
ti&qpj^  éludai  suite  éminemment progmssiTe.  h  > '  :  i  i 
'  iLes  [druides  oui  pr&tns&  des- Goides^  doibt  la  dactrise 
était  jsi  jappiKichée  de  eallesdes  pythjffgorteieiiB,'D'aeeep> 
isisai  au  ;pluî  'haw(| .  de^.  de  l'édieilejsoeialev  ^est-à^*-dir« 
à  la  directieii  deftihommeset  de^jGhas^ridigieapsér^^e 
lesfesfrits  IfS  plps^élevés  ^encore  demaoidaîeÀt-ito^ttffls  se 
luâsent  préparés,  à  leuit  mission  paras*  9rdBrie»jétttdti!(  pfav- 
fiÛQilogiqueSi  m  '.  •  :  -.  .i.  •,.  '-•-'a  <.  >  ^  •  •  .  juM-jt.  i-u- 
,  •I4ouaiaTôQsdîit:qaell8^élaitr^i^^ 
tiiinismei^  la  pensée' d'ûingàne ',4 au'début^dui^ifOgpefr^tge, 
nous  VoyiensicégsiN^'ë  Aoffiemnpape  qui.atanftèoii5Mrisa 
jeunesse  à  rétudierllà  8(Henx%  iihet  les  Mfilqmi  dlE^gne  et 
que  saa.^iècla  avait' Yoeltf^j)oa»$aivFe  et  eoudiâatte>ièomffiê 

sorcier.  ^    .^        :v>;    '     .  4    ;a^.^fc^UîJ  ^W^  r  i. 

Voici  maintenant  ce  que  nous  déclare,  par  l'un  des  disci- 
ples de  Mahomet,  cette  religion  du  prophète  d'Arabie  si 
souvent  accusée  d'intolérance  : 


B0  9dM3IB.  921 

«  Quiconque  enseigne  la  scmice  fait  l'attinâiie  à  l*igno- 
»  rant  ;  quiconque  la  possède  acquiert  Tamitié  et  la  bien- 
»  Teillanœ.  Par  la  science ,  on  distingue  oe  qui  est  juste  do 
»  ce  qui  est  injuste  ;  eilîa  est  la  lumière  sur  le  chemin 
»  du  paradis,  une  C(Hifldente  dans  le  désert,  une  eompâgne 
»  dans  la  solitudcv  un  guide  fidèledansle  bonheur  et  dans 
»  le  n^lheuf . 

»  EUe  est  le  reuiède  des  -eoBurs  contre  la  uiort  de  Tigno^ 
»  ranc^^  le  luminaire  des  jeux  dans  la  nuit  de  Finjustice. 
»  C'est  par  la  science  que  des  esclaves  sont  parreaus  aux 
0  plus  hauts  degrés  de^  la  félicité  terrestre  et  céleste. 
»  L'étude  de.  la  scienoeiremiplace  le  jcMhie  :  sa  pfopaga- 
»  tîoa  remplace  la  prière  ;  elle  inspire  au  noble  des  seilti*- 
»  ments  plus  élevés  ;  elle  introduit  ladoucétir  dans  le  émiiv 
»  du  méchante  »  ' 

Juger  de  l'espdt  des  hommesieligieur  des  quatre  grandes 
religions  et  de  leurs  anoexes.  par  "le&nioîus  instruits^'  c'est 
mal. juger. t  s-adreâser  à  leur  insaffisonoêest  une  grctùde 
faute  V  oonpter  sur  eiiXf  ce  serait  se  tromperjMaisil  est 
permis  de  croire  quis  les  p|as  éolainés  envisageraient  feonve^ 
nablemeot:  cette  grande  question*  s'ik  venaient  i  en  être 
saisis^  etiqa'ils^oompreDdnaieot,  eo  Tétûdiant,  b  possibilité 
d  une  religion  vraiment  universelle.  Alot^  il8'-sént»aieiit 
qu'il  eb  est  des* choses  de4'<aveiHr,  qtii>  ne  sMt  4![ue  lies 
utopies  ppair  les  ignomnjts,  eomln»  decertAines  nébuleuses 
jugéea^  trèst- loiigteiDaps  iitéductibles  et  qoe  de  forts  grossis^ 
seneuts f>arvieiinent  cependant  i  réso^re;    ^  >'  •  -  ■    ' 

déjà  leii  piust  dévoués  des  lehrétienis^qupbiikeâiivaas'; 
quel(^&ièoolltfi^peut'^âtr^i  demandent  la  science -soq 
puissant  appui  ;  mais  ce  n'est  là  que  l'indice  d^tm  besom 
quir  ta  (SB  km  ^  f^'  ^^  fà^  sêéUtl  Aiotiqfaies^bralïDieiles, 
bofioes'iisjifsiiques,  ioiaiis»  guerriers  v'etveo»^  l^steurs  des 
égljsa»4e  Christ,  il'beofe. s'approche  d'âne  humanité  nou^ 
velle;» f^teëk  baptinér^  iTos  fiteefei isos  âÙes  dotis  les  saintes 
eauijduL'MifûiNiM  iis'tvivnmii  •lia'soenoe/csillapflrole  de 
Dieu  '.  elle  est  la  vie^  l'onde  qui  désaliére. 


922  PHJLOSOPHIB 


DE  IX  UTTÉ&ÀIUaB  J>%  HlOiZ  SCIBrïTIFiQUE. 


On  rétrécit  singuliàremeat  d'habitude  la  que&tioD  litté- 
raire. Nou3  allons  la  poser  comme. elle  d^  Vètre  i.acâeaUfi- 
quement ,  c'est-à-dire  philosophiquement. 

I^a  parole  est  le  résulat  de  rorganisatioQ  hjumaiae.    , 

Le  rapprochement  d'un  certain  D0iQhr6.de  faoïiUos  Vélève 
eo  puissance  :  il  en  fait  une  langue. 

Appliquée  k  une  civilisation ,  la  lan^nQ  cpi  ex^inaie  ses 
pensées,  ses  aspirations,  ses  sentiments  inUioes  et  ses 
connaissances  «  porte  le  nom  de  littérature,  . 

En  allant  au  fond  des  ^choses ,  on  trouye  que  lu  pein- 
ture, qui  représente  le  monde  4^h^ti{  et  subjectif  ;  que  h 
sculpture,  si  intime  en  ses  conildenees  artistiques^  que 
r^ircmteQture,.  qui  écril  sur  le  scd»  en  monwQ^fits.  durcies, 
noacroyam^esrçjigilQuses^  ^t,  eu  monument^  igénérakiaent 
plus  mobiles,  nos  croyanq^s.  sociales. |.  ^oiit  trois  avtre^ 
formes  de  ce  que  l'on  doit  appeller  la  littérature,  fl'^u^e  ci- 
vilisatioii.  La  musique  représente  ua>  qu^atrième  aspect  : 
d'où  cette  conséquence^  que  le  chiffre  ànq  cprrespcvNl  aux 
cinq  modes  de  no^re  vie  de  relatieq  dans*  s«s  .tendances  les 
plus  idéales.  Kous  n'attachons  p^int  a.i)^,.iiOBibres  rsacrés 
des  anciens  cette  même  vali^uc  qu'ils,  leut  i^ccQrdai^t: 
n^ia  aous  croyons ,,  avec  Kœpter,  qqe  l'aspect  nuoiénque 
dçsjcjbosesn'est pas àdéd^igoer»  N.'avons-neus p«6 .d'ailleurs 
prouvé  k  diverses  reprises  «  en  cQtte  ençy<dopédie^:riinpor- 
tance  scieatiâque  des  fonctions  périodJ4up$^4^>Cf(^  fi^pciicDs 
que.des  grandeurs  gécHuétciques  ou  auméi^9^s,«u^^eQt  re- 
présenter ?  Au  &ufipl,^s«  ee  sera  bien.  p}u^  de.jîa  littératnre, 
ou  éeriteou  parlée,  que.de  toute  autre^  qu'il  va  être  fu^tioc. 

Le  pass^  noi^s  a.  légué  m^  prinâpÂlç^i  littéraini^f  le^ 
autres  ont  péri  à  tçay^is»  le^  Âges»,  t  ,  :  j      J  -i  r.  :  1  r  • 
,    .C^;litlératur«iSi  pier&oi^iilienît  .le  bcw^^pisipe^.letiboad- 
.dhisu^e.,  ;la;  Chipe,  le  m^azdéi^ei.  la.  md^^iiviat.^èce, 
Rome  )  le  christianisme  et  l'islamisme. 


BU  8IÈCLB.  935 

Chacune  commence  par  un  grand  livre  qui  résume  sa 
révélation  :  dans  Tlnde,  nous  trouvons  les  Védas  (la 
science)  pour  le  brahmanisme ,  et  la  vie  de  Bouddha  {>our 
son  protestantisme  ;  en  Chine,  le  Chang-Chou  ou  livre 
supérieur;  dans  TArie,  les  Naçkas  ou  préceptes;  en  ludée, 
le  Pentateuque.  La  Grèce,  qui  avait  rejeté  les  enseigne- 
ments d'Orphée,  adopta  rilliade  et  l'Odyssée  ;  Rome  eut  sa 
loi  des  douze  tables  ;  le  christianisme  daite  de  son^  Bvîan- 
giie  ou  bonne  nouvelle  ;  et  Tislamisme,  du  Coran  (la  lec^]^e 
par  excellence),  •     î> 

Au  fur  et  à  mesure  qu'elle  se  développe ,  chaque  civili- 
sation s'étudie ,  s'examine,  se  réglemente  et  se  racOBÎte  à 
elle-^même  ;  de  là  des  légendes,  des  recueils  de' (coutume*, 
des  poèmes  el  des  drames,  des  peintures,  des  striplttres, 
une  musique  et  une  architecture  qui  â'cfmpreignent  delà 
couleur  du  lieu  géographique  où  ils  sont  créés.  ' 

Tontes  ces  œuvres  sont  constammetit  la  représentation 
fidèle  de  la  civilisation  au  sein  de  laquelle  elles  se  pi?o- 
duisent.  ^ 

Ce  rapport  de  solidarité  qui  lie  chaque  Uttémttlrë  tt-  la 
civilisation  dont  elle  émane,  nous  expÔqufe  toutes^lesTA- 
riétés  des  littératures  nationales.  ■   ^ -^  '   *   i; 

Les  Védas ,  les*  lois  de  Manou,  la  riche  nature  de  Thlde, 
une  société  sans  femmes,  des  lravaille'iifs'nléptfeéë,*^t>e 
science  occulte.:  voilà  les  facteurs  de  la  littérâfttfr^  iwdeie. 
De  cette  source  féconde,  là  pensée  sort  pleine  d'ëboiidà*^, 
mais  cérémonieuse  et  uniforme  eh  ses  mouvemetils.'ltti- 
puissante  à  s'appuyer  sut  le  vrai,  forcée  de  chercher,  liiins 
un  corps  social  mutilé,  Tidéal  de  ses  aspiratitm&  vë^d^Ua 
souveraine  justice,  elle  a  été  contrainte! de  demander' àî  la 
mythologie  le  secours  de  ses  fables.  Le  rationalisme  seul 
l'a  i^rtfondémeTît  modifiée  en  lui  posant  ces  grandes  ques- 
tion^ :  Pom*^tioS  l'infériorité  <le  la  femme  »  et  llftégafité^ 'des 
castes  ?  pourquoi  risôlemerit  des  familles  htfa'aines  ?   ' 

'  Difitt,  ajoutait  cette  philosophie,  c'est  TablâOlti  en  ttré- 
voyatice ,  en  sagesse ,  en  amour.  Etudier  là  nature  ;  'aont 
il  est  la  grande  âme ,  pour  ^'élefver  à  làï  ^  vdità  lë^^voîrde 
l%dmïne.  Et  àl6FS  del  l4vVès  de  isettei  dvilië«ti6h^  moderne 
coulait:  uBôf  parole;  vrfti'rùisste^àilr  dé  mM^uf'lesfttîittijBs, 


924  PHILOSOPHIE 

pour  les  soudras,  pour  tous  les  déshérités,   une  parole 
ennemie  du  cérémonial. 

A  ranparitiôn  du  bouddhisme ,  qui'  n*élaîl  que  la  pMo- 
sophieae  l'Inde  sous  une  forme  religieuse,  la  vieille  lillé- 
rature  ifidoue  s^anime  de  plus  en  plus:  une  charifé. toute 
chrétienne  lui  remue  les  entrailles.  Aimer,'  c'esf  TÎrre, 
peme-t-ellé  ;  et  elle  arrive  à  comprendre  ramoùr.  Yous 
trouvez  alors,  dans  quelques  nouvelles,  la  peinture  des 
plaîélr$  et'des  grandeurs  viilgaîres  en  opposition  avec  les 
grandeurs  et  lés  voluptés  de  l^amour  moral.  Unepropagande 
se  produit,  iquî  a'  besoin  du  monde  entier  pour  théâtre/  La 

Suissanco  du  sentiment  se  développe ,  mais  le  dergé  boud- 
hislé  se  développe  aussi  :  avec  fui  se  multiplient  les  coa- 
vents  et  les  degrés  dé  la  hiérarchie;  Tascétisme  saisît  la 
science  et' l'amour,  la  femme  et  Tinduslrîe,  pour  les  écar- 
ter. V  Loin  de  moi,  leur  dit-il,  tout  ce  qui  est  du  monde 
dfes  démons  ;  loin  de  moi  les  couvres  et  les  pensées  des 
damnés  f  »  Mais  ce  monde  des  prétendus  damnés,  ô.ecreur 
de  nobles  âmes I  ce  n*cst  point  le  mal:  c'est  la  v4ntable 
ferme  du  beau  et  du' bien,  celle  dont  vous  né.  coniiaîssez 
qne  les 'quantités  îiègatives.  Eii  vain  là  femme  réclanie-t- 
cllè  ses  Orbifs^à  aimer  et  &  se  faîte  aimer,  le  bjoucfdlûsmc 
les  luï  refuée',  et  son  Idéal  devienM'itnproducUvIté  jparla 
virginité.  Sa  litféfàtufe  le  s'irit  dans  cette' voie;. eïte  &rit 
alors  dés  pages  d*uAe  dévotion  raffinée  ;  elle  l'es  pfac^  sur 
Urte'thécatiique,'  etia  mécanique  'marche.  Les 'pages  dévotes 
tonmerit  ét^  retournent*  :  le  bouddhisme ,  en  les  vojant 
Jliisser'ioûèsèsyeux!,  rèvede  voljjptés  célestes  et. s*^endort. 
Ainsi  finissent  sd' vie  sociale  et  s^  littérature;  peinture, 
sculpture,  poésie,  musique ,  architecture i  touf  repose  dans 
le  sommeil  des  ascètes.. 

"  Noufe  V^îtV^â  <é'6hihé.  'Ô^e  de* richesse  dans *ses. ^esprits, 
que  de  sève  ef'de  vie  daiis'  sa  'nature,. qiîè  de  sagesse  ^àns 
ses  premîèrs'lrvreèî  On  dîfait  qu*6lle  n'a  p'a^  eu  ifen3fancè>t 
qu^âle  a  sauté  de  suite  dô  là  nàîssahcè  lia  phase  ^P^ 
phiqtté',' 'sans  bisser  par  les  rôves  et  lés*  poésie^'  .à\n  Isaitre 
âge.  L'rd^âKté'dè^^rhomnrie' saisit  sa  pluYne  eyp,S;pînp^ux, 
m'dls  sfiissijlBt  apparaît  Un  douanier  déjà  pébsée! .«  Je  suis, 


BU  SIBGLB.  dS5 

lui  dit-il,  le  tribunal  des  cérémonies  et  des  rites;  voici  mes 
modèles  de  dessin,  de  peinture  et  de  stylé;  ^rde-toi 
bien  de  t'en  écarter.  »  LhumanUé,  c'est  rhomm^  lui- 
mêtMj  a  dit  l'auteur  dé  riNvàwABiUTÈ  daws  le  miubo. — 
«  C'est  admirable ,  reprend  TidéaUté  ;  je, n'oserais  jçs^ayer 
une  autre  formule.  —  Mais,  réplique  le  douanier  de  la 
pensée,  cette  croyance  implique  robligatiori  de  se  perfec- 
tionner sans  cesse ,  de  rendre  à  ses  parents  ce  qui  leur  est 
dû;  de  faire  la  connaissance  des  hommes  sages  et  d*étudier 
runiversdont  les  lois  nous  gouvernent,  »  — X'idéalité  ap- 
plaudit; elle  se  croit  une  voie  aussi  grande  que  possible,  ô 
erreur!  «  Les  devoirs  sont  au  nombre  de  cinq ^  reprend 
I%)mme  des  cérémonies  et  des  rites,  ce  serait  un  crime 
d'en  réduire  ou  d'en  augmenter  îe  chiffre.  Il  y  a  trois 
choses  h  connaître ,  si  l'on  veut  se  perfectionner  so^-mème, 
trois,  pas  une  de  plus-,  cas  une  de  moins,  comme  il  y  a 
neuf  règles  pour  les  admmistrateurs  :' -^  re jf^der,  iççtUer^ 
parler  y  se  mouvoir  ^  sortir  9  entrer^  se  lever  oix  s'asseoir,.  »  Ce 
sont-Ià  des  mouvements  qui ,  dans  h .  littéra^ture  comme 
dans  la  vie  sociale,  doivent  être  conformes  aux  rïte^..  Qui 
donc  serait  assez  hardi  pour  s'en  écarter  dans  se4  poèmes, 
dans  ses  comédies ,  sans  que  le  ministère  des  cérémoniçs 
ottbMât  de  Ten  fdire  imméi^atement  repeptir?  -A  Empri- 
sonnée dans  ce  corset  h  tiges  d'acier  avec  des  pointes  sojus 
le  menton  pour'loi  faire  lever  la  tête ,  la  littérature  chinoise 
a  fait  ce  qu'elle"  a  pu;  elle  a  vécu  des  siècles  ava^^i  spus^le 
^bras  une  botte  pleine  de  poésie ,  de  couleurs  ^Iflpf'mc^mTi 
(jumelle  n'osait  essajfer.' Au  doux  parfum  qui  SQuvent  s'0n 
échappe  qui  pourrait  dissimuler  ses  regrets.    .,         '    .  ' 

Orphée  quitte  les  sanctuaires.  «  Hoii  nom  est  syinbolique, 
(^it-il  à  la  Grèc0,  je  m'appe^ile  ./a  lumi^e^  i^  se^ut.p  £Jt  alors, 
en  homme' autorisé ,  il  lui  pmledu  verbe  divin,,  de  la 
grandjB  nature,  cette  mère auj^uste  de  biéû^.fenfant  savant, 
il  venait  lie.  faire  les  sem^iUèéietîVo^ait  de  suite  ^récolter  l 
te  peuple,  eh  son  ign^orançe^  le  jdécbira»  réclamant,  parles 
actes  trois  m^le  éns. de  préparations  'doulouîreuses.^  j  * 

Fils  dé  l'Inde  et  .dç  tEgypte^'  les  'Grecs,, ne  pçoyç^îent 
pas  avoir  besoin  d'une  bible  véritable ,  tnais  ils  voulaient 

39 


926  PHILOSOPHIE 

des  poèmes  qui  leur  en  tinssent  lieu,  qui  fussent  émanés 
de  leur  vie.  Homère  leur  donna  rUiiade  et  FOdyssée,   ces 
deux  incarnations  de  leur  génie ,  Uè  fareê  et  la  ru$e.  Issu  de 
l'Orient  sans  foyer  domestique,  pttis(}u'il  n'avait  fait  de  la 
femmequ'une  génitrice  ou  qu'une  oourtisane,  priiié  d'ammir 
moral,  laissant  aux  esclaves  les  industries  usuelles,  te  peu- 
ple grec  se  ressentait  de  ses  origines  ;  il  eut  soif  de  mytho- 
logie et  d'apollogues.  Sa  littérature  se  prit  alors  à  4tiiTiH 
conter  les  cruautés  d'un  culte  pvimitif  sous;  le  notti  €ft  la 
forme  de  Saturne,  le  père  des^  dieux  et  des  hommes,  ({tti dé- 
vorait ^es  enfants;  et  il  écouta.  Elle  lui  fit  ensuite  le  réeil 
d'un  culte  plus  doux  et  plue  grand  ,'f irisant  abattre  les  <kti- 
nés,  supprimant  les  tables  de  pieire  et  proscrivit  les  ho- 
locaustes sanglants.  Mais  cette  forme  n'eut  pu  lui  oconvenir  : 
aussi  de  ce  cultp  fit-elle  lupiter  le  fils  de  Satnme,    la 
puissance  infinie  de. la  nature,  le  second  père  éesdi^ux.  -^ 
Le  peuple,  grec  prit  goût  à  cette  fable  :  lupiter^fut  éeonlé ,  • 
puis  adoré.  La  poésie  reprit  alors  son  rédt ,   sa  graûdo 
épopée  des  formes  de  la  civilisation  ;  elle  raconta  la  fusion 
des  races,  et  avec  cette  fusion  celle  des  cultes  primitif. 
Les  dieUx,  lui  disait-elle,  se  madèrent^  procréèrent  tou- 
tes les  divinités  de  la  nature ,  tous  les  «pritsinlerinépiîaires 
qui  peuplent  les  espaces:  ainsi  Jurent  animoes  les  monta- 
gnes ^  les  mei^s ,  les  forêts  et  les  ruisseaux  eusHEnétnes.  il 
eut  ét^  maladroit  de  raconter  à  ee  peupler' eàe^r^  êÊ^M , 
qui  eut  si  avidement  écouté  le  conte  de  peauMt'âne- ,  l'uti- 
lité d'^Jiier  le  commeoce  maritime  aux  arts  industriels^  ta 
poésie  prit  un  détour  ;  elle  imagina*  le  iBariiRge  4ii>Difeii  4es 
forgerons  avec  Vémi^  la  fille  de  la  mer.  Poiair  \m  péMtfe 
rjjihospitalité  des  eûtes  de  Sicile ,  elle  lui  parlantes  cydbp^ 
etdeslestrigons,  ses  habitants^  Le  flux  et'roAux^âàn&le 
détroit  de  Ifessina^  s'appelèrcot  €arybde  et  ScyOa;  L&  wa^ 
lité  supémuffo  des  laines  ^  de:  Crknée  eiit  p^rut  tm$g^  tt  WOle 
de  la  toiaoa  d'or.  Le  dragon  qui  les'  garde  ite$|j[)«la  '  Vian 
meut  si  faroiu^  des  peuplades  deiGQl^de';  L^  krentBge 
qui  l'endort,  c'est  le  vin  que  les   premiers  eortmeo^nts 
grecs  dcniBèrottt  Hux>qaflKv^ges  éoliihidiAiiSi   Le  jtMÉi^4es 
Heapér|des>  le.  combat  ^'Hercule  t^'A^Adté^éani  )a<ciiim- 
ritanie^  Pégase  i  les  Gor|ron)&S)  AtltSt  te'I^otkUis  S^Bfséeet 


DU   SIÈCLE.  937 

cent  autres  fables  furent  des  robes  brillantes  destinées  à 
revêtir  des  vérités  utiJLBs  que  les  Gfecs  trouvaient  tvop  nues. 
Le  jour  vint  où  ils  oublièrent  les  vérités  cachée  sous  ees 
fables  :  alors  naquit  leuir  littérature  philosiophique.  Aris- 
tophane a  peint  au  vrai  et  sans  le  savoir,  ses  difflaqltés  et 
soii  impuisaanee.  Cefut.en  vain  qu elle  donnu  le  sang'  de 
Soerate ;  qu'elle  essaya  par  Platon,  puis  p«rArislote,  de 
subf&tituejT  h  la  pensée  de  Pythagore  et  d'Ovphée  un  idéal 
factice  et  faux  ;  qu'elle  entra  au  théâtre  avec  Euripide  :  elle 
elle  m  put  arriver  qu'aux  deux  premières'  qualités  de  ia 
trinitét  la  puissance  et  l'action;  privée  d'aaK>ur,  elle  fut  im- 
prQsduetive  et  se  pecdit  stérile  dans  ces  éeoles  de  sophistes 
qui  devaient,  en  se  transplantaDt  au  sein  du  ohrisifciaiiisaie 
grec,  conduire  l'empire  de.  Constantinople  à  la  déchéance 
naatérieUe  »  puis  à  la  .mort«  —  Un  jour  •.  cependant  la  belle 
Uypathie,  cette  femme  qui  n'était  ni  une  pédante^  ni  une 
courtisane  9  mais  la  vertu  parlant  le  plus  élevé  des  Janga- 
g€^,  se  prit  à  dke  à  ses  auditeurs}  comment  elle  comprenait 
le  sa^voir  et  la  vie.  Révéûteur ,.  elle  devançait  les  siècles  en 
une  ville,  préparée  par  les  philosophes  de  la  Judée,  de  la 
Grèce  et  du  christiaiûsme  ;  savant,  elle  donnait  àrla^ littéra- 
ture we  voie  nouvelle  ;  femme,  cdle  apportait  à  l'art  grée 
les  études  de  Platon  perfectionnées  par  le  stoloisofie  ^t  l^ 
christianisme  ,.  o'est^^dire  àes  types  de  perfection  et 
r^^mour  moraL  Son  succès  fut  immense  ;  il  éveilla  la  jalou- 
sie des  gens.de  sai^t  CyrUle:  Tua  d'eux,  le  lecteur  de  se» 
église»,  organisa  couitre  elle  une  émeute.  L'insttncC  de 
paa^iofiû  .Jalouses  vint  au  secours  d'iatérâts  mofldaiqs!>  elle 
fui. /arrachée  de  son  char»  foulée  aux  pieds  et  déchiréepar 
ufl^  joule  ignorante  qui .  prit  plaisir  à  rougir  de  son-  s^ag-  les 
raesd'Alexasdrie.  Ainsi  tomba,  cette  fille  âe^lotia'  et  des 
sagev$  y  fleur  d'amour^  mythe  incompris  ^qui  vésukiait  en  eUe 
le  moiide  philosophique  àaa  sanctuaires.,  la  sdenoe  la  plus 
éleivée.de  krâr^^  et4a  seniinœntalité  ehrétiéni»e^  Ptif^ille 
niorltiS^ait  da.nosjonrâi  un  tiû^mpihe;.  mai»  nou»  avons 
l'impeiioeria* 

.  JLai4«4ée  «(unpamuteJtk.P^tkewiue.de  Uwseiellû&îl  à 
l'iÛMoine  <k  jlosepbtfk  Q«#  dis^  choses  faéjnanqumi  pow  se 
créeV'Une  Jit^ralUM  cooi|Aète(i^t^ue)de'^auf?f9tildans  sa 


938  PBILOB0PSIE 

peinture ,  sa  Beulptare ,  sod  architectue*  et-  {>nGd[>ableiii^it 
au$^  dons  Mmusiqae  qui  nonsiest  si  peu  itonnwf  Que  le 
temple  de  Salomon  est  peu  dff  chode,  quand'  on  l'anndTse 
avee  soini  A  e6ié<]es  vices  de  son  état  social,  la  iadée 
n'a-t-ellepaa  enmve  son  ignorance  scitotifique  et  la  censm^ 
du  sanctuaire  de  Jérusalem?  Tblle  qu'elle  estv  la^  Ba>Ie  oe- 
pendant  nous  offre  une  ^intore  aussi  euriense  que  fldèfe 
des  états  sooiaux  successifs  defi^  fils  de  Juâa  ;  edle  tst  «leiBe^ 
pour  oeux  qui  savent  la  comprendre,  desoutenôsréettetneiit 
histforiques  et  de  tableaux  vrais  qu'ailleurs  nous  fiesamoiis 
retrouver,  Àbrafaam,  Moïse,  Samuel,  David,  8aiam<ln  , 
Jgsias  et  Kilkta ,  Isene,  iérâoQie,  Ësdras,  les  pharisiens  et 
les  esséote^v^^^  ^^  véritable  échelle  de  Jacw  :  ses  |fteds 
toueb^tà  la  polygamie ,  à  la  prostitution,  afax  saeivfices 
bumains,  aux  dolmen ,  au  culte  des  Ueux  élevés^  et  des  ar- 
bres touffus;  ofeais,  de  son  soitiiBelf  leCbrîst  pftohe  rattom- 
et  bénit  les  peuples;  ;      .  ^ .  •./ 

Ainsi,  iotjjouvs  et  partout  la* littératoré  est  ta  pavole 
d'une  civilisation  on  nn  jour  et  en' u&  lieu 'di)inié;t)*€«st re- 
dire la  graode  :  foiuMion  sociale  ;  des  relatioiis  •  et  l'vm  '  des 
puissants  moyens  dfe  l'éducation  publiq«e.''>         -  »     • 

Nous  voici  à  Rome.  Cette  ville,  vérit^dMe  iotarfaatioâdu 
positivisme  matérialiste,  se  crée  des  moules  d'éducation  dans 
lesquQts^elteeouIe  tous  aBsoitojwss.tJii  joup;>«Ae  nélrOfiiva 
les  Uvres;de  Numa  iféunisà  oâuxdePylbagofe^^Hiais^es  eon- 
subtes  brAl^rent  religieusement,  dan»  laeDaîntequ'itgi^Bftt 
en  ^ux  ^uielque  cbosede«ontraâre^à4euridéai^  qoiiéiaftla 
riehase^  par  la  bri^odago  anhé  ^^  ipar'  te  pillage  ides  pwK 
pies.  Ce  fui  AÎ^sique  la  sociëté romaine  granditBnifiocoè et 
enpuissaae^  lie$^ience$  des  Elrasqu^es  et  d)i»  ifitecs  M  pri^ 
rent.akff»'  qu'elle  vêtait  ^^à' trop  vigouveose  pdu^éli^.C0m^ 
géo  da^  }diSora)itéi  !ebéées>  par  -le  pujsBaAi' niaîIÛttiffans 
lequel  s'étaient  écoulées  «ed  jeunes  !eam6€fai:4a>!^)ioésief^ 
n' avait-pas  b^CéiSon^enfaBoe^ftt.défavIt  Atcfenàge  lÉèrétinè 
se  montr4^iqtiS^tcè6'^in€o<ii}>làlev#&xij)lttsibe^ 
vie,  Luer^e  lest  bieati  fn(Mu&:poydfquBrpliiletoilia*^'T¥Jp^^ 
en  SQU  )Bniïi0 f  ,rRf^  iqa-un,n!iaovaisr(OQjpslè  d'He^^ 
qu^un  incrédule  qui  )se  rit  dés  )dbeus  amc  pied8><iesqiiel8  il 
brûle  son  eneèns«.  Horacev  •  TibuUeiet  £atailkF)  ssàt  de^dutr* 


BU  sAcxs.  939 

mantslibertias,  saebuHdtmetnarroravecaie  grftee  infi* 
nie.  Piaule- et  Térencene  purent  ¥eiioerev^>ile*fstomédi«s» 
le»  impossibilités il'un  théâtre  saB3  îlsmmo^  d*«rfie^80ciécé, 
au  moral ,  borgne  ^  boiteuse  et  bossue.  Gkéroû  fût  un  es- 
piH  émkient^  Tun  des  plas  habiles  phraseurs  qur^ient 
vécu^  un  épicurien  de  grand  savoir;  maift  un  «conservateur 
mcapable  de  toucher  à  cette dooUe  question:  Tesolavage  et 
les  femmes.  Il  faillit  à  la  Rome  du  dernier  siècle  avant 
notre  ère ,  et  du  premier  siàele  durélien;,  la  réfaabîKiaûon 
du  itnavaiLet  de  ramour,  rafiranohis$eme»t  de  4a  "femtee 

etdu  padffi.  La  femme on  jonriâle  s'^^jpela  CoraéHie  ; 

eUe  fut  sublhne  en  son  dévouement^  jusqu'à' verser- povir 
rhwDaniié  le  sang  de  Sfâ  fils^  et  Borne  ne  »sut  eompveodre 
eeflymbele;  Une* autre  fois^elle  s'appela- Seiopronie^, et  Sel- 
luste,  cet  ange  de  'candeur  et  de  ipuretéqui  sentait  à  dix 
HeuQS^^la  pourriture  /lui  reprocha  de  bien  chauler  et  de  bMti 
danser,  choses  défendues,  disait-il,  à  une  bom^dte  femme. 
Cl^tttina  têvmt  alors  sa  grande  réferpie  :  âamprenie  devint 
V\m*^  eQs  lieutenantsij  .Quand  aud  esclanpee^  Sparieou»  les 
raitima  pfar  soa  hingage ,  -etiis  surent  mourip  p«mrta'4iber(é. 
Ainsi  s'expliquent  leegfandauiB,  ies  défhuls^^eS'  impossi- 
bilités de  kÛttérature  remahie.  '' 

vbe'^elmsâanisme  »  fK^ésenté  deux:  ftvmes^à'Son*  ori^iie  : 
rnneà'Aieximdrte,  l'afUtreà  Romav  Aleiandfie  pos^  ia 
doetr&Die  chrélicone.  bomme' le  complet: résumé  des^  élbrts 
de  i'blanoitév  oomme  lefirmiide  oouO'^es  traHravet  %mé^ 
rieurs  ;  élleintoquait  rtop  tes-  lestreditiemi;  eUe*  appèléfif  te^- 
tef  4éstkmr(tes  à  augmenter 'les  eaux-d^i  iteu^':  *<$'étaît 
graipd^  ceint  ffléme^tsqpgraild  et  trop  élevé 'p6ui' te  tefi»{)S. 
Rome,' plus:.  bmnaâne>  wohiti'romlpfe'avee  les  *  tlraditions 
deillndeyde  l!Arie^  ^de^Xgjrptotvit  de  iaJOtfèoè;>plas>Bffî- 
bilieuse,  e)le 'voidsittremplaoef  Gésar;  -eile^tl^aça  tm^  oeHe 
el  dMfafcdÉt  à  l'esprit  ftramhiftde^s^dgUeren  dMi6rs.  Sa  Kt-- 
téeatiire^'a.  4^cillé.entoe:  IsifBivitiéÇmédie'^  r  Ani'MltiOft. — 
EaltppMrend?:,  laiBbinetpolheiiqueialEraAchtâMit  la  femme  ; 
en'«éaiilé[,ieUe^9eamettaitrl'épouse!à  Vépmik  vVêfëk  PMde 
adoiloîcf ^- ésffi^  »o'iétait  enoàh«e "Vkiû^.^-En-nppër^më ,'^elle 
supptiiMitte&'esblfllves  ^deVant  Dieu ,  'idtisrëttriènt' égaux  ; 


950  PHIIi)MPHlB 

en  réalité,  les  évoques  catholiques,  même  dans  les  Gaules, 
ont  été  souvent  opposés  à  rémanoipatîoa  des  secCs  el  des 
communes.  Un  pareil  esprit  tue  la  littéralwe  ;  -U  pettl  s'ac- 
commoder de  pastorales  et  de  seènes  sacrée^ ,  laais  les  pas- 
torales  et  les  drames  sacrés  réclament  une  foi  ojaim.  La 
vraie  tragédie,  la  comédie.  Topera,  sont  en  opposition 
avec  la  tradition  de  U  pcditique  au  SainV-Siége,  avee^etie 
pensée  qui  brûla  Jérôme  de  Pragi«e ,  qiû  massaeiHi  les  Alb^ 
geois  et  les  Vaudois ,  qui  persécutai  to&  prcoesiante,  qui  dé- 
clara au  siècle  de  Galilée  que  la  ter^e  ne  tourne  pa»  autour 
du  soleil.  —  Le  génie  de  Chateaubriant  nous  a  dit  en 
grande  poésie  les  martyrs,  mais  les  martym  x^  8k>iit.paibt 
d'upe  cixiU^a,tion,  ik  appartâenuent^  l'hoaMEÙtés  à  6&  vai 
christianisme  qui  vit  en  nous  tous.,  parce  qifell  :na  rœoaoe 
à  aucune  des  glaires  du  passé,  à.auciwie  de  sesrlFadilioBs  , 
à  aucuue  des  espérances  de  la  ^oienae.  Ce  .nmLohristk* 
nisme  éclairé  par  le  savoir,  réhabilite  les  arts,  Uiemae  et 
rindustrie;  il  u'est  point  ,âl  n!e$t  guèreile  fils.de  Arnuu;  il 
s*est  développé  à  eûté d'elle,  et^souveot  miJgré  se$  «iSoris. 
Honueur  à  ceux  des  prêtres  (rapçais  et  de$  eheiis  du  pro- 
testantisme qui  comprennent,  et  oampreudnoiit  icâlte  grande 
voie  ;  ils  peuvent  nous  donner  la.  coooiliaitkni  et  k*  j^«x« 

N^¥Qus^  seïpble^t'-il  pas,  en  ei^apainanf  lasoeiàté  ^ttusd- 
man^y.qus  le  Coran  ouvrait  leQdeui:portes:.aQ  saycÀrscîto- 
tifîque,  l  répopé^,  au  rQa)aa,'à  la  musique'^. à  l'aochi- 
tecture  «  à  la  sculpture  ;  m^tis  qiu'il  la  fermait  jb  latgpeiuliire 
et  audr«ime?  La  pluabeUe  ceiuvre^uu&tdée  est  tupei^uvi^ 
maiMiuéet  A  Tisplemeat  de  iapalUes-^  propriétés*  dejnrtiBes 
jalofix  et,absalu£i,  correspwd<ui^litiéra4uMa{qMU¥rie;  il 
y  ayait(là  une  cQQc(itiûP>  d'împuisaaoçe.soeiaiie  .elwiittéctwa 
—  JEt  cepeicàdaai.|  q^eis. peuples  furent  jamai&iiineistor^ 
ganisé^,quâ  1^  peujdi^St.  mus^boans  pourra  Jilt6tatwè4iLe 
génie  arabe.et  le  génie.  Um  ont  leur  granéaurviefi^dnaû^, 
si  r4|^iofil|é|de  resfoât  boagrois  dont»  il-est  i^àn^isera 
mieux  ,ap{y-éqiéj(mquei  lies  HoogroisteeiKMil)  UMutiiii^Mtiiisr; 
lo]:Mue.Iesicaloi0ypf&  de  TÀutPieMcserobt  enlâèr^iMiyuiaées 

OU.déMOjiiUeSv    <'  M  .'.     •      *'  .  •'    '•'  ■'      .-n,  .j[.u».  -».(]  -'J'-J-  • 

Arrivée  à  r^>ape  sciontifiquei  la  Uttétatufô/a  élé  an- 


BU  SIBGLfi.  931 

gulièrement ,  au  XVI*  siècle,  une  renaissance,  la  repro- 
duction véritable  d'une  vie  antérieure  ;  mais  elle  avait  un 
caractère  plus  indépendant,  plus  philosophique,  et  les 
femmes  y  ont  pris  part.  Au  XVII%  les  savants  lés  plus 
éminents  de  l'époque,  Galilée,  Pas(*^l,  Descartes,  Gas^ndi; 
Leibnilz^  désirant  se  faire  comprendre  d'un  grand  nombre, 
recherchent  singulièrement  la  clarté  du  style  et  donnent  à 
la'  philosophie  littéraire  un  caractère  scientifique  ;  tandis 
que  les  femmes  s'associent  en  grand  nombre,  par  leurs 
paroles  et  leurs  écrits,  au  mouvement  qui  entraîne  ^a  so- 
ciété. 

Au  XVUI*  siècle f  ce  douUe  -caractère  se  développe  :  \es 
femmes  deviemient  plus  actives,  un  plus  grand  nombre 
prend  part  au  mouvement ,  et  la  littérature ,  cette  langue 
élégante  de  la  civilisation ,  cette  langue  façonnée  p^r  Kart 
et  le  bon  goût,  s'occupe  des  questions  les  phis  élevées,  de 
la  physiologie  du  ciel ,  de  celle  de  l'homme  et  des  raj^ports 
nécessaires  qui  relient  tous  les  êtres  de  la  nature. 

Pendant  les  trois  premiers  siècles  de  l'ère  scientifique , 

l'art  grec  renaît  en  peinture;  en  sculpture^  en  architecture, 

^  puis  â  s'élargit  pour  satisfaire  à  des  besoins  nanveaui.  La 

musique  le  suit  dams  cette  voie.  Dira,  qu'elle  pouisse  Vke  ! 

on  dirait  l'une  des  fleurs  les  plus  hâtives  de  Tesprit  humain. 

ne  89  à  notre  temps,  et  surtout  de  1815  èr  1^854 , 
d'immenses  progrès  ont  eu  lieu  :  ils  offrent  ce  (|uàdrûple 
caractère  :  que  la  littérature  est  reventie  la  religion  par  la 
science  ;  que  le  rôle  des  femfmes  a  singulièrement  graiiâl  \ 
que  le- peuple  a  eu  son  avènement  littéraire,  et  ^ue'  l'ih- 
dBStfie,  guidée  par  le  savoir,  a  créé  pour  les'  homibes 
naille  moyens  nouveaui  de  bien-être,  par  ses^  procédés 
d'horikulture ,  d'arboriculture,  d'agriculture,  'd'toduitries 
minière  et  manufacturier».,  par  son  application  des  mét(Àix 
à  l'àrdûteeture ,  par  ses  dessina  et  9es  libres  à  bon  marché, 
ses  ponfts suspenchiB  sur  des  abîm^ië,  s^chéMlid  de  fer, 
ses  canaux  et  ses  vapeurs^  de  tMte  sorte.  -^  t'indii^ttkf , 
cette  littérature,  cjette  inscripttoti  tofate'  manuelle  ^appa- 
reoeeide^  la  penlséê ides^^mattae^^  j6  la  'sciïpfHée'^^  da-  sblV  né 
rêve-t-eHe  pas  aujourd'hui  de  tracer  le  plan  d'ensfertM^Ses 
travaux  à  exécuter 4'la<8urfimiib^iât>l^ 


^ 


932  PHILOSOPHIE 

Bowring,  Ampère,  Viardot,  Souvestre,  Delaville,  Mar- 
qué, M*"'*  ftobinson  (étude  sur  des  Serbes)  et  beaucoup 
d'autres ,  nous  ont  fait  connaître  des  littératures  nationales. 
Quoi  de  plus  curieux  que  de  recueillir  les  œuvres  de  nos 
père^et  d'avoir  des  reliquaires  pour  leurs  poèmes  primi- 
tifs, comme  nous  en  avon§  pour  leurs  cendres  et  leurs 
ossements  ?  Combien  ce  qui  est  de  leur  esprit  n*esl-il  pas 
plus  propre  à  nous  rendre  dignes  d'eux  que  des  restes 
glacés? 

Plusieurs  grandes  œuvres  se  préparent  encore  dans  cette 
direction  :  iSune  a  pour  but  de  réunir^  dans  un  volume  à 
bas  prix ,  les  chants  nationaux  de  tous  les  peuples  ^  de 
manière  à  compléter  toutes  les  littératures  connues  par  les 
mélodies  musicales  qui  s'y  rattachent.  Son  auteur,  disciple 
de  Fourier  et  de  Saint-Simon ,  a  beaucoup  voyagé,  beau- 
coup vu ,  beaucoup  étudié. 

L'histoire ,  dans  notre  siècle ,  est  entrée  dans  une  voie 
fécondé,  et  Ton  peut  dire  qu'à  chaque  œuvre  elle  agrandit 
ses  cadres  pour  arriver  à  de  plus  larges  proportions  et  se 
faire  aussi  complète  que  possible.  Elle,  a  besoin  d'être  à  la. 
fois  la  légende  populaire,  la  chronique  qui  raconte  fidèle- 
ment les  faits ,  la  science  qui  les  coordonne  en  groupes  el 
en  séries  pour  en  foire  ressortir  la  loi ,'  la  philosophie  qui 
les  presse  jK)Ur  en  déduire  des  enseignements-  ^  créer  à 
rhumanité  cette  expérience  pratique  dont  elle  a  tant  "be- 
soin. Elle  veut  surtout  être  religieuse,  c'est-à-dire  relier 
les  hommes  entre  eux  par  la  peinture  de  tout  ce  qui  élève, 
dé  tout  ce  qui  aftnoblît,  de  tout  ce  qui  console  ,aa  seîii  des 
misèi^es  deia  Vîe.^Elle'  n*a  pas  oublié  que  l'Inde  av^it  sa 
métempsycose;  la  Gaule,  les  cercles  de  la  félicité  ;  ^'Egypte, 
unépesiée  des  âmes;  et  elle  se  fera  de  plus  en  plus  chûâque 
jour  rélyséè  des  justes ,  Tenfer  des  réprouvés^  yousï'enteii' 
dêz,  .vous  tous  qui  faites  côiiler  comme  de  Ueau;  lé  :îsang 
deshbrtipiesfi  vou&dohtrâmbitîon  attardée  se  croî^  eôcore 
aux  luttes  politiques  du  XVII*  siècle,  Fhistp^re ^erafj^otre 
bourreau  !  '  ,         ^  '•  y^, 

La  vreille'Rome  a. eu, 'dans  son  empereur  IClaîjid^:^  un 
hîstorieri  dès 'peu]J)les  Vaincus  ;  d'autres  vîëndfQn(;  m wper 
au  fer  roùge  et  sur  le  front  ceux  qui  pirtageàl  liée  familles 


BU  SIÈCLE.  955 

sans  les  consulter,  qiii  le^  parquent  au  Levant,  au  Midi , 
selon  leur  caprice ,  selon  qu'ils  ont  ici  ou  là  d|us  ou  moins 
de  terres  sans  cheptel  humain.  —  Et  cependant  le  rMe  4e 
rhîstoire  commence  à  peine ,  parce  que  rhuiualiilé  n'est 
pas  née  encore. 

Voilà  deux  traits  saillanls  de  la  littérature  moderne.  — 
Eli  voici  un  plus  im|>ortant  :  pendant  qu'au  sein  des 
classes  riches  de  la  société,  les  cœurs  bons  et  les  esprits 
d'élite  restent  seuls  fidèles  à  la  grande  poésie,  à  la  vraie 
littérature,  heureux  de  communier,  par  la  publicité  de 
leurs  pensées,  avec  leurs  concitoyens,  tout  d"un  coup  appa- 
raît une  nombreuse  cohorte  de  poètes  et  d'écrivains  ignorés. 
D'où  sortent-ils?  Des  ateliers  du  travail.  Les  unô,qoht  le 
boulanger  Reboul  elle  coiffeur  Jasmin  sont  les  types»  chan- 
tent pour  chanter;  nés  avec  le  don  de  la  poésie,  partout' 
ils  versent  son  charme.  D'autres  peut-être  ont  plus  souffert, 
et  vis-à-vis  de  ces  élégies  individuelles  qui  nous  raconient 
les  douleurs  d'esprit  méconnus ,  ils  nous  disent  des  dou- 
leurs et  des  souffrances  plus  grandes  et.  plus  pénétrantes  : 
ce  sont  Hégésippe  Moreau ,  Timprimeur  ;  le  cordonnier  Sa- 
vinien  Lapointe;  Ellîot,  poète  anglais,  tisserand  de  son 
état ,  qui  a  peint  d'une  façon  si  saisissante  les  misères  des 
classes  pauvres  ;  Déranger  le  journaliste,  ouvrier  horloger 
d'abord,  poète ,  puis  publiciste  ;  le  în^ççn.  Ponci  ;  Avî^o- 
nais-la-Vertu,  compagnon  menuisier -IGuillauma  \VeUling, 
de  Magdebourg.  Ce  dernier  a  été  le  plus  grand  propagiain- 
diste  des  réformes  sociales  de  toute  ï'Àflemagne.  Çoijabien 
d'autres  nous  oublions  qu'il  conviendrait  de  citer  encore  l 
Pierre  Leroux  et  ses  collaborateurs  ^e  h  Revue  Slaciaïe 
n'ont-ils  pas  ét^  presque  tous  ouvriers  typographes  ?       . 

Au'  milieu  de  ce  monde  des  atéUerS|  et  portant 
sa  bannière,  voici  Déranger:  son  ode  est;  prophétique  ; 
le  çénie  de. la  vieille  Gaule  l'inspire.  (>h  !  ne  croyez  p;âs 
quil  ait  fait  tout  seur  ces  grands  couplets  que  ,îa  France 
sait  par  cœur;  les  esprits  de  Rabelais,,  de  La  Fontaine, 
de  Molière  et  de  Ninon  de  TÉnclos  ont  élu ,  dit-on  ^  domi- 
cile 
qu' 
lies 


954  BHII^SOPHIB 

Quoi  faire  ?..,.  rAoadéoûe^  c'est  le  passé  »  c'esl  un  souire- 
nir  de  ce  qui  fut  :  Béranger  porte  le  drapeau  de  ce  qui 
sera. 

Repoussôes  des  grandes  chaires  européennes  »  des  Aca- 
démies impériales  et  royales,  des  professions  savantes, 
les  femuies  protestent  comme  le  peuple,  les  unes  avec 
conscience  de  ce  qu'elles  font,  les  autres  sans  se  douter 
qu'elles  participent  à  un  grand  mouvement  que  leur 
esprit  aristocratique  voudrait  souvent  arrêter.  L'Amérique 
du  Nord,  moins  oppressive,  leur  ouvre  presq,ue  partout 
les  portes  du  savoir  et  de  renseignement. 

A  cOté  de  M"*  de  Staël ,  qui  s'est  trompée  dans  Del- 
vhine^  en.soumettant  la  femme  aux  injustes  caprices  de 
l'opinion,  mais  si  grande  dans  sa  Corinne  et  aans  son 
étude  sur  TAllemagne,  deux  œuvres  auxquelles  il  faut 
rendre  justice,  encore  qu'elles  soient  entaciijéé&  de  dédain 
pour  les  déshérités  ;  à  côté  de  M**  Guizot ,  dé  ]|l"^*  Neker 
de  Saussure ,  qui  se  sont  occupées  avec  talent  de  l'édu- 
cation du  monde  aristocratique,  plaçons  Daniel  Stern  ;  âaus 
son  Essai  sur  la  liberté ,  il  y  a  des  pages  où  hrille  le  ratio- 
nalisme de  Saint-Simon  enveloppé  du  style  de  Bossuet. 

M"**  do  Girardin  a  versé  l'esprit  à  pleine^  mams.  dans  ses 
romans,  ses  feuilletons,  ses  poésies  et  ses  œuvres  drama- 
tiques. ./   ;, 

Georges  Sand  nous  a  dît  toutes  les  souffrances  .des  â^es 
de  son  siècle,  laissant  loin  derrière  elle,*  par  la  magnifi- 
cence de  son.siyleet  U  grandeur  de  ses  conceptîoijs  la 
plupart  de.  ses  rivaizx.  Pauline  Rolland  4  écrit^avec  une 
vigueur  toute  masculine  siu*  l'histoire^  sur'  la  philosophie , 
sur  les  questions  religieuses  et  sociales  ;  eÛe  comprenait , 
dans  les  .demièjçes  am?ées  de  sa  v^ ,  l!^vén^ment  ^  ,<J*unc 
littérature  scientifique,  et  regrettait  vivement  de  n'^avoir 
point  suivi  Ifes  cours  des  Bertrand,  des  Gàlli  des  Gèo^dy- 
Saint-Hilaire._  îïiss  Martineau  a  mis  l'économia  politique  à 
la  portée  de  toutes  les  intelligences..  Se?  roman^'^pnt  eu 
tous  un  ffand  but  :  Qlle  a  yéhahijité  Tojissaïnt  Lçluvèrj^ure, 
ce  chef  09  race  no.ire  qucjiâ  'Fi:ancé  a  êfoulTé.  X*autw 
Mary  BiirtQn  s'est  opcupéeayectenc^esse  desplas^es  deshcri- 
tées^  5I"»*  JLeq  a  coiftpqsé  d^es  contés  populaires  y/rVunçat*  popu- 


DU  SIÈCIB.  935 

laireSy  qui  ont  exercé  une  grande  influence  en  Angleterre  et 
aux  Etats-Unis.  Il  y  a  vingt  ans,  Tun  de  ses  livres  en  était 
à  sa  treizième  édition  anglaise.  Beaucoup  d'ouvrages  inté- 
ressants sont  sortis  de  s^  phime;  elle  a  écrit  Luther  et  $Qn 
époque  y  les  Vieê  dés  FeintreSj  V Histoire  âe$  réfugiés  f  tûtes-- 
tants  de  France  en  Àmêrûpie  ;  elle  a  publié  tout  récemment 
la  fie  des  Sculpieurs,  Elle  doit  avoir  aujourd'hui  soixante- 
dix  ans  :  c'est  une  femme  excettente,  pleine  de  dignité, 
dont  le  visage  reflète  une  grande  beauté  morale.  Biche , 
elle  éerit  uniquement  pooï'  être  utile  :  ses  enseignements; 
ont  été  le  refuge  de  son  ftme  affligée.  Restée  veuv^  de 
bonne  heure ,  elle  a  élevé  a^vec  le  plus  grand  soin  ses:  en- 
fants. L'humanité  a  eu  le  malheur  de  perdre ,  daos 
deux  d'entre  eux,  deux  fiUes  belles  et  accomplies  comme 
leur  mère  ,  qui  eussent  continué  son  œuvre.  Comme 
écrivain^  M"*  Lee  s'occupe  peu  de  polir  ses  phrases;  mais 
eUe  soigne  singulièrement  et  très-coquettémént  sa  pensée , 
manière  nouvelle  qui  commence  à  pdndre  et  grandira. 

La  Suède,  si  glorieuse  de  Linnée,  de  Bërzeliu^,  de 
Gustave-Adolphe ,  l'est  aussi ,  et  avec  raison ,  de  miss 
Brëmer.  Ses  peintures  intimes  de  la  vie  de  son  paya  iont 
pénétrer  dans  toutes  les  classes  de  la  société",  une  philo- 
sophie essentiellement  moralisante  :  on  y  respire  un  par- 
fum de.  vertu  qui  grandit  les  lecteurs.  Un  jour,  elle  a  visité 
là  République  Américaine,  et  son  voyage  fût  une  véritable 
ovation. 

Voici  une  dame  hongroise,  M"**  Pusziy  V  erfé  a  écrit 
des  légendes  nationales,  des  mémoires  sur  les  derniers 
désastres  de  son  pays.  Trois  langues  lui  sQiït  également 
familières.  .  ' 

Au  théâtre.  M""  Mars,  Duchesnoîs,  Marié  Dorval,  fea- 
chel,  Sontag,  Malibran,  Viardot,  nous  ont  prouvé  que  le 
génie  de  la  femme  avait  des  droits  à  réclatner,  et  que  sou- 
vent ,  à  côté  du  génie  de  l'homme ,  il  pouvait  faire  pencher 
la  balance  en  sa  faveur. 

Au  seid  dala  grande  rép^ibUque  du  Nouveau-Monde ,  des 
àlïiés  accablaient  leurs  frères;  lexiw  cadets  en  cîv^isatiop , 
de  toutes  lès  douleurs  de  la  servitude.  A  cet  4ge  où  ^alheu- 
reuôetnènt  tant  d'aùtïes*  dans  nbtïeTwiiidé  '  île  irê vent  que 


950  PHiLoaofHiB 

parures  et.  ooqaetjieria ,  ime  ieinme  joune,  riche  en- 
tre, toutes»  ^ausû  privilégiée  pour  les  donsqu'eHe  a  reçus 
de  la  jQature  que  pour  réducatton  quelle  a  so  se  donner 
eUe-zuème,  Mari^  Weston  Ghapoian  se  saisie  de  la  question 
brûlante  de  Tesclavage.  Les  plus  Jbautes  études  de  la  ph^ 
siolo^  Imî  soAt  fainiUère&;  un  grand  saTOif ,  un  grtBîI 
sens,  et  surtout  une  de  ces  volontés  puiesaiites  qui  ne^ié- 
chi$^entja|aiats,  IwdoïkD^Qt  bientôt  poMooUaborateixislfô 
cours.les  plus  dévoués.  £U.e  ne  veut  pas  transiger  avec  les 
possesseurs  d'esclaves;  elle  va  plusk>îu,  etleiveut  qu^fesè 
cojQyertisseat  et  demandent  d'eux-mêmes  Tabolitîoii  ]ile 
toute  servitude  :  «d  luUe  à  Boston  a  rempli  Tune  de^  gran- 
des et  glorieuses,  pa^  4e  rhistoire  de  oette  viilei  >  ' 

.D!un. roia^an^  une  autre  feaime  américaine^  Madame 
Henrie.Ùe  Beecber  Stowe,.a  fait  on  grand  acte ,  un  évébe- 
m^int  politique,  , 

Lpia  d'accepter  les  assertions  d'un  homme  Irès^niiticS 
qui  n'^  yoiilufvoir  l'Aménque  qae  «l'un*G6té  'de  sa  inédaifte, 
no\is,  |iin£a|ons<»  .ooBtrairement  à  F'Opinion  db  AL*  BejbrtgQe, 
qu^  les  ^éri<[)aicLe<s'  cmtfoi  dans  l'idéal,  et  «|Ue  «haqoè  jour 
augpf^^Qte/leuT' culte  si  légitime  pour  k  poésie  âe^  glràndes 
cbiQ^e^..  Combien  uous^evrjions'SîgQalef.  èaootede  fenmiee 
omioQntps  d^  ce.  pays  «  sii  nous  pouvions  létabiir  tei  Itf  no^ 
mei\clat^]:e  des  titre&€qnteinpf)FainB;>^oBsëonn<trons  fou^^ 
tefpis.qi^elqvtes  lignes  4e  souvenir  à'  plosieuvsd'enlf^  îelfes. 
L'auteur  du  roe»»»  4e iPhilathie^ des Leitre$iâ  Jfiuh¥&ret^ 
Madan^eXhild,  >est  un  esprit  trà&^^d^kigué^<40Qt'^l^(ait  ve- 
ma,rqu^lû>  etx  ses.peinlQriBs.y  Mis&  Sedwieic  m  m  jeter  dè')« 
pooâ^  curies  .plw  >hitfableà  occupa  time  ?  des  elaases**kd»5^ 
lieMS/^sv^Hea  QDseignév'  ùU?  eofieignaàises  lecteum^àrvéle^ 
vei;  \^  .trAi^ftun^manuelalp^rci'iMdrai^la  {^olitesM  etrla^tSri^* 
table  éducation:  ses  romans  et  ses  contes  poputaiwsMont 
un:j^^fl  j^l^n^vm^^^importancQ.  L'Amérique^<«/les 
da)7^^r<é4aatenra  .de  ijournanx^c^Mèd^meiS^^ 
contre ;ri9£toie  loi  «l^.esolavesr fugitifs^  ^vciDiinâbHiieoc 
d'i^sprit.  Qt^en  tsl^le  sji^uUàre^eQt  'éfiergiqOT* ^i^'vùlmsnse 
liv^^^t.^l^f^^^Vtô^deetprofeâsiùiis^smipÉ^ 
seljft Sl^kywçl  ,i  «a^win  ii  ijous'-ioufiûtJ  i'4KHMSÎanide>fé^ 
1er  combien  la  médecine  des  enfants  e^^lmMhimbB  ^ws 


Ba  stËOLS.  937 

femmes  sont  du  domaine^do  sne  féminin.  Miss  Hunt  €fxerce 
la  ttième  ptpdfesskm.  Nous  «n  avons  quelque  honte  pour  la 
Frwee,  mais  la  premièfe  de  ces  dames  a  été  beaucoup 
nèim%  accueillie  par  les  professeurs  de  Londres  que  par 
c«iiii.de  Paris.  —  Le  vieux  mondé  n'a  point  de  femmes 
omâeurs  vmais  le  nouveau  en  eompte  j^uaieurs  que  dfetin- 
gâ<il-ék>quence  la  plus  pénétrante. 

Lorsqa'eamai  1855,  mon  honorable  ami  Green  proposa 
à  lia  convention  de  Massaefaussetts  une  pétition  qm  r^a- 
Hiaitiréiat  civil  des  femmes  ^  grande  affaire  qu'il  sut  con- 
clure aveo  une  remarquable  habileté ,  beaucoup  jouèrent  un 
rOie;  Appelée  à  parler  devant  le  comité  de  la  convention  y 
Lucy  Stowo:  plaida  pendant  unehesrela  cause  de  son  sexe 
avoc  une  logique  tiès-serrée  et  la  plus  haute  éloquence. 
L'êfilet  da  son  disooors.fut  lasBez  puissant  pour  faire  pleurer 
la  moitié  de  ses  auditeurs.  —  Sallie  Holley,  âgée  dé  trente* 
troifi  ans,  pasise  pour  trè&^e&traliiante  en  ses  discourut  par- 
t0iMiOù,elle  e&  trouve  l'occasion,  elle  parte  en  feveur  de 
r^maneipation  des  noirs  et  de  la  tempérance.  MissDick  a 
fail.{4tts  que  des  discours;  on  lui  doit  la  réformé  43es  pri- 
sadsiei.  des  asiles  dés.  aliénés  et  des  idiots.  Antoinette 
Bfowii  estaujoand'hui  payeur  protestant,  ^  après  avoir  fait 
preuve  de  riiiâtnictioii«eligieude  la  plus  étendue.  Luchstta 
lUtott,  quakeresse  ikPhiladelpbJe,  possède  la  réputation 
d'^étoquenee  le  mieux  ^établie  ;  .  eMe  *  -a  ^adressé  Un  di^c»)Urs 
tK!èsrfamaf4ua2;>k  atuL.  étudiants  en  Qiédeeine*,-dlé  a  aussi 
piHdéi  coatreT  tous  les  systèmes  pénitentiaires  ^  et ^  MfUlé  là 
dSocMinedâ  c«us  cpiicroieiït  aux.  châtiments  en  se  pièifitit 
SQW  te  ;rapportaa  peiml  de  vue  des  ^emeigneilienti^  de  éatl , 
datG«i»rdtaet  des  plusgirands  publicislK^s  modernes.  Abbj 
Kie^Jieyrest»  tmeiau^'eiquak^essa  douée  aussi  d'une  haute 
éloquonoeî"!'»  -  '  .<'—.  n  ....-'i— .  "i'^-  ••■  *  •  •• 
-  Tomtes  .oes^énulnes'  si'  àoqnentes  d^Ëwope  et  d'Aigri- 
que  .apfktHîaBDentà  pieiiû'prèftisaos^jesceptkM  de  naiss(ahce 
QUMâ'{éi&ati0fiv  aux  diverses  ^sectes  d«  protestantisme,  et 
iwmm(itlorlÊrea$irp€ii!fua^tâi^$^fn^'^  sont  l'un  des  té- 
moigongits  de  JaiBiq>étiorîtéidaiVëdiveation  pteflestàntë  sur 
lesfjéfkoations'  calholiqnas  gredfue^  musulmane;  'fothama- 
niste  atibeuâdhidtds.  .-.-^i'  '.•..•  ^^i-  '  i-  'i'^^'  ''^    i -'-»'• 


958  PHiiosoPHU 

Dans  la  scimûe  pnre^  nous  ne  citerons  qu'âne  seule  page 
écrite  par  une  femme  dans  notre  siècle;  c'est  rintroduetioa 
aux  œuvres  de  Cuvier,  attribuée  à  sa  Wle^fille  MideBueî- 
selle  Duvaucel.  Gomme  philosophie,  et  eu  égard  aa  moment 
où  il  parut ,  ce  travail  a  une  telle  giiandeur  littéraire  qu'au- 
cun autre  publié  sous  la  restauration ,  si  ce  n'est  le  fMneoi 
article  de  Jouffroy ,  Commmt  les  do§me8  /SnûaefU  »  Ae  sau- 
rait lui  être  comparé. 

Il  y  a  eu  en  France  un  moment  solennel  pour  Tétude  : 
Saiiit-Simon  venait  de  mourir  ;  de  Lamarck  ne  vivait  plus 
que  par  le  coeur  ;  Broussais  terminait  ses  éloquentes  criti- 
ques de  ram{)hithéàtre  de  la  rue  des  Grès  ;  Clément  Desor- 
mes enseignait,  au/  conservatoine  des  arts  et  métiers,  une 
chimie  industrielle  toute  nofuvelle  par  la  discuseioB  écone* 
mique  des  résultats  pratiques  des  grandes  usines  ;  Matthieu 
de  Dombasle  faisait  briller  la  ferme-modèle  de  RaviUe  du 
plus  vif.  éclat  ;  la  rue  Taranne  était  un  foyer  de  haute 
philosophie.  Le  journal  le  Producteur  venait  de:  paraîtra  et 
de  réunir  Enfantin,  Bazard,  Bucbe^,  Dugied,  Camot, 
HalévyV  Armand  Garrel,  Blanqui  aîné,  Lauvi^iit  (de  l'Ar- 
dèQhe)v  et  une  foule  d^utres;  Q^ro^f  Saint-Bilaire  doanait 
ses^^ands  pt derniers  enseignements  ;  Bertraad,  de  Reimes, 
analysait  les^nbénomènes  de  l'extase^  et  la  jeunesse  ^ae^m^ 
cuciUait.  Ge  fut  Vheure  dee  doctrinaires.  L'esprit,  de  fmiti 
ne  s.Ht. point  leur  r^re  justice  :  ieu  brillant,  mais  feu  àe 
paiUe,  disait-il  d^  Villemain,  sans  ^comprmdmqae  cet 
émiqopï  profe^eur  possédait  au  suprèoie  degré  cette  rare 
élégance  qui  seul^  pouvait  amorcer  les  esprits  et  leur  4oBiier 
le  gpût  d'une,  litt^atfire  ^ieifôe«  Cwsin,  Tune  de&grandes 
élbmjepce^  .duisiçcle ,  n'était  guère  mieuK  jugé.  Safi&  doate 
qu'^Q  faisait  de  Téclectisme,  souvent  i»èine  du  .Srynchré- 
tisme ,  et  qu^il  a.  mérité  h,  sévère  critique  de  PierreiieQoax; 
m^is  n^^tiaitVce,  dona  rieir^quede  servir  de  transilion  et 
et  que'dVtéresser  h  cette)  triiQsition.la  jenoesse  dae  éoeles 
par  des  leçons, auxquelles- ai  pe^Oit  appliquer  répi;tbàta  de 
magnifiques  ?^Guizat9  dans.ce.temps^  dogma^isapt.eit. his- 
toire- i^e  Jmain.|>leine,de  v^rité&i  C€|  nouveau  Fqnt^aelle 
Tentrouvrait  à  peine,  mais  il  pfi^virait  la  {Aaee  an  ^fiis- de 
Voltaire ,  à  Micbelet ,  à  rhûmxpe  qui  devait  toujouis  mar- 


m  SIÈCLE.  939 

cher  d^étùded  en  études,  et -de  progrès  en  progrès,  an- 
devant  de  la  jeonesse,  attirant  à  son  cours,  avec  son  esprit 
si  rabelaisien ,  si  éminemment  français ,  les  oavriers  eux- 
mêmes  <et  les  femmes.  L'ancien  Globe  était  alors  t'a  tribune 
de  ce  inonde  d*esprits  aristocratiques.  Duchate!  y  attaquait 
à  hùd  droit  la  tieilte  ëharité  ;  mais  en  même  temps  il 
commentait  la  graveerreur  de  fiisionner  Malthus  et  Ricardo. 
Dubois,  depuis  directeur  de  Técole  normale,  promettait 
une  histoire  du  christianisme  qui  n'a  point  encore  paru.  Il 
s'enveloppait  en  quelque  sorte  d'une  atmosphère  du  siècle 
de  Louis  XIV  pour  écrire  ses  afticlèis  aux  phrases  accen- 
tuées; awx  mots  frappés  comme  des  médailles.  Salnte- 
Betfve  faisait  de  la  poésie  individuelle.  Mérimée,  avec  infi- 
nimbent  d'esprit,  «e  livrait  au  libre  caprice.  De  Remrusat  se 
préparai!  au  rftie  qu'il  a  joué  depuis ,  se  trompant  lui-même 
avec  la  plus  g^-ande  loyauté ,  toralgré  tout  son  esprit ,  comnSb 
il  eât'  voulu,  conMttt;  il  voudrait  peut- être  encore  tromper 
la  France.  De  BrogKe  faîsah'desCTSeignements  individuels. 
Danâimn  professait  avec  un  rare  talent  la  fausfee  philoso- 
phie des  métaphysiciens.      '  " 

'Bft  jottr,  m  voulut,  aut  bureaux  de  l'âncren  Globe, 
réunir  les  jeunes  hommes  qui  avaient  de  Tavehir.  Le  Pro- 
dueteur  avait  paru  :  la  doclrine'craignait  potr  son  éclec- 
tisme, finieur  présence,  Saitit-Sitoon  fut  attaqué  et'vive- 
ment  combattu.  Dubois  s'était  Vîhargé  (Tînitiér  cette  jeunesse 
aux  e*«eignements  de  son  journal.  Vaines  paroles,  peine 
perdue  î  autant  d'échos  d'un  monde  (jui  allait  disparaître 
avec  ceMi  qtfe  '  les  doctrinaires  voulaient  remplac€l^.  Au 
sortft*  âe'eèltfJàéaBce,'lesnouv«aa^x  adeptes  ^'empressèrent 
d*a<CKj[t[éri^  le  ^itoi^tmr^i  Saint-Simon,  -dont  ifs  étaient 
imhti§'SAn^'%B  stiVO^  ' r  '*'  <  * 

'L«l' j^utiéSè'ë  etie'pè^t^l^'avaiem  dès^lOi»s'>iHlfeàts  leurs 
îtfspirtilltiÉfs';'  lei'fétntnes  atssi:  Ohetfehez  au  voisinage  des 
grfe*^ftiyéY^<!'^  vôUsMen  trouvèî'eî  ëntore  quel-. 

qtoe^^ïries'  dte  ^^ëtte  ëpoqne  :  teutt  filles  et  leurs  jeunes 
anMfes^ontîtf^t^'re  virante  'de  r«illianttce  intime  qui  peut 
et  ^"dèirà'feîièl^  dé  plu§  en  plus  "enM  lés  tehctîons 
materh^fes-Wïe  ^a^^vbh-.   ^  "       »  "'     '•       '     ' 
Dîx-hftit  ans-,  tes'  doctrinaires  régnent  Ihtétafrement  et 


940  PIIILOSOPHIB 

politiquement  en  France  et  en  Europe.  Pendant  ces  dix- 
huit  années ,  ils  donnent  le  déplorable  exemple  de  créer 
des  moules  d'éducation  6  Tusa^  des  dîrerses  classes  de  la 
société-,  ils  oublient  beaucoup  trop,  ces  hommes  purement 
tittéraires,  le  r6le  à  venir  de  la  sciente.  Rien  de  précieux,  h 
cet  égaid ,  oomme  le  dédain  avec  lequel  ils  écoulaient  les 
ob^rrations  qui  leur  étaient  présentées.  Ces  adversaires 
du  (ïommumsme  démocratique  pratiquaient  avec  naïveté 
le  communisme  gouvernemental,  enveloppant  du  maillot 
de  leurs  idées  ^  de  leurs  méthodes ,  de  teurs  ensetjpie- 
ments,  toutes^  les  individualités  ,  de  manière  à  faire  dispa- 
raMre  des  ori^nalités  puissantes  :  on  eut  dit  qu'ils  avaient 
pris  pour  modèle  le  mandarinisme  chinois. 

Madame  la  comtesse  de  Lieven  pourra  donner  le  ton  dans 
les  salons  du  chef  de  la  doctrine  el  y  servir  k^  iotérpts 
laisses  ;  mais  personne  n'oserait  appeler  les  femmes  au 
collège  de  France ,  aut  «baltes  de  iMut  enséigtiem^nrt.  U 
est  rèffn  que  Thomme  a  mission  de  dicter  à-  ta  femme  ses 
devoirs  et  ses  droits,  sans  daigner  la  consulter  même  pour 
la  forule:  Opinions  de  commande,  doctrines  littéraires. 
fâûta!9magôrie>d'un  faut  savoir,  tout,  tm  jOur,  fut  balayé 
pour  faire  plaee  è  une  transition  d'un  aiktre  ordre. 

La  physiologie; dès  1S09,  avait  eu  t'ambitieto  d'etivalm 
ta  littérature  ;  do  1830  fr  1880,  eUe^s'était  fak  ^  ]dâce: 
de  tSSO'à  i84<>,  elledétrOma  le  dodrinarisme ,  oetfe  der- 
nière et  brillante  forme  de  la  seholasti^e.  Ce  «T'était  pins 
alors  la  science  ineomplèle  de  la  nature ,-  car  chaque  jour 
elle  devenait  '  de  plus  en  pkis  enCiyelopédique. 
'  Tèutefois  ne  soyons^  point  injuste  envers  rAUeibagne, 
et  qnoiquè  'te  mouvemépC  germanique  fut^  à  certains 
égards ,  dans  une^  v<eie  moins  sure  que  le  mouvemeât  fran- 
çais ',  rappelons  se$'  titres»  avant  de  passer  outrei 

Kant ,  malgré  rabu6  qu'il  a  pu  faire  de  la  métapbjrsiqàe, 
a  été  Tun  des i^s  ^grands  réfarmatecM' de  rhunfanilé. 
Schillef'  s'e^moniffé  souvent  noble,  sottvient  ré^B^nent 
inspiré,  '^urliéul  dansèen  édoeatioà  «ëlbétiv^  '<ki  genre 
Immaiti.  StiHerdef)  Jac^i  et<  Pries  traçaieiftf  àoOMf  ée 
KMt ,  une  vQiiè  nouvelle  bien  ^plAs^  setilîmdMiae^'^  MMaise 
que  réellement  s«ientifi^  -;  >  Fii^W ,  <M0  fWTV  <9èf  ^  {Hafait 


BU  SIÈCLB.  841 

dans  la  balance  tîs-à^vîs  de  Cofidorcei  ;  par  sa  doctrine  de 
la  scieocev»  il  ouvrait  aux  Germains  celle  voie  indiquée  aux 
Français  p^r  Tillustre  auteur  des  progrès  de  l'esprit  humain, 
cette,  voie  que  Saint-Simon  devait  élai^ir-  al  doQt  Foorier 
devait  tracer  tout^tla  partie  industrielle.  Son  erreuf  capi- 
tale îmI  de  confondre^  religion  avec  le  fanaittsme  dévot; 
de  faire  >lrop  û«  sous  4^  rapport  ^  des  ti?aâitions  de  Thuixia- 
nité;  ide  ne  pas  voir  que  b  -seieoce  qui  élève  et  oonsple 
rftme  humaine,  qui  relie  le&bommes 'entre  eux  et  les 
rattache  à  Tunivers  quelle  leur  explique ^  est. auesi  elle 
un  lien  religieux  et  Tincessante  révélation  des  temps  ac- 
tuels. Frédéric  Scblegel ,  l'homme  aux  variationsi^  nous  a 
toujpurs  paru  médiocre  et  fort  au^essous4e^  réputation, 
Frédério  Hard^herg,  philosophe  élégiaque ,  a  prêché  le 
mariage  de  L'espcit  huopain  et.de  la  natiirev  Retouchée  au 
point,  4e  vue  de  la  science  modeene  et.  appropriée  aux 
écoles,  de, demoiselles^  sa  philosophie  serait  Irèi-ulile.  Qel* 
derUn  am^ncbé  dana  une  voie  analogue»  t^essing  a  signalé, 
en.unep^ge  admirable >,  covamc^t  £)iieu.a*es|  servi  des.  révé- 
lations Hicces^ÂMe^  pouc  faiqe  rédueation^detrhumâinté. 
L*io(l9cnoe  de&chelliiig  a  dépassé  larJIbin.  Hegel  doit  èlve 
considéré  e^mme'riniiMteur  du  gRan^mouyement  iphilo- 
sopbîqu^  4e  T Allemagne  m0deHie5.de.  ^  mouvement 
qu'Ëwej^beeck  nous,  a  fait  («wnattie  dans  ses  .livres. sw  la 
rj^igioo  i  SUT;  la  fiihia,  •  sur  l'Aile^Aagne  et  sur  la  tUpguis^ 
t^e^  .ouvrages  t^^  pea  connus^ ^Hégel,  'apvès  avoir  puUié 
s^  éçfiit9;Sui^  la  réorganisation  systématique,  de  laureligioi^, 
des  sciences  natoreliesv,  de  l'histoire  y  de  L'e5tbétiqitte,'d§'U 
physiok)ig!iid  et  du,  drait4;:S0ttS.  une  iocme  essentiellement 
ditterente^de  qWle  «on^crée.  es  Ani^etene ,  ^n  Flrance  sur^* 
tout),  ?par.,le^)habit|ud^$<  ^ientifiques.  de&.grdode^  époles, 
où  domine  re^pvit,mét{^o<|k|ue.«k  remtrquableit^e&t  person- 
nifia ^a&».:km  pnWioAtiai^jcHArMp^  Itégeli:idi^nsr90ps, 
fuA.vÀv^mçntfiiltafuéri»  n^^biAiH^t^J»^^         $pn  éoole^s 
coiiQmedune  x4iÀtable!<lcirieae^9Af  ks^fÀvaigran^    illustra- 
tiiom^ <^)l'A(U«90uigM  APémi^é^/)  e'4iaieMl^  i^.Bevliin,  fiabler 
ei  >^«1«'  ;  iSobaltoi,  ^ittptlte-  ifi5^><terAMr^;irwd  togipie» 
cQwwe  l§s,4tei(iftia«*isi»v>fti4t^a»si;l'unrd^<J»P^ 
qui  veulent: WC^pMDu^Wril^  l^ftUiDej  Nou»  devans  placer  à 

40 


943  PHII.Û6QPHiS 

côté  de  lai  B<iyerhofer>  ik<M«rbourgi,ietEmst  Kapp.  La  psj- 
cologie  .bégéUettoe/a  dû.  h  Ërdmann .  (  H&Ue)/ Micbelec  (Ber- 
lm)ytR06eoKrdnz  (Kodoiâberg)  ei  Daub.(HeideU>di^)  les 
\çm&  nouvelles  d^ps  .lesquelles  elte  ^e&t  en^^éac 

Le$  juriscousuUes.  Edouard  Gaas,  àfiecUn;  Gœsciifol,  à 
Magdebour^;  K(£s£lini  ^  Soiiaibe«  se  sont  io^irés  à  leur 
tour  de  lap^sée  rénova trûce<le  la  jeune  AttemagHe*  L'his- 
toire d  pris.dès^ors  un  caractère  tout-nouveau,  dont  les 
éccits  de .  Kapp ,  d'Berinaïux ,.  de  Ciesdbooski  sont  la  preute. 
Ce  4çn)ier  a.  publié  sur  le  orédit.^t  la  cirooMioii^  Vùn  des 
meiltours  livres  qui  «xisteot.La  juopate,  Festhétiqoe ,  les 
croyapoQS  reUsieua^a  ont  grandi  «ussi  elles  de-tout  le  mou- 
vendent  qui  entral9)ait:  les  esprits;  Fuerblrch,  Carrière, 
Vatke  ,  Wi)[^b«  Hiobelet^  Hotbo  v  Viseker,  Boseakrâoz, 
l^arb^illeke«  Bcedenoaim,  Noaoke/et  beaucoup  d'autres 
sioat  esaentoeUeanet^t  <différe»ta>eii  lèuffs  éerits,  deB.fMoseurB 
du  siè^l^^  prtéojMfinet ,  quoiquisJa  {filiation  .BOitutdirMte  et 
pui$se iNre .retrQunrée*  Ainsi  serepreduit^dans J*<rhlfe «oml 
et  sooial^  oe{àé.nQi»àn6.de&-  traiiiÀ>rinatîbB9^ii^Dbu6  larons 
signalé  danfiliofdre  stellairerv  dsdas-  KoniiisfimBiéhil  y  dans 
Y'S»4xe  yégié^U  pouD  1^  amiuaiiti«ufl(«nié|iies^eti6péoîaie^ 
itteitt ppuril^grande. séflie  des. trikAiteS'idaMiaqtteile îl  est 
awjowd'bWifliî évident»,      -    ;.  .<.    .  .  *  «v.  ...tiv.T    ^  * . 

Xie.inoulyelnentde  rAUaaia9oe  A  eu  souvênttsunlie'éiou- 
vein0ntir^i»£^isiid«^  IHSQ^  k  1^80  ^  una^giMdeîsof^énoiifé 
due.surtpuV'.^.l^  oqiQMis^Anoe  quedes.'GenMÛisiiBt^deaiMpe 
Ung^  et.i^.  rigPiM-pupe  preiiwde  des^  Itonguesr  étaraBagëres 
majntm^'  m  )  Fr^^nea  cm  det  lO^ativaisas  niélfaodëdiiiHwr- 
sitaires;  elles  ont  été  canSerMét^MAansnos.coUéfttib^iKsiitié- 
tb(9d9SnaKié)ré<^  ^t jna^t{|(%us.las  bons.esl^iîta  f  par lei  iu- 
prêwe  (orgneili!  àm  .deotriOaife&ic  ,q»'âst«niri9inaDt' donc 

;  ;  J4a  st^^iQfiti&dea  Attomands  eibt 'étéiphis^ande  chèofe 
s'ilSiavflK^t(i^ti'iliitre9  entièwfu^nfcdaos  ia)tviaîe)SfieDti£(^e 
suc€i^siiire^f*t  tidcée  et  idéveloppéfiiMij;  Roger  fiadènv  Ba^ 
eon  le.cbimc^eii^  .IkâeftTttts^  iiGàiâontet'4>iâiaiatiâiiiiàv'êt 
nQSi8iaîV49ti»  lPQd^ms;.nt9iSilpelul^êllfe'>1f«îaj^^ 
rbummité,nipie  t4ea>  voûtes,  de»  jesprils  gaUo^tnB«B9>«t«tdes 
esprit6\  g^ii^aiiisi  âiaieii  tî  leasebUaUemeot^ 


BU  8IÈCXB*  943 

Nous  V6Q0BS  d'indîqmr  le  monvement  philosophique; 
mais  (lu'ilncMis  resterait  à'  dire  si  nous  vo>iiliODs  èlrô  eom- 
plet  !  Ëli  regard  dU'  èaint-gitrumimne ,  do  foimâ'iême  ^ 
du  catkolicisim^-françaisei  de  toutes  ces  tendances  récentes 
si  babilemant  comfiriiDées  sous  1^  g^venoemenl  de  Louis- 
pyiippe,  qui  portaient  les  esprits  les  plus  éminents 
d«;la  FruiCM»  rers  une  catbolicilë  nouvelle  him  plus  que 
versuat protestantisme  4  T Allemagne  a  eu  ses  réforma*^ 
teufs  diiD:  «litre  ordre.  Louis  FueiribacJi  a-  démontré 
mfkg^sifuemint  cette  'pensée'  :  que  tous*  les  dogtties, 
que  toutes  les  idées  celigteuses  de  Tanliquité  et  du 
mayent^Âge  font  esseoticilement  humaines.  Remarquez  ici 
la.,d»0érence  du  génie <les  deux  peuples  :  cette  pensée 
n'esl iauAre  que  ceUe  delà'  filiation  des^  domrines  et  de 
leur  .transformation  àtravers  les  âges  dont  nous  tenoni»  dé 
donoer.^neirréiutaUe  démonstration,  dans  notreesquîssNs 
phyfiohfiquâ  d'une  histoire  unitôrseilie,  Fuèii)ach  a  procédii 
de  KanI;  Notre  livre  n'est  que  la  ik^rrection  et  le  déT^{>* 
pement  des  idées  de  nosimafltres  Condorcet ,  ^mt-Simon , 
Baaard  et  fin{£intiti.f  les- auteurs  de  cette  grandeétude  dont 
noms  aronfi' cité  i  quelques  Iragmefits.  Peu  de  Ceâops  avant 
sa  '  moirt ,  iSîailittâiiBan  arrait  écrit  un  grand  Im^ ,  l4  NifU^ 
veau  Christianisme^  œuvre  de  haute  et ^soieritiâque  ttfoîté'. 
La  fiermaniet  'toute  aa  proteatantiéme  eoit  en  AUemagde  , 
sort  en  ^aodÎEhavie,  soit  ^  Amérique  (car  les  Anglo^MAmé^ 
rioiMue:  aoni  essentiellement  Germain»),  naat^  a  donne 
Stfénas.et  ^/études  si  négacives;  si  protestante^,  sur  te 
Ghrâfit.ellë&  Évangiles.  Ces  deui  lifirres,  si  (MérenlS',  eM 
faittleur.diemia  (Âacunde  dcm  cdié.  '    *  «     /  '  '    '  '  ' 

Un  jouB.cepBiiéant,  un  euréoattibitque  de^ésie,  nodamé 
Royoge^. .vivcmeDt'éoMi',  nerùp  dit'fiwerbeéck,  >dti  spectacle 
de  tant  de  centaines  de  milliers  d'Allemands  prbaterDés  ife- 
vaat  ia  Ikmeu^eirelique  4e  Tpère9,'6À  écrivit' publiquement 
à:spntémpiei«t  fut  révoqué;  nais  la  pensée fraùfaise  était 
eniluinU  itè  aetUtpoipnl  protiBstakitvil'îeétà  ÊÉsgiilièreinent 
attadié  ans  degme*  de*  l'unité  .onJealhdEcité  ^t  tiéÀ  réglise 
catbpbquûialIeiMiideqti  ittati^hei  i^aque  joiir  «A  la  ^onqudte 
dei^pra^fifi maveàui.  Mus  'tarA»,-uki;  prédlcatmu  de  Halle  , 
Gustave-AdcdpUeVVIislioeniia^dtesi^t  lefdnîdaieitf  de^  la  com- 


944  PHILOSOPHIE 

mune  libre ,  égU&e  noijLvelle  plus  radicale  encore  en  sa  ca- 
tholicité que  celle  de  Ronge.  Cette  couvre  étail  habile, 
quoiqu'elle  ait  été  vivement  critiquée  par  des  démocxates 
imprudents  et  sans  calme  d'esprit,  qui  n'ont  pas  su  com* 
prendre  que  leur  compatriote  préparait  les  voies  à. *  celte 
grande  pensée  si  fortement  élaborée  en. France  parFourier, 
par  les  fouriéristes,  par  Beûois>t  et  Cbarrassin,  et  par  Girar- 
din ,  dans  sa  Politique  universelle ,  pensée  qui  doit  conduire 
à  la  réalisation  de  toutes  les  améliorations  désirées. 

Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  les  efforts  d'un  aulre 
ordre,  de  Mozart,  de  Beethoven,  de  Hummel,  de  . liane 
Weber,  de  Spohr,  de  Jùreutzer,  de  Meyerbeer*  La musique 
joue  un  rôle  immense  chez  les  races  allemandes  ;  eUe  con- 
tribue à  diminuer,  par  le  rapprochement  harmonique  des 
individus ,  ce  qu'il  y  aurait  de  trop  dans  les  individualités 
germaniques,  c'est-à-dire  la  tendance  à  régcusnaie.  Même 
dans  les  classes  pauvres ,  elle  a  un  rôle,  émancipateur  et 
social  qui  dépasse  singulièrement,  en  $a  pontée ^leç  (iaisirs 
intellectuels  dont  elle  e^t  la  source.  Avec  la  musique  se 
développa  la  pçcsie  lyrique  de  VAllema^ne  :  repréisentée  au 
midi  par  Uhland,elle  le£ut  çp  Prusse  par  Chamis^QdeBoO' 
court.  Successivement  émigré  frapçaiset  page  d«f  la,  reine 
de  Prusse,  il  voulut  revoir  sa  , p^^trie , et îpà§s^r  qûelgutf 
temps  à  Pontivy  (Morbihan);  c^était  la  -cité  natale  du 
tailleur  I^eperdit,  maire  de  Rendues  en  95,  rum  de»  grands 
hommes  de  courage  civil  et  d^  vertus  -populairesi  c^iiô  la 
France  ait  mis  au. inonde:  Ct'étjiit  aussi  la  viUe  oit  .ÇMépin 
et  Moreau.  avaient  initié  la  France  àl^féd^ration,^  ^tte 
massue  qui,  le  i4  |uilljeî  1790,  écrasa  ia'.réactjoij .^Isouïa 
la  patrie  :  c'était  le  vizitte  de  TOuest.  Aux  jours  de  la 
guerre  civile,  elleavaitsoM  unejutte-hérqïq^i.eljifl.  JK^ 
sédait alors  de  grands  citoyens  aux  vertq#iia«)àes^(es^  .an 
dévouemefLt:  pans  arrij^ro-pensée  personnellei  jG^açûsso 
s'inspira  ^e  ses  ^otivenirs ,  de  la  pensée  cpii.  V^njunaît ,:  .•  de 
la  nature  si^auva^B  et  si  druidique  du  j^onh^an*  des.hcM»is 
ro^}an tiques  du  Blavet;  il  y  devipt  u^ivr^i  Kio^^^  js^iycobie 
et  rempli  d  une  gr^pde  et  amère  iron^i, qpcoKiQcJla' ^9f,\Be 
de  cette  comtré^  :  ,aîors  il  rparia  daps-  sQ^-âiEjjp X'i^spriA  ràlti- 
què  et  l'esprit  geiWtin.  Ewerbeeckluf  a  conpitoré plusieurs 


BU  SIÈCLE.  945 

pages  et  avec  raison.  Il  y  a  tonte  une  vie  dans  ce  passage 
écrit  par  Témigré  patriote  et  pensé  peur-être  près  an  lieu 
où  Côrret  de  La  tour-d'Auvergne,  le  premier  grenaoïer  de 
France ,.  s'était  révélé. 

«f  Abusé  depuis  mon  enfance,  j'ai  vu  mes  meilleurs 
*  amis  détruire  en  mon  âme  la  confiance  et  les  joies  de  la 
»  la  vie  ;  mais  les  stoïciens  de  la  Grèce  et  de  Rome  m'ont 
»  laissé"  leur  glorieux  exemple.  Je  le  suivrai  :  ma  main  de 
i>  fer  saura  étouffer  les  dpsîrs  de  mon  cœur  ;  elle  ne  lui 
»  permettra  que  des  soupirs  passagers.  —  Allons,  Cha- 
»  misso ,  du  courage  :  sache  te  résigner,  renonce  à  ce 
»  qull  faut  laisser  en  arrière,  prends  ta  harpe  et  parcours 
»  le  monde.  » 

Il  y  a  quelques  jours  à  peiiie,  le  frère  d'un  proscrit,  un 
simple  paysan   kimry,  nous  traduisait  en  français  naïf 

auelques  couplets  par  lui  composés,  exprimant  à  son  point 
e  vue  la  môme  pensée.  C'était  au  tord  du  Blavet ,  tout 
près  de  la  forêt  de  Quenecan ,  en  un  Keu  sauvage  oh  sans 
doute i  comme  nous,  Chamisso  avait  rêvé  l'unité  des 
hommes  et  maudit  les  préjugés  dès  castes ,  les  hdines  reîî- 
gîenses  et  Tétroit  patriotisme  des  nations. 

Lfe  poème  de  Chamisso ,  Pierr*?  S^hUmikl  (l'homme  au 
guignon),'  est  la  peinture  originale  et  fantasque  d'une 
grande  vie.  Pierre  perd  son  ombre ,  et  de  cette  perte  nais- 
sent mille  désagréments,  mille  dangers,  mille  tribulations. 
B  finit  alors  par  renoncer  à  la  vie  ordinaire  et  pacifique 
du  cocbmun  des  hommes,  se  livre  aux  voyages,  travètse 
les  ferres  et  les  mers  en  contemplatif  de  la  nature ,  Aa 
ses  lois  ht  dès  mille  harmonies  qu*elles  engendrent. 

Quelque*  souvenirs ,  les  derniers  de  cette  revue,  à  vous 
tous,  nôWeè  lutteurs  ;  qui,  ^us  les  noms  de  Bruno 
Bauer,  d'Edgar  Bauer',  d'Arnold  Rùge,  de  Charles  Marx, 
de  Bernais  i  delpaurice  Hess^  (le',  Louis  Bèérne ,  de  l'acques 
Venéd^y,  de  Schu^ier^,  dô  Gettdann  Mceurer,  de  Henri 
AhréSfé,  d'Hèrriaftn'EWerbeeck,'  àVez  représenté  àés  nnm- 
ces  ft^ef^es  de'la'péîisée'gél-ûÈïa'nilî'Uè.  Vous  pô*uvez,  comme 
le  dlShîï  UôUi^'BterrteV  à  PiHé^'tob^rir  eli  paît  rVAHemagnc 
vivra,  cbàiè  èBë"ûe*YiVra"pâs  uniquemefal  de  votre  vie  sou- 


946  PHILOSOPHIE 

vent  incomplète  et  trop  fiévreuse  en  ses  idées  révolutîoimai- 
res;  e^e  vivra  d'une  existence  que  les  femmes  vont  élargir. 
Vous  avez  tous  voulu  raffranchissementde  la  pensée,  et  quel- 
ques-uns celui  de  Tindu^trie  ,  mai?  cela  ne  suffit  :  le  grand 
édifice  de  Ta  venir  réclame  aussi  et  avant  tout  raffiranchisse- 
ment  delà  (emme,  sa  liberté,  son  état  civil,  son  mariage 
égalitaire/ —  C*est  seulement  à  cette  condition  que  se  réa- 
lisera Tère  scientifique  avec  soo^,  l^gage  nouveau,  ses 
poésies ,  «es  peintures ,  ses  sculptures  et  son  architecture 
aux  inventions  féeriques, 

~  Ouè  serait  la  littérature  sans  rëducatipA?  et  qa'ont  été 
jusqu'à  ce  jour,  au  point  de  vue  Ultéraiije,  les  pàjs  où  la 
femme  était  opprimée?  tJno  société  où  la  femme  ne  reçoit 
que  peu  ou  pas  d'instriiGtion ,  au  sein  de  laquelle  jamais 
on  ne  Te^çrce  à  faire  usajge  de  s^  raison ,'  n'esi-elle  point 
condamnée  î  l*hypbcrisîe ,  à  rînfériori té  ?         -      '  ', 

La  Suisse  protestante,  T Allemagne,  TAngleterrei ,  les 
Etats--ttpis  sont  dans  une  grandie  voie  sous  le  ra|jporf  de 
l*éc}uçauon  des^  femmes!  L^ji  Suïss^  cafholiqiie ,  TEspagne , 
lllalié,  la JPçance  elle-uléme,  son|  moins  avancées ^  «t, les 
pays'hongrpiç,  grecs  et  slaves  sont  encore. dans  tes ^^^l^^ 
de  respçrance., Fuissent  lés' faits  que  nous  ^ons  jpijer  don- 
ner aux  fem  mfes  hongroises ,  '  grecqi^ç.s  ,^  slaves  et  gaulo-ro- 
m^ines  la  soif  du  prosélytisme; ,  Tar^bur  dç,  l'émûIs|tîoa  et 
Ip  courage  des.  grandes  choée^'(Ï^V  ;"  '  .  ..  '.  ,  .,  . 
'  IMi"^  M^tièHillebrarida  créé,  près  Francfort,  ma  pensionnat 
d'un  ordre  nouveau.  Voici  ce  qu'en  écrivait,  îl^  ^deiix  ou 
tr^îs  mois ,  à  l'Une  de  jes^'amiès  |,  une  des  femmes  les  "plus 
éioQÎnputes  die  f^aris,' aii  double  ^)OÎnt.  de  vue  de  l'ipteUigence 
et  ^es  vertus  çh|rêUenhes  :' 


»  de  transmettre  rinstructiota'àùidéshériléés^       U' for- 


•lin    ,'<i'''iin    Lf.'<|   lJ!{<'i    i'Mii-;   î'ti   •»".■•    "     ■"  ''  ,  ^'■')\\i'v\o^i 
gaaloas:  T Autriche  Ta  emprisonnée  pour  dix  ans. 


BU  SIÈCLE.  947 

»  tune,  de  soigner  leur  toilette,  de  leur  faire  la  cuisine  ; 
»  de  cette  manière  elle^  s'atfachent  à  ces  pauvres  enfants , 
»  et  à  cet  âge  où  le  cœur  hunjain  est  si  maltëabte ,  il  est 
»  touchant  de  voir  avec  quelle  sollicitude  elles  soignent  les 
»  jeunes  tilles  qui  leur  sont  confiées.  De  telles  institutions  sont 
»  propres  à  établir  de  bons  rapports  entre  toutes  les  classes  ; 
»  elles  sont  un  excellent  moyen  d'améliorer  les  générations 
»  qui  s*élèvent »  '       ; 

Elle  eut  pu  ajouter  :  Elïeis  sont  propres  à  nous  préserver 
de  nouvelles  révolutions  pasèionnelles,  au  profit  de  révolu- 
tions pacifiques,  économiques  et  philosophiques. 

«r   Marie  a  ce  qu'il  faut  pour  ta  omission  qu'elle 

»  remplit  :  elle  possède  cette  foi  qui  transporte  les  mon- 
>ï  tagnes  ;'  elle  adopte  toutes  les.  misères  pour  les  soula- 
»  ger.  Jamais  elle  ne  se  demande  :  Comment  fèrai-je  ?  elle 
»  dit  :  Je  ferai,  et  efféctiveùîent  elle  fait.  Dieu  Ta  bénie. 
i>  Son  instîtntfoa,  ce  oui  honore  infiniment  rAIIemagne , 
D  est  très-florissante  :  il  y  a, des  juives,'  des  catholiques , 
»  des  protestantes  dans  son  institution,  et  dé  toutes  bes 
»  créatures  du  bon  Dieu,  Marie  fait  de  bonnes  chrijlîfennes. 
w,-^  Saris' s*ocCuper  dû  dogme,'  elle  suit  |)as  li''pas  ^e 
»  Christ,  modèle  du  tpohde,-  celui  dont  là  Religion  est 
«  totit  amour.  J^àî  assisté  5  Tijne  dé  ses  leçcms  de  religion^. 
»  elle  les  donne  av^c  utie  fchaleur  d'âniequi  pénètre  le^ 
»  cœurs  ;  tous  l^s  yéut  'étalent  riiouîHés.  a 

Tel  est  le  lédôignagéd'ûrie  protestante  très-éclAiréë.  J'a- 
joute que  mac^emoiseUe  Marie  est  la  fille  "d*an  ptofesseùt' 
de  philosophie  qui  perise  comme  un  célèbre  înstltuteu'f'  de 
Liéfge,  ^\ît  la  isupprèssiori  des  punitions,  et  qu*elle  a  une  ô'pï- 
nîon  différente.  Suivant  elle, Têtrelhùmain  ijp'pêut  enfrein- 
dre les  Idls  triorales  ^aris  ètta  i'mmédlatettient  averti  qUè  .sa 
conduite  est  non-rseulem-ent  nuisible  à  iui-méiné»  iùâis 
surtout  à  ceux  qui  J^'éntburôht'et  qui  eii  sont  tétoojns. 
Aussî  ,^mploîè-t-ellé  divér^^^genre^  de  '  pîinîlionô  :'  elle  a 
surtout  riÉfcôur$^â  Tisolëmefat  ;  elle  envoie  relève  fautif 'ré- 
fléchir seule  sûr  sa  fàutfe.     "*  ^    '      "J    '^       '      - 

Toutefois,  comme  elle  ne  pimit  point  pour  punir ^  mais  * 
seulement  pour  W/onher  et~amSïôrcr,"lès  péîriés  inUTgëés 
ont  toujours  un  earaetère' qui  en  impose  t^lément*  aux 


948  PHItOSOPHIB 

élères,  qu'au  bout  de  peu  detemp»  les  jeunes  personnes 
jugées  les  plus  indociles  se  dfsdplinent  et  Tiennent  eTles- 
mémes ,  en  se  confessairt  de  letn^  fautes ,  réclamet  le 
moyBn  éducateur  que  le  grand  phitosophe'fénïînin  d'Often- 
bach  juge  conrenàble  d  y  opposeï*: 

Voulez-vous  pénétrer  plus  avant  dans  la  pensée  de  Made- 
moiseHe  Hillebrand,  et  comprendte  combien  les  femme* 
allemandes  tendent  à  se  réformer,  à  poser  leurs  pierres 
dans  les  premières  assfees  du  grand  édifice  de  l'ère  scien- 
tifique, à  se  faire  un  nouveau  langage,  à'^'appropriér  i'  en 
les  étendant ,  les  pltfs  hautes  données  du  savoir ,  à  crëer , 
dans  le  sens  que  nous  attachons  à  cette  expression \  yaie 
liUéraiute  entièrement' noiiVelle  :  lisez  les"  lignes  qtrf  sui- 
vent, elles  nous  ont' été  adressées  pat  l'institulricé  d*Offen- 
baeh,  et  résument  tout  le  mouvement  germanique  Ique 
nous  venons  d'analyser;  eltes  sont  le  couwunémerit  des 
efforts  des  plus  grands  penseurs  d'outre  Rhin.        *     '^ 

«La  sbuffrafifce  éveille  dans  la  femme-  le  conibat ,  et  le 
-»  cG«nbat  lui  donne  Tindépendance.  —  €e  point  de  -vue 
»  auqiift»tes  hommes  arrivent  génèi^lement  par  l'éltidîé  et 
»  la  réflexion,  nous  autres  femmes  nous  y  parvenons  par 
»  :1e  sentiment  ^,  et^n  tâchant  de  nous  rendue  :;btnbfe  de 
w  ce  que  nous  sentons,' nous  finissons  soùveht  pSr  où:  les 
*  hommes  ont  commencé.  'i  .  .    -   •; 

'-  »  Autant ,  ajoule  Marie  '  Hîllebf and ,  Fédu^^atinW  '"  des 
»  hdrames  d'Allemagne  est  érilairée  et  profonde*^  'Autant 
r  celle  des  femmes  est  encore  arriérée  et  ^pérflcfeffé.  *^ela 
i  explique  pourquoi  l'Allemagne  e^t  si  tiché  en' grilnds 
i  hommes  et  profonds  penseurs ,  tandis  qu'il Vié  ^'jr  tïtfuve 
^  presque  pas- de  fetnnies'qui  se  soient  distinguées  d^ni  îès 
»'  lettîéSi  -^  L*i  femmie  y  est,  plus  que  dën^  auctih'' 'autre 
«I'  pay^  civilisé,  sdunmê à'  l'homme ynon caillés  lois V^i  la 
*'  protègetit  plus  que  partout  iwlleu'rs ,  ^ais  ^hMÎiàlnilfudc 
t*  et  ropinSoWBUbtique.'Et  puisqu'une^ 'Sotnriièsiptl'àVengle 
*' fait  autant  a«  totl' au' maître  qik'à  •résdave,^èelui-là 
b  oublie  de'voireri  eJto'un  hre  égtfv'ët  éëHe-*i'<Mu*fe  le 
j'  bulde-sô^viè  ft  le  servîr  'et- à  lul^^rfire/  Laf' fetbrHé?  du 
M  .peujAeV  €*fe5^  nôus^'port^  Ws  fefrdèadi^'Jôiii^f  riioWime 
»  mawh»'ài'^ës*4î6tés  et'lai  cotiim^ndô';  'Là*  femme  du 


BU  SIÀCIiE.  949 

»  savant  ou  4e  remploj^é  pcévç^t  à  ses  besoins  matériels  ; 
»  elle  adoFQ  ou  craint  son  mari;  carement  elle;  est  la  com- 
9  pagne  qui  puisse  partager  s«  vie  spirituellie^  Védma^ 
»  tion  des  fexameSrdao^iies familles  ricbM$St«eel  à. peu  près  la 
j»  même  partout  :  on  eoiploie  au  dévuloppement  dos .  ta- 
»  ^t^  le  te^p^  et  les. soins. que  Im  deYrait  eonsaei^er  à 
«>  «elui  de  TintelUgenoe  et  du  oa^vcal)  m^^  la>'SQunee.de 
»  cette  soumis&ion  clp^ez  la  femme  allemande  est  Am^i  la 
]i  30urce  de  sou  tiraillement  vers  le  Ipâen. quand  ou  le  lui 
»,  montre  d'un  point  de  vue  élevé.  Le  beau,  est  une-eavâe 
»  .qu'on  ne  touche  jamais  en  yain  obs^  elle* 

»  t^  but  de  mon  établissen^enl ,  c'est,  de  former  des 
^  femmes  émancipées  dans  toutesiles  classes  de-My  fiooiélé 
»  et  de  toutes  les  nations.  Je  m'attache  à  les  émanciper  dki 
n  Joug.de  la  servitude  et  de.rigqor^nce^.enJeur  montrant 
j»  leur  mission  qui  est  de  servir  ThumanÂté  daus  1»  sphère 
n  de  la  famille», et  en  éclairant  jeur.  esprit  a&n.  qu'elles 
J»  puissent  remplir  digneq^ent  cette  mi&sioA.  Poue  faire. ré- 
J»  .gner  dans  U  famille  Tliwmopjie  «et  TordoQ ,  la  fe(n«ie  ne 
»  doit^lle  pas  tremper  son  ôime^  dans  l'Iiiai^puMUietf^élc^te , 
^  ei^.fair^  nonpas  une  vague  et  passagèreiadmiration,  cpais 
)*.  la  source  de.sa  vie.et  de  son  ^Quheun?  IVpiurMdévelopper 
M.  dan&Iiçs  cceuirs. les  Sii^nUmenii^. élevés, vJ^Joi  de  juatiee  et 
»  de  réciprocité  qui  règne  dans  la:i;^\Mre.,<  .la;^£em«»^  ne 
D>  doit-^ellq  paa  se  transforuipr  qlf^çt^^e.i^n.ivPfe:  (^mpa-- 
>i.  tbie  universeJljB ,  en,  ^^  battemenj.de.  cffiWT»  poMiî -tous  ? 
^..C'e^t  pç(Uf:quo.i  npus.faispns  de-^AtiHiMr^ /^tt  d^J'hiêêoire 
»  i^  ^^qde^  piûncipales.  ^n  faje^t  faire  À  m^^^éièfm  la 
u  çpnnajssaiPçe.des  grandes  lois  b9rs.de  m»Si^  je  tâclb^  de 
»  ie$. pénétre)^  de eQtt^.^ubbI^ebarmpnie.qui Cligner id«n^  k 
J»  .nature,  £n  dqroMl^nt. devant,  leur.  4P'P(<?ette  (KUMfeiae- 
^)  .^;<j>piplie.pù,UAXaurait  rîenià,.ôteii.i;irien  i^.i^puten.fans 
i» ,  que  le*  tout  n'en  fut  id^routé,  iç  veu^,  içâ.rem^pUri  de 
il  }f  ^fl3Qpï:,du  .b^iiu.  En  .^iyudi^nt  ,rbiAUi)ii.f^«  wwssuitons  la 
f.  TQuied'^^uçation.queiatpr-Q-vidfinqQ,,^  prisai  pour,  élevier 
P  ï^  genre  Jbumwn  IP.ar,le!!dé,\elo|fieppe)at.et  i'aettiîité  de 
f,  dês.tovt^.  se§.,  i^iijtqs  ,;à:  Twiv^rs^lle  liai  WKmiei.  Bous 
» .  .YPïPns,.par«.^U§iétH4fl,  qnel^,im,p^p{ftcti«s  delaisofiété 
D  pro.vii^npqt  di^,  jQf)9f|^  ,pfy?filysée&j,ou  .mai.  emplo]rées  ; 

40* 


950  PIILOSOPHIE 

j»  que  la  nature  a  donné  touA  ce  qa'ii  faut  pour  le  bonhenr 
».de  tous»  qu'elle  est  trop  sage  pour  ëonner  trop  ou  trop 
»  peu;  de  là  nous  tirons-  cette  - oonséquMce  que  dms 
ji  sofomes  tous  appelés  à  aeoomptir  l'oeuvre  non  accomplie 
»  selon  le  grand  et  parfait  plan  dans  U  nature  plijsique. 
»  Cette  conviction  nous  pénètreide  la- dignité  des  êtres  hu- 
i>  main»,  et  '  croyant  que  les  droits  du  seie  s'établiront 
»  quand  le»  «ooditions  réellement  humaines  seront  rem- 
9  plies  s  acHis^  tftclioiis  de  développer  ennous  4ùut  Fhumain 
»  de  nrOAre  nature. 

j»  La  femme  ai  été  placée  par  les  honymes,  ou  trop  bas 
»  ou  trop  bat>t*  Jamais  on  n'a  pensé  ponr  «Aie  aussi  au  saint 
D  cri  d'égalité  I  <le  frattimité  et  de  liberté.  Que  les  bommes 
»  nou»  pvOQurent  l'égalité ^Tant  le  loi,.qm^ife  nous  res- 
i>..peetenl  comme  leurs  semblables;  ^qi^'tlsî  s'habituent  à 
D  .voir  en  noo^  des  ètnes  soumis  à'-rerreupcomme  etn, 
».  mais  appelés  ^sommei  eax  à'  se  perfeotioiimer  ;  ft  rendre 
»  meilleur  tout  ee  q«-  les  entouré;  qu'ils  icroieni  à  neutre 
»  ioteUigeoee  et  h  nos  droits  d*6tre>» libres;  iju-ils  nous 
»  4onn#iit>ia  liberté  de  puiser  «ut  ftièfoefîf  somtti^s  qti'eiii 
»  pour  développer  desdispesitîons' que -la  neturë  départit 
»  sans  distindion  de  sexe",  qu'ils  tflKîheut  d^ètre  afossi  jus- 
»  tes< envers ^ous  que eelle^',  puisqu^it  nyaqu'Mseul 
»  clmnib-  de  saluiv  poqr  noustous ,  %d<|i  du  traVail  sériem 
»  i  et  d6  l'étude  de  lai  nature.    ''  •'    l'i    \     il   -    ■ 

#.  Je  erois.le'sexe*  ehose  seoonéMre.  LÂfemmfe^  dans 
A.laqueUed'HUMAiHv  1a  ^ule  oboseitfdi  boit  néee^aîs^  , 
»  est  ieiplusidévieloppé^eist'  aassila  'fennpe  la^  plés-  fémi- 
»  nine.  Le  rôle  d'arbitres  que  qualque»éoHvaim  veulent 
»  bienaoous  atlnbuery  ép^rtientoe'me  semblé  Qk  M  é^Aéxé 
ji!ientî^re  quiideTTaid:  se  regarder;  oomwe  l'ihstitiitKee  ^es- 
»  pdBsablejdu^genie  hdbuainl  et/la  dislrmutrice^llènliêur 
»  ;pOurrtûuaj.«.  '    •  -  '  ■:    '  -3   .'lo  j   'i.  •'"  Ml  r   l>     '.î  .  I    iiii 

.  »  .lèuiwles  ûiistitations  devraientMètte^'yét^Kiss  de'ietfe 
»<tn}MUèm]qi|ie  ébaqûb  mem^Nretiiui^ûirtélde'tAî^s^'bien 
»  .indûinMiielen>tiuuvaëkantau  Menêbmmun;:!»*   *!>  ^     *s 

Qu'^iatepiàitette^pa^e^  qiiiti  :s;^pa^&e^'ré8biAé! 
Nou8(^)  VQlnmvoM  ilq^  véûtabieeicMistiaiâdiB^loui  Jëuti«r; 
Leibnftl»iefts(mJéaMidmieldK> ressorti,  i^  ^sttift^^totsftiiens 


ou  SIECLE.  951 

et  leurs  études  histodqpes^  JLessiog  dans  ee  qu'il  a  dit 
de  plusé\e¥é  9ii£rles*  révéUtioivs  i:  c'est  simpk-et  grand.  Et 
cependant  gaDdons-^MMis  de  croire  que  wtce  insti)tatrice  soit 
sans  riv^dea.  —  Bn  S^nëe  ^  les  déshérités  poèsèdent  des 
établisMHieffiLta  modèlesi'A  BrèEief  il  eidste^pour  les  de- 
moiselles ua  collège  supérieur^  âaBB  lequel  kf»' cours ^  au 
Jaitinprès^t  au  grec^  aont  les  mêmes  que>  cens  des 
jeAwes  élèifes  de  Tautiteseixe.  Ces  cours  dotant  '  dinq  an- 
imées t  et  la  direotrioe  de  réoole  de  BréflDen'estJ  étrangère  à 
aucune  des  grandes  études  de  Thistoire  et  d^  la  pbilosophte 
mpdeme.Pour  oUe^  l'mseigoeKient  n'est  pas  utie  profes- 
sion (lictée  par  le  besoin,  imais  ia  ooméqUeiiee  ides  plus 
nobles  pasaio«is^  de  Yhumain  eu  i  elle  si  développé.    < 

£n  Anglelterxe,  il  y  a<  diverses  grandes  et  généreuses  ins* 
tituiions  «  et .  Londres  -  possède  un  <  ^eùtlége  *  4fe  itnmwitles 
qiv  est  &ai»s a-ixjFaldans  le  poyauHie  britannique;  nous  rap- 
pellerions y^lwtiers ,  nous  aùtres' Français,  une  ^ole nor* 
snale  d'institutrices.  La  femoie  si  énmieDte-en'  sa:  philo^o- 
pbigue  générosité  «qui.  a  (établi 'à  ses  frlés  celte  grande 
création  dsw  laquelle  ies^  eoors;  sont  '  i6dts  i]^ar  les  frfus 
bf  billes  professeiMTS ,  >  a  complété  -  son  titavre*  \tÉL  achetant  et 
]B^phlaat  une  iHaiaon  ikoor-  h^  jeunes- per90Kine&  qui  vou- 
«Ji^aiept  suivre/les  boiirs  de,aonf.ieollégr,'etqai  nront  pas 
lussezde  ibftun^  ipûur  payieriies  ipeqsioils^  al  >  chère»  de 
Londres.  Elles  y  vivent  à  frais  coœmuiks^l  cetaoïine]  de  ^ais 
étudiaoAs.  àtà  \  \Mg^Br4^  \  eoffiQma  dncoise  ^de  ^nos  jeurfe  aer- 
tai^s  étudiants*  d'irttema^e  etties  efearecsidtfiBaaseiBNita^ 
g^e.^  etteil  sont,  placée» isouadaidireotioaid^utieaiciaiè  i&ussi 
r^pectabfe^  que.  diattdgu^;  •  ;> 


(.     ...,»! 


A^ Ëtvts^llnis^  oemouifemeiitiédijeaftènrJqtti^âoit'tvans^ 
foigqaerlaioivilisiatifWsiettpftr'Snîtiê  la  Ketératuiei^  a  pénétré 
c|an^i<t€mt0&  leditflaâsé^.^A)  bovellii^  untAmérioain  de'  ce 
nom  a  créé  des  maisous  pour  les  iilles  des  paavidst  <di9[  à 
40(l^e.'imltaie«nfes<penionnesi7  sonliocbaiiëesiasiridikrerBes 
f^iî<Mitiomfqu(et^le.ootoiiaeo«ii|^  DqHtda  togpntiebnsides 
espèces  de  oaseiinesndirîgée^  aveiïicÉlie4Bmemilé)iéotoinée, 
parTd»3agQs.«afatrfaiet;  bUqs  jrfarcireUtpadEoia'deitq^dtiin, 
soutvent  iQ(m<Mttte»ipjaFil«brs'iim  qiliMKieno0Dt  tipisiou 
quatre,  akistplss  taifd  le»  feireÉdraiiLaor^tra^il^etar)^* 


953  philosophib 

cure  l'enstema  et  une  dot  qui  yatie  g^oéniemeni  eatre 
1,000  et  l^fiOOfnanos.  Le  soît,  a)yràs  li  joittriié^vde^GQaFs 
d'histoire^  de  chimie ,  -de  phyftit|»e  t*  de  littérature/  senrent 
k  ûomfdéler  leur  éducation  :  dles  arrmnt  pures  et  elles 
sortent  de  Lowell  dignes  d'ôtre  les*  épouses  de  eeux  qui 
les  y  ont  amenéesL 

Inutile  d'ajouter  que  la  liberté  religieuaey  est  absdue 
et  que  T Amérique  a  fait  du  catholicisme  romain  «^smi- 
veat  imoiérant  en  Europe,  Tuae  des  noBii>reu6es  varièlës 
de  ses.  diverses  seetes.  La  providenee  a  voulu  récoraponaar 
Lowell  pour  le  bien  quHl  a  fait  à  son  pays  :  de  sa  raceeont 
sortis  Tun  des  poètes  émiaents  dei  la^NouveHe-'AngletCfR^ 
et  une  femme  qui  est  à  cette  faeuro  l-un  des  éertrains apo- 
litiques de  rUnion,  Ses  publications  sUr  le»  Hongrois  4mi 
dé{MSté  toutes  les  finesses  idela  cakomiyie^eutriohieiiiie, 
et  sa  poésie  a  su  reproduire*,  <m  sa  kngue^  :1a  poésie^ 
Maghiars.  ...'.•■..,..'.. 

Lee  collèges  des  deux  sexes  de  l'Amérique  aontj  silrlottt 
remarquables  par  l'esprit  d'indépendance  H}oe  l'<in  inculque 
à  k  jeunesse,  et  par  la^  liberté  réettedéht  elle  JQuit' dans 
ses- pensionnats.  Les:  punitions,  plu^sévère»  peut^Atr^  qu^en 
France,  y. «ont  beaucoup  plu»  9a11?s.':LfBspl)it<geraa«lIÎeo- 
amériBain  ou  protestant -veat -que  chaque: lindifôihi  «vire, 
en  usafit  de<  son  inteUigenee  et.  de  ses  faïuthés' AnnitfMei , 
k  se  tiaoer  sa  ligne  de  conduite^  t-^>Le  omfesseuricathi»- 
lique  penl  être  lè^asidéré  eonui^e  «a  •  tiitewr  pùue  de  jeones 
plantes  délio^teBi  L'Aménque  rejettoi absolument  ce  molieta  : 
elle  veut  pour  tous,  gainons  «t  Mes,:  le  grand*  air  et  la 
liberté,  de  telle  sorte  ^que  chaque  être -puisse  dévelopiper 
ses  tendances:.  '       .•    ■    w     •     .-.■-i  ../.    . 

L'Amérique  a  aou'vent  raison  v  paffoii  aubsî'elle'eiagàfe 
peut*-éb»i  L'étuée  de  la  secte  dès  (baltes*  QiS'CfaréttenS:, 
qui  vienAent:  de  fonder  le-  eoUége«l'Aqtiociies-  Mia^  faire 
comprendcst  la  tendaticedes  idées.  d'outre^noièruiNatfatoDr 
fidèle ,  nous.aUnnfi  exposer les^faitsi^  san»iétoga(iii^à»e  ; 
plus  taid,  -à  l'artide  édudatiùn  4  •viendront)  dcû^cCDcIiKÎoie^ 
que  nolis  ewy)ions«  les  plusr  p^yaiologiqliesitëCi'lesi^usf  »ra- 
tionneUesi.   i**\»  'v  •*<   •:•.      ^•■••m..  ..li  .■■  m  i/  • 

hegert  William  ftsainistreipretesIflEOt  à  SakHn^  ^professait 


DD  MËCIiB.  955 

qu€  le  magisirai  téptior  pour  dumr  de  dMmmrAgait  froUe^ 
Him  à  limiet  k^iMe^  ei€iiHWM$.  L'intolétanee»  des  «etnps 
)e  força  de  quitter-la  pairtie  de  rAmériqd«  toglaise  qufl 
habitait  :  il  fut  banni  el  se  retiita  à  Rhode-Island ,  où  îl 
fonda  une  colonie  deirenne  depuis  Vun  djefe  fitats-  unis. 
Toute  religion,  disait*il,  peut  être  vraie-ociàiuase,  et  alors 
tant  mieu  ou  tant  pis  pour  cette  religion  ç<  mais  eii  eeta  le 
pouvoir  civil  n'a  rien  à  revoir.  Ce  principe. devint!,  dès 
1634,/ c'est-à-dire' quanante^sept  ans  avant  rétablissement 
«dePenn,  la  baseduneeonstitution  civile* 

Boger  WiUiain  était  baptiste.  Cette  secle  qui  gramdit 
tous  les  joiiors^  admet  deux  saorementS',  le^baptèioe  et 
l'ejULeharistie;  mais  sous  son  nom  ^  on  ti!«)uve>de&<baptistes 
r^Iiers,  des  baptistes  à  s\%  priaeipefiv  des  baptistes  qui 
oélèbivent  lesasoediaci  lieu  du  dimanohe,  dess  baptistes  qui 
r^ttent  lei  dogœeide  k  g^ee^doisaiot  Augustin-et  croient, 
avec  Pélasge,  au  libre  arbitre;  des  baptistes  cambellistes , 
4eQ  baptisies^jebréti^ns,  des  baptisteâ  anità-HfKiohistes;  Les 
réguliers  sont  xles  calvinistes  rigides;^' vùennetit  de  s'im- 
planter près  de  Hurlais^,  en  Basse^Br^tagne^  où  ils  ont 
fait,  parmi  les  kimry.  d^  œCte  opQtrief:«d!imp0rtantes 
conv'^vsions..  Ii^e-gnlnd  poète  ilatioual  du  pa}i)s<est  ^lort  dans 
leur  communion.'  lis.  ne  sont  ipointi.d'aeoovd  avee^lea  'bap- 
tistes péUsgieiBB».  Û^^a  employé  0Qaiiltre>euRv  pièsJlIoriaix , 
niais  inutftiaineBt ,  la  conspiration»  du  silence.  Les^ijdptistes 
^^tiens  oni  n)aftnlmaQt-<|QJii2e  eeiit^  églises  dans  je- seul 
Ëlatdfi  rohio;  il6>n'onl^  fMiinl.ée  cttfdd  on 'profession  de 
foij:  illèiirieatmftme  défesdaid'enfaivBi^  carils^Aé veulent 
lentraiFer  en  ^aoeupe  façon  la'  liberté  d!eiam^i.  Ils  méfnt  la 
grâce  telle  qu'Augustin  l'a  expliquée,  la  trânité  ide  ëaint 
Attianase  el  le^^doggcnei  du'  périiévosigcnaL-^  lia /n'ont 
poinli  d'évèques  codpiiie^.  Ids  aor^ioansu  -^Ajussî  .leur^  églises 
ne  î  sont  -.cdlfes  \  psR  c^piçebpalefl ,  rinaisi  sito|Aawen«  -  oon- 
gvéfgalionneUes^  h^'  Chaque  -égliseMlnàpliite  -ou* idb^lte'<nne 
(oaff<  <ilBt.se  .oMsdièi'enAiicDmÉQe  ^ks/xhniljBeinsi'pflr  etcel- 
4eQaei)v<ia:)S&n'QMèi1ail  apéciak  >il:ln'y'ia)^>d(églî&Qiè  é^e 
anciin6iiiéiiaD6hi£r&iQiil'égli6ex(ip66àâp  i»l  rainifiitte  <^il«  virèohe 
le  dimanche;  mais,  autre  ce  prône,  U$  chrétiens 'ënt^àes 
e<»ifàreiirces..d«fnt.  fesqnrile&^iuiafiQniiast.  afçblj/ài  ftatler, 


954  PHOO&OBfitB 

homme  ou  femme ,  sans  exoej^on  de  eexe,  s'il  «  quelque 
chose  de  boa  et  de  tmoraUsaat  à. dire  à  J'«$aermUie«r  Ainsi 
se  développe,  l'habitude  d!aMlj^er  iesidoolrineâ  et  de, les 
exposer  de  vii^e  voix  :  de  là  lea  frwd$  i>ra(ear»  de.oetle 
secte,  le  tour.sÎDgulièreaieat  subtil  e4  ^dpoit  de  .teqr.arga- 
mentatioo  ;  de  là^ussi  le  graad.|iombre:deieQUiiesorai9UiB 
que  produit  cette  société..  ,.  :  ,  ^  ... 

tes  églises  voisines  s'assemblent  dieiut.  ou  Uç^  fpis  Tae 
par  déléguée  ;  maisices  réunions  n'oni  iwfiu&e  «autorité.  Les 
églises  particulièpes  .ont. seulies  le. < droit  qe,i^jeter  m  frère 
de  letir  .sein^d^  T^xcomiauDiar*  ^Ce  dn^t  >  a'apparCieiH 
pas  aux  prétires. Qu  ministres  ;> il Ae  peut. êtfte^.eiLeODé  iBpe 
ar  l'assemblée  ^i?:  frères»;  De.-  temps,. à^MAre,  îoni.atuasi 
eu,  pfr.dé)jég\iéB,'d!^,a^emi>lées.if;éoéi^eft.  .Goiame  les 
assemblées,  iooalçs^  elles  se  borpontiii'disaatDr  v  «M«s  eHes 
coutjciby^l.,  .par.ioesrdisjC^oajS',  ii  dévelQ]^péi>,ieiie8;tajK 
l'esprit  dîexapaea.Qt  U  titleptde  1^  ip^iole^  :  ;  i    . . 

Où  s>ffiiad  .uPvfrwe.,  0'eQtrnàHJj[re.mA:ebriétieB{vil  y»4.{i?ne 
église  cpi^st^ituée^  Jqus  Jes>  frênes  f^saMiei^ptîdW  deiSe»^« 
soat  prêtres  4¥  j'|(>Mit-'Puissa«U./4'iiNrès<aetg^g<i(.dpiiSi«^ 
Jean  (Apoe*ljfp^fii  ch.Jf%;VK.6f)>;î.  --^  «î-'.a  i  ^.'  '  :.•»    * 

«  Jésu^r^Çhi^is^  ^kTé^nûS  péchés,d4nç)»mr!Sflii&teit  nous 
a  eoi^^tii^ft . J^» msf etvles .prètr»» dei Dia^M a,,.\^u.\  . i  . . 

Cq  pit9sag^,i^sio«4tre|m^titr«^uit  |d§ns<lef  Bittes^ leMiio- 
liques  ;il,,w^a!A^<^  re^te^.  ^^yeç  L^iiMfr^tAtiionfih^ptÀste., 
cette  drpj^^uHce^i^épul^Uofwei  qm«^«^haw9aie4àt-4e^ 
venirs;..poMri,}luirmê#ie|iison.iîH»^4.et  >$oi>..f!«f  Qejièt.vne 
liberté  ahsç^u^'.icJt^ez^ les  b%ptist6fiî,.^triun!  s^  liepi,€âa|tie 
eux  ,tojis  ,1  c^u^  liie  la jphar^té ,'  .0mimménmni\  à,  ce  ijiwapte 
de  i%MÛff}fi/.u^^XH  m^m^imppffikiiin  çomm^i^-mHfw  : 
eoil^lq  l(^ietu(pfvpf0pUtf^ii»^Mm «ft^iîLlerttpft* iwiawiîdit 
ceu^à  sflçtqf;/<?^rif^fvî4  qW1ïdelrelldF0)le%îég)w»I>Jibf!es.ti^^ 
à-vis  d(^  lïtaj  >.4lijÉautaH^iireiwdjre.l#ifet»iaesiU^^ 
viS;  4e^  Mu^m^^i  mi'Vf^é^mmiiîh^ijA^^^'i^iMii^lmlhm 

doï»eslïiq*^fi^,lit)fl€^)rViSTàfrl»is,.4ô$«ît>b©fe  ^  .ftwhîHe ruiwiçyy 
par;vient,.p4r  Je  t)§pt$D9e..iI«pofsibtev>i^aiiSjito  Imiftêm).^ 
d'ètreT^ecu^daj^(ir'^liw^»ba|)4ist0.]|(>r^  ll>to)f  «epsu^ijjf^^a 
deuxchose^^^.^^oosijl^er.Mrâ»  >c«  s»prQne0$j: ,  ^Imnnr-H 


B0  SIÈCLE.  966 

rhonniteté.  L'initiation ,  ^difient^ils ,  ne  se  donne  pas  :  ce 
qui  ipevient  V  pofir  nous ,  à  la  comidérer  comme  le  résultat 
de^pfîéâfepositiotis  infiées  associées  aat  influences  de  Tédu- 
Cation.  De  là  cette  conséquence  :  le  père  peut' faire  de  son 
fil»  «n  bon  «toyen ,  BOals  il  n'a  pas  le^roit  de  le  procréer- 
au' point  de- vue  religietii:;  Baptiser  \es  enfanté;  c'est  enga- 
ger religieusement  leur  avenir ,  c'est  les  faire ,  saris  leur 
tfteu;  Ae«ïbk*es  d'uive  ^églisei  *-*^  AAiflimstré  senletnent  à 
ceux  des  ad«lles  (fafi  le^  réclament  en^coifinaissànceilê  éause 
ei  qui  le  mér itent> par  l^hônnéteté  dé  \&ér  vie ,  -le'  baptême 
âtrriëiit  le  sacreiâentib  tëlibmê.  ^-^  Leiii'tnariiète  de  pra- 
tiquer le  -baptême  est  omforme  à  Ifir  manière  dont  ifs  inter- 
prètent et  trtfdwiisJènt'les  Ewiturefe^  niais  ilfe  M'attachent 
«demi  efflc&toîtéMT^titpie'^  ce  sacremehtc  ils/eob^dèrënt  les 
eérénrofyies  qui  le  éonsact^ut  <éomme'  des' fâ§tS'syY]t>b6liqnes 
qfoi  patient  aox'yéu'x  et  ^  sellent  *«prêfeher  te  -d^ôtrine  re- 
ligieuse de  ridéal  dcrttt 'ils 'sonft  pénétrés-.  Çetfidé'al,  le 
baptisé  ne  le  ttx)uVan«pa^4<ans>It^  monde  i}i«f  fâi;'étoir s'atta- 
cher ^  le  cfcetHjher  dàiw-un  moridewottuAiti'et  à  tenir.'  Peu 
à^'peu,  d^'éioquemmÊW^rMt;  dotit  nmj/si^^faisèh^  que 
traduire  tant  bien  que  m^Ma' pensée;  Id^dÀtlë^^fait  en 
8oni^enténden)entç«l'àpsfrè*du  jour'^btllte  en 'sÂw  ciâèfar,  et 
alors  le  baptisé  emet]ld<k)mnie^dne'-YOir  intérilenré  qui  dit  : 
« 'Somme  du  pdssév'j'W'^<5U*j«qTi^èf'\ce'jour  fftatié'  vie 
qtil'tfavmt'rién^'de!"  Dlefelb^'rteH  --de-  gt^rtâ^J^ate 'plongé 
dans  UftymondeidcftléÉètodS  -potfr^^iii  Uaiie'MdrMë  cto)- 
meiîçwit  H  f^ne»-" 'A  betf<*  vue j^ue^'ttira'' Vertu*  ^  en 

aei^nrj  Je  iim  mort^pourjaiobtfisi.  leîs>)BUsqu«'jérdôm^ènce 
à'  reïianre^enî»n«ieHtiottvetle.  ëilstënèè ''^atf- itililièd'  ^d'mi 
monde  MèHltftttr;  meé'^ftspiralkAfê^  gvandâsent ,  i»îèë'bëkôins 
Bpirif»6)s>  âfOgiÉehCent  et  ëia^'p^Méëv^a'p^rçôit^dé^^  Pààrore 
de'  la^gtiàride  joitfnéeî  de  Itbûiâàiniflâ;  Afetisi  je  pouvais^  étpli- 
qàe»^atï  tleux»^mmâMbus^teeidocitë»,ytô^^^  les  Souffrances 
d«»ÉiÀniAtnê:ldvsj^éj'%r^s^^M>«oh»fieitl)'  tc^tites?<4e^  itiquié- 
ixAé»  dei ^>  ebâi*ï^'<«if  te^^sort  de  kiit;  de  ftftrèfs ^  qî&î'Wnt 
Hesittn:  dîatorii,  'de  ^iodîpri«tttef 'de^vÔfèra^eimUt-dtt^é^O 
WW  dltin  dtiti!«>»>ôrdté'V^pW*^*Jô^*'^<ti<Éti  *t  ^lëfar^f'êëiiHt, 
«oitibîen  ^qui  tie^d^aiélt  -âifÈfai^iiQltëi^'ipôM^j^ilëài^'faire 


956  p]tiL060Pnffi 

au  monde  par  le  Cbrist  f  (3oiié«ur  st  crmi,  ce  divin  réoo- 
yateor  4e  VhuiBaiiUé  sentait  ce  qui  est.dlt -d'une  iécensi 
touchante  dans  rhistobe  delà  pa«Htm^  dans  %ê  TeHIée  sur 
la  montagne  des -Oliviers,  oofrabienily  avait  incompalîtH* 
-lilé  entre  la  vie  sociale  du  vieux  monde  «t  sa  vie  indivi- 
diiella  !  Nous  ne  pouvons  esister  ensenbl^  «  disait-il  «  et  il 
me  tue.  Frères,  ajouterai^je^  sathez  bien  pourquoi  le  fils 
de  Marie  est  morl  à  la  vieille  vie  :  il  y  a  «ne.  puiflMiiœ  sur 
oetle  terre ^  et  elle  vient  de  Dieu,  elle  estprenride^UieUef 
qui  {era  ressusciter  tous  ceux  qm  sauront  mo«inr  à  notre 
vieux  monde ,  pour  renaître  à  l'exemple  do  Cbrisl;.  Aussi 
sa  croix  a-t-elle  remué  le  monde  ;  aussi  4|uel  prédteateur, 
en  son  éloquence ,  pourrait  être  eompavé  à  l'^oquosce  de 
ces  deux  morceaux  dé  bois  qui  font  tressaillir,  i'iiumonité 
jusques  dans  ses  entrailles ,  chaque  itm  qu'elle  y  réflétUt 
La  cretx  !  voilà  le  plus  grand  éàSi  révolvlionoaires  0t  de6 
réformateurs.....  d  i  , 

Le  rite  du  baptême  «  voilà  dono,  pour  lea  baptî$les.«)Nré' 
tiens V'  une  fûrme  de  la  prédieaticm  de  Hidéal.i  ;  c'est  b 
seule  pcofession'de<  iri  qu^an  ait  le. «boit  4»  demander  i 
un  at>yant.  ?     ,•        ,.  .^:; 

Nous  aurioi»^  beaucoup  à  direisi.tous  v«^ulMifs  exami- 
ner la  communion^defr  bap^stes*  o^rétiensi  oei3(laie«<ûQus.ve' 
nons  d'eianiiiier  leur  baptéiDei.V<»yonsrk6'œui9«e9fi'^  :^  . 

Partoutilesbaptistesv  dont  le  nombre!  axigmente  àmftm 
jour  aux-Ëiafts^Ums^  se  >fDiit  ffuHarquerr:  par.  leur  lespnt 
d'ofdre  et  de  conduite,  par  .ces  gra^eSi.quâlités.  dierUî  la 
efaaffité la  ploSi  philosophiquei esH  îanUfaducUoni.  Iieufsera^ 
teni8  des/denx  -  sexes  scmti  1arèfr«ombreux:  o  les  psteni^^-,  ils 
ont  demandé  Téfat  civil  de  lft^fefiSH&6.r  Gh^z-.euft^^'ilest 
usuelde  voir  desifiUes-raohesrépousevdeahomai^ipeuives, 
eti,  pMr  terminer  par  un  awi  isitiÀla  vaesneaftideîcréerle 
cdlége  d'Ajitiochei  Le  ($  loatobretiSSiv  a;  euiieuj.l'oHvacr 
ture  de  cet  établisseneipt  .situé  lài:  Y:e^9Wj-SpriQ9iHCrfiBi]e> 
Gomte^Ohio  ;  il  est  ,destiaéi  à  des  élcrve&<  H  pntfessiNftiSi  <to 
deux  sexes  ;:  an  y  adiaiet  sndisÉini^mfentid^lâtiadïw^ide 
toptes  les. religions.  Plus  de'lffoi^  ofentoi élèves;^  jennbsbai»^ 
mes  «t- jèiHiesi demmsdles v<  s V  troamient^véuim  le^îeur  de 
l'inanguMAioii;  M. manviAS^attiÀ*  efiititfiiftoi:€ej[;ief«tésa8' 


B0  8IÉCLS.  9ft7 

tant  du  oo&grès  fcit  chcnsi  pour  présiéent.  Parmi  les  pro- 
iésseiirs,  on  cite  missR.  M.  Pennel^  chargée.de  renseigne- 
ment de  rtiîetoire  natoreUe  ;  elle^s'ooeupe  aussi  .avée  iident 
de  dessin ,  de  géographie  physique  et  d'histoôpe  etvilei 

Cette  tendance  qui  entraîne  les  Amérioains  demande  une 
éducation  unitaire  et  positive  poisr  les  deux  senes  qui  ne 
ressemble  en  rien  à  i'édoration  de  la- vieille  Europe ,  <si  peu 
scientifique  dans  beaucoup  de  collèges  et  si  rédake  presque 
partout  pour  les  femmes.  On  Taecuse'  de  détruire  les  sen- 
timents élevés ,  le  cheraleresqne  de  i'Ame,  Tidéal  dae  gran- 
des natures  :  c'est  une  erreur.  La  dMrité  aïOQérioaine  pour- 
rait rougir  de  faire  danser  les  TÎches  .en  des*  h^  brilknts, 
pour  assurer  le  pain  des  pauvres  v  unie  elle  répond  toujours 
à  l'appel  qui  lui  est  adressé.,  quand  il  >s'«git  d'une  lasuvre 
réellement  utile.  BernÉàrement  4e  pasteur  ^Beikm's  y  qui 
aj^artient  à  une  communion  protestante  différente  de 
celle  des  baptistes  chrétiens,  revenait  d'Antioehe  :  il- était 
émerveillé  des  efforts  de  cette  institutîoQ  efl'fot  plein  d'élo- 
quence en  chaire  en  les  racoolaot.'Â  savoîx^  une  souscrip- 
lion  8*ouvrit  instantanément  el  piM>duîsilSO!miMe''vfoancsen 
un  quart-d'heure.  Deux  autres  églises  suivirent^  aussitôt 
cet' exemple,  et  ee  chiffre  s'éleva  rapidem^at  ik  136>ii(ille 
francs.  New^Yorck  va  leporte^^à  un  demi«*miUian;>  Ainsi  se 
préparent,  sens  rdnOuenoe  de  mceupa  iiouveiles^  ^ksrcolléges 
neuviéaux  et  ides  hodimes  nodin&aux  ^  pour  un  avenir  dbnt 
la  littérature  ne  saurait  être  eD>rien-cQll!e'dar*pa^â:> 

L'Italie,  TEspagnev  la  France  etl'fiukiope  otientaleraont 
lom,  bien  loin  de  pareilles institutîonsij  Certa^i»  kkFraiiee 
possède  dea  collèges  dniviersitaiiBS  et  non-f  œiiverbilaires 
dans<  lesquels  l'instruction  lest  £drtè7  mais  ils  ontiuil^  tout 
aulve  caractère.'  Les'coHéges  frailçais^  fondés  par  soutcr^H 
iloU',  appariieanent  pnesque  totis àdesjésuiteavLeidétvoue- 
menl  religieux  et  politique  ifui'a présidée. lettc  étabUsse- 
ment  a  pu  ètte  très-i  grand  ;iixiaisijquoKnfr  ion.  m'y  rapproche 
les  deux  sexes»  Pour  lé  faire  sans  danger^  il^  f^  acoaoder 
à  la  jeune  fille' et^à  lAifemasetoette'lifcertéjiidiTidiueHe, -cet 
usage  de^sa  raisoii  que'  le  jéeaitiëme hài  .Ee|use< en  liii^po- 
sant  eesiormules'et«en'Ae'lm  permëttantvpa&da.ifsifliseu- 
ter.  De  là,  'dan»ini)(tir&  oplnionvW8'^éfi(^i^^>^<w&<ûre. 


958  PHILOfiûPBIB 

Le  jésuitisme  commet  une  autrQ  feute  qui  a  produit  et  pro- 
duira les.  plus  déplorables  résultats:  eu  continuant  les 
études  purement  littéraires  et  en  les.  abaissant,  pour  ie 
prix,  à  la  portée  d*un  très-grand  nombre,  il  Cait  oBuvrede 
charité  ardente,  mais  mal  entendue;  il  déclasse  une  {ouïe 
d'individus  qui  se  croient.bien  à  tort  très-SMpérieursàoas 
laboureurs  et  à  nos  ouvriers»  que  leur  aristocratie  intel- 
lectueUe.  dédaigne  ;  il  m  fait  des  rérolutionnaires  de  la 
pire  espèce ,  des  bouleverseurs  qui  veulent  détruire ,  noa 
pour  supprimer  les- abus,  mais  par  esprit  île  fénéantide. 

Nous  paraissons  peut-être  nien  loin  de  Tétude  de  la 
littérature,*  et. i^pendaiit  nous  sommes  au  cœur  de  cettt 
grande  question.  —.Les  cités  industrielles,  agricoles  et 
commerciales  ne  seront  pas  seiulement  une  transition  de  ce 
qui  est  y-$rs  ce  qui  doit  être;  elles  s*élèveront  en  richesa, 
en  se  peuplant  de  gens  aisés  ;<  et  alors  elles  deviendront  par 
elles-mêipes,  par  leurs  i^ouns  et  Leurs  jardins,  par  le  pitto- 
resque d^lôurs,po$ili,oos,  par  leurs  peintures^  leurs  sculptu- 
res et  leurs  ornements.  Tune  des  formes  dç  k  littérature 
de  la  fin  du  siècle.  Une  industrie  chaque  jour  "plus  sa- 
vante et  chaque  jour  plus  audacieuse  réalisera ,  pour  ceui 
qui  naissent ,  les  rêves  de  notre  imagination.  Les  œuvres 
plus  spécialement  littéraires  devanceront  les  autres.  Déjà 
au  siècle  dernier,  la^fVail^',  ^ipAyd'4i'ardeute  et  philoso- 
phique catholicité,  a  publié  une  encyclopédie,  bible  aux 
nombreux  volumes,  uniquement  destinée  aux  privilégiés 
de  la  fprpine,  PftpuiS: lors,  bi^  d' wtre^  Wt  parA^,  p^mi  les- 
quelles ,il  fa^ut  citer. entre  .toutes'  l>pçyclppedie  poûv/BDe  de 
Jea«  Bep^yd  etf  ierre  (-«troui;.,  \QtComo9  ik  PeBumbpkL,  k 
Pro[c^$tfm  de  foi  du  Sièfile  de  Pelletan  ;  oe$  œiivres,  si  remar- 
quables. qu'fiUesspieiit,  ne,  sont  encore  ,qae  dçs  prçsçehti- 
mentSfde  divers  pntjbRes,  La  litté^ratune  detiptrej^rè  flem^ùdo 
ayapt  tout^upejbiible  destinée  à  toi^,  mêtne  aui^plus  d^hé- 
rites,  ,upe  lecture  j^iï; .ei:ceiU^pçe  ou  ,Cpfan,.^yi  çoit^  ai^ point 
de  vue ,  philppopbiquç  et  historique ,,  rjHwde.  9t.  TQdjFssée 
d^  grands  faits  dé  Jan^tijitiç.et  d^.  rîjfim^ité.  .^AT^^its  et 
artiiit^.,.  pp^iipi|av,f|t  feiwme^,-  r^man^tj^  tpii,t  eniiàre,.  par 
des  rçipr^^^tftnia  (Ji'prdTe^  div;e.îf^  „' 4pyr^.fiôppé^  ^\çe  tra- 
vail, qui  .sera  polj^glpllte.  en  attendant  une;  langue  univer- 


IW  SfÈGLB.  9â9 

selle.  —  Calculée  avec  savoir,  disposée  avec  méthode, 
placée,  par  son  bas  prix,  h  la  portée  de  toutes  les  écoles, 
illustrée  avec  là  plus  rafre  élégance,  enrichie  de  cartes  et 
de  dessins  précieux ,  cette  œuvre  si  émiriemment  reli- 
gieuse '  confondra  en  uti  la  science,  la  philosophie,  les 
beâux-arts  et  ce  que  nons  appelons  la  littérature.  Riche  de 
poésie,  elle  sera  cependant  écrite  sous  TinBuénce  de  cette 
pensée  :1a  science  c  est  le  salut".  Pillé  du  christianistee,  elle 
aura  pour  devise  :     >    .  < 

<r  Aux  plus  déshéritée  le  plus  d'amour.  » 

Tel  sera  le  premier  grand  acte  de  la  littérature  nouvelle, 
pour  lequel  les  grandshomtnès  dès  XVI*,  XVlPèt  ÎVIll*  sïè- 
-cTes  n*ont  été  que  dès  préparateurs:  Nous  rauhon^ons,  nous 
Tattendons,  et  le  XIX*  siède  verra  paraître  ses  premières 
éditions.  Viendront  ensuite  tes  régletnents,  les  chroniques, 
les^  légendes  de  la  riouvèlle' littérature.  Fidèle  à  la  loi  de 
l'histoire ,'  elle  voudra  se  racoifter  à  elle-même,  au  sëin  de 
fêtés  grandioses  auxqudles  dtés  mîffiohs  'de  créatures  hu- 
maines pourront  assister.  '  '  •  '  .  •  i  »  i  - 
• .   ■   ..  «).    .•  '  •  ■  •   '  ,-..,•.'   M., .    ••  ,  ,■•'  .. .    .1.    i., 

* '  '  «   I'  •    •      »,    >     ■«         '  [i"'  «r ' 'i       .-;,     I    !..  »|     '.:,'..' 

,^..<^^.,.    -M,.  J)K/L'fiRU,CAÏlQW4i  .=•...>  • 

• . .     • • • I     î       -     :  •    .  •     .  >  '     •     ■     >  ■  •   '       .,.'11-*;     {      ,      '  I  .   ' .   i  • I .   . 

■.•■•'il-;     /  :».       .  '1  '  !    -.'i,     •;',  ;.'.i:j».'  a.<    ,'-"♦•""■'  •/     /  i»  •  :<  ■  • 

'  Lë'tùohde  serd-1-iî  iôtijouîrs  le  théAttièid*tnë'ltittfe  'vio- 
lente ^nfre  l'indlvïdualîsmê  etleebmtfiunlstfrè-,  entré  les 
tenidàncdS  Ûéioxi^  'et  dfr  dhacrff/7  %i  ^àit  [dès  èsptits  lést-elte 
irnpbssible ,  et  qiièllé  édilèMîoA'cbnvrenlHl  de  dbïîtfér  aux 
hottiWîéS'pour  lé^pr'éparefr  a  ùnè'tiniv^i^slfllè  *fusiôn?* 

*  '  Ke  cdtxfbiidohs'  pèis  '  Véducation  '  Vétîrable  '  atètî  Wifttruc- 
tioft,'  fiH'mérrte'âVeb  réaricârtioh' des  jèfùriefe 'anriées.' Telle 
que  rions  la  côràfirènônfevTéaUd,aWoti'dbï<  pfèwdiré^l'homme 
èuliercéatipôur'ndle  qtiltte^dh'à  la' tÉlôrt.  Lé  perfection- 
nefment  de  rétre'hbiiiath  'tôilàr  sôh'but;  Ce' perfectionne- 
ment'doit'  porter  iiit  le'tibyiiqtié';'l*îft'te?Bect  é^  le  moi^",  il 
doit  hWélîôrèf  mdthtoe  cormtoè*  individu ,;  fonction  «u  corps 
social  ;  dfe  là  cettë'nècèsàilé  (jpiëlacôriiiQitnfie  y  pretone  part, 


060  PHlLOfiOI'HTB 

afin  de  tai  enlever  ce  caractère  trop  indindualiste  qn*elle 
pourrait 'présenter. 

Lies  tMiptietes  chrétiens  sont  nne  forme  la  plus  avancée 
de  toutes  de  rindividualisme  germano-américain ,  c'est-à- 
dire  du  protestantisme.  La  philosophie  socialiste  française 
avBO  ses  nombreuses  sectes ,  les  unes  chrétiennes  ti  même 
romaines,  les  autres  saint-simoniennes  ou  de  tout  autre 
nom ,  et  souvent  trop  communistes ,  soit  au  point  de  vne 
d'un  oommunisme  gouvernemental ,  soit  au  point  de  vue 
opposé  :  voilé  les  deux  extrêmes  qu'il'  s'agit  de  ConcilîtMr 
pour  'domier  la  paix  au  monde.  —  L'éducation  sera  !e 
moyen;   rmriversel  bonheur  sera*  le* tmt. 

Puissiofis^ous  ttouver  dans  totis  nés  lecteurs ,  quelle 
que  «oit  leur  opihion  ;  la  tolérance  sans  laqùeHe  les 
meittem^s  raisons  seraient  sans  résultat.  H  ne  s'agit  ni 
d'eux,  ni  de  notre  îndiflduttîtté  personnelle,  si  miséirable 
ei>  présence  ées  immenses  questions  que  la  physiologie  va 
esMyer  de  résoudre*.  — Nous  potirroni,  'nous  devrons  être 
souvent  dans  le' vrai  :  que  ce  vrAi  soit  mis  fc  part.  Quant  à 
nos  errevns ,  qu^eHes  soient  âtt  phrs  vite  corrigées,  voilà 
notre  vœu. 


Je  nie  Sftifr  Boutent  demandé  pburquoî'  lès  ïéféhnaitctrrs 
n'avaient  pas  commencé  par  le  commencement ,  et  com- 
ment* ils -avale<*t'èili'idéfe^'  en  France  p Air  eieitiplè,  'de 
créer  une  cotnmune  civile  aussi  peu  àommufialè  en  toutes  les 
instltutïorià  qtti  la 'conbernwitl  —  Kien  aujoufrd'huî  de  0113 
mei<]|uififièheKWM8"Stfrï?out,  que  ée  ^i'sé  paisse  \  là  côm- 
muflei,  klâiïMisàtttiêed'iiniinfanti'Le  léédécitt'éfcnt  uucer- 
tifkat'Oonoewiam\dette 'naissance  ^,  ttïUnî  de  ce  ceHificat,  h 
pèi^  sie'ppése&tefltb  bureau  ael'ôtat'^HVil -'accoifitïagné^ 'de 
ded*  témoJn^ii' ^résétfte' l^ènfant,  «It'éa' dédAfattarf àd*èi- 
regirtm'retoplèyéidela'taaii^ie  ët'tbàt  éStdh:     '•  ' .    '  ' 

âeipèttdaot  ëiila^^Kymmune  dbit'étref  tiWjôirf  mièfpei^cMne 
collective ,  vivant  d'une  vie  réelle',  nfmipOrte^t-iïiWte  qu'elle 


témcûgne  de  sa  peine  ou  de  sa  joie^  seloa  les  'évétoemûats 
divers  qui  intéressent  les  membres  qui  la  ^oœp09e)n4?îOh! 
que  nous  comprenons,  lout  «utremeat  >k  vie^^ommuiale .  et 
l'éducation  qui  en  doit  être  la  conséquence* 

Nous-  soaunes  dans  la  maison  coKQinunale».iel  on  y  «p* 
porte ,  au  jour  de  l'enregistcejpent  des  naifisaneee,!  ^  plus 
jeunes  des  enfants.  Les  mères  ,  les  pères  ^  les  parrains  et 
marraines,  les, amis. et  les  assistants  s -avan^Qm' vie  maioe^  « 
do  son  côté ,  fait  un  pas  ivers  les  jeunes  êtr^qui'on>bii  pré-» 
sente  :  Enfants,  leur  dit-il  en  s'adres^ant  k  tous  dan^  leur 

Sersonne,  soyez  les  bienvenu^  Au  ..nom  ;  dei  TliiutiQanité 
ont  vous  faites  maîa tenant  partie^  au  nom  de  \a  patrie^ 
de  la  commune  et  des  familles  dans  lesquelles  vous>ête&  en- 
trés ,  je  vous  confie  à  ce^e  assemblée,  H  vous  promets ,  en 
son  nom ,  les  moyens  de  développ^sr  vos  facultés  pbj^siqiies, 
intellectuelles  et  morales,  c'est-àrdûre  la  vraie  liberté.. — 
Vos  membres  si  délicats,  vos  inielUgenees  débites^  troujve- 
ronl  tout  d'abord  Tappui  nécessairaii  oe. développement; 
voii^  recevrez. une  éducs^xon  voeiUiwneliêBi  (^asimniMe 
en  rapport  ^vec  vos  facultés  physiques,. amec.  les  be^as  de 
vos  cœurs  et  les  tendances  de  vos  esprits.  .->-. 

Vous  tous  ici  présents,  vous  surtout  parrains  et  marrai- 
nes ,  vous  promettez  à  la  société  d'être  au  besoin  une 
grande  famille  pour  x;esenfan]ls^fd',^£;suy;^^4eup^armes,  de 
consoler  leurs  chagrins,  dé  les  élever  pour  vivre  au  sem 
d'une  société  réellement  fraternelle ,  de  leur  prêcher  le  tra- 
vail, ce|tfe  source  d'honneur  etde.veptu,  dei<leufr(^  donner 

Pexeroçle.  /    ••   .        .,  ..,'  •,?.  ,  w.i  »-  m^./.- 

Aussitôt  les  parrains^  les  marraines  jet  tous^^es^ssista^ts 
prononcent  la  promesse. dem^nd^e-.  ...  .•...-.«;:     .^;  j 

Au  nom  de  la  société ,  oette  p^ite  provid^Q^  duglobe, 
reprend  lechef  delà  commune,,  j'aBe^e>(^Sten£$iiVsiiJBt  il 
donne  à  chacun  d'eux  les^nç^s  qu'ils  ipocte^tid^jiit  dajBiSpia 
famille,  et  qu'Us  deyropf  ho(H)rer<up^wr>pwIear  oondiûle 
deivant  leurs  coni^itQyens,;  puis  il  \^m\w  M  i^iiftéù^Ofm  ^ar 
qi^ques  paroles^alTeptueu^esret  p^pétra^test.^^n&lesqueUt», 
en  énobçant  lestpo^s  e^t.préuQfus  4esi  epfaiù^iiil.  fapp^e 
les  titres  au  $OMY.eFWde&faQmi»es.dQ.peMXrqij»  ks.Mtugl^- 
rieuseœent.portésdan^W  v4e.,  r  ,,,    . ..  i  .j.,.. 


96S  PHII.OSOPVIB 

Prenons  biea  gardo  que. le  make,  qm  le  chef  d'tioe 
commuoe  doit  être  un  faomme  de .  boa  eoeur  ;  il  n'aura  be- 
soin pouf  i^nsacansr  la  venue  des  eafaots^ea  ce  moodasi 
du  chêne  druidique ,  nidAi^  tefuple  de  k^Grèce  cuée  Borne, 
ni  dçs  gothiques  ogives  de  htealhédnale;  œsefaaubescHii 
à  la  on  d'un  banquet  oojQjnunal  ^  et  «oênae  à  oertaîoes  ipy- 
ques  deTapnée  vBOus  le  dôme  molkmWLiê^é  de  la  fer- 
dure  de  nos  arbres,  qu'il  raitaebera  les  preouersi  B?èiie- 
ments  de  la.  vie»  les  pEemiecsaouvemrs  ctes  jeunes  âties 
aux  Ueuii  où  ils  ont  reça  TexistenoeL  hâ  poéw  des  Jouve- 
nirs  et  la  rejyigion  des  ioipiressionsdu  premier  Age-  seroot 
ainsi  préparés  à  Tenfant  comme  UM>,  nountture^^  ibteltee- 
tuelle  et  morale  pour  les  années  qui  viendront  ensuite. 

Peut-être ,  6  lecteur  !  n'as-tu  pas  compris  la  valeur  de 
cette  réunion  qui  pourra  se  renouveler  plusieurs  fois  Tan- 
née. Eu  voici  llespltoatiop^i  •    .  f'  ùi  .  . 

Dans  les  sociétés  anciennes  de  l'Inde»  de  TArie»  de  U 
Judée  »  la  consécration  de  la  naissance  était  individuelle. 
Chez. les  chi^Uens  de$.|iv6iQieF$.&ge^^.  te  lMi(>(6n&'ae  s'a- 
dressait irn^me. qu'aux  adultes  q^.  et  sanetifirà'  rentrée  da 
baptisé  dans  le  moiMle  >de  lé$w.  DanSilajSQciéâérqui  /aura 
pour  base  la.  Qpmmuue;,  c'^t^à-cbre-i^ne'assoeîialion  de  fa- 
milles, et  ponr^ncyeadébie^-éti^kâ  iQ&cbiQ«>6«  k».ageBis 
scientiiiqu«5&»  le  travail;  i^isien-lwiMiur.set  fiitMiiêfi^  le 
travail  devenu  glorieux  ^  souvent  Qid«ae  pleiaid'&ttraits ,  la 
réuniqnou  fête  des,neipeau^&«oe  secai^piis «a^'MgagemeDt 
mystique  coqtrtaaé  vJ^Tà-fvi^^'ui^  ÎAcUividu  lloléi  mais  Japro* 
messB  sol^nn^yde  i^.iDQK^e  ii^uveaiiii  adresaéeipar fetJMre 
aux  eoXantsti4w^«lâppersQipe  Ni^leiui*s.paiYaiiiflrelim»aioes, 
de  l^urspafeqtgi»  4^.1eur»iaiiw-  l>'lRde,  dimttiiûi^3om«Ks 
Iesei3fant34  ét^§sjiit>up[^.$^W]4ediff  Ui«s>[de  la 

naissance  i^pur  1^  fijî^^i  gu'veUeri^iiionfiidéraiiipoiitf 
faisant  partie  d^  la aociéljérbiiiataiiie.  Ici ,  pas^iâ  4ifféitBoe, 
rieo  qui  «(^sapi^eéeit  ind^iduaUso^  ûiMrécoiaaé^M^  b 
lok  de  KanquvSSMTilesbqrdei.dutaoï^ti  ets-paripiiisieitrs 
autre&dçs  i^ioiis> antiques.  iiafC^ré90m^>i^teilfha«te  ^ 
laqq^le  çkhis  .assistons ,a  ^  au  fioptreicei,  :j9^^> bnlKtoifun; 
comprençlc^  et  À'j^bUiria}  sûUdarijL^.oeiimiwi^i  ret  iifiUûdes 
différents  &ges;  elle  «douoit. dès  le^.pramîteiBS^joiwdela 


•      BU  8IÈ0U.  963 

vie,  ces  lignes  de  déixmreHtion  si  jyeo  aimées  et  si  impo- 
pulaires.^ qui  slappeHent  titres,  positions,  richesses;  elle 
sanctifia  la  liberté  vr^ie,  ^Ue  Appelle  totis  le^  bottâmes  an 
banqiifet de  la  vie  enleur  demandant  le  trtt>ut  de  leurs  ef- 
forts pour  le  bien-ôtre  général,  en  leur  '  prooiettant  en 
édianf^  selon  letirs  besoins  justifiés  par*  leur  travail.  — 
Philosophes,  naturalistes ,  artistes ,  et  vous  fetnmes,  vortà 
le  premier  acte  public  d'une  éducation  physiologique  ;  il 
voua  montre  combien  laiamiHe  éft  la  eotrymune  doivent  être 
étreilement  unies^  Etudiev-le,  méditez  à  son  occasion,  et 
sachez  comprencUre  itoutes  les-  riehësses  d'avetti^  que  ce 
genne' devra  développer  j:     ■       •   *.  -     '    »  -       i^ 


DB  l'éducation  DB8  EIVFAIffrS  >  9(0tf VEâUX  VÈS. 


Tandis  ^é  iké  femmes  du  rûotée  se  ^ébafrassent  de 
leurs  enfwtè  ^ous  prétîeife  qu'elles  soM' délicates  de  ct^ns- 
titulîoDs  mak  lrplus<soavenK  par  mollesse- oU  pour  ne  se 
défèniier  n)ileS'iM)iii8v  ni  la  taille;  les'  femmés^es  classes 
inttncRifeé  £i^en>  débsrrasseilt  attSA  pàtdfflBcUlléf,  souvent 
par  inMtfsiftilité  d0>le0  atlaiter  el  d^'  travailler  en  même 
temp^dans  léut«  at^liers'habituels;  47est  ainsi  qtie  la  for- 
tuneiietla^'msètie'^doniient  à'  leurs  tejeténs  'un  soiH'  presque 
Gomuihi»V'Oelui<d'â(re  ivowris  par  desiuercenelires  ;'niais  si 
l'enfant-dU'  fidie^  est  élevé  au  sein*,  fa^e  n'obtient  que 
l'allaileMeAt  'anifleiel ,  le  se«l  quo  '  les  parents  pmssent 
psf^tj  Cependant  il  existe  une'  immen^  dlffërence  entre 
rallaîtemcm  naturels  toutes  tes  inventions  imaginées  pour 
y  si]q)ptéiero  dé  là  oeme  én^mné  ififortali«é^qtti  ,'^utttout  dans 
no6>igrimdèsetiés;is'atflaqueiMa  <enfetits^uvres.  A  Nantes, 
vilfe  mweMesousî cef  rapport v  on  tro*fe  «ne  rtré  èft,  sur 
seiw  enl^nta;!  dit  miMMtidftnii  ^k^'pt^iA'lèfre 'année  ée  ta 
vie.'tMévteikffS  scmt«n  faihlÀ  ^aliMir?  eMss  ^ont  poùf  but 
de  fssiiièdiarile^fdâsfoesiUto'ft  ^  déploreiMerés/âf(kt,iQti(tfs 
il  s'enifanf  debMtioMpqikieio^teriièlH^  blënftfsante 

qu'elle  "soîiâflns^tioli  bof,  tépomde  àtai  besdns'  de  notre 


964  PHILOSOPHIB 

société  actuelle)  :  on  aura  beau  faire ,  rien  ne  pourra  sup- 
pléer  aux  soins  et  au  lait  de  la  mère.  C'est  donc  avant  tout 
à  conserver  aux  enfants  leurs  mères  nouVrices,  dans  la  pre- 
mière année  de  la  vie,  que  doit  s'attacher  la  société.  Ce  que 
nous  venons  de  dire  s'applique  aussi  aux  enfants  trou- 
vés  :  plus  on  fait  d'effort»  pour  que  les  mères  les  élèvent 
elles-mêmes  f  et  plus  le  chiffre  de  leur  mortalité  dimi- 
nue. 
Si  les  habitations  étaient  plus  rapprochées  et  mieux  dis- 

5 osées,  elles  entoureraient  de  grands  espaces  au  milieu 
esquels  les  locataires  trouveraient  une  cour,  un  jardki  et 
une  serre  ou  jardin  couvert ,  communs  à  tous.  Cette  serre, 
bien  supérieure  à  nos  crèches,  serait  dans  les  froids,  dans 
les  grandes  chaleurs,  par  la  pluie  et  les  vents  violents,  le 
rendez-vous  des  nourrices.  C'est  là  qu'elles  pourraient  fa- 
ciliter le  développement  de  leurs  enfants  par  les  mille  exer- 
cices qui  sont  de  leur  âge.  Ce  même  groupement  des  habi- 
tations, dicté  par  une  architecture  humanitaire,  placerait 
la  salle  de  première  enfance  et  les  écoles  de  la  seconde  en- 
fance sous  les  yeux  des  familles ,  à  deux  pas  de  leurs  habi- 
tations ;  les  ateliers  de  travail  ne  seraient  pas  plus  éloi- 
gnés :  ainsi  se  mêleraient  les  soins  et  la  surveillance  de  la 
femille ,  les  soins  et  la  surveillance  des  maîtres  choisis  par 
la  commune  qui  devient  et  deviendra  de  plus  en  pfaos  une 
famille  du  second  degré  et  la  pierre  angulaire  d'un  ordre 
social  véritable.  Ce  même  groupement  permettrait  de  rap- 

S rocher  et  dopposer  incessamment  les  deux  sexes ,  ces 
eux  éléments  de  la  polarité  sociale ,  sans  cependant  éta- 
blir au-delà  d'un  certain  âge  une  confusion  redoutable 
pour  les  mœurs. 

Considérés  au  point  de  vue  purement  animal,  les  petits 
de  l'homme  sont  moins  inférieurs  qu'on  ne  le  pense  habi- 
tuellement :  ils  sont  proportionnellement  plus  faibles  ei  pins 
délicats,  ils  ont  besoin  plus  longtemps  des  soins  die  la 
mère ,  mais  leur  intelligence  est  susceptible  de  mille  études 
auxquelles  on  n'a  point  fait  toute  l'attentkHi  désirable.  Il 
est  possible  par  la  vue ,  l'ouïe  et  le  toucha,  d'aviotew  sin- 
gulièrement leur  éducation. 
Quelques  mois  après  l'allaitement  terminé,  coonaience 


BU  SIÈCLE.  965 

une  seconde  phase  qui,  dans  nos  salles  d'enfance,  se  pro- 
longe jusqu'à  la  septième  et  même  la  huitième  année. 

Que  doit  devenir,  à  cette  époque  de  la  vie,  l'éducation  de 
l'enfant  ?  Distinguerons-nous  en  lui  Tange  et  la  bête,  à  la 
manière  des  spiritualistes  exclusifs  ?  Dirons-nous,  avec 
d'autres  philosophes,  que  toutes  les  attractions  de  notre 
être  sont  également  bonnes ,  également  légitimes ,  puis- 
qu'elles sont  naturelles  et  qu'elles  doivent  être  également 
cultivées  ?  ou  bien ,  reconnaissant  que  l'idéalité ,  la  socia- 
bilité et  le  philosophisme  ou  causalité  sont  nos  facultés 
cardinales,  nos  facultés  réellement  humaines,  celles  qui 
noij»  font  homme  d'animal  que  nous  serions  sans  cela  ; 
donnerons-nous  à  ces  facultés  un  développement  spé- 
cial tout  en  évolvant  les  autres,  de  manière  à  faire  prédo- 
miner notre  caractéristique  cérébrale,  qu'il  est  dans  l'ordre 
providentiel  de  rendre  aussi  puissante  que  possible  ?  Poser 
ainsi  la  question ,  c'est  la  résoudre.  L'éducation  de  l'enfant 
aura  donc  pour  but,  non-seulement  de  développer  son 
corps  et  d.'ouvrirson  entendement  aux  perceptions  de  toutes 
sortes,  mais  surtout  de  lui  enseigner  le  devoir,  c'est-à-dire 
les  lois  de  la  nature ,  l'amour  de  l'humanité ,  les  sources 
des  phénomènes ,  la  poésie  de  tout  ce  qui  est  élevé,  noble, 
idéal,  et  les  consé(^uences  qui  en  résulteqt  pour  tous  et 
pour  chacun  en  particulier. 

Lecteur,  il  t'ennuie  de  lire  ces  lignes  :  tu  as  besoin , 
comme  l'enfant ,  car  tous  nous  ne  sommes  que  de  grands 
enfants ,  du  fait  qui  frappe  l'esprit  par  les  sens  ;  tu  veux 
quitter  Talgèbre  pour  une  application,  les  généralités  pour 
des  actes ,  le  vague  pour  des  exemples  sensibles  ;  tu  crains 
les  phrases,  les  mots  sonores,  la  métaphysique  trompeuse, 
et  tu  as  raison.  Viens  ,  suis-moi ,  entrons  ensemble  dans 
une  salle  de  première  enfance ,  et  voyons  comment  seront 
organisés  les  enseignements. 

Une  machine  à  compter,  voilà  pour  l'arithmétique  ;  des 
figures  en  bois,  voilà  pour  la  géométrie.  Celle-ci,  c'est  un 
triangle  ;  cette  autre,  un  trapèze.  Là,  nous  voyons  un  Ciarré 
et  des  rectangles  ;  plus  loin ,  un  cercle ,  une  ellipse  et  les 
deux  autres  sections  du  cône.  Ceci  c'est  un  prisme;  voici 
des  pyramides  diverses,  un  cône  à  base  circulaire,  un  cône 

41 


966  PHILOSOPEIB 

à  base  elliptique  et  des  cylisdres  qui  leur  correspoodent. 
Voici  une  sphère ,  un  ellipsoïde ,  un  paraboloïde  et  d'autres 
solides  de  révolution.  A  huit  ans,  tous  les  enfants  Goonaî- 
Iront  donc  les  focmes  et  les  noms  des  principales  lignes, 
des  principales  surfaces ,  des  principaux  solides. 

Nous  avons  dit  ailleurs  comment  ils  apprendront  la  chi- 
mie (page  320),  coibment  ils  seront  familiarisés  dès  leurs 
jeunes  années  avec  ,les  corps  les  plus  élémentaires,  les  plus 
usuels  et  leurs  principales  réaotious. 

L'enseignement  de  1^  obysique  sera  incessaïament  mêlé 
à  celui  de  la  chimie.  La  divisibilité,  la  porosité,.  TéteDdue, 
rimpénétrdbilité  des  corps,  les  principaux  phénomènes  de 
la  lumière,  de  la  chaleur,  de  rélectricilé,  seront  roccasion 
d'expértences  que  les  sens  des  jeuues  enfants  saisiront  avi- 
dement fOxxT  les  reporter  au  cerveau. 

N'oublions  jamais ,  en  éducation ,  que  le  cerveau  est  un 
grand  magasin ,  dont  les  cinq  sens  sont  les  cinq  portes  par 
lesquelles  il  y  faut  faire  entrer  le  plus  possible  de  faits. 
c'est-à-dire  de  provisions  intellectuelles,  pour  ce  Tojage 
qui  s'appelle  la  vie. . 

L'enseignement  de  la  géographie  sera  fait  d'abord  par 
grandes -masses;  il  comprend  la  géographie  delà  commune, 
de  la  province,  de  la  patrie,  et  celle  des  principaux  centres 
d'évolutions  organiques,  de  manière  à  rattacher  les  unes 
aux  autres  les  connaissances  des  enfants,  de  manière  aussi 
è  rattacher  à  chaque  centre  important  les  traditions  scien- 
tifiques de  son  passé.  —  Des  paysages,  deç  peintures  re- 
présentant les  naturels  et  les  animaux  indigènes  de  chaque 
pays ,  complèjtent  cette  partie  des  objets  offerts  à  i  étude 
ou  plutôt  à  la  mémoire  de  la  première  enfance,  ayec  mille 
enseignements  de  morale  ,  accessoires  et  subordonnés  en 
apparence,  mais  non  en  réalité. 

La  musique  et  le  chant  seront  encore  plus  cultivés  que 
dans  nos  salles  d'asile  actuelles. 

L'histoire  sera  faite  de  manière  à  présenter  à  Tespril 
Tordre  de  filiation  des  civilisations  et  les  progrès  des  faits 
les  plus  saillants  de  morale,  de  science,  d'agriculture,  de 
commerce,  d'industrie  minière  ou  manufacturière^  aux  diffé- 
rents âges  des  peuples. 


DIT  sïèClb.  967 


M  l'éducation  depuis  l'àgb  db  sept  a  huit  aws 
jusqu'à  Ii'age  de  qUxVtorze  ou  quinze. 

Cette  éducation  ne  doit  être  que  la  continuation  de  celle* 
des  salles  d'enfance  ;  elle  aâra  pouf  caractère  d'être  essen- 
tiellement vocationelU  ^  c'est-à-dire  de  nvettre  en  relief  les 
aptitudes  spéciales  de  chacun  et  de  préparer  à  l'éducation 
professionnelle.  Toutefois  elle  prendra ,  au  fdr  et  à  mesure 
du  développement  dés  élèves,  un  caractère  plus  théorique, 
plus  dogmatique ,  plus  professionnel  ;  chaque  jour  l'idéal 
se  dégagera  d'avantage  du  substantiel,  l'esprit  de  la  ma- 
tière, de  manière  à  donner  naissance  à  l'abstraction.  La 
science  surgira  de  la  sorte  dans  les  jeunes  esprits  du  sein 
même  de  l'observation  spontanée  et  instinctive  des  faits  , 
de  telle  sorte  qu'à  quatorze  ou  quinze  ans  tous  les  enfants 
sachent  lire,  écrire,  compter,  de  telle  sorte  que  chacun 
d'eux  possède  en  sa  cervelle  sa  petite  encyclopédie  scienti- 
fique. Mais  tout  aura  marché  de  front  :  ils  auront  appris 
en  même  temps  à  mettre  leurs  organes  au  service  de  leur 
intelligence,  à  manier  les  principaux  instruments ,  l'ai- 
guille, les  ciseaux,  le  rabot ,  la  lime  et  la  scie;  ils  sauront 
aussi  travailler  le  verre  ou  Tauront  vu  travailler,  de  telle 
sorte  que  les  faits  pratiques ,  fondamentaux  de  toutes  les 
industries  leur  soient  familiers.  —  En  même  temps  qu'ils 
auront  appris  à  écrire  d'abord  en  calcinant ,  puis  en  copiant 
d'excellents  modèles,  ils  auront  aussi  appris  de  la  même 
manière  à  dessiner  à  la  plume. 

Des  visites  dans  les  divers  ateliers  voisins,  dans  les  gran- 
des usines ,  des  promenades  à  la  campagne  et  en  bateau , 
quand  c'est  possible  ;  mille  instructives  distractions ,  tou- 
jours calculées  d'avance ,  bien  qu'elles  paraissent  improvi- 
sées :  voilà  les  moyens  qui  doivent  être  mis  en  usage  pour 
exciter  sans  cesse ,  sans  les  fatiguer,  les  facultés  intellec- 
tuelles de  cette  jeunesse.  Ajoutez  encore  une  sage  et  habile 
gymnastique ,  le  travail  agricole  et  le  travail  industriel  par 


968  PHItOSOPBIB 

séances  courtes,  mais  cependant  assez  prolongées  pour  que 
chacun  puisse  exercer  ses  membres ,  développer  ses  mus- 
cles, apprendre  à  supporter  la  fatigue  et  à  tirer  de  son 
corps  un  utile  parti. 

Dans  cette  éducation  Ue  la  seccmde  enfance ,  la  religion 
ne  sera  point  négligée  :  sans  cesse  on  parlera  aux  jeunes 
élèves  de  la  providence  divine ,  de  la  providence  sociale  rr- 
présentée  par  Thum/inité,  de  la  patrie,  de  la  commune,  de 
la  famille.  Quelques  prières  simples  et  en  beau  langage 
leur  seront  enseignées  ;  le  Pater  leur  sera  expliqué  selcm  I^* 
savoir  de  notre  époque.:  c'est  ainsi  qu'on  les  préparera  d 
entrer  dans  une  phase  nouvelle  de  la  vie. 

La  Grèce ,  où  se  trouvaient  de  si  grandes  écoles  d'édu- 
cation, a  été  trop  masculine  ;  elle  fui  la  fille  de  Tlnde  et 
de  Babylone  :  aussi  négligea-t-elle  singulièrement  tout  ir 
qui  concernait  les  femmes.  —  L'éducation  de  dos  anciens 
collèges,  éducation  si  incomplète  et  si  mauvaise,  para* 
qu'eUe  était  beaucoup  trop  littéraire  et  trop  peu  savante , 
s'y  prenait  mal  pour  tout  ce  (ju  elle  voulait  enseigner,  t\ 
parquait  les  femmes  dans  un  ilotisme  absolu.  Pourquoi, 
jusqu'à  r&ge  de  quatorze  ans,  nos  filles  ne  recevraieut-elles 
pas  la  même  instruction  littéraire,  artistique,  scienlifiqui 
et  industrielle  que  nos  garçons?  — Singulière  manie  que 
celle  de  certains  hommes  qui  assignent  à  la  femme  son 
emploi  sans  la  consulter,  au  lieu  de  lui  fournir  les  moyeDs 
de  conquérir  celui  qui  est  le  plus  à  la  convenance  de  ses 
besoins  et  de  ses  goûts.  Nous  ne  défendons  plus  aux  en- 
fants d'exercer  une  profession  différente  de  celle  qu'exer- 
çaient leurs  pères,  pourquoi  donc  maintenir  la  femmt' 
dans  la  servitude  des  habitudes  consacrées  par  de  longs 
usages  ? 

A  peine  a-t-il  quitté  le  sein  de  la  nourrice  que  renfaiit 
devient  extrêmement  impressionnable  pour  tout  ce  qui 
concerne  les  fêtes  soit  privées,  soit  publiques  :  les  fêtes  soot 
donc  un  puissant  moyen  d'éducation.  Le  philosophe  doit 
en  diriger  l'emploi.  Gardon&^nous  de  laisser  notée  force . 
notre  vertu  s'évaporer  en  une  vaine  et  fantastique  poésie  ; 
mais  permettons,  dirons*nous  avec  DeGérando,  permettons 
k  la  poésie  de  venir  se  mettre  au  service  de  la  vertu  :  qu'elle 


DU  SIÈCLB.  969 

prête  à  la  voix  austère  du  devoir  son  éloquence  et  ses 
grâces.  La  providence  ne  Va-t-elle  point  fait  apparaître  do 
toutes  parts  sur  le  théâtre  âti  ses  œuvres  ;  n'est-ce  pas  ellf». 
qui  anime  toutes  les  scènes  de  la  nature?  Il  est  donc  du 
devoir  de  Thomme,  l'aide  de  Dieu  et  son  vicaire  en  ce 
monde ,  de  l'appeler  à  son  secours  comme  moyen  de  per- 
fectionnement moraî,  de  la  .semer  à  pleines  mains  dans 
les  solennités  privées  et  publiques,  surtout  lorsqu'elles  sont 
des  fêtes  augustes,  consacrées  par  la  société  h  unir  et  resser- 
rer tous  ses  liens. 

La  poésie  doit  sans  cesse  parier  à  h  jeunesse,  tantôt 
amour  de  la  gloire ,  tantôt  amour  de  la  patrie  et  de  Thu- 
raanité ,  tantôt  respect  filial ,  vénération  pour  les  anciens 
et  pour  ceux  qui  ont  vécu. 

Nous  ne  suivrons  point  les  enfants  de  huit  à  quinze  ans 
dans  leurs  écoles  et  leurs  ateliers  :  il  n'est  besoin  d'indica- 
tions nouvelles  pour  faire  comprendre  les  détails  que  nous 
omettons.  Mais  nous  croyons  devoir  décrire  l'une  des  fêtes 
données  à  cette  jeunesse ,  afin  de  montrer  Tmiitéisme  qui 
doit  souvent  y  présider. 

La  plus  grande  salle  de  la  commune  a  été  disposée  tout 
exprès  :  des  parents  s'y  trouvent  en  grand  nombre  ;  mais 
les-  enfants  des  deux  premières  séries  y  sont  au  comnlet. 
Tout-à-coup  la  lumière  diminue,  l'ombre  augmente,  la 
nuit  vient  brusquement,  et  le  chœur  (car  partout  les 
chœurs  doivent  désormais  jouer  un  grand  rôle)  entonne  le 
premier  couplet  d'une  grande  légende  intitulée  :  L'Histoire 
de  VHumaniîé.  Le  chœur  cesse  et  Torgue  lui  succède  : 
on  entend  alors  un  chant  remarquable  par  son  caractère  de 
native  et  de  naïve  simplicité  ;  on  le  dirait  consacré  h  célé- 
brer la  lune  et  les  nuits  qu'elle  éclaire  de  sa  lumière  argen- 
tée ,  les  premières  heures  du  jour,  le  printemps  et  les  pre- 
mières heures  de  la  vie  sociale. 

La  toile  tombe  :  nous  assistons  au  lever  de  Taurore  dans 
un  pays  essentiellement  différent  de  la  vieille  Europe,  de 
la  jeune  Amérique  et  de  la  Chine  renaissante.  Nous  sommes 
auprès  de  l'un  des  grands  temptes  desservis  par  les  prêtres 
de  Brahma;  nous  pouvons  distinguer  le  fleuve  sacré  du 
pays,  l'architecture  du  temple,  quelques  habitations  voi- 


973  PHILOSOPHIE 

sines ,  divers  personnages  et  le  pnysage  si  grandiose  en  son 
exubérance  de  YÎe  qui  forme  le  fond  du  til)leaii.  —  Alors 
l'éducateur  commence  son  explication  :  il  raconte  en  qud- 
ques  mots  clairs  et  précis  comment  les  cÎTilisations  diverses 
sont  les  filles  les  unes  des  autres  ;  puis  il  revient  à  la  civi- 
lisation de  Brahma,  auic  diverses  castes  de  Tlnde,  à  la 
situation  si  malheureuse  qu'elle  faisait  aux  femmes  et  aux 
travailleurs,  aux  sueurs  populaires  qu'elle  a  fait  couler 
pour  éli^ver  ses*  grands  temples,  à  la  mamère  dont  elle 
emprisonnait  la  liberté  et  la  spontanéité  dts  classes  supé- 
rieures elles-mêmes,  au  milieu  d'une  foule  de  rites  îmitiles 
et  de  puériles  cérémonies ,  les  grandes-mères  véritables  ée 
la  civilité  puérile  et  homiète. 

Il  a  fini.  Le  choeur  reprend  les  premiers  ooafHets  de  sa 
grande  légende.  Par  un  ingénieux  mécanisme  le  dîoraraa 
se  modifie  ;  bientôt  il  est  merveilleusement  éclairé ,  puis  la 
lumière  décroit,  la  nuit  se  fait  brusque&ient.  Ainsi  se  ter- 
mine, sous  le  climat  brûlant  des  tropiques^  cette  première 
journée  historique  de  l'humanité. 

Le  choeur  recommence.:  la  musique  tai  suocède  ;  elle  n'a 
plus  ni  le  vague ,  ni  la  mollesse  du  premier  air.  Les.chants 
des  chasseurs  et  des  laboureur» ,  les  marteaux  des  travail- 
leurs se  font  souvent  entendre.  La  toile  se  lève  une  se- 
eonffe  fois ,  et  une  seconde  fois  nous  nous  trouvons  placés 
en  face  de  l'Asie  ;  nous  sommes  maintenant  au  sein 
de  la  Bactrianne.  —  Ici ,  nouvelle  explicaticm  du  maître 
sur  la  région  de  Zoroastre  et  la  civilisation  qu'elle  a  pro- 
duite :  nouveaux  couplets  chantés  en  chœur.  Le  paysage 
s'empreint  successivement  de  toutes  les  couleurs  du  jour; 
le  soir  arrive,  la  nuit  vient  comme  aux  climats  tempâés 
par  un  plus  long  crépuscule ,  et  voilà  la  seconde  journée 
historique  de  l'humanité. 

A  ces  deux  tableaux  succède  une  troisième  journée  : 
l'Egypte  et  ses  grandioses  monumentb  apparaissent  avec 
accompagnement  d'une  légende  (Gantée  en  chœur,  d'une 
musique  appropriée  et  d'une  explication  très-phflosopbiqae 
malgré  la  simplicité  de  son  langage. 

Trente-deux  tableaux ,  autant  de  chants  légendaires ,  au- 
tant de  compositions  musicales  dans  lesquelles  figurent  les 


BU  SIBGLB.  971 

principaux  airs  nationaux  des  différents  peuples ,  autant 
d'explicatioûs  dogmatiques  du  maître  font  passer  suecessi- 
vemeni  sous  les  yeux  d'enfants  des  deux  sexes  et  d'Age» 
différents,  la  grande  histoire  des  civilisations  successives 
dont  se  compose  la  mouvement  encore  embrjonaire  de 
Thumamté.  Heureux  ceux  qui  dans  leurs  jeunes  années  ap- 
prendront un.  jour  daU  sorte  la  véritable  histoire. 

Revenoas  à  la  commuae,  et  saehons  Gom(»endre  cette 
fête  <p]i  a  pour  but  deiràlébrer  le  passage  de  Tenfanee  à  la 
jeunesse  y  cette  fôte  qui  a  été  pressentie  par  toutes  les  ci- 
vilisations ^  qui  a  existé  chez  tous  les  peuples  sous  des  for- 
mes différentes,  mais  avec  le  mèoae  but. 

Nous' avons  voulu  décrire  dans  la  peinture  qui  va  suivre  , 
une  réunion  à  laquelle  les.  jeunes  gens  de  toutes  les  reli- 
gions pourraient  également  s'asseoir.  Nous  sommes ,  nous , 
les  fils  du  Christ  ;  notre  civilisation  scientifique  est  la  fille 
de  la'civilisation  sentimentale  à  laquelle  sa  pensée  a  doQné 
le  jour  ;  mais  Dieu  nous  garde  de  déserter  ses  enseigne- 
ments de  tolérance  et  de  paix  en  disant  anathême  h  per- 
soime.Neus  supposons  donc  une  oommune  où  se  pourraieni 
rencontrer  des  protestants,  des  chrétiens  grecs,  des  catho- 
liques, des  bouddhistes ,  des  mahométans,  des  brahmanis- 
les;  et  le  langage  de  son  chef  doit  respecter  conséqueoliient 
toutes  les  croyances  individuelles.. 

C'est  en  un  lieu  pittoresque,  au  milieu  de  la  verdure  et 
des  fleurs,  par  une  belle  journée  de  printemps,  que  de 
beaux  enfants  9  l'espérance  de  l'avenir,  l'amour  et  la  joie 
de  leurs  parents ,  s'assoi^fit  fraternellement  au  banquet 
symbolique  de  l'égalité.  La  brise  embaumée  du  parfum 
des  fleurs,  les  chants  religieux  de  cette  jeunesse  qui  va  en- 
trer dans  la  vie,  les  frères  et  les  parents  qui  leur  répondent 
en  chœur,  tout  jusqu'à  l'heureuse  disposition  du  banquet 
frugal  verse  dans  l'Âme  une  douce  poésie.  Les  mères  sont 
émues,  plus  d'une  larme  mouille  les  paupières,  et  bien  des 
pensées  se  reportent  avec  charnie  dans  les  souvenirs  de  leur 
vie.  C'est  au  milieu  de  cette  émotion  générale ,  si  favorable 
à  l'effet  qu'il  veut  produire,  que  le  maire  prend  la  parole. 
Apdtre  de  la  vie  conjugale  et  des  joies  de  la  famille,  il  sait 


972  PHILOSOPHIE 

aussi  les  devoirs  qu'impose  à  tous  la  grande  famille  hu- 
maine: avec  quel  charme,  avec  quelle  simplicité  touchante 
il  explique  à  ses  jeunes  enfants ,  qui  sont  tout  oreille  pour 
l'entendre,  la  samteté  du  serment  qu'ils  vont  prêter  devant 
Dieu,  rinlini,  Timpénétrable  auteur  des  choses,  au  mîheu 
de  cette  nature  luxuriante ,  émanation  de  l'être  divin ,  en 
présence  de  leurs  parents,  de  leurs  «rats,  é^  tous  ceux  qui 
leur  sont  chers,  et  de  ces  vieillards  aux  cheveux  bUses,  au 
large  front ,  les  obefs  de  la  cGoummey  û  vénécés  de  tous 
pour  leurs  v^tus  et  leurs  talents.  Que  sa  pansée  devient 
grande  et  s'élève  lorsqu'il  leur  explique  ta  missâoû  de 
rhomme ,  seconde  providence  destinée  è  féeoDder  et  à  em- 
bellir le  globe  !  Mais .  voici  le  mao^ai  solennel  :  il  leur 
présente  les  fruits  du  travail  de  Thomme,  le  pain  et  le  vin, 
lo  sang  et  la  chair  de  la  plante ,  les  symboles  de  rimioii  de 
la  nature  et  de  l'huinanité.  Mangez  et  buvez ,  leur  dit*il ,  de 
ce  jour  vous  êtes  frères  pour  le  travail  et  pour  l'étude ,  pour 
la  peine  et  pour  le  plaisir^  pour  la  gloire  et  pour  le  danger. 
Vous  ne  faites  qu'une  famille  soUdaire  de. celles  qui  vous 
entourent,  et,  dans  quelques  années,  vous  serez  les  sou- 
tiens de  ceux  qui  vous  ont  nourris,  les  exemples  vivants 
de  ceux  qui  viendront  après  vous.  Aux  accents  de  sa  voie 
pénétrante,  répondent  d'unanimes  acclamations.  Qui  donc 
parnA  c^  jeunes  êtres  si  purs ,  si  beaux ,  si  bien  préparés  k 
toutes  les  vertus,  qui  donc  hésiterait  à  promettre  de  suivre 
les  lois  de  la  nature,  d'aimer  de  tout  son  cœur  ceux  avec 
lesquels  il  est  assis  à  la  même  table ,  et  ses  frères  de  toutes 
les  communes  et  de  toutes  les  nations  du  globe;  qui  donc 
hésiterait  k  promettre  de  suivre  avec  ardeur  le  sentier  de  la 
vertu  ?  A  l'allocution  touchante  du  maire,  à  ses  grands  en- 
seignements sur  la  destinée  humaine,  sur  l'union  de 
l'homme  et  de  la  nature,  sur  la  solidarité,  succèdent  des 
hymnes  poétiques  et  la  musique  la  plus  inspirée  du  senti- 
ment religieux.  Ainsi  se  gravent  dans  les  jeunes  cœurs ,  au 
milieu  des  chants  d'amour  et  d'allégresse,  des  oroyances 
pleines  de  tolérance  en  harmonie  avec  la  philosopUe  et  la 
science  la  plus  élevée. 


m  SIIÈCLB.  973 


DB  JU  JBUraS&B. 


Mous  iae  décrirons  point  ici  le»  écoles  su)>érieiiFe6  de  la 
Jeunesse,  de  l'avenir,  ce  que  nous  appelons  anjoard'hui 
les  univenâtés  )  mais  rMoarquons  que  tous  y  ai^yent  avec 
une  ample  provision  de  faits  seientifiques  éi  d'excellentes 
études  élémeiitaires.  -^  Les  langues  étrangères  auront  été 
l'un  des  enseignements  du  premier  âge ,  et  il  aura  eu  lieu 
selon  la  méthode  natorelle.  Remarquons  encore  que  tous 
viennent  aux  grandes  théories  qm  font  les  médecins ,  les 
ingén^urs,  les  chimistes  industriels,  les  chimistes  médi- 
eaui  ou  pbiHrmaciens ,  les  marins,  les  commerçants,  les 
mécaniciens,  les  laboureurs f  etc.,  etc.,  avec  l'expérience 
pratique  des  ateliers  et  les  habitudes  masueUesqui  assurent 
le  succès  des  théories  scientifiques  que  l'on  transporte  du 
calMnet  au  sein  des  usines.  Les  femmes  aussi ,  mêlées  à  ce 
grand  mouvement  comme  professeurs  et  comme  élèves  , 
sont  partout  des  inspiratrices  :  les  chaires  du  haut  ensei- 
gnement ne  leur  sont  plus  fermées.  Déjà  la  France  a  fait 
un  grand  pas  dans  cette  voie  en  réformant  ses  baccalau- 
réats; mais  les  enseignements  d^Àntioohe  auront  une  tout« 
autre  importance;  c'est  là  surtout  qu'est  Tavenir. 


BU  MÀRUkfiB. 


Le  mariage  fait  partie  de  l'éducation  ;  il  est  l'acte  le  plus 
important  de  la  vie  sociale ,  il  la  résume  en  entier. 

^  Pareils  au  marchand  qui  met  en  son  étalage  le  plus 
d'art  posÂble,  pour  arriver  à  son  but  qui  est  de  vendre, 
les  parents ,  de  nos  jours ,  agissent  en  même  sorte 
pour  arriver  à  un  résultat  que  l'on  pourrait  appeler  du 
même  nom  ;  mais  que  Ton  intitule  habituellement  :   le 

41- 


9r4  PHILOSOPHIE 

placement  des  demoiselles.  —  Nous  sortons  d'une  société 
dans  laquelle  l'homme  et  la  terre  étaient  tout  :  aussi  dos 
mœurs  pareilles  à  ces  linges  que  l'on  a  trempés  dans  l'eau 
pour  les  nettoyer,  ruissellent  de  féodalité.  — '  Dites-moi 
pourquoi  uous  n'élevons  pas  nos  filles  pour  elles ,  pourquoi 
nous  ne  développons  peint  les  spécialités  de  leurs  disposi- 
tions naturelles ,  au  lieu  de  couler  toutes  leurs  éducatioi^ 
dans  le  même  moule  de  l'usage?  E»t-il  donc  moins  impor- 
tant pour  une  femme*  de  vivre  qiiie  d*  trouvermarî  ;  et  ne 
pourrions-nous  bous  préoccuper  avaAt  tout  de  ime  de  nos 
enfants  des  êtres  sérieux  et  réfléchis?  Pouiaquoi  aussi  les 
marier  si  jeunes:  reipérienoe  ik'esi^le  pas  tardive,  et  la 
race  rei^roduite  par  deux  jeuiias  gens  encore. délicats  n'a-l- 
elle  point  à  en  souffrir?  Ce  que  nous  ne.  ferions  pas  pour 
nos  animaux  domestiques,  paurquoilejuger  sage  et  ave- 
nant à  la  nature  humaine  ;  il  est  cependant  un  pcnnt  pour 
lequel  nous  acceptons  la  parité,  de  mémo  que  nous  choi- 
sissons rétalon  pour  notre  cavale,  de  même  .aussi  nous  ai- 
mons à  choisir  notre  gendre.  Etrange  erreur  1  est-ce  donc 
pour  eux  ou  pour  nous  que  nous  marioos  nos  enfants  ? 
Cette  coutuilie  toute  féodale,  est  liée  «  nous^it  un  éminent 
écrivain,  M.  Legouvé,  à  cette  autre:  la  noa  intM^eniion 
des  enfflttls  dans  la  rédaction  du  contrat  demariagau  —  Ce 
sont  ks  parents  qui  en  dictent  les  clauses,  lorsqu'Us  ne  de- 
vraient être  que  de  simples  conseils.  —  Notre  Me  est  ma- 
riée, que4fevient-elle3  être  humain,  née  libre,  va-t-elle 
voir  augmenter  sa  liberté  ?  Ici  encore  reparatt  le  passé:  la 
femme  mariée  est  mineure  ;  elle  ne  peut  disposer  de  ses 
propres  biens ,  elle  ne  peut  les  administrer  :  aussi  ^t-elie 
en  quelque  sorte  la  chose  de  l'époux  au  lieu  d'être  son 
égale.  Où  en  serions-nous,  grand  Dieu,  si  les  mœurs 
n'avaient  depuis  longtemps  corrigé  la  loi. 

Ce  n'est  ici  le  lieu  de  passer  en  revue  itoutes  les  dou- 
leurs des  femmes  et  tous  las  droits  qui  leur  sont  lég&lîme- 
ment  dus  :  laissons  le  présent,  la  critique  en- est  trop  aisée, 
d'autant  <|ue  ce  serait  tomber  dans  des  redite»  ;  vojons 
pltttêt  ce  que  nous  pépare  l'avenir. 

La  (NTomiscuité  existe  en  Laponie.  L'hiâtoiie  nous  signale 
la  polygamie  dans  le  nord  de  TAfrique  et  dans  l'Asie  inéri- 


DU  SIÈCLE*  975 

dîonale  depuis  les  temps  les  plus  anciens.  La  monogamie 
est ,  au  contraire,  la  pratique  des  races  dites  Japéthiques  ou 
issues  anciennement  deTArie.  Si  la  pramiscuité  existe  en 
France  et  dans  les  pays  ciyilisés,  dans  la  classe  la  plus  in- 
férieure du  peuple  et  dans  les  plus  hautes  classes  de  la  so- 
ciété ,  cela  tient  aux  conditionsde  notre  vie  «octale ,  et  c'est 
un  fait  exceptionnel  qu'il  iserait  possible  et  même  facile  de 
réfof mer.  La  mis^e  d  une  part ,  l'oisiveté  de  Tautre  ;  voilà 
ses  causer.  Instruits  sur  ta  polarité  morale  de  l'homme , 
nous  croyons eC  pouvons  dire  avec  quelque  certitude,  que 
plus  rhumanîté  s'élèvera  dans  les  phases  de  son  dévelop- 
pement ,  plus  le  mariage  animal  le  cédera  au  mariage  mo-^ 
rai  et  intellectueL  Nos  enfants  ne  seront  pas  seulemertt 
notre  progéniture  diamelle ,  ils  seront  encore  notre  repro- 
duction sebà  le  cerar  et  l'esprit  ^  et  c'est  ainsi  que  le  ^ang 
se  perpétuera  sous  les  trois  aspects  de  la  vie. 

Qu'une  femme  riche,  de  quarante  ans,  achète  un  jeune 
hODMne  à  peine  majeur,  qu'un  homme  de  cinquante  ans , 
achète  une  jeune  fille  de  dix-huit ,  je  vois  là  des  désirs  de 
plaisirs  sensuels  qui  se  satisfont  à  prix  d'argent ,  d'une  fa- 
çon légale,  mais  analogue  à  celle  usitée  dans  nos  maisons 
de  prostitution. 

Ne  me  dites  point  que  le  jeune  homme  est  mobfle ,  qu'il 
a  dessous,  qu'il  désire  le  changement,  qu'il  a  besoin  de 
varier  ses  maltresses  comme  sa  vie  ;  c'est  ufte  erreur.  On 
peut,  par  l'éducation,  transformer  l'adolescent  de  telle 
sorte  qu'il  trouve  le  bonheur  de  son  être,  lé  charme  de  sa 
jeunesse^dans  les  poésies  de  l'amour  platonique;  qu'il  ap-* 
prenne  à  maîtriser  ses  sens ,  à  vouloir  posséder  une  femme 
beaucoup  moins  pour  son  corps  que  pour  son  'cœur  et  son 
esprit.  L'éducation  de  nos  grandes  villes  est  corruptrice  ; 
on  y  a  trop  souvent  sous  les  yeux  des  tableaux  obscènes , 
pour  n'être  pas  conduit  à  une  tolérance  incroyable  pour 
les  mauvaises  mœurs.»  fats  hommes  y  parlent  avec  une  in- 
dicîMe  légèreté ,  même4evant  les  femmes ,  des  plaisirs  que 
l'on  peut  demander  à  des  étrangères,  soit  à  prix  d'argent^ 
soit  de  toute  autre  manière.  Les  petites  villes  et  les  champs 
comprennent,  autrement  la  vie.  Heureux  celui  qui  arrivé  aux 
heures  ardentes  de  l'existence ,  s'asseoit  pur  de  cœur  près 


976  l'HILOSOPHlS 

de  l'objet  aimé.  Heureux  celui  qui  peut  à  vingt  ans  prome- 
ner aux  champs  avec  une  femme  adorée,  respirer  b  par- 
fum des  fleurs,  Tair  embaumé  des  prairies,  fouler  le  sol 
ombragé ,  et  ]k  s'asseoir  avec  eHe ,  sans  penser  qu'il  lai  soit 
permis  de  demander  à  son  amour  autre  chose  qu'un  serre- 
ment de  main ,  qu'une  douce  étreinte ,  qu'un  chasfe  baiser, 
que  la  promesse  d'une  vie  commune,  chassant  loin  de  lui, 
comme  indigne  de  sa  passion  ^  toute  pensée  sensuelle.  Heu- 
reux celui  qui  arrive  au  lit  conju^i  sane  s'être  jamais 
souillé  au  contact  des  prostituées  patentées  ou  clandestines, 
et  qui  n'a  jamais  trouvé  sur  sa  route  quelque  vieiUe  Ara- 
minthe  pour  l'initier  à  des  plaisirs  qui  sont  bien  peu  de 
chose ,  quand  le  cœur  n'est  pas  de  la  partie.  l}n  jour  cet 
homme  sera  grand  dans  la  société;  disciple  de  Pythagore  on 
du  Christ ,  il  aura  pour  sa  patrie  les  élms  de  la  plus  géné- 
reuse vertu ,  du  dévouement  le  plus  absolu.  Hattre  de  lui- 
même,  il  ne  vendra  pas  sa  parole  comme  Mirabeau,  il  ne 
se  souiHera  pas  comme  Danton  par  le  pillage  d'un  garde- 
meuble.  Si  grand  ou  si  humble  qu'il  soit  dans  la  vie  so- 
ciale, il  continuera  dans  le  mariage  Tamonr  platonique  de 
la  jeunesse  et  trouvera  une  seconde  conscience,  xm  com- 
plément de  son  être ,  une  Eve  véritable ,  une  nouvelle  fa- 
culté créatrice  et  volitive ,  dans  cette  épouse  avec  laquelle 
il  se  sera  essayé,  par  le  chaste  amour,  à  la  grande  vie  de 
la  religion ,  du  philosophisme  et  des  arts.  Il  swa  protégé 
par  une  vertu  puissante  contre  les  courtisannes  et  l'orgie , 
et  s'il  doit  un  jour  souffrir  delà  pauvreté,  il  aura  dans  son 
infortune  les  consolations  les  plus  douces  et  les  plus  dé- 
vouées. 

Jeunes  gens,  c'est  un  homme  de  quarante^iuit  ans  qui 
vous  parle ,  c'est  un  médecin ,  c'est  un  confesseur  qui  a  vu 
de  près  l'humanité  ;  eh  bien  !  j'ai  eu  le  bonheur  d'entendre 
un  jour  ces  nobles  paroles ,  adresssées  par  une  femme  ver« 
tueuse  et  pauvre,  k  un  ami  auqml  on  avait  proposé  de 
vendre  sa  conscience  contre  de  l^irgent  et  des  honneurs  : 
«  Je  sais  d*où  tu  viens,  je  devine  ce  qu'on  t'a  offert,  je  ne 
doute  pas  de  ta  réponse.  Sois  prudent  dans  les  actes  exté- 
rieurs de  ta  vie ,  mais  continue  à  marcher  courageus^noit 
et  sans  inquiétude.  Nous  serons  condamnés  i  des  priva- 


BU  SIECLE.  977 

lions  cruelles  dans  le  vêtement  et  la  nourriture  ;  nous  au- 
rons peut-être  même  à  subir  la  misère  ^  mais  du  moins 
nous  ne  cesserons  pas  de  nous  aimer,  et  nous  n'aurons  ja- 
mais à  rougir  de  rien ,  même  d'intimes  pensées  que  nous 
n'oserions  exprimer  tout  haut  l'un  devant  l'autre.  »  Voilà 
l'un  des  types  du  mariage  de  l'avenir.  —  Cette  institution 
est  susceptible  de  progrès,  oomaie  tout  ce  qui  tient  à  notre 
espèce  ;  mais  ce  progrès  ne  s'accomplira  point  dans  la  di- 
rection de  la  liberté  des  amours  et  de  la  mobilité  :  il  se 
liera  nécessairement  au  développement  de  plus  en  plus 
considérable  de  ce  qi»'il  y  a  d'humain  en  nous,  parce  qu'il 
est  dans  les  destinées  de  l'humanHé  de  s'élever  sans  cesse , 
par  des  progrès  nouveaux,  vers  cette  vie  tonte  idéale,  vers 
CQtte  vie  d'intelligence  et  d'amour  qui  doit  utiliser  et  diri- 
ger la  sensation ,  au  lieu  d'être  guidé  par  les  attractions 
purement  matérielles.  Nier  ce  qui  précède,  ce  serait  nier 
que  le  cerveau  des  espèces  animales  s'élève  ccmstamment 
de  la  grenouille  à  l'homme  et  que  chez  Tbomme  H  doive  se 
développer  encore ,  quoique  lentement ,  sous  l'influence  de 
réducation  ;  ce  serait  nier  que  l'éducation  doive  avoir  sur- 
tout pour  but  de  développer,  chez  tous,  les  facultés  intel- 
lectuelles et  morales  ;  ce  serait  mettre  le  rut  au-dessus  de 
l'amour  et  consacrer  l'exploitation  des  femmes. 

Pour  la  plupart  des  époux ,  le  mariage  n'est  que  le  droit 
légal  au  plaisir.  Jeunes  gens  qui  voulez  vivre  heureux ,  sa- 
chez en  faire  autre  chose  :  soyez  défiants  vis-à-vis  cet  amour 
sensuel  dont  le  lit  conjugal  n'est  pas  la  consécration.  Que 
la  volupté  soit  toujours  excitée  par  les  charmes  de  l'épouse, 
par  sa  modestie ,  son  langage ,  et  conquise  par  l'époux  à 
titre  d'amant.  Craignez  l'abus  du  bonheur  ;  ne  confondez 
jamais  ces  deux  choses  si  distinctes,  l'intimité  et  la  familia- 
rité. Où  manquent ,  d'un  côté ,  le  respect  et  la  déférence  ; 
de  l'autre,  l'estime  et  la  réserve,  il  n'y  a  plus,  quelque 
soit  le  caractère  du  Hen  conjugal,  qu'une  prostitution  auto- 
risée en  apparence  et  selon  la  forme ,  par  la  loi  et  la  reli- 
gion ,  mais  condamnée  par  la  eonsci^ce  et  la  vraie  morale. 
Adieu  l'amour,  quand  il  a  perdu  ses  rêves  et  ses  mys- 
tères. 

N'est-cepas  une  faute  grave  que  d'individualiser  les  maria- 


978  PHILOSOPHIB^ 

ges  ?  Pourquoi  ne  pas  réunirle  même  jour)  à  la  même  heure, 
eu  un  même  lieu,  les  jeunes  gens  de  la  même  commune 
qui  se  marient,  en  établissant  pour  ces  solennités  des 
cpoijues  fixes,  de  manière  à  en  faire  des  fêtes  communales? 
Quoi  de  plus  propre  à  répandre  les  pratiques  d*uiie  bien- 
veillance réciproque  ;  et  puis ,  le  mariage  est  acte  sérieux  : 
la  solennité  île  lui  nuirait.  La  réunion  des  jeunes  gens ,  en 
pareille  occasion ,  établirait  entre  eux  une  sorte  de  solda- 
nte pour  la  vie.  La  douce  amitié  créée  par  les  rapports 
d'enfance ,  consacrée  à  l'entrée  dans  l'adolescence  par  les 
plaisirs  de  la  jeunesse ,  se  resserrerait  encore  par  le  ma- 
riage. L'avenir  est  le  fils  du  présent  dont  le  passé  a  été  le 
père,  et  les  dates  sont  pour  beaucoup  dan^  noire  vie.  Les 
souvenirs  ont  un  parfum  que  bien  des  âmes  savent  odorer, 
et  dont  il  convient  de  consacrer  le  culte.  —  Rien  de  plus 
spiritualiste  en  apparence  que  notre  société,  rien  en  réalité 
de  plus  matérialiste  :  nos  mariages  actuels  en  sont  la 
preuve.  Ck)mbien  de  jeunes  personnes  que  les  bijoux ,  les 
parures ,  les  cadeaux  de  noces  préoccupent  beaucoup  plus 
que  le  reste.  —  Il  faut  être  femme  pour  avoir  droit  de  se 
vêtir  en  certaine  manière  :  donc  on  veut  se  marier.  Pour- 

3uoi  associer  l'amour  de  deux  êtres  à  mille  choses  qui  lui 
oivent  rester  étrangères  ?  Mais  je  m'aperçois  qu'au  lieu 
d'exposer  le  mariage  physiologique,  je  m'arrête  à  critiquer 
encore  des  habitudes  auxquelles  il  faut  pardonner,  puis- 
qu'elles doivent  disparaître. 

Dans  l'avenir,  le  mariage. sera  débarrassé  de  tout  cet  at- 
tirail prosaïque  qui  lui  enlève  aujourd'hui  son  recueillement 
et  son  charme  :  point  d'acte  à  dresser ,  point  de  registre  i 
signer,  point  de  témoins  à  présenter.  Le  matériel  sera  ter- 
miné lorsque  les  futurs  époux  viendront  devant  le  chef 
de  la  commune  pour  y  recevoir  la  conisécration  publique 
et  sociale  de  leur  amour. 

-  Les  discours  des  chefs  des  commiiae»  pourront  varier , 
mais  ils  seront ,  quand  au  fond ,  toujours  les  mêmes.  Le 
cœur  n'a  point  de  nombreux  thèmes;  il  n*en  possèdt^ 
qu'une  série  qu'il  diversifie  sans  cesse  par  les  mille  fonces 
données  au  sentiment  qui  l'inspire. 
Le  m^iage  communal  de  l'avenir  sera  surtout  la  cens* 


BU  8IÈCLE.  979 

tataiion  poétique  d'unions  individuelles  préexistantes.  Lors- 
que les  coeurs  s'entendent ,  lorsque  la  religion  de  l'amour 
a  confondu  désirs,  promesses,  espérances,  le  mutuel  con- 
sentement à  une  vie  commune  devient,  aux  yeux  des  âmes 
saintes,  Tessence  de  l'union  conjugale  :  le  reste  n'est  que 
formalité  d'église  et  de  nJairie.  ûu'est-il  besoin  d'ajouttsr 
que  ce  mariage  sera  égalitaire,  qu'il  consacrera  les  droits 
similaires  des  époux,  leurs  attributions  respectives,  leurs 
devoirs  réciproques?  —  Entre  deux  amants,  voyons^nous 
un  mattre  et  une  servante  ?  pourquoi  donc  nos  institutions 
s'occuperaieni*eltes  de  dénaturer  les  lois  éternelles  de 
l'amour  ?  L'hymen  n'a  point  pour  devoir  de  proscrire  la 
tendresse ,  ni  de  créer  la  servitude  de  la  femme  :  il  n'est , 
il  ne  doit  plus  être  que  l'aveu  public  de  sentiments  intimes 
sur  lesquels  on  s'est  suffisamment  interrogé. 

Cette  cérémonie  aura  un  double  caractère  :  l'un  de  pu* 
blicité  et  de  fête  communale ,  l'autre  d'intimité ,  de  tête 
d'amour.  Â  la.  première,  le  chef  de  la  commune  donnera 
le  ton.  Sévère  sans  pruderie,  il  n'oubliera  jamais  qu'entre 
humains,  le  mariage  est  encore  plus  intellectuel  et  moral 
que  physique  ;  il  évitera  aux  jeunes  époux  ^utes  ces  gro- 
tesques plaisanteries,  toutes  ces  aimables  obscénités  dont 
on  les  abreuve  si  souvent ,  tantôt  avec  des  formes  épurées, 
comme  cela  se  passe  au  salon,  tantôt  avec  moins  de  fa- 
çons, comme  nous  faisons  si  souvent  au  village,  où  nous 
croyons,  riches  et  pauvres,  qu'il  ne  faut  farder  la  pensée  , 
mais  bien  la  dire  toute  crue  et  telle  qu  elle  vient  à  l'esprit. 
Au  lieu  d'ennuyer  les  époux  par  des  distractions  qui  ne 
sauraient  les  distraire ,  on  leur  laissera  la  liberté  de  se  re- 
cueillir l'un  dans  l'autre ,  car  à  cette  époque  le  magnétisme 
est  si  puissant  que  Ton  se  peut  aisément  passer  de  la  pa- 
role. Dieu  I  qu'un  serrement  de  main ,  qu'une  douce 
étreinte ,  qu'un  regard  ont  d'éloquence  !  et  que  le  langage 
est  en  arrière  du  geste,  lorsque  l'âme  déborde  en  ses  affec- 
tueuses émotions  ! 

S'il  se  trouvait  au  sein  de  la  commune  deux  ou  trois 
communions  différentes ,  la  fête  communale  ne  contrarie- 
rait en  rien  les  sacrements  individuels  ;  elle  n'en  serait 
qu'une  nouvelle  et  plus  éclatante  consécration,  en  moine 


980  PHILOSOPHfB 

temps  qu'elle  condairait ,  par  la  tolérance  récipfoqae  ,  les 
couples  unis  le  même  jour,  à  cette  véritable  liberté  qui  ne 
veut  couler  au  même  moule  ni  les  choses  matérielles,  ni  k 
plus  forte  raison  les  choses  du  cœur. 

L'esprit  américain  trouvera  dans  nos  solennités  des  nais- 
sances, de  l'adolescence  et  du  mariage,  matière  à  critique  ; 
il  affirmera  que  nous  attentons  à  la  liberté.  Mais  la  vraie 
liberté  ne  doit^elle  pas  s'exercer  au  sein  de  rhiimanité  ; 
n'est-elle  pas  une  dépendance  de  la  solidarité  ?  Je  passe 
donc  outre. 

Je  ne  sache  rien  de  plus  ridicule  que  toutes  ces  diverses 
scènes  du  premier  soir,  dans  lesquelles  les  matrones,  encore 
plus  que  les  mères,  font  étalage  de  sentiment  et  de  sensi- 
blerie. Que  ne  laisser-vous  deux  jeunes  gens  qui  se  con- 
naissent et  qui  s'aiment ,  se  le  prouver  à  leur  manière  avec 
la  tendresse  et  la  réserve  de  leurs  natures  et  de  leur  éduca- 
tion ,  sans  y  mêler  toutes  ces  jongleries  de  notre  civilisa- 
tion dont  personne  n'est  dupe  ;  mais  qui  sont ,  pour  les 
époux,  d'un  poids  si  lourd.  Si  la  mariée  avait  moins  belk 
toilette ,  et  si  le  marié  avait  droit  de  l'assister,  le  bonheur 
de  ces  dignes  jeunes  gens  n'en  serait  amoindri.  Beaux 
cheveux  où  pourront  se  mêler  les  mains,  épingles  jalouses, 
et  vous,  crochets  du  corsage,  soyez  donc,  soyez  les  muets 
témoins  de  leurs  plaisirs  ;  ils  ont  assez  de  modestie  ,  assez 
de  pudeur  l'un  et  l'autre,  pour  amoindrir  le  jour  s'il  en 
était  besoin,  ils  s'aiment,  ils  sont  mariés  :  laissons-les  à 
leurs  tendres  et  voluptueuses  caresses. 

Que  la  conduite  des  parents ,  en  cette  circonstance ,  soit 
encore  l'un  des  moyens  éducateurs  de  cette  philosophie 
qui  veut  arriver  au  double  perfectionnement  de  l'homme 
et  de  la  société. 


DB  Lk  MORT. 


La  fonction  humaine  est  terminée ,  la  vie  prolongée  par 
la  science  va  s'éteindre ,  la  iampç  est  épuisée  :  l'être  qui  a 


BU   SIÈGLB.  981 

vécu  va  subir  ^  loi  générale.  Ici  se  présente  un  moment 
solennel  qui  grandit  selon  les  circonstances  de  toute  l'intel- 
ligence du  malade  et  des  assistants. 

Il  y  a  quelques  mois,  à  peine  qu'une  de  nos  amies  ^ 
mourait,  à  Angers;  elle  nous  avait  demandé  par  le  télé- 
graphe électrique,  et  nous  vinmes  &  son  appel.  Nous  la 
trouvâmes  h  causer  des  révélateurs,  de  Dieu,  du  Christ ,  de 
la  mission  de  l'avenir,  de  Thumanité ,  de  la  mort  et  des 
transformations  qu'elle  nous  révèle.  Néei  protestante  dans 
une  famille  jadis  riche ,  elle  avait  subi  les  épreuves  de  la 
vie  :  sa  jeunesse  avait  connu  les  obligations  impérieuses  du 
travail  et  les  dures  nécessités  que  souvent  il  nous  impose. 
Mariée  plus  tard  à  un  gentilhomme  de  vieille  souche  qui 
avait  cru  non  pas  déroger,  mais  retremper  sa  noblesse  et 
la  conserver  en  travaillant ,  elle  jouissait  alors  d'une  très- 
grande  aisance  et  pouvait  apprécier  en  connaissance  de 
cause  toutes  les  situations  sociales.  Elle  quittait  la  vie  , 
jeune  encore,  et  cependant  lious  ne  saurions  rendre  tout  ce 
que' ses  religieuses  croyances  f  qui  étaient  si  rapprochées 
(les  nôtres  ,  lui  inspirèrent  de  courageuse  résignation ,  d'af- 
fection dans  ses  adieux ,  de  poésie  sublime  dans  les  der- 
nières expansions  de  son  ftme. 

Ce  qui  est  aujourd'hui  une  exception  sera  dans  l'avenir 
la  règle  générale.  Les  dernières  heures  des  jeunes  auront 
souvent  le  chant  du  cygne.  Les  dernières  heures  des  plus 
âgés  seront  sans  douleur  physique  et  morale ,  alors  même 
que  l'intelligence  aurait  survécu  ;  car  telle  est  la  grâce  ac- 
cordée à  la  faiblesse  d'organes  débilités. 

Après  la  mort ,  la  conduite  au  dernier  asile  :  voilà  pour 
la  famille  individuelle.  Mais  la  famille  communale  sentira 
aussi  le  besoin  de  dire  ses  regrets  et  d'exprimer  bien  haut 
cette  grande  pensée  : 

Aimer,  c'est  vivre  ;  être  aimé ,  c'e^r^  vivre  encore. 


FIN. 


TABLE.  983 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Pages 

De  roBarre  oofitemporaine 5  à    10 

Credo  scientifique  da  siècle  (93  prépositions  résumant  la  physiologie  des 

cinq  règnes) 10  32 

De  Tordre  logique  de  ce  livre 93  35 

Ce  qu'il  faut  entendre  par  ces  mots  :  philosophie ,  sagesse ,  Yérité , 

Terttt 35  30 

Dieu 39  35 

Providence 35  38 

La  vie  universelle  et  le  plan  providentiel 38  40 

De  la  destinée  de  l'humanité. : 40  46 

De  la  polarité ,  de  la  solidarité  et  de  la  circulation  dans  l'univers 46  47 

Circulation  et  solidarité;  leurs  moyens  d'actioA. 47  51 

De  la  chaleur,  de  la  hunière ,  de  l'électricité 51  65 

Aurore  polaire 65  68 

De  l'air  atmosphérique  $  ses  propriétés ,  aun  rdle 68  83 

Des  eaux  ;  leurs  propriétés ,  leur  r6le  physiologique 83  98 


Le  Soleil 99  103 

Mercure 103  105 

Vénus 105  106 

La  Terre 106  107 

La  lune 107  110 

Bolides,  étoiles  filantes,  aérolHhes 110  113 

— «ars 113  114 

Planètes  télescopiques ^...  114  115 

Jupiter Ii5  118 

Saturne 118  121 

Uranus 131 

Neptune 121 

Série  planétaire 131  193 

Des  comètes 123  124 

Etoiles  fixes , 124  131 

Formation  du  système  solaire.... 131  138 


98i  TABLE. 

tJtrwM  m.—  »■•  mxtwrmmm»  tamàmAtMM. 

D«  mouvement  et  des  forcet  motrices.  —  MoQvement  de  Tair .  —  Hoove» 
méat  de  Teaii;  forces  gratuites.  —  Des  enimaux.  —  Réactions 
moléoilaires  ;  éoiypile,  etc.  —  Hechiae  de  Papin.  —  Newcomea.  — 
Watt;  son  qmittb.  —  Progrès  de  Watt  à  nous.  —  Unités  diverses. 
-^  Traction  sur  les  diemîiis  de  Ter.  -*  IlSchines  de  navire.  ~  Ana- 
lyse des  progrès  possibles. —  Rotatives  et  chaudières  tuhniaires. — 
Progrès  possibles  sur  le  NfpoUsa.*-^  Machinesè  «ir  cbaud 138  à  154 

Macbines  électro-motrices.  —  IVlégraphie.  —  Horloges  à  galvanisme. — 
Possibilités  du  communalisme.  —  Forces  eiplosives.  —  Imt  «m- 
ploi 1S4      159 

Gomâdérations  technologiques  et  philosophiques  sur  les  corps  les  plas 
usuels.  — Oxigène. —  Hydrogène.—  Asote.—  Ammouaqne.  — 
Soufre.  —  Acides  du  soufre.  —  Chlore,^- Acids  cUorhydriqM.  — 
BrAme  et  iode.—  Fluor.—  Phosphore.—  Arsenic—  Bore.  —  Silî* 
cium.  —  Carbone;  ses  sources  et  usages. —  Acide  carbonique.  — 
Id.  oxalique.—  Hydrocarbures.  —  Cellulose,  bois,  ehifibiis,  papier.  • 

—  Farines  et  amidon  ;  préparation  de  la  fécule  ;  id.  du  pats.  — 
Socre.-*  Alcool,  vins  et  cidres. — Baryum  et  strontium. —  Caldom 
et  sels  de  chaux. —  Magnésium. —  Aluminium  et  sels  d'alumiae; 
pierres  factices,  elc.^—  Potassium  et  sodium  ;  sels  de  potasse  ei  de 
soude. —  Sels  ammoniacaux. —  Manganèse. —  Fer  ;  ses  minerais, 
sa  métallurgie,  ses  usages,  sa  consommation,  ses  divers  sels. — 
Gbrdme. —  Nikel.—  Zincr-  Etain. —  Plomb. —  Bismuth.—  An- 
timoine.-Cuivre.—  Mercure. —  Argent.-*  Daguerréotype,  pho- 
tographie .  —  Or,  galvano-plastie,  platine iS9      491 

Philosophie  de  la  chhnie  ;  des  règles  ou  lois  des  existences  minérales.— 

Introduction 194 

Des  éléments. — Des  molécules  et  des  atâmes. —  Poids  àei  moiéoalos. 

—  Volume  des  molécules;  de  la  Uberté  des  molécules. —  De  Téffs- 
Ilié  chimique. —  Equivalents  en  volume  ;  cause  des  volumes. —  Loi 
des  équivalents. ->  Des  formes  des  cristaux. —  Isomorpbisna.— 
Etat  utriculaire  des  minéraux.—  Langue  de  la  cbmiie  (nomeuda- 
ture^.  —  Isomérisme.  —  Corps  métalliques  ou  basiaues,  n«n-mé- 
tdliquesoo  non-basiques. —  Existe-t-il  trois  chimie,  1  une  minérale, 
Tautre  végétale,  Taulre  animale? — Des  afiinilés.  -^Jfiroupes  ei 

séries  chimiques.  —  Des  faits  de  catalyse , 196      9^9 

De  rétuie  de  la  chimie •. 990      993 

Des  corporations  ;  découvertes  à  faire.  —Sensibles  deReichenbach. —  993 
BA^iJiMB  HMTomitOB  »m  méTOi.iJTM»if«  tto  «LOBB. — Celte 
esquisse  est  une  histoire  des  huit  premières  pénodes  de  la  terre  et 
des  progrès  de  ses  cinq  organes:  rair,  Teau,  les  continents,  la  sub- 
stance végétale  et  la  substance  animale 993      949 

Tremblements  de  terre  et  volcans 949      953 

Fumerolles,  salses,  geysers  et  sources  chaudes 953     9S5 

Filons  métalliques 955     956 

LITAB  IT.  —  »■•  TIBB  TAfiAVAUEB. 

Analyse  des  faits  les  olus  importants  ;  leur  physiologie 996     979 

Des  anomalies  végétales 970     973 

Agriculture;  son  rôle  soctal.  —  Régions  agricoles.  — 'Arrosemcats.— 
Labours  ;  pioche  mécanique.—  Engrais  pour  le  chaulage ;  engrais 


TABLE.  985 

Pftgts. 

hauideft. —  Id.  paWénilents  ;  leur  Talear  relatÎTt.-*  Formate  ^në- 
raie  d^engrais  palvéraleots.  -r  Procédé  oiortaÎA.  —  Guano  arUiieiel. 

—  Gompots  et  fumiers. —  Ce  que  pourrait  faire  une  agriculture  plus 
«▼ante. —  Réfuta'ioo  de  Halthus. —  Progrès  facilement  réolii»ables. 
— Arbres  fruitiers.  —  Marchés  aux  fleurs. —  ludicatioos  à  Toccasion 

dé  la  dimature 986 

Des  montagnes,  page  288. —  Des  plateaux,  des  plaines  et  des  Tallées, 

page  989. --  Culture  de  France .  —  Ce  qu'elle  peut  deTeair 998  è  39S 

I.ITBB  T. —  TIM  AWIHALBfl. 
C^MHBWV  BB  UmnV  VBODVITB  1.BB  ftVMBB  ACTVBLB 995 

Progrès  récents  de  la  science. —  Métamorphoses  des  insectes.—  Des  té- 
tards. —  Des  eDg^èoes.—  Substîtalions  organiaues. —  Influence  de 
]*air  et  de  le  lumière. —  Protée  des  mines  de  Caroiole.— *  Applica- 
tioBS  à  riioame.—  Des-habiludes  des  animaux  et  de  leur  influence. 

—  Les  attractions  transforment  les  organes. —  Magnétisme  terrestre 
des  espèces.  —  Transformations  d'espèces  et  même  de  genres  de 
l'ordre  végétaL —  Hypothèses. —  De  la  génération  chez  les  animaux. 
—Parallèle  de  la  génération  spontanée  et  de  la  fécondation.  — Pré- 
visions  « 995      347 

De  la  polarité  animale 317      318 

•■«AB^oéBéBiB . — Période  embryonaire .  —  Transmissions  bérédilai- 
res. — L'homme  forme  une  association  d'organes  dont  chacun  a  subi 
une  série  de  perfectionnements. —  Parallèle  des  phases  géolojgiques 
et  des  phases  embryologiques  sur  le  développement  des  organismes. 

—  De  la  formation  du  cœur. —  De  -la  formation  des  autres  organes  ; 
parallèle  de  Girandais  en^re  Tembryologie  du  mouton  et'  celle  du 

f>ombyx  du  mûrier  ou  ver  à  soie 318      39d 

KiiB«Y«i.«ciB. —  Les  deux  cellules  primitives  de  Serres. — Des  trois 
feuillets  de  chaque  cellule.—- Première  phase  du  développement. — 
Deuxième  phase. <—  Troisième  phase. —  Loi  d'équilibration. —  Ap- 
plications a  l'homme 399      337 

»BB  ■•BBTmvoBiTéB.-*  Wînslow  etLemery. — Etude  disidore  Str 
Hilaire  ;  ses  cinq  clauses  d'anomalies. —  Des  nains. —  Des  géants. 

—  Ghan^ment  de  position  des  organes. —  Pied  bot;  réunions  des 
parties  similaires.  —  Rotule  au  bras. —  Division  de  la  langue  ejt 
du  nez,  etc.,  etc. —  Iaver»ion  viscérale.—  Hermaphrodisme,  para- 
sites, omphalosites,  otosites ^ . .    337      353 

DB  LA  ••MBBTiGATi«ii  des  espèccs  snifflales  —  De  la  création  d'es- 
pèces et  de  variétés  nouvelles.  — Dès  races  humaines  doiveot-ellee 

encore  disparattre  ? ^... 359      36< 

BkB  CBBTmBB  D'év«i.iJTi«i«  dss  ospèces  animales  et  principalement 

des  races  humaines ,.,...  p 366 

Introduction , i 366      368 

Australie % .366      379 

Océanie .' 379      374 

Madagascar , 375      976 

Afrique  du  Sud 377      380 

Afrique  du  Nord 380      387 

Amériques  du  Nord  et  du  Sud 387      é09 

Asie  occidentale  ou  européenne v 409 

Asie  orientale  ou  chinoise •....  409      405 

A«  e  byperboréenne .' 405 


986  TàBLB. 

Résumé  et  oondasioD « 4115  à  Itt 

Progrès  tiuloiiiiqQes  et  pIiysioIogt<iae&  nécesaeiffss 4M     409 

»B  ■.'■•HMB.  —  FoDdioa de  rbaBanité.  —  ]>e  rbu>MBité 410 

■«■0  0BV0.— tiénëralités 4iO      4ll 

Dtt  toucher  ;  ses  ueils ,  t^oa  sié^e  et  sa  nature  chez  les  suimaux.  —  Il  a'y 

a  qu'un  sens. —  Idéal  des  jouissances  du  loucher 414      417 

Du  go6t  ;  son  organe  ches  les  divers  animaux  ;  du  goût  selon  les  âçes. 

—  Influence  de  l'éducation.  —  Régime  végétai.  —  Vue  paolhéiilt- 

que  de  r Allemagne.  —  Idéal  du  goût. 417      4^ 

0e  l'odorat  dans  la  série  animale  ;  essence  des  odeurs. —  Doutes  de  Boer- 
have.r-  Odeurs  et  parfums. —  Progrès  de  Todorat  ;  idéal  de  Podo- 
rat. —  £xi8le-t-il  une  série  pour  les  odeurs  comme  poui  les  sons? 

est-elle  soumise  aux  lois  de  la  géométrie  V T    431      425 

De  Touie. 'Des  parties  diverses  de  ToreUle.  ^  Du  pavillon  :  de  sa 
forme  chez  les  aveugles-nés;  de  leur  lacullé  auditive.  — Parties 
diverses  et  foloctions  de  roreMle  interne.  — Finesse  de  fouie  eC 
justesse  de  Toreille.  —  Facnltés  cérébro-intellectuelles  qui  jugent 
des  sons.  —  Durée  des  impressions  des  sons.  —  Education  de 
l'ouie.  —  La  musique;  quatrième  partie  de  la  trélrede  sacrée  de 

Taotiquité 495      4^ 

de  la  vision  chez  les  animaux. —  Nos  doutes  — Errenrs  sur  la  cornée 
des  poissons.  -*-  Muscle  noteur  do  cristallin  des  poissons.  —  (Eit 
des  reptiles,  csil  des  oiseaux,  oeil  des  mammifères.  —  Do  lapis; 
faits  nouveaux.—  Tolume  de  rcsil. —  De  Tœil  humain.—  Cornée. 

—  Humeur  aqueuse.—  Iris  :  son  absence  congénitale. —  Cristallin. 
Cataractes. —  Chirurgie  oculaire.  —-Cristallin  double.  —  On  peut 
bien  voir  et  être  myope  sans  cristallin  .>-  Humeur  vitrée  ;  sa  liquidité 
maladive. —  Visions  d'auréoles  colorées.  —  Gboroide.  —  Comment 
se  fait  la  vision,  page  436. —  Persistanoe  et  durée  des  impressions, 
I>age  4  \7 .r—  Images  accidentelles,  page  137.  -^  De  la  vision  dis- 
tincte à  diverses  distance,  pages  437  et  438.  —  Achromatisme  de 
de  l'oBil  ;  angle  visuel  ;  renversemeni  de  l'image  ;  unité  de  sen»- 
tioo,  page  438. —  Aptitude  à  bien  voir;  aptitude  à  apprécier  les 
grandeurs  et  les  distances;  id.  À  juger  les  lurmes;  id.  à  juger  les 
couleurs.  —Conséquences  en  éùucation.  --^  Conséquences  mo- 
rales. —  De  l'aochromateupsie !..... 441      443 

L'oiûeet  la  vision,  page  433.— Idéal 444      445 

•V  0«MiiBii. 445      449 

Mm.BT,  v«ix ,  rAmoLB  et  lahsabb 449 

Instruments  du  son,  pages  449  à  45).-^  Instrument  vocal  de  Tbomme, 
pages  45â  et  453.  — Voix,  pages  453  et  454.  —  Parole,  pages 
454  à  4bO.^  Physiologie  du  langage,  page  46d. —  Le  mot, 
page  460.—  Etapes  de  l'histoire,  page  461 .  —  Des  mânes-,  page 
462.  — Dict'iouôetres,  page  4HS.-— Formeliondes-mots,-page  463. 

—  Racines  et  dérivés,  radicaux,  analyses  de  mots,  pa^  464  à  466. 

—  Permutation  de  consonnes,  page  466.  —  Terminaisons,  page 

467. —  Mots  adjeeti£i,  page  468. —  Langue  savante  universeUe. . .     470      474 
BOTmiTioB,  BéYBLerrBaBBT,  ooBBBmTATi«Bdei.'mBBiMB.     474      481 

»B0  rSlBCIPAi  PBYBI«LOCllf|VBB  00»  1.BB91JBI.B  BB^mAIBirT 

KBroBBm    li'éBiFCAnBii   Bv  liB   BTBTàaiB    riartTBii- 

TiAXBB 481     ai 


TAUB.  987 

Tafcs. 
BB  i.'iiivsi.i.ioBiics  ■WAm •• 485 

Faeoltés  pbfsiqoes  ou  anuules,  bcdités  iotelUetMUes ,  ùenïlH  ho- 
iDiiiDes  ott  lociables,  page  486.  —  Arrdls  de  dérelopMfDeBt.  — 
Absence,  page  487 —  Prioeipales  toqchea  du  piano  cérébral  dans 
ses  Irois  octaves,  pages  487  à  489.  —  Gomment  rhomme  est 
homme,  pages  488  à  491  .^  Localisation,  page  493. «  Instioets  et 
propensions,  pensée,  sensation,  images  dagnerriennes  au  cerreau, 
pages  493  &  493 . —  Étude  physiologique  dos  idées  et  des  tendances, 
pages  493  et  494.  —  Le  cerveau  est  une  assemblée  délibérante  de 
facalléx,  page  494.  —  VMonté,  désir,  ragret,  pages  494  è  496.— 
Esquisse  graphique  de  la  poUrilé  cérébrale,  page  496.  —  Expli- 
cation de  régolsme,  pages  497  et  498.  •—  L'homme  rertueui,  page 
498.'—  La  vertu  et  ravenir 499 

•s  1.A  PLOmALITà  DM  •SOAlfBS  l]iVBUJBVllBi«* 500  ft    501 

DOCrmiNB  nu  cali. 50i 

Bistioclion  entra  ta  phrénologie  et  la  cranioseopie  ;  des  vingt-sept  organes 
de  Gall  ;  divisun  de  Spurzbeim  ;  goûl,  énergie,  passion,  manie  ;  les 
cinq  classes  des  hommes  ;  jeunesse  de  Gall  ;  découvertes  à  faire  par 
Tanatomie 501      507 

»■•  MOVSTmVOMTM  HMIALBB 509        511 

•B  LA  KOBALB 511         5t3 

Phénomènes  anormaux  du  svstème  nerv^x  chez  les  extatiques  et  les  sen- 
sibles  • 517 

De  l'extase 517 

Extatiques  naturels. .  v 521 . 

De  l'extase  chex  les  premiers  chrétiens 523 

De  l'extase  chez  les  gnostiques 534 

Possédés,  sorciers,  magideDs 530 

Ljcanthropes * % « 533 

l)es  roses-croix. 535 

Trembleure  des  Cérennes 536 

Convultionnair^is  de  St-Médaid 537 

Des  swedemborgistes 539 

Magnétisme  animal ,  oracles. 545      551 

Des  tables  tournantes  et  fatidiques 551 

Sensitifs  de  Reichei^ach 553      555 

Esquisses  physiologiques  et  psycologiqoes  sur  lliumaine  nature  en  ses 
différents  Ages  et  selon  les  diflérences  des  tempéremments  et  des 

sexes * k 555      573 

Périodes  de  la  vie,  page  556  :  enfance,  pege  557  ;  puberté,  page  559  ; 
ftge  mûr,  page  558  ;  vieillesse,  page  559  ;  tastretion,  page  559. — 
Rapports  des  formes  corporelles  et  des  prédispositions,  page  560. — 
Tempéraments  ;  quatre  hypothèses,  pages  560  et  561.  —  Des  sai- 
sons de  l'année  et  des  tempéraments,  page  563.  —  Portraiture  de 

l'homme,  pages  563  à  565. —  Portraiture  de  la  femme ,  665      573 

BflQViaSB  9V  BévBiiOrrBBtBBT  BB  L*BOKABIT< 573 

Introduction 573 

Ce  que  c'est  que  l'histoire. —  Ce  n'est  ni  la  légende,  ni  la  chronique. — 
Etude  des  deux  facteure:  nature  et  éducation.  —  Ce  qu'il  faut  enten- 
dre par  ces  mots:  civitisaiion  et  réfélation. —  Des  époques  organi- 
ques et  des  époques  criticpies.—  Analogies  des  phases  de  l'humanité 

rudmentain 573      575 

Période  anté-historiqne.-^Premien  souvenirs  traditionnels,  conservés  par 

lesllaçkas 575      577 


988  TABLB. 

Période  anté-chréliaone , S77 

Gomment,  à  la  manière  des  géomètres,  les  histonena  penfcal  reaeiiler 
des  dêrirées  aui  fonctions  primitif  es,  page  577. —  AUntioD  i«doae. 
—  Ailuvion  xend.~  Eipréssion  panthéistiqQe  de  la  nature  de  l'Inde, 
page  578.^  L*œuf  du  monde,  1  hermaphrodisme  divin  et  la  liimlé.  578  i  57S 
Chronique  de  Kachmir,  paga  579.—  Des  Yédas,  des  lois  de  ManM  et 
des  épopées,  pages  579  et  580.—  Bouddhisme,  page  580. —  Litté- 
rature indoue  et  architecture,  pages  580  à  583. —  Religian,  pages 
583  a  584 .  —  Le  monde  moderne  est  le  fils  de  TAsie  pour  la  seitnee 
et  la  morale,  page  584.—  Castes,  travailleurs^  f 


nations  dans  1  Inde,  pages  585  et  586 .  —  Espnt  de  l'Inde 597 

De  TArie  comparée  avec  rlnde  pour  sa  natum,  ses  monirs  at  son  esprit. 
-—  De  la  civilisation  de  ZoroasUa  et  de  son  inflveaoa  à  trtfers  les 
âges 587     5» 

Egypte;  résumé  de  sa  chronologie,  qui  est  positive  depuis  Taa  5^7 
avant  l'ère  chrétienne  jusqu'à  cette  ère,  pages  589  à  592. -~*  GoOh' 
merce  science  et  religion  « , ; 59S     593 

labylone  ^  ses  légendes,  se  chronologie.—  GulU  du  dieu  Bai  et  du  Saint- 
Esprit. —  Noov«sUe  iradttçt^oa  de  la  Bible  pour  le  légende  de  le  loor 
de  Babel . —  Organisation  de  la  prostitution 593     59( 

'Philosophie  de  l'Inde  et  bouddhisme.  —  Ame  humaine;  ses  aspects.  — 
Vie  des  astres.  —  Huitième  incarnation  du  verbe  divin  seus  le  nom 
de  Christna. —  Union  en  Dieu.  —  Des  huit  devoirs. —  Horale  et 
charité  des  pLilosophes  indiens. —  Légende  de  Bouddha,  la  veu- 
vième  incarnation  du  verbe  divin .  —  Klaproth  ;  son  opinion ,    596     W 

Chine;  aperçu  général. —  Chronologie «...     601     (03 

Etrusc|ues  ;  origine,  langue,  archiieclure.  arts,  position  des  femmes,  di- 

Tinités, calendrier, religion, administration,  décadence...........    603     (M 

Civilisation,  origine,  caractère,  inbus,  la|igues,  religion,  système  astror 
nomique,  ressemblances  avec  les  Sémitiques,  culte  de  Beli  doetripe 
des  transformations,  peines  et  récompenses,  circulation  des  Ames 
chez  les  Gaulois. — Hiigardan,  chronologie  anté-chrétienne,  oofionéle 
parCésar .7 .TT...    606     «3 

Civilisation  juive  ;  ses  sept  périodes.  --  Première  période:  patriarcbatet  • 
poligamie.—  Deuxième  :  captivité  d*£gypte.  —Troisième:  Hoise; 
son  rôle,  sa  législation. — Quatrième  :  commune  juive,  les  juges. — 
Cinquième  :  Saùl,  Ddvid  et  Salomon  ;  ils  élèvent  la  Judée  au  niveau 
des  autres  pays  civilisés. — Sixième  :  œuvré  des  prophètes. —  Sep- 
tième :  les  pharisiens  deviennent  prépondérants;  mouvement  dn  pre- 
mier siècle  avant  notre  ère , .  • 613     II' 

Civilisation  grecque;  son  lieu  géographioue.  —  Histoire  sommaire.  — 
Orphée.  —  Escuîape.  —  Guerre  de  Troie.  —  Zamaliis,  Lycurgne,  ' 
Solon,  Thaïes,  Pyihagorcj  sa  doctrine.—  Siècle  de  Périciès,  Aspe- 
sic,  Socraie,  Platon  et  autres. —  Aristote. —  Alexandre;  son  œuvre. 
Sciences  mathématiques . — Physiologie .  —  Chirurgie .  —  Commerce. 
— Philosophie .  —  Analyse  du  stoîcism i  et  de  Tépicuiisme •    619     6ân 

Civilisation  romaine,  page  616  ;  sa  légende. —  Numa. —  Idéal  des  Rn^ 
mains. —  Architecture. —  Organisation  politique.—  Feules  de 
Rome.  —  La  vie  romaine  offre  cinq  pénodes;  état  social  de  la  pre* 
fflière .  —  Deuxième  pério  <e .  —  Troisième  période . — Les  Gracaoes  s 
leur  politique  élevée,  lenr  habileté.  —  Le  peuple  de  Rome  trahit  là 
civilisation.  —  Marins  et  Scylla  ;  caractère  de  leur  lutte,  -r  La  véf 
rite  sur  Calilina.  —  César  ;  sa  nature  et  si  grande  politique.  — 
Octave;  ses  fautes 696     w 


TABLE.  989 

Pages. 
Des  Germaios;  leur  lien  géographique,  leur  nature,  leurs  cbanU  de 
guerre. —  Langue,  clergé,  femmes,  enrants,  famille,  propriété,  fer- 
mage, commune  ebex  ces  peuples  ;  erreurs  de  Gmoi 640  à  G  i3 

GîTiltsation  chrétienne  :  troisième  période 643 

Mélange  des  doctrines.—  Les  révélateurs.  —  Appollonius  de  Thyane; 
sa  sainteté,  ses  voyages,  ses  enseignements,  ses  miracles,  sa  compa- 
rution ches  Domitien,  sas  prophéties,  sa  mort,  sa  réapparition. — 
Dosithée  ;  sa  doeirioe. —  Simon  le  magicien  5  sa  doctrine.  —  Philon 
le  iuif  ;  sa  doctrine. —  ûainlus  Sextus  :  sa  règle  de  vie.— Séoèque. 
—-Les  Esséniensefc  leur» croyances.— Le  Christ  ^  grandeur  de  sa  vie 
de  prédication.  —  La  Samaritaine.  —  La  sermon  sur  la  montagne . 
^-Extraits  d'aneicis  évangiles  conservés  par  Grabius  ;  comment  il 
fantles  jnger.-^La  féoime  adultère. —  Le  Samaritain. —  lésus 
lave  les  pieds  de  ses  disciples  f  il  communie  avec  eui .  —  Hésnrrec- 
tion  chréuenne.  —  Christ  résume  sa  doctrine  ;  il  Feiplique  à  nou- 
veau ;  il  nie  la  mort.  •—  Grandeur  du  drame  intime  dn  jardin  des 
Oliviers.  — PreBiier  concile*  r~  Deuxième  oondle.  —  Troisième 
concile.  •—  (Suvre  et  earectère  àes  trois  premiers  conciles.  —  Saint 
lean  ;  sa  mission. —  Saint  Marc  et  le  christianisme  &  Alexandrie.  — 
Saint  Paul  et  sa  doctrine.  —  Erreur  du  socialisme  chrétsen  ;  il  est 
trop  communiste .  —  Sectes  chrétiennes .  —  Christianisme  et  boud- 
dhisme.—  Organisation  catholique ^ $43      66i 

AgrkuUnre,  industries,  commerce  et  sciences  aux  deux  premiers  siècles 

de  notre  ère #....^..> , 66i 

Animaux  domestiques,  arboriculture,  culture  alternée,  charrue,  engrais, 
panification,  vins,  commerce,  produits  chimiques,  toxicologie,  ma- 
nuijBCtures  et  mines.  —  Alexandrie,  Ptolémée,  Celse,.  Archigène 
d*Apamée,  Arétée  de Gappadoce  et  autres. — Golien  ;  sa  doctrine.  -^ 
Pline  et  son  œavre.  —  Aqueducs  de  Rome,  ponts,  routeSy  po^s, 

aiberges  des  voies  romaines» ..w. ».....»• 661      669 

Littérature,  beaux-«rts,  éducation.  ^ 669      6/3 

Accroissement  et  décadence  de  l'empire  romain 673 

Bas  deAx  moyens  de  gouvernement. —  Provinces.  —  Cités.  — Pagus. — 
Intérêts  des  empereurs.  -^  Fautes  d* Auguste  ;  sa  politique ,  ses 
conquêtes. — Tibère. -—Marobodous.  —  Germanicus.  —  Armiuius. 
Galigula,  Claude  et  Néron  ;  leur  politique.  ~  Politique  de  bascule. 
— Les  empereurs  multiplient  les  fonctionnaires  et  créent  la  féodalité. 
-*  Misères  des  contribuables,  selon  Laclance  et  Salvieo.  —  DéCen- 
seurs  des  cités. -^  Origine  des  tribunaux  ecclésiastiques.^ Impuis- 
sanci  du  pouvoir  èrépiimer  la  féodalité.  — Origine  des  Bagaudes; 
lexir  caractère^  leurs  luttes.^ Concessions  trop  tardives  d^onorius. 

<— Le  clergé  adopte  les  Francs 673      689 

EB|Mre  méroviûgîen . . .  V ^ ^ 689 

Wailia.—  Emigration  bretonne. -^  Alilla.  —  Mort  d*Aétius. —  Odoacre 
suprime  l'empire.  —  Glovis^  sa  politique;  il  se  sert  de  Tadminis- 
tration  romaine  et  perd  sa  djnastie, —  Origine  du  pouvoir  des 
comtes. —  Gentilshommes. —  Vereeplion  de  l'impôt.  —  Chilpénc  et 
Fffédégonde.  —  Brunehaud.  ->  Abaissement  de  la  royauté.  —  Ce 

qu'elle  eut  dû  faire 689      692» 

Triomphe  de  la  féoJalité ^. ............'.. 695      696 

Eléments  du  commuoalisme ^ 696'     697 

Evénements  religieux.  —  Concile  de  Ricée.^  Pélasge.^Nestorius..-^ 
Eutychès*—  Fauste  de  Lério.—  Concile  d'Orléans.—  Election  des- 
érêques .  —  Leurs  empiétements .  -^  Eneuc  de  GuiiOt 697     704 

42 


SdO  TABLE. 

Pages. 

Arts,  sciences,  industries  aux  siècles  dé  Berbsrie 7IK  à  7M 

Epidémie  du  YI*  siècle 703      704 

D«  l'islamisme.  —  Terres  sociales,  eharilé,  costume,  esdayage,  polyga> 
mie,  missionnaires  chei  les  musalmans. —  Légende  dellahomet. — 
Conquêtes  ded  musulmans .  —  Schismes .  —  Ecoles .  —  Astronomie . 

—  MaUiémaliques.->  Géologie. —  Gbimie.  — Médecine  et  chirur- 
gie.—  Trafaui  publics  et  commerce '. 704      713 

De  rœurre  de  Cbarlemagne 713      71€ 

Comments'estéleutrempire  d'Orient *. .     716     719 

iaovBir-A«K.—  Cinq  groupes  de  faits 719 

kvéïTBMBiiTS  msLittiBirx.  —  Les  cinq  actes  du  drame  de  la  pa- 
pauté.—  f*  Hérésies  de  Gaodulfo  et  de  Béranger. —  â*  Hildebrand 
et  les  Croisades.  —  3*  Abeilard,  Arnaud  deBresdd,  doctrine  des 
albigeois,  persécutions,  faudois,  béguins,  béguines,  etc.,  fb^ellaolSy 
Hugo  deSainl-Tictor.  —  4*  Wicleff,  Jean  Hus,  Jérôme  dePmgse. 

—  5*  Luther,  le  caslel,  ses  phases  .....' 

éMAiecirATi«iK  •■•  AOTVKiBM. — Henri  VOiseleor.  —  Chartes  ; 

leur  caractère.  —  Frédéric  d'Allemagne,  Louis  de  Thuringc,  Henri 
le  Lion.  —  Communisme  communal,  page  73S.  —  Magistrats  mu- 
nicipaux, page  73?.  —  Situation  des  bourgeois.  -^  Situation  de  la 
femme,  pog«733. —  Delà  paternité»— Des  manants,  page  734.  — 
lk)orgeoisie  de  corps  ou  de  filles.  -—  Emancipation  des  paysans, 
page  735. —  Organisation  de  la  puissance  législatire,  page  736. — 
Les  bourgeois  aux  Etats.'—  UouTement  ellemond.  ^^  Hanse  teuto- 
nique  et  confédération  suisse,  page  737.  —  Mourement  itafieo. — 

Politique  de  Philippe  le  Bel 737 

pmocniMi  db  i.'BflPiuT  ■VHAiii ,  page  738.  —  IX*,  X*,  XI*,  XII* 
XIU*  siècle.5,  page  739.—  Prix  des  denrées,  XIV«  siècle,  page  740. 

—  Intérêt  de  l'argent,  laines,  draps,  toiles,  commerce,  charbon  de 
terre,  lettres  de  change,  glaces  de  Venise,  papier,  boussole,  écoles 
de  dessin,  Toulouse^  Paris,  les  troubadours,  Le  Dante  et  rimitalion. 

—  XV  siècle 742 

Quatrième  période  ;  ère  scientifique 74i 

Premiers  efforts  de  l'imprimerie.  —  Guttenberg.  —  Faust,  page  743. — 

Diffusion  de  l'imprimerie.— Premiers  U?res  scicntitiques.—  Persé- 
cutions, page  744.  —  Les  Aide.  —  Imprimerie  en  Espagne|j>age 
745.  —  En  France.  —  Henri  Etienne,  page  745.  —  Louis  W,  — 
François  !•*  persécute  cruellement  l'imprimerie. —  Roberi  Etienne, 
:  pag;  747.  —  Etienne  Dolet  est  brûlé  rif.  —  Pendaison  de  Martin 
l'Homme.— Les  Elietires 749 

■ociéTSfl  flATAiiTBS ,  page  749.  —  Académie  des  secrets  ;  id.  plato- 
nique.—  Société  des  secrets  de  la  nature.  —  Soci'ié  de  Rome. — 
Académie  del  cimento.—  Réunion  d'Oifort.  —  Socif^té  royale  de 
Londres  et  transactions  philosophiques.  —  Le  père  Mersène.  — 
Tbévenot. —  Académie  française.-  Id.  des  sciences.—  Id.  en  Es- 
pagne, des  curieux  de  h  nature . — Id.  en  Allemagne,  page  751 . — 
Journal  des  sarants.  —  M.  Denis.  —  M.  de  Blegny.  —  Bayle. — 
Actes  des  érudits  de  Léipiic 75C 

i.ittéiiati;rb  *  bt  raiLCMormiB ,  page  752.  —  Traductions  el 
imitations  au  XVI*  siècle.  —  Œuvres  des  femmes.  — Shakespeare, 
page  753.  — Pomponace,  Machiavel,  Çrasme,  Paracelse,  Jordaous, 
pige  754.  —  Bacon,  Rabelais,  Charron,  page  755.  —  Montaigne, 
Etienne  de  la  Béolie,  page  756.  —  Agrippa,  Jean-Louis  Vives,  Las 
Cdses,  lea  déistes,  Andre  Cesalpia,  Bernard  Palissy 757 


TABLE.  991 

Pages. 

XVII*  siècle. •—  Eauméralioo  de  ses  écriTaim,  pago  7S7.  --Part  d.:s 
famines,  Oage  757.  — LiVtéralure  sërieiise,  page  758.  —  Hôtel 
Rambouillet,  page  759. —  Mercure  de  France,  pag«  760. — Thomas 
Morus.—  Les  ipolioisles.  —  Hobbea,  page  761 .  — <vrolius,  €am- 
panella,  Gassendi,  Descartes.  — Les  quakers,  page  76S. —  Roger 
WîHiam,  fondateur  des  baptîstes.  — Pascal,  Arnaud,  KicoUe,  Spi- 
nosa 763 

XVHI*  siècle,  page  764 .  —  Les  salons,  Técole  de  Sceau,  leCareau . — 
Femmes  éminentes.—  Morelly,  page  766.  — Mably,  Thomas  Bur- 
net,  Leibnilx,  Boerbare,  Stabl,  Fréret,  page  767. —  Abbé  de  Saint- 
Pierre,  Yaufenar^eSf  de  la  Mëtrie,  rencyelopédie  de  Diderot,  page 
768.  —  Cœnomie  politique,  page  769.  —  D'Holbach,  HeWétius, 
Buffon,  Gondillac,  Franklin,  Smith,  £ant,  Dupont  de  Nemours,  Ro- 
bertsoo,  etc.,  page  769.  —  Montesquieu,  page  769.  -  Voltaire, 
page  770.— llonsseau  ;  ses  erreurs 770 

MOVFBMBiiT  mdWMTwrwQim^  page  771 .  —  Gopernic,  Rheticus,  Ti- 
cho  Brahé,  Kœpler,  page  772. — Gnomonique, page  772.—  Mathé- 
matbioues,  MauroUcus,  Ramuset  son  procès.  — L'archeyèque  de 
Gandaile. —  Algèbre,  Lucas  de  Burgo,  Tartalea,  Jérôme  Cardan, 
Louis  Ferrari,  Bombelli,  Viéte 775 

.Cartes  marines,  Mercator,  loxodromie,  page  774.  —  Galilée.  —  Loga- 
rithmes, page  775.  — Pascal,  Descartes,  Fermât,  Torriceui, 
Huyghens,  Cassini,  page  776.  —  Grands  traraux  des  savants  an- 
glais, page  776. —  Newton,  page  776.  —  Progrès  de  Tanahfse, 
page  777.— Progrès  de  1715  4  1796,  page  778.— Création  d'une 
littérature  seientitique,  page  778.—  Tendances  actuelles 779 

CHIHW,  KI]léKAI.«OIB,  CI^OI.«OtK 779         781 

PHT0IOL«aiB  VB0  âTKBB  OmOAllIséfl,  Alf  ATOKIB,  Br^DBCIlVBi 

GBisumoiB .*. 781 

XVI*  siècle 781      784 

XVII*  siècle. — ^Hanrey  et  sa  circulation,  transfusion  du  sang,  microscopie, 
circulation  des  petits  vaisseaux,  respiration,  découvertes  analomi- 
ques,  pages  784  et  785. —  Les  sens,  la  génération,  réparation  des 
organes,  animalcules  "spermatiques,  médecine,  thérapeutique,  Yan- 
Helmon,  pages  785  et  786. —  Sylviuf,  Boerhave,  Témétique,  po- 
lypes d'eau  douce,  sourds  et  muets,  étude  de  la  parole,  page  7s6. 
—  Jardin  des  Plantes,  page  786 .  —  Tremblay,  Buffon,  Yenel,  Hel- 
▼ëtius,  De  Haller,  Bourgelat,  académie  de  Philadelphie^  Daubenlon, 
Lavater,  Linnée.  Valerius,  Werner. —  Mesmer. —  Adanson  et  Jus- 
sieu.  —  Unité  aes  poids  et  mesures,  pages  787  et  788.  —  Méde- 
cine, page  788.—  Chirurgie  ;  ses  progrès  aux  XVII*  et  XVIII*  siè- 
cles, pages  788  et  789. —  Littérature  physiologique 789 

H^VTBMBIIT    BOCIAL     BV      P«LIT1||VB    DB     l'AbB    «GlBKTl- 

vi^VB 790 

Situation  des  diverses  classes  au  XYI*  siècle,  les  riches,  les  ouvriers, 
voyaçes  des  rois,  cours,  enlants  et  femmes,  usurpations  royales, 
population,  transactions  commerciales,  corporations,  taxes,  beaux- 
arts,  musique,  communes  rurales,  société  du  Pauvre-Conrad,  les 
ditmarses,*  mouvement  féodal  d'Espagne,  mouvement  communal, 
pages  790  à  795.—  François  i^  et  Charles-Quint,  page  795.— La 
réforme,  page  795. —  Luther  À  Woms.—  La  charte  des  paysans, 
page  797  ;  Zingli,  Munster,  page  798  ;  Calvin,  la  sainte  Ligue,  page 
796  ;  mouvement  commercial,  page  800  ;  Mexicains  et  Péruviens. .    801 

XVII*  sièale.  —  Guerre  de  trente  ans,  page  801  ;  traité  de  Yestphalie, 


092  TABLE. 

?if«i. 
lentatires  ripnblIcaiBes,  iSsuitM,  page  MS  ;  progrès  de  la  raynté, 
page  804  ;  féyokiUoDs  orilaDDi^iieSy  page  8Ô6  j  FlHmsUers,  éni- 
frratioiis,  pave  806  ;  Penajlfanie 801 

XVni*  siècle.  —  Pah  d'Dtreeht,  page  807;  Rmsie  ;  sêi  progite,  page 
807  ;  progrès  de  la  Presse,  page  809  ^  AiMriche,  809  ;  seeond  çer- 
tage  dis  la  Polope,  page  8iu  ^  Amënque  de  Neni  :  sa  révoluliOD, 
page  81  ij  éimgrés  prolestaots  de  Franee,  819  ;  LeiUB  XY,  page 
•  814  ;  Loeis  XTl,  page  816 }  milles,  depâe  des  Ttyages,  seotirneB- 
talisme  politiqae,  page  815;  4  mai,  page  816  ;  la  femme  oubliée, 
page  817  ;  nuit  da  4  août,  |»age  817  ;  développeiMols  de  la  RéTeln- 
tion,  sagesse  et  fiiates,  pages  818  à  823  ;  procès  de  roi,  page  8^; 
Giroodins,  page  894  ;  Uireeteire 8iS 

\1\*  siècle. —  Srreor  de  Napoléon,  erreur  des  fiourboBS,  pages  897  et 
828  ;  retour  de  Tlle  <rElbe,  page  899  ;  réaclioD  royaliste,  page 
8S0;  fautes  deslibëraui,  page  831  ;  Louis  XYIII,  Oharks  X,  mi- 
Dislère  Martignac,  page  833^  Louis-Philippe  et  ûs  fautes  de  soe 
règne;  mouTement  puloeophique ,  réformateurs,  les  sainta-simo- 
nieos  et  les  fouriéristes 834 

Suint-Siraon  en  1797,  pege  834  ;  en  1809,  page  837  :  Saint-Simon  en 
1819, 1891, 1893  et  1894,  pan  838  ;  sa  mort,  (Hnide  Rodrigues, 
le  Producteur,  page  839  ;  Enfantin ,  page  840  ;  grandes  lagons 
d'histoire,  par  Bezard,  écrites  par  Canot,  pages  849  à  848  ;  pîtt- 
seurs  et  écriraios  sainis-simoniens,  page  848  ;  communisme  sàeik- 
titique  et  théocratique  d'Enfantin,  pages  849  et  890  ;  morale  d*En- 
faniîD,  page  850  ;  schisme  saint-simonien,  page  851  ;  Mîdiel  Gbe> 
voilier,  page  856  ;  roToe  encyclopédique,  page  857  ;  encydopédift 
nouTelle,  page  857  ;  fouriérisme,  page  857  ;  erreurs,  ^raâdkise  ei 
sioffulanté  du  roman  de  Fourier,  pages  857  à  867  ;  set  idées  indus- 
trielles, pages  867  è  870  ;  de  la  commune  sociétaira,  nages  870  k 
874  ;  erreurs  morales,  page  875  ;  Comte,  page  875  ;  Lamennais  et 
Bâchez,  pages  875  et  876  ;  la  lutte  du  fouriérisme  et  du  saint -siiMO- 
nisme  existe  incomprise  au  sein  des  nations;  formule  de  M.  de 
Girardin,  page  876  ;  fouriéristes  les  plus  éminents,  page  876:  in- 
tluence  du  mouvement  philosophique (rançais;  Louis  Blanc,  Proudhon, 
Girardin,  paçe  878  ;  importance  de  ce  mouvement,  page  879;  les 
marnes  questions  aux  Etats-Unis,  page  879;  esprit  du  peele  fédéral, 
page  880  ;  Confédération  européenne ,  page  881  ;  logique  des 
fdits,  page  883  ;  erreurs  accréditées  sur  les  Etats-Cnis  depuis  Da 
Mdistre  jusqu'à  Guizot,  page  883;  lutte  des  partis.;  leur «orrespon- 
ciance  philosophique  ,  pages  884  et  885  ;  Hannlloo ,  page  885  ;  • 
John  Adams,  jMge  887  ;  la  démocratie  arrive  au  pouvoir  par  Jeifer- 
bOQ,  page  887  ;  guerres,  développement  de  la  corruption  gouverne- 
mentale, banques  aristocratiques,  page  888:  Jackson,  page  889$ 
Van-Buren,  page  891  ;  Hérisson,  page  891  ;  John  Tyler,  page  891  ; 
Polck,  page  891;  Taylor,  page  899;  Franck  Pieree,  page  899; 
lo  lutte  nest  que  transformée,  page  899;  exemples  donnés  par 
r Union,  page  893;  interrogations  que  la  véritable  hisloiro  doit 
alresser  aux  révolutions  européennes  qui  ont  eu  lieu  depuis  1848.    895 

xiTHs  Tii.  —  cQncusmfvm. 

Similitudes  de  Thomme  et  de  l'humanité 895     ^ 

Kmhryologie  sociale,  pages  899  à  909;  commune  physiologique,  pages 

903  à  907  ;  naissance  et  développement  de  l'humanité <  •    907    J*' 


TABLE.  993 

lA  «cmrcB  MW  MM  mommm  m'vnm  cmicii.iavmx  vmvBm- 

•BUA *. 917 

OpisioB  d*Origèiie,  fMge  919  ;  id.  de  HaDOu,paffe  919  f  opinion  du  plus 
docte  des  labbios,  pego  91d  |  opinion  de  TEgyple,  de  Pythagore, 
des  druides,  page  9S0  j  •opinioo  du  pape  SylTestre,  page  930  ^  opi- 
nion des  mabométans  instruits   * 921 


MB  LA  lÀœtéÊUkxmwat  mmi^'imm  BcmiTin^ra 922 

^to^fmit  entendre  philosophiquement  par  la  littératore.  paee9Sâ{ 

les  neuf  grandes  littéralurts,  page  922^  tiuératnre  de  llnde,  page 

S23;  tittéraiure  bouddhiste,  page  924^  littérature  chinoise,  page 

924:  littérature  grecque,- page  935;  littérature  juiTe,  page 937; 

'  '  ^'KMaMlre  Tomaioe,  page  938  ;  littérature  chrétienne,  page  939: 

•        littérature  musulmane,  page  980;  XYI*,  SYQ"  et  IVlA*  siècles, 

page  931  :  de  89  à  1850,  page  931  ;  littératures  nationales,  pag» 

^  ^  1^33^  histrf>ire,  page  933;  ayénement  littéraire  des  IraTailleurs,  page 

953  ;  ayénement  des  femmes,  page  934  ;  mouvement  aboUtioniste, 

page  935  ;  femmes  américaines,  page  936  ;  mouTement  doctrinaire, 

page  iÊ%  ;  mooTemenl  philosophjque  de  rAllemagne  ;  Xant,'  Fichle, 

ëigeliO;  Schlegel,  Hardenberg,  Helderl'm,  Leasing,  Schelling, 
egel  et  son  éoole,  page  941  ;  supériorité  et  défaut  du  mouvement 
allemand,  page  943;  Fuerbach  et  Strauss,  paee  943  ;  Rooge  et  le 
catholicisme  allemand,  page  943  ;  coramnne  libre,  page  943  ;  mu- 
sique, page  944  ;  Uhlaiid  et  Cbamisso  de  Bonceurt,  page  944  ;  les 
Bauer,Rug8,H8n,  BoBme,  Ewerbeeek,  etc.,  page  945;  les  femmes 
et  leur  influence,  page  946;  éducation ^  Marie  mllebrend;  son  éu- 
blissement,  ses  enseignemMits,  sa  philosophie,  page  946  à  951  ; 
collège  de  demoiselles  de  Brème,  page  951  ;  id.  de  Londres,  page 
951  ;  établissement  deLowell,  pagB  951  ;  famille  Lowell,  page  953  ; 
oolléges  des  Etats-Unis,  page  953;  Roger  William  et  les  baptistes, 
page  953;  collège  d'Antioche,  page  954;  caractère  de  la  charité  et 
de  la  tolérance  américaine,  page  957  ;  erreurs  des  jésuites,  page 

957  ;  la  Bible  de  Tère  scientifiqu(e 959 

»■  ^'àmvcATfn 959 

De  reDregistrement  des  enfants,  pa^  960;  fête  communale  des  nais- 
sances, page  961  s  son  explication 963 

De  Téducation  des  enfants  nouveaux-nés,  page  963  ;  des  habitations, 

nage  964  ;  éducation  par  les  sens 964 

»B  LBDVCATiBB  de sopt  à  quinzo  ans • 966 

Pèle  communale;  lùstoire  légendaire  de  rhumanité  avec  musique  et  dio- 

rama • 969 

Fête  des  adolescents 971 

•B  LA  JBDBBBBB « 973 

VU  BiA«lA«B 975 

Esprit  du  Mariage 975 

Fôte  communale  des  mariés 978 

nu  LA  liBBB « 981 


ERRATA. 


Pa 


25,  au  lieu  de  livrera  ,   lisez  livrons. 


71, 

— 

XIX' ,        — 

XIV'. 

145, 

— 

vertébré,      — 

HAHMIFÈRE 

147, 

— 

175,5,        — 

75,5. 

255, 

— 

ri  H',     — 

VII". 

796, 

— 

Calvin,       — 

DcLcm. 

805, 

CkarlesIV,  — 

Charles  II 

Nota.  —  Pendant  l'impression  de  ce  livre ,  nous  avons 
eu  occasion  de  voir  une  portion  du  sternum  du  grand 
oiseau  fossile  de  Madagascar,  et  cette  pièce  nous  a  paru 
donner  entièrement  rais(Hi  à  Topinion  de  M.  Geoffroy  Saint- 
Hilaire  contre  les  traditions  du  pays. 


Nanlea ,  laprimerie  W.  Busseuii. 


■ 

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